Pratique collective dans les bagads

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Pratique collective dans les bagads
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Compte-rendu du voyage à Quimper (Bagad) – 5 et 6 décembre 2003
“ Pratiques collectives et apprentissages instrumentaux
dans les bagadoù”
Participants à la mission :
Philippe ARRII-BLACHETTE
Jean-Claude LARTIGOT
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Sommaire
Introduction : ........................................................................................................................ 78
Qu’est-ce qu’un bagad ? ...................................................................................................... 79
Étymologie ....................................................................................................................... 79
Historique ......................................................................................................................... 79
Championnat .................................................................................................................... 80
Observations au Bagad Kemper – 5 décembre 2003 : ......................................................... 81
Table ronde de Quimper – 6 décembre 2003 : ..................................................................... 83
Les pupitres et les effectifs :............................................................................................. 83
Le choix de l’instrument : ................................................................................................ 83
L’apprentissage de l’instrument en groupe : .................................................................... 84
La formation des percussionnistes : ................................................................................. 84
La valeur positive du groupe et du travail d’équipe......................................................... 85
L’évaluation : ................................................................................................................... 86
Les concours et les critères........................................................................................... 87
La composition du jury. ............................................................................................... 87
Les critères sur lesquels se basent les juges ................................................................. 87
Les buts des concours................................................................................................... 88
Les inconvénients éventuels des concours. .................................................................. 88
La valeur du système des concours .............................................................................. 88
La façon de travailler en ensemble : la question du leader et de la place de l’individu
dans le groupe................................................................................................................... 89
La population touchée : .................................................................................................... 90
Les objectifs sociaux. ....................................................................................................... 91
Le bagad, une manière d’apprendre à vivre en collectivité.............................................. 92
Les sources du répertoire.................................................................................................. 92
Le rôle de B. A. S. vis à vis du répertoire. ....................................................................... 93
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Introduction :
L’objectif général de la recherche que nous réalisons est d’évaluer la pertinence d’une
formation instrumentale structurée autour de l’apprentissage de la pratique collective.
Au cours de la phase d’élaboration du projet de cette recherche, en 2002, nous avions établi
qu’elle ne devait pas se limiter aux seules situations liées aux pratiques des musiques
savantes. Au contraire, les situations de référence devaient être choisies avec un souci de
diversifier les pratiques sociales et musicales de référence. En clair, nous avions l’intention de
travailler aussi bien avec les écoles de musique et conservatoires qu’avec le secteur des
musiques actuelles.
En décembre 2002, lorsque le Ministère de la Culture a accordé un financement au CNSMD
de Lyon pour réaliser cette recherche, nous nous sommes rapidement aperçus que le nombre
de structures que nous pourrions prendre en compte ne pouvait dépasser la dizaine, ce qui ne
nous permettait pas de couvrir un échantillon de structures suffisamment diversifiées pour être
représentatif à la fois des évolutions des institutions publiques consacrées (les conservatoires)
et de la richesse des situations alternatives qui se sont développées depuis parfois fort
longtemps.
Ces impératifs matériels et financiers expliquent en partie le choix de nous orienter vers les
bagadoù : ils constituent une pratique collective de la musique, nécessitant la maîtrise de
techniques instrumentales et de codes musicaux, s’appuyant – en le revisitant - sur un fonds
de cultures traditionnelles identifiables, débouchant sur des phénomènes de masse aussi bien
en ce qui concerne le nombre de pratiquants que d’auditeurs. Il faudrait ajouter que
le « phénomène bagad » est encadré par des usages et des structures identifiées et
quantifiables, ce qui nous rendait la tâche plus facile. Il n’est évidemment pas question de
ramener la grande diversité des pratiques des musiques actuelles au seul modèle des bagadoù.
En choisissant cette pratique musicale de référence, il s’agit pour nous de démontrer, à partir
d’un exemple emblématique, de la nécessité pour la réflexion pédagogique musicale – et
singulièrement la réflexion sur la place des pratiques collectives dans l’apprentissage
instrumental - de prendre en compte les pratiques générées par l’évolution des musiques
actuelles. On le comprendra rapidement à la lecture de ce compte-rendu, c’est un chantier de
recherches à réaliser sur lequel débouche cette réflexion.
Que soient ici remerciés tous ceux qui ont permis que cette étude se réalise, en particulier les
responsables du Bagad Kemper qui nous ont accueilli avec efficacité, les participants à la
table ronde qui nous ont consacré un après-midi de fin de semaine ainsi que Musiques et
Danses en Finistère et en particulier sa directrice Anne FOLLEZOU qui a organisé le contenu
de ce déplacement.
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Qu’est-ce qu’un bagad ? 1
Ces deux pages présentent rapidement les caractéristiques générales des bagadoù. Il est
important d’en prendre connaissance avant de lire la suite de ce compte-rendu qui fait
fréquemment référence à l’une ou l’autre de ces caractéristiques. On pourra compléter ces
informations par une visite sur les nombreux sites internet des bagadoù, ainsi que sur le site de
la Bodadeg Ar Sonerien (B.A.S) : www.ar.soner.org ou par la lecture du trimestriel Ar Soner,
édité par B. A. S. (Centre Amzer Nevez – Soye – 56270 PLOEMEUR)
Étymologie
Le mot « bagad » est l'abréviation du breton bagad ar sonerion, signifiant ensemble de
sonneurs. Le nom « bagad » proviendrait du mot breton bag signifiant « bateau » ; dès lors, un
bagad serait donc littéralement une « batelée » de sonneurs, une bordée de sonneurs en
quelque sorte.
Le pluriel de « bagad » est « bagadoù » ; cependant, comme c'est un mot d'origine bretonne, la
règle pour le pluriel diffère du français. On n'écrira « bagadoù » que si le mot n'est pas
précédé d'un nombre : on parlera donc de 2, 3 ou 10 bagad(s) et plus généralement de
bagadoù.
Historique
L'origine des bagadoù bretons est à rechercher dans les pipe-bands écossais qui ont voyagé
dans le monde entier au côté de l'armée britannique. Cependant, la Bretagne
possédant déjà le couple traditionnel bombarde - biniou-koz, la cornemuse
écossaise ne s'est implantée qu'à partir du début du 20ème siècle, supplantant
progressivement, mais pas totalement, le binioù
breton qui porte depuis le nom de vieux binioù. Le
premier bagad a été créé en 1949 par les cheminots
de Carhaix ; comme les pipe-bands, il comportait des
pupitres de cornemuses et de caisses claires
écossaises, une grosse caisse mais aussi un pupitre
de bombardes bretonnes. Cette forme instrumentale
est depuis considérée comme la forme traditionnelle
du bagad breton, ce qui fait d'ailleurs débat ; une
forme instrumentale de 50 ans peut-elle être
considérée comme traditionnelle ?
