1 Un historique de la communication intercommunale
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1 Un historique de la communication intercommunale
260B00.book Page 15 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 15 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE 1 Un historique de la communication intercommunale « L’objectif dominant de la communication des structures intercommunales devrait, me semble-t-il, être dicté par la volonté constante de faire prévaloir non pas l’étiquette de la structure, mais le bénéfice citoyen qu’elle est susceptible d’apporter. » Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, président de Nantes Métropole, Cap’Com 2004. I - UNE GENÈSE TARDIVE Au tournant des années 2000 – La communication intercommunale est aujourd’hui une réalité. Si ses formes diffèrent, si les moyens humains et financiers font parfois cruellement défaut, nul ne conteste plus désormais la nécessité de communiquer pour informer les citoyens d’un territoire intercommunal. Les dispositions légales prévoyant l’information des élus municipaux se dupliquent du reste assez clairement en direction des élus intercommunaux. Mais, comme souvent en la matière, c’est la réalité des situations qui prime. Sans prétendre retracer exhaustivement l’histoire de l’intercommunalité, que d’autres ouvrages proposent, on notera seulement que la communication intercommunale épouse le développement législatif et territorial de l’intercommunalité. Dans un territoire maillé à plus de 80 %, elle s’impose peu à peu, même si beaucoup lui dénient de posséder l’impact de la communication municipale. Le reproche se révèle injuste, dans la mesure où cette communication reste encore souvent à parachever. Créée ex nihilo, elle doit franchir certaines étapes qui vont de l’appellation 1) comme élément identitaire à la création de supports de communication tels les magazines ou les sites Internet, dont plusieurs enquêtes mesurent la portée (lire le chapitre 3 sur les spécificités de la communication intercommunale). L’obligation de rendre compte, érigée en 1999, n’est d’ailleurs pas pour rien dans son accélération spectaculaire. Comme l’indique le rapport très complet du 1) « Le terroir-caisse », Libération, 9 juillet 2004 : Martin de la Soudière, sociologue au CNRS, y analyse la stratégie marketing de nombreux noms de territoires. 260B00.book Page 16 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 16 Un historique de la communication intercommunale Conseil économique et social1), sans doute faut-il y voir un facteur lié à « la prise de conscience par les élus municipaux que l’intercommunalité peut être un outil leur permettant de traiter à un niveau pertinent la réponse à des exigences nouvelles de développement et de services exprimés par leurs mandants, sans être dépossédés de leur capacité d’intervention et alors que les capacités financières des communes sont insuffisantes pour développer ces réponses dans leur périmètre propre ». Du succès des nouvelles formes de coopération découle celui de la communication intercommunale ! Les obligations légales en matière d’information des conseils municipaux Plusieurs améliorations sont contenues dans la loi du 12 juillet 1999 tendant à renforcer et à simplifier la coopération intercommunale. L’article L. 5211-39 du Code général des collectivités territoriales renforce ainsi la transparence de la gestion intercommunale par l’introduction de comptes rendus de gestion du président du groupement ou des délégués des communes aux conseils municipaux. • Lorsqu’un projet intercommunal n’intéresse le territoire que d’une seule commune, le conseil municipal concerné est consulté. La communauté ne peut passer outre cet avis que par un vote ad hoc. • La communauté doit remettre aux communes avant le 30 septembre de chaque année un rapport retraçant l’activité de la communauté ainsi que son compte administratif. Les maires sont tenus de communiquer ce rapport à leur conseil municipal lors d’une séance publique au cours de laquelle les délégués communautaires peuvent être entendus ainsi que le président de la communauté, soit à sa demande, soit à celle du conseil municipal. • Deux fois par an, les élus désignés par la commune au conseil communautaire doivent rendre compte au conseil municipal de l’activité intercommunale. • Le président de la communauté est tenu de consulter les maires des communes membres à la demande du tiers de ceux-ci ou du conseil communautaire. Notons que, du côté des citoyens, un nouvel article L. 5211-49-I du CGCT prévoit la possibilité de créer des comités consultatifs composés de toute personne désignée en raison de sa représentativité ou de sa compétence par l’organe délibérant, sur proposition du président. Textes fondateurs – Longtemps, les structures outils qu’étaient les SIVOM et les SIVU n’ont eu aucune velléité à communiquer, à affirmer une quelconque existence ou même l’once d’une identité 2). Bras armés des villes, ces syndicats techniques œuvraient la plupart du temps dans une indifférence polie sur des questions comme l’adduction d’eau, l’assainissement, la construction et la gestion d’équipements sportifs ou culturels. Ces outils, issus d’ordonnances du 5 janvier 1959, connurent donc un succès d’estime essentiellement « technique ». 1) « Communes, intercommunalités, quels devenirs ? », rapport présenté par Pierre-Jean Rozet, 22 juin 2005. 2) Ce qui n’empêche pas des communications dites de proximité. Lire « Siredom : le syndicat trie les déchets » dans Territoires, « Dix ans de communication locale », novembre 1998. 