Chapitre 2 - Page de Jérôme Gärtner

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Chapitre 2 - Page de Jérôme Gärtner
ECS1B Carnot
Chapitre 2
2013/2014
Chapitre 2 : Raisonnement par récurrence,
manipulation de sommes.
Objectifs :
– Écrire proprement un raisonnement par récurrence (simple, double...)
– Manipuler les symboles Σ et Π sans erreur ceci viendra petit à petit au cours de
l’année.
– En particulier savoir sommer des (in)égalités.
1
Récurrence
1.1
Principe
Lorsque l’on doit montrer une propriété Pn qui dépend d’un paramètre entier n, il est
très souvent utile de raisonner par récurrence. Pour cela, on utilise le principe de récurrence
suivant :
Proposition 1.1.1 (Principe de récurrence)
Soit à prouver une propriété Pn pour tout n ∈ N. Si
– Initialisation : P0 est vraie.
– Hérédité : Pour tout n ∈ N, l’implication (Pn vraie ⇒ Pn+1 vraie) est vraie.
Alors pour tout n ∈ N, Pn est vraie.
Cette proposition peut se prouver à l’aide de propriétés de N, ce qu’on verra plus tard.
Remarque. L’erreur la plus courante se situe au niveau de l’hérédité. Il est nécessaire de
fixer n quelconque avant de montrer l’implication. Il est hors de question de voir sur une
copie une phrase du type « Supposons que pour tout n, Pn est vraie, montrons Pn+1 . »
Après une telle hypothèse il n’y a en effet plus rien à montrer !
En pratique, donnons un exemple de bonne rédaction :
Exemple. Montrons que pour tout n ∈ N,
n
P
k=
k=0
– Initialisation : On a bien
0
P
k=0=
k=0
n(n + 1)
.
2
0×1
.
2
– Hérédité : Soit n ∈ N quelconque.
– Supposons (hypothèse de récurrence) que
n
P
k=0
n+1
P
(n + 1)(n + 2)
k=
.
2
k=0
n
n+1
P
P
k + (n + 1).
k=
– On a
k=0
k =
n(n + 1)
. Montrons que
2
k=0
n
P
n(n + 1)
.
2
k=0
n+1
P
n(n + 1)
n(n + 1) + 2(n + 1)
– Ainsi
k=
+ (n + 1) =
.
2
2
k=0
n+1
P
(n + 1)(n + 2)
k=
.
– Ce qui donne, après factorisation par (n + 1) l’égalité
2
k=0
– D’après l’hypothèse de récurrence,
J. Gärtner.
1
k=
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Chapitre 2
– Conclusion : On a montré par récurrence que pour tout n,
2013/2014
n
P
k=
k=0
n(n + 1)
.
2
Bien entendu il est possible que la propriété à montrer ne soit vérifiée qu’à partir d’un
certain rang n0 . Dans ce cas, on utilise le principe de récurrence « modifié »
Proposition 1.1.2 (Principe de récurrence « modifié »)
Soit à prouver une propriété Pn pour tout n > n0 . Si
– Initialisation : Pn0 est vraie.
– Hérédité : Pour tout n > n0 , l’implication (Pn vraie ⇒ Pn+1 vraie) est vraie.
Alors pour tout n > n0 , Pn est vraie.
On peut parfois avoir besoin de raisonner « en descente » :
Proposition 1.1.3 (Principe de récurrence « descendente »)
Soit à prouver une propriété Pn pour tout n ∈ ßntn0N , où N ∈ N∗ . Si
– Initialisation : PN est vraie.
– Hérédité : Pour tout n ∈ [[ 1 ; N ]], l’implication (Pn vraie ⇒ Pn−1 vraie) est
vraie.
Alors pour tout n ∈ [[ 0 ; N ]], Pn est vraie.
1.2
Aures types de récurrence
Il arrive parfois que la propriété Pn à montrer dépende de plusieurs rangs antérieurs
(Pn−1 , Pn−2 ...). On peut alors utiliser une récurrence double (voir multiple). Donnons un
exemple :
Exemple. Soit (un )n∈N la suite définie par u0 = 0, u1 = −2 et pour tout n ∈ N, un+2 =
3un+1 − 2un . Montrons pour tout n ∈ N la propriété Pn : un = 2 − 2n+1 . Pour cela,
procédons par récurrence double.
