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 PASSERELLE UN PROJET DE LA CIE ISSUE DE SECOURS 2014 -­‐ 2015 -­‐ 2016 Compagnie Issue de secours – Direction artistique Pierre VINCENT (France) Compagnie Louxor de Lomé – Direction artistique Ramsès B. ALFA (Togo) Marcelle DUBOIS (autrice québecoise, et codirectrice artistique du Théâtre Aux Écuries Montréal, Québec) Gustave AKAKPO (auteur togolais) Marc-­‐Antoine CYR (auteur québécois) L’association Escale des Ecritures (Togo) Etablissements scolaires de Lomé (Togo) Établissement scolaires de Montréal (Québec) Médiathèque de Villepinte (France) Bibliothèque de Lomé (Togo) Avec le soutien de la Commission Internationale du Théâtre Francophone (CITF) DEMANDES ET PARTENARIATS EN COURS L’ALLIANCE FRANÇAISE À LOMÉ LYCÉE FRANÇAIS DE LOMÉ L’ALLIANCE FRANÇAISE À MONTRÉAL CONSEIL DES ARTS ET DES LETTRE QUÉBEC COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION TERRES DE FRANCE RFI PARTENARIATS PRIVÉS LOMÉ Je me suis souvent interrogé en tant que citoyen et metteur en scène, la réalité que revêt la frontière. Avec le projet Passerelle j’ai placé mon regard dans les frontières, autant celles du sensible, que celles élargies de l’espace, ou encore celles du temps. Il ne me suffisait plus de rencontrer chacun des auteurs. À la ferme Godier nous accueillons des auteurs pour des résidences longues, qui laisse le temps de la rencontre. Il me fallait les emmener sur des territoires nouveaux, nous déplacer et nous mettre à la lisière. Sortir de chez nous, franchir le seuil et explorer l’espace de l’entre deux. Nous devions provoquer un « aller vers » plus dynamique encore, qui pousse chacun d’entre nous à explorer plus profondément le pays de l’autre. Dans l’écriture de ces deux textes, chaque auteur est bousculé dans son intimité d’écrivain, un autre est là avec lui. De cette rencontre surgit une réalité hybride, une pièce. « Inextricable chaos » dirait Tocqueville (signifiant à la fois la découverte et le défrichement de l’espace rencontré). Invitation singulière, pour éprouver dans nos sensibilités la langue de l’autre à la fois si proche et si nouvelle. S’interpeller et co-­‐construire dans une fragilité commune, dire le monde en entremêlant nos perceptions. Tous au même niveau (endroit), nous sommes sur la ligne de frontière. Nous ressentons individuellement le choc qui nait du décalage entre les référents culturels. Peurs, malentendus, interrogations sur soi. Quoi de plus fécond ! Voilà l’aventure proposée. Se décentrer, afin d’éviter le piège identitaire qui consiste à attribuer à « l’identité » les vertus d’une vérité première, et, ainsi, fabriquer avec l’autre une représentation plurielle du monde. C’est le défi que nous avons enclenché pour questionner et créer un objet théâtral en langue française. De quoi la frontière est-­‐elle le lieu ? Pierre Vincent Janvier 2015 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 2 Mardi 7 janvier 2015. Noir Mercredi 8 janvier 2015. Noir Jeudi 9 janvier 2015. Noir Vendredi 16 janvier 2015. Nous recevons les deux premières moutures des deux textes écrits à quatre mains. Ils ont réussi. 8347,63 km entre Lomé et Montréal. 5 heures de décalage. Et bien d’autres. Mardi 20 janvier 2015. Première lecture avec les comédiens d’Issue de secours. Premiers retours. Une lueur dans le noir. Une projection. Un possible commun. Le projet oui. Passerelle Poursuivre l’action au delà des frontières. Pérenniser ces premières collaborations. Interpeller. Rencontrer. Partager pour être libre et ensemble Passerelle France – Togo -­‐ Québec 3 PASSERELLE .................................................................... P. 5 AVANT-­‐PROPOS .............................................................. P. 6 PASSERELLE – LE CHEMIN .................................................. P. 8 Le point de départ, du côté de la création ............................... p. 9 Le point de départ, du côté de l’action culturelle .................... p. 12 PASSERELLE DU DESIR AU MOUVEMENT ................................. P. 14 Quelques mots des auteurs ...................................................... p.16 PASSERELLE – LE PROJET ................................................... P. 20 2014/15 – Création, l’écriture .................................................. p. 21 Je reviendrai de nuit te parler dans les herbes ...................................... p. 22 Danse sur la ligne ................................................................................... p. 30 2015 – Création, les mises en scène ......................................... p. 35 La reprise de Bouge ta langue ! ............................................................ p. 38 Les répétitions et la diffusion des pièces .............................................. p. 39 2015 – les ateliers artistiques ................................................... p. 40 2015 – l’action culturelle .......................................................... p. 42 Passerelle, six semaines à Lomé ............................................... p. 44 Les effets attendus ................................................................................ p. 45 PASSERELLE – D’UN CONTINENT A L’AUTRE ............................ P. 46 PASSERELLE – LES ARTISTES ET LES EQUIPES ARTISTIQUES ........... P. 47 Les lettres d’engagement ......................................................... p. 55 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 4 PASSERELLE UN PROJET DE CREATION, D’ACTIONS CULTURELLES ET D’ATELIERS SUR TROIS CONTINENTS 2014 – Le temps des rencontres et de l’écriture Les rencontres Une première rencontre au Togo du 2 au 7 mars 2014 Une première rencontre au Québec du 29 avril au 3 mai 2014 L’écriture à deux fois quatre mains Synopsis février 2014 Première version des textes décembre 2014 2015 – Le temps de la création et des actions Livraison des textes définitifs juin 2015 à Lomé Création à Lomé du 14 novembre au 13 décembre des deux pièces (mise en scène, jeu) par les artistes du projet Reprise de la création Bouge ta langue ! par Dawâ Litaaba-­‐Kagnita de la compagnie Louxor et Nathalie Bastat de la compagnie Issue de secours, mise en scène Pierre Vincent Ateliers de jeu et de mise en scène par Pierre Vincent et Dâwa Litaaba-­‐Kagnita ouverts aux comédiens professionnels et aux étudiants Ateliers d’écriture par Ramsès Alfa, Gustave Akakpo, Marc-­‐Antoine Cyr, Marcelle Dubois en collaboration avec l’association Escale des Ecritures Rencontres d’auteurs (Bibliothèque, Star bus, lycée français, lycée Nyekonakpoé) Actions culturelles en milieu scolaire (écoles, collèges et lycées) par les comédiens d’Issue de secours et de Louxor 2016 – Le temps de la diffusion et des actions à Villepinte – Mai 2016 Diffusion de la création dans le cadre du festival Oups ! Bouge ta langue ! Rencontres d’auteurs (en cours) Actions culturelles en milieu scolaire (en cours) à Montréal – 2ème semestre 2016 Diffusion de la création (théâtre AUX ÉCURIES – Montréal, en cours) Ateliers d’écriture Ramsès Alfa, Gustave Akakpo, Marc-­‐Antoine Cyr, Marcelle Dubois (en cours) Rencontres d’auteurs (en cours) Actions culturelles en milieu scolaire (en cours) Passerelle France – Togo -­‐ Québec 5 AVANT PROPOS… Notre outil artistique, en tant que compagnie dramatique, pour dire les bruits du monde et convier le plus grand nombre à les écouter, c’est le texte. Matériau premier nécessaire à nos représentations. Nous pourrions bien sûr nous en dispenser, mais disons quand même qu’aujourd’hui, ce qui nous anime dans les créations et les actions culturelles que nous menons passe par le texte dramatique. Depuis quelques années, nous accueillons en résidence, à la ferme Godier, des auteurs de théâtre qui écrivent en français et viennent de Côte d’Ivoire (Koffi Kwahulé), de France (Sylvain Levey, Edith Azam), du Togo (Gustave Akakpo), du Québec (Marc-­‐
Antoine Cyr), de Serbie (Sonia Ristic), du Congo et du Burkina Faso (Faustin Keoua Leturmy), de la Réunion (Paul Francesconi). Nous invitons aussi pour des rencontres, d’autres auteurs, qui eux aussi écrivent en français et viennent d’Algérie (Kaouther Adimi, Ahmed Kalouaz, Leila Sebbar), de Belgique (Laurence Vielle), de France (Magali Mougel, Anne Luthaud, Luc Tartar, Philippe Dorin, Laurent Contamin, Solenn Denis, Clémence Weill, Claudine Galéa), de Suisse (Antoinette Rychner), du Québec (Carole Frechette, Dominick Parenteau-­‐
Lebeuf, Suzie Bastien). Il sont tous habitants d’une langue commune, et créent le récit du monde. Et si nous invitons ces auteurs c’est qu’ici, à la ferme Godier, dans cet endroit de Seine-­‐
Saint-­‐Denis, nous accueillons des spectateurs et travaillons avec des enfants, des adolescents, des adultes qui communiquent en français aussi. Certains viennent juste d’arriver en France et nous suivent à la ferme avec confiance. Ils viennent travailler avec l’équipe artistique de la ferme, ou un auteur ou une jeune équipe accueillis aussi en résidence. La langue française comme un accès pour leur futur ici et le plaisir de se rencontrer aussi. D’autres sont chargés de l’histoire de leurs grands-­‐parents ou de leurs parents nés hors de métropole en un endroit du monde qui leur semble loin, attirant et parfois effrayant. Ils parlent souvent deux langues. D’autres encore portent l’histoire de leur famille française depuis des générations. Ils connaissent la langue française et la manient couramment. Mais qu’ils soient ici depuis longtemps ou qu’ils viennent juste d’arriver, qu’ils se reconnaissent ou qu’ils s’ignorent, ils se frottent à la langue et partagent la même dans de nombreux espaces. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 6 Par notre travail auprès des habitants de ce territoire, nous avons mesuré la nécessité de rendre joyeuse l’utilisation de la langue, de la rendre multiple, accueillante. Impulser des collaborations, des envies de réfléchir, de choisir, d’argumenter, de discuter, de regarder et d’écouter. En 2013, nous avons créé la première édition du festival Oups ! Bouge ta langue !, un événement festif autour des textes d’ici et d’ailleurs en langue française mais aussi autour du monde tel qu’il est appréhendé par les artistes de langue française. Un moment de partage, de singularité et d’expression qui se frottent et nous rendent le monde plus familier. En 2015, la troisième édition se met en place et s’enrichit de nouveaux partenariats artistiques et culturels. Le projet que nous présentons à travers ce dossier est issu du travail de création et d’action culturelle mené depuis plusieurs années sur ce territoire et des rencontres sur le long terme que nous avons pu vivre en accueillant les artistes ici, à la ferme Godier, à Villepinte… Il nous faut maintenant partager hors des frontières et se décentrer. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 7 PASSERELLE – LE CHEMIN PASSERELLE mêle LA CREATION ARTISTIQUE, LES ATELIERS et L’ACTION CULTURELLE pour multiplier les rencontres, les idées, susciter le questionnement, la découverte et le débat, provoquer les pratiques, la création, l’imaginaire, fabriquer ensemble, jouer ensemble et questionner la langue Passerelle France – Togo -­‐ Québec 8 LE POINT DE DEPART DU CÔTÉ DE LA CRÉATION En 2011, Koffi Kwahulé, en résidence avec nous à Villepinte, nous présente, lors d’une carte blanche à la ferme Godier, Gustave Akakpo, auteur togolais. En 2012, nous l’accueillons en résidence d’auteur à la ferme Godier. Gustave est auteur, illustrateur, comédien et conteur. Nous aimons ce pluralisme de point de vue, du texte à la scène, de l’exercice solitaire au partage immédiat. Son écriture nous séduit immédiatement. D’une grande densité, elle parcourt tous les genres littéraires : le théâtre, les contes, la poésie. Elle nous fait cheminer dans un univers singulier. Son spectre stylistique est vaste, de la gaîté à la légèreté, du tragique à la comédie. Elle dit l’Afrique, elle dit les conflits, les incertitudes, et au-­‐delà de l’Afrique, elle dit l’humain. Durant plusieurs mois, nous travaillons ensemble à la ferme, dans le cadre des comités de lecture et des ateliers adultes amateurs, avec les jeunes dans les collèges et lycées autour de son projet d’écriture Dans la gaule de nos ancêtres les immigrés. Lors d’une carte blanche proposée par Gustave, nous découvrons le comédien, musicien Dâwa Litaaba-­‐Kagnita. Ensemble, ils proposent au public de la ferme un spectacle de contes. Dâwa Litaaba-­‐Kagnita est co-­‐fondateur de la compagnie Louxor de Lomé dirigée par Ramsès Alfa. Pierre Vincent propose alors à Dâwa de travailler avec lui dans le cadre de la première édition du festival Oups ! Bouge ta langue ! en mai 2013 autour d’une petite forme issue des textes d’Edith Azam, Hakim Bah, Aimé Césaire, Gérald Chevrolet, Koffi Kwahulé, Jean-­‐Frédéric Messier, Lolita Monga, David Paquet, Jean-­‐Luc Raharimanana, Laurence Vielle, et à destination du public des centres sociaux en apprentissage de la langue française. Dâwa y sera acteur et musicien avec Nathalie Bastat, comédienne de la compagnie Issue de secours. C’est à l’occasion d’une autre carte blanche proposée par Gustave Akakpo que nous découvrons l’écriture de l’auteur québécois Marc-­‐Antoine Cyr avec son texte Quand tu seras un homme (éditions Quartett). Dans l’écriture de Marc-­‐Antoine Cyr se mêlent un onirisme très fin, délicat et un concret empreint d’une violence sourde. Cette posture est source d’un humour subtil. Elle ouvre des champs d’explorations dramatiques très vastes. La tension dans ses mots révèle un monde fait de chaos, de précipices, de chocs. Nous l’accueillons en résidence d’auteur à la ferme Godier de février à septembre 2013 où, comme Gustave, il est parti à la rencontre des villepintois, jeunes et moins jeunes lors des diverses actions que nous menons sur le territoire. Il écrit la pièce Prends soin (Take care) issue du recueil de témoignages des habitants sur le thème féminin/masculin qui sera mise en scène par Pierre Vincent et jouée par Pascale Poirel jusqu’en septembre 2014 dans le cadre du Théâtre à Domicile mis en place par le théâtre de la Poudrerie à Sevran. