1 Un historique de la communication intercommunale

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PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE
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Un historique
de la communication
intercommunale
« L’objectif dominant de la communication des structures intercommunales devrait,
me semble-t-il, être dicté par la volonté constante de faire prévaloir non pas
l’étiquette de la structure, mais le bénéfice citoyen qu’elle est susceptible d’apporter. »
Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, président de Nantes Métropole,
Cap’Com 2004.
I - UNE GENÈSE TARDIVE
Au tournant des années 2000 – La communication intercommunale est
aujourd’hui une réalité. Si ses formes diffèrent, si les moyens humains et financiers
font parfois cruellement défaut, nul ne conteste plus désormais la nécessité de
communiquer pour informer les citoyens d’un territoire intercommunal. Les dispositions légales prévoyant l’information des élus municipaux se dupliquent du reste
assez clairement en direction des élus intercommunaux. Mais, comme souvent en
la matière, c’est la réalité des situations qui prime. Sans prétendre retracer exhaustivement l’histoire de l’intercommunalité, que d’autres ouvrages proposent, on
notera seulement que la communication intercommunale épouse le développement législatif et territorial de l’intercommunalité.
Dans un territoire maillé à plus de 80 %, elle s’impose peu à peu, même si beaucoup lui dénient de posséder l’impact de la communication municipale. Le
reproche se révèle injuste, dans la mesure où cette communication reste encore
souvent à parachever. Créée ex nihilo, elle doit franchir certaines étapes qui vont
de l’appellation 1) comme élément identitaire à la création de supports de communication tels les magazines ou les sites Internet, dont plusieurs enquêtes mesurent
la portée (lire le chapitre 3 sur les spécificités de la communication intercommunale). L’obligation de rendre compte, érigée en 1999, n’est d’ailleurs pas pour rien
dans son accélération spectaculaire. Comme l’indique le rapport très complet du
1) « Le terroir-caisse », Libération, 9 juillet 2004 : Martin de la Soudière, sociologue au CNRS, y analyse la
stratégie marketing de nombreux noms de territoires.
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Conseil économique et social1), sans doute faut-il y voir un facteur lié à « la prise de
conscience par les élus municipaux que l’intercommunalité peut être un outil leur
permettant de traiter à un niveau pertinent la réponse à des exigences nouvelles de développement et de services exprimés par leurs mandants, sans être dépossédés de leur capacité d’intervention et alors que les capacités financières des communes sont insuffisantes
pour développer ces réponses dans leur périmètre propre ». Du succès des nouvelles
formes de coopération découle celui de la communication intercommunale !
Les obligations légales en matière
d’information des conseils municipaux
Plusieurs améliorations sont contenues dans la loi du 12 juillet 1999 tendant à renforcer et à simplifier la coopération intercommunale. L’article
L. 5211-39 du Code général des collectivités territoriales renforce ainsi la
transparence de la gestion intercommunale par l’introduction de comptes
rendus de gestion du président du groupement ou des délégués des communes aux conseils municipaux.
• Lorsqu’un projet intercommunal n’intéresse le territoire que d’une seule
commune, le conseil municipal concerné est consulté. La communauté ne
peut passer outre cet avis que par un vote ad hoc.
• La communauté doit remettre aux communes avant le 30 septembre de
chaque année un rapport retraçant l’activité de la communauté ainsi que
son compte administratif. Les maires sont tenus de communiquer ce rapport
à leur conseil municipal lors d’une séance publique au cours de laquelle les
délégués communautaires peuvent être entendus ainsi que le président de la
communauté, soit à sa demande, soit à celle du conseil municipal.
• Deux fois par an, les élus désignés par la commune au conseil communautaire
doivent rendre compte au conseil municipal de l’activité intercommunale.
• Le président de la communauté est tenu de consulter les maires des communes membres à la demande du tiers de ceux-ci ou du conseil communautaire.
Notons que, du côté des citoyens, un nouvel article L. 5211-49-I du CGCT
prévoit la possibilité de créer des comités consultatifs composés de toute
personne désignée en raison de sa représentativité ou de sa compétence
par l’organe délibérant, sur proposition du président.
Textes fondateurs – Longtemps, les structures outils qu’étaient les SIVOM et les
SIVU n’ont eu aucune velléité à communiquer, à affirmer une quelconque existence
ou même l’once d’une identité 2). Bras armés des villes, ces syndicats techniques
œuvraient la plupart du temps dans une indifférence polie sur des questions
comme l’adduction d’eau, l’assainissement, la construction et la gestion d’équipements sportifs ou culturels. Ces outils, issus d’ordonnances du 5 janvier 1959,
connurent donc un succès d’estime essentiellement « technique ».
1) « Communes, intercommunalités, quels devenirs ? », rapport présenté par Pierre-Jean Rozet, 22 juin
2005.
2) Ce qui n’empêche pas des communications dites de proximité. Lire « Siredom : le syndicat trie les
déchets » dans Territoires, « Dix ans de communication locale », novembre 1998.
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Par la suite, les communautés urbaines (loi du 31 décembre 1966, dont les seuils
varieront de 50 000 à… 500 000 habitants), les syndicats d’agglomérations nouvelles
(loi du 10 juillet 1970), destinés à freiner le centralisme parisien et de certaines métropoles régionales comme Lille, Lyon ou Marseille, demeurèrent en nombre trop limité
pour affirmer un positionnement qui fasse référence à lui seul, même si en matière
de communication on note des expériences intéressantes (SAN de Saint-Quentinen-Yvelines). Interrogé en novembre 2002, Serge Hégly-Delfour remarquait déjà que
« l’identité est une construction complexe faite de filiation(s) et de caractères propres
ou acquis », témoignant de la présence très diverse d’éléments constitutifs.