Après cette initiative, une grande quantité de
bagadoù ont été créés, comme le Bagad Kemper, la
Kevrenn Alré et de très nombreux autres encore. La
Bodadeg Ar Sonerien (B.A.S) a rapidement
été mise en place pour coordonner les bagadoù Une cornemuse écossaise
Une bombarde
et organiser les premiers concours.
La forme originale du bagad a été plus ou moins modifiée selon les
bagadoù : la majorité des bagadoù possèdent maintenant des toms, une ou plusieurs
lombardes ou trombardes, certains utilisent djembées, congas ou autres percussions africaines,
tandis que quelques uns n'hésitent pas à employer synthétiseurs et guitares électriques.
Plusieurs bagadoù se sont notamment associés à des ensembles d'un autre style, par exemple
1
On trouve l’original de ces deux pages sur le site breizhpartitions.fr.st
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avec un groupe de jazz (Lokoal-Mendon avec la Marmite Infernale), un groupe de rock
(Lokoal-Mendon avec Pat O'May) ou un ensemble de percussions sénégalaises (Men Ha Tan
avec la troupe de Doudou N'Dyaye Rose).
Le répertoire s'est lui aussi élargi dans certains bagadoù : les airs traditionnels bretons ne
servent parfois que de support, et sont même quelques fois délaissés au profit de musiques
d'autres horizons ou de compositions plus modernes.
Championnat
Depuis longtemps déjà, les sonneurs en couple avaient l'habitude de se confronter dans des
concours régulièrement organisés en Bretagne. Dès la création des premiers bagadoù, un
championnat s'est donc rapidement mis en place. Ce championnat est divisé en catégories ;
actuellement, il en existe cinq dans lesquelles se répartissent environ une petite centaine de
bagadoù.
La 1ère catégorie (la meilleure) compte 13 bagadoù, la 2ème en compte 13, la 3ème en compte
12, la 4ème en compte 10 et la 5ème (dont le concours annuel se déroule à Carhaix le 14 juillet)
en compte environ 30.
Le principe de ce championnat est le suivant : chaque bagad doit présenter une suite pour
chacun des deux concours annuels, l’un au printemps, l’autre pendant le festival interceltique
de Lorient et se voit attribuer une note ; si la moyenne des deux notes obtenues est supérieure
à 16, il est admis dans la catégorie supérieure. En 1ère catégorie, le bagad ayant la note la plus
haute est déclaré champion de l’année.
Bien que la majorité des bagadoù résident en Bretagne, de nombreux ensembles existent
ailleurs en France, comme à Bordeaux, Roanne, Lille, Le Havre et bien sûr Paris et sa région
pour ne citer que ceux-ci.
Enfin, plusieurs bagadoù refusent de participer au championnat B.A.S, comme le célèbre
bagad de Lann-Bihoué, ou le bagad Men ha Tan. En particulier, la Kevrenn de Brest a claqué
la porte du championnat dans les années 80, car elle estimait que le système des concours ne
permettait pas l'ouverture musicale.
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Observations au Bagad Kemper – 5 décembre 2003 :
La base du répertoire du Bagad Kemper s’appuie sur des airs bretons traditionnels et des
arrangements ou des compositions dont la caractéristique essentielle est le respect des
spécificités de la culture bretonne.
Le Bagad Kemper est classé en 1ère catégorie du Championnat National des Bagadoù,
organisé par le B.A.S. depuis 1968. Il a remporté 17 fois le titre de Champion de Bretagne.
Le Bagad Kemper est sollicité régulièrement par les grands rassemblements culturels bretons
comme le Festival de Cornouaille de Quimper, le Festival Interceltique de Lorient ou les
Tombées de la Nuit à Rennes. Il participe à de nombreuses manifestations internationales, à
des compétitions de musique écossaise, à des concours d'ensemble de bombardes ou de
batterie et s'associe à d'autres intervenants pour des créations artistiques ponctuelles (Azeliz
Iza, Dan Ar Braz et l'Héritage des Celtes, Carlos Nuñez, Johnny Clegg...). 2
Effectifs du bagad :
1ère catégorie
3ème catégorie
5ème catégorie
Débutants
Cornemuses Bombardes Batteries
20
23
12
9
17
7
12
6
7
3
13
6
Limites d’âge à l'inscription : environ 25 ans si la personne n’a jamais joué d'un instrument
"bagad" ou se rapprochant.
Les professeurs : 2 à 3 par pupitre.
Le travail en atelier des élèves est organisé comme un travail collectif où les moments de
répétition “tous ensemble” alternent avec des productions plus individuelles (chacun produit
la mélodie ou le rythme tour à tour). Le contenu est orienté sur une préparation de la
répétition qui va suivre.
L’encadrement des ateliers est réalisé par 5 formateurs de la B. A. S. 29, dont la plupart ont le
Diplôme d’Etat de musiques traditionnelles ou sont en cours de scolarité à la formation
diplômante continue organisée par le CEFEDEM Bretagne. Ces 5 formateurs sont également
membres du bagad. Ils sont épaulés par des enseignants bénévoles au sein du groupe
Le bagad n’a donc aucun employé salarié.
Le 5 décembre 2003, à 18 h, Philippe Arrii-Blachette et Jean-Claude Lartigot, accompagnés
d’Anne Follézou (directrice de Musiques et Danses en Bretagne), sont reçus au Bagad
Kemper. Après un entretien avec deux responsables, ils assistent aux ateliers des jeunes
2
Pour plus de renseignements, consulter le site : bagad-kemper.org
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(caisse claire, bombarde et cornemuse), puis à la répétition du bagad de 5ème catégorie (le
bagadic). En 2ème partie de soirée, ils assistent à la répétition du Bagad de 1ère catégorie.
Les caractéristiques des situations observées correspondent à ce qui est décrit par ailleurs dans
la table ronde du 6 décembre.
La répétition du bagad de 1ère catégorie débute par un travail en pupitres (bombarde, caisse
claire, les percussionnistes répètent avec les cornemuses). Le travail d’ensemble porte sur la
suite bigoudenne qui sera jouée le 8 février 2004 à Brest pour le concours de printemps.
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Table ronde de Quimper – 6 décembre 2003 :
Présents :
Laurent BIGOT (professeur à l’Ecole Nationale de Brest, membre du comité directeur de la B.A.S.),
Xavier CHAVRY (formateur en batterie, caisse claire pour la B.A.S., membre du Bagad Kemper),
Jean-Louis HENAFF (formateur de la B.A.S., Pen sonner du Bagad Kemper),
André QUEFFELEC (président de la B.A.S. Pen ar bed, président et sonneur du Bagad Plougastel),
Hervé LE FLOCH (pen sonner du Bagad Cap Caval, formateur en cornemuse pour la B.A.S.),
Guy PLUSQUELLEC (vice-président de la B.A.S. Pen ar Bed, sonneur du Bagad Carhaix).
