14 propositions pour l`Union européenne

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14 propositions pour l`Union européenne
« Le rêve des sages et l’ambition des puissants » (Charles de Gaulle)
14 propositions pour l’Union européenne
Contribution de La Boîte à idées dans la perspective des élections européennes de 2014
préfacée par :
Michel Barnier
Commissaire européen, ancien Ministre
www.boite-idees-ump.fr
A propos de la Boîte à idées
La Boîte à idées est un groupe de réflexion et d’action réunissant des trentenaires qui veulent
rénover en profondeur l’UMP. Soutenue par des parlementaires, des élus locaux et des militants issus de toutes les fédérations, elle poursuit deux objectifs :
-
Rénover l’UMP comme structure politique : rénover son organisation pour reconstruire un
grand parti de militants ; son mode de fonctionnement pour favoriser l’essor d’une nouvelle génération ; ses pratiques politiques pour inventer une nouvelle manière de s’engager : plus loyale, plus collective, plus humble, et surtout beaucoup plus exigeante ;
-
Refonder l’UMP autour d’un programme de redressement national : l’état dans lequel nous retrouverons le pays en 2017 nécessitera l’application de mesures radicales sur le plan économique et social, qui soient en même temps cohérentes et réalistes. Profondément européenne et
fidèle aux valeurs fondatrices de l’UMP, la BAI veut être au cœur de l’élaboration de ce programme, et considère que ce programme doit être au cœur de l’UMP. Née en septembre 2012 à l’initiative de militants qui avaient travaillé aux côtés de Nicolas Sarkozy à l’élaboration de sa plateforme présidentielle, la BAI a été l’une des 6 motions candidates au Congrès du 18 novembre 2012 et a rassemblé sur son programme plus de 14.000 voix.
La BAI est représentée par trois délégués nationaux : Maël de Calan, Enguerrand Delannoy et
Matthieu Schlesinger.
Composition du groupe de travail
Rapporteurs :
Marthe-Louise Boye
Jocelyn Guitton
Wladimir d’Ormesson
Hugues Parmentier
Membres :
Marion-Valérie Grasset
Boris Melmoux-Eude
Jérémy Michel
Personnes auditionnées
Michel Barnier, Commissaire européen en charge du Marché intérieur, ancien ministre
Jean-Louis Bourlanges, Ancien député européen et professeur à Sciences-Po
Arnaud Danjean, député européen et Président de la sous-commission sécurité et défense
Joseph Daul, député européen et Président du Groupe PPE au Parlement européen
Jean-Paul Gauzès, député européen
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SOMMAIRE
Préambule ............................................................................................................................................ 4
Introduction ......................................................................................................................................... 5
Première partie : Resserer les liens avec les citoyens et faire place à la politique .......... 6
A.
B.
C.
Faire des élections européennes un rendez-vous fondateur .................................................................... 6
Donner un véritable président à l’Union européenne .................................................................................. 7
Affirmer la cohérence et l’unité géographique de l’espace politique européen ................................ 8
Deuxieme partie : Renforcer l ’influence f rançaise d ans l ’Union e uropéenne .................. 10
A.
B.
Faire du Ministre des Affaires Européennes un ministre de plein exercice ..................................... 10
Refonder le pacte avec l’Allemagne, comme moteur de la construction européenne .................. 10
Troisieme partie : Sortir de la crise par la croissance, en France et en Europe .............. 12
A.
B.
C.
Créer un véritable ministre des finances européen .................................................................................... 12
Faire le choix de la compétitivité européenne sans faire de l’euro un bouc émissaire ................ 12
Tirer parti de la mondialisation en choisissant la voie de la réciprocité ........................................... 14
Synthèse des propositions ............................................................................................................ 16
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PREAMBULE
Les élections européennes qui se tiendront dans un an ne méritent ni l’indifférence des citoyens, ni de servir d’exutoire à toutes celles et tous ceux qui subissent au quotidien les effets de
la crise financière, économique, sociale, politique que nous traversons depuis cinq ans.
De cette crise, ne faisons pas porter l’entière responsabilité à l’Europe. Ce n’est pas Bruxelles qui a encouragé la pratique des déficits généralisés, en France comme ailleurs, depuis une trentaine
d’années ! Ce n'est pas à cause de Bruxelles que la compétitivité française a décroché ! Donnons
plutôt acte à l’Union d’avoir pris des mesures nécessaires, comme la régulation financière, la
coordination des politiques économiques, le pacte budgétaire et la réforme du marché unique.