Si le dépassement des limites communales est demeuré longtemps timide, il s’est
affirmé à la fin des années 1990. L’intercommunalité de projet (dans laquelle
nombreux étaient ceux qui voyaient une menace ou une révolution) a, alors, nécessité une communication destinée à favoriser le rapprochement entre les communes
et à emporter l’adhésion des habitants comme des partenaires étatiques et territoriaux. « Précisons qu’il ne peut y avoir de sentiment d’appartenance qu’à un territoire,
écrit toutefois Jean-Baptiste Poinclou, consultant en communication intercommunale. On retrouve ici la distinction connue par les départements et les régions entre
l’institution et le territoire : la communication sur l’institution va permettre d’ancrer
dans les esprits des citoyens les compétences, les élus et les logiques d’action de la structure intercommunale, du conseil général ou du conseil régional. » Lors d’une conférence organisée avec le Forum pour la gestion des villes, Laurent Habib, d’EuroRSCG,
notait que « l’agglomération n’est pas, à la différence de la commune ou de la nation,
un vecteur puissant d’appartenance territoriale ». Cette difficulté à ancrer l’identité
intercommunale constitue incontestablement un des principaux défis auxquels la
communication des EPCI se trouve confrontée.
II - L’ESSOR DE LA COMMUNICATION DES EPCI
Impulsion par la loi – Plusieurs textes importants ont effectivement contribué à
l’essor de la communication intercommunale : la loi du 6 février 1992, dite loi ATR,
affirme que « le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre
volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein
des périmètres de solidarité » et crée les communautés de communes – en 2005,
il en existait 2 343 regroupant plus de 24 millions d’habitants, et il s’en est créé
régulièrement de nouvelles (environ un millier ont moins de cinq ans d’existence).
La loi du 4 février 1995, dite loi Pasqua, crée les pays, espaces non institutionnels
de rencontre, de dialogue et de projets entre urbains, périurbains et ruraux. Enfin,
la loi du 12 juillet 1999, dite loi Chevènement, relative au renforcement et à la
simplification de la coopération, a constitué un accélérateur de la construction
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intercommunale et de la communication correspondante 1). Plusieurs dispositions
de ce dernier texte portent d’ailleurs sur les modalités d’information et la transparence, imposant de facto une politique de communication à ces instances en
devenir. Ainsi, le président de l’EPCI doit-il adresser 2) avant le 30 septembre un
rapport retraçant l’activité de celui-ci aux maires de chaque commune membre.
L’article 40 de la loi Chevènement identifie clairement le président et les délégués
communautaires des communes membres comme les dépositaires de l’obligation
de communication. En outre, il multiplie les occasions de communication : en
septembre, lors de la présentation du rapport d’activités, et deux fois par an, en
direction des membres des conseils municipaux, élus au suffrage universel direct.
Dès lors qu’ils disposent d’une information suffisante et qu’une relation de
confiance s’est nouée avec les élus intercommunaux, les élus municipaux peuvent
ainsi jouer un rôle de médiateurs entre l’intercommunalité et la population : interlocuteurs de proximité, facilement accessibles et informés, ils sont aussi susceptibles de faire remonter l’information ou les problèmes constatés sur le terrain vers
leurs partenaires communautaires.
Notons d’ailleurs que 41 % des EPCI reconnaissaient avoir des supports exclusivement destinés aux élus, qui représentent pour eux une cible de choix. Monique
Fourdin 3), maître de conférences, remarque que « l’information des conseillers
municipaux est un trait spécifique des pratiques de communication intercommunale,
car la sensibilisation des élus à l’intercommunalité est indispensable au bon fonctionnement de sa structure et à sa pérennité ». Et c’est essentiel ! « Aujourd’hui, les
trois quarts des conseillers municipaux sont paumés ! Autrement dit, ils ne sont
même pas capables de renseigner, d’informer les gens de ce qui se trame et se décide
dans la communauté de communes. » Le diagnostic sévère de Pierre Baffert, ancien
président du parc régional de Chartreuse, date un peu, mais tout porte à croire
qu’il reste d’actualité.
Cette obligation légale ne fait pas tout ! D’autres mesures spécifiques (assez proches
de celles prévues pour les communes 4)) prévoient, en effet, la communication aux
1) On notera que la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 comprend plusieurs dispositions relatives aux libertés et responsabilités locales : définition de l’intérêt communautaire,
mutualisation de services, retraits de communes.
2) Lire la partie 4, chapitre 2/1.5 du Mémento de la communication publique, qui revient largement sur
cette obligation juridique et légale. On conseillera aussi, dans La Lettre de l’intercommunalité (avril 2004),
le dossier « Rapports d’activité : documents de communication ou… communication de documents ».
3) Monique Fourdin, « Unité et diversité de la communication publique territoriale », in Éric Maigret (dir.),
Communication et médias, La Documentation française, coll. « Notices de la DF », 2003.
4) L’article L. 5211-1 du Code général des collectivités territoriales spécifie que « les dispositions relatives
au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l’organe délibérant d’un
EPCI ».
