les parques - Les éditions Artalys
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les parques - Les éditions Artalys
1 Fauchoix Jean-Pierre LES PARQUES 1... Elisabeth La forêt était fantastique en cette fin d’après-midi de ce début novembre. Le soleil avivait toutes les teintes chaudes qui s’étalaient du pourpre au jaune d’or. Aucun feuillage n’était semblable aux autres, et même sur un arbre, on trouvait une palette complète de tons fauves tandis que le sol se couvrait de paillettes d’or. L’automne était bien présent avec ses teintes si particulières, ses senteurs humides propres aux sous-bois... Elle faisait la route deux fois par jour pour gagner son travail. Elle était enveloppée par les brumes matinales bleutées qui flottaient au dessus de la route qui traversait la forêt, semblables à des elfes dont les longues chevelures s’accrochaient aux branches des arbres qui se dénudaient inexorablement, et qui s’écartaient avec volupté du capot de la petite Renault cinq blanc cassé. Parfois un faisan jaillissait du couvert et s’y replongeait vivement, ses couleurs se noyant dans le milieu ambiant. Ce matin, deux biches avaient traversé la route sinueuse devant elle. Ce vendredi, elle avait quitté l’usine de dentelles, située rue des Quatre Coins à Calais en début d’après-midi. Depuis juin, on avait réduit les horaires car les carnets de commande étaient bas. On dépendait des marchés américains et japonais et comme la Haute couture se vendait mal... Quand elle arriva en vue de la forêt de Licques où elle avait croisé, si on peut dire, les biches, elle eut envie de s’arrêter prés du sentier d’où elles avaient jailli, puis de marcher un peu sur cette allée forestière qui s’enfonçait dans le sous bois doré. Elle mit son clignotant, ralentit et s’arrêta sur les gravillons qui délimitaient un parking presque entièrement couvert de feuilles aux teintes automnales. Elle descendit alors qu’un tracteur passait sur la route tirant une remorque remplie de ballots de paille. Elle avait rarement vu un spectacle aussi joli, féerique. La forêt semblait vouloir jeter ses derniers feux avant de s’endormir et changer de parure. Elle voulait apprécier au plus prés, ces instants de sa vie, cette existence à laquelle Luc 2 avait donné un sens. Elle n’aurait jamais pu imaginer un tel amour tant sa vie était grise, monotone, insipide. Elle ne cherchait plus pour trouver « une âme sœur ». La rencontre avait été fortuite, curieuse, inattendue pour elle qui a trente et cinq ans se voyait déjà finir “vieille fille’’. Isabelle, sa meilleure amie avait décidé de se marier le dernier samedi du mois de juin dans le village où elle était née, et où sa famille habitait, loin de ce Nord qu’elle avait su apprivoiser. Son futur mari travaillait sur Rouen à la Mairie et après le mariage, Isabelle, qui était institutrice de maternelle, avait demandé et obtenu sa mutation pour la ville célèbre pour sa Pucelle. Elle viendrait prendre possession de l’appartement de son mari qui donnait sur la Seine. Heureusement qu’il y avait Luc maintenant sinon, elle aurait été seule comme abandonnée par son amie. Le mariage devait se dérouler à Yquelon, prés de Granville, en Normandie. Elle tenait absolument à ce que Elisabeth soit son témoin. Son insistance avait payé puisque Elisabeth avait finalement accepté. Sur le moment, elle n’avait pas été enthousiasmée et pourtant elle n’avait pas d’excuse valable à faire valoir pour refuser. Elle ne sortait pour ainsi dire jamais, sa vie était la banalité même comme une grisaille sans fin... C’était la première fois qu’elle partait aussi loin et seule au volant de sa petite Renault qu’elle s’était achetée en mars 1973. Cela faisait plus de deux ans. C’était une bonne occasion ne cessait de répéter son père. L’espoir n’avait pas tout à fait disparu de trouver un mari et ce mariage auquel elle allait se rendre avait ranimé la petite flamme qui se mourrait au fond de sa poitrine de “jeune fille” pas vierge. Son premier amour si on peut dire s’était mal terminée. Sa première aventure serait le terme exact. En fait, elle était la seule. Elle avait tout juste dix sept ans et allait passer sa première partie du baccalauréat dans ce lycée Sophie Berthelot de Calais qu‘elle fréquentait depuis toujours. Emmanuelle, sa meilleure amie d’alors se trouvait en Sciences expérimentales au lycée de garçons République. Cette section n’existait pas au lycée Berthelot dont l’entrée principale se trouvait sur le boulevard Gambetta d’où sa « mutation » au lycée de garçons en centre ville. Une boum était organisée par un camarade de classe d’Emmanuelle. Celui-ci demeurait chez ses parents naturellement dans un duplex dont l’entrée donnait face à la place d’Armes. Les parents étaient absents comme il se doit, mais avaient donné leur accord... Elisabeth 3 allait l’accompagner. Emmanuelle lui avait parlé de Frédéric qui redoublait sa terminale avec elle. Il y avait sept filles et onze mecs dans la classe enchâssée entre le bureau du Principal et le logement de fonction du concierge. Une classe de raccroc, tout en longueur qu’on atteignait en passant sous l’énorme escalier de bois vermoulu qui menait au premier étage. Elle ne pouvait contenir que trois élèves de plus sur deux rangs qui plus est ! Il était beau garçon, beau parleur, très bon danseur mais plus intéressé par son tableau de chasse qu‘à ses études. Son look à la James Dean faisait que toutes les filles se pâmaient devant lui. Il n’avait aucun effort à fournir... Elle savait pourtant mais comme les autres filles son cœur s’emballa quand il l’invita à danser un slow de Paul Anka. La lumière était désormais tamisée et nombreux étaient les couples qui flirtaient. Les mains étaient baladeuses... Elle avait ingurgité quelques sodas mélangés à de l’alcool sans aucun doute. Elle accepta son baiser et la langue humide de Frédéric caressait la sienne tandis que ses mains la pressait contre son corps sans plus... Il lui susurrait des compliments sur son visage, ses yeux, ses lèvres, tout en essayant de passer une main entre les panneaux de sa jupe. en tissu écossais... Elle ne se rendit pas vraiment compte qu’il l’avait entraînée dans un coin particulièrement sombre de la pièce et que des doigts avaient réussi à se glisser sur le coté de sa fine culotte en coton brodé qu’il écartait. Son corps s’était cambré, s’était collé à son partenaire, comme aimanté... Instinctivement elle avait levé légèrement sa jambe droite. Quelque chose de dur guidé par une main déjà experte, s’introduisit en elle sans difficulté... Un va et vient lent commença semblant suivre le tempo de la douce musique. Elle était comme tétanisée, ne comprenant pas vraiment ce qui se passait. Elle ne pouvait plus suivre la langue du garçon qui ne bougeait pourtant pas beaucoup. La « chose » frémit en elle et un liquide chaud l’inonda... Frédéric retrouva sa respiration et s’écarta de la « fille » très satisfait de ce qu’il venait de faire... Une de plus à son tableau de chasse... Vraiment facile d’autant que c’était la première fois de cette manière. Le slow se termina et... ce fut tout. Frédéric alla se verser un verre et plaisanta avec ses copains. Emmanuelle vit son amie complètement désemparée et comprit la situation. Elle l’emmena dans la salle de bains... Ce fut une expérience détestable, si on peut appeler « ça » une 4 expérience. Le « chevalier » sur son blanc destrier était un triste Sire. Elle était encore fleur bleue et n’avait pas du tout apprécié le côté physique. Elle avait la sensation qu‘on lui avait volée « quelque chose » et puis le liquide qui s‘était répandu dans sa culotte était gluant, collant... Elle ne recommencerait pas de sitôt... Mais d’un autre côté, elle ne voulait pas vieillir vieille fille quand bien même sa mère lui disait qu’il valait mieux être seule plutôt que mal accompagnée. Si c’était ça l’Amour... Isabelle pensait aussi la même chose que sa mère mais ajoutait qu’elle était encore jeune, désirable et qu’elle rencontrerait son Prince Charmant. Elle avait subi une malheureuse première expérience... Cela arrive plus souvent qu’on ne pense ! « Faire l’amour est très agréable. Tu verras. Tu aimeras aussi. Ce sera formidable ! Ne faut-il pas tâter plusieurs melons avant de trouver le bon. » disait Emmanuelle qui cherchait à remonter le moral, bien bas, de son amie. Elle se souvenait, mais maintenant elle ne devait penser qu’à ce mariage en Normandie. Elle avait fait des emplettes, en compagnie de sa mère : deux belles robes avec un décolleté qui rehaussaient ses yeux marrons et sa longue chevelure auburn, des chaussures mi-talons aiguille, un sac à main, un chapeau léger, des gants en dentelle de Calais, le tout assorti... Et même un soutien gorge qui mettrait en valeur une poitrine encore en devenir ainsi que la culotte taille basse en dentelle noire. Elle n’avait pas oublié ses pilules pour son cœur. Elle prit la route avec un itinéraire fait par son père et des cartes routières pour le cas où ... et des sandwich au pâté avec des cornichons. C’est qu’il fallait éviter les frais inutiles ! Venant d’Avranches, elle aperçut la direction d’Yquelon à quelques kilomètres de Granville. Elle demanda son chemin une seule fois : la grand mère d’Isabelle était bien connue. Dés que la Renault pénétra dans la cour d’une ancienne ferme, la porte d’entrée s’ouvrit et Isabelle sortit et vint à sa rencontre les bras tendus un large sourire aux lèvres. - Tu as bien roulé, lui dit-elle en l’embrassant. J’avoue que je ne t’attendais pas sitôt. - J’ai bien suivi l’itinéraire de mon père et je ne me suis pas trompée. Je craignais Rouen mais j’ai traversé la ville facile. 5 - Tu as mangé en route ? - Je me suis arrêtée une bonne demi-heure sur un parking dans une zone commerciale et j’en ai profité pour prendre de l’essence. - Viens, suis moi. Je vais te présenter à ma grand mère. - Je prends ma valise ? - Non, plus tard. Tu dois avoir soif. - Oui, par ce temps, je suis déshydratée. Je ne supporte pas très bien cette chaleur. - Tout le monde souffre. Nous comme les bêtes. Et je ne parle pas des vieilles personnes... - Avec ce que j’ai au cœur, je dois me surveiller et éviter les efforts, le stress. Enfin, faut bien mourir de quelque chose ! Isabelle ne releva pas. Elle était au courant du grave problème cardiaque de son amie décelé fortuitement par le médecin scolaire qui avait écrit un mot pour la famille et le docteur de famille. Les examens complémentaires permirent au spécialiste qui la suivait encore régulièrement de diagnostiquer une arythmie quelque chose suite à une grippe mal soignée. Les deux jeunes filles pénétrèrent directement dans la cuisine spacieuse qui devait servir de lieu de vie. car un rocking-chair se trouvait face à un poste de télévision. - Mamie, voici Elisabeth, ma meilleure amie qui vient de Calais, dans le Nord de la France. J’ai ramené la dentelle de ma robe de mariée de là. Elle est mon témoin. Elisabeth embrassa chaleureusement la vieille femme, aux cheveux blancs qui s’extirpa de son fauteuil en osier tressé. Déjà Isabelle telle une tornade, l’emmenait hors de la pièce, lui faisait monter un escalier en bois ciré et tordu qui menait à un premier palier . - Là, les toilettes avec une douche, à coté, les WC. Ici, ta chambre qui sera la notre pour cette nuit. C’est l’ancienne chambre de ma grand-mère. Maintenant, elle dort en bas. Mon père a aménagé une chambre. Elle a des difficultés à se déplacer et à monter les escaliers. Il a fait faire des travaux. Des WC en haut et en bas ainsi qu’une salle d’eau quand le tout à l’égout a été installé dans le secteur. Il n’y a pas si longtemps ! Avant on utilisait le seau à l’étage et aussi en bas. Il fallait sortir dans la cour... Isabelle parlait vite, sans reprendre sa respiration, telle une mitraillette. - Et toi, ta nuit de Noces ? Demanda Elisabeth profitant d’un temps mort. - Il y a encore une chambre, au dessus. C’était celle de mes parents au début 6 de leur mariage. C’est là haut qu’ils m’ont conçue ! Reprit-elle. - Tu seras encore plus prés du septième ciel ! Isabelle éclata de rire d’un air entendu. - Oui, mais ce n’est pas ici que je l’atteindrais. Jean-Jacques à réservé un hôtel. Il veut être tranquille même si tu dois bien te douter que demain, ce ne sera pas la toute première fois... - La première fois, c’était Jean-Jacques ? Demanda Elisabeth. - Non, la première fois, j’avais dix sept ans. Pendant les vacances, pas loin d’ici, sur la plage. - C’était bien ? - Sans doute... Il parait que la première fois c’est pas extra, mais moi j‘avais un gros béguin pour Olivier. J‘étais contente de me donner à lui. Il faisait beau. Il avait des yeux bleus magnifiques... Pour lui aussi c’était la première fois. On s’aimait. C’était mon premier amour et je pense encore à lui. Et toi ? Pourquoi tu me demandes ça, petite curieuse ? Dit Isabelle en éclatant à nouveau de rire. - J’ai connu un garçon lors d’une boum. J’avais dix sept ans comme toi ! Mais je n’en garde pas un bon souvenir. - Et les autres fois ? - Il n’y a plus jamais eu d’autres fois... - A ce point. Il devait être nul alors ! Mais que c’est triste - Tu as raison. Répondit-elle interloquée. Et ton futur mari est.... Elisabeth cherchait les mots. - Oui, je l’ai dit à Jean-Jacques la première fois qu’il... qu’il... Isabelle aussi cherchait la formule convenable... que nous avons fait l’amour. - Qu’est-ce qu’il a dit ? - Rien. Je lui ai raconté toutes mes aventures. Il a souri et dit que c’étaient des bricoleurs. Viens, suis moi, je vais te montrer le faux lieu des plaisirs. Et une nouvelle fois la tornade emmena son amie à l’étage supérieur où se trouvait une chambre mansardée. Déjà, Isabelle avait saisi une robe blanche qui se trouvait sur le lit et la présentait devant elle. - Alors, t’en penses quoi ? - Elle est magnifique. Tu vas être très belle demain. - C’est une couturière qui l’a faite. J’ai ramené la dentelle de Calais à Pâques. Tu m’aideras à la mettre demain, avant que la coiffeuse ne vienne. On va descendre et tenir compagnie à Mamie. C’est Mamie qui s’est occupée de moi. Mes parents travaillaient à Granville. Je suis allée à l’école 7 ici. Mamie, c’est plus que ma mère. En s’occupant de moi, elle n’a pas trop pensé à son autre fils qui aurait du être mon parrain. - Aurait du ! Il serait mort ? - Oui. Granville a été libéré fin juillet 1944 et plus personne ne pensait à la guerre. Pourtant, les Allemands qui étaient toujours à Jersey, ont effectué un raid dans la nuit du 8 au 9 mars 1945, ont détruit les installations portuaires, ont tué des civils et sont repartis dans un cargo chargé de charbon et avec des soldats Américains qui ne s y attendaient pas et furent faits prisonniers. - Ton oncle se trouvaient parmi les victimes, je suppose ? - Oui, ce fut une bien triste journée. - Et ton grand père ? - Il était extra. Il exploitait la ferme, ici. Avant sa mort, il y a plus de vingt ans. Toutes les terres autour lui appartenaient. Mamie fut fort triste et moi aussi - Suite de maladie ? - Non son tracteur s’est retourné sur lui. Il a été écrasé. Je devais avoir onze ans et j’entrais en sixième au Collège à Granville. Mamie avait préparé un jambon frites, salade du jardin et la compote de pomme de rigueur avec du cidre fait par le père d’Isabelle. Il restait encore un verger derrière. Toutes les autres terres avaient été expropriées pour la zone industrielle voisine, et plus tard un lotissement... Mamie avait des difficultés à se déplacer, mais n’avait besoin d’une canne que lorsqu’elle était fatiguée, en fin de journée le plus souvent. Elle était autonome et conservait toute sa tête, restant curieuse de tout, voulant tout savoir d’Elisabeth. Les deux jeunes filles gagnèrent l’étage, la chambre, se mirent nues avant de passer une chemise de nuit. Les deux corps étaient comme sortis du même moule, y compris les poitrines fermes et bien agréables à regarder et à caresser. - Ta chemise de nuit est bien longue, dit Elisabeth. Je doute que Jean-Jacques puisse la supporter longtemps. Tu vas pouvoir me la donner. - Profiteuse, répondit Isabelle en riant aux éclats. Tu pourras l’emmener. J’ai prévu quelque chose qui va lui plaire. Elles parlèrent longtemps, ne trouvant pas le sommeil. - Bon, il est temps de dormir, décréta Isabelle qui éteignit son chevet et se 8 lova contre son amie, épousant parfaitement son corps. La lune inonda la pièce d’une lumière blafarde qui permettait de distinguer la forme à deux têtes couverte d’un drap blanc. Elisabeth pouvait entendre les battements du cœur de son amie, qui posa délicatement sa main sur sa poitrine. Elle ferma les yeux. La main bougea et caressa le sein au travers du tissu, tournant autour du mamelon qui durcit. Un frisson parcourut le corps d’Elisabeth.. - J’ai sentit ton frémissement... Tu aimes, osa-t-elle demander ? - Oui naturellement mais... - Ne dis rien et fermes yeux. La main quitta le sein qui avait durci et se posa sur le genou puis remonta lentement, passant sous la légère robe de nuit, glissant en faisant des cercles sur l’intérieur de la jambe jusqu’ à l’aine, puis évitant le pubis, poursuivit sa remontée jusqu’à la poitrine menue mais déjà gonflée. La paume de la main tourna plusieurs fois autour du mamelon hérissé avant de le pincer légèrement entre deux doigts. Elisabeth ne put réprimer un doux soupir... La paume glissa d’un sein à l’autre, s’attardant parfois sur une pointe dressée puis reprenait sa caresse, ne négligeant aucun des deux petits globes aux pointes durcies. Isabelle rejeta le drap, se souleva sur un coude et se pencha au dessus de la jeune femme, saisit délicatement une pointe avec ses dents. Elle la titillait pendant que la main descendait sur le ventre plat, montant la protubérance légèrement velue qui descendait sur une toison plus abondante. La bouche prit le relais. La langue humide traçait un sillon vers le pubis et rejoignit le doigt qui avait écarté les grandes lèvres et caressait le petit bouton rose qui enflait... Quand la langue humide, chaude et dure remplaça l’index, Elisabeth ne put retenir un gémissement, puis une onde de plaisir la submergea... Le lendemain le rythme du temps s’emballa : la dure séance d’habillage, la coiffeuse en retard pour le coup de peigne, la coiffe, les parents d’Isabelle, la préparation des voitures, les derniers détails à mettre au point pour le lunch dans une salle du village, le cuisinier, le personnel, d’autres membres de la famille d’Isabelle qui arrivaient, des amis. La cour de ferme était remplie de voitures décorées de rubans, tulle, fleurs blanches... Dans la maison, c’était un brouhaha tel qu’on ne s’entendait plus. Elisabeth était perdue, elle se raccrochait à la Mamie. La maison, la cour se vida aussi soudainement dans un concert de 9 klaxons. Elisabeth se retrouva avec Mamie et les parents d’Isabelle. La salle de mariage de la mairie ne pouvait contenir toute la noce. Jean-Jacques attendait sur le perron, avec toute sa famille et ses amis. Les témoins signèrent sous les applaudissements. Une photo générale fixa pour l’éternité l’événement. Les témoins encadraient les mariées. A l’église le curé les attendait à l’entrée et il précéda la mariée au bras de son père, le marié avec sa mère. Le reste suivait dans un ordre approximatif ! Le curé qui avait baptisé Isabelle, avait déroulé un tapis rouge usagé. La robe blanche se détachait. Les cameras super-8 ronronnaient et les éclairs des flashs illuminaient et figeaient sur la pellicule une nouvelle fois les émotions différentes des acteurs et des témoins de cette ronde de la vie. La chorale accompagnait l’orgue. ou le contraire. Elisabeth était subjuguée et sous le charme. Elle enviait son amie. C’était bien, c’était beau. Des larmes coulaient sur ses joues... Le lunch fut une réussite. Les bouteilles de mousseux vides s’amoncelaient alors que le buffet se vidait de ses petits pains au pâté, au rillettes, au jambon. Après la ruée qui avait fait craindre le pire quant aux estimations des quantités à acheter, un calme relatif s’installa. Des groupes se faisaient ou se défaisaient au gré des conversations qui estompaient une musique qui n’arrivait que très rarement à surmonter la cacophonie ambiante. Isabelle qui avait enlevée la traîne, virevoltait d’un groupe à l’autre, remerciait, embrassait, plaisantait au bras de son mari qui lui en plus, devait trinquer. Elisabeth était esseulée, ne pouvant s’intégrer à tous ces groupes inconnus. Elle était désemparée. A cet instant, ne se souvenant plus de ce qui s’était passé la nuit, elle regrettait d’être venue. Elle grignota un petit four avec une coupe de cidre. Le temps passa et l’assistance se clairsema. Seuls restèrent ceux qui allaient faire la noce. Une cloison se replia découvrant une salle aménagée et décorée de fleurs blanches. Cette fois, Elisabeth devint convoitée car les mâles avaient vite évalué la richesse en sexe faible et comme Elisabeth était en plus agréable à regarder... Entraînée par les jeunes descendants des Vikings, qui se relayaient avec à propos, Elisabeth dut boire à la santé des mariés, un petit blanc doux, un autre sec, un bordeaux millésimé. Et puis danser entre chaque plat, absorber un calva au trou normand, puis danser, encore danser, boire du champagne avec la pièce montée. Elle perdait la notion du temps, sa tête 10 tournait, tournait... Quand elle s’étira, sa main rencontra un obstacle. Elle sursauta à peine tant elle avait mal à la tête. Elle ouvrit les yeux et dans la pénombre de la pièce, elle analysa la situation. Elle était couchée dans un lit et sa main avait heurté un corps. « Isabelle ? » pensa-t-elle. Non, cela était impossible. Elle se souleva sur ses coudes et essaya de comprendre une situation incompréhensible. Ses yeux s’habituaient à la faible clarté qui émanait d’une fenêtre habillée d’une tenture... Alors, elle poussa un cri. La forme qu’elle avait heurtée de la main remua. Une main appuya sur l’interrupteur et une lumière faible jaillit d’une lampe de chevet. Un visage d’homme inconnu la dévisagea. Elle s’aperçut de la nudité de sa poitrine et vivement remonta le drap jusqu’au menton. - Mon Dieu, où suis-je ? Qu’est-ce que je fais ici ? Dit-elle d’une voix cassée, la langue pâteuse. - Tu dors tout simplement. Laissa tomber une voix virile et douce. - Mais vous êtes un homme. - Tout à fait ? Jusqu’à preuve du contraire ! Il souriait et était penché sur elle. Bien dormie ? - Je suis dans un lit ! - Dans un lit, mais c’est naturel de dormir dans un lit. C’est ce que je fais tous les soirs. Toi, non ? - Avec un homme que je ne connais pas ! Comment suis-je arrivée ici ? - Je suis Luc, Elisabeth. Et tu me connais maintenant puisque nous avons passé la nuit ensemble. Ce fut merveilleux. Il riait l’œil malicieux. - Que s’est-il passé ? Je ne me souviens de rien. Nous avons fait...? - L’amour ! Et non malheureusement ! Toi être déçue ? Moi, être fort déçu, dit-il en souriant. Elle ignora le commentaire. - Qui m’a déshabillée ? Subrepticement elle s’était rendue compte qu’elle portait encore sa culotte. - Moi, dit-il. Ce fut un réel plaisir. Je n’aurai pas donné ma place pour tout l’or du monde. C’est vraiment un très joli corps que j’ai transporté ici. - Mais pourquoi ? - C’était le mariage, hier. Tu était le témoin d’Isabelle. Moi, j’était le témoin de Jean-Jacques. Et Elisabeth a trop bu. Elisabeth était pompette. Et Isabelle a demandé au bon samaritain que je suis de s’occuper de toi. J’ai 11 accepté tout de suite. J’avais remarqué la jolie Nordiste qui virevoltait sur la piste. Très agréable à regarder, cette Chti. Jean-Jacques, m’a aidé à te mettre dans ma voiture. - Mais pourquoi suis-je nue ? dit-elle outrée - Mademoiselle a été très malade ! C’est que Mademoiselle n’a pas bu de l’eau de pluie hier soir. C’est que Mademoiselle devrait avoir mal à ses beaux cheveux ! Mademoiselle ne se souvient pas d’avoir vomi en arrivant ici ? Je ne pouvais vraiment pas te laisser dans cet état, et cette odeur ! - Je ne me souviens de rien. - C’est avec plaisir que j’ai enlevé lentement tous les vêtements. J’ai lavé le joli petit corps au moins deux fois et je l’ai déposé dans ce lit. Pour mieux le surveiller, je me suis allongé à côté de lui. Ce ne fut pas une corvée mais un vrai bonheur. - Où sommes-nous ? - Dans la chambre d’hôtel que j’avais retenu pour le mariage. Et il n’y avait qu’un lit en 140 et une armoire pour tout mobilier. A la guerre comme à la guerre ! - Mais vous êtes d’ici ? - Certes mais j’ai préféré prendre une chambre d’hôtel. J’ai eu un pressentiment. Mon horoscope annonçait une rencontre imprévue et agréable ! - Vous habitez où ? - J’ai un logement à Coutances où je travaille dans une banque. Mais nous aurons le temps de faire plus ample connaissance, n’est-ce pas ? Je vais aller chercher votre valise chez la grand-mère d’Isabelle. Pendant mon absence, prenez une douche. Je vais faire monter un petit déjeuner. Café noir et serré, I presume ? - Si vous voulez... - Si tu veux Luc, dit-il. - Oui Luc et un cachet pour le mal de crâne. Vous êtes... - Tu ! - Tu es gentil et je devrais m’excuser pour mon attitude. C’est la première fois que je suis dans cet état. Je n’ai jamais bu autant. - C’est rien. C’était prévu également par mon horoscope. - Ton horoscope ? - Tout à fait répondit Luc tout en passant un pantalon puis une chemise. Elle regarda et apprécia. Il n’était pas mal... 12 - Je fais monter tout ce qu’il faut. Et il sortit de la chambre. Elisabeth était sous le charme. Il revint accompagné des nouveaux mariés qui ne se privèrent pas pour les charrier. Ils restèrent ensemble le reste de la journée. Restaurant le midi. Promenade sur le front de mer à Granville. Luc servait de guide à Elisabeth. Il prit la main de la Nordiste. Elle frémit et une bouffée de chaleur fit naître une rougeur sur ses joues pales. Elle la laissa dans la sienne... Le centre de thalasso... La piscine sur la plage qui se remplissait au rythme des marées... Le musée océanographique prés du phare... Il osa poser un baiser à la commissures de ses lèvres. Il sentit qu‘il pouvait plus, beaucoup plus... Elle ne dormit pas chez Mamie ce dernier soir en Normandie. Elle suivit Luc à l’hôtel comme si c’était la normalité. Il n’alluma pas le plafonnier mais la prit dans ses bras, trouva de suite ses lèvres, glissa sa langue humide qui rencontra la sienne. Luc la couvrit de baisers de plus en plus longs, tandis que ses mains ôtaient avec son aide les légers vêtements qui la couvraient. Quand elle se retrouva en petite culotte et soutien gorge, ils basculèrent sur le lit. Un lampadaire planté de l’autre côté de la