Pour autant, reconnaissons que l’Europe n’est pas parfaite, qu'elle doit continuer à changer :
la crise a révélé l’impossibilité de faire coexister l’union monétaire et la désunion économique ; elle a
souligné la nécessité de réformes profondes pour améliorer la compétitivité de notre économie
sociale de marché ; surtout, elle a mis à jour le besoin d’introduire plus de démocratie dans le système européen pour le reconnecter avec les citoyens.
Nous devons changer l’Europe, mais nous n’y parviendrons que si nous sommes capables de nous mobiliser autour d’un projet visionnaire. Notre famille politique, notre pays tout entier peut
et doit peser de tout son poids dans la définition de ce projet. Pour cela, nous n’avons pas le choix :
nous devons ouvrir dès aujourd’hui un vaste débat sur l’Europe que nous voulons dans les dix, vingt, trente prochaines années.
La contribution de la Boîte à idées a le mérite de lancer ce débat. On peut bien sûr discuter telle
ou telle des propositions ; mon but n’est pas ici de souscrire à chacune d’entre elles. Mais la démarche me paraît d’autant plus devoir être encouragée qu’elle permet d’aborder des sujets fondamentaux comme les pistes de démocratisation, notre positionnement dans la mondialisation et
les moyens de définir une politique industrielle moderne.
Des réponses que nous apporterons ensemble à ces défis dépendra en grande partie l’avenir de l’Europe.
Michel Barnier
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INTRODUCTION
2014 sera un rendez-vous européen déterminant. Le renouvellement du Parlement européen
précèdera celui de la Commission européenne et conditionnera l’orientation politique d’une Europe
oscillant perpétuellement entre intégration renforcée et repli national.
Quand il n’y a plus de politique en Europe, les citoyens désespèrent de l’Union européenne ; en
France plus qu’ailleurs. Premier parti de France, l’UMP porte une responsabilité et dispose d’une
réelle légitimité pour animer le débat européen dans notre pays. L’heure n’est plus à la tiédeur. La
crise financière, économique, et surtout de confiance dans les institutions, impose aux responsables
politiques d’agir, pour apporter des réponses et éclairer le chemin.
En temps de crise, grande est pour certains la tentation souverainiste. Cette stratégie
isolationniste est la marque de ceux qui n’ont plus d’ambition pour la France, qui aurait
définitivement perdu la bataille de la compétitivité et de la puissance face aux grands émergents ou à
des voisins européens plus dynamiques. C’est une stratégie défaitiste : à refuser de partager sa
souveraineté avec ceux qui défendent les mêmes valeurs que les nôtres, on s’expose inéluctablement
à la perte de celles-ci, dans une monde où la voix d’une France isolée compte de moins en moins.
Les propositions présentées ici sont résolument pro-européennes : la Boîte à Idées défend la
construction d’une Europe puissance, consciente et fière d’elle-même, de ses valeurs et de sa culture
millénaire, décidée à défendre ses intérêts, à la fois bouclier et épée dans le grand bain de la
mondialisation.
Cela implique une mue : l’Europe doit devenir plus politique, plus proche des citoyens, plus offensive
vis-à-vis de ses partenaires commerciaux.
Le Général de Gaulle disait que l’Europe était le rêve des sages et l’ambition des puissants. C’est le sens des propositions que nous formulons, ambitieuses mais réalistes.
Ambitieuses, parce que l’Europe se meurt de l’absence de projets d’ampleur. L’Europe ne sortira pas de la crise et de sa gestion avec un coup de retard, par des demi-mesures actées à la va-vite sur un
coin de table lors d’un énième sommet. Réalistes, parce que leur mise en œuvre à court terme est possible : elles n’appellent pas de révision
des traités, elles n’impliquent pas de concessions majeures de la part de certains pays, elles ne remettent pas fondamentalement en cause les modèles nationaux dans leur diversité.
Les droites européennes doivent tracer une feuille de route commune pour réformer notre Union :
puissent ces quelques idées aider l’UMP à y contribuer.
La Boîte à idées
www.boite-idees-ump.fr
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PREMIERE PARTIE :
RESSERER LES LIENS AVEC LES CITOYENS ET FAIRE PLACE A LA POLITIQUE
A. Faire des élections européennes un rendez-vous fondateur
1. Notre proposition pour l’Europe
Les citoyens méconnaissent l’Union européenne, quand ils ne la rejettent pas. Or l’adhésion populaire
à ce grand projet est essentielle pour sa réussite. L’implication des peuples européens dans l’orientation du devenir politique de l’Union doit être une priorité absolue.