260B00.book Page 17 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 17 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE Par la suite, les communautés urbaines (loi du 31 décembre 1966, dont les seuils varieront de 50 000 à… 500 000 habitants), les syndicats d’agglomérations nouvelles (loi du 10 juillet 1970), destinés à freiner le centralisme parisien et de certaines métropoles régionales comme Lille, Lyon ou Marseille, demeurèrent en nombre trop limité pour affirmer un positionnement qui fasse référence à lui seul, même si en matière de communication on note des expériences intéressantes (SAN de Saint-Quentinen-Yvelines). Interrogé en novembre 2002, Serge Hégly-Delfour remarquait déjà que « l’identité est une construction complexe faite de filiation(s) et de caractères propres ou acquis », témoignant de la présence très diverse d’éléments constitutifs. Si le dépassement des limites communales est demeuré longtemps timide, il s’est affirmé à la fin des années 1990. L’intercommunalité de projet (dans laquelle nombreux étaient ceux qui voyaient une menace ou une révolution) a, alors, nécessité une communication destinée à favoriser le rapprochement entre les communes et à emporter l’adhésion des habitants comme des partenaires étatiques et territoriaux. « Précisons qu’il ne peut y avoir de sentiment d’appartenance qu’à un territoire, écrit toutefois Jean-Baptiste Poinclou, consultant en communication intercommunale. On retrouve ici la distinction connue par les départements et les régions entre l’institution et le territoire : la communication sur l’institution va permettre d’ancrer dans les esprits des citoyens les compétences, les élus et les logiques d’action de la structure intercommunale, du conseil général ou du conseil régional. » Lors d’une conférence organisée avec le Forum pour la gestion des villes, Laurent Habib, d’EuroRSCG, notait que « l’agglomération n’est pas, à la différence de la commune ou de la nation, un vecteur puissant d’appartenance territoriale ». Cette difficulté à ancrer l’identité intercommunale constitue incontestablement un des principaux défis auxquels la communication des EPCI se trouve confrontée. II - L’ESSOR DE LA COMMUNICATION DES EPCI Impulsion par la loi – Plusieurs textes importants ont effectivement contribué à l’essor de la communication intercommunale : la loi du 6 février 1992, dite loi ATR, affirme que « le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein des périmètres de solidarité » et crée les communautés de communes – en 2005, il en existait 2 343 regroupant plus de 24 millions d’habitants, et il s’en est créé régulièrement de nouvelles (environ un millier ont moins de cinq ans d’existence). La loi du 4 février 1995, dite loi Pasqua, crée les pays, espaces non institutionnels de rencontre, de dialogue et de projets entre urbains, périurbains et ruraux. Enfin, la loi du 12 juillet 1999, dite loi Chevènement, relative au renforcement et à la simplification de la coopération, a constitué un accélérateur de la construction 260B00.book Page 18 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 18 Un historique de la communication intercommunale intercommunale et de la communication correspondante 1). Plusieurs dispositions de ce dernier texte portent d’ailleurs sur les modalités d’information et la transparence, imposant de facto une politique de communication à ces instances en devenir. Ainsi, le président de l’EPCI doit-il adresser 2) avant le 30 septembre un rapport retraçant l’activité de celui-ci aux maires de chaque commune membre. L’article 40 de la loi Chevènement identifie clairement le président et les délégués communautaires des communes membres comme les dépositaires de l’obligation de communication. En outre, il multiplie les occasions de communication : en septembre, lors de la présentation du rapport d’activités, et deux fois par an, en direction des membres des conseils municipaux, élus au suffrage universel direct. Dès lors qu’ils disposent d’une information suffisante et qu’une relation de confiance s’est nouée avec les élus intercommunaux, les élus municipaux peuvent ainsi jouer un rôle de médiateurs entre l’intercommunalité et la population : interlocuteurs de proximité, facilement accessibles et informés, ils sont aussi susceptibles de faire remonter l’information ou les problèmes constatés sur le terrain vers leurs partenaires communautaires. Notons d’ailleurs que 41 % des EPCI reconnaissaient avoir des supports exclusivement destinés aux élus, qui représentent pour eux une cible de choix. Monique Fourdin 3), maître de conférences, remarque que « l’information des conseillers municipaux est un trait spécifique des pratiques de communication intercommunale, car la sensibilisation des élus à l’intercommunalité est indispensable au bon fonctionnement de sa structure et à sa pérennité ». Et c’est essentiel ! « Aujourd’hui, les trois quarts des conseillers municipaux sont paumés ! Autrement dit, ils ne sont même pas capables de renseigner, d’informer les gens de ce qui se trame et se décide dans la communauté de communes. » Le diagnostic sévère de Pierre Baffert, ancien président du parc régional de Chartreuse, date un peu, mais tout porte à croire qu’il reste d’actualité. Cette obligation légale ne fait pas tout ! D’autres mesures spécifiques (assez proches de celles prévues pour les communes 4)) prévoient, en effet, la communication aux 1) On notera que la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 comprend plusieurs dispositions relatives aux libertés et responsabilités locales : définition de l’intérêt communautaire, mutualisation de services, retraits de communes. 2) Lire la partie 4, chapitre 2/1.5 du Mémento de la communication publique, qui revient largement sur cette obligation juridique et légale. On conseillera aussi, dans La Lettre de l’intercommunalité (avril 2004), le dossier « Rapports d’activité : documents de communication ou… communication de documents ». 