Membres de l’équipe de recherche :
Philippe ARRII-BLACHETTE (violoniste, directeur honoraire d’Ecole Nationale de Musique),
Jean-Claude LARTIGOT (professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon).
La table ronde a été organisée par Anne FOLLEZOU (Musique et Danse Bretagne).
Il s’agit ici de la synthèse du contenu de cette table ronde dont la retranscription fidèle a été
soumise à l’ensemble des participants. Quand les points de vue exprimés ont été convergents,
il n’est pas fait mention des intervenants. Sur les aspects plus discutés ou plus personnels, il
sera fait mention des noms des personnes qui ont exprimé ces points de vue.
Les pupitres et les effectifs :
Un bagad, c’est trois pupitres de base : bombarde, cornemuse, caisse claire. La bombarde est
le seul instrument breton d’origine traditionnelle. La cornemuse écossaise a été adoptée à la
création des bagadous pour passer des pratiques de couple à la pratique de groupe.
Au moment de l'évaluation, quand arrive le concours, le bagad doit se produire dans la
formule de base. Mais dans la pratique en dehors des concours, certains bagadoù intègrent
d’autres instruments, travaillent avec d'autres musiciens, y compris des musiques amplifiées.
Le choix de l’instrument :
Très souvent, les jeunes qui viennent s’inscrire savent déjà quel instrument ils veulent jouer.
Parfois, ils se trompent dans la terminologie, par exemple entre bombarde et cornemuse, mais
ils ne se trompent pas sur l’instrument qu’ils veulent pratiquer.
Mais il y en a toujours qui sont un petit peu hésitant. Ceux-là, dans la mesure du possible, on
les laisse aller d’un instrument à l’autre pendant quelque temps.
Au delà du choix de l’instrument, les enfants ont d’abord envie de faire du bagad. C’est le son
de l’ensemble instrumental qui les intéresse. Il y a la majesté de l’ensemble.
Au moment de l’inscription, on est déjà dans la projection d’une pratique collective. Les
responsables du bagad ont le souci de faire des équipes, d’avoir une certaine cohérence, de
mettre des gens de même âge sur le même instrument.
Parfois, il y a donc une négociation, où l’on prend en compte ce que l’enfant veut faire, (par
rapport à ce que les parents ont parfois décidé pour lui) et les nécessités de l’équilibre des
pupitres, des âges, … C’est plus facile à faire entre bombarde et cornemuse. La batterie, c’est
souvent des idées plus arrêtées.
Les points de vue sont diversifiés sur le fait de savoir s’il existe une hiérarchie entre les
instruments : pour Laurent Bigot, la cornemuse écossaise, est un instrument qui a une image
plus forte. D’après lui, dans les milieux intellectuels bretons, la fille est plutôt orientée vers la
harpe celtique ou le piano et le garçon vers la cornemuse écossaise, c’est-à-dire de la musique
écrite, sérieuse. Pourtant, d’après André Queffélec, l’instrument sur lequel il y a le plus
d’inscription, c’est la bombarde. Jean-Louis Hénaff explique ce phénomène à partir de la
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manière d’aborder la bombarde (les enfant sont plus tôt sur l’instrument alors que la
cornemuse a un abord plus compliqué). Ce qui fait que sur les premières prestations, on va
voir plus de jeunes jouer de la bombarde. Pour la batterie, il y a le poids de l’instrument aussi
qui peut poser un problème.
Il faudrait alors différencier ce qui est l’effet propre de l’école nationale de musique (qui est
l’institution dans laquelle s’inscrit l’activité de Laurent Bigot) et ce qui provient des bagadoù.
Il faudrait vérifier dans quelle proportion la distribution du choix des instruments en fonction
de la position sociale est différente dans les écoles de musique et dans les bagadoù.
L’apprentissage de l’instrument en groupe :
Dans la plupart des cas, les cours débutent à peu près à la mi-septembre. Les nouveaux
inscrits sont tout de suite intégrés dans des ateliers 3 où se fait un travail d’équipe sans que ce
soit, en permanence de la formation collective. Dès le début, les enfant travaillent dans des
ensembles plutôt que seuls face à un professeur mais le travail individuel alterne avec le
travail d’ensemble. Il est important que les participants prennent à la fois l’habitude de
s’entendre eux-mêmes, de s’entendre au sein d’un groupe et d’écouter l’autre : on apprend
aussi à corriger ses erreurs en les voyant sur un autre, à côté. C’est un moyen de prendre
conscience des erreurs qu’on fait ou de ce que l’on fait bien.
Il y a une interactivité qui se crée entre les différents élèves dans le cadre d’un cours collectif
à quatre ou cinq. Ca n’a rien à voir avec de la compétition, c’est plutôt de l’émulation : un
travail à plusieurs où on va rebondir les uns sur les autres. La compétition joue sûrement mais
ce n’est pas du tout le but.
C’est déjà une pratique collective un peu cellulaire.
Dans le fonctionnement de groupe, il y a aussi des complicités, des amitiés qui se mettent en
place et qui tiennent dans la durée. Ca s’installe dès l’apprentissage. Ca fait des blocs et on
retrouve dans les bagadoù cet aspect de bande de copains qui peut durer parfois dans le
temps4.
Le groupe est aussi présenté comme moins rébarbatif, moins contraignant. Alors que dans
l’enseignement musical, d’habitude, cela paraît aller en avançant tout doucement entre
l’apprentissage de l’instrument et la pratique de la musique…
A partir du moment où l’enfant a passé cette phase, un peu difficile, d’apprentissage de
l’instrument, où l’on est parvenu de passer de l’individu qui joue (même s’il joue devant un
groupe) à la notion de petit groupe, de pupitre, quand l’élève est rentré dans le bagadic, il
commence à faire quelques sorties ce qui est aussi un élément de motivation pour garder les
adolescents. Le relationnel s’élargit et même s’ils ne jouent pas les vedettes, ils sont déjà sur
la scène.
Les nouveaux participants apprennent à jouer ensemble au sein de leur famille d’instrument.
Pour ceux qui s’inscrivent en septembre, il y a une manifestation qui a lieu à la mi-février :
c’est la première occasion de les mettre en valeur en jouant en ensemble devant un public en
étant évalués par un jury. C’est la première prestation officielle.
La formation des percussionnistes :
Derrière le bagad, se tiennent des percussionnistes (batterie et grosse caisse). Ils répètent en
s’intégrant au travail collectif des cornemuses car ils ont besoin de travailler sur un support
musical.
3
4
Comme ceux que nous avons pu observer en début de soirée la veille au Bagad Kemper
voir plus loin, les objectifs sociaux
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Cette partie de percussions est un pupitre pas encore très défini dans le sens où l’effectif est
forcément assez restreint : il y a un seul joueur de grosse caisse et un ou deux percussionnistes
à la batterie. Ca peut être des gens qui ont commencé la caisse claire et qui prennent ça en
plus. C’est un instrument déterminant dans le jeu collectif .