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habitants des procès-verbaux des organes délibérants et des budgets, l’affichage des
délibérations, des possibilités de consultation des électeurs des communes membres,
des comités consultatifs ainsi que des mesures démocratiques relatives aux liens
entre communes et EPCI.
Affichage des délibérations :
que font les EPCI ?
En l’absence d’autres supports de communication (et souvent de services ad
hoc), la voie de l’affichage des délibérations constitue souvent la première
forme d’information du citoyen dans nombre d’EPCI. La loi du 6 février 1992,
dite ATR, oblige en effet les collectivités territoriales à assurer la publicité des
décisions notamment par voie d’affichage. La loi du 12 juillet 1999 sur le
renforcement et la simplification de l’intercommunalité prévoit une obligation
formelle de rendre compte. Que font les EPCI en la matière ? Relevé d’expériences sur les listes de discussion.
L’affichage plébiscité car obligatoire ! - Selon une enquête nationale de
l’ADCF publiée en août 2004, 66,5 % des communautés de communes font
confiance à Internet pour communiquer avec les citoyens, 69 %, au journal,
12 % évoquant les journées portes ouvertes ou journées d’information. Autrement dit, l’affichage systématique des délibérations n’apparaît pas, loin s’en
faut, comme un vecteur d’information utilisé comme tel par les EPCI. L’affichage est pourtant plébiscité, ne serait-ce que parce qu’il est obligatoire. Il
est instructif de regarder ce que font plusieurs communautés de communes
qui ont, le plus spontanément, répondu à la sollicitation d’un dircom intercommunal et lui ont indiqué « se contenter d’envoyer les comptes rendus (et non
les délibérations) à chaque commune de l’EPCI, chacune affichant ensuite le
compte rendu ». « Cela vous paraît-il suffisant ? », questionnait-il. Des tableaux
d’affichage propres à l’EPCI existent-ils dans la commune hébergeant la
communauté de communes quand les locaux sont communs ? « Nous affichons directement les comptes rendus dans nos locaux », répond Cyril Valero
(communauté de communes en pays saint-pourcinois). « Par ailleurs, nous les
envoyons à toutes nos communes et nous transmettons également en fin
d’année l’ensemble des procès-verbaux exhaustifs des conseils et bureaux
communautaires à toutes les communes. » « Notre communauté de
communes se trouve dans des appartements de fonction au-dessus d’une
garderie, mais nous avons fait installer des panneaux d’affichage le plus près
possible… Le CGCT demande que les comptes rendus de séance soient affichés dans les huit jours », rappelle Ophélie Goglins, chargée de mission à la
communauté de communes du Pays de Bièvre. « Nous affichons ceux-ci et
les délibérations de chaque conseil communautaire, ce qui monopolise tout le
panneau d’affichage. De plus, nous envoyons à chacun des conseillers communautaires le compte rendu complet, dans les quinze jours. » Et de conclure :
« Tant que le sujet de la délibération est explicite dans le compte rendu affiché,
il ne doit pas y avoir de problème, l’affichage de ce compte rendu dans les
mairies peut être suffisant. » Selon elle, il est intéressant de disposer d’un
panneau d’affichage spécifique à l’EPCI, près de ceux de la mairie, pour valoriser tout ce qui est propre à la structure intercommunale : les convocations,
les comptes rendus, les informations diverses…
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Affichage des délibérations :
que font les EPCI ? (suite)
L’envoi, c’est du papier… - « Nous affichons le compte rendu au siège (la
mairie de la commune la plus peuplée) et l’envoyons à chaque commune. Nous
envoyons le procès-verbal à chaque conseiller communautaire et à chaque
commune. Ce procès-verbal est soumis à l’approbation du conseil suivant. Le
compte rendu est également publié sur notre site Internet. Nous publions un
recueil des actes administratifs transmis à chaque commune et consultable
dans nos locaux. Enfin, et c’est peut-être une originalité, nous envoyons une
“lettre” à chaque conseiller municipal, lettre qui reprend l’ensemble des décisions prises par le bureau et/ou le conseil communautaire », précise Alain
Chevigny, de la communauté de communes de l’Autunois. « Avec 57 conseillers
communautaires et au total 268 conseillers municipaux (pour 19 communes),
le volume de papier est important… nous envisageons donc de transmettre
notre “lettre” uniquement par e-mail aux conseillers municipaux qui le
souhaiteraient. »
« Le compte rendu du conseil communautaire est adressé aux conseillers
municipaux avec la convocation de réunion du conseil suivant ou bien lors
d’envoi d’autres documents. Il est lu et approuvé en réunion. L’extrait du
procès-verbal est affiché sur le panneau extérieur de la mairie et mis à disposition du public dans le hall de la mairie. Un extrait est également publié dans
notre bulletin municipal hebdomadaire », souligne un collègue d’une commune
de 4 500 habitants. Plusieurs autres avouent enfin ne pas priser l’envoi, les
comptes rendus étant consultables sur place.
Dualité de cibles - Une des spécificités de la communication intercommunale,
c’est la dualité de ses cibles. Car, si l’enjeu d’informer le citoyen reste évidemment de mise, la nécessité d’associer les élus communautaires et municipaux
ne l’est pas moins. En l’espèce, la question de l’affichage des délibérations
(distinct de celles des communes membres) renvoie à l’information du citoyen,
là où les modalités d’envoi des comptes rendus et autres procès-verbaux tiennent de la (nécessaire) communication interne, en direction de ceux qui sont
d’abord des relais auprès des citoyens.