3) Monique Fourdin, « Unité et diversité de la communication publique territoriale », in Éric Maigret (dir.), Communication et médias, La Documentation française, coll. « Notices de la DF », 2003. 4) L’article L. 5211-1 du Code général des collectivités territoriales spécifie que « les dispositions relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l’organe délibérant d’un EPCI ». 260B00.book Page 19 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 19 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE habitants des procès-verbaux des organes délibérants et des budgets, l’affichage des délibérations, des possibilités de consultation des électeurs des communes membres, des comités consultatifs ainsi que des mesures démocratiques relatives aux liens entre communes et EPCI. Affichage des délibérations : que font les EPCI ? En l’absence d’autres supports de communication (et souvent de services ad hoc), la voie de l’affichage des délibérations constitue souvent la première forme d’information du citoyen dans nombre d’EPCI. La loi du 6 février 1992, dite ATR, oblige en effet les collectivités territoriales à assurer la publicité des décisions notamment par voie d’affichage. La loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement et la simplification de l’intercommunalité prévoit une obligation formelle de rendre compte. Que font les EPCI en la matière ? Relevé d’expériences sur les listes de discussion. L’affichage plébiscité car obligatoire ! - Selon une enquête nationale de l’ADCF publiée en août 2004, 66,5 % des communautés de communes font confiance à Internet pour communiquer avec les citoyens, 69 %, au journal, 12 % évoquant les journées portes ouvertes ou journées d’information. Autrement dit, l’affichage systématique des délibérations n’apparaît pas, loin s’en faut, comme un vecteur d’information utilisé comme tel par les EPCI. L’affichage est pourtant plébiscité, ne serait-ce que parce qu’il est obligatoire. Il est instructif de regarder ce que font plusieurs communautés de communes qui ont, le plus spontanément, répondu à la sollicitation d’un dircom intercommunal et lui ont indiqué « se contenter d’envoyer les comptes rendus (et non les délibérations) à chaque commune de l’EPCI, chacune affichant ensuite le compte rendu ». « Cela vous paraît-il suffisant ? », questionnait-il. Des tableaux d’affichage propres à l’EPCI existent-ils dans la commune hébergeant la communauté de communes quand les locaux sont communs ? « Nous affichons directement les comptes rendus dans nos locaux », répond Cyril Valero (communauté de communes en pays saint-pourcinois). « Par ailleurs, nous les envoyons à toutes nos communes et nous transmettons également en fin d’année l’ensemble des procès-verbaux exhaustifs des conseils et bureaux communautaires à toutes les communes. » « Notre communauté de communes se trouve dans des appartements de fonction au-dessus d’une garderie, mais nous avons fait installer des panneaux d’affichage le plus près possible… Le CGCT demande que les comptes rendus de séance soient affichés dans les huit jours », rappelle Ophélie Goglins, chargée de mission à la communauté de communes du Pays de Bièvre. « Nous affichons ceux-ci et les délibérations de chaque conseil communautaire, ce qui monopolise tout le panneau d’affichage. De plus, nous envoyons à chacun des conseillers communautaires le compte rendu complet, dans les quinze jours. » Et de conclure : « Tant que le sujet de la délibération est explicite dans le compte rendu affiché, il ne doit pas y avoir de problème, l’affichage de ce compte rendu dans les mairies peut être suffisant. » Selon elle, il est intéressant de disposer d’un panneau d’affichage spécifique à l’EPCI, près de ceux de la mairie, pour valoriser tout ce qui est propre à la structure intercommunale : les convocations, les comptes rendus, les informations diverses… 260B00.book Page 20 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 20 Un historique de la communication intercommunale Affichage des délibérations : que font les EPCI ? (suite) L’envoi, c’est du papier… - « Nous affichons le compte rendu au siège (la mairie de la commune la plus peuplée) et l’envoyons à chaque commune. Nous envoyons le procès-verbal à chaque conseiller communautaire et à chaque commune. Ce procès-verbal est soumis à l’approbation du conseil suivant. Le compte rendu est également publié sur notre site Internet. Nous publions un recueil des actes administratifs transmis à chaque commune et consultable dans nos locaux. Enfin, et c’est peut-être une originalité, nous envoyons une “lettre” à chaque conseiller municipal, lettre qui reprend l’ensemble des décisions prises par le bureau et/ou le conseil communautaire », précise Alain Chevigny, de la communauté de communes de l’Autunois. « Avec 57 conseillers communautaires et au total 268 conseillers municipaux (pour 19 communes), le volume de papier est important… nous envisageons donc de transmettre notre “lettre” uniquement par e-mail aux conseillers municipaux qui le souhaiteraient. » « Le compte rendu du conseil communautaire est adressé aux conseillers municipaux avec la convocation de réunion du conseil suivant ou bien lors d’envoi d’autres documents. Il est lu et approuvé en réunion. L’extrait du procès-verbal est affiché sur le panneau extérieur de la mairie et mis à disposition du public dans le hall de la mairie. Un extrait est également publié dans notre bulletin municipal hebdomadaire », souligne un collègue d’une commune de 4 500 habitants. Plusieurs autres avouent enfin ne pas priser l’envoi, les comptes rendus étant consultables sur place. Dualité de cibles - Une des spécificités de la communication intercommunale, c’est la dualité de ses cibles. Car, si l’enjeu