La valeur positive du groupe et du travail d’équipe.
Pourquoi c’est important le groupe 5?
Le groupe, c’est d’abord le rêve d’un enfant. S’il est venu à un instrument, c’est parce qu’il a
vu une trentaine de musiciens passer dans la rue, avec des enfants de son âge. Alors,
évidemment, participer à un groupe, c’est la récompense, c’est la réponse à ce pourquoi il
s’est inscrit.
Mais cela ne suffit pas à expliquer que le groupe, l’équipe soit la référence. Quand les élèves
apprennent le violon au conservatoire, on pourrait dire que l’orchestre symphonique c’est
aussi une référence en tant que structure collective …
Le bagad, en tant que groupe, en Bretagne, est davantage intégré à la vie sociale que ne peut
l’être un ensemble de musique classique : on voit les bagadoù dans la rue. Et quelqu’un qui,
grâce à sa présence dans un groupe, devient capable de faire danser des gens en face de lui va
avoir une motivation différente.
Dans le parcours de l’élève, au départ, c’est souvent un projet assez personnel. C’est “le
bagad” mais, à partir du moment où il apprend à jouer d’un instrument, ça devient « Je veux
savoir jouer de cet instrument ». Quand il commence à savoir jouer, les perspectives de jeu
collectif deviennent vraiment intéressantes et là c’est une vraie motivation pour pouvoir
intégrer le bagadic, par exemple.
L’élève n’arrive pas avec une culture qui a été imposée : il arrive de lui-même, parce qu’il a
vu et entendu un bagad, dans un acte de la vie quotidienne ; il va apprendre à jouer et puis
après c’est dans l’équipe qu’on va lui apprendre une culture. L’élève qui arrive pour jouer
dans un bagad, il vient pour l’instrument au départ et c’est après qu’on lui apprend une culture
de danses, de chants et de costumes.
Même si la majorité des élèves inscrits en bombarde actuellement sont dans les bagadoù, il y a
aussi des joueurs de bombarde qui fuient l’équipe, qui cherchent à jouer à deux. C’est un autre
milieu, c’est une autre mouvance. On retrouve ce genre d’élèves dans les écoles de musique.
André Queffélec : C’est de l’équipe que vient la principale motivation : si l’on attend de
quelqu’un qu’il soit suffisamment perfectionné techniquement pour qu’il puisse jouer, il aura
eu l’occasion 10 fois d’arrêter avant, parce qu’il s’ennuie. La principale motivation est de
faire partie du groupe, mais c’est différent selon les instruments. En bombarde, ça va
généralement un petit peu plus vite. En batterie ou en cornemuse, la difficulté est de ne pas
attendre trop longtemps car s’il y a un délai trop long entre les débuts de l’instrument et la
pratique collective, c’est là qu’on a le plus de mal à garder les élèves.
Dès la fin de la deuxième année, les élèves doivent pouvoir jouer en bagadic. On est surpris
des progressions que font les gens à partir du moment où ils ont intégré la pratique collective.
C’est comme s’ils attendaient un déclic, et puis, tout d’un coup, on les voit passer comme des
flèches.
5
Il faut préciser que le mot “groupe”, chez les responsables des bagads, désigne aussi bien le bagad lui-même
que la structure collective d’apprentissage. Ainsi, au Bagad Kemper, on dira qu’il y a plusieurs groupes pour
signifier qu’il y existe des bagadoù de différentes catégories et on parlera de travail de groupe dans les ateliers
d’apprentissage instrumental.
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Ce qui est parfois un peu compliqué, c’est qu’on fait parfois des compromis sur les parties
techniques. On laisse passer un moment donné un certain nombre de choses mais on a bien
dans l’idée que ça, il va bien falloir le corriger d’ici un an ou deux ans. D’autant que parmi les
participants, il y a ceux qui ont du feeling, qui ont le senti des airs mais qui n’ont pas
forcément toujours la maîtrise technique. Mais dans la durée, quand on prend sur 3, 4 ans,…
on arrive à peu près correctement à marier les deux.
Jean-Louis Hénaff : Il y a l’échéance qui est aussi très importante : je me suis aperçu que le
fait de faire jouer les jeunes qui viennent de débuter à cette échéance de février, ça permet de
gagner pas loin d’une saison. C’est-à-dire que le niveau qu’ils vont acquérir au bout de leur
première année, ayant eu deux évaluations collectives (une au mois de février et une fin juin),
correspond au niveau que j’aurais eu avec un même jeune, sans ces échéances, à la fin d’une
année supplémentaire.
Jean-Claude Lartigot : Qu’est-ce qui est accélérateur dans l’équipe ?… Bien entendu, il y a
la motivation, l’émulation … mais, en plus, il me semble que ça donne du sens à la pratique
pédagogique que vous mettez en œuvre dans les ateliers instrumentaux : ces interactions, que
vous encadrez, certes, mais que vous positivez. Autant dans l’école traditionnelle archaïque,
on n’arrête pas de casser, d’empêcher que les élèves se parlent et coopèrent, autant vous
essayez de favoriser que les gens se passent des tuyaux, travaillent à plusieurs, se donnent un
coup de main, se copient l’un l’autre tout en essayant d’être meilleur que l’autre. Le fait de
faire une évaluation collective précoce, ça donne du sens à ces pratiques : on est évalués à
plusieurs,… pas tout seul ! Les élèves qui viennent au bagad, surtout si on pense à des enfant
relativement jeunes, vont en même temps à l’école et ils y vivent des situations pédagogiques
très diversifiées mais qui débouchent majoritairement sur évaluation individuelle. A l’école, la
honte, pour un élève, c’est d’être surpris à copier sur le voisin pendant l’évaluation. Tandis
que là, aussi bien dans le travail en atelier que dans ces moments d’évaluation collective, ce
qui est valorisé c’est de s’entraider entre voisins, pour arriver à un résultat collectif !
Guy Plusquellec : C’est quand même l’assiduité aux ateliers, aux répétitions et son propre
travail individuel qui vont faire qu’un élève va pouvoir “copier” sur son voisin. A un autre
cours, on peut copier, re copier ou écrire ce que son voisin écrit mais ici, c’est son propre
travail qui fait qu’un élève peut s’aider de son voisin.
Jean-Louis Hénaff : Certains élèves vont mieux comprendre que d’autres. Et, lorsqu’on fait
un petit tour de table, le fait de regarder comment son copain se positionne, par exemple sur
des questions de pince, par rapport à des embouchures… “Comment il fait ?” “Il nous a dit de
faire comme ça mais je ne vois pas très bien,…” On regarde le voisin, et on comprend mieux.