Timide essor – Cet arsenal juridique et légal ne tient évidemment pas lieu de politique de communication. Il donne toutefois un cadre minimal utile, notamment
concernant les rapports d’activité, qui constituent désormais un exercice récurrent
auquel les EPCI sacrifient avec plus ou moins d’ardeur. On va ainsi d’un simple
dossier reprographié destiné aux élus à un document en quadrichromie distribué
à l’ensemble des partenaires économiques et institutionnels du territoire. Cet essor
de la communication intercommunale s’est également concrétisé dans la vie quotidienne des habitants, avec les communications sur le tri sélectif (sans aucun doute
la plus emblématique) ou les transports.
Certes, de sérieux bémols peuvent être apportés concernant la légitimité de cette
communication : « Démocratie de second niveau, faiblement identifiée par le citoyen,
la communauté se voit enfermée dans cette communication sur la réussite des réalisations intercommunales qui doit justifier l’existence même de l’intercommunalité »,
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écrivent Dominique Mégard et Bernard Deljarrie 1), qui tempèrent néanmoins leur
propos en notant que cette situation est loin d’être figée alors que se renforce
l’enjeu politique des groupements. De nombreux élus ne s’y sont pas trompés et
ont d’ailleurs abandonné leur mairie pour conserver ou prendre la tête de
l’intercommunalité : Pierre Mauroy (Lille), Patrick Braouezec (Saint-Denis) ou
Georges Frêche (Montpellier). C’est que l’intercommunalité pèse aujourd’hui lourd,
économiquement et politiquement.
L’histoire de la communication intercommunale est jeune. Dans son ouvrage de
référence sur la communication des villes en 1988 2), Dominique Porté n’évoquait
d’ailleurs pas encore la coopération intercommunale même si la notion d’un environnement déjà concurrentiel apparaissait clairement sur fond de bataille pour
attirer les entreprises, de décentralisation et de percée des nouvelles technologies.
En 2001, moins de la moitié des EPCI (45 %) avaient structuré un service communication, ce qui témoigne de leur caractère très récent.
Des situations contrastées – La communication intercommunale, plus encore
que celle des villes, est marquée par des différences importantes de moyens
humains et financiers. Si communautés urbaines et d’agglomérations disposent
déjà bien souvent de services importants dotés de moyens non négligeables, les
« petites » communautés de communes (dont les populations vont de 1 000 à…
150 000 habitants) doivent pour leur part s’appuyer sur des services administratifs
traditionnels pour communiquer ou sur un seul agent polyvalent. Mais elles
éprouvent, autant que les autres, le besoin d’être connues et reconnues. Pour les
dix ans des communautés de communes, l’ADCF notait que les statistiques liées
aux supports de communication illustraient « la volonté de plus en plus affirmée
de tisser des liens avec les élus municipaux, d’une part, et la population, d’autre part.
Cette évolution témoigne aussi de l’émergence d’un nouveau niveau d’administration
local qui éprouve le besoin d’être connu et reconnu par la population 3). »
Dans les structures comme les agglomérations ou communautés urbaines, des
outils permettant d’associer les citoyens existent, à l’image des « jeudis de
l’agglomération » à Grenoble, qui permettent de débattre avec les citoyens de
problématiques intercommunales (logement, circulation…). Citons aussi « L’avenir
de l’agglomération, parlons-en ! » (Grand Nancy), « 2015, Angers agglomération »
(Angers Loire Métropole) ou « CAP pour 2015 » (communauté d’agglomération
périgourdine). « Les habitants de l’agglomération sont des acteurs essentiels pour
1) La Communication des collectivités locales, LGDJ, 2003.
2) La Communication des villes, des maires et des images, Ecomédia.
3) Bruno Cohen-Bacrie, « Communication des petits EPCI : l’imagination au pouvoir ? », La Lettre de
l’intercommunalité, novembre 2004.
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l’avenir de notre territoire. La démocratie locale implique que le citoyen soit informé
et désormais acteur des décisions qui le concernent », est-il rappelé sur le site
Internet de l’agglomération orléanaise 1). « Dans un contexte de décentralisation où
le citoyen est appelé à jouer un nouveau rôle auprès des collectivités, l’agglomération
s’engage volontairement en faveur d’un espace démocratique plus participatif. »
« Les conseils de développement constituent une grande avancée dans l’expression
de la société civile. Jouissant d’une “indépendance complète” vis-à-vis des élus locaux
et affichant une structuration guère trop contraignante, ils deviennent les nouveaux
fondements de la démocratie participative. Pourtant, leur efficacité repose sur une
double reconnaissance. D’une part, les conseils de développement doivent être mieux
associés aux élus, non pas en tant que chambres d’enregistrement mais comme forces
de propositions […]. D’autre part, il est nécessaire qu’ils se fédèrent en mouvement
national, afin de suppléer par le haut les carences encore perceptibles à la base,
engluée dans une certaine passivité citoyenne », analyse Jean-Michel Hoerner,
président-animateur du conseil de développement en Roussillon (Pyrénées-Orientales) et conseiller du CES Languedoc-Roussillon 2).
