Texte en PDF - Foyer des Dents du Midi

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Texte en PDF - Foyer des Dents du Midi
MESSE TV DE L’ASCENSION
Martigny / Eglise du Bourg
le 25 mai 2006 / 11h
HOMÉLIE DE L’ABBÉ JEAN-RENÉ FRACHEBOUD
Les pieds sur terre,
Du ciel dans les yeux
Et de l’infini dans le cœur !
Mieux qu’un slogan publicitaire, chers frères et sœurs, je vois dans cet énoncé comme
un merveilleux raccourci de ce qu’est l’aventure de la foi à la lumière de l’Ascension du
Christ.
Les pieds sur terre,
Du ciel dans les yeux
Et de l’infini dans le cœur !
Les images et les représentations culturelles de l’Ascension peuvent être dangereuses.
Elles risquent de nous emporter dans un univers quelque peu magique, vaporeux, irréel,
miraculeux…
L’Ascension nous donne rendez-vous avec le Jésus de l’incarnation, celui qui est venu
planter Dieu au cœur de la vie, au cœur de l’homme, au cœur des réalités les plus
concrètes.
Jésus a toujours eu les pieds sur terre. Il est venu rejoindre ce qu’il y a de plus beau et
de plus tragique dans notre métier de vivre. Il n’a fait que se passionner pour l’homme,
lui révélant sa dignité. Il a aimé à tort et à travers, surtout les laissés pour compte et
les oubliés du bonheur. Il a aimé jusqu’au bout dans la nuit du refus et de la mort.
Il est désormais ressuscité. Cela veut dire que son option de vie et son engagement au
service de l’homme éclatent en victoire et en réussite éternelles.
La Résurrection déjà mais encore plus l’Ascension expriment l’accomplissement plénier,
total et définitif de tout le parcours de Jésus, de son acharnement à faire triompher la
vie et l’amour au cœur des tragédies et des drames de l’histoire humaine. Eh bien oui,
aujourd’hui, on peut le dire et le chanter sur tous les tons et dans toutes les langues :
« C’est réussi ! » La vie de Jésus ne débouche pas sur le néant, elle débouche sur la
gloire de Dieu.
Et, dans cette perspective, au moment où Jésus entre dans le ciel, - comprenez moins
dans un espace que dans une intimité – on peut dire d’une certaine manière que Jésus a
encore les pieds sur terre, et que, avec lui, la terre devient ciel, l’humain devient divin et
l’histoire devient éternité. Avec l’Ascension, c’est toute l’épaisseur de l’humain avec ses
contradictions et ses pauvretés, ses grandeurs et ses faiblesses qui trouve son sens et
son accomplissement dans le cœur infini de Dieu, dans le brasier trinitaire.
Celui qui avait foulé la terre de Palestine
avec tant de noblesse et de gratuité,
Jésus, qui a toujours eu les pieds sur terre,
a désormais du ciel dans les yeux.
Son chemin d’existence est unique, il peut maintenant devenir le nôtre.
Cette fête de l’Ascension qui est pour Jésus accomplissement de lumière, aboutissement
de l’amour, couronnement des efforts de liberté de tout une vie devient en même temps
pour ses disciples un nouveau départ, un commencement.
S’opère ainsi un merveilleux glissement vers quelque chose de radicalement nouveau,
une PRÉSENCE dans l’ABSENCE.
o Il n’y a plus rien à voir du côté du tombeau. Il est vide :
« Ne cherchez plus parmi les morts celui qui est vivant. »
C’était le message du matin de Pâques.
o Il n’y a plus rien à voir du côté du ciel. Il est plein de nuages.
« Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? Jésus qui a été enlevé du milieu de vous
reviendra de la même manière… »
o
C’est le message d’aujourd’hui, celui de l’Ascension.
Mais alors ! Où y a-t-il désormais quelque chose à voir ?