rue presque en face de la fenêtre, éclairait la chambre suffisamment pour que les deux futurs amants puissent se découvrir visuellement... Elle l’aida à se mettre en slip. Luc la couvrit de baisers descendant par à-coups sur la poitrine, le ventre le pubis, le buisson ardent, utilisant ses dents pour faire glisser la petite culotte taille basse. Elle ne savait quoi faire de ses mains. Elle caressaient ses cheveux, ses épaules, son dos. Elle ne pouvait pas plus car elle ne savait pas ou n‘osait pas ! Luc remonta vers son visage et l’embrassa avec passion tandis qu’il libérait son sexe gonflé de sa prison en tissu devenue trop petite. Il l’amenait vers l’entrée du sanctuaire. La communion fut totale. Ils restèrent soudés de longues minutes. Le soleil qui inondait la chambre les réveillèrent presque en même temps. Elle se trouvait derrière lui et sa main gauche était posée sur sa poitrine couverte de poils sombres. Il saisit sa main et la posa sur son sexe endormi. Elle ferma les yeux et ses doigts se refermèrent sur le membre qui reprit vigueur sous l’action de l’agacement puis du lent va et vient. Il se mit sur le dos lui découvrant cette « chose » qui répondait à ses caresses. Elle se rapprocha par curiosité, pour voir de plus prés et pour s’enivrer de 13 son odeur. Elle sentit le désir monter et elle recula vivement, sans lâcher prise. Sa main continua à monter et descendre lentement puis de plus en plus vite. Elle ressentit les soubresauts et le jet puissants inonda le ventre et la poitrine de Luc qui laissa échapper plusieurs râles... - C’était bon, laissa-t-il tomber en reprenant sa respiration. Roméo a apprécié. - Qui est Roméo, demanda-t-elle surprise ? - Lui, répondit-il dans un sourire, en montrant son sexe affalé sur son pubis. - Tu lui donnes un nom ? - Hé oui. - Pourquoi ? - C ‘est sympa, je trouve. Je suis persuadé qu’il a une indépendance certaine. - Je ne comprends pas - Quand il ne veut pas, ce n’est pas la peine d’insister. - Ha bon ! Alors pour moi ? - C’est pareil. quand elle ne veut pas, mais il te reste la possibilité de faire semblant. - Pourquoi faire semblant ? - Pour me faire plaisir par exemple. Et on n’y voit que du feu. Un homme ne peut pas faire semblant. Quand Roméo ne veut pas, ça se voit ! - Ah, tu crois. Alors tu lui donnes quel nom, à... Elisabeth montrait du regard et du menton la région sombre de son bas-ventre ? - Juliette ! Cela te convient ? - Roméo et Juliette ! Oui. Cela me plait bien ! . Sa vie, enfin avait un sens. Avant Luc, elle ne se souvenait de rien car il n’y avait rien ou si peu à se souvenir. Tout en se remémorant la naissance de son amour qui était le premier et le resterait, elle s’était enfoncée dans la forêt silencieuse et merveilleusement parée de teintes rougeoyantes et sanguines. Elle se retourna. On ne voyait plus la route. Une silhouette grandissait. A petites foulées régulières, elle se rapprochait. Le survêtement bariolé rouge-orange se mariait parfaitement avec le feuillage des arbres qui jetaient leurs derniers feux. Elle avançait avec souplesse. C’était un barbu et il portait des lunettes sombres. Elle se cala sur le bord du sentier étroit pour permettre le passage du sportif. Elle regarda au sol pour éviter des ronces qui auraient pu 14 filer ses collants, voire la griffer. Le choc fut brutal et violent. le coureur, maladroit, venait de la percuter. Les deux corps tombèrent lourdement sur le sol. L’homme se releva prestement, aida Elisabeth à se relever tout en se confondant en excuses. Il enleva les feuilles qui restaient accrochées aux vêtements d’Elisabeth et lui demanda ce qu’il pouvait faire pour se faire pardonner une maladresse inexcusable. - Rien. Je vais bien. Il n’y a rien de dramatique, répondit-elle le cœur battant plus vite. - Je vous regardais et je n’ai pas vu la racine. J’ai pris mon pied dedans et voilà ce qui arrive quand on se laisse distraire par une jolie jeune femme ! Il essayait de plaisanter. - Ce n’est pas grave, vous êtes gentil, articula la jeune femme les lèvres sèches. Le sportif, s’excusa une fois de plus et reprit sa course solitaire. C’était la troisième fois que le tracteur tirant sa remorque de paille passait et le conducteur poussé par la curiosité gara son ensemble sur le bas côté, mordant sur l’herbe. Il mit ses warnings, descendit, et se dirigea vers la Renault. Il distingua une forme au volant. Le jour faiblissait. Le conducteur ne bougeait pas. Il semblait assoupi. Il laissa passer deux semi-remorques belges transportant du lin et traversa. Il distingua la longue chevelure sombre. Il n’y avait pas de buée. Il s’approcha et frappa à la vitre. - Eh ! Mademoiselle ! Excuser moi ! Tout va bien. Dites ça fait un rude moment que vous êtes ici. Vous avez un problème. Gaston Lebrun n’avait pas l’habitude d’aborder une inconnue. Il savait comment faire avec les chevaux ou les bœufs, mais avec une femme. Faut dire qu’il était toujours célibataire à cinquante quatre ans. La conductrice ne bougeait toujours pas. Le paysan fut pris d’un doute. Il se pencha en s’approchant de la vitre et ouvrit la portière. Il fut surpris et du s’arc-bouter pour ne pas tomber. Le corps de la femme glissa sur les gravillons. Revenu de sa surprise et effrayé, il se pencha sur la jeune femme dont les pieds se trouvaient encore dans l’habitacle. Il posa une oreille sur la poitrine, cherchant vainement un battement de cœur. Il tira complètement le corps hors du véhicule et le secoua, avec délicatesse. Aucune réaction ne se produisit. 15 - Mademoiselle, Mademoiselle, dites quelque chose... Il était paniqué. Appeler à l’aide. Il devait appeler à l’aide. Une voiture s’arrêta à sa hauteur tandis qu’un gyrophare trouait la pénombre naissante. Une voiture de la gendarmerie ! Deux gendarmes jaillirent de l’estafette. - Ben ça alors. Vous tombez à pic. La conductrice ne bouge plus. Elle est tombée par terre, quand j’ai ouvert la portière. - Du calme. On prends la suite. Restez là. dit un gendarme. Demande des secours par radio. Le deuxième gendarme remonta dans l’estafette et donna l’alerte. En attendant les secours, le gradé demanda à Gaston Lebrun de lui rapporter tout ce qu’il savait. - J’ai trouvé étrange que cette voiture soit toujours là. Quand je suis passé ici, il y a plus d’une heure trente, la demoiselle se garait. Il y a un quart d’heure quand je suis repassé, je me suis étonné de voir cette voiture encore à cet endroit. La voiture était en panne ? La jeune dame avait un malaise ? Si c’était un rendez-vous, je me serais excusé. Et finalement quand j’ai ouvert la portière, elle est tombée par terre. Et puis vous êtes arrivés. Un coup de chance. L’autre militaire fit les constatations d’usage. Il examina avec attention avec sa torche les traces qui se trouvaient autour de la voiture, ne releva rien de particulier. Il fit quelques mètres dans le sentier sans remarquer quoique ce soit d’anormal. Dans la voiture, rien de particulier : des bonbons, des revues féminines, un sachet de gaufres, un parapluie, des lunettes de soleil, le sac de la jeune femme ouvert et répandu sur le siège en tissu, deux pommes, un filet de mandarines... Rien que du banal. L’ambulance arriva. avec un médecin qui ne put que constater le décès. - A première vue, un arrêt cardiaque. Il n’y a pas de désordre vestimentaire donc pas d’agression. Pourquoi le cœur ? Elle devait avoir quelque chose de grave. Ce qu’elle prenait n’est pas anodin, laissa-t-il tomber en manipulant la boîte de médicaments : un digitalique ! Elle a du faire un malaise en conduisant. Un malaise qu’elle a senti venir. C’est pourquoi elle s’est garée... Elle a voulu prendre la boite de médicament. Elle n’a pas eu le temps. Il faudrait peut être une autopsie pour préciser. Si la famille est d’accord, mais le dossier médical devrait être suffisant. Quelqu’un l’a connaît ? - Elle habite Licques. C’est prés d’ici, dit le gradé qui regardait sa carte 16 d’identité : Elisabeth Dutoit. - Je crois la connaître ajouta l’ambulancier. Elle habite chez ses parents derrière le Collège en préfabriqué qui jouxte le terrain de football. - Un petit ami ? demanda le gendarme. - Je ne crois pas. Non, encore célibataire, répondit toujours l’ambulancier. Elle travaille sur Calais, dans une usine de dentelle, je crois. Elle était très discrète. Prévenez le Maire. Il est proche de ses administrés. Il vous accompagnera quand vous irez prévenir la famille. Nous, nous allons à l’hôpital de Calais. Nona, la plus jeune des trois sœurs, dans un drapé bleu clair aux larges plis avait demandé en même temps que Décima à leur sœur ainée de ne pas utiliser les ciseaux de bronze, de laisser encore au moins dix centimètres de laine noire... Morta, comme d’habitude était restée inflexible, intransigeante, impitoyable ! 2 ... Henri Les monstrueuses chenilles lumineuses trouaient la nuit indifférentes aux étoiles scintillantes, aux remous des eaux sombres qui les longeaient. La Nationale 7 était tout aussi chargée. C’était un exploit que de changer de file depuis la droite, où les camions de toutes tailles, de toutes nationalités se suivaient cul à cul avec des caravanes intercalées et de temps à autre une voiture de tourisme, qui de guerre lasse restait plantée dans cette chenille. De toutes façons sur celle de gauche la vitesse était excessive et on devait s’aligner sur cette vitesse pour résister. L’aube pointait, et on s’arrêtait uniquement pour faire le plein dans les stations où on faisait la queue... Il fallait s’habituer et faire preuve de patience car c’était ce qui attendait tous ces juilletistes qui fonçaient sur l’autoroute du Soleil, voie royale jusqu’à la mi-août pour atteindre le 17 Nirvana. L’invasion commençait et les places de camping, les plus proches de l’eau de baignade, délicieuse à souhait, là-bas, tout au long de la Grande Bleue étaient rares et chères. Malheur aux derniers arrivés mais la félicité pour les autres. La vitesse était limitée en théorie seulement car seuls ceux qui étaient coincés à droite la respectaient par la force des choses et encore. C’était comme un exode tant les voitures étaient chargées... Les pinceaux blancs des allemandes, des anglaises, des néerlandaises fusaient sur la file de gauche faisant des appels de phares longues portées ou klaxonnant quand une voiture essayait de rouler à la vitesse permise. Ou elle accélérait ou elle regagnait celle de droite, espérant pouvoir reprendre sa place sans trop y compter. Le choix était simple : 80 km/h à droite avec les poids lourds, caravanes et “pépères” ou 150 km/h à gauche. Soit on s’ennuyait alors qu’il fallait être sur le qui vive constamment, pour répondre instantanément à un ralentissement incompréhensible, soit on prenait le risque de bousiller son moteur quand on ne possédait pas une grosse cylindrée ! Cela lui était arrivé l’an passé avec une Renault 16 TS quasiment neuve. Il avait du effectuer un échange standard dés le retour ! C’était tout simplement dément jusqu’à Orange avec des pointes dans la traversée de Lyon et Vienne de nuit. Le jour pointait vers Portes Les Valence, plus tardivement que dans les brumes du Nord à Ferfay, sur la chaussée Brunehaut. Des espaces naquirent dans le flot de métal étincelant et hurlant après Orange... L’Espagne était à droite. Les arrêts se multipliaient et les aires de repos étaient saturées. C’était un avant goût de ce qui allait arriver sous peu. Après Aix en Provence les péages se succédaient sans qu’on comprenne leur nécessité sauf créer des emplois ou casser la vitesse ! Le chant des cigales montait crescendo tout comme la température : toutes les vitres étaient baissées. On se demandait où étaient passées les voitures qui se bousculaient il n’y avait pas si longtemps. Les derniers kilomètres n’en finissaient pas. La fatigue était là et il tenait grâce au café noir, emporté dans un thermo. Depuis la veille dans l’après-midi, il allait effectuer prés de 1100 kilomètres et des poussières et c’était justement ces poussières qui n’en finissaient pas. Sa femme tenait une carte routière et le bristol où était noté l’itinéraire qu’il connaissait par cœur. C’était la huitième année consécutive qu’il descendait sur la Côte 18 d’Azur. Les deux jeunes enfants étaient réveillés depuis peu mais restaient sages... Le Muy enfin... Le dernier péage... La voiture quitta l’Autoroute pour la Nationale 7, traversa la bourgade, prit la D7 avant Le Puget et, avala avec soulagement les derniers kilomètres. Il passa sous le pont de chemin de fer, toujours aussi mal placé et étroit. Ensuite la voiture passa devant le pépiniériste, puis la gravière qui telle une lèpre dévorait chaque année un peu plus le paysage et en face le Camping des Pêcheurs, au bord de l’Argens. Il avait atteint le but de cette traversée de l’Hexagone situé à quelques centaines de mètres du village de Roquebrune sur Argens. C’était le camp de base, trouvé par hasard lors de la première odyssée car c’était complet partout sur la côte. En désespoir de cause, il avait du se replier vers l’intérieur, mais il ne le regrettait pas. C’était toujours indiqué “pêche et canotage”.” Pêche”, pas de problème, c’était un bon coin même s’il n’était pas du tout fervent de ce “sport”, mais “canotage”, chaque année, il se demandait où cela était faisable! De plus, il n’avait jamais vu le moindre canot même en caoutchouc voire en plastique ou en bois ! Le “Rocher”, comme les gens du coin l’appelait, émergeait de la brume de chaleur bleutée du matin. Le camping somnolait, quasi désert, mais prêt à accueillir les envahisseurs avec le sourire. C’était un habitué maintenant et les retrouvailles furent chaleureuses. - Je suppose que vous prenez le même emplacement, Monsieur Caron ? demanda la propriétaire. - Il est encore libre, demanda Henri ? - Les arrivées sont encore peu nombreuses. On peut encore suggérer des emplacements. Comme votre courrier m’annonçait votre venue, je n’ai pas eu de mal à “réserver” le votre. - C’est sympa et je vous dis « merci ». - La route s’est bien passée ? - Pas de problème. Mais il y a de plus en plus de monde. On est plus que fatigué. - Quand êtes-vous parti ? - Hier, en fin d’après-midi. - Vous avez roulé toute la nuit ? - Eh oui. - Votre épouse a pris le volant ? 19 - Non, elle voulait, mais non. C’est pour ça que suis sur les rotules. La fois prochaine, elle conduira. On est bien content d’être arrivé à bon port ! - On organise un apéritif en début de soirée, pour les nouveaux arrivants comme d’habitude. Vous serez là ? - Pas de souci à se faire... La voiture démarra et roula doucement dans le camping qui se remplissait peu à peu. Sophie, sa femme suivit à pied avec les deux enfants. Les “Anciens”, dont il faisait parti, s’étaient regroupés à bonne distance des sanitaires : non pour les odeurs car il n’y en avait pas, mais pour les bruits incessants au lavoir lors des vaisselles ce qui n’était pas désagréable en soi, mais c’étaient surtout les adolescents et les adolescentes qui se regroupaient et conversaient tard le soir car c’était le seul endroit du camping éclairé par plusieurs lampadaires. Ils montèrent rapidement la grande tente, les chambres intérieures. Puis Henri se mit sous un arbre car l’emplacement était ombragé et s’endormit tandis que Sophie installait le coin cuisine, vidait les valises avec l’aide de sa fille de cinq ans. Le garçon, qui venait d’avoir six ans, gonflait les trois matelas pneumatiques car celui de ses parents était double. Il posa les sacs de couchage sur les matelas. Quand il s’éveilla deux bonnes heures plus tard, Henri savoura avec satisfaction l’installation. Il devrait revoir ce qu’avait fait Louis, mais plus tard... Il ne fallait pas décourager le bel effort ! La corde à linge servait de frontière tout en délimitant un “garage” pour la voiture. La galerie était démontée et posée contre un arbre de son territoire. La table pliante bleue en métal était dressée, et préparée pour le repas, ainsi que les chaises en toile. Le coffre était vide. Sophie avait été faire quelques courses à la supérette du camp. Une bouteille de pastis, et une autre de rosé attendaient d’être ouvertes. Rien ne manquait, même la poussière soulevée par les nouveaux arrivants qui s’infiltrait partout, recouvrant tout d’une fine pellicule ocre. La boisson n’était pas très fraîche. C’était le problème majeur : les glaçons. Chaque jour, il faudrait acheter un bloc de glace et le déposer dans une glacière. Le premier repas fut léger puis toute la famille partie à la découverte du camping qui s’était agrandi au détriment des cultures et des arbres fruitiers. Le touriste se presse mieux et plus vite que le raisin ou les pêchers qui risquent toujours de souffrir suite à un orage violent, ce qui arrive une fois au moins par séjour. C’était en connaissance de cause qu’il 20 avait choisi un emplacement surélevé, et creusé des rigoles autour de sa toile. L’Argens coulait, en contre bas paisiblement sur toute la longueur du camp, ce qui à priori évite les inondations. Ce n’était pas l’Argens qui débordait, mais les eaux de ruissellement qui s’évacuaient très mal et qui prenaient possession des cuvettes avec tout ce qui s’y trouvait ! Quand la chaleur de la première journée baissa d’intensité, le camping était presque complet. Il y avait plus d’une centaine d’installations sur cent vingt possibles. Un village venait de naître l’espace d’une journée. Les poubelles débordaient d’emballages en tout genre, les douches fonctionnaient sans discontinuer bien que nécessitant des jetons ruineux pour l’eau chaude. Pendant le pot de bienvenue, on reprenait contact avec les voisins qui n’avaient pas changé depuis la dernière fois. Seul changement et de taille : la proportion d’étrangers en raison arithmétique et les prix en raison géométrique ! Une province néerlandaise occupait les anciens vignobles, sans ombre ! Quelques Belges, des Suédois mais aucun Anglais, ni Allemands car ils étaient en vacances avant nous, donc s’étaient accaparés le bord de mer. Le carré des habitués s’effritait devant ces assauts ordonnés et des prix qui éliminaient les moins fortunés... Le premier soir fut calme, très calme. Il fallait digérer les kilomètres, la fatigue, la chaleur accablante des derniers heures de conduite, les bouchons. Impensable de croire que la veille, il n’y avait pour ainsi dire personne, que ces campeurs et caravaniers étaient éparpillés aux quatre coins de l’Hexagone et de l’Europe. Les journées seront toutes identiques avec des rites immuables comme inscrits dans les chromosomes. A la pointe du jour, des silhouettes furtives se faufilaient entre les tentes et caravanes, gagnaient le passage secret, connu de tous, situé au fond du terrain pour gagner les bons coins le long de la rivière. Après les pécheurs matinaux, il faudra attendre neuf heures pour que la vie explose ! La queue commencera pour tout : queue pour pisser, queue pour se laver, queue pour se raser, queue pour acheter le pain, queue pour acheter un bloc de glace dont la taille fond d’une année à l’autre mais pas le prix... Ensuite, ils voudront tous, même les pêcheurs de l’aube, rejoindre la mer distante d’une dizaine de kilomètres au mieux. Alors la chenille, tel le Phénix renaîtra de ses cendres. Chaque village, ou croisement se transformera en guêpier. Le Stop deviendra un panneau mortel. Et plus on 21 se rapproche de la Côte, plus le raz de marée de métal motorisé et surchauffé enflera. La lente procession qui pue les gaz d’échappement roulera au pas. Face à la mer calme, il ne faudra surtout pas finasser pour se garer, donc on le fera de face ! Ce sera chacun pour soi. La politesse, le savoir vivre ? On ne connaîtra plus. Et rebelote pour une petite place sur le sable. Plus l’heure tournera et plus cette place se réduira à la taille de la serviette de bain. Faut reconnaître que les vaguelettes étaient proches des rochers qui servaient de front de mer tout en empêchant les voitures garées perpendiculairement de tomber sur la mini-plage de sable fin en contrebas. Les attardés se garaient dans des endroits impossibles, loin de “leur plage” qu’il faudra rallier avec tout ce qu’il faut pour survivre jusqu’au soir : parasol, glacière, huiles solaires et de quoi s’occuper. Les rochers servaient tout à la fois de zones de bronzage et de guet car on épiait la moindre serviette qui quittait le sable espérant un départ ce qui arrivait parfois ! Alors, le refuge c’était l’eau chaude qui translucide au début se brouillera au fur et à mesure de l‘envahissement. Les adultes qui sortaient (les enfants très rarement) slalomaient entre les corps très dénudés et brillants qui rôtissaient allègrement pour rejoindre leur place qui diminuait de taille. Le retour sera la copie conforme de l’aller avec la prise d’assaut des commerces en prime : les supermarchés, les brasseries, les restaurants, les marchands de frites, pizzas, pains bagnats, sandwiches... Les campeurs se remettront de leur journée fatigante avec force pastis et rosé sans oublier, les parties de pétanques qui se terminaient à la lampe de poche ou aux phares ou les parties de carte, les réunions internationales où on baragouinait l’anglais avec tous ceux qui ne sont pas de chez nous à la lumière des lampes butane. Il y a bien des rencontres qui se poursuivront au retour des vacances. On trouvera aussi les noctambules qui déambulent en amoureux, pour admirer les étoiles ou les connaisseurs-voyeurs qui analysent les jeux d’ombres suggestives qui se découpaient sur les toiles de tentes. Ce sera ainsi tout l’été ! Sauf pour lui. Il avait donné et il avait trouvé la solution pour éviter cette vie de doux dingue : vivre à l’envers, faire le contraire et tout son petit monde connaissait le bonheur ! Debout dés sept heures trente, on vaquait à ses petites occupations en toute tranquillité. Un petit déjeuner et direction la plage à la sortie de Saint 22 Aygulf vers Fréjus, puis Saint-Raphaël atteint en une douzaine de minutes. Vous garez la voiture en douceur en marche arrière et presque toute la plage de sable fin blanc, récurée juste avant votre arrivée, vous appartient. La mer est comme un lac, transparente : on voit des petits poissons, les cailloux colorés, le fond magnifique. Personne pour vous gêner ni dans l’eau, ni sur le sable. Le paradis en bord de mer ! Les enfants parcourent la grève, chahutant dans la mer paisible, ramassant les jolis coquillages apportés par la nuit tandis que la femme est allongée, écoutant le silence, les yeux mi-clos ou le léger chuintement des mini vagues. Quant à Henri, il se laissait flotter sur l’eau les dents serrés sur l’embout d’un tuba sans balle de ping-pong encagée. Il se laissait dériver vers le brise lame qui servait de refuge, de biotope à une vie qu’il trouvait extraordinaire. Il y en avait de proche en proche pour éviter la fuite du sable. Certains servaient de point de départ au ski nautique, mais la plupart servaient de zone de découverte et de jeux pour les enfants. La mer, la plage pour vous seul ou presque car d’autres habitués tournent également à l’envers. Vous savourez ce plaisir jusqu’à l’arrivée de la cohue, la chasse à la place pour la voiture, pour ses fesses. Le charme est alors rompu. On n’entend plus la mer. On n’arrive même plus à se voir. La plage est devenu un immense gril qui sent le gras. Il faut surveiller ses affaires, les gosses, les jouets des gosses, la serviette, se relayer pour se rafraîchir dans une eau trouble qui semble se refroidir. Heureusement, il y a une compensation : l’étalage des charmes de moins en moins cachés. La crise du textile est évidente ! Certes cela nuit à l’imagination. Quand c’est beau, c’est un vrai plaisir, mais comme c’est rare, ça fait sourire ou rire voire pleurer. C’était même parfois navrant. Mais aucune ne trouvait grâce aux yeux d’Henri. Il ne comprenait pas les motivations qui poussaient ces femmes à exhiber leurs charmes devant leurs maris, véritables “propriétaires”. La libération de la femme n’avait pas grand chose à voir avec la poitrine à l’air ! Le droit de faire bronzer leurs seins au même titre que leurs doigts de pieds ! Mai 68 n’était pas trop loin, et elles appliquaient le slogan choc : il est interdit d’interdire ! Henri Caron n’était pas pudibond., il achetait Lui et appréciait les dessins d’Aslan. Il faisait venir du Danemark ou de Suède, des revues et des films pornos en super huit mais cette étalage de seins sur des plages familiales l’offusquait. 