d’informer le citoyen reste évidemment de mise, la nécessité d’associer les élus communautaires et municipaux ne l’est pas moins. En l’espèce, la question de l’affichage des délibérations (distinct de celles des communes membres) renvoie à l’information du citoyen, là où les modalités d’envoi des comptes rendus et autres procès-verbaux tiennent de la (nécessaire) communication interne, en direction de ceux qui sont d’abord des relais auprès des citoyens. Timide essor – Cet arsenal juridique et légal ne tient évidemment pas lieu de politique de communication. Il donne toutefois un cadre minimal utile, notamment concernant les rapports d’activité, qui constituent désormais un exercice récurrent auquel les EPCI sacrifient avec plus ou moins d’ardeur. On va ainsi d’un simple dossier reprographié destiné aux élus à un document en quadrichromie distribué à l’ensemble des partenaires économiques et institutionnels du territoire. Cet essor de la communication intercommunale s’est également concrétisé dans la vie quotidienne des habitants, avec les communications sur le tri sélectif (sans aucun doute la plus emblématique) ou les transports. Certes, de sérieux bémols peuvent être apportés concernant la légitimité de cette communication : « Démocratie de second niveau, faiblement identifiée par le citoyen, la communauté se voit enfermée dans cette communication sur la réussite des réalisations intercommunales qui doit justifier l’existence même de l’intercommunalité », 260B00.book Page 21 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 21 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE écrivent Dominique Mégard et Bernard Deljarrie 1), qui tempèrent néanmoins leur propos en notant que cette situation est loin d’être figée alors que se renforce l’enjeu politique des groupements. De nombreux élus ne s’y sont pas trompés et ont d’ailleurs abandonné leur mairie pour conserver ou prendre la tête de l’intercommunalité : Pierre Mauroy (Lille), Patrick Braouezec (Saint-Denis) ou Georges Frêche (Montpellier). C’est que l’intercommunalité pèse aujourd’hui lourd, économiquement et politiquement. L’histoire de la communication intercommunale est jeune. Dans son ouvrage de référence sur la communication des villes en 1988 2), Dominique Porté n’évoquait d’ailleurs pas encore la coopération intercommunale même si la notion d’un environnement déjà concurrentiel apparaissait clairement sur fond de bataille pour attirer les entreprises, de décentralisation et de percée des nouvelles technologies. En 2001, moins de la moitié des EPCI (45 %) avaient structuré un service communication, ce qui témoigne de leur caractère très récent. Des situations contrastées – La communication intercommunale, plus encore que celle des villes, est marquée par des différences importantes de moyens humains et financiers. Si communautés urbaines et d’agglomérations disposent déjà bien souvent de services importants dotés de moyens non négligeables, les « petites » communautés de communes (dont les populations vont de 1 000 à… 150 000 habitants) doivent pour leur part s’appuyer sur des services administratifs traditionnels pour communiquer ou sur un seul agent polyvalent. Mais elles éprouvent, autant que les autres, le besoin d’être connues et reconnues. Pour les dix ans des communautés de communes, l’ADCF notait que les statistiques liées aux supports de communication illustraient « la volonté de plus en plus affirmée de tisser des liens avec les élus municipaux, d’une part, et la population, d’autre part. Cette évolution témoigne aussi de l’émergence d’un nouveau niveau d’administration local qui éprouve le besoin d’être connu et reconnu par la population 3). » Dans les structures comme les agglomérations ou communautés urbaines, des outils permettant d’associer les citoyens existent, à l’image des « jeudis de l’agglomération » à Grenoble, qui permettent de débattre avec les citoyens de problématiques intercommunales (logement, circulation…). Citons aussi « L’avenir de l’agglomération, parlons-en ! » (Grand Nancy), « 2015, Angers agglomération » (Angers Loire Métropole) ou « CAP pour 2015 » (communauté d’agglomération périgourdine). « Les habitants de l’agglomération sont des acteurs essentiels pour 1) La Communication des collectivités locales, LGDJ, 2003. 2) La Communication des villes, des maires et des images, Ecomédia. 3) Bruno Cohen-Bacrie, « Communication des petits EPCI : l’imagination au pouvoir ? », La Lettre de l’intercommunalité, novembre 2004. 260B00.book Page 22 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 22 Un historique de la communication intercommunale l’avenir de notre territoire. La démocratie locale implique que le citoyen soit informé et désormais acteur des décisions qui le concernent », est-il rappelé sur le site Internet de l’agglomération orléanaise 1). « Dans un contexte de décentralisation où le citoyen est appelé à jouer un nouveau rôle auprès des collectivités, l’agglomération s’engage volontairement en faveur d’un espace démocratique plus participatif. » « Les conseils de développement constituent une grande avancée dans l’expression de la société civile. Jouissant d’une “indépendance complète” vis-à-vis des élus locaux et affichant une structuration guère trop contraignante, ils deviennent les nouveaux fondements de la démocratie participative. Pourtant, leur efficacité repose sur une double reconnaissance. D’une part, les conseils de développement doivent être mieux associés aux élus, non pas en tant que chambres d’enregistrement mais comme forces de propositions […]. D’autre part, il est nécessaire qu’ils se fédèrent en mouvement national, afin de suppléer par le haut les carences encore perceptibles à la base, engluée dans une certaine passivité citoyenne », analyse