… du côté de la communauté, de l’Église, du côté de l’être-ensemble d’hommes et
de femmes, investis par l’Esprit-Saint, qui témoigneront du Christ vivant.
L’Ascension ouvre ainsi sur la Pentecôte.
« Vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous.
Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie
et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Impressionnant glissement qui va de Pâques à l’Ascension, de l’Ascension à la Pentecôte.
Merveilleux glissement de sève, de vie, de lumière qui nous prépare à découvrir que le
Christ, tout en étant exalté dans la gloire du Père, continue son œuvre de libération au
milieu de nous, dans le cœur de chacun , chacune.
« L’au-delà » devient « l’en-dedans ».
Jésus n’avait-il pas annoncé la couleur : « Il est bon pour vous que je m’en aille. »
Désormais, la trace est faite, le chemin est ouvert pour tous les quêteurs de sens,
les insatisfaits ouverts, les nostalgiques de l’essentiel, les pélerins de l’absolu…
Vivre comme le Christ, dans le dynamisme de son exaltation, c’est vivre
les pieds sur terre,
avec du ciel dans les yeux
et de l’infini dans le cœur !
Dans le concret de nos vies personnelles et communautaires, qu’est-ce que ça veut dire,
avoir de l’infini dans le cœur ?
Comment être fidèle aux retombées divino-actives de l’Ascension ?
Je me risque à évoquer 3 pistes,
comme 3 chemins d’ascension.
1.
La première, c’est faire l’expérience
d’une formidable ATTRACTION DE GRÂCE.
« Une fois élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
S’il est vrai qu’il y a une pesanteur de péché, de mal, de fatalité, il y a plus
fondamentalement une attraction de grâce, de lumière, de sens.
Tout est appelé à être transformé dans et par l’amour du Christ. Tout est en état
de vocation : la vie. l’histoire, le cosmos. Le Christ ne nous offre pas un monde de
rechange, plus vrai, plus beau, plus juste. Il affirme que chaque instant dans ce
monde a une vocation d’éternité. C’est ce qui fait le poids et la gravité de notre
histoire et de notre quotidien.
2.
La deuxième, c’est nous lancer éperdument
dans la « DYNAMIQUE DU PROVISOIRE »
selon la belle image de frère Roger de Taizé. C’est refuser la tyrannie du moment
présent et de l’immédiateté comme si tout se jouait ici et maintenant.
N’est-ce pas là un des plus redoutables esclavages de notre temps ? Sans
minimiser l’importance du moment présent, l’évangile nous invite à l’inscrire dans
la perspective d’un devenir et d’une croissance. Ce que nous sommes ne paraît pas
encore clairement. Le monde vit un prodigieux travail d’enfantement. Nous y
participons : des semences d’aujourd’hui annoncent et préparent les moissons de
demain.
3.
La troisième enfin nous ouvre l’espace de la RESPONSABILITE.
Depuis l’Ascension, le monde vit une forme d’absence de Dieu. Paradoxalement, le
Christ est présent dans l’absence. C’est par le dynamisme de l’Esprit qu’il
travaille, par le dedans, nos cœurs et nos libertés.
Dieu nous veut adultes et responsables. Il ne vient pas dicter nos décisions, il
vient les inspirer. Il vient nous donner de quoi faire l’histoire avec lui et bâtir le
monde selon la maquette éternelle de son amour.
Sur la terre comme au ciel !
Visiblement, frères et sœurs, il y a mieux à faire que rester le nez dans les
nuages comme des doux rêveurs.
Il y a un monde à habiter, à transformer, à évangéliser.
« Allez dans le monde entier. Proclamez
la bonne nouvelle à toute la création. »
Dans l’attraction de grâce,
dans la dynamique du provisoire,
dans la conscience éveillée de notre responsabilité,
puisse cette fête de l’Ascension renouveler notre joie de croire,
stimuler notre imagination et nous donner le goût de vivre
Les pieds sur terre,
Du ciel dans les yeux
Et de l’infini dans le cœur !
Amen.

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