En s’emparant vraiment du débat européen, les Français prendront conscience que, comme le
soulignait le Général de Gaulle, l'Europe peut redevenir « le foyer capital de la civilisation ». Il ajoutait
que « la vie internationale, comme la vie tout court, est un combat. Celui que soutient notre pays tend à
unir non à diviser, à ennoblir non à abaisser, à affranchir non à dominer. »
L’expression de la volonté collective permise par le vote est le vecteur essentiel de ce combat :
il rappelle aux peuples européens qu'en eux réside les choix souverains sur les orientations de
l’Union européenne. Le vote oblige les formations politiques des 27 à véritablement penser une
Europe qu’ils négligent trop souvent au profit de la seule échelle nationale.
Le Parlement européen est l’institution européenne la mieux connue des Français. Les députés
européens sont élus depuis plus de trente ans au suffrage universel direct : pour les citoyens,
participer à ces élections est le meilleur moyen de s’assurer que leur voix sera entendue par les décideurs européens. Or, paradoxalement, la participation des Français à une élection n’est jamais aussi faible que pour les Européennes : l’abstention a atteint près de 60 % en 2004 comme en 2009.
Ceci est d’autant plus dommageable que le Parlement européen a beaucoup gagné en compétences
avec l’adoption du Traité de Lisbonne.
Par ailleurs, le Traité de Lisbonne confère une importance nouvelle aux élections européennes,
puisque le futur président de la Commission européenne – qui représente l’exécutif européen – sera
choisi sur la base du résultat de ces élections par les chefs d’Etat et de gouvernements (article 17 du Traité).
Pour donner à ces élections une dimension pleinement européenne, un vote le même jour est
capital : il permettra un débat politique en amont et un résultat global au même moment,
annonciateur de la nouvelle majorité élue. Il fédèrera véritablement les Européens autour d’un
rendez-vous vécu collectivement, en direct.
Proposition n°1 : Les élections européennes doivent devenir un rendez-vous politique fondateur de
la vie de l’Union, organisées le même jour à l’échelle des 27 Etats-Membres pour les 400 millions
d’électeurs appelés aux urnes et s'articuler autour d'un véritable programme européen.
Alors que le mode d’élection des députés européens français est mal compris par les citoyens, notre
parti doit promouvoir le rapprochement entre les Français et leurs parlementaires européens. Les
députés européens doivent être identifiés individuellement comme le relais de leur territoire auprès
des institutions européennes.
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Afin de clarifier ce lien, nous proposons que les sièges de députés soient répartis entre des
circonscriptions plus petites, correspondant à deux régions administratives, sur le modèle retenu au
Royaume-Uni (douze régions, comptant de trois à dix députés).
Par ailleurs, nombre de députés européens français n’achèvent pas leur mandat, préférant
démissionner pour se consacrer à un autre mandat national. Cela pénalise très fortement l’influence française au sein de l’Union européenne : il est nécessaire de mettre un terme à cette pratique.
Proposition n°2 : Créer des circonscriptions plus petites (correspondant à deux régions
administratives) pour que les eurodéputés soient véritablement identifiés à un territoire. Interdire à
un Parlementaire européen de briguer pendant son mandat un autre mandat politique qui
entrainerait sa démission du PE, sauf à être appelé à des fonctions gouvernementales.
2. Notre proposition pour l’UMP
La période qui s’ouvre va cristalliser l’attention des médias sur les questions européennes, particulièrement dans un contexte de crise qui exacerbe la défiance et favorise les populismes. L’UMP se doit d’assumer sa responsabilité dans l’animation du débat politique sur l’Union européenne en
France. Notre parti, résolument engagé en faveur de la construction européenne, doit continuer à
réfléchir sur ses orientations et susciter ce débat pour mieux expliquer l’Union et sa nécessité pour la
France.
L’UMP doit définir le cap qu’elle entend présenter et relayer au sein de sa famille politique européenne, le Parti populaire européen. Elle doit peser de tout son poids dans l’élaboration du
programme commun aux 27 partis de la droite européenne qui constituent le PPE. Pour ce
faire, elle sera d’autant plus forte qu’elle portera un projet bâti sur une vaste réflexion nationale,
ouverte à tous les Français.
Proposition n°3 : Organiser dans chaque fédération une réunion publique sur l’Europe d’ici à la rentrée 2013. Rassemblées, les contributions issues de ces réunions seront présentées dans le cadre
d’un Conseil national afin de définir la ligne que l’UMP défendra au PPE, et que nos candidats aux élections européennes porteront en 2014.
B. Donner un véritable président à l’Union européenne
1. Notre proposition pour l’Europe
Depuis le Traité de Lisbonne, le Conseil européen est dirigé par un président permanent,
actuellement l’ancien Premier Ministre belge Herman Van Rompuy.