Jean-Michel Hoerner, président-animateur du conseil de développement en Roussillon (Pyrénées-Orientales) et conseiller du CES Languedoc-Roussillon 2). Une visibilité encore insuffisante – Sans prétendre à un jugement de valeur – lequel méconnaîtrait les spécificités et les histoires locales –, force est de constater que la (jeune) communication intercommunale manque de visibilité et de lisibilité. Une étude récente, réalisée par l’Observatoire de Territoires publics, a cherché à comprendre les mécanismes d’identification de ces « nouveaux territoires » : elle révèle une claire absence d’ancrage qui se traduit par une mauvaise connaissance du territoire, de l’institution (même de la part de ceux qui résident de longue date dans la commune), et une information globalement insuffisante, accompagnée d’une attente de contenus sur certaines questions concrètes comme l’environnement ou le cadre de vie 3). « Davantage de contenu, plus de cohérence dans les différents supports, de la pédagogie, une réelle périodicité et des lieux de diffusion plus adaptés semblent être les premières pistes à suivre pour combler le décalage qui semble s’être créé entre les nouveaux territoires et leurs habitants », conclut l’auteur de l’étude. Il est vrai que le citoyen doit aujourd’hui s’armer de beaucoup de ténacité pour essayer de savoir qui fait quoi, quelles sont les compétences de telle ou telle collectivité. 1) http://www.agglo-orleans.fr (rubrique « Participer »). 2) Gérard Claisse, vice-président du Grand Lyon, chargé de la participation citoyenne (un symbole), note ainsi que « le danger est que les conseils s’enferment sur leur quartier, développant une démocratie de clocher, de trottoir » (La Lettre des conseils de quartier, Saint-Priest, juin 2005). 3) Frédéric Duval, consultant (cabinet Territoires publics), propose un résumé de cette étude dans les Fiches pratiques Politique et communication n˚ 68, avril 2005. 260B00.book Page 23 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 23 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE Une intercommunalité mieux identifiée mais aux compétences floues – Dans le cadre de sa convention annuelle, qui s’est tenue en octobre 2005, l’ADCF a publié concernant les Français et l’intercommunalité un sondage très intéressant qui témoigne d’une meilleure perception des EPCI mais également d’une méconnaissance de leurs compétences. Ainsi, 63 % des Français disent connaître l’existence des communautés (de communes, d’agglomération ou urbaines), c’est-à-dire près des deux tiers, avec des variables importantes selon le sexe, l’âge des sondés ou la catégorie d’EPCI. Les structures intercommunales sont logiquement mieux identifiées lorsqu’elles ont été créées il y a vingt-cinq ans ou plus. 81 % des Français déclarent que leur commune appartient à une structure intercommunale, même si 57 % des habitants des communes hors EPCI pensent à tort être concernés, signe d’une certaine confusion. Mais le fait d’habiter une commune rattachée à une intercommunalité entraîne une certaine connaissance de celle-ci, ce qui est intéressant. 57 % des Français ignorent le nom de celui ou de celle qui préside l’EPCI, identité mieux connue dans les communautés de communes rurales (parfois assises sur le territoire du canton). Autre enseignement intéressant, les jugements portés par les Français sur le mouvement intercommunal se révèlent largement positifs : ils sont 88 % à considérer que l’intercommunalité permet de réaliser des investissements difficiles à prendre en charge par une seule commune, ou 87 % à estimer que c’est un moyen de s’occuper des problèmes qui se posent à une échelle plus vaste que la commune (circulation, logement ou développement économique). La commune demeure bien sûr l’échelon administratif le plus connu des Français : 62 % déclarent connaître suffisamment le rôle et l’action de leur commune. La structure intercommunale se classe en deuxième position : 38 % disent la connaître contre 31 % pour le département et 26 % pour la région, une hiérarchie logique indexée sur le niveau de proximité. En matière d’équipement public, une majorité de Français (53 %) se déclarent en faveur d’un équipement intercommunal mieux adapté même s’il est localisé sur une autre commune plutôt que pour un petit équipement communal de proximité (46 %). Enfin, on notera qu’aucun consensus fort ne se dégage sur les modalités de désignation des représentants au sein des EPCI. En conclusion, les auteurs de l’étude notent que le développement de l’intercommunalité est désormais connu de la part des Français et que ses effets bénéfiques rejaillissent sur les communes. « Nous apportons de bonnes nouvelles à l’usager mais nous nous devons de mieux le faire savoir. Nous avons parlé de révolution silencieuse de l’intercommunalité, il convient aujourd’hui de la placer au grand jour », résumait Marc Censi en ouverture de cette convention. Comment mieux dire la nécessité de co-mmu-ni-quer ! 