– Initialisation : On a bien u0 = 0 = 2 − 20+1 et u1 = −2 = 2 − 21+1 . Les propriétés
P0 et P1 sont vraies.
– Hérédité : Soit n ∈ N. Supposons que un = 2 − 2n+1 et un+1 = 2 − 2n+2 , i.e. Pn et
Pn+1 . Montrons que un+2 = 2 − 2n+3 .
On a un+2 = 3un+1 − 2un = 3(2 − 2n+2 ) − 2(2 − 2n+1 ) = 6 − 3 × 2n+2 − 4 + 2n+2 =
2 − 2 × 2n+2 = 2 − 2n+3 .
– Conclusion : On a montré par récurrence double que pour tout n ∈ N, un = 2−2n+1 .
Donnons le principe en clair :
Proposition 1.2.1 (Principe de récurrence double)
Soit à prouver une propriété Pn pour tout n ∈ N. Si
– Initialisation : P0 et P1 sont vraies.
– Hérédité : Pour tout n ∈ N, l’implication
((Pn vraie ET Pn+1 vraie) ⇒ Pn+2 vraie)
est vraie.
Alors pour tout n ∈ N, Pn est vraie.
Il est aussi possible d’utiliser un principe de récurrence forte, lorsque l’on a besoin, pour
montrer Pn de toutes les propriétés P0 , . . . , Pn−1 .
Exemple. Soit (un )n∈N définie par u0 = 1, et pour tout n ∈ N, un+2 = un+1 + un + . . . u0 .
Montrons par récurrence forte que pour tout n ∈ N, un > 0.
J. Gärtner.
2
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2013/2014
– Initialisation : Par hypothèse, u0 = 1 > 0.
– Hérédité : Soit n ∈ N. Supposons que pour tout k ∈ [[ 0 ; n ]], uk > 0. Montrons que
n
P
uk . Par hypothèse de récurrence, tous les
un+1 > 0. On a par définition un+1 =
k=0
termes de cette somme sont strictement positif. Ainsi un+1 > 0
– Conclusion : On a montré par récurrence forte que pour tout n, un > 0.
Et voici la proposition sur laquelle s’appuie cet exemple :
Proposition 1.2.2 (Principe de récurrence forte)
Soit à prouver une propriété Pn pour tout n ∈ N. Si
– Initialisation : P0 est vraie.
– Hérédité : Pour tout n ∈ N, l’implication
((∀k ∈ [[ 0 ; n ]] Pk vraie) ⇒ Pn+1 vraie)
est vraie.
Alors pour tout n ∈ N, Pn est vraie.
2
Manipulation de sommes
2.1
Sommes simples
Encore une technique à bien maitriser dès le début d’année : la manipulation des
sommes.
Définition 2.1.1 (Signe Σ)
Soit (un )n∈N une suite de nombres réels (ou complexes). Soit m, n ∈ N avec m 6 n. On
n
P
uk la somme um + um+1 + · · · + un .
note
k=m
n
P
1 = n − m + 1. Plus généralement, si I est un ensemble fini
En particulier
k=m
P
ui la somme des ui où i parcourt l’ensemble I.
d’indices, on note
i∈IP
En particulier i∈I 1 = card(I).
P
Attention Soit
n ∈ N∗ fixés. Dans l’expression nk=1 xk l’entier k est dit «P
muet ».
Pn x ∈ kR etP
C’est-à-dire k=1 x = nl=1 xl . Il ne faut surtout pas croire que l’expression nk=1 xk
définit k. Il ne peut pas être défini puisqu’il varie entre 1 et n !
Exemple.
1. On a 1 + 2 + 3 + · · · + n =
n
P
k=
k=1
2. On a 5 + 6 + 7 + · · · + 2n + 1 =
2n+1
P
P
k
k∈[[ 1 ; n ]]
k.
k=5
3. On a 2 + 4 + 6 + · · · + 2n =
n
P
(2k) =
k=1
P
(2k) =
k∈[[ 1 ; n ]]
P
ℓ.
ℓ∈[[ 1 ; 2n ]]
ℓ pair
Pour manipuler les sommes, il est souvent utile de les écrire explicitement. On peut de
plus utiliser les techniques suivantes :
– Linéarité : Si α, β ∈ C, (un )n et (vn )n sont des suites réelles, alors
n
X
(αuk + βvk ) = α
k=m
J. Gärtner.
n
X
k=m
3
uk + β
n
X
k=m
vk .
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Exemple.