23 Quand on savait que ces femmes protestaient, à juste raison, d’être considérées comme un objet sexuel par la publicité on ne comprenait plus qu’elles faisaient tout pour mériter cette étiquette. Triste époque quand on veut gagner sa liberté en enlevant le haut ! Qu’elles enlèvent le bas aussi mais dans les endroits réservés, comme à l’Ile du Levant prés de Porquerolles qu’il avait arpenté à pieds l’année de son mariage. C’est une manière de vivre courante dans les pays du Nord de l’Europe. Mais ici, c’était de la provocation pour les unes et du voyeurisme pour les autres. Il pouvait être violent, agressif sur certains sujets. Cela devait venir de son père qui avait quitté une salle de cinéma quand l’héroïne embrassait un homme qui n’était pas son “mari”... Il était jaloux, pas maladif mais jaloux au point d’avoir une soirée, ou une journée complète gâchée quand Sophie laissait voir un ultra mini bout de sein. Il avait reçu une éducation stricte. Le Drapeau, l’Ordre, l’Armée, la Fidélité, le respect de la parole donnée avaient une signification pour lui. Il se méfiait quand même de la Justice, tout en étant pour la peine de mort. La décadence de la société actuelle soixante-huitarde le chagrinait. Il avait été juré dans un procès d’Assises il y a deux ans où le meurtrier avait sauvé sa tête à son grand regret. Quand l’invasion se faisait plus pressante, Sophie battait le rappel et commençait à rassembler les affaires, donnant le signal du départ. A peine, la famille nordiste avait-elle escaladé les rochers du front de mer que leur emplacement était occupé ! A cette heure, la circulation était fluide et il se retrouvait sur le parking à moitié vide du supermarché Casino local. Le choix des articles, le paiement, le retour à la tente, tout se passait sans problème. Chacun avait sa tâche. Sophie était à la popote. Les enfants allaient au bureau d’accueil pour le courrier. Henri allait chercher de l’eau prés du bloc des sanitaires. C’était lui qui faisait la vaisselle également au bloc et Sophie essuyait avec Marie à son retour. Louis rangeait ce qu’il pouvait. L’harmonie régnait... Les activités de l’après-midi étaient variées. Une sieste pour tous sous le feuillage des arbres, des feuillus, qui cernaient la tente ou dans une forêt de conifères dans l’arrière pays. Une fois sur deux, après avoir vérifié que les enfants dormaient sur une couverture à l’ombre, le couple s’écartait d’eux, s’installait sur un promontoire pour mieux les surveiller tout en 24 restant invisible. Sophie s’allongeait sur le côté, la tête posée sur la poitrine de son mari qui se mettait à lire le journal du jour, acheté lors du retour. Il ne la voyait pas mais savait ce qui allait se passer. Sophie promena sa main sur les poils noirs peu nombreux qui couvraient le ventre d’Henri. Elle n’avait pas encore atteint le short de couleur qu’elle discernait déjà le renflement qui attirait sa caresse. La lecture était déjà terminée et le journal ouvert reposait sur son visage. Sans attendre davantage Sophie glissa sa main sous la double étoffe et saisit le sexe fermement. Jugeant qu’il avait la dureté suffisante, elle le quitta et baissa suffisamment le short et le slip pour libérer l’objet du désir fièrement dressé. La main se referma sur la hampe et fit glisser la peau qui recouvrait l’extrémité humide. Déjà sa langue caressait lentement le sillon de peau saillant sous le gland alors que sa main pétrissait le sac fripé à la base. Le sexe était tendu à l’extrême tout comme les veines marbrées et bleutées. Enfin la bouche enveloppa totalement celui-ci tandis que la main était revenue sur la hampe et commençait un léger mouvement de va et vient. Elle sentit son plaisir qui montait et elle ne se retira pas quand il explosa ...en silence ! C’était un rituel propre aux vacances, chaque fois qu‘ils se repliaient dans l‘arrière pays. Cela arrivait encore plusieurs fois pendant leur séjour de trois semaines. Il fallait en profiter car les enfants grandissaient et la sieste devenait plus difficile à faire respecter et puis le silence total était difficile à obtenir. Il ne pouvait plus faire l‘amour à Sophie à l’extérieur car cela demandait beaucoup plus de temps. Seul Henri en bénéficiait. C‘était presque de l’hygiène. Pour Sophie, restait les rapprochements nocturnes et toujours sans le moindre bruit mais comme le silence total était difficile à obtenir alors par la force des choses, eux aussi étaient devenus rares. L‘année prochaine faudrait louer une caravane avec une petite tente plantée à l‘extérieur de l‘auvent pour les enfants... Du coup, il fallait penser à « d‘ autres activités » ! Ainsi les enfants pouvaient attraper des papillons avec un filet ou d’autres insectes car il avait mis en route une collection. Il épinglait les prises dans des boites fournies par les stations Shell, prévues au départ pour des reproductions de monnaies anciennes et reconverties. Il ignorait leur nom, leur famille : seul comptait la présence dans la boite. Certes, il y avait des libellules ou des 25 agrions - il ignorait la différence-, des criquets de toutes tailles ou couleurs, des sauterelles énormes, qui effrayaient Marie qui ne recherchait que des lépidoptères. Du coup la plupart du temps Sophie lisait un roman et Henri surveillait ses enfants, tout en écoutant le Tour de France sur un transistor. Henri était fasciné par les fourmis. Cet insecte était extraordinaire. Petit, dans le grenier, il avait installé dans une cuvette en grès blanc et lisse, une colonie de fourmis noires qu’il nourrissait de confiture et de sucre en poudre. Son père acheva brutalement l’expérience quand il fit la découverte des hyménoptères en pleine forme... Il n’avait pas apprécié. C’était vrai qu’il avait du refaire les plinthes de la cuisine colonisées par ces petites bêtes intelligentes ! Ici dans le Sud elles étaient rouges et énormes. Il avait acheté des tas de livres consacrés à cette “sale bestiole” qui ressemblait à l’homme par certains côté : l’élevage des pucerons sur les rosiers ou capucines, la culture des champignons, la fourmi alcoolique, la mendiante, la voleuse, la criminelle ! Un jour sur deux c’était une visite de la région. Tahiti-Plage à Saint-Tropez un après-midi car il ne fallait pas mourir idiot et la ville le soir pour un tour de son port avec tous les yachts de milliardaires qui nous regardaient et qu’on regardait, les peintres qui travaillaient « au couteau », les joueurs de pétanques célèbres, la gendarmerie sans De Funès. Ils avaient parcouru le “vrai Rocher” qu’est Monaco avec ses aquariums, le Palais Princier et la relève de la garde... Des sorties de touristes, avec des photos et des cartes postales expédiées à plein de connaissances... Avec de jeunes enfants ce n’était pas toujours évident, aussi le mieux était la mer le matin et le repos l’après-midi. Depuis les nombreuses années qu’il venait, il avait quand même exploré la Côte depuis Hyères jusqu’à San Remo en passant par Nice, Grasse, la boutique de Jean Marais à Saint Paul de Vence. Le parfait touriste quoi ! Ses plaisirs étaient simples à satisfaire : une vie ordinaire et banale. Il était heureux et bien dans sa peau. Il faisait plus de mille kilomètres pour admirer le fond de la mer, avec son tuba, et pas trop profond car il était un piètre nageur. Il perdait vite les pédales ! Sophie sur le sable ne le voyait pas 26 toujours, éblouie par les reflets du soleil sur la surface de la mer à peine irisée. Sophie avait ses propres préoccupations : un bronzage uniforme qui devait lui permettre de mettre des collants le plus tard possible et des robes légères aux décolletés sages. Sa hantise était la trace des bretelles de son soutien gorge. C’était pourquoi elle ne les abaissait qu’une fois allongée sur une serviette de bains en éponge. Le lendemain de la Fête Nationale Belge où le seul Belge Wallon du camp avait réunis tous ceux qui l’avaient invité huit jours avant pour célébrer la notre, dans une fiesta mémorable, la routine reprenait. Elle bronzait, il flottait, dérivant lentement le long des rochers tandis que les enfants faisaient une muraille avec des seaux de sable retournés autour de leur mère. Il profitait de l’heure matinale pour faire le tour du mole tout en scrutant les abords foisonnant de vie. Son dos seul émergeait... Une mini vaguelette causée par un enfant qui faisait une « bombe » à proximité, recouvrit l’extrémité du tuba qui n’avait toujours pas sa petite balle en celluloïd encagée... - Go ! cria le moniteur de ski nautique au skieur qui bondit de l’extrémité de la jetée et glissa sur l’eau dans un jaillissement étincelant d’écume. Il suivait une voie balisée. Il entamait son premier virage et filait en suivant le rivage à plus de cent mètres au large puis sans problème revint vers son point de départ. Un petit bateau pneumatique se trouvait prés du chenal réservé. Il vit le type en maillot de bain se dresser, montrer de la main quelque chose dans la zone balisée, puis plonger alors qu’il arrivait à sa hauteur. - Mais il est dingue, ce mec ! Gronda le moniteur qui était debout à l’extrémité du mole. Le skieur lâcha la corde qui le tractait, fit un écart, perdit l’équilibre et percuta l’eau dans une explosion liquide. Le bateau qui le tirait, revenait déjà vers son skieur en grande conversation avec le nageur qui avait plongé devant lui. - C’est interdit de nager ici, lança le conducteur du bateau, en colère. Vous êtes inconscient ? - Il y a un type en dessous, lui répondit le skieur qui avait ôté ses skis alors que celui qui avait plongé émergeait. - Noyé ? demanda le moniteur radouci qui avait d‘abord cru à un nageur 27 imprudent puis en difficulté. - Trop tard, laissa tomber le sauveteur. - Merde ! Il faut le ramener sur le sable et appeler les pompiers. Marie regardait l’agitation, des gens qui couraient convergeant vers le bord de l’eau tandis que deux nageurs ramenaient le corps. Plusieurs personnes pénétraient dans l’eau pour aider. - Maman, maman cria la petite fille. Regardes, là-bas. Il se passe quelque chose. Sophie se redressa et se leva tellement vite que le soutien gorge resta pendu au bout de ses bras, dévoilant sa petite poitrine toujours blanche. - Mon Dieu, Papa ! Ce fut la consternation dans le camping et un entrefilet dans “Var matin” à côté d’une photo représentant un groupe de vacanciers disputant un concours de pétanque et une autre en couleur montrant trois naïades vêtues de coquillages bien placés et enveloppées dans un filet de pèche au gros. Les vacances continuaient... 3... Jean-Marc Le silence de la nuit fut interrompu par la musique du radioréveil installé sur une table de nuit en pin d’Oregon acheté depuis peu dans un magasin spécialisé du coin qui faisait une promotion sur les chambres à coucher. La clarté vert-jaune émise par les aiguilles phosphorescentes du cadran horaire était suffisante pour distinguer les renflements sur le lit. La forme proche du radioréveil remua doucement, se retournant vers le cadran pour apercevoir l’heure : 4 heure 05 ! Une nouvelle journée commençait après une trop brève nuit. Une main toucha la lampe-touche et une lumière inonda la chambre. Une deuxième tête émergea du drap bleu-cobalt à points blancs. La jeune femme cligna des yeux, se redressa un peu laissant apparaître un sein blanc et rond mais bien planté. La douce vision ne fit aucun effet sur l’homme qui s’extirpa du lit en baillant, enfila des babouches rapportées de leur dernier voyage en Tunisie avec son comité d’entreprise, se rendit dans les toilettes, ne tira pas 28 la chasse d’eau pour ne pas faire de bruit, revint dans la chambre, commença à rassembler lentement ses vêtements éparpillés sur une chaise, le dosseret du lit et sur la carpette et sortit, habillé de sa nudité de la pièce pour pénétrer dans la salle de bains avec tous ses effets sous le bras. Quelques instants plus tard le léger bruit de l’eau et d’éclaboussures indiqua qu’il prenait une douche. Elle était fraîche car il fallait qu’il se réveille tout à fait avant de prendre la route. Il sortit de la cabine, se rasa avec une lame sans mousse : il n’utilisait le Braun tout neuf que le week-end et les jours de repos. Il devait faire le moins de bruit possible pour surtout, ne pas réveiller sa petite fille de presque trois ans qui dormait dans la chambre située prés de la sienne avec la porte entrouverte. En fait, il était persuadé qu’elle attendait son départ pour se lever et se glisser tout contre sa mère ! De plus dans son HLM, il fallait veiller à tout car l’insonorisation était loin d’être simplement acceptable. Il ne mettait pas en route la machine à laver quand il faisait l’amour non par fainéantise mais parce qu’il ne le faisait pas souvent. Il pesta quand la goutte de sang coula sur la joue. L’après-rasage piqua. Il s’habilla, sortit de la salle de bains, jeta un œil dans la chambre mais savait que sa femme était déjà retombée dans son sommeil... Il toucha une fois la lampe de chevet pour plonger la pièce dans l’obscurité. Dans la cuisine, il remplit d’eau du robinet la partie basse de la cafetière italienne. Il mit le café moulu dans le logement prévu à cet effet, ajouta quelques grains de chicorée Leroux. Il plaça l’ensemble au dessus de l’eau puis vissa la partie supérieure. Il alluma le petit feu de la gazinière avec un allume-gaz piezo et déposa la cafetière. Il sortit une tasse du placard et y mit un sucre numéro quatre et une cuillère à café. Il grilla lentement une cigarette tout en regardant le parking par la fenêtre ouverte de sa cuisine, au quatrième sans ascenseur. Il pleuvait. Quand l’eau chaude grimpa dans la colonne, elle traversa le mélange café-chicorée et se retrouva dans le compartiment supérieur. Il versa le liquide sombre et brulant dans sa tasse. Il touilla le précieux mélange puis il vida d’un trait la tasse. Nicole ne comprenait pas comment il pouvait avaler un café aussi chaud. Il passa la tasse sous le robinet et la rinça soigneusement, puis l’essuya avant de la remettre à sa place, tout comme la petite cuillère, et le sucrier. Il restait suffisamment de café pour son épouse qui utiliserait un maxi bol. Il était 4 heure 40. Il ouvrit le réfrigérateur et se composa un sandwich avec ce qu’il trouva : deux tranches de fromage à raclettes avec une rondelle de bacon et 29 un cornichon. Mais, il n’était pas difficile et il pouvait utiliser n’importe quel reste de nourriture. Il le mit dans du papier aluminium le glissa dans un porte document avec une petite bouteille d’eau du robinet. Il alla déposer un baiser sur la joue de sa femme vraiment jolie, qui ne se réveilla pas, remonta le drap sur le sein pour le cacher, revint vers la cuisine, regarda à la fenêtre une dernière fois le parking éclairé par des lampadaires : il ne pleuvait plus. Il mit son veston et quitta son appartement situé au quatrième sans ascenseur. Il était à peine cinq heures et le jour se lèverait dans une paire d’heures. On était fin novembre. Une nouvelle journée de travail commençait par ce rite immuable, une semaine sur deux. L’autre semaine, il travaillait à partir de midi et demi. La voiture, une 204 Peugeot, traction avant de 6CV, démarra au quart de tour comme d’habitude et par tous les temps bien qu’elle restait toujours dehors. Il avait un CAP de mécanique automobile qu’il avait obtenu quand il était devenu apprenti chez le garagiste de son père. en revenant de l’armée. Il avait séjourné presque un an en Algérie dans les Aurès, prés de Batna avec de fréquentes opérations dans le Djebel Chelia. Il avait abandonné la mécanique auto plus tard pour intégrer une usine de montage de batteries industrielles. C’était mieux payé, avec des horaires fixes, moins salissant et avec des promotions possibles et comme il venait de tomber amoureux de Nicole qui allait devenir sa femme. C’était le pied ! La voiture de sa femme avait un garage situé sur le parking à quelques dizaines de mètres. C’est elle qui conduisait leur fille à l’école maternelle située de l’autre coté de la ville prés de ses beaux parents. Sa femme travaillait dans un Collège au secrétariat et restait à la cantine le midi. Sa belle mère récupérait sa petite fille vers 11 h 25 et la gardait jusqu’au soir. Léa n’allait à l’école que le matin. Il mit la radio, alluma sa seconde cigarette. Il n’avait pas le droit de fumer dans l’appartement à cause des odeurs et Nicole faisait de l’asthme ! Il écoutait les dernières nouvelles, se concentrant sur la conduite : il était toujours étonné de la circulation d’aussi bonne heure. Il n’était pas le seul à mener cette vie de dingue. Pour une fois tous les feux étaient au vert et il se retrouva rapidement devant son entreprise. Une très grosse boîte de fabrication et montage de batteries industrielles de type stationnaires. Il introduisit son badge dans la borne. La barrière se leva sous l’œil du gardien. Il reprit son badge et alla se garer sur le parking réservé : il était assez fier de 30 voir son nom marqué sur le panneau fixé sur le muret devant le capot. Ils étaient plus de quatre cents salariés dans cette boite anglaise et les premiers en Europe. Il pointa, et dans le vestiaire endossa une blouse blanche avant de gagner l’atelier de montage. Il était chef d’équipe et dirigeait une dizaine de femmes et trois hommes de plus de quarante ans. Il se devait d’être le premier sur la chaîne de montage, de donner l’exemple. Avec ses trente deux ans il était un jeune loup ambitieux ou “ un jeune cadre dynamique”, c’est selon... Certains éléments étaient fabriqués dans un autre atelier spécialement équipé car la manipulation d’acide pouvait occasionner des pollutions à la nappe phréatique. D’autres pièces venaient par semi-remorque de 38 tonnes de la maison mère située prés de Birmingham au nord de Londres. Il surveillait les différents postes de travail de la chaîne, veillait à son alimentation, intervenait quand un incident se produisait. Il était capable de remplacer n’importe qui depuis la réception des plaques de plomb, leur mise place avec des gabarits, l’expédition par tapis roulants vers les monteuses qui unissaient les plaques positives et négatives à l’aide de peignes spéciaux en acier. La partie supérieure des plaques qui dépassaient des peignes étaient fondues ce qui unissaient les plaques. Il ne restait qu’à disposer le lourd assemblage dans un bac à batterie en plastique puis à contrôler l’ensemble. Il fallait éliminer les boulettes de plomb qui créaient des courts circuits, ou les coulures voire les remontées de séparateurs. Si tout était correct ce qui était la réalité quatre vingt dix neuf fois sur cent, on pouvait souder les différents éléments à travers le bac préalablement percé, puis on posait le couvercle et encore des soudures entre les bornes de la batterie. Des tests, la pose des bouchons, l’étiquetage, l’emballage de cette batterie sèche qui faisait son poids et qui serait stockée sur des palettes avant expédition chez les concessionnaires agréés. Les hommes intervenaient en fin de cycle quand la force physique répétitive était nécessaire : ils transportaient plusieurs tonnes par jour ! Jean-Marc gérait son équipe avec le sourire même quand il rouspétait lors d’une absence toujours imprévue ou une demande de congé de dernière minute pour résoudre un problème familial. Et avec des femmes jeunes donc avec des enfants également très jeunes, les motifs “valables” ne manquaient pas. Alors son bel organigramme était modifié. Il ne savait rien refuser à ses jolies nénettes qui lui renvoyaient l’ascenseur quand il y avait 31 un coup de feu. Où il était intransigeant, c’était sur la sécurité et il pourchassait celui ou celle qui ne mettait pas ses gants, ses chaussures de sécurité, les lunettes pour souder : un doigt coupé ne repousse pas, un œil brûlé par l’acide ne se remplace pas ! Ce qu’il n’aimait pas comme tout le monde, c’était la prise de sang régulière qu’il devait subir pour prévenir le saturnisme ! Vers midi et demi, c’était le changement d’équipe. Il prenait son repas à la cantine avant de rentrer chez lui et de faire une sieste. Il se tenait au courant de ce qui se passait prés de chez lui, dans la région et dans le monde en lisant l’édition locale de La Voix du Nord. Il entretenait sa voiture sur le parking prés du garage de sa femme quand il faisait beau, sinon il regardait la télévision. Il entretenait aussi la propriété de ses beaux parents. Perché sur une échelle, il taillait les haies des troènes au moins trois fois par an, s’occupait de la tonte des huit cents mères carrés de pelouse tous les dix jours environ à la belle saison. “Joli-Beau-Papa” ne pouvait plus effectuer ce genre d’activités après de nombreuses années passées au fond de la mine prés de Lens. Il était vite essoufflé. La silicose était la mauvaise compagne du mineur. Nicole, jolie, pimpante et toujours souriante arrivait vers 17 heure et ils rentraient dans leur trois pièces au quatrième sans ascenseur. Nicole s’occupait de Léa, espiègle ou infernale selon les jours, jamais fatiguée bien qu’elle ne faisait pas de sieste chez sa mamie. Ensuite Nicole s’occupait du repas du soir et parfois, trop rarement à son gré, de lui. La sonnerie du téléphone retentit pendant le souper qui consistait en croque-monsieurs réalisés à la poêle. C’est Nicole qui décrocha le combiné. Au bout de quelques instants elle mit le haut parleur pour que Jean-Marc puisse entendre. - ...... Madame Letailleur, suite à notre dernière rencontre, je pense pouvoir vous donner une réponse positive. Notre Société a un projet à Achicourt, à quelques kilomètres d’Arras. - Mon mari écoute et me fait signe qu’il est intéressé. On peut se voir.? - Mais tout à fait. On convient d’un rendez-vous ce samedi ? - Ce samedi on va chez mon frère sur Lille. Un autre jour ? - Proposer, je suis à votre disposition. - Mon mari est d’après-midi la semaine prochaine. Vendredi vers 15 h ? - Je consulte mon emploi du temps, je vous demande quelques instants... Jean-Marc s’était levé de table et se trouvait tout contre sa femme, excitée au 32 possible. - Madame Letailleur ? - Oui. - C’est entendu pour vendredi prochain vers 15h chez vous. - A vendredi alors. Bonne soirée. - Vous de même. Jean-Marc et Nicole s’embrassèrent longuement. Ils allaient acheter une maison rien qu’à eux. Ils allaient quitter leur trois pièces au quatrième sans ascenseur, enfin. Ils étaient de nouveau à table quand la sonnerie du téléphone retentit de nouveau. Cette fois, c’est lui qui se leva et décrocha le combiné. - Je suis bien chez Monsieur Jean-Marc Letailleur ? Demanda une voix au bout de la ligne. - Oui, c’est bien moi. Qui est à l’appareil, à qui ai-je l’honneur ? Il sourit, étonné et amusé de la tournure de sa phrase. - Vous ne me connaissez pas mais nous avons un ami commun qui m’a parlé de vous, en bien naturellement. - Quel est son nom? - Michel, Michel Delattre. Il travaille avec vous, je crois. Jean-Marc connaissait effectivement un Michel Delattre à l’usine, mais il travaillait à la réception des pièces venues de la maison mère. Il ne lui avait jamais vraiment adressé la parole. Echangé des banalités, partagé un café avec d’autres oui, sans doute, à la cantine... - Je connais de nom, mais on ne peut pas dire que c’est un ami. Une relation de travail, et encore. Nous sommes plus de quatre cents salariés dans la boîte. - J’avais cru comprendre le contraire. Il m’avait cité votre nom quand il m’a prévenu qu’il ne pouvait pas m’accompagner à la chasse, ce dimanche. “Si tu lui téléphones, il va être intéressé”, qu’il m’a dit. Ce n’est pas grave, je vais remettre cette chasse puisque vous n’êtes pas partant... - Attendez, c’est si inattendu, vous me prenez au dépourvu. Je dois réfléchir à mon programme pour ce week-end. Je vais chez mon beau-frère sur Lens et on va voir un match de foot. - Vous allez voir Lens-Nantes... - Oui, vous êtes supporter? - Non, pas vraiment. Je serai plus pour le LOSC, mais c’est une belle rencontre en perspective. 33 - Et dimanche midi, je vais manger chez mes beaux parents. Ils devaient préparer le réveillon de Noël. où ils seraient une quinzaine avec les trois sœurs mariées de Nicole, les beaux frères, et tous les enfants. - Vous y serez, si vous venez chasser. Pas de problème. Que décidez-vous ? reprit la voix inconnue et chaleureuse au bout du fil. - Et c’est loin d’ici ? - Une vingtaine de kilomètres d’Arras, du côté de Croisilles. - Croisilles ? Comme c’est curieux. Ma Société de chasse s’y trouve. Vous avez un droit de chasse sur le secteur. vous aussi ? - Non, mais Michel m’a procuré une carte d’invité. - Maintenant que vous me le dites, je crois l’avoir rencontré l’an passé lors d’une battue au sanglier. On se donne rendez-vous à quelle heure ? - Vers sept heures et demi ? - D’accord ! Où précisément ? - Comme vous semblez bien connaître le coin, vous dépasser Croisilles en venant de Beaurains, et vous tournez à droite à la première route. C’est une route vicinale. Il y a un calvaire un peu plus loin. Je serai-là. Je viens de Bapaume. - Et votre nom ? - Il ne vous dira rien. Je serai là. Alors à dimanche. - Et si jamais, j’ai un empêchement. de dernière minute... Vous avez un numéro où on peut vous joindre ? - A dimanche. La météo prévoit du beau temps et si vous n’êtes pas là, j’aurai pris un bon bol d’air. Et l’inconnu coupa la communication. - Quel Week-end en perspective, ma chérie. D’abord une maison, le foot avec ton beau-frère, maintenant une chasse, puis un bon repas avec tes parents... - Alors tu vas aller à la chasse ? Demanda Nicole. - Naturellement ! Mon matériel est toujours prêt car une invitation de dernière minute peut toujours arriver. La preuve. Tu n’es pas fâchée ? - Non, non. Tu seras là vers midi ? - Aucun problème ! C’est une occasion incroyable, qui ne se reproduira pas de sitôt. Un type que je connais à peine mais qui appartient à la même société de chasse que moi , donne mon nom, pour le remplacer à un inconnu . Va falloir que je vois ce Delattre pour tirer au clair cette histoire. 34 Bon, en attendant, je crois que je vais ouvrir une bouteille de champagne. Couche toi, ma chérie. J’apporte deux coupes avec les bulles et que la nuit soit belle. - Et si cet inconnu ne vient pas ? - Je crois savoir où on doit se rencontrer. Le calvaire doit se trouver prés de la ferme d’Hervé. - Hervé ? - Hervé Méquignon, un copain de mon grand-père et de mon père. Naturellement il était jeune à cette époque. Ils ont du chasser aussi dans les bals de campagne. J’irai tiré quelques cartouches au pire seul et ensuite j’irai me faire “payer une bistouille “ chez Hervé qui est à la retraite. Quand Nicole gagna la chambre à coucher, Jean-Jacques arriva quelques instants plus tard portant un plateau sur lequel étaient posées deux flûtes et une demie bouteille de champagne. - Pour la maison ! décréta Jean-Jacques - C’est une merveilleuse nouvelle, renchérit-elle. Après deux coupes chacun, il posa le tout sur le sol, se coucha puis éteignit la lumière. Il se colla tout contre sa femme qui portait jusqu’au niveau des genoux une chemise de nuit en pilou imprimé de motifs bleus. Il l’enlaça et sa main se posa sur un sein bien protégé par le textile en coton pelucheux. Il se mit à passer d’une bosse à l’autre, s’attardant quelque peu sur ce qui devait être la pointe. Comme elle ne disait ni ne faisait rien pour mettre un terme au rapprochement, il quitta la poitrine pour saisir délicatement son genou puis sa main passa sous la cotonnade, glissa sur l’intérieur des cuisses presque jointes, arriva à l’aine, remontant par là même la chemise de nuit. Il tourna autour de son objectif principal et remonta coté cœur. Celui-ci battait à peine plus vite. Il retrouva un mamelon qu’il agaça suffisamment pour obtenir un durcissement, puis passa sur l’autre. Avec la paume, il poursuivit sa caresse circulaire. Quand les deux seins prirent du volume avec leurs extrémités qui dardaient, il posa ses lèvres sur une pointe et poursuivit la caresse avec sa langue tandis que sa main descendait par petites touches vers le pubis puis le nid d’amour. Nicole ne bougeait pas franchement mais il ressentait des frissonnements. L’index commença à caresser les grandes lèvres puis forçant un peu trouva le clitoris humide. Celui-ci gagna en volume et dureté. Une jambe se plia et s’écarta 35 comme pour signifiait qu’on pouvait aller plus loin... Il attendait ce signal. Il quitta les seins, glissa vivement et déposa un long baiser sur le clitoris. Elle gémit doucement et posa une main sur sa poitrine et la seconde dans les cheveux de Jean-Marc qui était maintenant allongé entre ses jambes repliées. Il titillait le clitoris doucement avec sa langue dure. Il savait que ses mains ne feraient pas plus. Son sexe était turgescent, affamé. Il quitta à regret sa position, remonta pour qu’il puisse investir son paradis. Il maintint une jambe relevée, enjamba l’autre et quand il fut en elle, il savait que son membre lors des va et vient caressait et agaçait tout son sexe... L’explosion ne tarda pas et il ne put retenir un cri contenu qui s’éternisa... Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas joui ainsi. Nicole n’avait plus très envie de faire l’amour depuis la naissance de sa fille... Cela faisait un certain temps qu’il était frustré car si pendant la grossesse c‘était carrément « niet«, depuis il pouvait compter sur les doigts des deux mains et des pieds le nombre de fois où elle acceptait son étreinte tout en restant passive... Elle refusait même tout préliminaire. Elle écartait les jambes et attendait que cela se passe. Avant sa grossesse, elle était différente et était même très demandeuse. Un mauvais moment à passer sans doute ! Il devait faire preuve de patience, de beaucoup de patience. Elle devait faire la dépression post partum pensait-il ! Ce soir était exceptionnel. Vraiment exceptionnel ! Il en avait bien profité. C’est toujours meilleur quand on ne s’y attend pas. De ce fait, la nuit fut belle, très belle, agitée dans tous les sens du terme et pleines de rêves. Léa fut sage, ne se réveilla pas et laissa ses parents sur un nuage rose car le week-end de sa mère se présentait aussi sous les meilleures hospices : une maison sûrement, une bonne soirée avec sa sœur aînée, qui était un peu sa deuxième maman, et la mise en place du réveillon... . Le samedi matin, il accompagna Nicole et Léa au marché d’Arras sur la Grand Place puis à Delta, une grande surface commerciale sur la route de Doullens. Il prenait plaisir à sortir ses deux femmes et à pousser le caddie, suivant docilement, complétant les achats parfois, attendant dans l’allée centrale quand ses femmes fouinaient dans les rayons vestimentaires car Léa malgré ses trois ans n’était pas la dernière à savoir ce qu’elle voulait. Il passa le début de l’après-midi à préparer son matériel de chasse. Il avait un faible pour son Robust, fusil à deux coups calibre douze de chez 36 Manufrance offert par son grand père pour ses seize ans. Il plia sa casquette plate forme anglaise, un pantalon Leder en toile vert-olive avec des renforts aux genoux cousus par sa mère, une ceinture cartouchière qui était complète, des bottes en caoutchouc verte avec une fermeture à glissière qui sont plus facile à enlever surtout quand on est seul et qu’on ne conduit pas avec, une vieille musette en toile qui venait aussi de son grand père très pratique avec son grand compartiment, deux poches sur le coté, un rabat et une sangle large pour la porter, une deuxième paire de chaussette et en dernier une veste Leder vert-olive avec plein de poches. Il prépara une dague au manche en os dans son étui, le porte cartes qui contenait son permis et son droit de chasse ainsi que divers documents préfectoraux relatifs à son passe-temps. Puis direction Lens pour la famille avec en prime le soir, une sortie au stade Bollaert. C’était en plus l’inauguration de la nouvelle tribune Henri Trannin dans un vieux stade que Félix Bollaert, polytechnicien très estimé à la tête du Conseil d’administration de la Société des Mines fera construire par des mineurs-chômeurs, puis mettra à la disposition du club en 1934. Il appréciait son beau frère et les sorties entre hommes. Ils se contenteraient de sandwichs au pâté et au jambon avec une canette parce qu’il fallait arriver de bonne heure pour trouver une place de parking prés de l’entrée et aussi dans les tribunes où il n’étaient pas question de rester le ventre vide. Les douze mille places de la nouvelle tribune étaient occupées comme toutes les autres. Heureusement, Maurice, mon “Beauf”, supporter depuis toujours avait réservé ses places. Son prénom n’avait pas été choisi au hasard par son père. C’était celui d’un vieux copain qui s’appelait Carton et qui était devenu Président du premier club de supporter du Racing, décédé malheureusement en 1964. D’ailleurs le Club des Sangs et Or donnera son nom à la rue qui permet d’accéder à ce “Temple” du football. Dans une ambiance qui était toujours extraordinaire, les équipes se partagèrent les points sur le score de 1 à 1 mais c’était un détail donc pas important... Le retour se passa sans problème chez les Atrébates. Il écouta les informations sportives de la soirée avant d’aller se coucher. Il vérifia l’heure à laquelle il devait se réveiller pour aller à la chasse et se coula contre le 37 corps chaud de Nicole qui dormait déjà. Il posa sa main sur son genou et remonta sous la courte chemise de nuit. - On dort ! dit-elle dans son sommeil, en retirant sa main qui atteignant la cuisse chaude. Il n’insista pas et posa sa main sur sa poitrine. “Dommage” se dit-il, cela aurait été trop beau, deux nuits de suite. Cela n’était pas arrivé depuis son mariage avant la découverte de sa grossesse. Fallait penser à la chasse, maintenant ! Son sommeil fut peuplé de buts incroyables, de tableaux de chasses impressionnants et de maisons plus belles les unes que les autres... Dans son dernier rêve, le coup de fusil était en fait le radio réveil qui se mettait en marche. Il se leva tout de suite après avoir jeté un regard sur le cadran. Il quitta son appartement au quatrième sans ascenseur après le rituel matinal. Hervé Méquignon, cultivateur de 68 ans, célibataire endurci, couche tard et lève tôt, se rasait avec un rasoir électrique tout en écoutant la radio située dans la cuisine. Il était huit heures vingt quand il ouvrit la porte et se dirigea vers le poste pour baisser le volume sonore. Il se servit une nouvelle tasse de café et l’avala tout en caressant le chat noir qui se trouvait sur l’autre chaise muni d’un coussin. Il y avait deux autres chats blottis l’un contre l’autre sur un fauteuil en rotin : la mère et le jeune qu’il avait épargné. Il se leva, mit une grosse veste en mouton retourné avachi puis sortit pour faire le tour de la ferme comme d’habitude. Après avoir vérifié que l’étable désaffectée mais reconvertie en hangar rempli de matériel agricole, était bien fermée, il décida de poursuivre son inspection en se dirigeant vers les champs. Dés qu’il avait mis le nez dehors, il avait su que ce dimanche allait être une journée faîte pour la chasse. En cette saison, les Nemrods s’aventuraient sur ses terres. Il s’en moquait mais il n’aimait pas que ses bâtiments de ferme soit la cible d’inconscients. Il avait déjà retrouvé des plombs dans sa porte d’entrée et plus d’une poule ou canards avaient fait les frais de tirs manqués, pas pour tout le monde même si ces volailles 38 terminaient leur existence dans son assiette, ou le congélateur plus tôt que prévu. N’empêche, il n’aimait pas les tireurs indélicats. Il avançait vers la pâture située à coté du petit bois et l’ancien champ de maïs, refuge des faisans, perdrix grises, gibier à plumes et à poils car il savait qu’il y avait des sangliers et des chevreuils sans compter les lapins. Des nappes de brume s’accrochaient çà et là aux branches décharnées créant des formes fantastiques, et noyaient certains coins de son domaine. Il avait légèrement rimé et il fut surpris quand il vit surgir de la brume un inconnu qui courait vers lui. - A l‘aide ! Au secours ! criait-il a en perdre haleine. - Que se passe-t-il, répondit d’une voix forte le paysan ? - Un accident... Il est mort ! dit l’homme en s’arrêtant au contact d’Hervé, essoufflé et environné de vapeur due à sa respiration saccadée. - Où ? - Là bas ! Il montrait le bois en tendant le bras - Allez devant moi. Je vous suis... Il est peut être seulement blessé. Hervé suivit l’inconnu qui courait devant lui, entouré d’un panache de vapeur, tout comme lui... Il faisait frisquet ce matin. Il ne discerna pas tout de suite la silhouette allongée et immobile prés de la clôture. En se rapprochant il vit la position grotesque de la forme humaine. Le corps était sur le premier fil de fer barbelé, le visage reposant sur le sol durci, la main tenait encore le canon du fusil. La crosse n’était pas pliée. « L’imbécile, il a voulu passer entre les deux fils de fer barbelé, en s’aidant de son fusil comme d’un appui telle une canne. Le fusil a glissé sur le sol gelé et le coup est parti. Le maximum d’imprudence » pensa le paysan. - Il a voulu passer sous le barbelé en s’aidant de son fusil et le coup est parti... Laissa tomber le chasseur inconnu. - Le pauvre est mort en effet et je le connais en plus, ajouta Hervé Méquignon. - On retourne à la ferme et on donne l’alerte, poursuivit-il. La 403 de la gendarmerie arriva et se gara dans la cour principale devant la partie habitée. Hervé attendait sur le pas de la porte, avec l’inconnu à ses côtés. Les trois gendarmes descendirent et saluèrent. La voiture du médecin pénétra dans la ferme à son tour et se gara à coté de la voiture des gendarmes. C'était le médecin de Croisilles. Il sortit de sa 39 voiture et rejoignit le groupe. Tout le monde se connaissait sauf l‘homme qui avait donné l‘alerte. - Bon, dit Hervé, suivez-moi, c’est derrière les hangars prés du petit bois. Je n’ai touché à rien. Il a voulu passer sous les barbelés en s’aidant de son fusil, le coup est parti et l’a atteint en pleine poitrine. Il est mort sur le coup. Ce monsieur était avec lui, en montrant le chasseur à côté de lui. - Vous avez entendu un coup de fusil ? demanda l’adjudant. - Rien. - Vous étiez chez vous pourtant ? - Oui, mais j’étais sûrement dans la salle de bains. Et je mets la radio à fond pour entendre la météo et les informations. - Pourquoi à fond ? - Il ne fait pas chaud. Je ferme la porte et j’utilise un chauffage électrique... On arrive. C’est là-bas. Il pointa sa main vers la clôture. Il faisait suffisamment clair maintenant pour distinguer une forme allongée en faisant comme un dos-d’âne. Le médecin s’approcha du corps et tâta le pouls, puis releva un peu la tête. - Merde, cria-t-il, c’est Jean-Marc. - Mais oui, Letailleur, Jean-Marc Letailleur, ajouta le militaire. Que s’est-il passé ? Il connaît le coin pourtant ! - Négligence, due à l’habitude, laissa tomber le paysan. C’est ma foi vrai qu’il connaissait bien le secteur. Son grand père avait une ferme pas loin avant guerre. Son fils unique a tout laissé tomber et est entré à la DDE. Il continuait à chasser par ici seul, car c’était un ours. Puis avec son gamin. Il devait lui ressembler ! - Alors docteur ? demanda l’adjudant, quand le docteur eut examiné rapidement la victime. - La décharge à bout portant ne lui a laissé aucune chance. La mort a été instantanée. - A quelle heure est-ce arrivée ? Demanda le gendarme au second chasseur qui avait repris des couleurs.? - Je dirai vers les 8 heures, répondit celui-ci - Vous étiez avec lui ? Comment ça c’est passé ? Demanda le gradé, l’air inquisiteur. -Non, je venais de me garer, près de sa voiture. J’appartiens au même comité de chasse. Je connais bien Jean-Marc. j’ignorais qu’il devais venir ce matin. Je lui ai parlé mardi soir lors de la réunion du comité et il avait un week 40 end chargé en famille. Il n’y avait pas de chasse prévue dans son emploi du temps. - Que faites vous là, dans ce cas ? - J’attendais l’arrivée de deux amis et je me préparais. Quand j’ai entendu la détonation, je me suis avancé pour voir qui était en train de chasser. J’ai d’abord cru que j’étais en retard. Quand je me suis approché, j’ai tout de suite compris qu’un grave accident venait de se produire. J'ai donné l’alerte chez Hervé. . Deux gendarmes dégagèrent le cadavre et ôtèrent la casquette qui couvrait le visage. Celui-ci marquait l’étonnement. L’un d’entre eux fouilla les poches et tendit le trousseau de clés situé dans la première et qu’il tendit à son chef. Dans la deuxième poche il trouva un portefeuille, qu’il donna également, au sous-officier qui le consulta rapidement : la carte d’identité, le permis de conduire, des photos, de l’argent, la carte d’électeur, la carte de donneur de sang, des cartes de visites, la carte de sécurité sociale, le permis de conduire, la carte grise et une carte d’entreprise... -. Vous êtes bien passés par le champ de mais coupé ? Demanda le gradé au chasseur. - Tout à fait. Il y avait une voiture garée prés du calvaire et la mienne est juste derrière. - Vous venez d’où.? - De Croisilles. Deux autres copains devaient venir. D'ailleurs ils arrivent, dit le chasseur en montrant ces derniers. - Vous étiez derrière lui quand c’est arrivé ? - Non, je venais d’arriver, je venais de mettre mes bottes quand j’ai entendu la détonation. Il était seul et à voulu passer sous le fil de fer barbelé. Je ne vois pas d’autre explication ! - Comment peut-on faire une telle connerie, dit Hervé ! - Surtout que Jean-Jacques n’était pas un bleu. Mais c’était un solitaire. Quand on est seul, on commet des imprudences impensables. -- Pas à ce point, déclara le gradé. Il n’y a pas de mot pour qualifier une telle imprudence... Pas de mot ! Deux infirmiers arrivèrent avec une civière accompagné du troisième gendarme. Après avoir salué les personnes présentes, ils s’occupèrent de la victime, après avoir eu le feu vert, du militaire qui avait fait les constatations d‘usage et retranscrit sur le procès verbal, les circonstances de ce drame désolant. 41 Le cortège funèbre regagna la ferme. L’ambulance emporta le cadavre, suivi par le toubib, qui était demandé ailleurs. Hervé Méquignon proposa un café chaud aux gendarmes et aux trois chasseurs marqués par l’accident de leur ami. Ils acceptèrent sans se faire prier le café et un cognac. Le froid était toujours vif et ils avaient tous besoin d‘une boisson chaude pour les remonter. Ce fut l’occasion de se remémorer les événements qui avaient conduits à cette tragédie qui n’aurait jamais due se produire. - Quand je l’ai aperçu, j’ai tout de suite compris ce qui s’était passé, dit le paysan. - La décharge a atteint le chasseur en pleine poitrine, le tuant sur le coup. A bout portant, cela ne pardonne pas. C’était un accident stupide comme il en arrive chaque année, pendant la saison de chasse. Ce n’était pas le premier et ce ne serait pas le dernier. Les trois gendarmes, les chasseurs et le paysan épiloguaient parlant des imprudences toujours répétées malgré les mises en garde et les campagnes de sensibilisation. Le gradé, une fois réchauffé, tendit les clés de la GS Citroën à l’un de ses subordonnés. - Bien tu vas rapporter la voiture à la brigade. Quant à nous, nous avons un sale boulot à faire. Faut aller prévenir sa femme... Le soleil pointait dans un ciel rougeâtre. La brume s’évanouissait. Ce serait un beau dimanche et sec. - Allez, direction Arras, lotissement des Blancs Monts. A quelques semaines de Noël, Jean-Marc Letailleur, ta connerie va jeter le malheur sur une famille et vu ton âge, ça va faire une jeune veuve et une orpheline. - C’est le deuxième accident mortel dans la région. après celui de Renty prés de Fauquembergues. La victime a été confondue avec un sanglier, déclara Hervé pour conclure. - On a oublié, un chasseur à la hutte dans la baie d’Authie, prés de Fort Mahon, qui s’est noyé en voulant récupérer un canard qu‘il avait abattu, reprit le gendarme qui montait dans la Peugeot bleue-nuit pour prendre le volant. - C’est qu’ils ont la gâchette facile maintenant. Ils tirent sans réfléchir ni prendre de précautions pensa tout haut l’un des chasseurs qui n’était pas prêt d’oublier cette journée. 42 - Malheur à celui qui se trouve dans la ligne de mire ! Dit Hervé. - Mieux vaut chasser autre chose, hein Hervé, ajouta avec un large sourire le gradé qui connaissait la renommée du cultivateur. - Sur, dit Hervé, c’est une forme de chasse, tout aussi agréable sinon plus, et sans danger ! - Sauf le cœur, ajouta le conducteur du véhicule de gendarmerie. C’est sur un éclat de rire général que tout le monde se quitta. Les gendarmes prirent la route d’Arras pour accomplir leur triste mission. Quant à Hervé, il rentra chez lui et avala d’un trait un second cognac. Il avait besoin d’un véritable remontant. Le soleil dispensait une certaine chaleur maintenant. La brume avait totalement disparu. Trois biches sortirent du petit bois quelques instants puis disparurent à l’intérieur des fourrés protecteurs. Elles avaient assisté à toute la scène avant même le drame. La plus vieille avait vu l‘homme qui approchait. Il portait un long bâton qui tonnait comme la foudre et qui annonçait la mort. Elle avait vu sa mère s’écrouler et rougir de sang en l‘exhortant de fuir et de l‘abandonner. Elle avait reconnu le porteur de foudre et de mort et quand il a glissé alors qu’il franchissait la clôture en fil de fer barbelé, elle l’a vu quand il a cherché à ne pas tomber en s’appuyant sur le bâton qui n’était plus cassé. Il y a eu la foudre puis l’homme a tressauté avant de s’affaler. Il y avait plein d’hommes maintenant dont celui qui vivait à cet endroit. Mais c’était une histoire d’hommes ! Pour une fois où elles n’étaient pas les cibles ! Les trois biches firent demi tour et s’enfoncèrent dans le bois... 4... Emilie. Il était dix heures en ce dernier dimanche de février qui était frisquet et plus de sept cent cinquante machines quittèrent le parc d’assistance fermé situé au Palais de l’Europe au Touquet et prirent la direction de la plage. Quand il avait vu son meilleur copain descendre l’étroite rue Saint Jean, l’artère principale de la ville qui amplifiait les vrombissements des moteurs, il se rappela qu’il avait fait de même, il y avait déjà un an ! 43 Il y avait des Belges, venus nombreux et en voisins, des Allemands, quelques Espagnol, et des Français venus de tout l’Hexagone. Il remarqua même un side-car britannique pas du tout adapté à cette épreuve éprouvante pour les hommes et les engins. Mais ce troisième Enduro des Sables du Touquet étant la fête de la moto, le folklore se devait d’être présent. Les machines enveloppées d’un nuage gris-bleu généré par les moteurs allaient s’élancer pour la première manche de ce troisième Enduro des sables dans un vacarme assourdissant. Sur la ligne de départ, se trouvaient les As comme Jean-Claude Olivier, Christian Rayer et son frère Alain, Rudy Potisek, Gilles Francru, Daniel Péan, Patrick Drobecq, Serge Bacou, Jacques Vernier... Et les “poireaux” qu’étaient les amateurs inconscients qui escomptaient damer le pions aux champions. Tous étaient presque sur la même ligne et après l‘envolée grandiose qui menait tous ces bolides au bout d’une longue ligne droite vers le “Goulet”, étroit passage, situé en haut d’une côte qui permettait de quitter la plage puis revenir au point de départ au travers des dunes, bien des candidats restèrent plantés, moteurs noyés, dans les bâches traîtresses. Pour les moins rapides, l’autre piège était représenté par ce “Goulet” où ils s’engluaient sans espoir de repartir. Mais pour eux, l’important était de participer et pouvoir fièrement dire “j’ai fait l’Enduro des Sables du Touquet”. Cela ferait bien sur une carte de visite ! Naturellement, il fallait venir en groupe car il n’était pas question de repartir avec sa machine ! Celle-ci pouvait trop souffrir des projections de sable et d’eau salée qui s’infiltrait partout, des chocs, et des chutes. Il faudra démonter, nettoyer toute la moto avant de pouvoir rouler de nouveau sur les routes sans problème. Ils étaient cinq dans leur groupe, habitants relativement prés les uns des autres. Ils étaient venu ensemble au premier Enduro pour voir, par curiosité. Cela avait plu à Rémi, Julien, Sylvain, Pierre et Maxime. Ils avaient décidé de participer aux autres éditions à tour de rôle. L’an passé Max avait gagné ce droit. Il avait remporte la partie de tarot qui était le critère retenu... La moto personnelle était préparée par le groupe, amenée dans un fourgon Citroën spécialement aménagée en atelier et le transport. Il avait été racheté en commun et pas cher au père de Rémi, cultivateur sur Tilques, prés de Saint-Omer. Il avait toujours sa Dream 250 de chez Honda, acquise 44 également d’occasion en 70 et bichonnée plus qu’une femme ! Julien évita soigneusement les bâches qui attiraient invariablement les novices. Il essaya de conserver sa trajectoire, traçant malgré tout, de bien curieux sillons sur le sable humide et cannelé, comme une tôle ondulée. Il réussit à escalader sans trop de soucis le fameux passage où s’agglutinait une foule de spectateurs avertis et amateurs de sensations fortes. Nombreux étaient ceux qui aidaient les concurrents bloqués dans le sable par les chutes et les bousculades à s’extirper du bouchon impressionnant. Il termina la course au bout de cinq tours sur les huit prévus mais comme sa Yamaha Big Bear avait connu des problèmes mécaniques et qu’il ne voulait pas abîmer davantage sa moto qui était également sa raison de vivre, il préféra abandonner d’autant que ses moyens financiers s’entend, ne lui permettaient pas d’excès. Les cinq amis restèrent pour assister à la deuxième manche. a Les trois cents soixante survivants de la première manche se ruèrent de nouveau pour huit tours et prés de deux heures d’efforts physiques pour l’homme et de souffrances pour la mécanique. La course du matin avait éliminé l’Espagnol Alibes Aymerich sur une Ossa d’usine et presque Drobecq qui avait été déclassé. La lutte restait vive en tête entre la Maïco de Péan, la HQV de Francru, l’IT400 de Potisek, Christian Rayer et Bacou. Potisek, vainqueur le matin devant Francru, devait abandonner comme l’année précédente à cause d’une bougie défaillante alors que la victoire lui était promise. Le Vernonnais Francru bénéficiant de ce coup de pouce du destin et certain de remporter l’épreuve laissa Bacou remporter cette seconde manche pour l’estime. La proclamation du résultat final se fit attendre un peu. Il fallait tenir compte tenu naturellement de la première course du matin et c’est Francru qui se montra le plus régulier et fut proclamé vainqueur de cette troisième édition devant Rayer. Ils restait encore cent soixante rescapés dont le coureur de F1 Jean-Pierre Jarier et le sauteur à la perche Jean Quinon. Ensuite ce fut le podium avec la traditionnelle bouteille de champagne. C’était la liesse et tous les spectateurs ravis se précipitèrent dans toutes les brasseries et cafés situés sur le front de mer et dans les rues adjacentes de l’artère principale. Les cinq amis sauf Rémi qui conduisait le fourgon et était en “civil”, étaient vêtus de cuirs noirs et en rangers achetés dans un surplus de l’armée du côté de Lillers, à Busnes tout comme les sacs de couchages américains. Ils vécurent une fois de plus ce week-end magique devant un chocolat chaud ! Le temps s’écoulait si vite qu’ils 45 s’aperçurent que c’était l’heure de se restaurer. Deux hot-dogs accompagnés d’une pression calmèrent leurs estomac sous un magnifique soleil couchant. La nuit était tombée depuis belle lurette quand les cinq copains, tous trentenaires bien tassés rejoignirent le 800 kilos Citroën et leurs machines. Il était temps de quitter cette cité balnéaire huppée l’été, qui grâce à son maire, Léonce Deprez et Thierry Sabine sortait de sa somnolence hivernale. C’est au moment de se mettre en route alors que Julien dans le fourgon avec Rémi était déjà parti, qu’ « elle » arriva. Les trois amis avaient déjà mis en route leur moteur quand Max croisa son regard. Bien qu’en y réfléchissant, c’était elle qui l’avait accosté en cette fin de dimanche de février. Elle portait un jean délavé et bien serré, des bottes de daim fourrées qui arrivaient sous les genoux, un blouson également en daim presque épais et des longs cheveux bruns. Elle s’approcha de lui. - Je suis de Cambrai. Mon copain m’a plantée. Si vous allez dans cette direction, vous pouvez m’emmener ? - J’habite entre Calais et Saint-Omer ! C’est encore loin de Cambrai et pas vraiment la route, répondit Max sur la réserve. - Vous me laisserez là où vous voudrez, dit-elle, des sanglots dans la voix. Je ne sais où aller. Je ne connais personne ici. Je vous en prie. Dites oui. - Vous n’avez pas trouvé une voiture qui allait vers Arras. Ce serait mieux pour vous. - Non, dit-elle avec sincérité. Vous êtes mon dernier espoir... Les deux amis attendaient, le regard amusé devant cette belle fille en plein désarroi ou en chasse. Aller savoir avec une “nénette” ! Ce qui était sur, c’était qu’elle était vraiment très jolie. Pour le reste, faudrait voir... Max ne s’attendait pas à cette demande et restait sans réaction. Sylvain, l’œil malicieux sortit un casque de ses sacoches et le tendit à la fille qui le saisit et le mit comme si l’affaire était conclue. Maxime était piégé même si c’était un piège agréable à priori ! - Vous n’avez rien pour vos mains ? demanda Max, il ne fait pas chaud et surtout sur une moto et en cette saison ! - J’ai des gants en laine dans une poche de mon blouson. Elle les sortit et les enfila vivement. - Bon, alors dans ce cas, monter, lui dit-il joignant le geste à la parole. tout en levant les yeux au ciel. 46 Ce qu’elle fit, sans autre forme de procès. Malgré l’heure avancée ce fut moins évident que prévu de quitter le Touquet. Le bouchon au pont qui traversait la Canche et qui débouchait sur Etaples n’était pas encore résorbé. Franchis l’obstacle, les trois motards prirent la direction de Montreuil-sur-Mer, évitant la direction de Boulogne-sur-Mer par la D940 trop chargée. Sylvain qui menait le trio ralentit puis mis son clignotant pour indiquer un arrêt à la hauteur de Montreuil au niveau de la Nationale 1. Il ignorait les intentions de Max vis à vis de sa passagère. Celui-ci s’arrêta à sa hauteur. Par geste, Sylvain, un grand sourire aux lèvres lui proposa à droite vers Arras donc Cambrai, ou à gauche vers Boulogne, mais c’était pareil que tout à l’heure ou bien encore tout droit par Fauquembergues donc le bercail ? Max avait du longuement y penser avant d’arriver à cet endroit. Il ne se voyait pas reconduire la belle inconnue qui l’enserrait de ses bras. D’autant qu’elle ne devait pas avoir chaud. La route la plus rapide passait par Saint-Omer puis direction Calais. Il indiqua la route en face. Sylvain avec son dos large de cuir vêtu, aurait parié sa quinzaine que son copain aurait fait ce choix. Il embraya et traversa prudemment la Nationale pour filer vers la cité des choux fleurs ! Durant tout le trajet, elle resta collé à Max, qui la protégeait quelque peu. Quand il s’arrêta dans la descente de Longuenesse, après un cimetière militaire, pour laisser passer des voitures, avant de tourner à gauche, il entendit les battements réguliers comme apaisés de son cœur à “elle”. Son corps souple bougea un peu cherchant une position encore plus protectrice