Hervé Le Floch : Jouer et analyser en même temps, c’est difficile. Voir les gens qui font la
chose à sa place, ça permet de réfléchir à travers l’autre sur ce qu’on fait soi-même.
L’évaluation :
La fédération B. A. S. organise des manifestations qui sont des “étapes” : en février, des
ensembles de bombardes, de différents niveaux y compris ceux qui n’ont pas encore
commencé à jouer en bagad ; au mois de mai, une étape où on intègre des gens qui jouent en
bagadic ; fin juin, un travail de fin d’année de nouveau par pupitre ; et à la mi-juillet, on
trouve de nouveau les ensembles de type bagadic.
Chaque groupe est libre de présenter ou pas des ensembles à chacune de ces étapes.
Le fonctionnement des cours est lié aux périodes scolaires. Les manifestations sont souvent
soit sur des week-ends, soit sur des périodes de vacances scolaires. Ce ne sont pas des
manifestations officielles mais ça fait partie du cursus.
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En cornemuse, c’est difficilement imaginable de faire des pratiques collectives comme en
bombarde, dès le milieu de première année d’apprentissage parce que c’est un instrument qui,
physiquement, est assez envahissant
Il n’y a jamais d’évaluation individuelle sur un instrument. L’évaluation individuelle existe au
niveau du professeur : il connaît ses élèves. Et au niveau des responsables d’un bagad qui
voient comment progressent les gens. Mais ce n’est jamais quelque chose de formalisé.
Il ne faut pas oublier que le bagad a soixante ans et cela a toujours été la politique de la
B.A.S : il faut que, dans les trois mois, les jeunes soient capables de jouer.
Les concours et les critères.
Il y a 5 catégories de bagadoù, : la 5ème catégorie étant la plus nombreuse aujourd’hui. Pour la
Région Bretagne, il y a une quarantaine d’ensembles de 5ème catégorie. Ce sont la plupart des
bagadics et les ensembles plus débutants. Il y en a généralement 30 qui participent aux
concours. Si on prend toute la France (Lille, Bordeaux, Strasbourg,…) il doit y avoir
potentiellement 45 groupes qui peuvent s’inscrire en 5ème catégorie. En 5ème catégorie, on
travaille avec deux étapes :
− une étape départementale : ce n’est pas un concours, même si c’est présenté comme tel.
C’est la fête de la Fédération qui est un moment convivial pour faire en sorte que les
différents ensembles se côtoient. C’est davantage l’occasion de mettre des gens ensemble.
Il y en a qui font là leur première prestation de groupe.
− et Carhaix le 14 juillet, la bagadanse, la fête nationale des 5ème catégories.
En faisant participer des jeunes à ces deux manifestations, il y a aussi l’idée qu’ils puissent
voir qu’ils ne sont pas les seuls à faire ce qu’ils font. Il côtoient d’autres ensembles du même
type, d’autres niveaux, supérieur ou inférieur. A Carhaix, par exemple, le concours de 5ème
catégorie se déroule le matin et en partie dans l’après-midi. Mais ce n’est pas un concours
pour un concours : ils sont dans une ambiance, dans une fête, c’est une prestation où ils ont un
public. Quand ils ont fini leurs prestations, ils voient aussi ce que d’autres groupes font.
La composition du jury.
Pour les 5 catégories, les jurys sont composés de juges d’ensemble, de juges de pupitres
instrumentaux et de juges de terroir, pour vérifier l’authenticité, le respect de la source, du
style.
Les critères sur lesquels se basent les juges
Chaque juge a sa vision du bagad, voire de la musique bretonne et chaque juge transpose sur
la formation qu’il a en face de lui, ses envies, ses options de musicien !
Il y a des discussions qui sont en cours pour savoir s’il faut mettre 60% pour l’ensemble, 40%
pour la technique, ….
Anne Follézou : On a l’impression que les individus, eux-mêmes, se situent dans un certain
niveau. En cas de déménagement, en cas de changement, il y a une forme de positionnement :
« j’ai le niveau pour sonner dans tel type de groupe ».
Et puis, passer de 5ème en 1ère, ce n’est pas une progression pyramidale. Ca peut être le projet
d’un groupe de décider en 20 ans de le faire mais c’est un positionnement. On sait qu’a priori,
on peut postuler pour passer le concours de 3ème, ou de seconde mais certainement pas de 1ère.
C’est un positionnement tacite, de l'ordre du non-dit.
Il y a des règles objectives pour l'évaluation collective : pour passer en 1ère catégorie, il faut
être en 2ème, avoir la note indispensable, de même pour le passage entre les autres catégories.
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Compte-rendu du voyage à Quimper (Bagad) – 5 et 6 décembre 2003
Mais il y a des règles non écrites ; il n’y a pas d’évaluation individuelle mais un sonneur, par
exemple à la faveur d’un déménagement repère le niveau des personnes et la connaissance des
projets, du son, de la couleur et des attentes des différents groupes. Chaque groupe a son
projet associatif, qui inclut sa démarche artistique et ses relations humaines.
André Queffélec : On fait de la pratique collective mais on sait aussi que la vie d’un groupe
ce n’est pas toujours quelque chose de facile avec les études, les familles, le travail. Il y a
parfois des passages un peu difficiles : des groupes qui sont arrivés à un niveau à un moment
donné et qui pour des question d’effectifs, repartent à un niveau plus bas parce qu’ils ne sont
plus à même de tenir ce rang-là.
Les buts des concours.
C’est une démarche très volontariste de la fédération B. A. S. pour “tirer vers le haut”, pour
développer une élite.
Le but des concours c’est d’apprendre à s’organiser, et à se fixer des objectifs de contenu, se
fixer des échéances (surtout pour les groupes de 5ème catégorie). Un groupe, c’est une
association et si on n’a pas des dates d’échéance, c’est toujours très difficile de mettre un
répertoire en commun à une date donnée. C’est essentiel pour réussir la pratique collective.
Les inconvénients éventuels des concours.
Pousser à faire des concours, pour les bagadoù classés en 4ème et de la 5ème catégories, ça
oblige à avancer dans la musique mais, dans de petits groupes, ça ne fait travailler “que du
concours”. Dans les groupes qui sont aptes à faire autre chose il n’y a pas de problème. Faire
trop de concours, ça peut figer un répertoire qui n’est pas du tout du terroir. Dans les petits
bagadoù, c’est plus difficile, pour les formateurs, de faire travailler autre chose.
Il faut donc veiller à ce que les gens qui sont dans des groupes n’aient pas que cette idée-là en
tête (arriver avant les autres) et privilégient la préparation de spectacles, leur présence devant
les publics.
Pour les groupes qui sont Champion x fois, le championnat de Bretagne reste une notion
importante. Mais ce n’est pas l’idée dominante de tout sonneur du bagad, à tout moment de
l’année de dire “le concours, le concours, le concours !” Il y a beaucoup d’autres prestations à
côté.