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 9 Marc-­‐Antoine nous fait découvrir lors d’un comité de lecture, l’autrice et metteuse en scène Marcelle Dubois, directrice artistique de la compagnie de théâtre Les porteuses d’aromates et co-­‐directrice artistique du théâtre Aux écuries à Montréal. En 2014, nous proposons à la classe d’accueil du collège Dolto de Villepinte, avec laquelle nous travaillons chaque année autour d’un texte contemporain, de travailler sur le texte de Marcelle, La ville en rouge (Lansman éditeur). Nous y avons trouvé un road movie pour l’enfance qui nous parle autant des frontières physiques que de celles que nous franchissons à l’intérieur de nous pour réaliser nos rêves. Une écriture directe, immédiate. Lors d’Oups ! Bouge ta langue ! les collégiens rencontrent Marcelle Dubois via skype au théâtre de la ferme Godier. LES MOTS DE GUSTAVE AKAKPO SUITE A SA RESIDENCE D’AUTEUR A LA FERME GODIER EN 2012 Je parle de rencontre et j’insiste là-­‐dessus, parce que c’est d’abord ce que je retiens de ma résidence d’écriture avec la compagnie Issue de secours. (…) De cette rencontre naît un désir de travailler ensemble, de croiser nos envies, nos regards sur le monde. (…) Partir en aventure et pas sur un chemin balisé, mais en toute amitié et confiance. Et alors de cette expérience, pour chacun des compagnons de route, peut surgir quelque chose de nouveau, d’accidentel. L’accident recèle un formidable potentiel créateur. À l’heure où il est pas mal question d’identité, de repères, d’immigration, de construction, et où ces thématiques sont souvent malheureusement otages de manipulations politiciennes, sur fond de mensonges ou de demi-­‐vérités, nous avons eu l’envie d’interroger ces thèmes à l’aune de l’histoire française, de l’actualité et des composantes de notre société. S’il semble évident de se poser la question, d’où viennent par exemple les Antillais, ou les porteurs de nom à consonance pas très catholique, on pourrait tout aussi bien se demander d’où viennent les Bretons, ou les Auvergnats, etc. ? (…) Au bout de l’aventure, il y a des textes écrits par les participants aux ateliers et présentés en public à la Ferme Godier. Il y a mon texte, au titre provisoire «Français, Françaises» où il est question du visage actuel de la France et de l’héritage dont nous sommes une courroie de transmission, d’un écrivain qui s’aventure en banlieue difficile pour trouver des jeunes en mal d’intégration, d’un musée de la migration tenu par un futur ex-­‐lepéniste... et bien d’autres personnages. (…) Cette résidence, c’est enfin le début d’une belle et fructueuse collaboration amicale et professionnelle. GA – septembre 2012 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 10 LES MOTS DE MARC-­‐ANTOINE CYR SUITE A SA RESIDENCE D’AUTEUR A LA FERME GODIER EN 2013 Dans mon projet de résidence amorcé il y a plus d’une année, j’en appelais à tous les possibles. Ceux qui adviennent quand un auteur met le pied dans un territoire. Je me rappelais que j’avais grandi dans un village où la culture ne fleurissait pas beaucoup, mais que des gens y étaient venus, me l’avaient apprise, avaient allumé l’étincelle d’un brasier qui m’enflamme encore aujourd’hui, trente ans plus tard. (…) La durée de la résidence a permis de creuser des sillons, de semer plusieurs pistes. (…) Au fil des mois, des rencontres ont essaimé mon parcours. Des échanges parfois fructueux, parfois hasardeux, mais je l’espère toujours féconds. (…) Le chantier fut imposant, en somme, et je n’ai pas ménagé mes efforts. En quittant mon 17e arrondissement parisien plusieurs fois par semaine et en faisant le chemin vers Villepinte dans le terrible RER B, j’ai eu la sensation de pouvoir observer toute l’humanité en condensé. Il y eut beaucoup de rencontres et des belles, quelques cahots, des étonnements divers, surtout de l’écriture en continu… tout cela qui fait les charmes et les beaux dangers d’une résidence. MAC – septembre 2013
Un parcours de plusieurs années avec deux de ces artistes rencontrés par l’écriture. Aujourd’hui nous nous associons avec eux à d’autres artistes pour un projet commun qui mèle l’écriture dramatique contemporaine, la création, l’action culturelle, les professionnels et non-­‐professionnels. Jusqu’où nous mènera la langue… Passerelle France – Togo -­‐ Québec 11 LE POINT DE DEPART DU CÔTÉ DE L’ACTION CULTURELLE Nous fabriquons à Villepinte, avec le public de ce territoire de Seine-­‐Saint-­‐Denis, des projets autour de l’écriture dramatique contemporaine. Différents dans leur cheminement, ils ont tous en commun le texte, la langue, la création, la rencontre avec des auteurs et des équipes artistiques. Ainsi Atout Textes regroupe l’ensemble des actions en milieu scolaire ; les Petites voix, spectacles jeune public adaptés d’albums jeunesse, sont diffusées dans les bibliothèques, les écoles, les centres sociaux et à la ferme Godier ; les ateliers d’écriture prennent place dans les centres sociaux et à la maison d’arrêt ; les rencontres d’auteurs se déroulent à la ferme Godier, à la maison d’arrêt et à la médiathèque de Villepinte ; les projets autour du théâtre jeunesse se déroulent avec des assistantes maternelles dans le jardin, avec des adolescents à l’hôpital et ceux autour de la lecture avec des adultes en situation de handicap. De ces actions qui convergent toutes à un moment ou un autre vers la ferme Godier pour les créations et les spectacles, naissent l’optimisme et le plaisir. Depuis mai 2013, nous organisons le festival Oups ! Bouge ta langue ! autour des écritures d’ici et d’ailleurs en langue française. Avec ce festival, nous avons souhaité prolonger nos actions régulières vers un temps fort annuel où la langue est mise à l’honneur. Avec Oups ! Bouge ta langue ! nous renforçons la cohérence avec les artistes accueillis à la ferme Godier. Nos routes se sont croisées et nous les prolongeons le temps d’une création, d’un spectacle, d’une résidence, d’une rencontre d’auteur, d’un débat, d’un repas avec le public. Nous sommes accompagnés des équipes des médiathèques auxquelles nous proposons de participer au comité de sélection des albums choisis pour les Petites voix créées dans le cadre du festival ; nous sommes soutenus par les enseignants qui répondent présents aux nouveaux projets destinés aux jeunes des écoles, collèges et lycées ; nous retrouvons les équipes des centres sociaux avec lesquelles nous imaginons de nouveaux projets à mettre en place pour les usagers de leurs structures. L’édition 2015 s’ouvre à la collaboration avec le Centre Culturel Francophone de Buzau en Roumanie. Et ainsi, nous créons… un spectacle tout public à partir de textes d’auteurs francophones et diffusé dans les centres sociaux auprès du public en atelier sociolinguistique Trois nouvelles Petites Voix à partir d’albums francophones Nous initions… le prix lycéen de littérature dramatique francophone Inédits d’Afrique et Outremer en partenariat avec l’association Postures, les éditions Lansman et le Tarmac à Paris. Nous accueillons… L’auteur lauréat de prix Inédits d’Afrique et Outremer 2013, Faustin Keoua Leturmy pour une résidence en avril-­‐mai 2014 pour sa pièce Passe pas l’homme ! L’auteur lauréat 2014 Paul Francesconi pour sa pièce Mon ami n’aime pas la pluie, en avril-­‐mai 2015. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 12 Nous proposons… des rencontres d’auteurs, des restitutions des ateliers, des spectacles d’artistes francophones, des projections de courts métrages issus du GREC (Groupe de Recherche et d’Essai Cinématographique), des temps de débat avec les Réflex’apéro des actions sur le territoire Toutes ces collaborations se sont construites avec le temps. Nous favorisons les projets sur le long terme qui nécessitent une construction commune, une collaboration de plusieurs mois, parfois d’années. Nous souhaitons impulser des collaborations, des réflexions, des créations communes, choisir, argumenter, discuter, regarder, écouter dans la durée, ensemble et avec une joyeuse constance. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 13 PASSERELLE – DU DESIR AU MOUVEMENT Passerelle France – Togo -­‐ Québec 14 Nous étions déjà en route, en marche vers ce projet, nous le tournions déjà dans nos têtes depuis plusieurs années. Dans la cuisine de la ferme Godier, lieu des rêves, des saveurs, des partages et des utopies, nous avions souvent évoqué avec Gustave Akakpo, Marc-­‐Antoine Cyr, Dâwa Litaaba Kagnita, nos désirs communs de poursuivre ailleurs l’aventure. Une aventure. Mais le désir ne suffit pas à l’aventure. Il faut le bon temps, le bon sens, être prêt à prendre des risques, à s’engager sans être sûr, accepter l’incertain et trouver l’impulsion au bon moment. Nous avions le désir, les points de départ mais pas le mouvement. Dâwa Litaaba Kagnita a passé 6 mois avec nous dans le cadre d’un stage long pour sa formation MASTER 1 en administration des institutions culturelles Aix-­‐Marseille Université. Son mémoire portait sur la ferme Godier à travers le cadre général de l’analyse du mécanisme de maintien d’un objectif culturel. L’impulsion c’est Dâwa, et nous l’en remercions. Par son temps passé à travailler autour de notre travail, à nous poser autant de questions, à nous livrer son analyse, son enthousiasme, son énergie nous avons senti que c’était là, maintenant. Nous étions prêts à passer du désir au mouvement. Dâwa nous permet, en tant que fondateur de la compagnie Louxor à Lomé avec Ramsès Alfa, de contacter Ramsès. Le dialogue via Skype s’engage, les textes lus, les vidéos regardées… Gustave et Marc-­‐Antoine très vite associés au mouvement nous disent être prêts à passer un mois au Togo en novembre-­‐décembre 2015. Marcelle Dubois rejoint le projet et elle aussi bloque la période de fin 2015. Il nous faut poursuivre le mouvement, aller sur place, sentir si ce projet est juste, si ce n’est pas simplement un désir d’ailleurs… Pierre Vincent part à Lomé en mars 2014. Pascale Poirel (co-­‐directrice de la ferme Godier) part à Montréal en mai 2014. Les binômes d’écriture sont en marche. Le projet avance. Du désir au mouvement. Allez de soi en soi en passant par les autres – dit un Proverbe Touareg Passerelle France – Togo -­‐ Québec 15 QUELQUES MOTS DES AUTEURS1 Lors de ma résidence en 2012, j’ai pu faire plus ample connaissance avec les autres membres de la compagnie Issue de secours et apprécier son ancrage territorial, à travers notamment les pratiques amateurs, et son ouverture d’esprit artistique et humaine qui m’ont tout naturellement amené à présenter à la compagnie Dâwa Litaaba-­‐Kagnita et Marc-­‐Antoine Cyr, auteurs eux-­‐aussi de ce projet. Et cette fois-­‐ci la route nous conduit à Lomé. C’est avec émotion que j’écris le nom de la ville où j’ai grandi, tant en matière théâtrale l’écart entre les talents (la compagnie Louxor, Escale des écritures et bien d’autres), leurs investissements et l’absence de moyens favorisant l’émergence et l’accompagnement des artistes est criard. C’est déjà une aventure singulière qui se met en place à travers l’écriture à huit mains. Quatre pour Marc-­‐Antoine et moi, et déjà nos mains se croisent et cela m’excite de voir comment dans la rédaction du synopsis, elles ont réussi à trouver une complicité toujours questionnée, car le but pour nous est aussi là, comment nous surprendre, nous déplacer à l’aune de cette passerelle. J’ai hâte de vivre les mois à venir. GA