car une pluie fine et glacée commençait à tomber. Une odeur, un parfum lui parvint : son corps ou son imagination. Ils évitèrent la ville des “Dames aux chapeaux verts” et gagnèrent rapidement Tilques, renommée pour ses carottes odorantes. C’est dans ce village qu’habitait Rémi. Il travaillait avec son père sur l’exploitation familiale qui produisait de la Bintje pour les frites, de la carotte parfumée, des petits pois pour Bonduelle, des endives en pleine terre sous des tunnels chauffés et du blé d’hiver sans compter une centaine de poules qui vivaient en liberté et dormaient dans les arbres. Quant à Julien, il habitait une ancienne ferme à Eperlecques avec ses parents, pas très loin du blockhaus extraordinaire construit par des prisonniers de guerre Russes, Polonais, Tchèques, et des opposants politiques Belges, Néerlandais, Italiens avec beaucoup de pertes et qui devait expédier des V1 montés à la Coupole, 47 un autre formidable blockhaus souterrain situé à Wizernes à plus de dix kilomètres de là. Les Nazis voulaient détruire Londres, ce qu’ils n’ont pas eu le temps de faire à cause de bombardements particulièrement sévères en 1945 avec des bombes spéciales de six tonnes. Les Tal boys ne firent qu’ébrécher l’ouvrage mais détruisirent les infrastructures annexes. Son père faisait parti de l’association qui remettait le site en état pour permettre des visites et témoigner. C’est en aidant son père qu’il avait attrapé le virus de la “moto”. Il avait restauré une Puch quatre cylindres quatre temps sans son sidecar fabriquée en Autriche qui avait son embrayage situé dans le moyeu arrière ainsi qu’un deux temps : une RT 125 de DKW. Il travaillait sur la plus puissante centrale nucléaire d’Europe à Gravelines sur la Mer du Nord à côté de Dunkerque. Il avait aménagé avec ses potes une ancienne écurie dont une partie était réservée aux motos et au fourgon qui devaient être au sec et au chaud quand l’équipe se réunissait. Un coin servait pour l’entretien. Ils avaient installé un palan qui permettait par un jeu de chaînes de monter à la hauteur désirée une moto entre autre. De plus l’outillage Facom était de premier ordre. C’était son père qui avait soudé la rampe rétractable qui permettait de monter la moto dans le fourgon. Il fallait quand même s’y prendre à deux. Enfin un éclairage digne de Versailles avait été installé. Dans un box, une Kettenkrad de NSU, un petit tracteur militaire allemande déchenillé qui avait été récupéré en RDA et qui devrait être exposé après sa restauration, dans le hall où on délivrait les billets d’entrée du Blockhaus. Si on pouvait la restaurer ce qui n‘était pas certain, loin de là, ce serait génial. Mais l’espoir fait vivre ! La seconde partie était comme un appartement avec sa cuisine américaine munie d’une grande table de ferme en bois et ses deux bancs, puis une ancienne stalle transformée en salle de jeu avec une table ronde et cinq chaises rembourrées, un monte-et-baisse et un bar ainsi que trois belles représentations de motos : une Benelli 750 Sei, une « Flying Flea » de Royal Enfield et une Norton Commando 750. En regard, une “pièce” pour la détente avec son canapé plus que fatigué noir trois places, transformable en lit, qui n‘avait jamais été utilisé, et deux fauteuils avachis assortis, des poufs marocains, une table basse, un poste TV noir et blanc avec un magnétoscope VHS et des cassettes de films de guerre, de westerns, des X qu’ils faisaient venir de Suède et qui traînaient dans la mangeoire reconvertie. Il y avait plein de posters de filles 48 sexys et dénudées accrochées aux poutres. C’était le centre de vie du “Club des Cinq”. L’éclairage était adaptée à l’environnement : ultra puissant à l’entretien, discret et indirect pour la détente. Merci EDF. Quelques kilomètres plus loin Pierre les doubla dans la descente de Moulle et leva sa main gantée avant de tourner à la première route à droite direction Houlle, célèbre pour son genièvre. Il habitait toujours dans la maison familiale à l’entrée du village, après la station de traitement des eaux de la rivière du même nom et qui permettait l’alimentation de la nappe phréatique. C’était le plus calme de la bande. Avec son BTS CIRA, il s’occupait de la maintenance à la sucrerie de Pont d’Ardres située à plus de vingt kilomètres. Max tourna à gauche à l’entrée de Nordausques laissant Sylvain continuer seul vers Audruicq sur la droite. Son père aussi était cultivateur mais l’exploitation était trop petite pour faire vivre deux familles. Il était devenu marin. Il traversait régulièrement le Détroit sur le Chantilly “son” car-ferry qui appartenait à la SNCF. Un bon “job” : il était barman et les Anglais n’étaient pas avares de pourboires. Max, désormais seul, avec une inconnue qui ne paniquait pas du tout, traversa Tournehem-sur-la Hem où il était facteur. A la sortie du village, il prit la direction de la forêt domaniale qu’il traversa relativement vite, bien que la route fut étroite. ll habitait une petite maison avant Quercamps. Il s’arrêta devant une porte de garage et s’aperçut qu’elle” était frigorifiée quand elle posa ses pieds sur le sol. Il ouvrit un vantail de la porte en bois. - Tu peux entrer, lui dit-il. J’ai l’impression que tu n’as pas chaud, déclara-t-il pince sans rire. - Où sommes-nous, demanda-t-elle, un brin soucieuse. - Chez-moi. Je t’expliquerai à l’intérieur. Je rentre ma moto. Tu peux entrer. L’interrupteur est à droite... Le garage était nickel. On aurait pu manger par terre ! Une fois la “Bête” à l’abri, il entra dans la cuisine éclairée par la lumière crue d‘un néon. Elle cherchait un endroit pour déposer son manteau. La pièce était dans un désordre absolu. Il croisa son regard, tandis qu’il retirait sa veste de cuir. - Je sais, c’est pas rangé. Je suis parti un peu vite hier. C’est pas grave. Cela va s’arranger. La nuit dernière a été très courte, trop courte. Je suis sur les rotules. J’aurais été incapable de te reconduire à Cambrai puis revenir. Je le ferai demain après-midi. Tu m’en veux ? - Non, dit-elle mais pouvait-elle répondre autre chose ! 49 - Je ne pouvais pas non plus te larguer comme ça et dans ton état. Tu n’es pas équipé pour faire de la moto. Tu es trempé et “bleue”. Tu travailles ? - Cela ira, je travaille mardi matin. Je suis coiffeuse. - A l’étage, il y a une cabine de douche Tu montes et tu en prends une, si tu peux. Cela te fera du bien à moins que tu préfères que je te frictionne, laissa tomber Max d‘un ton sérieux. Tu veux manger quelque chose ? - Je n’ai pas faim, merci. Dit-elle en bafouillant. - Ce n’est pas beau de mentir, heu ... ? Cherchant à mettre un prénom sur le triste et joli minois - Emilie. - Emilie. C’est jolie. Moi, c’est Maxime mais tout le monde m’appelle Max. Je vais voir dans le placard si je trouve quelque chose à grignoter, dit-il tout sourire. Il trouva un paquet de “petits Lu” et lui offrit. - Merci, j’en veux bien, mais après la douche, où vais-je dormir ? - Bonne question. Il n’y a qu’un grand lit et pas de canapé. Je te propose de partager ma couche en tout bien tout honneur. Tu es d’accord Emilie ? Elle opina de la tête, refusant de penser à quoique ce soit... - Attends, je vais te montrer. Il la précéda et arrivé sur le palier, elle découvrit la chambre tout aussi en désordre que la cuisine. - Je vis seul et ma mère qui habite à l’autre bout du village vient une fois par semaine pour faire le ménage. J’avoue humblement qu’il me faudrait une femme. - Pas que pour le ménage, j’espère - Pas que pour ça, naturellement. Je vais y songer. Tu vas t’en sortir toute seule ? - Je crois que oui. Tu peux enlever mes bottes, peut être ? - Aucun problème, dit-il. Et le reste aussi, si tu veux, ajouta-t-il de manière inaudible. Il referma le lit abandonné en l’état, la veille et la pria de s’asseoir dessus. - Je suis trempée, je crois que je vais mouiller la courtepointe. Vaudrait mieux une chaise ? Son regard circulaire lui permit de s’apercevoir qu’elles étaient toutes deux largement occupées, l’une d’elle servant même de porte réveil, juché sur une pile de livres, en équilibre instable. - Vas-y, c’est rien. Elle se cala sur le matelas posé sur un sommier tapissier - Tu n’aurais pas pu les enlever seule laissa tomber Max. Elles sont tellement trempées, qu’on dirait qu’elles font parties de toi. Il les lui montrait fièrement en 50 se relevant. Donnes moi tes mains. Machinalement, elle obéit. - Elles sont engourdies et gelées. Attends, je vais enlever, sans regarder, ton jean qui est dans un triste état. Ensuite je te laisse prendre une douche. Elle ne protesta nullement et fut étonnée de la douceur de son “sauveteur”. Il ne pouvait pas ne pas voir les jambes fines et fuselées de la jeune femme tout aussi glacées que ses mains, tout comme sa petite culote noire qui recouvrait un monde inconnu qui aspirait à être exploré. - Ce n’est pas “jojo”. Tu ne vas pas prendre de douche. Tu as trop froid. Je vais plutôt te frictionner. Tu n’as rien à craindre. C’est un truc que je sais bien faire et puis que j’aime. Tu vas t’allonger, pendant que je vais chercher le matériel : un gant et de l’eau de Cologne. Max sortit de la pièce et revint avec une chaise dans une main et un flacon et un gant de toilette dans l’autre. Il posa la chaise prés d’un radiateur et prit le jean détrempé qu’il mit avec soin sur le dossier pour qu’il sèche. Elle était sur le ventre et attendait sans dire un mot. Il enfila le gant, l’aspergea d’eau de Cologne et se mit en devoir de frictionner ses jambes doucement et longuement. La chaleur revenait et il s’enhardit à remonter sous le pull qu’elle portait toujours. C’était moins froid mais la friction n’était pas inutile. - Tu te réchauffes, demanda-t-il sur un ton innocent, n’osant pas poursuivre la montée plus avant ! - Cela fait du bien fut sa seule réponse. - Je vais aller prendre une douche avant de venir te rejoindre. Tu peux te mettre sous les couvertures. C’est un lit en 160. C’est pas commun mais on peux vivre sa nuit sans se toucher. Et je suis sur les rotules en plus. On était cinq la nuit dernière dans le fourgon et si on n’avait pas froid dans nos duvets Américains achetés dans le même surplus, c’était pas le pied, d’autant que la nuit fut courte, très courte. J’ai du sommeil en rade. Et quand je n’ai pas mes huit heures de sommeil, je suis bon à rien. Il fut surpris de la quantité de sable qui se trouvait dans la pierre de douche. Il ne regrettait pas cette rapide ablution. Il se sécha, changea de sous vêtement et descendit dans la cuisine. Six minutes plus tard, il remontait avec un grog très chaud et une petite cuillère pour mélanger le miel. Il y avait même une rondelle de citron. Il pénétra dans la chambre et constata que la belle Emilie s’était endormie sous les couvertures. Le pull de laine était en boule sur la descente de lit. Il but le grog ne pouvant se résoudre à la réveiller, prépara le réveil indispensable pour le 51 lendemain matin, se glissa sous les couvertures dans son coin et éteignit la lampe de chevet posée sur le sol, jetant un regard de connaisseur sur le joli dos barré par l’attache d’un soutien-gorge noir. Il n’était pas vraiment endormi qu’il sentit le contact d’une peau chaude. Elle était une fois encore collée contre lui... L’obscurité était quasi totale. Seuls les chiffres et les aiguilles fluorescentes du cadran d’un réveil, munis d’un remontoir distillaient une lueur suffisante pour lire l’heure, uniquement pour celui qui dormait tout prés. C’était une nuit sans lune et pour cause : on entendait le lourd et interminable crépitement de la pluie sur les tuiles situées juste au dessus de la chambre mansardée. Une pluie froide qui tombait sans répit depuis la veille, depuis la traversée de Saint-Omer. La main remua sous la couverture. La main fine et blanche rencontra une peau brûlante qui frémit à peine sous le léger contact. La respiration de la forme endormie était régulière, tout comme le tic-tac monotone et régulier du réveil juché sur la pile de livres toujours en équilibre instable sur une chaise reconvertie en chevet. Il marquait six heures. La main continuait sa lente progression. Elle semblait connaître son objectif situé sur le corps endormi. Elle ressentait les battements réguliers du cœur et maintenant les légères contactions musculaires réflexes de l’homme. La main glissa sous une élastique fatiguée puis enserra avec douceur l’objet de sa convoitise encore inerte, l’agaçant avec doigté. L’homme tressaillit quand une caresse un peu plus hardie lui fit comprendre la situation. Ses terminaisons nerveuses excitées l’éveillèrent complètement. Il ne rêvait pas cette fois. Sa main à son tour, se lança à l’assaut du corps presque nu qui se trouvait de coté légèrement soulevé sur un coude. Quand sa paume se referma sur le sein encore protégé par le tissu soyeux du soutien-gorge de la jeune femme, la main de sa compagne quitta son sexe qui avait pris de l’ampleur, et le retint. - Chut, ne bouges pas. Laisses moi faire, dit-elle d’une voix douce. Il n’insista pas, semblant être très satisfait de la situation présente. Il était complètement éveillé maintenant. Il ferma les yeux et savoura les caresses précises qui reprenaient sans contraintes. Elle avait repoussé la couverture et déposa des baisers furtifs sur sa poitrine en descendant dans un désordre savant vers les testicules qu’elle lécha alors que sa main droite saisissait la hampe, glissant et remontant avec lenteur. Les yeux mi-clos, la bouche sèche, Max continuait d’ apprécier l’instant présent tout 52 en caressant le dos d’Emilie. Un frisson le parcourut quand la bouche se referma sur l’extrémité du gland libéré de sa peau. Elle alterna les caresses de sa langue autour du pénis et le long de la hampe puis des suçotements tandis qu’il poussait des soupirs et des gémissements. Le rythme du va-et-vient manuel s’accéléra et quand il cessa sa caresse dans son dos, elle comprit. - Je ne peux plus me retenir, dit-il dans un râle de plaisir. - Oui, Maxime, je le sens. Il explosa dans ses mains vite remplacées par une serviette de bains. Il était temps. La sonnerie stridente du réveille-matin la fit sursauter. Il était six heures et quart. Il était toujours étonné, quand bien même ce n’était pas souvent qu’il pratiquait ce sport, de la courte durée de ce “machin” là, alors qu’il pensait que sa vie restait suspendue hors du temps durant au moins cent fois plus longtemps. Il était vidé au propre comme au figuré. Sa respiration retrouva son rythme. Il appuya sur la poire de la lampe de chevet. La lumière inonda la pièce au ras du sol, laissant le lit dans une pénombre sympathique. Emilie ramenait le drap et les couvertures jusqu’à son menton, le regard luisant, contente de ce qu’elle venait de faire à son hôte ! - Que penses-tu de cette façon de se réveiller ? - C’était fantastique, merveilleux. - Mieux que ton réveille-matin ? - Il n’y a pas photo. Mais... - Ne dit rien c’est ma manière de te remercier. On peut dire que tu m’as sauvée. J’étais dans le “caca” pour ne pas dire autre chose et tu n’as pas profité de la situation. Tu es un mec bien Maxime. Mais tu dois aller bosser, je pense. Elle montrait le réveil, du moins son emplacement car de sa place, elle ne pouvait l’apercevoir. - C’est vrai, je commence à 7 heures trente. Faut que j’y ailles. Tu peux rester là. Tu seras la maîtresse des lieux jusqu’à mon retour. - Tu rentres ce midi pour manger ? - Non, impossible. Je distribue le courrier dans la campagne et je serai de retour au pire vers 16 heures. Je te reconduirai alors chez toi. En mon absence la maison t’appartient. Tu trouveras de quoi manger dans le congélateur... C’est d’accord ? - J’ai tout compris. Max écarta l les couvertures pour se lever. Il vit la serviette sur ses cuisses. 53 - Tu as été la chercher dans le noir ? Je n’ai rien entendu, dit Max étonné. - Je suis nyctalope, répondit simplement Emilie. - Tu es quoi ? - Je suis comme les chats. Je vois clair la nuit. C’est bien utile parfois n’est-ce-pas ! Reprit-elle en riant. - Tu es pleine de ressources. Vraiment ! Comment peut-on larguer une fille comme toi ? - ”Il” n’a pas accepté le fait que je n’étais pas prête quand il est venu me chercher pour assister à l’Enduro. - Vous n’habitiez pas ensemble ? Demanda Max mine de rien. - Pas vraiment. On avait chacun son “lieu de vie”. Lui un studio et moi un petit appartement. Il faisait bien l’amour, mais on ne bâtit pas un couple sur ce seul critère, n’est-ce pas ? - Il y avait un “truc” qui ne te convenait pas ? - Oui, en fait mon retard était un test. Qu’est-ce qui était le plus important pour lui : moi ou son projet de sortie ? - Tu as eu ta réponse, n’est-ce-pas ! - Et même au delà. Il n’y avait plus de place, prés de la plage. Après en avoir vainement cherché une pour sa voiture, “on” s’est retrouvé loin, si loin qu’on n’a pas pu assister au départ. Il était dans une rage contenue jusqu’au retour. Mais quand il a aperçu le pneu crevé, il m’a rendue responsable de sa journée de merde. Je lui ai rétorqué que désormais cela n’arriverait plus. - Et il t’a planté sur place? - Oui. “Si tu es si maligne, tu n’as qu’à te trouver un autre chauffeur pour rentrer » ! Me répondit-il méchamment. - Comme tu as du caractère, naturellement tu l’as pris au mot. - Tout à fait, et je ne le regrette pas. - Et moi non plus dit Max en déposant un baiser sur ses lèvres humides. Il était bientôt six heures et demi. Max se leva. Il était nu. - J’ai vingt bornes à faire et je dois être au boulot pour sept heures trente. Elle rejeta les couvertures et posa un pied sur le linoléum froid. Elle portait toujours son slip et son soutien gorge. Il la regardait en totalité en petite tenue. Elle était vraiment bien faite et le noir la rendait terriblement excitante. - Il n’y a rien à jeter, Tu es ... Il cherchait un qualificatif. - Merci, répondit-elle. Tu n’ai pas mal non plus, les yeux fixés sur sa virilité presque au repos. Elle était persuadée qu’elle pourrait le réanimer. - Avant de partir, tu peux répondre à une question ? 54 - Naturellement. - Tu n’as pas de “fille” dans ta vie, n’est-ce-pas ? - En effet. - Tu en ramènes souvent ici ? - Ce n’est pas une maladie à cacher. Cela arrive. - Elles restent longtemps ? - C’est un questionnaire en règle. Cela fait plus qu’une question ! - Ce sera la dernière. - Soit. Accordé. Max riait de bon cœur. Elles restent quelques jours, je crois, mais je ne fais pas de bâton sur le calendrier. La dernière est restée tout le week-end. Il faisait beau mais elle a préféré le lit à une sortie. - A moto, je suppose ? - Oui et avec d’autres copains et copines. Elle n’était plus là quand je suis rentré le soir même. - Pourquoi ? - Elle ne pensait qu’à baiser. J’aime bien, mais pas trop. Moi aussi, j’ai d’autres centres d’intérêts. - La moto, les amis. La concurrence est redoutable... - Exactement. Sans oublier les cartes. Surtout le tarot. Tu es satisfaite. Un jour peut-être... On reprendra cette conversation lors de mon retour en début d’après-midi. Bon, il faut que j’y aille. J’ai une tournée à effectuer. Tu peux rester au lit. Tu es chez toi.. Je te reconduirai à Cambrai en fin d’après-midi. Tu trouveras de quoi manger dans le frigo ou le congélateur qui se trouve dans le garage. Il y a des plats qui ont été préparés par ma mère. Tout est inscrit sur l’étiquette. Tu es chez toi, répéta-t-il. Et Max sortit de la chambre suivi des yeux par Emilie qui se replaçait sous les couvertures Moins d’une dizaine de minutes plus tard, elle entendit le moteur rugir puis son bruit diminuer. Max était parti ! Elle savait juger et jauger. Max était le mec qu’elle attendait. Son attitude le prouvait. Mais il y avait cette foutue mécanique et ses potes qui gâchaient tout. Il n’était pas encore prêt à se lier avec une femme pour la vie. Pourtant il avait dépassé la trentaine. Un sanglot souleva sa poitrine, puis un autre. Elle se tourna puis s’écroula en larmes sur l’oreiller. Max filait plus vite que d’habitude et traversa la forêt sans rencontrer âme qui vive pour finalement atteindre le bureau de poste pile à l’heure. Il était le cow boy des Temps Modernes. Il rangea sa “monture” sous l’appentis à côté des deux fourgonnettes jaunes et pénétra dans la pièce située derrière le bureau ouvert au public. Il devenait pour le reste de la journée, le préposé sérieux, 55 aimable, attentionné, apprécié de tous, bien noté. Ses trois collègues et le Receveur commençaient à effectuer le tri du courrier. Deux sacs vides étaient sous la grande table. Chacun piochait dans le tas dont l’importance était fonction du calendrier. On déchiffrait l’adresse pour constituer trois tas. Ce premier tri se faisait dans la bonne humeur. Ensuite, chacun préparait sa tournée disposant dans sa sacoche ou ses boites les lettres, les mandats, les imprimés à distribuer. Il parcourait la campagne en camionnette. Il ne se mettait en route que vers huit heures trente. Max était heureux. Il parcourait plus de quarante kilomètres par jour avant de revenir à son point de départ vers seize heures. Il tournait et retournait autour du village, empruntant des chemins caillouteux, herbeux, boueux selon la météo pour apporter le colis, le mandat ou la lettre, acceptant un petit verre, une pièce, un petit billet de commissions ou une ordonnance du médecin pour dépanner un Ancien ou son épouse, loin de tout. Il aurait pu obtenir plus auprès de “gentilles” dames esseulées et négligées, mais il se refusait à ce genre d’écart. Il rendait service un point c’est tout. Il était contre l’armée, la chasse, contre la peine de mort, contre les avocats, et contre les femmes de temps en temps, mais pour les femmes il était tout contre alors. Il était contre beaucoup de choses comme un “gauchiste” mais seulement en paroles car il ne vivait que pour sa moto, ses potes, le tarot... Il se déplaçait volontiers pour admirer les “gros cubes” de la haute compétition. Le Bol d’Or en 70 à Montlhéry, puis les 24 heures moto au Mans en 72 ou encore le Grand Prix des Pays Bas à Assen l’an passé avec la victoire de Giacomo Agostini sur sa 350 MV Agusta qui lui avait donné une photo dédicacée... Mais aujourd’hui, il était troublé. Emilie occupait ses pensées. Il avait hâte de rentrer pour la revoir. Il aimerait bien lui faire l’amour, avant de la reconduire à Cambrai. Il termina sa tournée, plutôt que d’habitude. Il revint voir le Receveur vers 14 heures et demi. - Déjà fini ? Vous ne vous sentez pas bien, lui demanda-t-il, surpris. - Non, tout c’est bien passé. RAS. Il y avait peu de courrier et juste deux mandats. - C’est bien la première fois que vous revenez si tôt. Dans ce cas, je vous dis à demain. Bonne fin de journée. - Merci chef, laissa tomber Max en souriant. Il roula encore plus vite pour rentrer. Dans la forêt, une équipe de bûcherons faisait une coupe en bordure de la route avant la mini-chapelle, dédiée à Notre Dame de la Forêt. Emilie occupait toutes ses pensées. Plus il approchait, plus son cœur battait vite. Il se gara devant la porte du garage, l’ouvrit et entra dans la 56 cuisine. Elle était ordonnée, la vaisselle était faite, essuyée et rangée. Il n’y avait plus rien qui traînait. Il pensa tout d’abord à sa mère. Mais en y réfléchissant bien, ce n’était pas possible car elle ne venait jamais le lundi. Il monta les escaliers quatre à quatre... Il n’y avait personne. Emilie n’était pas là. La chambre aussi était nette, le lit fait, les vêtements rangés. La douche était aussi nickel et le sable avait disparu. Il redescendit et c’est alors qu’il vit la feuille de papier sous la corbeille de fruits, au milieu de la table. Son cœur s’arrêta et la gorge sèche, la main tremblante il saisit la lettre. Emilie était repartie. Il pensa de suite à “son” copain qui l’avait largué hier et à qui elle avait sans doute téléphoné. Il s’était excusé pour son attitude inqualifiable de la veille et il était revenu la prendre pour la reconduire chez elle. “Cher Max, j’ai téléphoné à ma sœur qui a bien voulu venir me rechercher. En l’attendant, je me suis permise de faire un peu de ménage. Je te remercie encore pour tout ce que tu as fait pour moi. Tu n’as pas profité de ma détresse. Tu es un type bien, très bien même. Tu me plais et c’est vrai, tu l’as compris ce matin, que j’aurais aimé faire plus que ce bout de chemin avec toi. Je suis jalouse et quand j’aime c’est totalement. La concurrence est trop rude. Je ne suis pas sure qu’il y a encore une place, même petite, pour une fille comme moi dans ta vie ou ton univers. Surtout que je ne me contenterais pas d’une petite place. Je veux être le centre de ta vie. Je laisse un numéro de téléphone. Ce n’est pas le mien, mais celui de ma meilleure amie. Elle est au courant pour ce week-end. Elle servira d’intermédiaire si tu veux me revoir. Mais je veux être ta vie, pas le repos du guerrier. Je sais ce que je veux, ce que je mérite, donc les sorties et les potes... Quant à la moto, oui, mais... Max reposa la feuille. Emilie était partie. Max ne s’y attendait pas, du moins pas si vite et de cette manière. Il était persuadé qu’il allait pouvoir la reconduire à Cambrai et peut être passer une nouvelle nuit avec elle. Et pourquoi pas poursuivre cette aventure un peu plus. Il avait la tête vide. Pourquoi cet émoi. Ce n’était pas la première fois mais cette fois c’était différent, particulier. Il ne pouvais pas rester là. Il décida de rouler. Il devait faire le point. Y-avait-il un point à faire ? Il ne connaissait pas cette “Nana”, seulement depuis hier. Cela allait trop vite. Il savait ce que dirait Julien, ou Rémi ou Sylvain mais pas Pierre qui lui aurait simplement déclaré en rigolant « une de perdue, dix de retrouvées » ! 