La valeur du système des concours
Les responsables des bagadoù savent qu’ils sont nés dans ce système de concours, et que c’est
ce système qui leur a permis de gravir tous les échelons qualitativement. Il y a donc le respect
et la conscience de savoir que si on quitte ce système de concours, on risque de sortir de ce
rythme de progrès vers la qualité. Mais la position n’est pas unanime : tous les ans, le
président national de B.A.S. dans son allocution à l’Assemblée Générale, souligne que “le
système du concours est dangereux,…”. Au sein du comité directeur de B.A.S, il y a des
personnes qui reconnaissent que le concours a été créé en partant de rien avec une volonté
pédagogique. Il est certain que les groupes de 1ère catégorie d’il y a 40 ans, ne valent pas ceux
de 5ème catégorie d’aujourd’hui. Il y avait donc une mission pédagogique dans la création de
ces concours. Mais beaucoup de gens remettent ça en question maintenant.
On remet également en cause la composition des jurys en 1ère et en 2ème catégorie. C’est
difficile d’avoir un jury bombarde pour un groupe de 1ère catégorie : est-ce que les bombardes
savent jouer ? On peut effectivement imaginer un conseil de la part du jury de pupitre pour un
groupe de 5ème, 4ème, mais pour un groupe qui a été reconnu par ses pairs comme faisant partie
de l’élite, ça paraît un peu ridicule d’avoir une évaluation instrumentale. On devrait plutôt
avoir des juges d’ensemble plutôt que des juges par pupitre. De plus, qui peut juger la
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Compte-rendu du voyage à Quimper (Bagad) – 5 et 6 décembre 2003
technique à ce niveau-là, à part ceux qui eux-mêmes sont dans cette catégorie-là et qui n’ont
pas le droit de juger ?
Philippe Arrii-Blachette : Avec ce système là, vous rejoignez quand même le système de
l’enseignement des écoles de musique, dans lesquelles il y a toujours un spécialiste pour juger
la discipline instrumentale et quelqu’un qui est là pour l’ensemble. Dans tous les examens et
tous les concours, en France, c’est comme ça. Par exemple dans les pratiques de musique de
chambre il y a des spécialistes de l’instrument et il y a un spécialiste de la musique de
chambre.
Je fais une comparaison avec l’enseignement classique, alors qu’on est dans une autre
configuration, dans une discipline où la dimension sociale et la notion du plaisir sont très
importantes et tout à fait mises en avant. On le voit, dans le travail de précision que vous
faites, il y a un véritable plaisir de toutes les personnes qui participent à ça.
La façon de travailler en ensemble : la question du leader et de la place de l’individu
dans le groupe.
Celui qui dirige le bagad intègre dans sa façon de diriger les aspects sur lesquels le groupe est
jugé en concours (le respect du style, le travail d’ensemble, la valeur du pupitre) ; par contre,
celui qui joue de la bombarde ou de la cornemuse ou de la caisse claire, lui, à partir de quand
et de quelle manière intègre-t-il les critères suivant lesquels il va être jugé dans la pratique
collective ?
Au Bagad Kemper pendant les répétitions, on a l’habitude de s’enregistrer et après il y a une
écoute collective. Ca aide à ce que les participants donnent un peu leurs jugements en dehors
de celui qui est en position de direction : prendre l’habitude de s’écouter, prendre conscience
de la manière dont ils s’expriment, dont ils s’intègrent dans le pupitre et de la manière dont les
pupitres s’intègrent dans l’ensemble. La pause sert de travail d’analyse.
L’individu qui joue, pour connaître la valeur de son jeu, se repose beaucoup sur son leader,
qu’il soit de pupitre ou d’ensemble. Chaque participant se repose énormément sur son leader.
Il ne raisonne pas en individu.
Le leader, ce n’est pas le formateur (celui qui encadre le travail d’atelier des élèves
débutants). Le leader, c’est celui qui va créer la cohésion des 3 pupitres. C’est un membre de
l’équipe au-dessus (quand il s’agit d’une association où il y a plusieurs groupes de différentes
catégories).
Pour le bagadic ce n’est pas un formateur qui dirige mais un membre du groupe de 1ère
catégorie. Les pupitres sont des pupitres d’“élèves”. Ils sont déjà incorporés à un groupe mais
ils sont en apprentissage. Le formateur “nomme” un leader dans son pupitre.
En 5ème ou 4ème catégorie, quand, dans l’association, il n’y a pas de bagad mieux classé la
désignation du leader se règle par vote, tout simplement. Par pupitre et pour la direction
globale aussi c’est par vote.
André Queffelec : Ce sont les leaders qui font beaucoup de choses dans les pupitres et
l’individu existe peu en tant que tel. Quand on doit intégrer des jeunes, la grosse difficulté
consiste à projeter ce qu’ils seront capables de faire à l’échéance : projeter les jeunes en disant
“ils sont capables d’apprendre telles choses en tel laps de temps”. De même pour l’intégration
au bagad, dire “ceux-là ils vont pouvoir intégrer …” ce n’est pas facile et ce n’est pas un
problème de niveau individuel. Dans une équipe de 15 bombardes, si deux bombardes sont un
peu “limite”, elles vont s’intégrer dans l’ensemble, à telles conditions. Parfois, au sein d’un
groupe, la difficulté c’est quand les autres dans l’équipe ont peur de ceux qui vont arriver
parce qu’ils pensent qu’ils vont faire baisser le niveau.
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Compte-rendu du voyage à Quimper (Bagad) – 5 et 6 décembre 2003
Hervé Le Floch : Il y a moyen d’imaginer les choses de manière assez différente, quandmême. On ne peut pas dire que l’individu n’existe plus au sein de son groupe parce que si on
part de cette façon-là de voir les choses, c’est sûr que je ne sais pas où sera sa motivation, non
plus. Parce que ce n’est pas un pion sur un jeu d’échec…
Il faut forcément un leader mais, à mon avis, c’est plutôt imaginer une dynamique collective
où chacun prend exactement la place qu’il doit prendre.
Laurent Bigot : Ce qu’on veut dire en parlant de la suppression, pratiquement, de
l’individualité, c’est que, à l’issue d’un concours, face au jury, on n’entendra jamais une
personne dire : « C’est grâce à moi qu’on s’en est tiré ! » On entendra souvent : « C’est à
cause de moi qu’on s’est planté ! » En tous les cas, jamais, on n’entendra le groupe dire :
« C’est à cause de toi qu’on s’est planté ! » ou « C’est à cause de toi qu’on a gagné ! » C’est
en ça que le bagad est vraiment une collectivité, où l’individu ne ressort pas et qui se coltine
avec un jury.