Dire oui à un projet de coécriture entre partenaires de pays si différents est une entreprise hasardeuse. Et c’est bien pour cela qu’il provoque dans ma tête et dans mon corps autant d’étincelles. Écrire a toujours été pour moi un acte intime, personnel. Ma manière de regarder le monde depuis mon endroit, depuis mon histoire, avec le périmètre étroit de mon parcours d’enfant choyé de l’Occident. Or ce regard s’est récemment élargi, puis largement ouvert au contact des écritures des autres et des voyages d’écriture que j’ai pu mener de par le monde, d’abord en France, puis au Mexique et ensuite au Liban. Cet attrait de l’autre et de ce qu’il savait provoquer d’inouï dans mon geste d’écriture a été la motivation d’un premier exil de Montréal jusqu’à Paris, il y a cinq ans. C’est là que j’ai rencontré l’équipe de la Ferme Godier, qui a su jouer de mon regard d’étranger tout en l’accueillant pleinement dans l’ici et maintenant de sa pratique. Depuis ce premier choc entre nous, l’idée d’ouvrir plus grand notre horizon s’est faite toute seule. Une sorte d’évidence. Maintenant, et grâce aux efforts de nos amis Gustave et Dawa, le Togo est notre destination. Si on appelle parfois Paris le centre du monde, un peu pompeusement je pense, il s’agit tout de même d’un endroit assez idéal pour observer depuis le cœur le fait francophone, pour analyser ses racines séculaires, ses aventures de conquête et ses retours de boomerang parfois magnifiques, souvent douloureux. Mon écriture, désormais, n’a plus que cette vertu : donner la parole à cet autre qui me ressemble, lui prêter ma voix et me mettre un peu à la place du témoin. User de bienveillance, jamais de condescendance. Écouter. Me taire parfois. Trouver une parole qui nous mette tous et toutes en commun au lieu de nous distinguer. En côtoyant souvent mon camarade Gustave Akakpo depuis le début de mon exil en sol français, j’ai trouvé dans nos discussions bien plus de ressemblances que de différences entre 1
L’intégralité des lettres d’engagement se trouvent à la page p. 58 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 16 nous, alors que nous sommes issus de milieux si distincts. C’est cette fraternité-­‐là que je souhaite explorer davantage en écrivant avec lui. Je suis à la recherche de ces entrechocs, de ces accidents dans nos parcours qui font que nos paroles se heurtent, se chahutent un peu, tout en racontant pourtant la même histoire. Ce travail, passionnant et soulevant mille questions sur la manière de déployer du théâtre et du sens, m’intéresse d’autant plus que nous abordons dans notre texte deux visions d’un même territoire : le Togo. Archi-­‐connu pour Gustave, ce pays est aujourd’hui pour moi un contour, un rêve, un fantasme qui n’a que mes mots et mon imaginaire pour exister. Aller déposer cet imaginaire là-­‐bas, en plus de ma pratique restée très nord-­‐américaine de la structure dramatique, de l’accompagnement dramaturgique, envisager dans ma parole puis dans mes actes un pays à la fois si étranger et devenu de plus en plus familier, voilà une aventure artistique qui me parle, qui me change et me bouscule. Qui fait boussole. Avec ce qui se passe ces jours-­‐ci en France et ailleurs dans le monde, je crois qu’il est de notre responsabilité d’écrivains de regarder en face cet autre, de dialoguer avec lui, et de trouver tous les moyens possibles de refaire du lien. Le théâtre pourrait avoir cette vertu. D’hasardeux, le projet devient aujourd’hui nécessaire. Pour ce faire, en plus du travail d’écriture que je mène depuis quelques mois avec Gustave sur une pièce, je me propose d’aller à la rencontre des enfants et des adultes de Lomé, de leur organiser des ateliers d’écriture et d’être là pour vérifier, peaufiner, bonifier l’écriture de la pièce au fil de ses répétitions, pour que la rencontre soit au final totale et féconde. Et qu’elle nous propulse vers des histoires nouvelles, inattendues, aux racines pointées vers le ciel. Concrètement, il s’agira de prêter mon expérience, mon savoir-­‐faire et mes heures afin de réinventer mon regard, de faire en sorte qu’il soit partagé, nourri, et d’autant élargi. MAC
Mon camarade Ramsès Alfa et moi avons arpenté ensemble les chemins sinueux du théâtre au Togo. Nous avons fait l’expérience d’une troupe professionnelle naissante dans un univers où le rapport entre les mots théâtre et profession n’avait aucune cohérence aux yeux des décideurs de notre pays. N’est-­‐il pas encore balbutiant aujourd’hui ? Et pourtant nous y avons cru. Entre instabilité politique, absence d’institutions publiques de formation et d’appui, irrégularité des moyens de production, nous avons participé activement et sans relâche à la « fabrication » et au maintien du théâtre professionnel togolais avec la compagnie Louxor. Bien entendu, nous n’aurions pas pu faire du chemin sans l’engagement effectif de camarades acteurs évoluant au sein d’autres compagnies. Le fait de partager nos expériences et nos recherches a toujours été vital pour nous étant donné que le Togo ne dispose, à ce jour, d’aucune académie de formation dédiée aux métiers du théâtre. Gustave Akakpo fait partie des inconditionnels du théâtre avec lesquels nous avons entrepris le renouveau du théâtre professionnel au Togo en pleine crise socio-­‐politique des années 90. Nous l’avion fait en nous battant contre vents et marrées pour la liberté d’expression par le théâtre. C’est pourquoi travailler avec Gustave Akakpo et Ramsès Alfa autour du projet Passerelle me paraît évident. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 17 Cette collaboration nous interpelle comme quand les racines d’un arbre qui vient de perdre ses branches, réclament au tronc des bourgeons pour leur survie. Nous avons eu en dehors du Togo, des parcours personnels diversifiés et riches. Il nous faut à présent nourrir ensemble le « grenier » de nos expériences afin de mieux orienter notre volonté d’œuvrer pour le développement des métiers du théâtre au Togo. Quand j’ai rencontré Pierre Vincent et son équipe à Villepinte, grâce à Gustave, il y a eu là encore une évidence doublement traduite par une envie forte de continuer notre collaboration et de répondre à un défi : celui d’œuvrer ensemble pour une action continue qui soutient la démocratisation culturelle au Togo. En outre, la compagnie Issue De Secours inscrit le Théâtre au présent et donne la parole, avec urgence, aux auteurs et aux acteurs du monde francophone. C’est en cela que réside le cordon qui nous rassemble et qui nous lie à Pierre Vincent et son équipe. J’ai découvert l’écriture saisissante et décapante de Marc-­‐Antoine Cyr en 2013, lors de la représentation de sa pièce Fratrie au théâtre la ferme Godier dirigé par Pierre Vincent. Elle est en accord avec ce qui m’attache au théâtre engagé. Nous avons beaucoup échangé lors de mon stage à la ferme Godier. Il m’a fait découvrir l’écriture et le travail de Marcelle Dubois. Je constate que nous partageons les mêmes convictions sur l’importance du théâtre francophone. Elle épouse l’idée du projet Passerelle, s’y engage et veut partager sa plume avec Ramsès Alfa. L’équipe que nous formons représente, à mon sens, une grande école des métiers du théâtre qui profitera beaucoup aux comédiens professionnels et aux étudiants du Togo. Ce qui me motive au-­‐delà de l’intérêt que je porte à la qualité du parcours artistique de l’ensemble de l’équipe du projet Passerelle, c’est : l’envie d’ouverture au monde, l’amour de la langue commune et la conviction collégiale qu’est la nôtre, de participer au développement de la culture francophone. Nous ne pourrons le faire qu’en « francophonant » théâtralement ensemble. Dâwa Litaaba-Kagnita
La proposition du Théâtre Issue de secours m’a interpellé par la forte originalité du processus proposé, celui d’une rencontre culturelle et artistique qui se ferait à l’intérieur même du geste de l’écriture. Souvent les projets multi-­‐pays se bâtissent autour d’une œuvre écrite par un auteur d’un des pays impliqués et la mixité culturelle se vit en côtoyant dans l’aventure des artistes de diverses origines. Ici, l’intimité et la proximité recherchées sont d’autant plus grandes et confrontantes que nous oeuvrons à bâtir une parole commune. Je ne vous cacherai pas que cette aventure est pleine de défis. L’écriture est généralement un acte solitaire. Une langue d’auteur est un organe de communication personnel. Un propos est, à mon avis, une prise de position toujours ancrée dans des référents socio-­‐politiques culturels dû à l’environnement qui nous a vus grandir. Alors, comment un togolais et une québécoise qui ne se connaissent que par les voies de l’internet et la magie de Skype peuvent-­‐ils arriver à tisser une œuvre commune, écrite à quatre mains? En se faisant confiance. Et en acceptant l’altérité dans ce qu’elle a de plus troublante. En dehors de tout égo. En dehors de la radicalité que demande habituellement l’écriture. En tâchant de se fondre dans la pensée de son collègue. En faisant s’entrechoquer les plaques tectoniques de nos continents imaginaires. Choc duquel naît un nouveau pays de fiction. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 18 C’est complètement à contre-­‐courant de mon travail habituel d’auteure qui se tisse généralement lentement, loin des regards. Et c’est précisément ce qui m’amuse dans ce projet d’écriture commune. Sortir de moi pour rejoindre Ramsès Alpha dans une zone neutre où nous sommes égaux devant les mots. Et où pour avancer, nous n’avons d’autre choix que d’accepter les propositions de l’autre, bâtir sur elles, et laisser l’autre triturer notre idée tout comme on triture la sienne. Il y a dans nos allers-­‐retours d’écriture quelque chose de complètement libéré. Et ça fait du bien. Ça sécurise et stimule. Ça ouvre les possibles. Je n’aurais jamais pu écrire la scène de vaudou que propose Ramses, comme il n’aurait pu écrire celle sur les tartes à la rhubarbe les jours de grandes neiges. Je n’aurais pas naturellement cet humour cynique qui est le propre de mon collègue, tout comme il ne peut avoir le verbe incisif et concis qui est le mien. Mais si nous ne pouvons en être les instigateurs, nous pouvons nous les approprier, y intervenir, en changer l’issue pour faire concorder l’action et la langue avec la scène que l’on s’apprête d’écrire. À leur contact, nos écritures se modulent, se modifient, se transforment… pour ce projet… mais j’oserais même dire pour la suite de ma pratique aussi. Il y a une telle ouverture d’esprit dans l’écriture collective que c’est inévitable : notre rapport à l’imaginaire change. C’est cette joyeuse contamination de la pensée qui est jouissive dans cette façon de travailler. C’est excessivement formateur comme processus. Marcelle Dubois