57 Mais il ne s’était rien passé ou si peu et cependant c’était beaucoup. Est-ce cela qu’on appelle le “coup de foudre”. Il avait atteint la RN43 et fila sur Calais. Il se retrouva à la plage, poursuivit sur Blériot, Sangatte, passa devant la statue de Latham, un pionnier de l’aviation, et emprunta une route empierrée pour arriver au sommet du Cap Blanc Nez. Il stoppa à côté du monument de la Dover Patrol, un obélisque érigé en souvenir de ces marins qui luttèrent efficacement contre les sous-marins du Kaiser durant la première guerre mondiale. Une pyramide identique avait été érigée de l’autre côté du Détroit. Un vent froid soufflait. Max était KO debout. Quand il rentra chez lui, il était toujours perdu. Il avait besoin de ses quatre amis ensemble, de ses virées avec eux, de sa “Machine. Il avait aussi besoin d’Emilie, de sa bouche, de ses mains, de son corps chaud, de sa voix, de sa présence tout simplement. Quand il était parti travailler ce matin, il ne savait pas encore qu’elle était différente des autres. Il avait un numéro de téléphone mais l’appeler signifiait trop de conséquences. Il décida de laisser du temps au temps. Pour lui remonter le moral, et pour le charrier, une soirée tarot fut organisée le vendredi suivant dans leur tanière. Sylvain avait prévu des pizzas avant de passer aux choses sérieuses. Ce fut incroyable. Il n’avait jamais vu un tel jeu et une chance aussi insolente. Plusieurs garde contre et un petit chelem non annoncée suite à une prise. Pierre qui détenait le roi appelé avait un jeu qui complétait le sien. Emilie était oubliée. L’alcool y était pour quelque chose, il faut le reconnaître ! Il fut même décidé de se rendre le 8 mai au Grand Prix d’Allemagne 250 à Hockenheim pour admirer Christian Sarron à condition de ne pas travailler le lundi ! Le temps était abominable : une pluie glaciale dans une tempête ! Quand ils quittèrent leur repaire vers deux heures du matin. Pierre et Rémi filèrent de leur coté ensemble tandis que Sylvain resta avec Max jusqu’à Nordausques via Bayenghem. A Tournehem, il passa sans le voir devant le parc de jeux avec brasserie et le grand magasin de meubles, remonta vers la forêt. Dans la lumière jaune et courte, la pluie violente et les arbres décharnés qui semblaient vouloir l’attraper créaient un paysage hallucinant. Emilie était revenue. Elle était derrière lui, collée à lui. Il imaginait le creux de ses reins. Il était euphorique, dans un état second. Quand il aperçut dans la lueur jaune de son phare les branches arrachées 58 par la violence du vent et éparpillés sur la route, il freina brutalement sur la chaussée détrempée, dérapa, évita la première branche, puis la deuxième, pénétra la suivante plus grosse, plus fournie.. La machine se coucha sur Max, glissa alors que la jambe de pantalon de cuir explosait comme la chair avant de percuter un arbre de plein fouet. Tout était immobile. Seul le bruit de la pluie troublait le silence de la nuit. Du réservoir de la moto inerte, l’essence s’écoulait goutte à goutte et se mêlait au sang du pantin désarticulé... Morta, sans état d’âme particulier venait de couper le fil de laine avec la paire de ciseaux en bronze qu‘elle tenait de la main droite ! Chapitre 5.... Marie-Lys . Le 8 mai 1968, Thérèse la femme de Gérard est enceinte de 7 mois et ça se voit à peine. Malgré son état elle a voulu aller chez sa sœur jumelle, Régine, à Fécamp qui vient de rentrer de la maternité avec une petite fille. Son mari était un architecte belge d’Anvers et il avait eu toutes les peines du monde à faire valider ses diplômes de ce côté-ci de la frontière. La frangine avait été une secrétaire très proche qui était assez vite passée de la machine à écrire Underwood au canapé trois places en skaï noir plutôt fatigué de la salle d’attente puis au lit confortable de l’appartement de son patron avant de se faire passer une bague au doigt. Une affaire rondement menée… Il y avait une différence d’âge certaine ! Gérard a du effectuer un aller-retour durant le Week-end. Thérèse aida activement sa jeune sœur alors que les étudiants du Quartier Latin manifestaient. Une dizaine de jours plus tard, elle se sentit fatiguée et demande à son mari de venir la rechercher... Gérard arriva mais c’était la chienlit. La grève était devenue générale désormais dans tout le pays. A Fécamp dans chaque station d’essence un groupe de grévistes 59 refuse la fourniture de carburant aux particuliers et même à la police. Seuls les médecins, les ambulances et autres services de santé peuvent remplir leurs réservoirs. Gérard plaide sa cause, met en avant l’état de son épouse. Rien n’y fait et Thérèse se retrouve à l’hôpital de Fécamp, dans la même chambre que sa sœur ! L’accouchement sera difficile et le bébé, Pierre qui pèse à peine 2 kg devra être mis en couveuse ! De plus on détectera une toxoplasmose. Il faudra surveiller attentivement le petit Pierre durant les premiers mois. Finalement il y aura plus de peur que de mal, mais Thérèse sera plus à l’écoute de son garçon et une complicité sera présente entre eux. Le petit garçon sera souvent dans les jupes de sa mère et voudra participer à ses occupations comme la cuisine, le ménage, le tricot… Gérard verra d’un mauvais œil et même avec une appréhension se développer cette relation. Il était mal à l’aise quand il s’apercevait que des garçons avaient des activités de filles ! La vie s’écoulera tel un long fleuve tranquille. Gérard devient chef d’atelier au dépôt des locomotives à vapeur de la Cité des 6 Bourgeois tandis que Thérèse gère la maisonnée. Ti-Pierre grandit doucement et pratique le football, un sport viril, d’homme enfin ! Régine avait repris son travail de secrétaire de direction (elle était toute seule !) chez Sailly SA une entreprise de construction métallique. . Pierre obtiendra son baccalauréat Sciences Expérimentales à 18 ans et ira sur Lille pour poursuivre ses études avec pour objectif de devenir professeur d’histoire et géographie. Maintenant Ti-Pierre mesure 182 centimètres pour 78 kg. Il ne veut plus de son surnom. Pierre trouve une chambre à l’extérieur de Villeneuve d’Ascq et doit se déplacer sur un solex rouge qui n’est plus de première jeunesse et qui n’a plus de boîte à outils. Les soirées sont longues et tristes, voire déprimantes. Il assiste à plus de cours que nécessaires pour prendre ses repères et combattre la déprime… Les amphithéâtres sont surchargés. Certains étudiants doivent s’asseoir sur les marches des escaliers, voire sur les rebords des fenêtres. C’est 60 toujours ainsi les premières semaines. Après les vacances de fin d’année, les effectifs auront fondus soit pour une autre orientation, ou des motifs moins avouables. La recherche personnelle au sein des bibliothèques occupe aussi une part importante de l’emploi du temps. Les études littéraires sont également fortement féminisées et la chasse fait partie de la « formation ». Le passage en deuxième année devient aléatoire pour la majorité… Vers la fin novembre, un midi, au restaurant universitaire une fille, le visage couvert de taches de rousseur vient s’installer face à lui. Il ne vit que les « taches » ! La rencontre fut banale sans plus avec quelques mots échangés. Hasard ou coïncidence recherchée mais les jours qui suivirent la rencontre se reproduisit et devint régulière. On prend vite des habitudes surtout quand elles ne sont pas désagréables finalement. Le premier arrivé réservait de suite la place située en face. Ils apprirent à se connaître. Elle avait un an de plus que lui et poursuivait les mêmes études. Elle habitait avec sa meilleure copine dans un studio et venait d’Arras, plus précisément de Beaurains, sortie Arras direction Bapaume. La veille des vacances universitaires, il ne retrouva que l’antivol cisaillé. Le solex rouge avait disparu. Cela promettait des ennuis quant aux déplacements à la rentrée… Le Noël fut extra. Son parrain, un officier technicien en poste à Tours avait la responsabilité de mettre des pneumatiques sur tout ce qui roulait dans l’armée de l’Air française. Ce n’était pas rien. Il avait réussi à chausser tout ce qui roulait avec des pneus rechapés Laurent, rénovés à Avalon, en Bourgogne. C’était une filiale de Michelin. Dans le cadre de ce travail, il était de passage à la base aérienne 103 de Cambrai Epignoy qui était dotée de Mirages pouvant être équipés de bombes nucléaires ! Il s’était invité chez son copain de régiment Gérard Lejeune qui lui avait demandé d’être le parrain de son fils. Il avait accepté de suite et bien que célibataire endurci, il n’avait jamais oublié son filleul. C’était l’occasion de passer un bon moment « en famille » surtout que rien ne le retenait à Tours. Personne ne l’attendait dans l’appartement qu’il occupait à Saint-Pierre des Corps et où tous les immeubles de quatre étages qui enserraient une place qui servait de parking étaient réservés aux militaires. Il était au courant de la mésaventure de son filleul et il se transforma en père Noël en ramenant une vieille « Dedeuche » chaussée de pneus 61 Laurent comme il se doit. Elle n’était pas de première jeunesse, comme le solex, mais comme elle avait été très bien entretenue par un vieux paysan-vigneron de sa connaissance, elle portait sans problème ses vingt cinq ans. Elle fut arrosée moult fois pour le plaisir de tous. Dés le retour sur le campus universitaire, le duo s’était reconstitué et s’était transformé en binôme suite à la mise en place de groupes de recherches. Ils avaient choisi pour thème « le courgain dans la région du Nord de la France » ! Les recherches indispensables se déroulaient à la bibliothèque de manière personnelle et la mise en commun des notes se faisait dans le petit studio que partageaient Marie-Lys et sa copine presque atrébate. Petit mais bien agencé du genre couloir de 2 mètres cinquante de large sur quatre de long. Tout lambrissé, une douche minuscule était située dans les toilettes, face à la cuvette qui avait un abattant en faux-bois. Le tout était installé dans une sorte de placard avec une porte pliante et coulissante en plastique ultra léger. Chaque centimètre était précieux. Un coin repas pour deux, trois en se serrant. Un frigo-top et trois feux d’une gazinière reliée à une bouteille de butane. Deux lits de 60 cm placés tête-bêche et séparés par une seule table de chevet qui servait aux deux filles. Une armoire deux portes sans glace était en face et une fenêtre donnait sur une cour intérieure, orientée au nord. Un radiateur électrique était juché au sommet de l’armoire en pin. Le strict minimum ! C’était calme ! Idéal pour travailler mais pas évident pour s’apprécier… Forcement, la promiscuité aidant, des contacts avaient lieux avec des montées de chaleur, entre autre ! Ils ne pensaient pas qu’aux endroits géographiques où on trouvait des « Courgains ». Il y en avait pas mal, d’ailleurs, à leur grand étonnement… Il y eut un baiser, un vrai. Il fut maladroit mais sincère, fait avec conviction et application, mais quand ils entendirent des pas dans l’escalier puis le bruit léger du pêne qui tournait, ils reprirent leur souffle et ils se remirent à leurs chères études. Par la force des choses, grâce à la « Dedeuche », il fut décidé de mettre au net le fruit de toutes leurs recherches dans la triste chambre de Pierre, loin de la Fac, du côté de l’aérodrome de Lesquin. Elle possédait un grand bureau rafistolé avec deux tiroirs, une étagère bancale, une lampe de bureau qu’il avait ramenée de Calais, un cabinet de toilettes, constitué d’un lavabo jaunie muni de deux robinets, et entouré d’un rideau de douche. Il 62 n’y avait pas de douche et les toilettes se trouvaient sur le palier où il y avait une autre chambre d’étudiant ! Le lit refait à la va-vite faisait un bon 120. Il se trouvait coincé entre le radiateur et la fenêtre qui donnait sur le boulevard. Ils s’installèrent au bureau pour confronter leurs notes. Leurs regards se croisèrent. Ils se levèrent en même temps, s’embrassèrent avec fougue et basculèrent sur le lit ancien en chêne massif qui craqua comme pour signifier son désaccord… Ils partirent à la découverte d’une géographie humaine, cette fois, les mains tremblantes et parfois hésitantes… Sa peau était claire, diaphane, parsemée de très nombreuses petites taches plus foncées, sans relief concentrées sur le haut des bras et au niveau des épaules. Il n’avait jamais vraiment vu que ses yeux verts clairs qui illuminaient son visage et faisaient encore plus ressortir la couleur chaude, orangée aux reflets cuivrés de ses cheveux coupés courts. Elle ne cherchait pas à attirer trop le regard. Elle portait un Dim vert tendre qui recouvrait telle une seconde peau une toute petite poitrine. Il caressa le fin tissu de coton d’Egypte rehaussé d’une dentelle écru de Calais. Elle était de côté et elle sentit les doigts qui cherchaient à faire sauter l’attache. Quant à la main gauche de la jeune fille, elle couvrait un renflement conséquent…C’était la toute première fois. En avril, Pierre emmena Marie-Lys sur la côte d’Opale et elle fit la connaissance des grands parents qui habitaient depuis une vingtaine d’années sur la commune de Marck en Calaisis. Velléda avait contracté une sclérose en plaques, due à la ménopause… peut-être ! Dans la maison de ville, située à Calais Nord presque en face de l’église Notre Dame là même où un officier nommé De Gaulle avait épousé Yvonne Vendroux. Velléda avait beaucoup de difficultés à gravir les étages. Il fallait trouver une maison sans escalier ! Ils avaient acheté un plain-pied presque dans le prolongement de l’unique piste de l’aérodrome de Marck. Cette grosse bourgade de plusieurs milliers d’âmes se trouvait dans la banlieue de Calais direction Dunkerque. Il y avait peu de trafic hormis les avions de tourismes du club local. La maison entourée d’une palissade en béton gris possédait un toit presque plat surmonté de deux dômes en plastiques translucides qui inondaient de lumière la cuisine et la salle de bains. Une immense cheminée 63 à feu de bois séparait le salon et la salle à manger tout en étant visible de part et d’autre. Une baie vitrée coulissante donnait accès à une terrasse puis un gazon avenant mais miné de galeries de taupes… L’accueil fut plus que chaleureux ! Les deux tourtereaux étaient aux anges. Ce fut naturellement qu’ils passèrent la nuit ensemble dans la chambre inoccupée depuis une paire d’années. Velléda déposa une chemise de nuit sur le bout du lit. Celle-ci était très courte, transparente et Marie-Lys la passa en riant. Pierre apprécia et ce fut le premier terrain de jeu en 140. Il s’avéra trop grand. Tous deux réussirent à passer en deuxième année. Marie-Lys retourna sur Beaurains car elle devait travailler pour « payer » son logement. Grâce à son BAFA, elle s’occupait des deux sessions du camp de vacances de la commune avec une semaine de camping sur la côte prés de Wissant. Les dimanches étaient réservés au jardin familial. Pierre n’était plus d’actualité, mais sa mère avait été mise au courant ainsi que ses deux frères et la grande sœur. Grâce à sa copine qui habitait à Quéant, au-delà de Croisilles, une rencontre put se faire un samedi soir fin juin. C’était la kermesse du village et il y avait un bal ! Tout se déroula parfaitement. Certes, il rentra tardivement sur Marck, mais ils purent décider lors d’un slow de trouver un logement pour la rentrée. La colocataire, qui était au courant avait déjà en vue une remplaçante. Elle ne vendrait pas la mèche ! Pour ses vingt ans, fin-juillet, Marie-lys invita sa copine qui vint accompagné de Pierre, son « copain » du moment ! Il avait pu lier connaissance avec le frère aîné qui avait fait des études au lycée Fernand Léger de Coudekerque dans la « banlieue » de Dunkerque pour dessiner des bateaux. Les Ateliers et Chantiers de France situés en pleine ville étaient présentement spécialisés dans les méthaniers, après les pétroliers, les paquebots, les vraquiers, les rouliers mais rien n’y faisait. La concurrence sud-coréenne était implacable, insurmontable. Il avait vite compris que son rêve ne se concrétiserait jamais. Il avait pressenti la fin des ACF, plus tard rebaptisés NORMED, et avait profité des premiers plans 64 de conversions pour revenir sur sa ville et entrer chez Oldham pour y dessiner des batteries industrielles qui ne quitteraient jamais le ber de lancement pour glisser dans la mer du Nord… Le frère jumeau de Marie-lys ne s’était pas posé trop de question et avait de suite choisi la même entreprise « inglaise », en plein développement. Quant à la frangine, l’aînée de la fratrie, elle tenait un petit magasin de vêtements pour enfants dans la rue Ronville. Vraiment petit car le troisième client avait déjà un pied sur le trottoir ! Elle gérait totalement seule le magasin pour des patrons rentiers qui avaient une confiance absolue dans leur employée et ce pour un salaire minimum ! Même éloignés l’un de l’autre par plus de cent kilomètres, ils communiaient en pensée, imaginaient les retrouvailles qui se rapprochaient un peu plus chaque jour désormais. Fin août, c’est elle qui dénicha le studio qui se trouvait un peu à l’écart de la Fac. Il fallait faire vite pour l’aménager car il était vide. De nombreux voyages furent nécessaires pour le transport des grosses pièces depuis la Côte d’Opale. Le nid prenait forme et le jeune couple d’étudiants attendait avec impatience leur vie prochaine. Il y eut de nombreuses « répétitions ». Il fallait essayer le lit tout neuf payé par la mère de Pierre. Il donna entière satisfaction aux deux « partie ». Tout comme la descente de lit qui était une fausse peau de chèvre ! Le vendredi qui précéda la rentrée Velléda, suite à une méchante chute dans la salle à manger, se retrouva à l’hôpital de Calais situé face au canal, prés du pont de Saint-Pierre. Le lendemain, Pierre décida d’aller voir sa grand mère et descendit Marie-Lys en centre ville de Lille après avoir déjeuner dans une brasserie prés de la gare Centrale. Elle voulait faire quelques dernières emplettes. Elle prendrait un bus pour rentrer. Pierre fila sur la Côte… Il pleuvait quand Marie-Lys, peu chargée finalement se décida à rentrer sur son studio qui était quasi opérationnel. Pierre resta une grosse heure avec sa mère qui avait un gros hématome sur le visage. Il allait passer par toutes les couleurs de l’arc en ciel d’ici quelques jours ! Elle était tombée sur une porte en chêne massif du buffet de style Monastère. La porte avait résisté mais était quand même fendue ! 65 Quand il reprend la route il pleut. Il doit passer par Marck pour prendre plusieurs caisses et un chauffage électrique en céramique pour la pièce d’eau où se trouve une vraie cabine de douche munie d’une porte en verre « sécurit ». Quand il quitte la maison de ses parents, il tombe des cordes et la visibilité est plus que réduite surtout que les phares de la 2 CV ne sont pas renommés pour leur puissance ! Il va rejoindre l’autoroute vers Dunkerque. Sur Lille aussi, il pleut et la pluie redouble même quand Marie-Lys atteint l’abribus. Elle est seule dans l’abri en verre faiblement éclairé et la nuit est tombée. En face se trouve une grande place qui reçoit un marché chaque dimanche matin et elle voit les deux phares qui trouent la nuit noire. Quand la voiture se rapproche, elle pense tout haut que la voiture va vite, trop vite... Chapitre 6.... Hubert Louis Detollé était un instituteur formé à l’école Normale d’Arras rue des Carabiniers d’Artois. Caroline, née Bagoo, était une institutrice formée à l’école Normale des filles d’Arras rue du Temple avec un point commun (un de plus) : l’architecte Joseph Agnès ! Il avait conçu les deux établissements, presque austères mais très fonctionnels, qui étaient éloignés certes, mais comme au moins deux soirées étaient organisées en cours d’année pour que les Normaliens rencontrent les Normaliennes, et vice versa… C’est pourquoi on trouve beaucoup de couples d’enseignants dans le département. Rien n’était laissé au hasard. On pensait à l’Avenir. C’était vrai qu’on éliminait ainsi de nombreux problèmes de vie de couples. Louis épousera Caroline comme c’était prévu ! Ils connaîtront diverses écoles autour d’Arras avant de s’installer à Saint-Laurent Blangy. Hubert, leur fils unique aura une jeunesse sans problème dans la cité Immercurienne. Dés la maternelle, il aura comme camarade Philippe, le fils de voisins qui occupaient la maison située en face de l’école primaire de son père, qui en était le directeur ! C’était la mère de Philippe qui s’était proposée de conduire les deux enfants jusqu’à la maternelle située à 66 quelques rues. Elle ne travaillait pas alors que son mari était professeur de mathématiques dans un Collège d’Arras. Les enfants étaient sages, appliqués, polis, bien sous tous rapports. Dés le CP Hubert et Philippe devinrent inséparables et cela continua au Collège. On les surnommait les « jumeaux », sans doute parce qu’ils étaient nés le même jour à la maternité de la clinique Bon Secours d’Arras… C’était un jeudi de juillet en 1954 et ce ne pouvait être pour une autre raison ! Ils savaient que les filles existaient mais ce n’était pas à l’ordre du jour. C’était toujours la grande inconnue ! Son père avait été retrouvé par un ami d’enfance et celui-ci avait lancé une invitation qui fut acceptée. Ce premier dimanche de printemps, Hubert et ses parents se rendirent dans la région lensoise. Pendant l’apéritif anisé avec des biscuits salés comme les cacahuètes, on se remémora les bons moments vécus ensemble, les tours pendables réalisés, les chemins différents pris après le Collège, et le Lycée… Le couple tenait un cabinet d’Assurances Générales et avait deux enfants. Catherine, une fille à lunettes de 15 ans, était sèche, plate comme une planche à pain à priori, terne et peu affable. Elle avait tout pour plaire ! Il y avait aussi David. un petit garçon de 3 ans, qui était le « fruit » d’un dérapage après une sortie bien arrosée ! Leurs horaires étaient assez déments, à cette époque, car il fallait lancer l’affaire et Catherine, était livrée à elle-même. Comme son CM2 avait été plus que moyen, elle avait été placée dans un pensionnat de filles pour resserrer les boulons. Elle était aussi en troisième et les résultats scolaires étaient nettement plus satisfaisants. Après le repas, le garçonnet s’endormit sur le canapé d’angle en cuir fauve qui se trouvait dans le salon où avait été pris l’apéritif, et les femmes se mirent à faire la vaisselle pendant que les hommes allaient griller un cigarillo dans le jardin couvert de fleurs. - On se fait une partie de cartes demanda Yves, le maître des lieux. - Pourquoi pas, dit Louis. - Manille ou belotte ? - On sait jouer aux deux ! - Tu préfères quoi ? - La manille car il n’y a pas d’annonces qui tuent ! 67 - Va pour la manille coinchée ! Le tapis vert foncé muni d’un as différent à chaque angle fut étalé puis un jeu de cartes usagé, un bloc de papier à lettres avec le logo de la compagnie d’assurance tout comme le stylo bille. Les couples s’installèrent. Yves tenait les comptes. - Catherine, si tu allais faire une partie de ping-pong avec Hubert ? J’ai sorti les voitures et installé la table, demanda Yves à sa grande fille. - Je veux bien, répondit Catherine qui dépassait bien d’une tête Hubert. Celui-ci se leva péniblement de sa chaise. - Je ne sais pas bien jouer. - Suis moi, c’est au sous-sol, dit Catherine ignorant la réflexion de l’adolescent. Hubert suivit la fille qui descendit l’escalier en métal avec une rampe plastifiée bleue puis alluma les deux néons qui inondèrent le sous-sol d’une lumière crue. A l’extérieur, le ciel était devenu menaçant et quelques gouttes commencèrent à tomber. Catherine ferma la porte basculante métallique relevée qui était munie d’un système électrique. Elle lui donna une raquette couverte de mousse lisse sur un côté et de picots sur l’autre. Il fut étonné de la transformation radicale de l’adolescente devenue vive, souriante, exubérante, sure d’elle. Il la détailla, remarqua le visage anguleux avec les yeux bleus clairs au léger strabisme, ses cheveux auburn, lisses, coupés courts « à la garçonne », sa jupe écossaise et une jaquette grise boutonnée jusqu’au ras du cou un peu bouffante. Les échanges de balle commencèrent gentiment et parfois elle éclatait de rire quand elle réussissait un point disputé. - On compte les points ? Demanda-t-elle innocemment. - C’est comme tu veux ! - Attends, je reviens. Elle ouvrit une porte qui se trouvait à côté de la montée d’escalier, alluma le néon et disparut dans ce qui devait être une pièce de rangements. Elle revint avec un bandeau brillant et deux plumes colorées et un petit sac en daim avec des franges ! - Je suis une gentille squaw et toi un méchant outlaw ! - Euh ? Réussit-il à dire, ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire ou faire ! - On va jouer en 3 parties gagnantes en 21 points et le perdant deviendra le 68 prisonnier, l’esclave du gagnant, précisa-t-elle. Ses yeux étincelaient de contentement mais Hubert ne voyait vraiment pas ce qui la mettait dans cet état. La partie commença et Hubert avait maintenant une adversaire concentrée qui s’appliquait sur chaque balle blanche en celluloïd et qui faisait preuve d’une vivacité, d’une souplesse incroyable. Il ne jouait plus dans la même catégorie. Elle avait bien caché sa vraie nature. Il avait beau s’accrocher, il perdit pied rapidement et les scores évoluèrent très vite, inexorablement en sa défaveur. Après la deuxième manche enlevée aussi facilement, Catherine, un très large sourire aux lèvres, leva le pied et laissa filer la troisième s’inclinant de peu mais c’était pour le plaisir tel le chat- la chatte en l’occurrence- qui laissait croire à la souris qu’elle pouvait s’en sortir. La quatrième fut une formalité. Elle avait gagné et le montrait. Hervé pensait que c’était parce que c’était une fille qui venait de battre un garçon à la régulière, quoique pour lui, les dés étaient pipés. Finalement il était content pour elle. Si cela pouvait lui faire plaisir… Il était en sueur et tint à la féliciter. - Bravo. Belle victoire et elle aurait pu être encore plus nette, dit-il en reprenant son souffle. - Merci, répondit-elle. Tu joues bien aussi. La menteuse pensa-t-il. - Mais tu ne m’avais pas dit que tu avais un tel niveau ! - Dans mon pensionnat, il y en a beaucoup qui me battent. Et elle en remet une couche, pensa-t-il en levant les yeux au plafond recouvert de plâtre ou d’enduit plaqué à la main, vu les aspérités et peint avec du petit blanc. - Je suis ton prisonnier après cette défaite alors ? Et ça consiste en quoi, le fait que je suis ton prisonnier ? - Eh oui. Tu es mon esclave ! Tu vas voir ! La gentille indienne va te ramener à son camp. - Ha ! dit-il amusé et curieux. - Je vais d’abord attacher les mains pour te mener dans mon tipi. - Comme un chien ? - Ce n’est pas vraiment ça. Comme un prisonnier simplement. Elle sortit une corde assez longue du sac en peau muni de franges et se mit à attacher ses mains dans le dos. 69 En se disant qu’il lui manquait au moins une case, il la suivit docilement dans la pièce qui servait effectivement de réserve car il y avait partout des étagères en bois, faits « maison », fixées au mur et qui débordaient de caisses, de boites en carton de toutes sortes. C’était la caverne d’Ali Baba. Elle avait aménagé un coin avec des tentures et dans cette espèce de tente, il y avait un épais tapis de laine, deux poufs orientaux et une chaise en paille. Il s’assit sur un coussin défraîchi, posé sur la chaise et elle