260B00.book Page 24 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 24 Un historique de la communication intercommunale III - CONCURRENCE OU COMPLÉMENTARITÉ Une presse territoriale pléthorique – Un citoyen de Clermont-Ferrand (Puyde-Dôme) reçoit tous les mois, dans sa boîte aux lettres, 42 kilogrammes de papier ! Et, dans toutes les villes de France et de Navarre, ce même phénomène s’observe. Les collectivités territoriales ne sont, dans ce domaine, pas en reste. Un même citoyen peut aujourd’hui disposer d’une revue municipale (classique), départementale (fréquent), régionale (parfois) et intercommunale (fréquent aussi). Si les rythmes et la qualité de ces publications varient d’un territoire à l’autre, celles-ci n’en constituent pas moins une indication du poids pris par la presse territoriale et, plus largement, par la communication locale. Avec plus de 5 000 journalistes, photographes et pigistes, 133 millions d’exemplaires de journaux municipaux chaque année (dans les seules communes de plus de 5 000 habitants), point n’est besoin de longs discours pour décrire la situation. Il n’en faut évidemment pas plus pour que cette débauche de publications suscite des interrogations : sont-elles lues ? Contribuent-elles vraiment à la clarté des débats ? Vers une mise en commun de la communication ? – Selon le consultant JeanLouis Laure 1), la solution pertinente pour dépasser l’interrogation réside dans la « co-communication » : « Le fait de parler d’une même voix, de porter vers l’extérieur la même signature du territoire, en travaillant réunis : ville-centre, département, région, communauté d’agglomération, offices de tourisme, chambres de commerce et d’industrie, partenaires économiques privés également. À plusieurs, on réalise à la fois des économies de moyens et de contenu et, deuxième élément important, on porte vers l’extérieur un message commun, au lieu de brouiller les ondes en envoyant plusieurs messages différents vers sa cible. Un collège doit ainsi se former et choisir en son sein un pilote qui jouera le rôle de leader de cette “co-communication”. » Un enjeu de clarification souhaitable à l’évidence, mais qui se heurte souvent à des positionnements politiques, territoriaux ou institutionnels. D’autres vont plus loin et préconisent un regroupement des supports, voire des services (lire le chapitre 4). Dominique Mégard, déléguée générale de Cap’Com, précise à juste raison : « Chaque collectivité a sa légitimité et son histoire. Il est normal que chaque institution ait la volonté d’informer parce que la communication publique est un service public. C’est donc tout à fait légitime que chaque institution ait son propre support 2). » 1) La Gazette des communes n˚ 1769, 13 décembre 2004. 2) Entretien avec Sophie Léonforte, auteur d’un mémoire sur « La coexistence des journaux territoriaux : entre concurrence et complémentarité », université Mendès-France, 2003-2004. 260B00.book Page 25 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 25 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE Comme le conclut le sociologue Rémy Le Saout 1), « les maires qui veulent informer précisément la population courent le risque de passer pour des “techno” et de perdre de la “proximité”, donnée primordiale du travail politique d’aujourd’hui. Ils peuvent craindre aussi de brouiller la vision traditionnelle et dominante du maire, considéré comme le seul détenteur du pouvoir sur son seul territoire ». Autrement dit, la communication intercommunale, ce n’est pas encore gagné 2) ! L’intercommunalité façon jeunesse L’Association des communautés de France et les éditions Autrement se sont associées pour expliquer l’intercommunalité aux enfants. Un véritable défi pédagogique qui prend forme au travers d’un ouvrage vivant et illustré : Communes ensembles, villes entre elles. Les auteurs expliquent notamment comment et sur quoi les communes travaillent en commun et comment tout cela a pu évoluer dans le temps. Au-delà des élèves, citoyens de demain, et à une époque où se multiplient les attaques portées contre l’intercommunalité (plusieurs rapports sévères…), on se dit que cet ouvrage ferait beaucoup plus pour le citoyen que bien des longs discours… Communes ensembles, villes entre elles, 64 pages, 10 euros, personnalisable auprès des éditions Autrement. 1) « Le gouvernement veut freiner les dérives de l’intercommunalité », Le Monde, 8 octobre 2005. 2) Christian Le Bart, sociologue et auteur de nombreux travaux sur les maires, note ainsi : « Sur l’intercommunalité, les maires occupent le terrain par crainte de l’émergence de figures concurrentes, ce qui les conduit à un cumul des responsabilités. Les enjeux intercommunaux ne constituent pas une redistribution des cartes mais un alourdissement avec peu de partage. On voit les maires urbains se servir de l’intercommunalité pour élargir leur fief, ceux des petites communes, pour échapper au déclin, pour passer des alliances entre territoires. Ils confisquent le terrain sur ce dossier. » 260B00.book Page 26 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 260B00.book Page 27 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE Marc Censi, président de l’Assemblée des communautés de France (ADCF) et du Grand Rodez : « Le souci d’informer les citoyens se fait aujourd’hui de plus en plus présent » Né le 24 janvier 1936 à Rodez, Marc Censi est le fondateur et président de l’Assemblée des communautés de France (depuis 1989), président de la communauté d’agglomération du Grand Rodez et maire de Rodez (depuis 1983). En 1988, il est devenu président de la région Midi-Pyrénées, présidence qu’il exercera pendant dix ans. Le fait intercommunal semble désormais acquis. Quel bilan général tirezvous, si tant est que l’hétérogénéité des pratiques le permette, à propos de la communication des communautés ? Avez-vous le sentiment que celles-ci jouent la carte de véritables politiques de communication ? Au cours de la dernière décennie, l’essor des communautés a considérablement modifié le fonctionnement du système politique et administratif local. De fait, l’acquisition de nouvelles compétences dans les domaines les plus variés comme le réflexe de « fléchage » des communautés par de nombreux textes législatifs ont tout à la fois largement renforcé le pouvoir intrinsèque des communautés et de leurs représentants et considérablement modifié les relations de l’intercommunalité à la commune, au département, à la région. On a souvent évoqué le terme de « révolution silencieuse » ; l’expression est légitime. Nos concitoyens, malgré les