Chapitre 2
n
X
(2k + 1) = 2
k=1
n
X
k+
k=1
n
X
2013/2014
1=2×
k=1
n(n + 1)
+n
2
– Ensembles disjoints (relation de Chasles) : Si 0 6 p < n
n
X
ui =
p
X
ui +
ui
i=p+1
i=0
i=0
n
X
Si I et J sont des ensembles d’indices disjoints, i.e. I ∩ J = ∅, alors
X
ui =
i∈I∪J
X
ui +
i∈I
X
uj .
j∈J
Exemple. Soit 1 6 m 6 n
n
X
k=
k=m
n
X
k−
k=1
m−1
X
k=
k=0
n(n + 1) m(m − 1)
−
2
2
– Changement d’indice : qui consiste en la renumérotation des termes sommés. Il est
fortement conseillé de toujours vérifier un changement d’indice à l’aide du premier
et du dernier terme.
n
P
i−1
Exemple. Donnons trois expressions différentes de la somme
, suivant la vo2
i=2 (i + 1)
lonté de simplifier le numérateur ou le dénominateur.
n−1
n+1
n
X
Xk−2
X
j
i−1
=
=
2
2
(i + 1)
(j + 2)
k2
j=1
i=2
Ici le premier terme est toujours
k=3
1
n−1
et le dernier
. Plus généralement :
32
(n + 1)2
n−1
n+1
n
X
X k−2
X
j
i−1
=
=
(i + 1)2
(j + 2)2
k2
j=m−1
i=m
k=m+1
– Télescoper : c’est-à-dire reconnaître une somme du type
somme se simplifie :
n
P
(vk+1 − vk ). Une telle
k=m
n
X
(vk+1 − vk ) = vn+1 − vm .
k=m
pour s’en convaincre, il suffit d’écrire les termes explicitement :
n
X
(vk+1 − vk ) = (vm+1 − vm ) + (vm+2 − vm+1 ) + · · · + (vn − vn−1 ) + (vn+1 − vn ).
k=m
Ou de faire le changement de variable adéquat :
n
P
(vk+1 −vk ) =
k=m
n+1
P
k=m+1
J. Gärtner.
vk −
n
P
vk = vn+1 − vm .
k=m
4
n
P
k=m
vk+1 −
n
P
k=m
vk =
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Chapitre 2
Exemple. Calculons la somme
n
P
2013/2014
1
. On remarque 1 que 1 = k + 1 − k. Ainsi
k(k
+
1)
k=1
n
X
n
X (k + 1) − k
1
=
k(k + 1)
k(k + 1)
k=1
k=1
n
X
1
1
=
−
k k+1
k=1
=1−
1
n+1
– Sommer des (in)égalités : Soit f et g deux fonctions définies sur R telles que
∀k ∈ [[ 1 ; n ]] , f (k) 6 g(k)
Alors (on utilises TOUTES les inégalités précédentes)
n
X
f (k) 6
k=1
n
X
g(k)
k=1
Exemple. On a pour tout x ∈ R+ ln(1 + x) 6 x. Donc
n
X
ln(1 + k) 6
k=1
Remarque. On a a priori
n
P
n
X
k=
k=1
uk vk 6=
k=1
n
P
k=1
n(n + 1)
2
n
P
vk . On pourra s’en convaincre en
uk ×
k=1
prenant u1 = · · · = un = 1 et v1 = · · · = vn = 1.
Pour obtenir des calculs exacts, il est nécessaire de changer d’indice : ici
!
!
!
!
n
n
n
n
X
X
X
X
X
uk ×
vk =
uk ×
vl =
uk vl
k=1
k=1
k=1
l=1
16k,l6n
Et nous voila confrontés à des sommes doubles.
2.2
Cas des sommes doubles :
La munipulation des sommes doubles n’est pas essentielle. Il est pourtant bon savoir
intervertir des sommes.
Donnons directement la
Proposition 2.2.1
Soit (ui,j )i,j une famille de nombres réels (ou complexes) indexée par [[ 1 ; n ]] × [[ 1 ; n ]].
On a les égalités :
n
n
n P
n P
P
P
P
ui,j
ui,j =
1.
ui,j =
16i,j6n
2.
P
ui,j =
P
ui,j =
16i6j6n
3.