Une visibilité encore insuffisante – Sans prétendre à un jugement de valeur –
lequel méconnaîtrait les spécificités et les histoires locales –, force est de constater
que la (jeune) communication intercommunale manque de visibilité et de lisibilité.
Une étude récente, réalisée par l’Observatoire de Territoires publics, a cherché à
comprendre les mécanismes d’identification de ces « nouveaux territoires » : elle
révèle une claire absence d’ancrage qui se traduit par une mauvaise connaissance
du territoire, de l’institution (même de la part de ceux qui résident de longue date
dans la commune), et une information globalement insuffisante, accompagnée
d’une attente de contenus sur certaines questions concrètes comme l’environnement ou le cadre de vie 3). « Davantage de contenu, plus de cohérence dans les différents supports, de la pédagogie, une réelle périodicité et des lieux de diffusion plus
adaptés semblent être les premières pistes à suivre pour combler le décalage qui
semble s’être créé entre les nouveaux territoires et leurs habitants », conclut l’auteur
de l’étude. Il est vrai que le citoyen doit aujourd’hui s’armer de beaucoup de ténacité pour essayer de savoir qui fait quoi, quelles sont les compétences de telle ou
telle collectivité.
1) http://www.agglo-orleans.fr (rubrique « Participer »).
2) Gérard Claisse, vice-président du Grand Lyon, chargé de la participation citoyenne (un symbole), note
ainsi que « le danger est que les conseils s’enferment sur leur quartier, développant une démocratie de
clocher, de trottoir » (La Lettre des conseils de quartier, Saint-Priest, juin 2005).
3) Frédéric Duval, consultant (cabinet Territoires publics), propose un résumé de cette étude dans les
Fiches pratiques Politique et communication n˚ 68, avril 2005.
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Une intercommunalité mieux identifiée mais aux compétences floues – Dans
le cadre de sa convention annuelle, qui s’est tenue en octobre 2005, l’ADCF a
publié concernant les Français et l’intercommunalité un sondage très intéressant
qui témoigne d’une meilleure perception des EPCI mais également d’une méconnaissance de leurs compétences. Ainsi, 63 % des Français disent connaître l’existence des communautés (de communes, d’agglomération ou urbaines), c’est-à-dire
près des deux tiers, avec des variables importantes selon le sexe, l’âge des sondés
ou la catégorie d’EPCI. Les structures intercommunales sont logiquement mieux
identifiées lorsqu’elles ont été créées il y a vingt-cinq ans ou plus. 81 % des Français déclarent que leur commune appartient à une structure intercommunale,
même si 57 % des habitants des communes hors EPCI pensent à tort être
concernés, signe d’une certaine confusion. Mais le fait d’habiter une commune
rattachée à une intercommunalité entraîne une certaine connaissance de celle-ci,
ce qui est intéressant. 57 % des Français ignorent le nom de celui ou de celle qui
préside l’EPCI, identité mieux connue dans les communautés de communes rurales
(parfois assises sur le territoire du canton).
Autre enseignement intéressant, les jugements portés par les Français sur le
mouvement intercommunal se révèlent largement positifs : ils sont 88 % à considérer que l’intercommunalité permet de réaliser des investissements difficiles à
prendre en charge par une seule commune, ou 87 % à estimer que c’est un moyen
de s’occuper des problèmes qui se posent à une échelle plus vaste que la
commune (circulation, logement ou développement économique).
La commune demeure bien sûr l’échelon administratif le plus connu des Français :
62 % déclarent connaître suffisamment le rôle et l’action de leur commune. La
structure intercommunale se classe en deuxième position : 38 % disent la connaître
contre 31 % pour le département et 26 % pour la région, une hiérarchie logique
indexée sur le niveau de proximité. En matière d’équipement public, une majorité
de Français (53 %) se déclarent en faveur d’un équipement intercommunal mieux
adapté même s’il est localisé sur une autre commune plutôt que pour un petit
équipement communal de proximité (46 %). Enfin, on notera qu’aucun consensus
fort ne se dégage sur les modalités de désignation des représentants au sein des
EPCI.
En conclusion, les auteurs de l’étude notent que le développement de l’intercommunalité est désormais connu de la part des Français et que ses effets bénéfiques
rejaillissent sur les communes. « Nous apportons de bonnes nouvelles à l’usager
mais nous nous devons de mieux le faire savoir. Nous avons parlé de révolution
silencieuse de l’intercommunalité, il convient aujourd’hui de la placer au grand
jour », résumait Marc Censi en ouverture de cette convention. Comment mieux dire
la nécessité de co-mmu-ni-quer !
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III - CONCURRENCE OU COMPLÉMENTARITÉ
Une presse territoriale pléthorique – Un citoyen de Clermont-Ferrand (Puyde-Dôme) reçoit tous les mois, dans sa boîte aux lettres, 42 kilogrammes de
papier ! Et, dans toutes les villes de France et de Navarre, ce même phénomène
s’observe. Les collectivités territoriales ne sont, dans ce domaine, pas en reste. Un
même citoyen peut aujourd’hui disposer d’une revue municipale (classique), départementale (fréquent), régionale (parfois) et intercommunale (fréquent aussi). Si les
rythmes et la qualité de ces publications varient d’un territoire à l’autre, celles-ci
n’en constituent pas moins une indication du poids pris par la presse territoriale
et, plus largement, par la communication locale.