La population touchée :
− La répartition homme femme :
Il n’y a pas très longtemps que les bagadoù sont mixtes ; il y a un peu plus de femmes
aujourd’hui. Mais la mixité, on la retrouve plutôt dans les niveaux du bas (4ème et 5ème
catégorie), l’intégration des femmes s’étant faite récemment.
Il existait des bagadoù exclusivement féminins. Par exemple, le Bagad Kemper avait sa
branche féminine.
C’est davantage équilibré en bombarde que ça ne l’est en cornemuse. Il y a le poids de
l’instrument et l’idée qu’on se fait de la force physique. Il y a aussi la manière dont ont été
médiatisés ces instruments (les photos d’Erwann pour la cornemuse). Il y a également une
connotation para militaire de la cornemuse alors qu’en Ecosse, il y a beaucoup plus de filles
qui jouent de la cornemuse qu’en France.
Laurent BIGOT : Quand j’étais professeur à Pontivy en bombarde, la 1ère année l’effectif
était 100% masculin ; la dernière année, j’avais 52 % de filles.
Hervé Le Floch : Moi, j’ai 17% d’élèves féminins en cornemuse.
− Les catégories sociales.
La perception des acteurs est évidemment déterminée par le contexte dans lequel ils inscrivent
leur activité. La plupart estiment “qu’il y a de tout”. Par exemple :
Laurent Bigot : J’ai toujours dit que ce milieu là me plaisait parce qu’on pouvait parler dans
le même quart d’heure à un architecte puis à un plombier puis à un enseignant
Aurélien Legal, étudiant en sociologie de Brest réalise une thèse sur les bagadoù Un résumé
des premiers résultats de cette étude est paru dans Ar Soner n°371 (dont sont tirées les lignes
qui suivent).
− la répartition homme-femme : 78,8% des sonneurs rencontrés sont des hommes contre
seulement 21,2% des femmes. D’autre part, la population féminine de l’échantillon est
beaucoup plus jeune que la population masculine,
− la répartition en fonction des catégories socio-professionnelles : 43,5% des sonneurs
rencontrés sont élèves ou étudiants (38,6% pour les hommes et 60,6% des femmes). […]
Si l’on ne tient compte que des actifs, ils se répartissent essentiellement dans 3 catégories
“cadres ou professions intellectuelles supérieures” (26,25%), “employées” (25,8%), et
“professions intermédiaires” (23,7%) dont beaucoup sont fonctionnaires, enseignants, ou
travaillant dans les secteurs de la santé ou du travail social. […] Les bagadoù comptent
peu d’agriculteurs (4 sur 513 participants), relativement peu d’ouvriers (13,8 %), et
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Compte-rendu du voyage à Quimper (Bagad) – 5 et 6 décembre 2003
encore moins d’artisans, de commerçants ou de chefs d’entreprise (5,7%) dans leur
rangs. [sans emploi : moins de 1%]
− pour ce qui est de l’origine sociale des élèves et étudiants : “patrons d’industrie ou de
commerce”
(9,4%)“cadres
ou
professions
intellectuelles
supérieures”
(25%),“professions intermédiaires” (23,7%), “employées” (26,8%), “ouvriers” (11,6 %)
“agriculteurs” (11,2%).
L’enquête porte sur un échantillon de 517 questionnaires.
Il est important aussi de considérer le devenir social des jeunes qui viennent au bagad et qui
ne sont encore qu’au début de leur vie. L’appréciation intuitive des participants à la table
ronde est qu’ils sont en évolution sociale ascendante. Passer par les bagadoù serait, pour ce
public jeune, un élément d’une stratégie d’ascension sociale : comme le montre les
statistiques d’Aurélien Legal, il y en a énormément qui font des études supérieures, ce qui, à
terme provoque d’ailleurs des problèmes de disponibilité et des difficultés à les garder.
Il faut replacer cette réflexion au sein des particularités de la région Bretagne :
- En terme de composition sociale, c’est un des endroits de France où il y a le moins
d’extrême, ni vers le bas, ni vers le haut,. les couches moyennes sont réparties d'une
manière relativement homogènes sur le territoire et structurent celui-ci
- Il y a encore un corps social très structuré
- Il y a des possibilités variées d’intégration dans la vie courante, de sortir hors de chez soi,
de retrouver les autres.
- En terme d'habitude et de réussite dans l'apprentissage : les académies de Rennes et
Nantes ont le plus fort taux de jeunes diplômés de France.
On pourrait ainsi penser que ces facteurs favorisent l'apprentissage musical et la pratique
sociale liée à cet apprentissage, ainsi que la valorisation de sa représentation publique.
Ces phénomènes doivent se renforcer l’un l’autre : provenance sociale des participants, milieu
familial très porteur et structuration sociale. C’est aussi les autres qui portent le fait qu’on doit
être en réussite.
Il faudrait aussi s’interroger sur l’intergénération qui n’existe pas vraiment dans les autres
pratiques amateurs de la musique alors qu’il y a 3 générations qui se côtoient dans un groupe,
même sans compter les bagadics. Le croisement de générations crée aussi des mélanges et des
échanges qui concourent à l’équilibre et la maturité des individus.
Même si, de l’extérieur, on peut considérer les bagadoù comme un milieu très festif, parfois
exubérant, les responsables des bagadoù considère que c’est un milieu où il n’y a jamais de
débordements parce qu’il y a plusieurs générations qui se côtoient.
Les objectifs sociaux.
Aller au bagad, ce n’est pas que apprendre. Le bagad est un lieu de socialisation, à travers la
possibilité de s’incorporer à un groupe, de coopérer, d’être désigné comme leader, ou d’avoir
des relations avec des leaders,… Il y a les objectifs éducatifs, les objectifs culturels et il y a
des objectifs sociaux, même s’ils ne sont pas clairement énoncés : s’il y a un engouement
certain pour participer à un bagad, c’est que c’est un outil supplémentaire pour apprendre,
certes, mais apprendre avec des gens qui nous ressemblent avec lesquels on a envie de
progresser … c’est une société en transformation. Parmi ceux qui organisent, alors qu’ils ne
sont pas des “professionnels des bagadoù ”, il y en a qui ont une bonne partie de leur vie qui
tourne autour de ça. Leurs amis, leurs fréquentations, leurs passe-temps, tournent autour du
monde du bagad.
Certes, ce n’est pas spécifique à un bagad : ça peut être identique dans une équipe de foot et
on pourrait n’y voir qu’un banal effet de la vie associative. Mais ce phénomène est assez
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Recherche “Les pratiques collectives de la musique, bases de l’apprentissage instrumental ” – CNSMD de Lyon
Compte-rendu du voyage à Quimper (Bagad) – 5 et 6 décembre 2003
unique en musique. Il est sans doute comparable à ce qui se passait à la fin du 19ème et au
début du 20ème siècles dans les batteries fanfares, les harmonies … Mais dans les harmonies
ça se passait comme ça avant et ça a tendance à disparaître alors que dans les bagadoù ça se
conforte.