16i<j6n
j=1 i=1
i=1 j=1
n
n P
P
ui,j =
i=1 j=i
n−1
P
n
P
i=1 j=i+1
j
n P
P
ui,j
j=1 i=1
ui,j =
n j−1
P
P
ui,j
j=2 i=1
1. les cas plus compliqués que vous rencontrerez seront souvent donnés par l’énoncé
J. Gärtner.
5
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Chapitre 2
2013/2014
Démonstration : En effet, la première série égalités provient du fait que le veut sommer tous
les termes du tableau :
i\j
1
...
n
1
u1,1 . . . u1,n
..
..
.
.
n
un,1
...
un,n
Pour cela, on peut décider de sommer d’abord chaque ligne (
n
P
ui,j ), puis de prendre la
j=1
somme des résultats (
n P
n
P
ui,j ), ou bien de sommer d’abord par colonne (
n P
n
P
ui,j .
ui,j ) pour
i=1
i=1 j=1
obtenir
n
P
j=1 i=1
La deuxième série d’égalités est différente car on ne somme plus qu’un demi-tableau :
i\j
1
2
..
.
1
2
u1,1
u1,2
u2,2
...
...
...
..
.
n
n
u1,n
u2,n
..
.
un,n
Les termes présents dans la ligne i sont les ui,i , ui,i+1 . . . , ui,n . Leur somme est
n
P
ui,j .
j=i
Ainsi
P
ui,j =
n P
n
P
ui,j .
i=1 j=i
16i6j6n
Les termes présents dans la colonne j sont les u1,j , u2,j , . . . , uj,j . Leur somme est
j
P
i=1
ce qui montre que
P
ui,j =
j
n P
P
ui,j .
j=1 i=1
16i6j6n
La dernière série provient du même tableau, auquel on a retiré la diagonale :
i\j
1
2
..
.
1
2
u1,2
3
u1,3
u2,3
...
...
...
..
.
n−1
n
Exemple. Calculons
n
P
i=0
n
P
un−1,n
i
.
k=i k + 1
n
n X
X
i=0 k=i
n
k
XX i
i
=
k+1
k+1
=
k=0 i=0
n
X
k=0
=
=
n
X
1
k+1
k=0
n
X
1
2
6
k
X
i=0
!
i
1 k(k + 1)
k+1
2
k
k=0
= n(n + 1)
J. Gärtner.
n
u1,n
u2,n
..
.
ui,j ,
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2.3
Chapitre 2
2013/2014
Sommes à connaître par cœur
Voici une liste de résultats (au programme !) à connaître, très utiles en particulier pour
les exercices de probabilités que vous aurez à traiter cette année. Tous ces résultats peuvent
se montrer par récurrence.
n
P
k=
k=1
n
P
n(n + 1)(2n + 1)
n2 (n + 1)2
k3 =
6
4
k=1
k=1

si q = 1
 n+1
n
P
k
n+1
q =
1−q

si q 6= 1
k=0
1−q
n
P
n(n + 1)
2
k2 =
Attention aux premiers termes ! on a si 0 6 m 6 n
si x 6= 1
2.4
Pn
k
m
k=m x = x
Pn
k−m = xm
k=m x
Pn−m
l=0
Pn
k=m k
xl = xm
=
(m + n)(n − m + 1)
et
2
1 − xn−m
.
1−x
Produit
n
De manière analogue, on note
Π
k=m
uk le produit um × · · · × un des uk . Ses propriétés
sont analogues à celles du signe Σ : le principe est toujours, en cas de doute, d’écrire le
produit sous forme explicite.
Définition 2.4.1
Soit n ∈ N, on appelle factorielle de n le nombre entier n! défini par 0! = 1 et si n > 0
n! = 1 × 2 × · · · × n =
n
Y
k
k=1
Remarque. On a 0! = 1 et (n + 1)! = (n + 1) × n!.
Q
Q
Q
Par exemple on a si n > 1 nk=1 2k = ni=1 2 × nj=1 j = 2n n! (on rappelle que n! est
définie par 0! = 1 et n! = 1 × 2 × · · · × n).
Q
un+1
uk+1
=
.
Les produits peuvent aussi se télescoper : on a nk=1
uk
u1
Exercice. Essayez de les montrer :
n
α n
n
α
α
Π vk .
= Π uk
1. Π uk vk
k=1
n
2.
k=1
k=1
n
n
j
Π ui,j .
Π ui,j = j=1
Π i=1
Π ui,j = i=1
Π j=i
16i6j6n
Enfin, les changements d’indices fonctionnent de la même manière.
J. Gärtner.
7