commença à l’attacher avec précautions. Les mains derrière le dossier et chaque jambe à un pied de la chaise. Il se laissait faire de plus en plus curieux de savoir ce qu’elle allait encore inventer. Elle saisit un foulard et vint lui bander les yeux. Il cherchait maintenant à interpréter les bruits légers d’objets qu’on déplaçait… Maintenant, c’était le silence et Catherine était agenouillée face à son « prisonnier ». Hubert entendait sa respiration saccadée puis sentit une main qui se posait sur la braguette. Et un, et deux puis trois boutons sautèrent et la main commença à pétrir, caresser le coton blanc. Un renflement arriva rapidement. Hubert ne protestait pas. La main s’attardait sur le mont et glissaient dessus lentement. Maintenant le tissu était tendu à un max et Hubert fermait les yeux, la bouche sèche. Un doigt glissa sur le côté et tenta de passer sous l’élastique. La deuxième main fit sauter le gros bouton pour ouvrir le pantalon qui était serré ce qui évitait l’utilisation d’une ceinture. Cette fois, la main entière put passer sous le tissu et saisir « le long jouet dur comme le bois » qui jaillit tel un pantin du tissu. Quelque chose de chaud et humide courut de bas en haut et il fut persuadé que c’était sa langue. Puis il y eut un temps mort très court et il détermina que c’était quelque chose de dur, pointu et froid qui faisait des ronds prés de l’extrémité de son sexe tendu à se rompre. Il sentait que quelque chose montait en lui et elle s’en aperçut également. Elle poursuivit doucement un léger « va et vient » tandis que la deuxième main tripotait la base. Il ne pouvait rien faire, mais ne voulait également rien faire. Il n’était plus là. Il se mordait les lèvres pour ne pas crier. Son sexe explosa puis il y eut plusieurs soubresauts. Elle enleva le foulard. Il la vit qu’elle essuyait avec précautions le résultat de sa manipulation. Elle dut utiliser deux mouchoirs qu’elle déposa 70 dans un sachet publicitaire de supermarché. Elle lui souriait contente du « bon tour » qu’elle venait de lui faire. Elle libéra les mains du prisonnier et sortit de la pièce avec le sachet contenant ses deux mouchoirs. Il se rajusta et c’est à ce moment là qu’il vit qu’elle avait dessiné des yeux, un nez et une bouche sur son sexe avec un feutre noir ! Il aperçut les trois bougies odorantes allumées et une dizaine de poupées qui avaient assistées à tout le « spectacle ». Quand elle revint, elle ramassa son sac en peau de daim qui devait contenir son attirail et se tourna vers ses poupées. - Alors mes chéries, on est contentes. Bien que différent, c’était bien aussi cette fois. C’est tout de même mieux à deux, n’est ce pas … Hubert ne disait rien, ne cherchant pas à comprendre ce qui était une évidence. Mais il avait fort apprécié son état de « prisonnier ». Il était prêt à une nouvelle expérience et il aimerait bien la faire prisonnière ! Il n’avait pas pensé tout haut mais elle le devina rien qu’à voir sa mine. - C’est un bon projet pour toi mais faudra d’abord me battre ! - Pourquoi pas ! Si je m’entraîne, répondit-il surpris de sa répartie. - C’est pas demain la veille, mais on ne peut jurer de rien. Je peux être dans un mauvais jour, dit-elle en éclatant de rire, ou faire exprès de perdre. Hubert repris son rythme et décrocha sans problème son brevet comme Philippe. Ses parents voulaient rendre l’invitation et comme Catherine avait réussi aussi c’était le parfait prétexte. Un barbecue avait été prévu et le préau de l’école pouvait servir de repli au cas où la météo n’aurait pas été au rendez-vous ! Hubert rêva la veille qu’il battait « l’indienne » et partait à la découverte de son corps mais il ne trouvait rien, car c’était toujours un territoire vierge donc mystérieux. Le jour dit, les parents de Catherine arrivèrent seuls. Catherine et son frère étaient partis avec les grands parents en vacances dans une villa louée à Bormes les Mimosa. Elle se trouvait dans un complexe avec piscine et tennis... L’année suivante, un peu avant les vacances de février, Hubert, le cœur battant ne sachant s’il voulait gagner ou perdre, se rendit avec ses 71 parents dans les Mines, toujours prés de Lens, mais cette fois encore Catherine était absente. Elle participait à une compétition de tennis de table avec son lycée, ce qui expliquait sa large défaite la dernière fois. Il fut quand même très déçu ! Au « retour » au printemps suivant, Catherine était en voyage scolaire en Angleterre. Cette fois cela ne le chagrina pas plus que ça, car il avait pris conscience qu’il n’aurait pas pu « rendre la monnaie de sa pièce », pas encore ! Et puis il « vieillissait ». Il avait pu flirter ce qui lui avait permis de découvrir un territoire inconnu par le toucher. Quelques revues osées, cachées dans le bureau de son père avaient nettement amélioré sa connaissance de l’Autre ainsi que des techniques nouvelles appropriées. Il manquait toujours la pratique ! La table de ping-pong récupérée prés de la mairie pour les activités du centre aéré lors des vacances estivales se trouvait sous le préau ! Il l’utilisait le plus souvent possible avec Philippe et avait désormais un bon niveau. Il allait poursuivre son entraînement intensif pour la prochaine fois, si une telle rencontre pouvait avoir lieue. Le temps passait et Hubert filait sur ses 17 ans et un baccalauréat. Ce jour là quand ils arrivèrent dans la Cité minière, Hubert ne vit que le petit garçon qui avait bien grandi et il se demanda « quelle excuse » serait invoquée pour justifier l’absence de Catherine ». Il fut d’autant plus surpris de la voir qui pénétrait dans la pièce accompagnée d’une autre fille, à la peau bronzée qui devait avoir son âge. Elles portaient toutes les deux un jean serré et délavé qui était troué aux genoux, ainsi que des corsages bleus foncés entr’ouverts. Il remarqua de suite qu’elle avait pris des formes « agréables » et qu’elle devait être de sa taille. Elle embrassa ses parents puis s’avança sur lui et déposa un baiser sur chaque joue. Son amie fit de même et comme elle dépassait d’une tête Catherine, elle dut se baisser pour déposer ses baisers. Il eut une vue plongeante et aperçut un peu plus que la naissance de ses seins assez importants à première vue. Son visage s’empourpra Les deux jeunes filles s’en aperçurent et échangèrent un sourire complice et convenu. Clara était martiniquaise et ses parents voulaient qu’elle passe son bac en Métropole. Elle partageait la même chambre que Catherine qui 72 faisait office de tutrice. Elle passait une fois par mois le week-end chez les parents de Catherine. Hubert eut tout le temps d’examiner la jolie fille des îles aux yeux verts magnifiques et à la peau cuivrée. Depuis la dernière rencontre, il regardait les filles avec un autre regard. Elles avaient toutes deux des trésors à découvrir mais cette fois il n’y croyait plus. Il ne voyait pas comment il pourrait espérer une revanche avec la nouvelle configuration alors qu’il pensait avoir sa chance au ping-pong… Le rituel se déroula comme à l’accoutumée quant aux adultes. Le tapis de cartes fut déroulé et les parties de manille défilèrent… - Tu viens montrer ta force Hubert ? Déclara Catherine. Mes parents m’ont dit que tu avais une table chez toi et que tu étais devenu un très bon joueur poursuivit-elle, d’un air narquois ! - C’est peut-être vrai mais comme tu fais de la compétition, n’est-ce pas ? - Je n’en fais plus cette année, Clara et moi on veut notre bac avec mention. - Pourquoi avec mention ? - Pour notre dossier pour l’école de Commerce de Poitiers. - Pourquoi Poitiers ? - Que de questions indiscrètes ! Ma mère est née à Chauvigny et c’est juste à côté de Poitiers et j’ai de la famille dans le secteur. Je n’aurai pas de problème pour l’hébergement. - Et c’est pareil pour …Clara ? - Elle ne sait pas encore ce qu’elle veut mais la mention ne peut être qu’un plus ! Ils étaient tous trois dans le sous-sol et l’espace réservé aux voitures avait diminué. Il n’était plus possible d’en mettre deux. Une pièce supplémentaire avait été aménagée. Catherine s’aperçut du regard d’Hubert. - C’est là dedans que mes parents mettent leurs archives…et le vin ! - Il y a suffisamment de place pour jouer même si c’est bas de plafond. Faut faire avec, ajouta Clara. - Il n’y a rien de changé de ce côté, les règles restent les mêmes, annonça Catherine avec un regard plein de malices. - Comme la dernière fois ? Demanda Hubert inquiet. - Comme lors de notre dernier assaut, Tout pareil ! dit Catherine… Tu es d’accord naturellement ? - Mais, c’est que vous êtes deux ! - C’est important pour toi dit Catherine en éclatant d’un rire 73 contenu. Ce sera plus épicé ! - Place au jeu, déclara la jeune Antillaise, ne laissant pas Hubert réfléchir à cette nouvelle donne. J’arbitre votre match, poursuivit-elle ! Hubert, plein d’espoir, s’aperçut très vite qu’il était débordé et qu’une nouvelle punition lui était réservée. Catherine exultait et serra ses poings pour montrer sa satisfaction. - Cela fait 3 à 0 et il est inutile de poursuivre la punition car il faut admettre que c’en fut une, n’est-il pas ! Décréta l’Antillaise. - Faudra encore t’entraîner pour espérer gagner la fois prochaine ! S’exclama Catherine. - Elle est trop forte, je ne pouvais rien faire, se lamentait le jeune adolescent. Je suis encore tombé dans un traquenard. - Mais non, mais non, tu vas te refaire avec Clara. Tu es chaud et elle non. On ne fera pas d’échauffement. On va commencer tout de suite. Tu n’es pas contre ma Clara susurra la belle Catherine car non seulement elle était souple mais elle avait embelli, nettement ! Son regard était clair et net, avec un soupçon d’effronterie… - OK, répondit la fille des Iles en faisant un clin d’œil à sa copine. Celui-ci n’échappa nullement à Hubert qui dodelina de la tête. Il était pétrifié par ce qui allait arriver. Il n’osait y penser. Il était loin de la réalité car il fut écrasé, laminé. C’était la taille au dessus. Il était groggy debout, anéanti. Il avait la tête vide et ne pensait plus à ce qui allait suivre. - Elle est aussi forte que toi, sinon plus forte. C’était vraiment une embuscade murmura le jeune adolescent. Les deux filles, conscientes de ce qu’elles venaient de faire subir à Hubert étaient venues contre lui comme pour le réconforter. Catherine l’embrassa de nombreuses fois sauf sur la bouche, tandis que Clara essuyait la sueur avec un mouchoir brodé qu’elle avait sorti du sac en daim qu’elle portait en bandoulière ! - Ca va Hubert. Je reconnaît qu’on t’a fait souffrir. Tu mérites une récompense. On va remonter et on va boire de l’orangeade ou du coca… - Tu préfères quoi ? Ajouta Clara, d’un air angélique. Les parents continuaient leurs parties mais c’étaient les femmes contre les hommes. Ils relevèrent à peine la tête quand les 3 jeunes s’installèrent dans la cuisine pour se désaltérer. Et quand les deux filles montèrent l’escalier en bois qui menait à l’étage, Clara suivait Hubert… 74 C’était la chambre de jeune fille avec un lit en métal de 120 laqué d’un blanc brillant qui était parallèle à la porte. Il y avait deux tables de chevet assorties avec un réveil rose à remontoir sur celle qui se trouvait prés de la porte. Une fenêtre face au lit avec une étagère en bois remplie de poupées qu’Hubert reconnaissait sur la droite et une armoire-bureau avec un abattant qui servait de plan de travail à gauche. Le bureau était ouvert et un désordre ordonné prouvait qu’il servait, car deux chaises paillées étaient devant. Enfin sur le côté du lit, il y avait une garde robe avec trois portes dont la centrale portait une glace. Catherine alluma un tourne-disque qui était sur le sol du coté opposé à la porte et un air connu inonda la pièce. Le haut parleur était dans le couvercle. Catherine avait tourné la clé « pour pas que mon petit frère puisse venir nous embêter » fit-elle remarquer. Clara approuva d‘un hochement de tête ! Les filles s’installèrent sur la carpette située entre le lit et le mur couvert de photos de jeunes artistes yéyés. Hubert dut s’asseoir entre elles deux. La platine était munie d’un distributeur et les 45 tours descendaient automatiquement. Au troisième single, Catherine décida de monter sur le lit, échangea un regard convenu avec sa copine qui se releva aussi et s’appuya sur les barreaux en cuivre du bout du lit. - Hubert relèves toi et viens à côté de moi, ordonna Catherine en tapotant sur le dessus de lit pour mieux marquer l’emplacement. Bon, maintenant, Clara, je vais te montrer quelque chose que tu n’as jamais vu ! Une chose à laquelle tu n‘as jamais assisté. Quand on joue au tennis de table, le perdant devient l’esclave du gagnant et comme la dernière fois, c’est Hubert qui devient mon jouet ? N’est ce pas Hubert ? - Heu, c'est-à-dire que… Le jeune homme désarçonné cherchait sa réponse car cela n’était arrivé qu’une seule fois et ils n’étaient qu’à deux. Il n’était pas d’accord cette fois et… - Tu n’as plus rien à dire. Le ton était ferme et définitif et sans attendre, Catherine bascula Hubert en arrière. - Tu ne bouges plus et tu fermes les yeux. Sinon je mets un bandeau. Catherine lestement enjamba le corps allongé et se mit sur ses genoux. Hubert ne voyait plus que le dos. Il essaya de se redresser. - Tu veux rester tranquille ! Ordonna la « cavalière, d’ailleurs je vais demander à Clara de te mettre un bandeau. Finalement ce sera plus simple et 75 tu gigoteras moins ! La jeune martiniquaise, prit un cache-nez sur une étagère qui se trouvait dans la garde robe sur les indications de son amie et vint le mettre sur les yeux du « jouet » qui se laissa faire, anéanti. La ceinture fut prestement dégrafée et la fermeture éclair abaissée. Clara regardait, surprise de la tournure ultra rapide des événements, amusée et curieuse de ce qui allait suivre, bien qu‘elle le devinait. La main fine de Catherine tripotait vivement le tissu de coton lisse, toujours identique à la dernière fois, et faisait remarquer à sa copine par un hochement du menton la bosse qui prenait de l’ampleur. Sa main remonta jusqu’à l’élastique et fit descendre en roulant le frêle vêtement, découvrant la parie haute de son jouet. Hubert tenta un mouvement de la main, mais Catherine lui donna une tape. - Pas touches esclave! Tu ne dis pas un mot et tu te concentres, poursuivit-elle d’une voix affirmée mais douce. Le slip était complètement abaissé et si une main glissait lentement de haut en bas le long de la verge, puis remontait sur le jouet fièrement dressé, l’autre s’occupait de la base. Catherine demanda par le regard, puis par un hochement à Clara de lui donner son « sac d’indienne ». Elle y prit un petit sachet en plastique déjà ouvert et sans effort apparent recouvrit le jouet des « pieds à la tête ». Il était temps car celui-ci « pleura », animé de spasmes. - Mais c’est qu’il a un gros chagrin ! Dit Catherine, très satisfaite de sa prestation. Et qui remettait tout en place avec compassion, essuyant délicatement son jouet. - T’en penses quoi ? S’adressant à la spectatrice qui semblait blasée. - Aux Iles, il y a longtemps qu’on joue au docteur. Maintenant on joue au papa et à la maman… - Ah ouais, répondit Catherine, désappointée. Et il n’y a pas… Elle cherchait ses mots. - Parfois, c’est vrai. Il y a un problème laissa tomber Clara ! Mais on connaît des recettes ! - Tu pourrais me montrer un jour ? - Tout de suite, si tu veux ! - Avec Hubert ? - Pas de problème. Tu restes là. Tu seras aux premières loges. - Hubert va pouvoir ? 76 - Fais-moi confiance. Il va apprécier. J’en suis persuadée. Clara se leva, ôta son jean délavé et troué, s’approcha d’Hubert toujours allongé qui se remettait de ses émotions, la tête vide. De nouveau, des doigts s’occupaient de son sexe qui sans difficultés recouvrait toute sa vigueur. Catherine se souleva et quitta son esclave tandis que Clara prenait sa place, plus proche du sexe. Elle se redressa, écarta son slip couleur chair, dévoilant une petite toison sombre. Elle conserva le sexe dans sa main et le redressa pour l’amener sous sa toison juvénile. Elle exécuta quelques va et vient pour décalotter le pénis tendu à l‘extrême, tout en s’abaissant lentement pour l‘engloutir sans effort. Hubert sentit que quelque chose de chaud et humide enserrait son sexe qui prenait encore de la dureté et du volume. Clara s’était penchée vers son amie impressionnée et cherchait ses lèvres qu’elle lui offrit. Elles échangèrent un long baiser tandis que le bassin de Clara bougeait alternativement d’avant en arrière puis de haut en bas. La main de Clara s’était posée sur le corsage de Catherine qui acceptait de bonne grâce ce développement imprévu de situation. C’était une nouvelle expérience, un nouvel univers qu’elle découvrait. Hubert laissa échapper un cri quand il explosa une nouvelle fois et sa jouissance fut incomparable. Les filles cessèrent leurs jeux de mains, remirent de l’ordre dans leurs tenues. Clara s’éclipsa dans la salle de bains. Hubert recouvrit la vue, ignorant vraiment le processus extraordinaire de ce qu’il venait de vivre... Aucun problème pour le baccalauréat. Hubert savait précisément ce qu’il voulait. Il avait été impressionné par un oncle qui était un grand avocat d’Assises. Quand Maître Xavier Bagoo venait voir sa sœur, cela ne manquait pas. Une grande discussion, toujours la même, mettait aux prises la mère d’Hubert qui n’acceptait pas que son avocat de frère aimait par-dessus tout défendre l’indéfendable tels les pires criminels auxquels elle n’accordait aucune indulgence ni circonstance atténuante. Il le savait qu’elle était, comme son beau-frère, pour la peine capitale. Hubert serait comme lui, un grand avocat. Et il allait faire ce qu’il fallait pour le devenir et le plus vite possible. 77 Et les « jumeaux » s’inscrivent à la Fac Libre de Droit à La Catho rue Vauban à Lille. Le copain d’enfance de son père connaissait un client dans son fichier qui acceptait de louer un grand studio qu’il possédait derrière la gare centrale. C’était un quartier « chaud » mais comme il avait tout le confort et même un ascenseur... Et finalement « les filles » étaient sympathiques et correctes avec les deux ados ! Hubert suivit sans difficulté le cursus universitaire. C’est lors d’une « boum » en fin de première année qu’Hubert rencontra une belle blonde, à peine plus âgée que lui mais en seconde année. C’était « elle » qui l’avait remarqué et « dragué ». Ce fut la première fois qu’il « connaissait » une fille. Ce ne fut pas évident car lors des deux précédentes expériences, il devait « subir » avec interdiction de prendre des initiatives. Elle fut surprise mais elle ne lui fit pas remarquer son « amateurisme ». Elle le laissa partir à la découverte de son corps, l’aidant quand même. Ce ne fut pas évident pour le jeune homme car il fallait imaginer, la « totalité de l’autre » surtout dans le noir et sur une moquette rase, dure comme du bois, inconfortable au possible. Finalement, elle apprécia « sa gaucherie », son inexpérience. C’est à ce moment là qu’Isabelle Wastyn décida de prendre en charge son éducation sentimentale, de « former » son jeune amant. La maîtrise en droit privé et droit civil était en vue. De temps en temps Isabelle donnait un cours particulier et notait avec satisfaction que son « élève » progressait régulièrement en technique. Elle savait également qu’Hubert ne faisait aucune application extérieure. Il l’attendait tel un gentil caniche ! Elle avait toujours son année d’avance et elle avait fait un stage dans un cabinet d’avocats de Lille ainsi que dans le service juridique d’une grosse entreprise textile qui était en crise comme toute la filière. Elle ne se contentait pas d’Hubert et connaissait d’autres aventures pas toujours voulues mais elle était une femme de tête, jeune et belle de surcroît, blonde et désirable qui évoluait dans un milieu d’hommes, machos et conscients de leur pouvoir. Elle essayait de tirer profit de la situation. Elle faisait une étude de marché avec conviction et agissait en conséquence. Hubert était bien dans sa peau. Il était heureux. Sa vie était tracée. Tous les samedis soirs, il avait un cours particulier avec Isabelle et il appliquait ce que son coach lui enseignait. Il n’était pas en avance mais surtout, il était sur un nuage. Il avait 78 particulièrement réussi un partiel et il avait hâte de partager sa réussite avec Isabelle. Il tombait des cordes sur Lille en cette fin de journée et la nuit était tombée. Il était à la limite du raisonnable, au volant de la voiture d’occasion qu’il avait acheté en début de semaine. Ses phares trouaient cette obscurité dégoulinante et quand il s’aperçut qu’il arrivait au bout de la place du Général De Gaulle et qu’il devait tourner sur la gauche, il freina fortement. Il sentit que la voiture lui échappait. Il aperçut l’abribus avec la fille. La voiture dérapa, glissa sur les pavés mouillés et heurta de plein fouet le frêle abri de verre et la jeune femme... Morta, la vieille fileuse, portait une symare à longue queue trainante attachée par une agrafe couverte de pierreries noires qui tombait au sol couvert de pelotes de fils plus ou moins grosses tout en laissant découvert le bras droit. Celui-là même qui venait de trancher deux fils en même temps ! 7... Arthur Il faisait une chaleur étouffante et la clim fonctionnait de manière aléatoire, ce qui pouvait s’expliquer vu l’état du matériel. Son corps était couvert de sueur. Il était sur un lit qui n’avait qu’un seul drap qui avait du être blanc, il y avait longtemps. La pièce était plongée dans une semi pénombre car les volets métalliques ajourés étaient abaissés. De plus, devant cette fenêtre un rideau cramoisi limitait encore davantage le passage de la lumière naturelle qui restait suffisante pour deviner la présence du soleil dehors. Après un temps d’adaptation on devinait un tas de vêtements en désordre sur le sol. Il ne portait plus qu’un maillot de bain. Un autre corps était allongé prés du sien. Il portait une petite jupe d’un vert fluo et un corsage de la même couleur. Des yeux expressifs le fixaient intensément et faisaient ressortir sa peau foncée. En comparaison, le drap semblait être blanc, ce qui n’était pas le cas ! Le corsage collait sur sa poitrine maintenue par un soutien gorge noir qui contrastait avec la peau finalement plus claire qu’il ne pensait de prime abord. Elle reposait sur le côté. Elle prit sa main et doucement la posa sur son corsage. Il croisa son regard brillant qui l’invitait à descendre. Arthur lisait dans ses yeux ce qu’elle attendait de lui. Il commença à caresser 79 lentement le chemisier moite qui collait sur la peau sombre. Le regard lui demanda de faire sauter les boutons nacrés vert foncé. Elle parlait doucement. Il ne comprenait pas mais c’était doux comme une prière, une mélodie plutôt. Elle l’aida à ôter le fin tissu qui était mouillé par la sueur. La peau brune luisait et il voyait les muscles qui vivaient sous sa caresse. Il savait que la fermeture était dans le dos et il réussit du premier coup à la faire sauter. Elle se cambra de manière à ce qu’il pose ses lèvres sur la pointe d’un sein lourd qui dardait. Il était de la même couleur chocolat que l’aréole. Il agaçait une pointe avec sa langue mais elle lui fit comprendre qu’il devait le faire plus lentement et sur les deux… Il sentait monter son désir mais il laissait l’initiative à la belle Black aux longs cheveux lisses et tressés. Elle empoigna son épaule et le poussa vers le bas. Il repris sa progression tout en caressant d’une main la poitrine tendue. La mini jupe était remontée et le slip noir luisant était apparent, attirant tel un aimant son regard habitué à la pénombre et sa main. Sa langue descendait s’enivrant de la sueur salée et odorante. Il fermait les yeux et son corps se tournait sans qu’il s’en aperçoive. Sa bouche couvrait de baisers le tissu noir et ses deux mains essayaient de se glisser sous la frêle protection, ce qui n’était pas trop difficile. La voix douce de la jeune américaine le berçait tandis qu’il faisait glisser le tissu sur la peau luisante. Il comprit que d’autres mains dégageait son membre et le caressait également en le touchant à peine. Les deux bouches et les deux langues poursuivirent leurs caresses dans un silence total. Sa main avait découvert le clitoris qui avait atteint une taille importante. Il le titillait avec douceur. Il appelait ses caresses. Il ralentissait, accélérait, glissait sur le pli de l’aine, frôlait de sa paume toutes les lèvres ouvertes. Elle se recula quand elle comprit qu’il allait jouir tandis quelle atteignait elle même son plaisir… Les deux corps nus étaient allongés, alanguis l’un près de l’autre, profitant pleinement de l’instant. La clim se déclencha alors et un air brassé et frais caressa leur nudité. Mais, déjà, la main de la jeune américaine, trouvait le sexe d’Arthur et s’évertuait à le réanimer. La langue prit le relais. Elle montait et descendait le long de la hampe puis remontait jusqu‘au frein, suçotait l’extrémité... Il recouvrit ses esprits. Il n’aurait jamais pu imaginer ce qui lui arrivait. 