La coexistence de ce poste avec celui de Président de la Commission européenne brouille l’image de l’Union auprès des citoyens, ainsi que sur la scène internationale. Les règles actuelles autorisent
d’élire une seule personne à ces deux fonctions. Faire ce choix audacieux permettra à l’Union européenne d’être incarnée au travers d’un même visage et d’une même voix.
Proposition n°4 : Le PPE devrait demander aux chefs d’Etat et de gouvernement de s’engager avant les élections européennes à élire comme Président du Conseil européen le candidat désigné à la tête
de la Commission européenne.
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2. Notre proposition pour l’UMP
Le renouvellement de la Commission européenne interviendra peu après celui du Parlement
européen en 2014. Les nouvelles règles prévoient désormais que le Président de la Commission
européenne devra appartenir à la famille politique majoritaire au sein du Parlement. Autrement dit,
les élections au Parlement européen de 2014 auront une influence directe sur le choix du
Président de la Commission. Le PPE a annoncé qu’il désignera un candidat.
Là encore, l’UMP doit prendre la mesure de l’enjeu et peser de tout son poids sur la
désignation du candidat PPE à la Présidence de la Commission. Comme souvent en Europe, notre
influence sera proportionnelle à notre connaissance des acteurs et des dossiers, à notre
investissement au sein du PPE, à l’opiniâtreté de nos représentants et au soutien qu’ils trouveront à Paris.
Proposition n°5 : S’investir aux côtés de nos représentants à Bruxelles pour peser de tout notre poids au sein du PPE sur la désignation du candidat à la Présidence de la Commission.
Le rôle et le fonctionnement du PPE demeurent mal connus des adhérents de l’UMP. A un an des élections européennes, il est crucial de clarifier les relations que notre parti entretient avec les autres
membres de notre famille politique européenne.
Proposition n°6 : Adresser aux adhérents de l’UMP une présentation claire de ce qu’est le PPE, de
son rôle, tant dans la perspective des élections européennes que dans celui du renouvellement de la
Commission européenne.
C. Affirmer la cohérence et l’unité géographique de l’espace politique européen
1. Notre proposition pour l’Europe
Plus d’un demi-milliard : c’est le nombre de citoyens que comptait l’Union européenne le 1 er janvier
2012. A cela s’ajouteront en juillet 2013 les 4,4 millions de Croates. Européens de fait, ces citoyens ne
soutiennent plus aujourd’hui le projet européen qui les unit qu’à hauteur de 45 % (41 % pour les
Français), selon une étude parue en mai 2013. Telle est toute l’impasse à laquelle est confrontée l’Union européenne. Les causes en sont diverses et la crise actuelle en constitue l’une des clés, mais la question du nécessaire sentiment d’appartenance à un ensemble territorial déterminé, fondé sur des
valeurs communes, est absolument à considérer.
L’Europe a des frontières et l’Union européenne les a presque atteintes. Après une décennie
consacrée à un vaste élargissement à l’Est, la construction d’une Europe puissance commande de préserver la cohérence et l’unité de l’espace européen. L’approfondissement de la construction politique, rendue indispensable pour surmonter les conséquences de la crise économique et
financière, impose que les citoyens européens partagent les mêmes valeurs et se reconnaissent
surtout dans le même destin. C’est à cette condition que les institutions que nous bâtirons seront
légitimes et donc solides. La définition précise de ces valeurs et frontières appelle un débat de fond,
serein, qui ne peut se faire dans l’urgence.
Surtout, l’Union européenne doit maintenant favoriser l’approfondissement, après l’élargissement de 2004. Cet élargissement était nécessaire car il consacrait la réconciliation d’un continent et la réintégration dans le camp de la démocratie et du progrès de pays trop longtemps opprimés. Mais, à
cette étape, doit maintenant succéder la consolidation de l’existant.
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Proposition n°7 : Proposer un moratoire jusqu’en 2020 sur tout élargissement après l’adhésion de
la Croatie en juillet 2013, pour privilégier pendant le prochain mandat du Parlement européen
l’approfondissement de l’UE à son élargissement.
Cette décision ne doit pas pour autant faire cesser les négociations avec les pays des Balkans qui ont
vocation à intégrer un jour l’UE. Ce processus est vertueux et leur permet d’opérer des réformes tangibles. Il ne doit pas pour autant être hâté.