efforts de pédagogie déployés sur le terrain, n’ont pas encore pris pleinement conscience de ces mutations, ce qui rend plus que nécessaire la mise en œuvre de politiques très volontaires de communication. Les communautés s’y emploient, mais leur notoriété dépend tout autant de leur ancienneté et du type de compétences exercées que des moyens qui y sont affectés. En tout état de cause, en l’absence d’onction des conseillers communautaires par le suffrage universel direct, les communautés communiquent autrement : moins sur les hommes, plus sur les réalisations. « Chaque micro-territoire est désormais appelé à mettre en valeur ses atouts, à gommer ses handicaps afin de devenir “compétitif et attractif”. Régions, départements, villes, tous sont accueillants, authentiques, surdoués, carrefours de l’Europe », disiez-vous lors de l’inauguration de la convention d’Amiens en 2004. Ne craignez-vous pas que s’accroisse un phénomène de concurrence entre les territoires, accentué par des politiques de communication agressives (phénomène connu par le passé) ? Ne risque-t-on pas de connaître des phénomènes de communication à Annexe 1 27 260B00.book Page 28 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 Annexe 1 28 Un historique de la communication intercommunale deux vitesses (petites communautés de communes et agglomérations, par exemple) ? Le contexte est concurrentiel : c’est un fait. Ce qui peut apparaître comme une rivalité entre territoires, d’une part, et niveaux territoriaux, d’autre part, naît de la volonté légitime des institutions qui les animent d’affirmer leur identité les unes par rapport aux autres. C’est notamment le cas des communautés qui émergent sur la scène politique locale. Mais comment le leur reprocher ? Car les enjeux sont de taille ! D’un côté, vous devez attirer et retenir investisseurs, populations et éventuellement touristes sur le territoire communautaire ; de l’autre, il est normal de rechercher l’identification de l’institution dans un paysage où le partage des compétences entre collectivités territoriales est souvent particulièrement opaque. Encore faut-il reconnaître aux élus un effort fréquent de coordination entre communications communale et communautaire. Dans cette quête de visibilité, de nombreuses intercommunalités se sont dotées de services communication chargés de valoriser leur différenciation territoriale pour renforcer leur attractivité, mais surtout pour informer au mieux les citoyens des services et réalisations que leur apporte la communauté au quotidien. Quelques agglomérations sont réputées pour la qualité remarquée de leur communication. C’est assurément une question de taille et de moyens. Mais ce ne peut être l’unique étalon. Dans de nombreuses communautés de communes, le facteur « proximité » compense largement des ressources comptées. À l’image de l’intercommunalité, c’est un peu chacun selon son ambition, ses priorités, son ingéniosité. Les Français connaissent-ils bien ou mieux leurs communautés aujourd’hui ? Avez-vous le sentiment que celles-ci sont perçues comme « lisibles » de la part des citoyens ? Les communautés sortent, peu à peu, de l’anonymat. Pendant longtemps, l’intercommunalité est demeurée l’affaire des seuls élus. Or je constate avec bonheur que le souci d’informer les citoyens se fait aujourd’hui de plus en plus présent. Nombre de communautés ont su profiter de l’élaboration de leur projet de territoire pour initier de véritables « états généraux » d’agglomération ou de pays, visant à associer l’ensemble de la population au processus intercommunal, à l’interpeller, à l’amener à se percevoir comme sujet de la politique communautaire. Cette forme de communication, spécifiquement intercommunale, me semble d’autant plus 260B00.book Page 29 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE importante qu’elle s’inscrit, à mon sens, dans un mouvement de fond de recherche d’un équilibre entre démocratie élective et participative : vous ne pouvez plus être élu puis donner rendez-vous aux citoyens dans six ans. Du fait qu’elle se situe au second degré, l’intercommunalité me paraît plus inventive, plus à l’écoute, plus mûre sur ce point. Mais, au-delà de ce satisfecit, beaucoup de voies restent à explorer pour améliorer la notoriété des communautés. Le Grand Rodez, dont vous êtes le président, vient de fêter ses 40 ans avec un grand nombre d’initiatives fortes. Attachez-vous à titre personnel une importance forte à la communication ? L’exercice moderne d’une responsabilité politique implique d’assurer un va-etvient constant d’informations entre dirigeants et citoyens ; c’est ma conviction. Cet échange devient primordial dans un contexte intercommunal où le lien social et politique est le plus souvent à construire, où il faut aussi assurer la légitimité de l’institution et persuader les citoyens de la valeur ajoutée de la communauté. De façon générale, l’appétence pour la vie publique ne se situe pas toujours au niveau où l’on souhaiterait la voir. Notre responsabilité est alors justement de faire en sorte que l’information soit toujours disponible et facilement accessible. Annexe 1 29 260B00.book Page 30 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 260B00.book Page 31 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE Stéphanie Drapkin, responsable de la communication du pays d’Ancenis : « La communication doit trouver un bon compromis » Stéphanie Drapkin, 31 ans, titulaire d’un DESS de sciences politiques à la Sorbonne, est depuis février 2004 responsable de la communication de la communauté de communes du pays d’Ancenis (Loire-Atlantique), après plusieurs expériences municipales. Pouvez-vous nous présenter sommairement la communauté de communes du pays d’Ancenis (COMPA) ? Elle compte 29 communes, 