040211Autoroute Bresil Chine
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Brève Vigie, 4 février 2011 Le super-port d’Açu ou l’autoroute Chine-Brésil Au Brésil, dans l’État de Rio-de-Janeiro, le super-port d’Açu est encore en chantier. Il devrait entrer en activité en 2012 et devenir l’un des plus grands ports du monde. D’ores et déjà surnommée l’autoroute brésilienne vers la Chine, le complexe industrialo-portuaire doit essentiellement faciliter l’exportation des ressources minières et des hydrocarbures dont la Chine a besoin pour soutenir sa croissance. Les investissements chinois permettent en retour au Brésil, nouveau géant pétrolier, de financer la mise en valeur des fabuleux gisements off shore récemment découverts au large de Rio de Janeiro. Au Brésil, à São João da Barra, au nord de l’État de Rio de Janeiro, un gigantesque chantier a commencé en octobre 2007. Il doit donner naissance au Superporto do Açu, qui devrait être inauguré en 2012. Le super-port d’Açu est un projet de la société LXX (www.llx.com.br), une branche du groupe EBX (www.ebx.com.br), le conglomérat dirigé par le milliardaire brésilien Eike Batista. Avec un montant d’investissements annoncé de 2,5 milliards de dollars US, le super-port est destiné à devenir le plus grand complexe industrialo-portuaire d’Amérique latine. Une fois achevé, il figurera également parmi les plus grands ports du monde. Conçu d’après le principe du « tout en un » (one stop shop), le port est couplé avec une zone industrielle de 90 km2 qui sera dotée de toutes les infrastructures nécessaires à la production, au traitement, au stockage et au transport des matériaux tels que l’acier, le minerai de fer, le pétrole… ainsi que des services liés au règlement des procédures douanières. Selon les caractéristiques annoncées, le terminal portuaire disposera de 10 quais destinés à l’accueil des navires, dont quatre spécialisés dans le chargement du minerai de fer, deux dans le traitement des produits pétroliers, un réservé au charbon et trois à la filière acier. Il sera en mesure de recevoir les énormes vraquiers minéraliers (Very Large Ore Carrier), dits Chinamax, d’une capacité de 400 000 tpl (tonnes de port en lourd) 1. Le super-port d’Açu est d’ores et déjà surnommé « l’autoroute brésilienne vers la Chine ». Le 16 avril 2010, le chantier a reçu la visite d’une délégation d’une centaine d’hommes d’affaires chinois, emmenée par Jiang Yaoping, vice-ministre chinois du Commerce extérieur. La veille, Eike Batista concluait un accord de partenariat stratégique avec Wuhan Iron and Steel (Wisco, www.wisco.com.cn), troisième plus gros producteur d’acier chinois, qui entérinait la construction dans le super-port d’une aciérie d’une capacité annuelle de cinq millions de tonnes et dont les parts seront détenues à 30 % par EBX et à 70 % par Wisco 2. En 2009, devançant les États-Unis, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil. La valeur des échanges bilatéraux atteignait 36 milliards de dollars US, soit un triplement en valeur au cours des cinq années précédentes. La valeur des exportations brésiliennes à destination de la Chine s’élevait à 21 milliards de dollars US, soit 12,5 % du montant total de ses exportations (contre 2 % en 2000). © Futuribles, Système Vigie, 4 février 2011 1 Destination des exportations brésiliennes (2009) Source : BRIOZZO Sebastian et MUKHERJI Joydeep. How Important Is Trade With China To Brazil’s Economy? Standard & Poor’s, novembre 2010, voir : www.standardandpoors.com.ar Concernant la structure des exportations, le Brésil exporte essentiellement vers la Chine des produits bruts, en particulier du minerai de fer et du soja. Les produits manufacturés (chaussures, textiles, équipements) constituent la quasi-intégralité des exportations chinoises vers le Brésil. Structure des exportations du Brésil à destination de la Chine (2009) Source : Ibidem. © Futuribles, Système Vigie, 4 février 2011 2 L’enjeu