2. Notre proposition pour l’UMP
Il y a moins de dix ans, les réflexions qui entouraient l’identité européenne renvoyaient à son affirmation sur la scène internationale, fondée sur les valeurs de démocratie, de respect des droits de
l’homme et de l’Etat de droit. Le rejet du traité constitutionnel en 2005 et la crise que
nous traversons ont éclairé d’une lumière crue une toute autre réalité : la question du contenu et
de la prégnance de l’identité européenne se pose avant tout au sein même de l’Union. Il serait
coupable pour les responsables politiques d’ignorer les conséquences qui peuvent naître d’une telle situation. Il n’y aura pas d’Europe sans Européens.
Proposition n°8 : Lancer un débat européen avec nos partenaires du PPE sur l’identité et la citoyenneté européennes.
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DEUXIEME PARTIE :
RENFORCER L’INFLUENCE F RANÇAISE D ANS L’UNION EUROPEENNE
A. Faire du ministre des Affaires Européennes un ministre de plein exercice
Depuis le Traité de Rome, en 1957, aucun gouvernement français n’a jamais connu de responsable des affaires européennes apparaissant comme l’un des pivots de l’action gouvernementale. Intermittent des gouvernements de la Vème République, ce poste fut tantôt celui d’un secrétaire d’Etat, d’un ministre ou d’un ministre délégué tel qu’aujourd’hui. A une seule reprise celui d’un ministre d’Etat (Michèle Alliot-Marie), jamais celui du numéro deux du gouvernement. Depuis 2002,
onze ministres se sont succédés à ce poste1, une instabilité qui pénalise notre crédibilité vis-à-vis de
nos partenaires.
Le ministre des Affaires européennes devrait se voir reconnaître le statut de coordinateur des
positions françaises au sein du Conseil de l’Union européenne, et de négociateur en chef, sous l’autorité du Premier ministre. On mettrait ainsi en cohérence l’action politique avec les réalités administratives : depuis 1948, le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), en charge de
l’élaboration des positions françaises sur les questions communautaires et de la coordination entre
nos autorités et les institutions européennes est placé sous l’autorité du PM.
Proposition n° 9 : Rattacher le ministre des Affaires Européennes au Premier Ministre, et lui confier
la direction du Secrétariat général aux affaires européennes.
B. Refonder le pacte avec l’Allemagne, comme moteur de la construction européenne
1. Notre proposition pour l’Europe
Le discours actuel de la gauche française et en particulier du Parti Socialiste, suggérant une
« confrontation » avec l’Allemagne, est délétère, irresponsable et inquiétant, et révèle avant
tout une incapacité à refonder un modèle français à bout de souffle.
L’Allemagne a certes ses faiblesses : sa croissance a été relativement faible dans les années 2000, sa
démographie est fragile. Mais pourquoi se priver de prendre exemple sur ce qui fonctionne outreRhin ? Un dialogue social apaisé où les acteurs sociaux sont effectivement des partenaires pour les
entreprises, une flexibilité qui a permis de modérer le chômage durant la crise, une formation
professionnelle assise sur l’apprentissage tout au long de la vie. La France et l’Allemagne aspirent toutes deux à une économie de marché régulée, et
l’Allemagne est notre meilleur allié en Europe. Il faut réaffirmer la nécessité de construire
l’Europe et la zone euro autour de cet axe franco-allemand, qui reste le cœur de la construction européenne.
Cet axe a exercé depuis le début une attraction sur ses voisins, et l’Union européenne est bâtie sur ce que la France et l’Allemagne partagent. Si la France arrive à défendre ce modèle aujourd’hui, c’est parce que l’Allemagne le soutient également. Si l’axe se brise, l’Allemagne se trouvera d’autres alliés, Renaud Donnedieu de Vabres, Noëlle Lenoir, Claudie Haigneré, Catherine Colonna, Jean-Pierre Jouyet, Bruno Le
Maire, Pierre Lellouche, Laurent Wauquiez, Jean Léonetti, Bernard Cazeneuve, Thierry Repentin.
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certainement moins ambitieux pour l’UE mais plus pragmatiques. Le rapprochement entre l’Allemagne et le Royaume-Uni observé depuis quelques mois en est la manifestation la plus évidente.
Les élucubrations socialistes de ces dernières semaines ne peuvent qu’empirer la situation.
Proposition n°10 : Réaffirmer notre attachement à l’axe franco-allemand, et proposer à l’Allemagne une harmonisation sur dix ans de nos politiques familiale, de nos droits du travail et de nos politiques
fiscales.
2. Notre proposition pour l’UMP
Les fédérations UMP et CDU-CSU s’enrichiraient mutuellement de partager leurs analyses et projets
politiques, et l’axe franco-allemande sera renforcé si les cadres des deux formations se rencontraient
régulièrement à tous les niveaux.
Proposition n°11 : Jumeler, au niveau régional, les fédérations UMP avec les organisations
régionales du CDU-CSU.