Avec plus de 5 000 journalistes, photographes et pigistes, 133 millions d’exemplaires
de journaux municipaux chaque année (dans les seules communes de plus de 5 000
habitants), point n’est besoin de longs discours pour décrire la situation. Il n’en faut
évidemment pas plus pour que cette débauche de publications suscite des
interrogations : sont-elles lues ? Contribuent-elles vraiment à la clarté des débats ?
Vers une mise en commun de la communication ? – Selon le consultant JeanLouis Laure 1), la solution pertinente pour dépasser l’interrogation réside dans la
« co-communication » :
« Le fait de parler d’une même voix, de porter vers l’extérieur la même signature
du territoire, en travaillant réunis : ville-centre, département, région, communauté
d’agglomération, offices de tourisme, chambres de commerce et d’industrie, partenaires économiques privés également. À plusieurs, on réalise à la fois des économies
de moyens et de contenu et, deuxième élément important, on porte vers l’extérieur
un message commun, au lieu de brouiller les ondes en envoyant plusieurs messages différents vers sa cible. Un collège doit ainsi se former et choisir en son sein
un pilote qui jouera le rôle de leader de cette “co-communication”. »
Un enjeu de clarification souhaitable à l’évidence, mais qui se heurte souvent à des
positionnements politiques, territoriaux ou institutionnels. D’autres vont plus loin et
préconisent un regroupement des supports, voire des services (lire le chapitre 4).
Dominique Mégard, déléguée générale de Cap’Com, précise à juste raison : « Chaque
collectivité a sa légitimité et son histoire. Il est normal que chaque institution ait la
volonté d’informer parce que la communication publique est un service public. C’est
donc tout à fait légitime que chaque institution ait son propre support 2). »
1) La Gazette des communes n˚ 1769, 13 décembre 2004.
2) Entretien avec Sophie Léonforte, auteur d’un mémoire sur « La coexistence des journaux territoriaux :
entre concurrence et complémentarité », université Mendès-France, 2003-2004.
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PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE
Comme le conclut le sociologue Rémy Le Saout 1), « les maires qui veulent informer
précisément la population courent le risque de passer pour des “techno” et de perdre
de la “proximité”, donnée primordiale du travail politique d’aujourd’hui. Ils peuvent
craindre aussi de brouiller la vision traditionnelle et dominante du maire, considéré
comme le seul détenteur du pouvoir sur son seul territoire ». Autrement dit, la
communication intercommunale, ce n’est pas encore gagné 2) !
L’intercommunalité façon jeunesse
L’Association des communautés de France et les éditions Autrement se
sont associées pour expliquer l’intercommunalité aux enfants. Un véritable
défi pédagogique qui prend forme au travers d’un ouvrage vivant et illustré :
Communes ensembles, villes entre elles. Les auteurs expliquent notamment
comment et sur quoi les communes travaillent en commun et comment
tout cela a pu évoluer dans le temps. Au-delà des élèves, citoyens de
demain, et à une époque où se multiplient les attaques portées contre
l’intercommunalité (plusieurs rapports sévères…), on se dit que cet ouvrage
ferait beaucoup plus pour le citoyen que bien des longs discours…
Communes ensembles, villes entre elles, 64 pages, 10 euros, personnalisable auprès des éditions Autrement.
1) « Le gouvernement veut freiner les dérives de l’intercommunalité », Le Monde, 8 octobre 2005.
2) Christian Le Bart, sociologue et auteur de nombreux travaux sur les maires, note ainsi : « Sur l’intercommunalité, les maires occupent le terrain par crainte de l’émergence de figures concurrentes, ce qui les
conduit à un cumul des responsabilités. Les enjeux intercommunaux ne constituent pas une redistribution
des cartes mais un alourdissement avec peu de partage. On voit les maires urbains se servir de l’intercommunalité pour élargir leur fief, ceux des petites communes, pour échapper au déclin, pour passer des alliances entre territoires. Ils confisquent le terrain sur ce dossier. »
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PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE
Marc Censi, président de l’Assemblée des communautés
de France (ADCF) et du Grand Rodez : « Le souci d’informer
les citoyens se fait aujourd’hui de plus en plus présent »
Né le 24 janvier 1936 à Rodez, Marc Censi est le fondateur et président de l’Assemblée des communautés de France (depuis 1989), président de la communauté
d’agglomération du Grand Rodez et maire de Rodez (depuis 1983). En 1988, il est
devenu président de la région Midi-Pyrénées, présidence qu’il exercera pendant dix
ans.
Le fait intercommunal semble désormais acquis. Quel bilan général tirezvous, si tant est que l’hétérogénéité des pratiques le permette, à propos
de la communication des communautés ? Avez-vous le sentiment que
celles-ci jouent la carte de véritables politiques de communication ?
Au cours de la dernière décennie, l’essor des communautés a considérablement
modifié le fonctionnement du système politique et administratif local. De fait,
l’acquisition de nouvelles compétences dans les domaines les plus variés comme
le réflexe de « fléchage » des communautés par de nombreux textes législatifs
ont tout à la fois largement renforcé le pouvoir intrinsèque des communautés
et de leurs représentants et considérablement modifié les relations de l’intercommunalité à la commune, au département, à la région. On a souvent évoqué le
terme de « révolution silencieuse » ; l’expression est légitime.
Nos concitoyens, malgré les efforts de pédagogie déployés sur le terrain, n’ont
pas encore pris pleinement conscience de ces mutations, ce qui rend plus que
nécessaire la mise en œuvre de politiques très volontaires de communication.