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 19 PASSERELLE -­‐ LE PROJET Passerelle France – Togo -­‐ Québec 20 -­‐ 2014/2015 -­‐ CRÉATION L’ÉCRITURE Lorsque le mouvement opère et que nous proposons concrètement à Ramsès Alfa, Gustave Akakpo, Marc-­‐Antoine Cyr et Marcelle Dubois de travailler ensemble, nous sommes confiants. Confiants parce que les rencontres à Lomé et à Montréal fortifient le sens du projet. Confiants parce les auteurs sont enthousiastes. LES MORTS QUI N’ONT PAS DE VIVANTS SONT AUSSI MALHEUREUX QUE LES VIVANTS QUI N’ONT PAS DE MORTS L’écriture se fait à quatre mains et a pour point de départ ce proverbe africain. Le proverbe a été proposé par Gustave Akakpo. Cette phase de recherche et d’écriture débute en février 2014 et se terminera en juin 2015. Première version des textes en janvier 2015 avant le rendu des textes définitifs en juin 2015. Marc-­‐Antoine Cyr et Gustave Akakpo forment le premier binôme d’auteurs, ils écrivent pour deux femmes et un homme. Marcelle Dubois et Ramsès Alfa forment le second binôme d’auteurs, ils écrivent pour deux hommes et une femme. Cette phase d’écriture se fait conjointement à Paris, à Lomé et à Montréal… skype et internet sont de précieux alliés. LES DEUX PIÈCES S’ÉCIRVENT JE REVIENDRAI DE NUIT TE PARLER DANS LES HERBES par Gustave Akakpo et Marc-­‐Antoine Cyr DANSE SUR LA LIGNE par Ramsès Alfa et Marcelle Dubois Passerelle France – Togo -­‐ Québec 21 JE REVIENDRAI DE NUIT TE PARLER DANS LES HERBES par Gustave Akakpo et Marc-­‐Antoine Cyr RÉSUMÉ De retour au pays natal après un long exil, Auguste cherche à revoir Hada, son ancien amour de jeunesse. Il trouve plutôt Elia, la sœur de Hada, décidée à lui barrer la route du retour. Entre Auguste, Hada et Elia commence une longue reconquête. Parce que le pays laissé derrière a changé. Parce qu'Auguste a changé, a oublié, a réécrit son histoire, a même fini par y croire. Sur la trace des anciennes amours, on trouve parfois quelques fantômes agités. SYNOPSIS Quelque part dans le golfe de Guinée, Auguste et Hada se sont connus à 16 ans lors d'une manifestation durement réprimée par le régime en place dans leur pays. Il y eut de nombreux morts − des amis, des proches et des inconnus − et tant de douleur et de colère ont forgé leurs années de jeunesse, passées à dire non à la dictature, en même temps qu'ils apprenaient les mots de la langue et du corps pour dire leurs premiers émois d'amoureux. Des années plus tard, pour sauver sa peau, Auguste a dû partir en exil. Hada, elle, a choisi de rester. Alors qu’il aurait fallu inventer la vie nouvelle, Auguste n’a fait qu’écrire et réécrire celle qu’il avait avant. Il est devenu en exil un artiste engagé, a écrit de puissantes œuvres sur la dictature. Célèbre à l'étranger, de livres en livres, il est devenu la figure mondaine de la résistance à l'oppression. Auguste a fait de Hada l'héroïne de plusieurs de ses romans à succès. Il s'est voué à écrire la vie de l’absente, pour continuer d’être présent à côté d'elle, pour continuer avec elle le combat. Elle… De vagues rumeurs remontées jusqu’à Auguste ont dit qu'elle avait viré folle. Qu'elle en avait fait des choses pour faire tomber le dictateur. Que même, avec d'autres femmes, elle avait marché nue dans les rues de la ville, convoquant la honte sur le régime en place. En vain. Elle a souvent été arrêtée. On imagine ce qu'on a pu lui faire. Ce que les militaires font aux femmes. Après tout cela on dit qu'elle s’est mise à délirer, qu'elle prêchait l'imminence de temps nouveaux aux carrefours de la capitale. Prophète sans miracle, elle a distrait les foules, mais le temps a fini par la déposséder d'elle-­‐même et de l'image de la grande résistante qu'elle fut. Le temps si vite passé a effacé les mémoires, réussissant là où les héros ont échoué à emporter un dictateur Passerelle France – Togo -­‐ Québec 22 aussitôt remplacé par son fils, plus fun que son père, qui a engagé des réformes, entonné un petit air de liberté, donné à tous les habitants le droit de gueuler, et même de manifester. Ainsi sous ses airs débonnaires il a habilement manœuvré pour enculer la liberté, et tant qu'il tient l'armée et les caisses, vous pouvez toujours courir. Alors on dit qu'à la fin c'est ce qu'elle s'est mise à faire, Hada. Courir, mais pas à la manière d'une athlète ou d'un coureur du dimanche. On raconte qu'elle s'est acoquinée au vent, qu'elle est devenue poussière, que lorsque tout d'un coup vous voyez la poussière se lever et se faire plus véhémente que d'habitude, c'est elle, assurément. C’est ce qu’ont raconté les rumeurs à Auguste. Et c’est ce qu’Auguste a écrit dans ses livres. La femme aimée devenue vent violent, devenue poussière d’avant. Et voilà qu’Auguste, rentré d'exil à la faveur d'une clémence présidentielle, la cherche dans les rues du retour. Les rues changées, comme déplacées, comme dans le rêve que fait le somnambule qui ne reconnaît plus les repères familiers. Et dès la première nuit, il la revoit. Il n'en revient pas de la trouver à l'entrée de la maison, murmurant la promesse qu'ils se faisaient en rigolant quelques années plus tôt dans le maquis : « Je reviendrai de nuit te parler dans les herbes. » Cette nuit-­‐là, tout comme les mots, les corps retrouvent les gestes enfouis et ils s’aiment dans l'immense lit de sa chambre de petit bourgeois. Mais le lendemain, au réveil, Auguste se retrouve seul avec dans le lit cette poussière venue d'il ne sait où. Mais ce n’est rien qu'un peu de poussière, pas de quoi s'affoler. Il préfère consacrer son énergie à retrouver son... comment doit-­‐il l'appeler ? Son amie, son amoureuse, sa nostalgie, sa mauvaise conscience, son renouveau ? Peu importe, pourvu qu'il la retrouve. Il la cherche et il tombe sur Elia, la sœur de Hada. Elia dont on dit qu’elle vit dans l’oubli. Elia qui essaie simplement de reconstruire sa vie en ruines et de tourner la page, pour de bon ou pour le pire. Alors tous les jours, Auguste écrit et il cherche Hada. Il parcourt le pays, les rues, les lieux qu'elle avait l'habitude de fréquenter, il demande aux amis, aux gens qui la connaissent des informations qui pourraient le mettre sur son chemin. Et quand il se fatigue de la chercher, il écrit. À sa manière, il rappelle encore à lui Hada. Et toutes les nuits, Hada reparaît. Auguste ne sait plus qu’écrire sur elle et lui faire l’amour sur les poussières de la nuit d’avant. Et alors qu’on le croit près de devenir fou, à parler à tout vent d’une femme que lui seul revoit la nuit, peu à peu toute la ville entend elle aussi la voix de Hada, revoit Hada, retrouve la Hada d’avant marchant nue dans les rues. Hada qui ne répond plus quand on lui parle, Hada qui ne répond plus aux appels de son peuple, Hada qui ne semble désormais vouée qu’à refaire le chemin qui mène vers la maison de son amant la nuit. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 23 Et le vent qui ne soufflait plus depuis un temps, le vent de poussière que soulevait l’ancienne guerrière se remet à s’agiter, plus fort, plus violent. Alors les gens demandent à Auguste d’arrêter d’écrire, d’arrêter de rappeler Hada depuis l’absence où elle s’était terrée. Ils veulent qu'elle s'en aille et qu’elle les laisse vivre en paix, elle qui n'arrête pas de s'immiscer poussière, comme la marque d'un temps passé sur la demi vie à laquelle ils se sont tous accommodés. Mais lui ne sait qu'écrire sur elle et l’attendre. Il faudrait peut-­‐être alors l'empêcher d'écrire. Le menacer. Elia n’aime pas que l’on remue ainsi les douleurs d’avant. Et si ses menaces sur Auguste ne suffisent pas, elle fera voler son ordinateur, ses carnets et pourquoi pas couper sa main droite et la gauche aussi s'il ne comprend toujours pas. Tant que sa sœur repart au néant, tant qu’elle s’en va. Qui croire dans cette histoire ? Ne vaut-­‐il pas mieux fuir très vite ce pays échoué en bord de mer ? Fuir pour retourner faire l'artiste engagé hors de son pays après l'avoir revue, elle, Hada ? Mais où est-­‐elle encore et vers où souffle le vent qu’elle soulève maintenant ? Méthode de travail Si la trame de notre texte et les personnages qui s’y déploient se sont construits au fil de nos échanges, du partage de nos expériences, du récit de nos enfances puis de celui de nos exils respectifs, nous avons convenu que l’écriture en tant que telle devait fonctionner sur le mode du relais. Ainsi, nous avons écrit des bribes de dialogue chacun de notre côté, puis chacun a envoyé ses textes à l’autre qui les a saisis au rebond. Au fil des versions, le texte s’est enrichi de nos deux visions, chacun ayant l’opportunité de réécrire tout le texte, d’en modifier la dramaturgie, d’utiliser ses doutes pour proposer des avenues utiles aux avancées du texte. Notre seul objectif étant de maintenir le récit, sa clarté, sa portée. De ce fait, l’écriture ne se fait désormais plus à deux voix, mais il semble qu’une troisième voix, mêlée des accents de Gustave et des miens, soit maintenant à l’œuvre. L’histoire que nous écrivons reste teintée de nous deux, mais indifféremment. Aucun de nous deux n’aurait cru cette écriture possible, et pourtant nous signerons fièrement cette œuvre nouvelle de nos deux noms. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 24 Plus largement, j’ai pu faire découvrir à Gustave les poèmes de Gaston Miron, tandis qu’il m’a mis entre les doigts les textes de Kangni Alem, puis ceux d’Ahmadou Kourouma. D’autres découvertes croisées sont en cours. Notre langue commune trouve là tout un réseau de pensées fort enthousiasmant. Si l’expérience peut ainsi servir à me décoincer de mes certitudes, à déployer autrement ma langue, ses enjeux, à faire des scènes, à entrevoir dans mes récits habituels des trouées compliquées à explorer, des territoires de réinvention, alors tout cela m’aura été salutaire et sain. MAC
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 25 Je reviendrai de nuit te parler dans les herbes - EXTRAITS
Texte joint en annexe
une pièce de Gustave Akakpo
et Marc-Antoine Cyr
Prologue
Un plateau de télé.
Auguste et Elia (qui n’est pas Elia).
ELIA − Puis vient le moment du départ.
L’heure de traverser les frontières de passer tous les postes et de poser sa vie
ailleurs.
La fuite a lieu la nuit. Dans son dos la ville brûle en rouge et or.
AUGUSTE − Ce n’est pas tout à fait exact de dire que la ville brûle. Mais l’image
est jolie alors oui nous dirons comme ça. Ce n’est pas exact non plus de dire fuite.
ELIA − On continue. C’est ici en France que débute la vie d’écriture.
Un premier roman fulgurant. Les autres qui suivent bardés de prix ou de
mentions.
AUGUSTE − Vous essayez de me faire rougir.
ELIA − Quand on lit « là-bas » on sait très bien de quel « là-bas » il s’agit si on
se fie aux origines de l’auteur. Mais il s’agit en même temps d’un « là-bas »
fantasmé. Embelli sans doute.
AUGUSTE − Encore là ce n’est pas exact. Tout a été gardé tel quel.
Il n’y a pas de différence entre l'écrit et le réel, la vérité et la fiction.
ELIA − Dans tous les textes un prénom revient. Un seul et même prénom de
femme.
AUGUSTE − Le seul que je pourrai jamais écrire.
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 26 ELIA − Encore là impossible de savoir s’il s’agit d’un fantasme ou pas.
AUGUSTE − Il n’y a pas de fantasme. Je vous le répète.
Vous ne m’écoutez pas.
ELIA − Cette femme c’est Hada.
Un mystère aussi grand que le pays lui-même plane sur elle.
AUGUSTE − Pourquoi vous dites mystère.
ELIA − Dans le dernier texte le prénom de la femme semble s’effacer.
Le mystère s’épaissit plus encore.
AUGUSTE − Dans l’histoire il y a Hada oui mais aussi Elia sa sœur. Qui d’ailleurs
vous ressemble étrangement.
ELIA − Le texte restera inachevé.
Jamais on ne saura exactement s’il s’agissait d’une femme d’un pays ou bien d’un
rêve. C’est là tout le pouvoir de la littérature.
C’est aussi toute l’imposture d’une écriture.
AUGUSTE − Arrêtez de parler comme si je n’étais pas en face de vous.
Je peux tout expliquer. Tout existe tout est vrai.
ELIA − Après la pause quelques images de la dernière entrevue avec l’auteur.
Musique.
Derrière débute son hommage posthume.
AUGUSTE − Vous m’entendez hého.
ELIA − Une trajectoire de météore dans la longue nuit de notre siècle.
AUGUSTE − Non arrêtez la musique arrêtez ça.
Ce pays je ne l’ai pas quitté pas fuit.
Dans chaque livre j’y reviens. Chaque nuit.
ELIA − Revenez-nous pour la suite de ce portrait d’Auguste Torpeur.
Écrivain qui nous a quittés il y a peu.
AUGUSTE − Je n’ai quitté personne. Je suis ici. Hého.
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 27 Pourquoi vous ne voulez pas m’entendre. Et pourquoi ça sent le feu.
ELIA − C’est l’heure Auguste il est temps de partir.
AUGUSTE − Ah bon c’est l’heure déjà oui. Un avion m’attend je crois.
ELIA − Il faut partir maintenant.
On se retrouve de l’autre côté.
Musique plus forte. Les spots luisent aveuglants.
1.
Grésil des néons. Moteurs d’avions.
Auguste s’éveille en sursaut. Une valise tout près.
AUGUSTE − J’entendais le bruit des avions.
Où je suis. Tous les aéroports se ressemblent.
Je rêvais c’est ça.
La ville autour en rouge et or.
Toute la ville brûle.
Une femme est là de dos.
HADA − C’est quelle ville tu crois.
AUGUSTE − Je suis à Lomé là.
HADA − Non. Tu es à Paris.
Regarde les lueurs les avions qui dansent.
Rien qui brûle Auguste.
Auguste sourit.
AUGUSTE − Je suis à Lomé je suis revenu. Puisque t’es là.
HADA − Tu es à Paris. Pas encore parti.
AUGUSTE − J’ai rêvé c’est ça.
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 28 Je volais par-dessus les déserts par-dessus les fleuves et par-dessus les herbes.
La ville les flammes. L’odeur du kérosène. L’odeur du fleuve aussi.
Je volais je te dis.
HADA − Tu rêvais.
Monsieur il faut vous réveiller. L’embarquement est presque terminé.
Notre vol va bientôt partir.
La femme de dos n’est pas Hada.
Elle est hôtesse de l’air.
AUGUSTE − Tu es là à côté de moi.
Je suis revenu c’est forcé.
J’ai fait un rêve étrange Hada. J’étais mort et on parlait quand même de moi.
HADA − Le voyage tu ne l’as pas encore fait.
Monsieur il faut y aller maintenant.
AUGUSTE − Jamais d’accord avec ce que je dis.
Madame vous ressemblez diablement à celle que j’aime.
HADA − Monsieur donnez.
Pas votre main. Boarding pass.
Nous allons bientôt décoller.
Auguste soulève sa valise.
Du sable en tombe.
HADA − Je reviendrai dans la nuit.
Je reviendrai pour te parler.
Hada disparaît.