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TROISIEME PARTIE :
SORTIR DE LA CRISE PAR LA CROISSANCE, EN FRANCE ET EN EUROPE
A. Créer un véritable ministre des finances européen
L’action conjuguée de la Banque Centrale Européenne, qui a su interpréter son mandat avec
pragmatisme, et des Etats-Membres, qui au travers du « Six pack » et du Pacte budgétaire ont enfin
donné une crédibilité au Pacte de Stabilité et de Croissance, permet d’envisager un terme à la crise de la zone euro. Les risques demeurent, et des soubresauts – voire une rechute – sont possibles. Mais le
pire est peut-être passé.
Pour autant, puisque les membres de la zone euro se sont engagés à franchir le Rubicon, ils ne
peuvent rester au milieu du gué, faute de quoi la stabilité budgétaire chèrement acquise ne pourra
pas déboucher sur une croissance robuste, seule garante sur le long terme de la soutenabilité des
dettes publiques. Faute d’une gouvernance économique renforcée, la Commission ne sera là
que pour manier la baguette, pas pour donner les impulsions nécessaires à la construction
d’une zone de prospérité dans un environnement globalisé et concurrentiel. Or la légitimité ne
se construit pas par le seul droit de punir et l’autorité dont elle a besoin ne saurait être acquise sans être assise sur des résultats tangibles pour tous les Européens.
Proposition n°12 : Créer un « ministre des finances » de la zone euro. Il assurerait la présidence de
l’Eurogroupe et remplacerait le Commissaire européen en charge des affaires économiques et financières sur le modèle du Haut représentant pour les Affaires extérieures, qui cumule ce poste
avec un portefeuille de Commissaire européen.
Les bénéfices de la fusion, qui ne nécessite pas de révision des traités, seraient de trois ordres:
-
une visibilité et une légitimité politique puisque le Commissaire en question serait
l’incontestable représentant de la zone euro pour les questions économiques et notamment budgétaires (et le pendant du Président de la BCE) ;
-
une légitimité technique, puisqu'il disposerait d’une administration d’économistes capable
d’étayer ses positions (ce qui n'est pas le cas de l'actuel Président de l'Eurogroupe, simple Primus
inter pares) ;
-
une clarification de l’architecture institutionnelle. Si, en parallèle, les postes de Président du
Conseil européen et de Président de la Commission européenne étaient fusionnés, l’UE disposerait alors d’un président et de deux "ministres d’Etat" pour les sujets les plus souverains :
les Affaires étrangères et les enjeux économiques, sans doublons inutiles.
B. Faire le choix de la compétitivité européenne sans faire de l’euro un bouc émissaire
Accroître la compétitivité de l’économie française repose sur des choix difficiles et des réformes structurelles : baisse des impôts et des dépenses publiques pour que les entreprises puissent
investir, recentrage de la dépense publique vers l’investissement et l’innovation, etc. Ces choix
sont difficiles car ils imposent de remettre en cause des avantages acquis et des rentes de situation. Il
est dès lors toujours facile de trouver des boucs émissaires, et le PS excelle dans cet exercice : c’est « la faute à l’euro fort » (discours de François Hollande au Parlement européen) ou c’est « la faute à
l’ Allemagne » qui refuse de rentrer dans une logique de relance keynésienne dévoyée (d’où la « confrontation » voulue par Claude Bartolone, Président de l'Assemblée nationale).
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L’euro fort est un mauvais débat, assis sur des arguments fallacieux :
-
l’euro n’est pas responsable du chômage en France : le taux de chômage moyen de la zone
euro sur la décennie 1990-1999 était de 9.5% (10.5% en France). Il est passé à 8,4% (8.8% en
France) en moyenne sur la décennie suivante 2000-2009 !
-
l’euro n’a pas entraîné une hausse des prix ni une baisse du pouvoir d’achat : l’inflation n’a jamais été aussi faible en France et dans la zone euro : les prix à la consommation ont augmenté
de moins de 2 % par an en moyenne depuis 1999 (1,8 % d'évolution moyenne annuelle en
France entre 1999 et 2010).
-
les exportations françaises ne se sont pas dégradées à cause de l'euro : le déficit commercial
français atteint certes des records, mais en raison des problèmes de compétitivité de l’économie française. La preuve en est qu’avec la même monnaie, l'Allemagne enregistre des excédents
également record.
Hier comme aujourd’hui, ce sont des problèmes de compétitivité, c’est-à-dire de performance
des entreprises françaises sur les marchés mondiaux (faute de fournir les meilleurs produits,
faute d’être présentes dans certains secteurs, faute d’investir dans certains pays, etc.), qui expliquent
la dégradation du solde commercial et la faiblesse de nos exportations.