énergétique joue un rôle significatif dans le développement de la relation entre la Chine et le Brésil. En mai 2009, lors de la visite d’État en Chine du président brésilien Lula da Silva, un accord était signé sur un crédit de 10 de milliards de dollars US accordé par la Banque de développement de Chine à la compagnie brésilienne Pétrobras, pour financer les investissements nécessaires à l’exploration des gisements sous-marins. En échange, Pétrobras garantissait des livraisons de brut à la compagnie chinoise Sinopec, avec des volumes d’exportation de 150 000 barils par jour la première année (2009) puis de 200 000 barils par jour pendant les neuf années suivantes (2010-2019) 3. Les acteurs chinois multiplient par ailleurs les prises de participation dans l’exploitation des gisements brésiliens. En mai 2010, Sinochem a acquis pour 3,1 millions de dollars US une participation de 40 % dans le gisement off shore de Peregrino (bassin du Campos) 4. En octobre 2010, Sinopec, premier raffineur chinois, et l’espagnol Repsol annonçaient la formation d’une coentreprise pour l’exploitation des gisements brésiliens de Guara et Carioca (bassin du Campos) 5. La découverte récente de très importants gisements off shore a permis au Brésil, après avoir atteint l’autosuffisance pétrolière en 2006, de devenir exportateur net en septembre 2009 6. Petrobras a annoncé son intention d’investir 224 milliards de dollars US d’ici 2014 afin de faire du Brésil l’un des grands pays exportateurs de pétrole en exploitant des gisements off shore situés dans les eaux très profondes de l’océan Atlantique, sous la couche saline. Les investissements chinois dans le super-port d’Açu entrent enfin dans une stratégie qui vise à se prémunir contre une tendance croissante au protectionnisme au niveau mondial. L’exemple de Wisco est à cet égard éclairant, dans un contexte où les exportateurs d’acier chinois sont confrontés à des difficultés croissantes aux États-Unis, en raison de la multiplication des mesures anti-dumping 7. Sources : SKALMUSKY Amy. « Superporto do Açu in Northern Rio State ». The Rio Times, 21 décembre 2010, site Internet : http://riotimesonline.com/brazil-news/riobusiness/superporto-do-acu-in-northern-rio-state/ ; WHEATLEY Jonathan. « China and Brazil: A One-stop Shop for Food and Industrial Commodities ». The Financial Times, 14 novembre 2010 ; BRIOZZO Sebastian et MUKHERJI Joydeep. How Important Is Trade With China To Brazil’s Economy? Standard & Poor’s, novembre 2010, site Internet : www.standardandpoors.com.ar ; PHILIPS Tom. « Brazil’s Huge New Port Highlights China’s Drive Into South America ». The Guardian, 15 septembre 2010 ; MOURA Fabiola. « Batista Seeking $50 Billion Means Hu Brazil Visit May Benefit LLX Holders ». Bloomberg, 13 avril 2010. Yann Vinh 1 Voir BARRIAUX Marianne. « Bigger Ships to Take Ore to China ». The Guardian, 18 juin 2007. 2 « Chinese Vice-minister Visits Açu Superport and Compliments Cooperation between Brazil and China », 16 avril 2010, site Internet : www.llx.com.br 3 Voir « Petrobras to increase oil exports to China ». Xinhua, 20 mai 2009, www.chinadaily.com.cn ; « Chine - Brésil : Deux pays émergents vers un nouvel ordre mondial ? ». Radio 86.com, 20 mai 2009. Disponible sur : http://fr.radio86.com/ 4 « Sinochem to Become 40% Partner of Statoil in Peregrino Oil Field in Brazil ». Sinochem, 22 mai 2010, www.sinochem.com 5 Repsol. Communiqué de presse, 1er octobre 2010, www.repsol.com/es_en/corporacion/prensa/notas-de-prensa/ultimas-notas/01102010Repsol-brasilsinopec.aspx © Futuribles, Système Vigie, 4 février 2011 3 6 MOUTINHO DOS SANTOS Edmilson. Brésil, l’éveil d’un nouveau géant pétrolier dans l’Atlantique sud. Paris : Sciences-Po / CERI, septembre 2010. 7 MU Xuequan. « Experts Urge Chinese Steelmakers to Build Plants Abroad to Avoid Trade Barriers ». Xinhua, 12 mai 2010, http://www.xinhuanet.com/english2010/ © Futuribles, Système Vigie, 4 février 2011 4