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 29 DANSE SUR LA LIGNE par Ramsès Alfa et Marcelle Dubois SYNOPSIS La scène, un désert de neige et un désert de sable qui se rencontrent en une frontière nette. Un espace de jeu, au sens premier du terme. Un espace de liberté. Un espace où s’inventer, se réinventer. Un espace d’exil à soi-­‐même. Au centre, posée là, perdue, une jeune femme. Elle vient d’y atterrir. Une lettre à la main. Un contrat dans sa poche. Enfant d’un père québécois coopérant en Afrique et d’une infirmière togolaise immigrée au Québec, la jeune fille, qui a grandi entre Lomé et Montréal, complète des études brillantes en science politique à l’Université de Montréal. Elle vient de soutenir sa thèse. Elle a été appelée par le Ministre de l’occupation du territoire afin de joindre son équipe. Le jour où elle doit signer son contrat lui parvient une lettre du marabout de son village togolais : elle est désignée par les traditions africaines pour devenir chef coutumier, du fait de la descendance de sa mère d’une lignée royale. On lui demande de revenir au pays pour assumer son rôle. À l’instant, une brèche se crée à l’intérieur de la jeune femme dans laquelle elle s’engouffre toute entière. Elle y tombe sans pouvoir freiner sa chute. Elle atterrit au cœur de son doute existentiel. Elle atterrit dans le désert fait de neige et de sable. Deux hommes l’y attendent : les grands-­‐pères morts – personnages entre le clown, le sage, le marabout, le vieux chasseur. À coup de souvenirs d’enfance, de citations de grands hommes et femmes du pays, d’incantation aux morts, de rêves patriotiques, ils tentent de faire pencher le cœur de la jeune femme vers leur patrie respective. Quelles raisons poussent les grands-­‐pères morts à l’égoïsme, de vouloir prédominer en un être qu’ils n’ont que contribué, autant que l’autre, à faire exister, en n’ignorant pas que sans soi et sans l’autre, ni l’un ni l’autre n’y serait jamais parvenu. Les choix artistiques Ramses et moi avons décidé de ne pas écrire côte à côte mais ensemble. C’est-­‐à-­‐dire que bien que certaines scènes naissent de nos imaginaires respectifs, nous nous donnons le droit et le devoir d’agir dans l’écriture de l’autre. Si bien que je ne saurais plus dire qui a écrit tel ou tel mot, qui a eu telle ou telle idée dramaturgique. Nos mots ne nous appartiennent pas individuellement. Concrètement, cela fait que l’un écrit quelques scènes, envoie le texte à l’autre, l’autre repasse dans les propositions faites et ajoute quelques nouvelles scènes, et l’envoie à nouveau au premier, et ainsi de suite. Ramses et moi avons opté pour une fable qui place le personnage de Kayi dans un dilemme identitaire. Issu de l’alliance d’un père québécois et d’une mère togolaise, cette jeune femme nous est apparue particulièrement contemporaine à l’heure où les frontières s’abaissent pour laisser passer les avions du monde entier. Ce sont avec ces métis de toutes origines bigarrées que nous devons aujourd’hui compter construire nos communautés. Et c’est tant mieux. Si les Passerelle France – Togo -­‐ Québec 30 porteurs de ces doubles identités doivent trouver le chemin personnel qui leur permet d’unifier leurs origines, nous, comme société, nous devons revoir notre rapport à la citoyenneté et au nationalisme. Kayi doit choisir un des deux pays de ses parents pour bâtir sa vie d’adulte. Déjà, quelle est-­‐
elle cette vie dont elle a envie? Celle de la sécurité, de la fidélité aux traditions, des fibres patriotiques et culturelles qui la tissent? Et puis, que dire à tous ceux qui veulent qu’elle appartienne à LEUR peuple plutôt qu’à l’autre. Et le leg? Celui de ses parents certes. Mais aussi celui des ancêtres. Qu’elle porte en elle sans trop s’en rendre compte au quotidien. Mais à l’heure des grands choix ce sont eux, enfouis en elle qui semblent l’invectiver. Respecte là d’où tu viens! Reste intègre! Sois toi-­‐même! N’oublie pas tes origines! Tout ça, ça veut dire quoi au juste, quand on n’a qu’une vie à vivre, qu’une chair pour s’incarner, qu’un destin à tracer, et que pourtant, on est double? Comme l’œuvre s’écrit par deux auteurs aux origines et cultures bien différentes, nous croyons que notre rencontre artistique peut et doit s’entremêler jusque dans les affects de nos personnages. Ainsi, nous sommes les deux parties de l’être de Kayi. Quant aux deux autres personnages, les grands-­‐pères morts, ils sont les représentants loufoques de la pression qui nous assaille : pression sociale, poids de nos souvenirs, lien de filiation, etc.. Nous avons emprunté le ton du bouffon et de l’impossible afin de faire cohabiter nos deux imaginaires si différents. Dans cette forme aux milles possibles le lyrique peut côtoyer le poétique, le théâtral et le politique. Ça nous plaît bien et nous pensons pouvoir y toucher à des enjeux très contemporains et essentiels. La version que vous avez en main tisse les grandes lignes de l’histoire que nous racontons, mais elle reste à être étayée, peaufinée, raffinée dans son propos, sa définition de personnage et ses actions. C’est le travail que nous ferons dans les prochains mois, jusqu’en octobre prochain avant que notre bande ne s’envole pour le Togo. MD
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 31 Danse sur la ligne – EXTRAITS
Texte joint en annexe Une pièce de Ramsès Alfa
et Marcelle Dubois
Un espace ambigüe. Entre la vaste étendue et le fouillis innommable.
Les grands-pères-morts : Deux étranges vieux entre le sage et le bouffon.
Leur personnalité se modèlent au rythme des besoins de l’histoire.
Ils ne suivent aucune logique.
Ils sont les morceaux d’identité de Kayi.
Kayi Leblanc :
Jeune trentenaire née d’une mère togolaise et d’un père canadien-québécois
SCÈNE 2 – LES GRANDS-MÈRES LE DISENT
KAYI :
Ce matin, je me suis levée plus tôt qu’à l´habitude. On n’accueille pas le soleil des grands jours
avec lourdeur.
LES DEUX-GRANDS-PÈRES
Adage de grand-mère. Grand-maman. Mamie, mémé, mamichou, doudou, veille peau, un peu de
respect petite, petite peste, petite amour, petite prunelle.
GRAND-PÈRE MORT 1, jouant la grand-mère québécoise
Tu as vu ma poulette?
Aujourd’hui c’est un jour blanc.
Un jour de grand ciel.
Un jour sec.
C’est bon pour les rhumatismes de ta pauvre grand-mère.
As-tu vu, mon chaton ?
C’est de la neige à bonhomme de neige.
Mets tes mitaines, pis va faire un fort dehors.
Quand tu vas rentrer, je vais avoir fait une tarte à la rhubarbe pour toi mon lapin.
Souris, mon canard, c’est un jour de soleil aujourd’hui.
C’est un grand jour.
Demain, tu auras les pieds dans le sable.
Grand-maman va s’ennuyer de sa poulette.
Mais aujourd’hui il fait soleil et il a neigé une belle neige collante.
Va faire une bataille de boules de neige avec les amis de la ruelle.
Va faire la guerre des tuques
Va te geler les orteils
Pis reviens les joues rouges
Le cœur en guimauve.
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 32 Reviens… avant de partir.
On va manger une tarte à la rhubarbe ensemble.
Le soleil qui chauffe la couenne.
Va jouer dehors,
Pis reviens
Avant de partir
De l’autre côté.
GRAND-PÈRE MORT 2, jouant la grand-mère togolaise
Ne fais pas cette tête, maman!
Elle risque de te rester pour toujours.
Et fais-lui un sourire à grand-maman quand elle t’appelle « Maman. »
Tes jolis yeux Gnomi ! Gnomi ! se demandent encore, pourquoi que Mémé, elle t’appelle
« maman ».
Viens t’assoir sur les genoux de N’na qu’elle t’abreuve de sa sagesse.
Tu es, en dix fois plus jeune, ma mère, la grand-mère de ta mère, ton arrière-grand-mère, qui
s’est glissée dans le ventre de ta mère pour revenir à la vie.
Tu as ses yeux, son nez et sa silhouette.
Sa beauté brille en toi.
Une grand-mère doit choisir sa petite fille ou arrière-petite-fille préférée, parmi les enfants de
laquelle elle se réincarnera.
Ta mère était la préférée de ma mère, sa grand-mère, ton arrière-grand-mère.
Quand je t’appelle maman, je l’entends qui me répond d’une voix lointaine : « Kobélé, mange ton
N’goné, pour que s’assouplisse ton ventre ! Un grand nombre d’enfants attendent d’y couver.»
Moi aussi j’ai ma préférée qui me ramènera à la vie.
Mais pour ça, faudra qu’elle se marie.
Et pour se marier, faudra qu’elle trouve un homme.
Et pour trouver un homme, faudra qu’elle soit belle.
Et comment comptes-tu donc rester belle si tu arbore cette mine ombrageuse ?
Je t’ai préparé ton Tindiné préféré, avec plein de potasse. Ça relâche les muscles et ça détend la
peau du visage.
Le visage d’une femme doit toujours s’illuminer de sourire.
Réajuste ta mine !
Les monstres sont là tout autour. Ils rodent à l’affut de nos faiblesses. Ne leur prête pas la mine!
Ils te la rideront.
Regarde les feuilles du baobab comme elles tremblent ! Sens-tu frémir le vent ? Ce sont eux !
Kaliya et ses troupes.
Dans le Karité, dans le néré et le rônier. Partout !
Ces mangeurs d’âmes et de beauté, aiguisent leurs crocs et leurs griffes.
Montre leur une seule ride sur ton visage, et ils te prennent toute la beauté. Et Dieu sait comme
tu es belle comme ton arrière-grand-mère, ma mère.
Et que veux-tu que devienne ta pauvre grand-mère, si belle tu devais ne plus être, et si aucun
homme de toi ne devait vouloir ?
Sois prévenue : Je ne partirai pas de ce monde avant d’être sure que tu es bien huilée pour me
perpétuer.
Je resterai là, toute vieillotte et toute sèche comme une momie, et ton doigt aura tellement mal de
se lever pour montrer ta grand-mère à tes amis.
Kayi éclate de rire, comme lorsqu’elle était enfant.
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 33 C’est beaucoup mieux ! Comme ça, N’na elle te préfère.
Gaie comme Abatana, celle au passage de laquelle les jeunes hommes se suspendent aux
branches des arbres pour ne rien perdre de ses déhanchements.
Demain tu partiras. Tu graviras la colline de Kouloum au-delà de laquelle nul ne sait ce qu’il y a.
Oui, je te l’avoue, je le redoutais ce jour où on me volerait ma pupille. Je le redoutais mais il est là,
qu’y puis-je ?
Et si nos hommes et nos Dieux s’agitent, moi je réprime l’ombre des visages qui assaille les cœurs
sur le point de se briser.
Demain je serai une grand-mère bien seule sans sa pupille.
Et qui rira aux éclats de mes pets bruyants ?
Qui cachera mes boules de tabac pour m’empêcher de chiquer?
A qui je ramènerai-je de petites friandises cachées au coin de mon pagne et lui chuchotant à
l’oreille de ne rien dire à personne ?
Tu pars, et c’est moi qui perds tout. Mais vois-tu une ombre sur mon visage ?
J’ai déjà oublié que tu pars. Je ne pense désormais qu’à ton retour.
A ma mort, tu reviendras, et tu tiendras la poule la plus blanche solidement par les pattes, et
contre le mortier, tu frapperas sa tête. Si fort qu’elle se débattra, fera des bonds désordonnés,
soulèvera un nuage de poussière et de plumes, retombera sur son aile gauche et son aile droite et
sur son ventre. Puis elle fera un saut en l’air pour retomber sur son dos avant de s’étirer par des
spasmes successifs et de s’immobiliser.
Un tonnerre d’applaudissements se lèvera, et l’on dira : « Ah ! Face au ciel ! Là d’où les dieux
déversent la pluie sur nos terres ! La grand-mère a répondu à sa petite fille. »
Pars, je te le permets. Je te l’ordonne. Mais reviens.
KAYI
Je suis partie et la première est morte là-bas sans que j’y sois.
Je suis revenue et la deuxième est morte là-bas sans que j’y sois.