5 cantons, 50 218 habitants, à mi-chemin entre Nantes et Angers. Les frontières du « pays » (un des premiers reconnus, en 1996) et de la communauté de communes sont les mêmes. L’intercommunalité a débuté en 1977. Les compétences sont le développement économique (et le tourisme), l’aménagement du territoire, l’habitat et le logement, l’incendie et le secours, l’environnement et l’agriculture, l’insertion et la formation. Nous comptons sur le territoire près de 22 500 actifs et 18 500 emplois (pôle industriel important notamment à Ancenis, avec Manitou – leader mondial des chariots élévateurs –, Toyota Industrial Equipment et la présence d’une grande coopérative agricole, Terrena, anciennement Cana, connue par des marques comme Paysan breton). Le territoire est donc aussi rural. La plupart des communes sont en plein essor. Quelles sont, selon vous, les principales caractéristiques de la communication intercommunale ? Les domaines d’intervention propres aux EPCI, d’abord : il s’agit de communiquer sur des compétences telles que le développement économique, l’aménagement du territoire, l’habitat, l’environnement, que les communes abordent peu. Les cibles, ensuite. Priorité aux relais d’opinion, élus communautaires mais aussi et surtout tous les conseillers municipaux du territoire. Cette cible est importante pour que l’information soit bien véhiculée et que l’image de la structure en bénéficie. Côté externe, les cibles sont les forces vives (chefs d’entreprise, partenaires institutionnels, économiques, associations...). Les habitants, contrairement aux communes, constituent dans la plupart des cas une cible plus secondaire. Le territoire, enfin, sous-entendu sa taille et les spécificités de chaque commune. Les préoccupations et les enjeux ne sont pas les mêmes dans la ville-centre et dans la petite commune rurale, à la frontière d’un autre territoire. Annexe 2 31 260B00.book Page 32 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 Annexe 2 32 Un historique de la communication intercommunale La communication doit trouver un bon compromis. Les messages forts tels que « l’union fait la force », « mutualisation des ressources », « solidarité et développement homogène » sont primordiaux (et il faut y croire !)... Quelles sont, selon vous, les principales difficultés rencontrées dans les « petits » EPCI ? Pour contourner les difficultés (manque de personnel, surtout pour la COMPA), je crois beaucoup en la volonté politique. Avec une réelle volonté de construire et de faire ensemble de la part des élus (tout du moins des plus influents), la communication intercommunale est facilitée. Pour autant, il faut « produire » et être présent sur « tous les tableaux ». L’optimisation des outils et l’utilisation des relais sont essentielles. Par exemple, éditer un rapport d’activités suffisamment attractif pour le diffuser largement y compris au grand public, être présent sur le territoire via les événementiels, organiser des manifestations en s’appuyant sur les associations, les partenaires économiques, la presse (par exemple, nous organisons une randonnée dans chaque canton à la découverte du territoire. La manifestation compte le soutien de Ouest-France. Résultat : 6 000 personnes lors du dernier rendez-vous !). Par ailleurs, nous éditons, à destination de conseillers municipaux, une lettre d’information baptisée « Un œil sur la COMPA ». Le document, entièrement fait maison, est ensuite envoyé par courrier. Le coût est faible et le retour, plus que positif. Les NTIC permettent d’échanger plus facilement. Ainsi, j’envoie régulièrement aux communes des communiqués qu’elles peuvent reprendre dans les bulletins. En retour, notre site Internet (actuellement en refonte) propose aux communes de mieux se faire connaître. Du côté des relations avec la presse, trois journaux (deux quotidiens et un hebdomadaire) relayent notre actualité. En résumé, les maîtres mots sont polyvalence et disponibilité. Deux qualités que l’on retrouve dans bon nombre de services « com » d’autres collectivités. La différence ? Les EPCI (les plus petits encore plus !) doivent encore et toujours expliquer qui ils sont et ce qu’ils font avant d’entamer toute action. Comment résumeriez-vous les principaux enjeux de la communication intercommunale ? En apparence, les enjeux des EPCI et des communes semblent identiques, notamment celui qui consiste à créer une identité de territoire en interne et en externe. 260B00.book Page 33 Mardi, 28. mars 2006 10:13 10 PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE Mais de là naît la difficulté : celle de créer une image sans pour autant gommer les spécificités de chaque commune. Je crois que l’enjeu principal de la communication intercommunale est de fédérer les élus, de faire que, lorsqu’ils entrent dans la salle du conseil communautaire, ils y pénètrent en tant qu’élus communautaires et non pas en tant que maires ou conseillers de telle commune. La volonté politique est, me semble-t-il, un élément fondamental de l’intercommunalité, encore plus que dans les communes. Les élus doivent croire au territoire et aux projets pour ensuite mieux en parler et, le cas échéant, les défendre. Quels modes de relation avez-vous mis en place avec les communes ? À mon arrivée, pour mieux connaître les communes et les élus, j’ai rencontré quasiment tous les maires et/ou les personnes en charge de la « com » (quand il y en avait). Puis, après avoir recensé mes interlocuteurs, j’ai établi un fichier pour les envois d’informations et de communiqués (par courrier postal ou électronique, par fax...). Pour les échanges, j’assiste également à chaque bureau (réunion des vice-présidents), aux conseils communautaires et, le cas échéant, à certaines commissions, évoquées précédemment. Annexe 2 33