Les communautés s’y emploient, mais leur notoriété dépend tout autant de leur
ancienneté et du type de compétences exercées que des moyens qui y sont affectés. En tout état de cause, en l’absence d’onction des conseillers communautaires
par le suffrage universel direct, les communautés communiquent autrement :
moins sur les hommes, plus sur les réalisations.
« Chaque micro-territoire est désormais appelé à mettre en valeur ses
atouts, à gommer ses handicaps afin de devenir “compétitif et attractif”.
Régions, départements, villes, tous sont accueillants, authentiques, surdoués, carrefours de l’Europe », disiez-vous lors de l’inauguration de la
convention d’Amiens en 2004. Ne craignez-vous pas que s’accroisse un
phénomène de concurrence entre les territoires, accentué par des politiques de communication agressives (phénomène connu par le passé) ?
Ne risque-t-on pas de connaître des phénomènes de communication à
Annexe 1
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Annexe 1
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Un historique de la communication intercommunale
deux vitesses (petites communautés de communes et agglomérations, par
exemple) ?
Le contexte est concurrentiel : c’est un fait. Ce qui peut apparaître comme une
rivalité entre territoires, d’une part, et niveaux territoriaux, d’autre part, naît de la
volonté légitime des institutions qui les animent d’affirmer leur identité les unes
par rapport aux autres. C’est notamment le cas des communautés qui émergent
sur la scène politique locale. Mais comment le leur reprocher ? Car les enjeux
sont de taille !
D’un côté, vous devez attirer et retenir investisseurs, populations et éventuellement
touristes sur le territoire communautaire ; de l’autre, il est normal de rechercher
l’identification de l’institution dans un paysage où le partage des compétences
entre collectivités territoriales est souvent particulièrement opaque. Encore faut-il
reconnaître aux élus un effort fréquent de coordination entre communications
communale et communautaire.
Dans cette quête de visibilité, de nombreuses intercommunalités se sont dotées
de services communication chargés de valoriser leur différenciation territoriale
pour renforcer leur attractivité, mais surtout pour informer au mieux les citoyens
des services et réalisations que leur apporte la communauté au quotidien. Quelques agglomérations sont réputées pour la qualité remarquée de leur communication. C’est assurément une question de taille et de moyens. Mais ce ne peut
être l’unique étalon. Dans de nombreuses communautés de communes, le
facteur « proximité » compense largement des ressources comptées. À l’image
de l’intercommunalité, c’est un peu chacun selon son ambition, ses priorités,
son ingéniosité.
Les Français connaissent-ils bien ou mieux leurs communautés
aujourd’hui ? Avez-vous le sentiment que celles-ci sont perçues comme
« lisibles » de la part des citoyens ?
Les communautés sortent, peu à peu, de l’anonymat. Pendant longtemps, l’intercommunalité est demeurée l’affaire des seuls élus. Or je constate avec bonheur
que le souci d’informer les citoyens se fait aujourd’hui de plus en plus présent.
Nombre de communautés ont su profiter de l’élaboration de leur projet de territoire pour initier de véritables « états généraux » d’agglomération ou de pays, visant
à associer l’ensemble de la population au processus intercommunal, à l’interpeller,
à l’amener à se percevoir comme sujet de la politique communautaire. Cette forme
de communication, spécifiquement intercommunale, me semble d’autant plus
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PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE
importante qu’elle s’inscrit, à mon sens, dans un mouvement de fond de recherche
d’un équilibre entre démocratie élective et participative : vous ne pouvez plus être
élu puis donner rendez-vous aux citoyens dans six ans. Du fait qu’elle se situe au
second degré, l’intercommunalité me paraît plus inventive, plus à l’écoute, plus
mûre sur ce point. Mais, au-delà de ce satisfecit, beaucoup de voies restent à
explorer pour améliorer la notoriété des communautés.
Le Grand Rodez, dont vous êtes le président, vient de fêter ses 40 ans avec
un grand nombre d’initiatives fortes. Attachez-vous à titre personnel une
importance forte à la communication ?
L’exercice moderne d’une responsabilité politique implique d’assurer un va-etvient constant d’informations entre dirigeants et citoyens ; c’est ma conviction.
Cet échange devient primordial dans un contexte intercommunal où le lien social
et politique est le plus souvent à construire, où il faut aussi assurer la légitimité
de l’institution et persuader les citoyens de la valeur ajoutée de la communauté.
De façon générale, l’appétence pour la vie publique ne se situe pas toujours au
niveau où l’on souhaiterait la voir. Notre responsabilité est alors justement de
faire en sorte que l’information soit toujours disponible et facilement accessible.
Annexe 1
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PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE
Stéphanie Drapkin,
responsable de la communication du pays d’Ancenis :
« La communication doit trouver un bon compromis »
Stéphanie Drapkin, 31 ans, titulaire d’un DESS de sciences politiques à la Sorbonne, est depuis février 2004 responsable de la communication de la communauté de communes du pays d’Ancenis (Loire-Atlantique), après plusieurs
expériences municipales.
Pouvez-vous nous présenter sommairement la communauté de communes du pays d’Ancenis (COMPA) ?