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 34 -­‐ 2015 -­‐ CRÉATION LES MISES EN SCÈNE LA MISE EN SCÈNE ET LE JEU Pierre Vincent mettra en scène la pièce de Gustave Akakpo et Marc-­‐Antoine Cyr. Première lecture – Premières notes Le chemin de l’engagement politique, artistique est très présent et la ligne n’est pas nette, peut-­‐on franchir la frontière entre fantasme et réalité ? Peut-­‐on vivre dans le succès de ses souvenirs sans les manipuler ? Peut-­‐on croire à l’histoire que l’on s’invente pour survivre. Cette écriture poétique, politique, multiple est séduisante. Elle a des accents de tragédie, et Shakespeare n’est pas loin. Des fantômes, des bouffons surgissent. La culpabilité tenaille Auguste, le personnage central, celui de « l’artiste », il se sent coupable d’avoir abandonné son pays, son amour. Chacun est responsable de son sort, et c’est seulement dans l’épreuve, dans l’accablement que nous pouvons entr’apercevoir un instant de justice. Ce sont les hommes qui forgent leur destin. C’est ce que traverse dans la pièce le personnage d’Auguste. Éprouvé par sa quête, il cherche en en vain une sorte de rédemption dans un impossible retour. Un grand tourment l’étreint. Un spectre le visite. Seule, la poussière de sable est réelle. L’espace et le temps se difractent. Auguste rentre dans le pays des songes. Fiction et réalité s’entremêlent. La langue est forte, puissante. Elle se joue de l’intérêt individuel et collectif. Parler pour vivre ? Vivre pour parler ? Existe-­‐il un pays qui soit le nôtre ? « Mon pays c’est là où je vis » ? Passerelle France – Togo -­‐ Québec 35 (Panneau écrit par un réfugié Libérien dans un camp en Guinée) Cette écriture à quatre mains propose des personnages aux partitions complexes. Espaces enchassés. Celui du trouble de l’artiste – personnage – Ceux qui vivent et ceux qui parlent de la vie peuvent-­‐ils être les mêmes ? PV
Ramsès Alfa mettra en scène la pièce qu’il aura écrite avec Marcelle Dubois. Comme écrit dans le synopsis, l’idée de notre texte nous plonge dans les tourments et le dilemme de Kayi qui se trouve en face d’un choix difficile entre un poste au ministère de l’occupation du territoire du Québec, et un trône de chef coutumier en Afrique Une individualité peut-­‐elle se scinder ? Une dualité peut-­‐elle se fondre en un tout ? Voilà entre autres, deux questions essentielles que nous posent cette idée de texte. Ce faisant, c’est à une dissection de la différence que nous sommes conviés. La différence en tant que source de contradictions, de comparaisons, de confrontations et de choix, qui s’impose à nous dans un monde paradoxal où, pourtant, chaque chose ne semble valoir que par son contraire. Ici tout semble s’opposer. Le sud au nord, le noir au blanc, le passé au présent, le moderne au traditionnel, l’oral à l’écrit. Et le personnage de Kayi est le foyer de bouillonnement de toutes ces contradictions. La recherche scénique consistera donc en un voyage au cœur du doute existentiel de cet enfant métisse, écartelé entre deux cultures, et envers lequel, les prises de position souvent tranchées, sont le fait de considérations partisanes, au détriment du drame intérieur vécu par ce dernier. Qu’est ce qui oppose les deux mondes de Kayi ? Cette dualité peut-­‐elle se prêter à un choix? Quels en seraient les critères, les arguments? Nous avons là, la chance de poser de vive voix, une terrible épreuve dont l’intérêt ne serait pas forcément de trancher, mais aussi d’observer, si lieux communs il pourrait y avoir, entre des cultures que tout oppose. L’histoire de Kayi n’est donc pas seulement l’histoire d’une jeune femme victime de sa double ascendance occidentale et africaine, mais aussi celle d’un cri. Un cri qui se perd dans le grand gouffre qui sépare ses deux mondes, qui s’accroit progressivement, qui finit par le remplir et par le déborder. Dans ce processus, il sera laissé au comédien, toute sa place, afin qu’il offre à son tour une totale disponibilité au jeu, par ses possibilités vocales, physiques, d'improvisation, de présence, de charisme, de sincérité etc. Il sera aussi question de donner au texte, toute la chance d’être entendu sur un sujet aussi poignant. Les tourments de Kayi nous offrent matière. La recherche consistera justement à trouver l’équilibre, qui mène aux spectacles qui captivent leurs publics. Ramsès Alfa
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 36 La création se déroulera à Lomé du 14 novembre au 13 décembre 2015. L’ensemble des auteurs et la compagnie Issue de secours iront rejoindre Ramsès Alfa et le théâtre Louxor pour un mois de travail de plateau (20 jours de répétitions et 10 jours de représentations à Lomé et dans d’autres villes et villages du Togo). Les comédiens découvriront ensemble les deux textes qui seront les deux parties de la création finale. Les deux équipes artistiques hybrides répèteront séparément durant les 15 premiers jours puis ensemble les 5 derniers. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 37 LA REPRISE DE BOUGE TA LANGUE ! Bouge ta langue ! a été créée en 2013 à l’occasion de la première édition du festival Oups ! Bouge ta langue ! à partir d’extraits des textes d’Edith Azam, Hakim Bah, Aimé Césaire, Gérald Chevrolet, Koffi Kwahulé, Jean-­‐Frédéric Messier, Lolita Monga, David Paquet, Jean-­‐Luc Raharimanana, Laurence Vielle. Ce spectacle met en scène la rencontre entre un homme et une femme et leur tentative de s’approcher. La langue devient alors le lien entre ces deux êtres oscillant entre incompréhensions et désir d’échanges. Conception Pascale Grillandini Mise en scène Pierre Vincent, Avec Nathalie Bastat et Dâwa Litaaba-­‐Kagnita, Création musicale Dâwa Litaaba-­‐Kagnita Mise en scène par Pierre Vincent, cette création marque le début de la collaboration entre Issue de secours et Dâwa Litaaba-­‐Kagnita. Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-­‐moi sans crainte… Et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai. » Et je lui dirais encore : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont p oint de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » Le cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire De là où je parle, le scandale doit se justifier, le cri doit s’expliquer, et je ruse, je n’aborde pas de front les oreilles qui m’écoutent, je dois ménager les susceptibilités, ne pas traumatiser avec des histoires à l’africaine q ui dérangent les consciences, mes mots dansent n’est-­‐ce pas ? Quelle incroyable inventivité ! La fusion de l’oralité et de l’écriture ! La rencontre des traditions et de la modernité ! Des ruines de Jean-­‐Luc 38 Passerelle Raharimanana France – Togo -­‐ Québec LES REPETITIONS ET LA DIFFUSION DES PIECES Du 14 novembre au 13 décembre 2015, l’équipe artistique du projet se retrouvera pour 20 jours de répétitions et 10 jours de représentations à Lomé. Les répétitions se dérouleront à l’espace culturel Starbus Les représentations auront lieu dans différents lieux de Lomé : le lycée français L’espace culturel club 54 L’espace culturel fil bleu Aréma Le centre culturel Denyigba L’espace culturel Hakuna Matata Le centre culturel Mitro Nounya La Maison pour Tous en lien avec l’association Brin de Chocolat Les pièces se joueront également sur les places publiques de la ville Au total, 10 représentations seront proposées au public Passerelle France – Togo -­‐ Québec 39 -­‐ 2015 -­‐ LES ATELIERS ARTISTIQUES Des ateliers artistiques seront proposés par les porteurs du projet. Ces ateliers seront des moments d’échanges sur l’écriture, la mise en scène et le jeu entre les porteurs de projet et les artistes du territoire. ÉCRITURE Les quatre auteurs (Marcelle Dubois, Ramsès Alfa, Gustave Akakpo et Marc-­‐Antoine Cyr) porteront des ateliers d’écriture en collaboration avec l’association togolaise Escale des Ecritures. LES PISTES DE MARC-­‐ANTOINE CYR FAIRE SURGIR LE MONSTRE Écrire pour le théâtre, c'est se laisser imprégner, bousculer, chahuter, bouleverser, inviter par l'Autre. Des premiers instants de la reconnaissance jusqu'au dialogue, les personnages passent par la scène comme une image photographique passe au révélateur. Ils apparaissent derrière l’image, puis devant, dans leur pleine et magnifique sauvagerie. C'est ce processus un peu magique que nous explorerons ensemble lors de cet atelier : l’irruption de l’étrange étranger Des images inanimées vont prendre vie et forme et prêter leurs couleurs à la parole des auteurs. Dans notre quête du monstre qui se cache sous l’image lisse, nous allons faire entendre ensemble quelques chahutantes, bousculantes et invitantes altérités. JEU Pierre Vincent et Dâwa Litaaba-­‐Kagnita porteront des ateliers de jeu et de mise en scène à destination des comédiens togolais. LES PISTES DE DAWA LITAABA-­‐KAGNITA Dans les rencontres théâtrales en Afrique et particulièrement au Togo, les stages proposés aux comédiens sont des occasions uniques de formation, de maintien de niveau et de perfectionnement. J’ai souvent reçu, de la part des acteurs évoluant dans diverses compagnies au Togo, des demandes de soutien et de partage d’expérience théâtrale. La Passerelle sera le meilleur cadre pour nous retrouver et échanger. Echanger quoi et comment ? Passerelle France – Togo -­‐ Québec 40 J’ai réfléchi à la mise en place d’ateliers sur les mécanismes d’interprétation (jeu) sachant que Pierre Vincent abordera de manière spécifique le comique, le burlesque et la farce. Je vais leur proposer une aire de travail et de recherche qui permettra à chaque comédien de s’épanouir en mettant en exergue son potentiel physique (corps, voix) et technique (respiration et gestion du souffle, dissociation, chœur, rythme, spontanéité, liberté, responsabilité, générosité…) L’objectif visé par cette approche physique et technique, indispensable au travail de l’acteur, de la répétition à la représentation, est de les accompagner dans la recherche des moyens par lesquels le jeu devient crédible : savoir restituer les sensations précises au bon moment, tenir un récit de manière cohérente tout en étant fidèle au genre ou à la forme théâtrale que l’on joue. Chaque étape de progrès constatée au cours des travaux sera pour moi source d’apprentissage. J’espère en recevoir beaucoup de tous ceux qui participeront à ces ateliers. Nous nous appuierons sur les textes écrits au cours des ateliers d’écriture. Il est pour moi essentiel et important que les ateliers d’écriture et les ateliers de jeu se nourrissent les uns des autres. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 41 -­‐ 2015 -­‐ L’ACTION CULTURELLE Issue de secours mène de nombreuses actions culturelles sur le territoire de Villepinte, notamment en milieu scolaire. Nous avons souhaité transposer certaines actions pour une rencontre autour de l’écriture contemporaine avec les collégiens et lycéens togolais et les auteurs africains. Depuis plusieurs années, Issue de secours propose en milieu scolaire des BIP et BIL (Brigades d’Intervention Poétique et Littéraire) aux établissements scolaires de Villepinte. Chaque semaine durant trois mois, deux comédiens de la compagnie partent dans les classes, 10 minutes par classe et par semaine, les comédiens ouvrent la porte, lisent et repartent 10 minutes plus tard. Chaque mois une œuvre nouvelle, un auteur nouveau. A l’issue de ces trois mois, les élèves sont invités à rencontrer à la ferme Godier un des auteurs dont ils ont entendus le texte en classe. 280 enfants du CE2 à la 3ème sont ainsi « interpellés » par les BIP et BIL d’octobre à décembre de chaque année pour leur plus grand plaisir. Nous privilégions les rencontres avec les poètes et tentons ainsi de lutter contre les préjugés : « les poètes sont tous morts ». (Edith Azam, Albane Gellé, Laurence Vielle, Jean-­‐Pascal Dubost, Patrick Dubost) Du 14 novembre au 13 décembre 2015, les comédiens d’Issue de secours et de Louxor partiront à la rencontre des élèves en leur lisant des poèmes d’auteurs africains et togolais sur le même principe que les BIP et BIL. A la fin du mois, une rencontre sera organisée entre un des poètes lus en classe et les élèves. Les établissements associés au projet le lycée de Nyekonakpoé de Lomé Lycée français de Lomé Université de Lomé L’alliance française de Lomé (en cours) Lucie Archambault était professeure de français à Villepinte, nous avons travaillé ensemble durant plusieurs années autour des BIP et BIL. Elle est aujourd’hui en poste au lycée français de Lomé… grâce à elle, nous avons pu prendre rapidement contact avec le lycée français mais aussi les autres établissements scolaires de la ville. J’ai travaillé trois ans dans un collège de Villepinte, trois années au cours desquelles les brigades d’intervention ont sévi pour le plus grand plaisir des élèves. Ces performances inattendues (nous ménagions toujours l’effet de surprise) permettaient d’ouvrir une parenthèse dans l’espace de la classe et du cours, d’entrer dans celui de l’écoute et du jeu, et de découvrir l’univers de plusieurs auteurs. Après le départ des comédiens, les retours des élèves étaient souvent enthousiastes, chacun essayant de reformuler ce Passerelle France – Togo -­‐ Québec 42 qu’il avait compris et aimé, et tous espérant qu’il y aurait encore une fois, que ce n’était pas la dernière. D’une année sur l’autre on chuchotait dans les couloirs qu’on avait entendu résonner à nouveau la clochette magique ponctuant chaque intervention, que c’était reparti, et la littérature prenait une ampleur nouvelle dans la bouche des comédiens. Des récits captivaient les élèves par leur diffusion en feuilletons hebdomadaires, des poèmes les amusaient par leur jeu sur les sonorités et leur univers merveilleux, chaque genre choisi ménageait des surprises. La notion même de genre prenait corps et chacun pouvait mieux apprécier sa préférence. La rencontre avec les auteurs renforçait cette impression de vie des textes, permettant aux élèves d’appréhender la réalité du « métier » d’écrivain aujourd’hui, d’en questionner la vocation et les rouages, et créant ainsi une belle émulation. Reconduire ce projet à Lomé serait particulièrement intéressant, pour ouvrir les élèves à des auteurs locaux, par ailleurs peu connus et peu valorisés, créer des passerelles entre la création française et togolaise, et toujours faire partager le plaisir du texte et du jeu. Lucie Archambault