Comment s’explique cette socialisation : les élèves sont inscrits au cours d’instrument qu’ils
ont choisi, il font progressivement partie du bagadic ; après le cours de musique ils vont
pouvoir aller, le soir, voir leurs collègues qui jouent soit dans un fest noz, ou dans un
concert… Ils vont y aller ensemble, se donner rendez-vous dans un bistrot : c’est vrai qu’il y a
l’effet de la vie associative ; il y a l’effet de la musique jouée collectivement ; mais il y a aussi
“un effet acteur” : le jeune de 12 ans qui fait une scène et qui fait le défilé des Cornouailles, il
n’est pas sur le parcours, il est dedans. Ca le met dans une autre état d’esprit parce que c’est
lui qui fait le spectacle. Les parents, après, le disent : ça a fait bouger leur gamin ; lui qui était
timide, il a pris de l’assurance.
C’est le fait d’être acteur, d’exister, d’être exposé qui est important.
Le bagad, une manière d’apprendre à vivre en collectivité.
On parle souvent de la discipline en musique qui est la discipline instrumentale : c’est le choix
de l’instrument et la manière de le travailler. Mais le mot discipline, d’une manière générale,
est utilisé pour désigner les comportements sociaux : ce qui est acceptable et ce qui ne l’est
pas. Vu sous cet angle, celui de l’éducation des comportements sociaux, de l’éducation de la
vie en société, le bagad est une discipline, une manière d’apprendre à vivre en collectivité
suivant des normes qui sont particulières au groupe.
Bien entendu, il y a un règlement intérieur que tout le monde doit respecter. Mais au delà de
cet aspect réglementaire, le bagad c’est une certaine discipline parce que les participants
apprennent à faire quelque chose ensemble. C’est une règle de communauté.
A partir du moment où on a un costume sur le dos, on ne parle plus en son nom personnel, on
parle au nom d’un groupe. Ce n’est plus pareil. On apprend à faire attention à ce qu’on dit
parce qu’on est connecté. On parle au nom d’une image. On est regardé en tant que membre
d’un groupe.
Les sources du répertoire.
Le bagad a été créé il y a 60 ans. Les sources existaient avant mais le répertoire écrit du
bagad, c’est une révision de ces sources. Ce répertoire a été complètement organisé, écrit,
pensé, depuis 60 ans Quelles sont les sources du répertoire et qui a accès à ces sources ?
Les sources ce sont des sonneurs de couple, des chanteurs, des témoignages,… Des vieux
témoignages enregistrés par le biais d’associations qui ont déjà organisé tout ce registre de
collectage. Ou simplement des individus qui, par relation de famille, ont récupéré des
témoignages de génération en génération, ou alors ont fouillé aussi par eux-mêmes.
Le bagad fait de la musique traditionnelle vivante. Les bagadoù ne font pas que reprendre des
choses existantes ; il y a un ensemble de thèmes que l’on connaît et après il y a la façon de les
mettre ensemble pour faire une suite et y ajouter ici ou là des arrangements. Un répertoire de
bagad, c’est 1/3 de composition, un peu plus d’1/3 d’arrangements et 1/3 de restitution
presqu’authentique.
Mais il faut reconnaître que même si le leader est élu, c’est souvent lui le détenteur de la
connaissance, du savoir, de la source. Les éléments des pupitres se tiennent plutôt dans un
rôle de consommateur.
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Compte-rendu du voyage à Quimper (Bagad) – 5 et 6 décembre 2003
Le rôle de B. A. S. vis à vis du répertoire.
Il y eu différentes époques pour la fédération B. A. S.. Il y a eu un moment où il fallait
privilégier la maîtrise technique et la maîtrise de groupe dans l’ensemble des bagadoù.
Aujourd’hui, la maîtrise technique n’est plus le souci n°1 dans les groupes mais il faut y être
attentif. Pour le côté culturel, c’est-à-dire la connaissance des fonds qui servent à alimenter le
répertoire, aujourd’hui, ceux qui ont la volonté d’aller chercher, d’aller fouiller, ont matière à
le faire, à se former, et à imaginer, à inventer, à composer sur cette base-là. Mais il y a, peutêtre, trop de groupes qui n’ont plus cette fibre, cette volonté d’aller rechercher plus loin, qui
se contentent peut-être trop de superficiel ou de recopiage de ce que les autres ont fait sans
vraiment maîtriser les fonds. Un des enjeux des prochaines années sera de mener un travail de
ré-appropriation du fonds culturel.
Mais est- ce qu’on peut imposer ça, aux participants ? Est-ce que chacun n’est pas libre de
jouer la musique qu’il veut ? Pourtant Laurent Bigot mentionne que, dans son emploi du
temps de professeur à l’ENM de Brest, 4 heures sont à la disposition des associations, faisant
figure de personne ressource sur ces questions de source. A titre d’exemple, en 2004, il y a le
terroir Pourleth imposé au concours de 3ème catégorie et un certain nombre de bagadoù
viennent le voir pour étudier la musique Pourleth, pour écouter des enregistrements, essayer
de comprendre, d’analyser., ce qui traduit quand-même un intérêt.
Pour Hervé Le Floch, dans les productions artistiques actuelles des bagadoù, le travail du
retour sur les sources est beaucoup plus présent qu’il y a dix ou quinze ans. Mais peut-être
qu’avec une pratique de masse, cette attention n’est sans doute pas partagée par tous les
bagadoù.
Jean-Louis Hénaff rappelle que les juges terroir ont été instauré en 1990, ce qui a provoqué
une attention qualitative particulière. La totalité des groupes a fouillé dans les archives
sonores pour s’intéresser aux terroirs. Et si on prend les enregistrements des années 80, ce
n’est pas du tout le cas. L’instauration des juges terroir a énormément fait avancer à ce niveau
là.
André Queffélec : Il y aurait beaucoup de choses à faire pour que le sonneur de groupe,
souvent un peu consommateur dans la mentalité d’aujourd’hui, ne soit pas seulement axé sur
les concours, les résultats mais qu’il s’intéresse aussi à la matière qu’il y a derrière ; qu’il n’y
ait pas que son pen de bagad, son chef de pupitre à s’intéresser à ça mais que le sonneur
lambda soit aussi un petit peu impliqué là-dedans.
On peut parfois être surpris que des jeunes, pratiquant la bombarde dans un bagad, ne
s’intéresse pas à la musique bretonne, une fois la répétition terminée. Même si c’est un
phénomène que l’on peut constater avec des instruments classiques, cette surprise est renforcé
par le fait que c’est un instrument spécifique d’une culture, lié à une tradition, à un répertoire
défini : on s’aperçoit que les gens ont choisi le côté instrument, mais n’adhère pas forcément à
la musique qui va avec.
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