Plus encore, les problèmes de compétitivité en matière de droit du travail ou de fiscalité par exemple
sont à l'œuvre au sein même de l'Union européenne et agissent comme un véritable repoussoir à l'égard des citoyens. Aussi est-il crucial pour restaurer la confiance que la convergence fiscale et
sociale figure dans notre ambition. Les conditions de concurrence entre les 27 doivent être
loyales : les Européens ne nous pardonnerons pas de continuer à défendre un marché unique
qui n'offre pas de réelles conditions de prospérité.
Plus largement, l’Union européenne doit jouer un plus grand rôle pour la croissance de long terme de son économie. Au-delà des nécessaires réformes structurelles évoquées – et qui relèvent le plus
souvent de prérogatives nationales, l’UE doit investir dans l’avenir, en orientant les ressources publiques vers l’innovation et l’économie de la connaissance. Elle doit faire le choix assumé de
certains secteurs, car qui trop embrasse mal étreint, et le saupoudrage des aides et financements est
source d’inefficacité. Ces choix sont relativement consensuels : il s’agit par exemple des nanotechnologies, de la
micro et de la nanoélectronique, des matériaux avancés ou de la biotechnologie industrielle.
Ces technologies que l’on appelle parfois « technologies clé génériques », car elles permettent la mise
au point de biens et services nouveaux. Par exemple, la production de voitures électriques nécessite
d'investir dans de nouveaux matériaux pour les batteries ou dans la photonique pour un éclairage à
basse consommation. Ces technologies ont besoins d’un soutien car leurs bénéfices se réalisent à long terme et elles ne sont pas nécessairement financées par le marché.
Proposition n°13 : Instaurer une politique industrielle commune. Une Europe puissance
industrielle, moteur de la convergence fiscale et sociale, fruit de la mutualisation de budgets
nationaux afin de véritablement peser sur la scène mondiale. Cette politique industrielle commune
aura comme pilier la recherche et l’innovation.
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C. Tirer parti de la mondialisation en choisissant la voie de la réciprocité
La France et l’Europe ont beaucoup à gagner de la mondialisation. Il faut donc adopter une approche
offensive et non défensive :
-
la France et l’Europe ne peuvent ignorer les ressorts de croissance que constituent les
marchés émergents, beaucoup plus dynamiques que les marchés français et européens : dans
les années à venir, 90 % de la croissance mondiale sera générée hors d’Europe ;
-
les exportations demeurent l'un des principaux moteurs de la croissance française : elles
représentent près d’un tiers de son PIB ; 6 millions d'emplois dépendent directement ou
indirectement des exportations ;
-
les biens et services importés permettent de dégager du pouvoir d'achat pour les
consommateurs ("désinflation importée") et sont donc l'une des réponses possibles à la question
du pouvoir d'achat. Ils permettent également de renforcer, à compétitivité-coût équivalente, la
compétitivité-prix des exportations européennes en intégrant le moindre coût des productions
intermédiaires ;
-
suivant certaines estimations, un emploi sur sept dans l'industrie française dépend
d'investisseurs étrangers, démontrant les bénéfices que la France tire de tels investissements. La
France et l’Europe ont beaucoup à gagner des investissements étrangers qui représentent, sauf
cas isolés, des sources de financements pérennes et non "spéculatives".
Néanmoins, la France et l’Europe ne peuvent accepter que leurs partenaires usent de
pratiques déloyales, et refusent de leur offrir les concessions qu’eux-mêmes obtiennent
lorsqu’ils exportent dans l’UE. Autrement dit, nous ne pouvons pas accepter que l’UE soit l’un des espaces commerciaux les plus ouverts au monde tandis que nos entreprises connaissent des
difficultés pour vendre leurs produits sur certains marchés.
Qu'il s'agisse (i) des exportations de biens et services, et donc d'accès aux marchés de pays tiers
(marchés publics, barrières non tarifaires, propriété intellectuelle, investissements, conditions de
transferts de technologie, etc.), (ii) de l'accès à certaines ressources rares (énergie, terres rares, etc.)
et (iii) des investissements étrangers, notamment ceux qui se traduisent par des participations
significatives, la réciprocité dans les échanges doit être une condition sine qua non de la poursuite de
la libéralisation des échanges.
L’Europe doit refuser le protectionnisme, qui nuirait tant à ses entreprises qu’à ses consommateurs, mais elle doit exiger de ses partenaires une ouverture accrue de leur marché.