Passerelle France – Togo -­‐ Québec 43 PASSERELLE -­‐ SIX SEMAINES A LOME Six semaines de rencontre-­‐création à Lomé (Togo) autour des quatre auteurs associés pour vivre et partager les expériences, fonder un lien pour bâtir ensemble, soutenir les envies et l’espoir, encourager les passions du métier, apporter une impulsion au flux des rencontres continues. Juste un moment, pour échanger sur les rêves et les convictions, pour avancer, briser les barrières, entretenir et élargir mutuellement le champ des parcours et des recherches, déjà en cours là-­‐bas et ici, et nous raconter notre langue commune dans tous ses états : le français. Six semaines avec les comédiens togolais et français ensemble pour les créations et l’action culturelle. Se frotter à la langue ensemble pour un projet commun. Trois actrices, trois acteurs. Trois togolais, trois français. Six semaines pour jouer avec la langue française et ses différences, la porter avec toutes ses richesses, sa fraîcheur sans cesse renouvelée par l’écriture contemporaine. Six semaines pour la dire sans la confiner dans des opinions univoques, la lire et la jouer dans une perspective de diversification des actions de coopération artistique déjà engagées dans le monde francophone. Six semaines pour porter l’action culturelle dans un autre contexte et poser l’écriture poétique et dramatique dans d’autres oreilles. Six semaines pour enclencher un processus de co-­‐construction en s’appuyant sur la création théâtrale. LES MORTS QUI N’ONT PAS DE VIVANTS SONT AUSSI MALHEUREUX QUE LES VIVANTS QUI N’ONT PAS DE MORTS Passerelle France – Togo -­‐ Québec 44 LES EFFETS ATTENDUS Ce que nous recherchons avec ce projet c’est approfondir notre connaissance de l’autre. Nos expériences, nos pratiques professionnelles nous poussent les uns et les autres à produire des travaux artistiques, soit dans la solitude pour les auteurs, soit dans « l’entre soi » pour les comédiens et les metteurs en scène. Pour ce projet nous avons tous eu le désir de confronter nos pratiques, nos univers de façon plus intime bousculant nos habitudes en nous décentrant. Ce projet n’est pas un surgissement. Il est issu d’une longue collaboration et conception avec les auteurs d’abord, puis avec les partenaires locaux à Lomé et à Montréal ensuite. Il est déjà un effet attendu en soi. La conception, la création sont déjà là. Passerelle va plus loin. La création collective sera menée de front avec toutes les actions autour de la création (rencontres d’auteurs, BIP et BIL, ateliers, formation…). Nous n’apportons pas un projet clé en main, nous le fabriquons ensemble en amont, sur site et hors site, loin des frontières. La création née pour la scène à Lomé voyage à Villepinte puis Montréal. Pas de place assignée. Les équipes sont mélangées. Les liens entre les établissements et structures de Villepinte et de Lomé (médiathèques, collèges…) se créent. Celles entre Villepinte, Lomé et Montréal se profilent. Au-­‐delà de l’événement, construire dans la durée. Effets attendus, effets en marche. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 45 PASSERELLE – D’UN CONTINENT A L’AUTRE LES ETAPES 1ère étape : Lomé – Novembre-­‐Décembre 2015 Création et diffusion des deux pièces à Lomé -­‐ 10 représentations Reprise de Bouge ta langue ! Ateliers de mise en scène et de jeu Pierre Vincent et Dâwa Litaaba-­‐Kagnita Ateliers d’écriture Gustave Akakpo, Marc-­‐Antoine Cyr, Ramsès Alfa et Marcelle Dubois Rencontres d’auteurs Actions en milieu scolaire 2ème étape : Villepinte –Mai 2016 Diffusion de la création à la ferme Godier dans le cadre de la 4ème édition du festival Oups ! Bouge ta langue ! -­‐ 2 représentations chacune Ateliers d’écriture Gustave Akakpo, Marc-­‐Antoine Cyr, Ramsès Alfa et Marcelle Dubois (en cours) Rencontres d’auteurs 3ème étape : Montréal – 2ème semestre 2016 Diffusion de la création (théâtre AUX ÉCURIES – Montréal, en cours) Ateliers d’écriture Ramsès Alfa, Gustave Akakpo, Marc-­‐Antoine Cyr, Marcelle Dubois (en cours) Rencontres d’auteurs (en cours) Actions culturelles en milieu scolaire (en cours) On imagine aisément les suites que porte le projet Passerelle et les espoirs qu’il suscite. Une ouverture au Québec au-­‐delà de la présence de Marcelle Dubois (une programmation est envisagée pour 2015/2016 au théâtre Aux Écuries des deux spectacles), des BIP et BIL dans les établissements scolaires de Montréal, des rencontres d’auteurs. Des liens privilégiés entre les jeunes des collèges et lycées de Villepinte, Lomé, Montréal. Des représentations au Togo (hors Lomé), puis à Villepinte à la Ferme Godier, puis à Montréal, du spectacle créé à Lomé en novembre-­‐décembre 2015. Une possible édition des textes écrits. Aujourd’hui, beaucoup de choses nous sont encore inconnues et pourtant elles nous réjouissent déjà… Passerelle France – Togo -­‐ Québec 46 PASSERELLE – LES ARTISTES ET EQUIPES ARTISTIQUES PORTEUR DU PROJET / PREMIER PARTENAIRE -­‐ LA COMPAGNIE ISSUE DE SECOURS La compagnie de théâtre Issue de secours est installée à Villepinte depuis 1999. Elle est chargée de la gestion artistique de la ferme Godier, lieu de création et de résidences d'artistes, depuis son ouverture en janvier 2007. Née en 1990, Issue de Secours est dirigée par Pierre Vincent son metteur en scène. Son projet artistique est tourné vers l’écriture contemporaine dramatique, écriture qu’il met en valeur dans ses créations et dans les projets culturels menés par sa compagnie à la ferme Godier ou dans le milieu scolaire, carcéral et social de la ville. La présence d’artistes en résidence à la ferme Godier (auteurs, chorégraphes, marionnettistes…) permet au public d’appréhender d’autres formes de représentations du monde et renforce le questionnement artistique de la compagnie. Accueillir, c’est toujours grandir… La présence d’auteurs en résidence est aussi matière au travail artistique de la compagnie. Suite à sa résidence en 2009 à la ferme Godier, l’auteur Sylvain Levey a écrit la pièce Dans la joie et la bonne humeur (création 2011), mise en scène par Pierre Vincent, jouée à la ferme Godier et au théâtre de la Boutonnière à Paris. En 2013, Pierre Vincent propose une présentation de maquette du texte de Koffi Kwahulé Un doux murmure de silence écrit suite à sa résidence à la médiathèque de Villepinte en 2011 dont Issue de secours était partenaire. Pierre Vincent mettra en scène la pièce de Marc-­‐Antoine Cyr, auteur en résidence de février à juillet 2013, intitulée Ceux qui manquent… Issue de secours soutient et fait découvrir les auteurs contemporains ; elle incite, forme le public à venir découvrir et apprécier ces textes et formes théâtrales vers lesquels il n’est pas spontanément porté. Susciter la curiosité, favoriser le regard, décentrer le point de vue. C’est dans le rapport que les artistes entretiennent avec leur art et au profit du monde que peut se dessiner la « défracturation » qui éloigne le public des artistes. Il ne s’agit pas de « désacraliser » l’acte de création mais de rendre possible l’échange, de rendre possible la naissance de cet acte et son partage. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 47 Outre cet engagement, la ligne artistique de la compagnie pourrait se définir par l’épure du rapport à la langue et des univers esthétiques, une prise de risque quant aux textes choisis, un goût pour le croisement des genres (danse classique/rue ; danse contemporaine/écriture dramatique) ; un rapport entre la recherche, le travail d’acteur, la musicalité du texte à faire entendre et la préoccupation du rapport au public. Cette ligne artistique porte notre création, bien entendu, mais oriente également le choix des auteurs et des compagnies et projets artistiques que nous accueillons en résidence. Nous plaçons l’humain au cœur de chaque projet artistique et maintenons la cohérence et l’articulation entre notre compagnie et notre lieu, entre nos créations et celles des artistes accueillis. De manière évidente, la ferme Godier est pour nous intimement liée au territoire ; rien ne s’y fait, ne s’y crée sans interroger d’une manière ou d’une autre la relation au public qui franchit ses portes. Il ne s’agit donc non pas d’un lieu fermé, mais d’un lieu et d’un espace ouverts. L’ouverture et la construction de la ferme Godier ne s’est pas décrétée. Elle s’est façonnée au regard des publics et des partenaires locaux. Créer, favoriser, susciter la création en prenant conscience de l’endroit où l’on se trouve, innover dans les modes d’intervention ou d’actions en direction des publics. Il s’agit de comprendre l’écart, la tension entre la fabrication artistique et l’espace de réception dans lequel il se fabrique. L’artiste doit s’excentrer, intégrer le fait qu’il crée dans un espace périphérique. L’action culturelle est concomitante au travail artistique d’Issue de secours. Ainsi chaque saison un projet en milieu scolaire : Atout textes où le texte est au coeur de l’intervention, du choix à sa représentation. Les élèves découvrent des textes d’auteurs contemporains (roman ou poésie), rencontrent un auteur le temps d’une journée à la ferme Godier, mettent en voix avec des comédiens de la compagnie un texte découvert en classe pour une présentation publique en fin de parcours. Avec l’étroit soutien de la médiathèque de Villepinte, la compagnie développe depuis 10 ans à la maison d’arrêt de Villepinte des actions en direction du livre et de la lecture et propose aux détenus des ateliers d’écriture et de lecture (avec l’auteur Anne Luthaud et la comédienne Pascale Poirel) qui aboutissent à une lecture publique à la maison d’arrêt et à la publication d’un recueil des textes chaque fin de saison édité par la ville de Villepinte. La compagnie travaille depuis plusieurs années avec les centres sociaux lors d’ateliers d’écriture, notamment avec les femmes en alphabétisation et auprès du public en Français Langue Etrangère (FLE). Toujours en lien avec la médiathèque, Issue de secours propose des rencontres d’auteurs. Le temps d’un déjeuner à la ferme Godier et d’une après-­‐midi à la médiathèque, le public est invité à rencontrer des auteurs contemporains. Ces rencontres débutent par une lecture de textes de l’auteur invité par Issue de secours puis d’une discussion entre l’auteur et le public. Les auteurs qui nous ont accompagnés jusqu’à ce jour Clémence Weill, Solenn Denis, Aurianne Abécassis, Paul Francesconi, Claudine Galéa, Faustin Keaoua Leturmy, Sonia Ristic, Marc-­‐Antoine Cyr, Florence Delaporte, Sedef Ecer, Suzie Passerelle France – Togo -­‐ Québec 48 Bastien, Edith Azam, Karine Serres, Françoise Pillet, Laurent Contamin, Luc Tartar, Philippe Dorin, Magali Mougel, Véronique Ovaldé, Ahmed Kalouaz, Céline Spector, Kaouther Adimi, Leila Sebbar, Frédéric Sonntag, Rodrigue Norman, Maylis de Kerangal, Leslie Kaplan, Gustave Akakpo, Olivia Rosenthal, Catherine Zambon, Françoise du Chaxel, Mohamed Kacimi, Sébastien Joanniez, Pierre-­‐Louis Rivière, Sylvain Levey, Koffi Kwahulé, Jérome Noirez Etienne Klein, François Noudelmann, Marie Desplechin, Anne Luthaud, Thierry Jonquet, Arnaud Catherine, Aziz Chouaqui, Ariel Kenig, Albane Gellé, Yannick Vigouroux, Marie-­‐Hélène Lafon, Patrice Juiff, Dominique Fabre, Arno Bertina, Christophe Fiat, Jeanne Bénameur… PIERRE VINCENT– DIRECTEUR ARTISTIQUE COMPAGNIE ISSUE DE SECOURS Pierre Vincent est metteur en scène et directeur artistique de la compagnie Issue de Secours. Il dirige depuis 2007 la ferme Godier à Villepinte dont le projet artistique s’appuie sur la découverte et la mise en valeur de l’écriture dramatique contemporaine. Il a également dirigé le Théâtre Silvia Monfort à Saint-­‐Brice de 1996 à 1999 après avoir animé avec sa compagnie un projet culturel à Montreuil de 1992 à 1996 à l’origine de la création du Théâtre de La Noue. Il a enseigné l’art dramatique au Théâtre Ecole de Montreuil de 1982 à 1992, et au Conservatoire de Viry-­‐Châtillon de 1989 à 1993. Auparavant, il a travaillé au Conservatoire National de Paris en tant qu’assistant de Daniel Mesguish et Jean-­‐Pierre Vincent. Il a notamment mis en scène Fin de partie, La Dernière Bande et En attendant Godot de Samuel Beckett, ainsi que des textes de Tankred Dorst, Philippe Minyana, Enzo Cormann, Danièle Sallenave, Jean-­‐Claude Grumberg... Ses dernières créations : Bouge ta langue ! épisode 2 à partir de textes de Daniel Biga, Jean-­‐Louis Bauer, Jean Cagnard, Jean-­‐François Caron, Dominique Champagne, François Cheng, GG Vickey, Jean-­‐