Elle compte 29 communes, 5 cantons, 50 218 habitants, à mi-chemin entre
Nantes et Angers. Les frontières du « pays » (un des premiers reconnus, en
1996) et de la communauté de communes sont les mêmes. L’intercommunalité
a débuté en 1977. Les compétences sont le développement économique (et le
tourisme), l’aménagement du territoire, l’habitat et le logement, l’incendie et le
secours, l’environnement et l’agriculture, l’insertion et la formation. Nous comptons
sur le territoire près de 22 500 actifs et 18 500 emplois (pôle industriel important
notamment à Ancenis, avec Manitou – leader mondial des chariots élévateurs –,
Toyota Industrial Equipment et la présence d’une grande coopérative agricole,
Terrena, anciennement Cana, connue par des marques comme Paysan breton).
Le territoire est donc aussi rural. La plupart des communes sont en plein essor.
Quelles sont, selon vous, les principales caractéristiques de la communication intercommunale ?
Les domaines d’intervention propres aux EPCI, d’abord : il s’agit de communiquer sur des compétences telles que le développement économique, l’aménagement du territoire, l’habitat, l’environnement, que les communes abordent peu.
Les cibles, ensuite. Priorité aux relais d’opinion, élus communautaires mais aussi
et surtout tous les conseillers municipaux du territoire. Cette cible est importante
pour que l’information soit bien véhiculée et que l’image de la structure en bénéficie. Côté externe, les cibles sont les forces vives (chefs d’entreprise, partenaires
institutionnels, économiques, associations...). Les habitants, contrairement aux
communes, constituent dans la plupart des cas une cible plus secondaire.
Le territoire, enfin, sous-entendu sa taille et les spécificités de chaque commune.
Les préoccupations et les enjeux ne sont pas les mêmes dans la ville-centre et
dans la petite commune rurale, à la frontière d’un autre territoire.
Annexe 2
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Annexe 2
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Un historique de la communication intercommunale
La communication doit trouver un bon compromis. Les messages forts tels que
« l’union fait la force », « mutualisation des ressources », « solidarité et développement homogène » sont primordiaux (et il faut y croire !)...
Quelles sont, selon vous, les principales difficultés rencontrées dans les
« petits » EPCI ?
Pour contourner les difficultés (manque de personnel, surtout pour la COMPA),
je crois beaucoup en la volonté politique. Avec une réelle volonté de construire
et de faire ensemble de la part des élus (tout du moins des plus influents), la
communication intercommunale est facilitée.
Pour autant, il faut « produire » et être présent sur « tous les tableaux ». L’optimisation des outils et l’utilisation des relais sont essentielles. Par exemple, éditer
un rapport d’activités suffisamment attractif pour le diffuser largement y compris
au grand public, être présent sur le territoire via les événementiels, organiser des
manifestations en s’appuyant sur les associations, les partenaires économiques,
la presse (par exemple, nous organisons une randonnée dans chaque canton à
la découverte du territoire. La manifestation compte le soutien de Ouest-France.
Résultat : 6 000 personnes lors du dernier rendez-vous !).
Par ailleurs, nous éditons, à destination de conseillers municipaux, une lettre
d’information baptisée « Un œil sur la COMPA ». Le document, entièrement fait
maison, est ensuite envoyé par courrier. Le coût est faible et le retour, plus que
positif. Les NTIC permettent d’échanger plus facilement. Ainsi, j’envoie régulièrement aux communes des communiqués qu’elles peuvent reprendre dans les
bulletins. En retour, notre site Internet (actuellement en refonte) propose aux
communes de mieux se faire connaître.
Du côté des relations avec la presse, trois journaux (deux quotidiens et un hebdomadaire) relayent notre actualité. En résumé, les maîtres mots sont polyvalence et disponibilité. Deux qualités que l’on retrouve dans bon nombre de
services « com » d’autres collectivités. La différence ? Les EPCI (les plus petits
encore plus !) doivent encore et toujours expliquer qui ils sont et ce qu’ils font
avant d’entamer toute action.
Comment résumeriez-vous les principaux enjeux de la communication
intercommunale ?
En apparence, les enjeux des EPCI et des communes semblent identiques, notamment celui qui consiste à créer une identité de territoire en interne et en externe.
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PRATIQUE(S) DE LA COMMUNICATION INTERCOMMUNALE
Mais de là naît la difficulté : celle de créer une image sans pour autant gommer
les spécificités de chaque commune. Je crois que l’enjeu principal de la communication intercommunale est de fédérer les élus, de faire que, lorsqu’ils entrent
dans la salle du conseil communautaire, ils y pénètrent en tant qu’élus communautaires et non pas en tant que maires ou conseillers de telle commune. La
volonté politique est, me semble-t-il, un élément fondamental de l’intercommunalité, encore plus que dans les communes. Les élus doivent croire au territoire
et aux projets pour ensuite mieux en parler et, le cas échéant, les défendre.
Quels modes de relation avez-vous mis en place avec les communes ?
À mon arrivée, pour mieux connaître les communes et les élus, j’ai rencontré
quasiment tous les maires et/ou les personnes en charge de la « com » (quand
il y en avait). Puis, après avoir recensé mes interlocuteurs, j’ai établi un fichier
pour les envois d’informations et de communiqués (par courrier postal ou électronique, par fax...). Pour les échanges, j’assiste également à chaque bureau (réunion des vice-présidents), aux conseils communautaires et, le cas échéant, à
certaines commissions, évoquées précédemment.
Annexe 2
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