Cette exigence est crédible car la France et l'UE disposent des moyens de faire pression sur leurs
partenaires : l'idée suivant laquelle l'UE serait distancée est fausse pour l'instant car elle reste
la principale puissance économique au monde, devant les Etats-Unis, très loin devant la Chine
(dont le PIB est inférieur de plus de moitié à celui de l’UE) ou le Japon. Autrement dit, les
partenaires de l’UE ont plus besoin d’elle que nous n’avons besoin d’eux ! Tout complexe d’infériorité est donc infondé et contre-productif.
Cette exigence est également réaliste car l’UE dispose des instruments nécessaires, qu’elle doit utiliser plus fermement. Elle a d’ailleurs commencé à le faire en proposant de fermer les marchés
publics européens aux entreprises des pays qui refusent d’ouvrir les leurs (proposition conjointe des
Commissaires Barnier et De Gucht), en ouvrant des enquêtes anti-dumping contre la Chine sur les
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panneaux solaires et les télécoms, et en remportant plusieurs cas contre la Chine devant l’Organe de règlement des différends de l’Organisation Mondiale du Commerce (le « tribunal » de l’OMC). Il faut progresser dans cette voie en montrant à nos partenaires qu’ils seront privés de l’accès au
marché européen s’ils ne jouent pas le jeu. L’UE a également devant elle un agenda de négociations commerciales dont la réciprocité doit devenir le fil conducteur.
Proposition n°14 : La réciprocité doit être au cœur des politiques commerciales et d'investissement,
car la mondialisation n'est un jeu à somme positive que si l'ensemble des acteurs respectent les
mêmes règles. Pour atteindre cet objectif, l’UE doit user fermement et simultanément des instruments à sa disposition : mesures anti-subventions et anti-dumping, règles relatives aux marchés
publics, négociations bilatérales, action offensive à l’OMC, etc.
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SYNTHESE DES PROPOSITIONS
1. Les élections européennes doivent devenir un rendez-vous politique fondateur de la vie
de l’Union, organisées le même jour à l’échelle des 27 Etats-Membres pour les 400 millions
d’électeurs appelés aux urnes et s'articuler autour d'un véritable programme européen.
2. Créer des circonscriptions plus petites (correspondant à deux régions administratives) pour
que les eurodéputés soient véritablement identifiés à un territoire. Interdire à un
Parlementaire européen français de briguer pendant son mandat un autre mandat
politique qui entrainerait sa démission du PE, sauf à être appelé à des fonctions
gouvernementales.
3. Organiser dans chaque fédération une réunion publique sur l’Europe d’ici à la rentrée 2013.
4. Le PPE devrait demander aux chefs d’Etat et de gouvernement de s’engager avant les élections européennes à élire comme Président du Conseil européen le candidat désigné à
la tête de la Commission européenne.
5. S’investir aux côtés de nos représentants à Bruxelles pour peser de tout notre poids au
sein du PPE sur la désignation du candidat à la Présidence de la Commission.
6. Adresser aux adhérents de l’UMP une présentation claire de ce qu’est le PPE, de son rôle, dans la perspective des élections européennes et du renouvellement de la Commission
européenne.
7. Proposer un moratoire jusqu’en 2020 sur tout élargissement après l’adhésion de la Croatie,
pour privilégier pendant le prochain mandat du Parlement européen l’approfondissement de
l’UE à son élargissement.
8. Lancer un débat européen avec nos partenaires du PPE sur l’identité et la citoyenneté européennes.
9. Rattacher le ministre des Affaires européennes au Premier Ministre, et lui confier la
direction du Secrétariat général aux affaires européennes.
10. Réaffirmer notre attachement à l’axe franco-allemand, et proposer à l’Allemagne une harmonisation sur dix ans de nos politiques familiale, de nos droits du travail et de nos
politiques fiscales.
11. Jumeler, au niveau régional, les fédérations UMP avec les organisations régionales du
CDU-CSU.
12. Créer un « ministre des finances » de la zone euro. Confier la présidence de l’Eurogroupe (la réunion des ministres des finances de la zone euro) au Commissaire européen en charge des
affaires économiques et financières.
13. Instaurer une politique industrielle commune. L’UE doit retrouver le leadership en matière d’innovation en se positionnant sur les technologies qui prendront leur essor dans les décennies à venir.
14. La réciprocité doit être au cœur des politiques commerciales et d'investissement, car la
mondialisation n'est un jeu à somme positive que si l'ensemble des acteurs respectent les mêmes
règles. Pour atteindre cet objectif, l’UE doit user fermement et simultanément des instruments à sa disposition : mesures anti-subventions et anti-dumping, règles relatives aux marchés publics,
négociations bilatérales, action offensive à l’OMC, etc.
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