Rock Gaudreault, Jean-­‐René Lemoine, Jean-­‐Frédéric Messier, Azadée Nichapour, Pascale Rafie, Ahmad Rami (2014), Un doux murmure de silence de Koffi Kwahulé (en cours), Prends Soin (Take Care) de Marc-­‐Antoine Cyr (2013), Bouge ta langue ! à partir de textes d’Edith Azam, Hakim Bah, Aimé Césaire, Gérald Chevrolet, Koffi Kwahulé, Jean-­‐Frédéric Messier, Lolita Monga, David Paquet, Jean-­‐Luc Raharimanana, Laurence Vielle (2013), Dans la joie et la bonne humeur… de Sylvain Levey (création 2011), Trois pièces cuisine de Carole Fréchette et Dominick Parenteau-­‐Lebeuf Paroles blanches de Miche et Drate de Gérald Chevrolet, Serial Killer de Carole Fréchette, La Cheminée de Margarit Minkov, Pièces Courtes de Daniel Keene Le Journal de Grosse Patate (jeune public) de Dominique Richard. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 49 DEUXIEME PARTENAIRE -­‐ LA COMPAGNIE LOUXOR DE LOME C’est en 1996 que la compagnie Louxor de Lomé voit le jour à Lomé, la capitale du Togo. Son objectif principal est de contribuer à la promotion du théâtre au Togo et en Afrique par le biais de formations en art dramatique et de créations de spectacles vivants. Les créations de Louxor sont essentiellement basées sur des pièces d’auteurs contemporains comme Maxime N’débéka, Jean Paul Alègre, mais aussi d’auteurs classiques comme Corneille, Brecht et Beckett. La compagnie Louxor se veut le cadre permanent de rencontres, de recherches et d’échanges en art dramatique entre artistes d’horizons divers. Depuis sa création, la compagnie Louxor a participé à des rendez-­‐vous de théâtre à l’échelle internationale, notamment Togo en Création à Paris (2000), les RETIC (Cameroun), Le FITMO (Burkina Faso), le FITD (Burkina Faso, Le MASA (Côte d’Ivoire), RECREATRALE (Burkina Faso), Festival Arts Azimuts (Rwanda), Le FITHEB (Bénin), et à une tournée nationale et Ouest-­‐
Africaine par l’ancienne ALFA et le Centre Culturel Français de Lomé, avec la Pièce l’Epopée du Djabatore de Ramsès Alfa. Dans le domaine de l’action culturelle, la compagnie de Ramsès ALFA anime depuis les années de sa création, des ateliers de théâtre /création avec les étudiants amateurs de toutes les facultés de l’université de Lomé regroupés au sein de plusieurs clubs culturels. Pour ces créations professionnelles, Louxor travaille en collaboration avec des comédiens issus d’autres compagnies. Un centaine de comédiens ont ainsi particpé aux projet de la compagnie de sa création à nos jours. Au plan international, la compagnie Louxor mène plusieurs actions de collaboration et de partenariat avec Le Deutsche Theater de Berlin, le Theater Konstanz (Allemagne), la compagnie de l’Etoffe en France, et la compagnie Marbayassa au Burkina Faso. Elle s’implique aussi dans des projets d’action sociale et humanitaire. RAMSES ALFA – DIRECTEUR ARTISTIQUE LOUXOR DE LOME, AUTEUR Ramsès Bawibadi ALFA est comédien, metteur en scène, auteur et directeur de la compagnie Louxor de Lomé. Après un stage de formation avec Felix RELSTAB au Burkina Faso en 1994 et quelques années de collaboration avec l’ENAL et l’ATL de Lomé, Ramsès ALFA fonde la compagnie Louxor en 1996 avec laquelle il écrit monte et joue ses propres pièces et des pièces d’auteurs contemporains et classiques. Il obtient le prix de la meilleure mise en scène et le Grand prix du FESTHEF (Festival de Théâtre de la Fraternité) avec sa pièce l’épopée du Passerelle France – Togo -­‐ Québec 50 Djabatore à Asahoun, Togo (1999). Parallèlement aux activités de création et de diffusion des spectacles de la compagnie Louxor, il se forme lors de stages internationaux d’art dramatique à L’A.R.I.A. en Corse. Il a été dirigé par plusieurs metteurs en scène tels que Sotigui Kouyaté (Buknia Faso), Patrick Lemauff et Georges Banu (Bénin), Lucas Helmleb (Togo), Seréna Sartori (Burkina Faso), Alain Batis (Corse), René Loyon (Corse), Bernard Pigot (Corse), Awishai Milstein (Allemagne), Dominic Friedel (Allemagne), Hanz-­‐Johakim Frank (Allemagne) et Davud Buchieri (Allemagne). Il signe une vingtaine de mises en scène dont En attendant Godot de Samuel Beckett (Togo et Allemagne, 2010-­‐2011), Le cid en rap, d’après le Cid de Pierre Corneille ( 2001), On a volé la lune de Jean-­‐Paul Alègre (Lomé, 2007), Boulevard de la Diva de Ramsès Alfa (Lomé, 2000) Bericht fur eine Akademie de Franz kafka (Allemagne, 2009), Le président de Maxim N’débéka (lomé, 1995), Mutter courage und ihre Kinder de Bertolt Brecht (Lomé, 1998) et Mon cancer aux tropiques de Kangni Alem ( Burkina Faso, 2006). DAWA LITAABA-­‐KAGNITA – COMEDIEN, METTEUR EN SCENE, MUSICIEN CO-­‐FONDATEUR DE LA CIE LOUXOR Dâwa Litaaba-­‐Kagnita est comédien, conteur, metteur en scène, musicien et chanteur franco-­‐togolais. Il obtient en 1999 une Licence de sociologie à la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Lomé au Togo. Cofondateur de La compagnie Louxor de Lomé, il y sera comédien permanent de 1997 à 2003. Il obtient le prix du meilleur comédien au festival de Théâtre de la fraternité (FESTHEF) à Assahoun-­‐Togo en 1999. Boursier du gouvernement français, il est stagiaire au sein des 5es Rencontres Internationales de Théâtre en Haute-­‐Corse (A.R.I.A), sous la direction de Robin Renucci en 2002. Il entre en 2003 à l'école supérieure d'art dramatique et de comédie musicale de Pierre Debauche à Agen (Théâtre Ecole d’Aquitaine). Il a été dirigé par Pierre Debauche, Robert Angebaud, René Loyon, Alain Batis, Gérard Chabanier, Antoine Bourseiller, Alan Boone, Daniel Mesguich , Alexis Djakeli et Pierre Vincent. À partir de 2009, il est auteur et metteur en scène associé de la Compagnie Louise K. basée en Seine-­‐et-­‐Marne, Il a mis en scène Il faut tuer Sammy d’Ahmed Madani (2005), le chien du prince de Dâwa Litaaba-­‐Kagnita (Jeune public inédit-­‐2006-­‐2010), les aventures de Baïnazara de Dâwa litaaba-­‐Kagnita (conte tout public inédit -­‐2009), Roberto Zucco de Bernard-­‐Marie Koltès (2013). Il a été assistant de René Loyon (A.R.I.A.) en 2002 et de Pierre Debauche de 2007 à 2009. Il a assuré les créations musicales de sept spectacles dont Penthésilée de Kleist (mise en scène René Loyon 2002) et Bintou de Koffi Kwahulé (mise en scène Laëtitia Guedon 2009). Passerelle France – Togo -­‐ Québec 51 TROISIEME PARTENAIRE -­‐ MARCELLE DUBOIS – AUTEURE, METTEURE EN SCENE Suite à des études en Lettres-­‐Art dramatique au Cégep Lionel-­‐
Groulx et en Création littéraire à l’UQAM, Marcelle Dubois fonde sa compagnie de théâtre les Porteuses d’Aromates en 2000. C’est sous cette enseigne qu’en tant qu’auteure/metteure en scène elle signe En vie de femmes (2000) et Condamnée à aimer la vie (2003). Son texte, Amour et Protubérances, fable pour bouffons, mis en scène par Jacques Laroche, fut produit à Premier Acte à Québec et à La Petite Licorne à Montréal en 2004-­‐2005. Jam Pack, quant à lui est présenté au Théâtre d’aujourd’hui en novembre 2008. Son dernier texte, Œuvre de destruction a été lu au Festival du Jamais Lu en 2007, puis au Centre Georges Pompidou en France en 2008. Elle écrit également pour le jeune public : Le dragon de bois, présenté à la 20e semaine de la dramaturgie du CEAD, et La Ville en rouge, présenté à la Rencontre Théâtre ado de mars 2009. À l’été 2008 elle jouit d’une résidence de trois mois pour débuter l’écriture de son nouveau texte, Bercail, à la Maison des Auteurs des Francophonies en Limousin en France. Co-­‐fondatrice du Festival du Jamais Lu, elle en assure la direction artistique et générale depuis dix ans. Elle participe également à la réalisation de Carte Premières, un outil de promotion desservant la relève théâtrale. Dans une vision plus militante, Marcelle Dubois à été membre du conseil d’administration de l’Association des Compagnies de Théâtre de 2007 à 2010 et s’est impliquée au sein du comité directeur des États Généraux du théâtre tenus par le Conseil Québécois du Théâtre à l’automne 2007. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 52 LES AUTEURS GUSTAVE AKAKPO–AUTEUR, COMEDIEN Né en 1974 au Togo, Gustave Akakpo est auteur, illustrateur, plasticien, comédien, conteur et animateur culturel. Il est membre de l’association togolaise Escale des écritures, créée suite aux chantiers d’écritures organisés au Togo par l’association Ecritures Vagabondes. Il a participé à plusieurs résidences et chantiers d’écriture au Togo, en France, en Belgique, en Tunisie et en Syrie. Il anime de son côté des ateliers d’écriture en Afrique, dans la Caraïbe et en France avec, notamment, une forte implication en milieu carcéral. Il a reçu de nombreux prix, notamment, le prix junior Plumes Togolaises au Festival de Théâtre de la Fraternité, organisé à Lomé, au Togo, le prix SACD de la dramaturgie francophone pour sa pièce La Mère Trop tôt, le prix d’écriture théâtrale de Guérande 2006 pour sa pièce A petites pierres, le prix Sorcières pour son roman pour préadolescents Le petit monde merveilleux et le prix du festival Primeur pour sa pièce Habbat Alep. La plupart de ses pièces de théâtre sont disponibles chez l’éditeur Lansman. Publications 2014 RETOUR SUR TERRE Lansman Editeur Lansman Editeur 2012 TULLE, LE JOUR D’APRES 2011 CHICHE L’AFRIQUE Lansman Editeur 2011 MEME LES CHEVALIERS TOMBENT DANS L’OUBLI Actes Sud 2007 A PETITES PIERRES Lansman Editeur 2006 CATHARSIS Lansman Editeur 2006 HABAT ALEP Lansman Editeur 2004 LA MERE TROP TOT Lansman Editeur Passerelle France – Togo -­‐ Québec 53 MARC-­‐ANTOINE CYR – AUTEUR Marc-­‐Antoine Cyr naît à Montréal en 1977. Diplômé de l'École nationale de théâtre du Canada en 2000, il voyage et promène ses écrits entre le Québec et la France. Il signe une quinzaine de textes dramatiques, tant pour le grand public que pour les enfants. Parmi ses textes créés à la scène au Québec, mentionnons Le fils de l'autre, Les oiseaux du mercredi, Les flaques, Cinéma maison, Les soleils pâles, Je voudrais crever. Son travail a été soutenu à deux reprises par le Centre National du Livre. Triplement distingué par le Centre national du Théâtre, il obtient l’Aide à la création en 2009 pour sa pièce Quand tu seras un homme, puis à nouveau en 2011 pour Fratrie, et enfin en 2012 pour Les soleils pâles. Fratrie a fait l’objet de deux créations en 2014 (Didier Girauldon, cie Jabberwock et Renaud-­‐
Marie Leblanc, Didascalies & Co.) L’auteur poursuit un compagnonnage avec ces deux compagnies (Le projet Z au Théâtre Joliette-­‐Minoterie de Marseille en 2015 ; Les paratonnerres en 2016). La pièce Les soleils pâles a été créé au Théâtre de la Commune -­‐ CDN d’Aubervilliers dans une mise en scène de Marc Beaudin. Le spectacle a pris l’affiche du TARMAC -­‐ La scène internationale francophone au printemps 2014, avant sa tournée en 2015. La pièce Prends soin (Take Care), mise en scène par Pierre Vincent, a fait l’objet d’une tournée à domicile dans le 93 en 2013-­‐2014. Marc-­‐Antoine Cyr a été accueilli en résidence à Limoges, Strasbourg, Villepinte, St-­‐Antoine l’Abbaye, Grenoble, Mexico et Beyrouth. Ses textes sont publiés aux éditions Quartett. Publications 2014 LES PARATONNERRES Quartett Éditions 2014 LES SOLEILS PALES Le TARMAC chez Lansman 2012 FRATRIE Quartett Éditions 2012 LE PASSE EST UN GROTESQUE ANIMAL TRADUCTION DE EL PASADO ES UN ANIMAL GROTESCO DE MARIANO PENSOTTI (ARGENTINE) IN LES CAHIERS DE LA MAISON ANTOINE-­‐VITEZ, éditions Théâtrales 2010 QUAND TU SERAS UN HOMME Quartett Éditions 2009 JE VOUDRAIS CREVER Dramaturges Éditeurs 2006 LES FLAQUES Dramaturges Éditeurs 2006 LE DESERT AVANCE Éditions Théâtrales, collection Passages francophones Passerelle France – Togo -­‐ Québec 54 LES LETTRES D’ENGAGEMENT Passerelle France – Togo -­‐ Québec 55 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 56 Gustave Adjigninou Akakpo 3 rue des tilleuls 92700 Colombes Objet : Lettre d’engagement pour le projet Passerelle Chers tous, J’ai fait la connaissance de Pierre Vincent et de Pascale Poirel en 2010 grâce à Monique Blin et Koffi Kwahulé alors en résidence d’écriture à la ferme Godier. Lors de ma résidence en 2012, j’ai pu faire plus ample connaissance avec les autres membres de la compagnie Issue De Secours et apprécier son encrage territorial, à travers notamment les pratiques amateurs, et son ouverture d’esprit artistique et humaine qui m’ont tout naturellement amené à présenter à la compagnie Dawa Litaaba Kagnita et Marc-­‐Antoine Cyr, acteurs eux-­‐aussi de ce projet. J’en suis très heureux, parce qu’il résulte, à mon sens, de la capacité de Pierre Vincent à créer de dynamiques carrefours de rencontres capables d’initier de nouvelles aventures. Et cette fois-­‐ci la route nous conduit à Lomé. C’est avec émotion que j’écris le nom de la ville où j’ai grandi, tant en matière théâtrale l’écart entre les talents (la compagnie Louxor, Escale des écritures et bien d’autres), leurs investissements et l’absence de moyens favorisant l’émergence et l’accompagnement des artistes est criard. Aussi, je mesure toute la portée d’un tel projet – qui allie recherche et création – sur les parcours des artistes Loméens et toute la richesse qu’ils apporteront à leurs pairs non-­‐résidents au Togo. C’est déjà une aventure singulière qui se met en place à travers l’écriture à huit mains. Quatre pour Marc-­‐Antoine et moi, et déjà nos mains se croisent et cela m’excite de voir comment dans la rédaction du synopsis, elles ont réussi à trouver une complicité toujours questionnée, car le but pour nous est aussi là, comment nous surprendre, nous déplacer à l’aune de cette passerelle. J’ai hâte de vivre les mois à venir. Pour tout cela et tout le reste, je m’engage à fond et je nous souhaite un bon rendez-­‐vous sur la passerelle. Passerelle France – Togo -­‐ Québec 57 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 58 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 59 Passerelle France – Togo -­‐ Québec 60 ISSUE DE SECOURS – LA FERME GODIER 1 ter boulevard L&D Casanova 93420 VILLEPINTE 01 43 10 13 89 [email protected] http://www.issue-­‐de-­‐secours.net Passerelle France – Togo -­‐ Québec 61 

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