80 Et tout ça pour une boite de sauce pour accompagner les nouilles ! Il occupait un logement dans une résidence universitaire et il appréciait Sadian son voisin dont le père était originaire de Saint Louis du Sénégal. Ils poursuivaient les mêmes études scientifiques et avaient réussit leurs examens de fin d’année universitaire sans stress particulier. Ils passaient souvent les soirées ensemble. Sadian avait acheté une douzaine de petites boites de sauce Buitoni en promotion pour accompagner les repas du soir qu’ils partageaient chez l’un ou l’autre. Ceux-ci étaient composés bien souvent de pâtes à l’eau et d’emmenthal râpé. Les moyens financiers étaient limités et il n’était pas question de faire des folies culinaires surtout en fin de mois et c’était une fin de mois. C’est de retour à la résidence avec ascenseur, qu’ils s’aperçurent en lisant l’étiquette, que la marque proposait une semaine aux States pour deux personnes. Fallait répondre à trois questions sur la Floride… Naturellement presque tout le monde connaissait les réponses et il y avait un tirage au sort pour dix heureux gagnants ! Banco ! Ils avaient gagné ce voyage pour Miami. Les formalités faites, ils avaient pris le matin un 747 d’Air France à Roissy Charles de Gaulle et onze heures plus tard ils se retrouvaient à l’aéroport international de Miami. Il était 18 heures en tenant compte du décalage horaire puis presque 20h quand la navette les déposait au Best Miami, un hôtel au charme suranné, commun sur la côte méditerranéenne pas très loin de la baie de Biscaye. Le temps de découvrir la chambre double, prendre une douche puis un cocktail en leur honneur en compagnie des 5 autres couples qui avaient appréciés la sauce Buitoni et un repas Italien, comme il se doit. Enfin une nuit bienvenue pour recharger ses accus et gommer quelque peu ce décalage horaire de six heures en leur défaveur… Séjour rêvé, d’après le programme prévu mais fatiguant. Celui-ci était chargé et précis. Faudrait faire « fissa ». Dimanche matin, une douche dés 8 heures pour améliorer le réveil, petit déjeuner copieux pour tous les goûts. Enfin un embarquement 90 minutes plus tard dans un grand van Ford avec une guide de type hispanique. Deux autres touristes japonais qui résidaient sans doute dans l’hôtel s’étaient joints aux amateur de sauce Buitoni. Direction le Parc 81 National des Everglades qui est un marais gigantesque peu profond et couvert d’hautes herbes résistantes au sel et de roseaux à perte de vue, clairsemé de petits monticules couverts de cyprès, palmiers dont une entrée se trouvait à une cinquantaine de kilomètres de la ville. On suivit un temps la Tamiami Trail, direction Shark Valley, où un Parc Ranger nous proposa au choix un « tram », un «hydro » ou des bicyclettes pour la visite du parc. Un couple âgé, de notre groupe dont la femme était handicapée choisit le « tram » qui était une navette ouverte sur les côtés .pour mieux apprécier l’environnement. La guide les accompagna. Les Japonais choisirent l’hydro qui était un bateau à fond plat propulsé par une hélice à l’arrière. Tous les autres enfourchèrent les vélos encadrés par deux gardes. Sans se presser, munis d’une casquette donné par la guide à la descente du mini bus ainsi qu’une gourde d’eau fraîche, il fallut parcourir les quinze miles du circuit de la visite, longeant des bassins artificiels et aménagés où se prélassaient plusieurs dizaines d’alligators à demi immergés parmi des nénuphars. On « remercia » ces brave bêtes car c’était grâce à ce reptile qu’on était là vu que c’était la première réponse au questionnaire de la petite boite de sauce… Puis, on traversa d’autres lieux réservés aux tortues et aux échassiers. On pouvait imaginer les immenses ressources du parc car on n’observa ni les lamantins, ni les crapauds buffles, ni les serpents, ou les ratons laveurs. Les gardes connaissaient leur « boulot » et commentaient avec à propos tout ce qu’on voyait. . La randonnée dura près de quatre heures sous un soleil implacable et on commençait à avoir des crampes d’estomac. Le décalage horaire sans aucun doute. Cela irait mieux demain. On retrouva le couple manquant qui se reposait en buvant une boisson rafraîchissante sous le parasol d’un snack… Le retour parut plus rapide. Arthur n’était pas dans son assiette. Un coup de chaleur sans doute et préféra aller se coucher tandis que Sadian décida de partir à la découverte de la ville à pied. Il rentra vers 2 heures du matin… Le lundi matin, dés 7h 30 sous la conduite de notre belle guide on prenait place dans un bus Greyhound qui faisait la navette Miami-Key West. Cette ville était le point de départ de la route Fédérale n°1. On aurait pu suivre notre voyage en lisant le prospectus trilingues qu’on avait trouvé à la réception de l’hôtel, mais les commentaires dans un français 82 hésitant ajoutaient une couleur locale aux incroyables paysages. Surtout après Key Largo. L’Overseas Highway qui était une route étroite était souvent au niveau de l’Océan Atlantique aux eaux turquoises à gauche et du Golfe du Mexique à droite. La route empruntait des ponts qui sautaient d’une île à l’autre découvrant des plages au sable blanc et quasi désertes. Il y avait 34 îles, et 43 ponts d’après le prospectus ! La route avait repris le tracé de la voie ferrée et servait d’aqueduc pour les Keys. Après la ville de Marathon ce fut le Seven Bridge avec pour seul décor le Golfe d’un côté ou l’Océan. Vers 12h30 on arrivait à destination et on avait quartier libre jusqu’à 14h. On avait échappé à l’averse matinale quotidienne et le groupe resta soudé durant la découverte du Mile Zéro sur une borne verte dans le vieux quartier historique aux maisons de bois construites sur pilotis, puis sans le savoir on dénicha la plaque fixée dans le sol, sur un socle : le Southernmost Point qui marquait le point le plus au sud des USA. Une plaque souvent dérobée par des « collectionneurs », précisa notre guide qui nous attendait là ! On déjeuna dans un Mac Do et la « bande » cette fois se sépara pour partir à la découverte de cette ville située à 90 miles de Cuba et premier point de chute des anticastristes qui fuyaient leur île ! Arthur et Sadian se promenèrent autour du port avec ses restaurants, ses agences de locations de bateaux de pêche au Marlin ou au Barracuda, et les bateaux promenade vers la barrière de corail toute proche sous l’œil impassible des pélicans. Ils prirent place sous un palmier qui se trouvait en bordure d’une plage et profitèrent du spectacle des filles, aux charmes indiscutables offerts à la vue de tous, des surfeurs, du soleil... Sea, sex and surf ! Puis ce fut le retour par l’océan side à l’hôtel et cette fois Arthur accompagna Sadian qui avait déjà pris ses marques la veille pendant que son ami dormait. Ils se retrouvèrent dans un quartier animé avec ses tavernes, ses bars, ses petits magasins et une foule bigarrée et bruyante qui déambulait sans réel but. Sadian se dirigea vers un groupe de quatre musiciens qui animait la nuit qui tombait. Ils étaient une douzaine en réalité à la peau plus ou moins foncée qui firent de grands signes envers Sadian. Il y avait des Cubains, des Portoricain et deux Africains, des Peuls, qui connaissaient Saint-Louis et le quartier de Sénéfodougou, là où vivait la famille de Sadian ! Il y avait 83 aussi trois jeunes femmes noires également. Arthur était le seul « Blanc » et il flasha sur l’une d’entre elles. Le mardi matin seuls les heureux gagnant du concours Buitoni prirent place dans le Ford accompagnés de deux guides qui devaient être des sœurs jumelles tant elles se ressemblaient. On connaissait déjà l’une d’elle ! On arriva environ quatre heures plus tard à Orlando, qui était la réponse demandée à la deuxième question du concours Buitoni... Il était presque midi quand le Van s’arrêta dans un parking situé prés d’une énorme brasserie dotée d’une piscine gigantesque. On eut droit à une pizza mince mais de taille XXL ou un double hamburger qui aurait pu rassasier une famille de Ch'timis, le tout accompagné d’un verre d’un litre avec des glaçons qui n’arrivaient pas à flotter sur du coca ! En fait, on remplissait en premier le verre de glaçons avant de compléter avec le coca ! Après le repas, les guides nous menèrent à l’entrée d’une rue piétonne qui semblait sans fin et nous abandonnèrent : quartier libre jusqu’à 18 heures. On parcouru ce qui était « Orange Avenue » en se comptant sans cesse tout en restant « Groupir » ! On se retrouva au lieu de rendez-vous avant l’heure prévue, sans une perte humaine et l’impression d’être sur une autre planète. De nouveau la route normale car les guides commentaient sans cesse ce qui se déroulait. Donc après l’autoroute normale, une autoroute privée, la World Disney qui menait devant Disneyland après une vingtaine de minutes dans une circulation incroyable. Le Ford se gara dans un parking qui semblait illimité et des petits trains sur roues qui tournaient sans cesse nous chargea avec nos bagages jusqu’à un monorail qui nous déposa à l’intérieur de « notre » hôtel, le Disney’s Contemporary Resort ! Puis des ascenseurs et enfin nos chambres qui donnaient sur le Château surélevé de Cendrillon. Le temps de s’en mettre plein les yeux une nouvelle fois, prendre une douche et déjà c’était un restaurant situé au quatrième étage où les plats avaient la forme de Pluto, des Nains, de Picsou et autres personnages tandis que Daisy se promenait réellement parmi les convives. Impressionnant. A peine le temps de digérer que c’était la cavalcade tardive dans Main Street puis un feu d’artifices incroyable et enfin la chambre pour une nuit finalement agitée… 84 Le mercredi fut libre. On restait sur le site, se promenant chacun de notre côté, visitant les boutiques, flânant, admirant… On était comme dans une ville qui pouvait assouvir tous nos besoins. Cette journée permit de reprendre nos esprits et des forces. On se retrouva tous ensemble le soir au quatorzième et dernier étage de notre hôtel dans un restaurant panoramique qui donnait sur l’ensemble du Magic Kingdom. Le jeudi on quittait la féerie pour découvrir la réalité du Centre Spatial de Cape Canaveral qui était la réponse à la troisième et dernière question de Buitoni. Une heure de route et quatre vingts kilomètres plus loin, sur l’Atlantique, on se retrouve devant un astronaute en plastique blanc juché sur le portique d’entrée. Il était à peine 10 heures et l’effervescence était déjà à son comble. A pied avec nos guides, on parcoure la zone des reproductions grandeur nature des fusées et capsules utilisées, avec des flamants roses qui arpentent les lieux en nous ignorant avec superbe, car nous sommes dans une réserve naturelle d’oiseaux ! Un film retraçant la conquête spatiale nous mit dans l’ambiance avant la visite de la réplique du centre de contrôle et de la navette. L’heure tourne et nos pieds ont besoin de se reposer. Pizzas, burgers, coca… C’est la routine. L’après midi on visite en car le site d’assemblage. On emprunte la route utilisée par une fusée jusqu’au pas de tir et on monte sur une tour d’où on embrasse les deux emplacements de tirs. Enfin ce sera la reconstitution de ce que sera la plateforme internationale, les modules, le Centre Apollo avec une fusée Saturne V allongée au dessus de nos têtes. Et le magasin des souvenirs qui vous allège de vos derniers dollars avec des produits dérivés plus vrais que nature… Tout est extraordinaire, immense, gigantesque, hors norme ! On n’a plus de superlatifs ! On se demande si on ne se trouve pas encore dans un autre parc d’attraction dont le thème serait l’Espace. Un parc futuriste consacré à la Science Fiction où tout est pensé pour nous faire croire que cela n’est pas demain mais aujourd’hui ! Il n’y aura pas de place au hasard quand les Terriens partiront à la conquête des Etoiles ! On quitte cette immense lagune et l’île Merritt où les alligators montent la garde pour retourner à la case départ pour une dernière nuit américaine… Retour au Best Miami et comme Sadian voulait voir ses amis, ils rentrèrent tard une nouvelle fois avec une ultime rencontre programmée pour le lendemain midi. 85 Sarah posa sa tête sur la poitrine d’Arthur. Il quitta ses pensées et caressa sa nuque avec sa main droite. Et son dos avec l’autre. La clim était en rade une fois de plus et la sueur recommençait à perler. Les parfums de Sarah l’enivraient à nouveau tandis que les mains couraient sur son bas ventre délicatement. Elle chantait doucement. Son désir reprenait vie. Il le sentait. Sarah aussi. Elle se retourna, l’enfourcha face à lui, dodelinant de la tête, les yeux mi-clos et guida son désir vers son fourreau qu‘elle savait contracter. Quand il fut en elle totalement, elle bougea son bassin en tous sens en douceur et Arthur s’abandonna une fois de plus... La journée s’achevait. Il fallait prendre l’avion du retour… Voyage incroyable où tout était hors norme, pensé à une autre échelle mais Arthur finalement préférait le marais de Saint-Omer aux Everglades, sa région du Nord à la Floride où tout était prévu pour occuper, retenir le touriste et prendre ses dollars ! Décima, la divine, drapée dans une robe aux plis multiples de couleur rose, s’applique, imagine et enroule le fil sur un fuseau. Morta se trompe de fil. 8...Nicolas 7h15... Le jour pointait et la brume noyait le paysage. La Renault 21 ralentit et le clignotant indiqua que la voiture, couleur ficelle, allait s’arrêter. Elle monta sur la partie herbeuse ne laissant que deux roues sur le bitume. Le conducteur sortit et se dirigea vers le coffre, rejoint par le passager avant. Il saisit une petite table pliante qu’il déplia et posa devant lui. Le passager prit une chaise qu’il installa entre le coffre ouvert et la table dont le dessus plastifié était bleue. Déjà le conducteur qui avait pris un gros cahier sur le siège arrière, s’asseyait. D’autres voitures s’arrêtaient sur le bas côté les unes derrière les autres puis les phares s’éteignaient et le silence de la nuit était maintenant troublé par les ouvertures puis fermetures retenues des portières. On se reconnaissait, on se saluait, on s’étreignait ou encore on s’embrassait comme si on ne s’était pas vu depuis longtemps. Pourtant on s’était quitté la veille 86 pour la plupart et au pire depuis une semaine. Tout le monde était content de se revoir, au milieu de nulle part. C’était assez incroyable. Tous étaient équipés comme il se doit et le métal des armes renvoyait des éclats de lumière sous les premiers rayons du soleil qui effaçaient les derniers lambeaux de brume qui s’accrochaient désespérément aux branches basses des arbres. On devinait qu’on était au bord d’une forêt. Un chemin relativement large s’enfonçait longeant les bois d’un coté et des champs de tournesol puis de maïs de l’autre. Tous connaissaient la procédure et tout en devisant et serrant des mains, ils s’approchaient de la petite table. - Salut Michel ! Comment vas-tu ? - Depuis hier, rien de changé. Donnes ton permis ! Je ferai les présentations tout à l’heure. Michel avait ouvert ce qui était le « Registre de battue » et notait consciencieusement les identités des chasseurs qui allaient participer, contrôlait la validité des permis, puis chacun apposait sa signature. Michel était le président de la société de chasse et chaque année, le dimanche qui suivait le 15 septembre, l’ouverture commençait ainsi mais cette année il y avait un plus car à chaque inscrit Michel donnait un sachet qu’il piochait dans une boîte en carton qui était dans le coffre de la voiture. - J’ai récupéré ça jeudi à la fonderie, où je travaille. Cadeau de mon patron. C’est un baudrier jaune fluo. On va pouvoir vous repérer de loin et il faudra vraiment le faire exprès pour vous confondre avec un « cochon » ! Un grand éclat de rire parcourut l’assistance. 7h45... Une petite trentaine de chasseurs dont deux femmes écoute avec attention les consignes de sécurité, les précisions quant au secteur chassé, reconnaissent les chefs de ligne qui leur attribueront les postes de tir. - Une dernière information. Tout le monde se connaît sauf Nicolas que voici. C’est un Ch'timi et c’est un « copain » de Catherine, ma filleule. On a passé la soirée ensemble et… - Pauvre garçon, il n’a pas du se coucher l’esprit clair ! Fit remarquer un chef de groupe, en rigolant - Un autre traquenard, ajouta l’une des deux femmes. Une onde de rire parcourue l’assistance 7h55…La petite troupe, Michel et les 5 chefs de groupe en tête se mettent en route et quitte la CD15. Tous avancent sur un sol sec et 87 caillouteux, le fusil déchargé et ouvert, une corne en bandoulière. Nicolas se retrouve au milieu des postes, ventre au bois, mais a du mal à voir sur sa gauche le chasseur, une femme aux cheveux auburn, enfouis sous sa casquette. 8h10 ...Tout est en place et il a aussi repéré le chasseur sur sa droite à une cinquantaine de mètre. Il inspecte avec soin l’environnement et découvre avec satisfaction que la zone réservée au tir fichant est dégagée sur une quarantaine de mètres jusqu’à un ru rempli d’eau vive puis au delà encore des champs de maïs et de tournesol. Quand le début de la battue est annoncé par un coup de corne très long, Nicolas peut charger son fusil avec une balle calibre 12. 8h15… Arthur entend le raffut provoqué par les aboiements des chiens des rabatteurs : des Anglos, des Bruns du Jura ou des Biggles, tous munis de grelots pour éviter les confusions ! 8h 17…Un coup très long de corne. Maintenant on peut tirer. 8h22… Un long coup de corne se fait entendre. C’est un renard qui a réussi à gagner le champ de maïs. Vu mais pas pris ! Puis trois coups au poste 2 suivi presque immédiatement de trois coups longs et un bref puis un coup de fusil. Le cochon qui franchissait la ligne pour tenter de disparaître aussi dans les maïs a échoué car trois coups longs et un taïautage annoncent sa mort. Mais déjà de plusieurs postes des sonneries retentissent et les coups de feu crépitent. Michel reconnaît au moins deux autres cochons, un chevreuil et deux renards. Il sait que plusieurs bêtes ont été abattues. 9h15…Un cochon au pelage roux d’une soixantaine de kilogrammes jaillit à 10 mètres de Michel, s’arrête, le regarde, semble évaluer la scène puis repart sans précipitation et s’enfonce dans les maïs. Michel a été tellement surpris qu’il n’a pu que sonner du cor trois coups longs et un bref. Il pensait sans doute à autre chose ! Il savait qu’un cochon pouvait sortir de cet endroit mais un court instant Michel n’était plus là… 10h 20 …Les rabatteurs étaient proches et le cor sonnait sans cesse ponctué de coups de fusils. 10h35… Quand Michel vit les chiens il sonna longuement trois fois. La battue était terminée. Il fallait décharger les armes. On pouvait enfin quitter son poste et plusieurs chasseurs purent se soulager… Les chasseurs devaient maintenant récupérer ce qui avait été tués. Pour les bêtes blessées, on verrait ça demain. 88 Il fallait remonter les cochons qui faisaient leur poids et ce n’était pas une sinécure. Certains buvaient un verre d’eau... Normalement ! 10h38... Un cri couvrit les conversations qui commentaient les exploits et les manques de cette première chasse. Le cri déchirant d’une femme qui sanglotait. Michel pensa immédiatement à Nicolas. 10h53…Le break 504 Peugeot Dangel quitte la gendarmerie de Vouneuil Matours et file vers la CD15 derrière Monthoiron. L’adjudant-chef Jérôme Roquet avait abandonné le volant à Jean Catalani natif de Solenzara-Sari qui avait rejoint la brigade un bon mois avant Pâques. Depuis que l’adjudant avait réussi à rapatrier le 4x4 de Guyane, où il avait effectué un séjour de deux ans, tous ses gendarmes se battaient pour le conduire. Il n’y avait que sa brigade qui avait un tel engin dans toute la France. Faut dire que c’était pour ainsi dire une épave tant la carrosserie avait souffert lors d’une sortie de piste alors que le peloton tentait de débusquer des orpailleurs venus du Brésil ou du Surinam. « Le mobilier » qui rentrait en Métropole était bien particulier mais l’important était qu’il se trouvait dans cette gendarmerie prés de Châtellerault. Après, la patience et un savoir faire indéniable de certains militaires avaient permis la restauration impeccable du monstre. Celui-ci avait une forte garde au sol ce qui permettait de sillonner sans difficultés les chemins forestiers souvent défoncés lors des patrouilles nocturnes dans les forêts du secteur. Et comme le 4x4 avait toujours ses batteries de phares additionnels, il était un « outil » remarquable pour la « chasse » aux braconniers de tous poils. Le gyrophare avait été allumé mais comme la circulation était presque inexistante, la sirène restait muette. Il ne fallait pas « effaroucher les hôtes de ces bois » qui étaient traversés. Un homme s’agitait au beau milieu de la route et quand il comprit que le véhicule ralentissait, il regagna le bas côté et attendit. La voiture de la gendarmerie s’arrêta à sa hauteur et l’adjudant-chef descendit. - Ah, c’est toi Michel, dit le militaire qui était content d’être en terrain connu. - Bonjour Jérôme, laissa tomber le chasseur qui connaissait aussi le gradé. - Alors ? - Un tour de con ! 89 - Mais encore ? - Un chasseur est mort ! Il s’est fait descendre par un autre ! Sale accident ! - Tu me conduis, tu m’expliqueras en allant. - C’est bien à 600 mètres. Tu peux utiliser ton tank… - Faut pas exagérer mais tu as raison, ce sera plus rapide. Tu n’as qu’à monter à l’arrière. - C’était une belle battue au sanglier et on a réussi à tuer les quatre bêtes, trois noires et une rousse qui nous étaient alloués sur le plan de chasse. En plus le temps est magnifique. Tout s’était déroulé parfaitement et il a fallu cette connerie pour tout foutre par terre ! - Le chasseur, je le connais ? - Non ! Même moi, je ne le connais pas ! - Qu’est ce que tu me chantes là. Comment ça, tu ne le connais pas ! Il ne faisait pas parti de la battue ? C’était un promeneur ? Le balisage de la zone n’était pas bien effectué ? - Pas si vite ! Il était mon invité et… - C’était ton invité et tu ne le connaissais pas ? Ma foi, j’y perds mon latin. - Je vais t’expliquer. C’est simple. C’est un ami de ma filleule. Tu l’as connais, ses parents son installés dans le Nord - Dans les assurances ? - Ah, tu vois. Tu l’as connais ! - Tu m’en as déjà parlé. Nuance car je ne l’ai jamais rencontrée. - Je croyais mais ce n’est pas important. Pourtant, il y a bien longtemps, pas loin de vingt ans, qu’elle est remontée pour terminer ses études à Poitiers à l’école supérieure de Commerce puis elle a créé son propre cabinet d’assurances. En fait une filiale de ses parents ! - Et c’est son mec ? - Non, je ne sais pas à vrai dire ! C’est un ami qu’elle a connu là bas. Dit-il, allongeant le bras vers l’horizon lointain. Elle va fêter ses quarante ans demain et elle l’a invité pour le changement de dizaine. - C’est réussi. Et que vient-il faire dans ta chasse ? - Catherine est venue hier soir pour voir sa tante et il l’accompagnait. Un problème d’assurance ! On a fait connaissance. Il était très sympathique et comme il revenait d’une chasse en Afrique, on a parlé de chasse et finalement je lui ai proposé de participer à celle-ci. Si j’avais su ! 90 - C’était son Karma ! Tu n’es pas responsable, mais qu’est-ce qu’il avait chassé en Afrique ? - Le phacochère qui est le sanglier du coin. - C’est grand l’Afrique. - Au Sénégal, près de Saint Louis. - Et il était venu avec tout le matériel ? - Non, pas du tout. Il avait ma corpulence d’il y a une dizaine d’années et je lui ai tout fourni. Il a essayé hier soir et comme ils ont passé la nuit chez moi, il était sur place pour se préparer ce matin. - Dans la chambre d’amis, car il n’était plus très frais hier soir, je suppose ? - Ben, c’est à dire que ce » couillon » a apprécié mes productions. Il n’a pas été malade mais j’ai préféré qu’ils ne prennent pas la route. - Parce que ta nièce était dans le même état ? - C’était une avance sur son anniversaire ! - C‘est vrai ! Le « Drôle », il a bien fait d’en profiter ! Tu lui as fait goûter ta production je suppose ? - Une petite eau de vie de prune. - Dans un grand verre et… - De l’épine ! - Et ton porto ? - C’était à l’apéritif. - La totale ! Et ils étaient dans le même lit ? - Ben oui. Pourquoi pas ! Je ne les ai pas forcés et ils étaient majeurs. Vu son état, il n’a pas du lui faire grand mal, rajouta-t-il à voix basse. - J’ai entendu, je suis pas sourd ! - On arrive. Il faut continuer à pied. Encore une trentaine de mètres. Tous les chasseurs étaient rassemblés prés du lieu du drame commentant les circonstance de ce qui était à l’évidence un malheureux accident comme il s’en produit malheureusement chaque année. Le véhicule s’arrêta au milieu du chemin et les quatre gendarmes mirent pied à terre. Une Renault 4L s’arrêta juste derrière le monstrueux véhicule de la gendarmerie. Elle était couverte de boue séchée tandis qu’un homme en descendit. Il portait des chaussures marron, un pantalon de velours brun, un pull à col roulé noir et une veste assortie au pantalon. - Bonjour docteur dit simplement Michel au nouveau venu qui était mal 91 rasé et avait la mine renfrognée. - Salut, répondit-il en levant sa main comme pour répondre à tous ceux qui étaient présents. C’est l’ouverture et y a déjà un accident ! Ca promet pour la suite… Même pas eu le temps de me raser. Pris juste un café et réchauffé encore. Il grommelait de manière à peine audible. Alors il est où le blessé ? - Le mort, précisa Michel. Suis nous. On vient d’arriver et c’est là bas prés du bosquet. Toutes les conversations s’étaient tues et tous épiaient les mouvements de la petite troupe. - Quel poste il occupait TON INVITE déjà ? Demandait l’adjudant-chef à Michel. En insistant sur le mot invité. - Le 9 je crois. - Que tu crois ! Bon admettons. Louis, tu t’occupes des postes 6, 7 et 8. Yves. Tu vois les postes 10, 11 et 12. Quant à Henri, tu fais venir une ambulance pour embarquer le corps, puis tu prends des photos et après tu inspectes les lieux des fois que ? Les gendarmes s’exécutèrent. Henri déplia l’antenne fouet et lança son message à la brigade pour qu’elle fasse le nécessaire. Puis il saisit l’appareil photo et vint faire le travail demandé. Le docteur avait fait une rapide inspection sans toucher au cadavre - Alors, de prime abord ? Demanda le militaire. - C’est un calibre 12 qui est entré dans la poitrine et qui est ressortit derrière. Un trou d’un doigt devant et de la taille d’un poing de l’autre côté. La mort a été instantanée. Il n’a pas souffert et il n’a rien vu venir. Son visage marque l’étonnement, la surprise et il a fait un sacré bond en arrière. C’est le tronc qui l’a bloqué. Je ne serais pas étonné que la balle soit dedans. Faut une autopsie pour en savoir plus mais il est encore chaud. Il a reçu ce coup de fusil il n’y a pas longtemps. Environ deux heures, ajouta le médecin en regardant sa montre. Voilà mon adjudant, je vous laisse poursuivre. Je n’ai plus rien à faire ici. Bon dimanche tout de même. Le docteur fit demi tour, rejoignit sa voiture, et partit après avoir fait quelques manœuvres. - Voila une chose de faite. Faut récupérer les armes, interroger tous les participants, récupérer le registre de battue. La routine quoi. - Et l’ambulance ? demanda Michel - Elle est en route et ne devrait pas tarder. Catherine est chez toi ? 92 - Oui. Va falloir la mettre au courant. - Tu lui dis que je voudrais avoir une conversation avec elle. - Où ? - Chez toi, il va de soi et qu’elle m’attende ! La petite voiture de la gendarmerie tourna à droite après le panneau routier indiquant qu’on entrait dans Monthoiron et continua jusqu’au bout de l’impasse. Il longea la propriété avec son tennis et sa piscine, protégés des regards toujours indiscrets par une haute haie de lauriers et se gara sur la gauche sur le terre-plein prés du hangar attenant à la maison. Il était arrivé chez Michel Champigny. Il descendit et s’avança vers l’entrée. Michel, ouvrit la porte et s’avança vers Jérôme Roquet. - Déjà ! Tu as fait vite, dit Michel, tutoyant le gendarme qui était seul. - Le temps de retourner à la brigade, manger un encas, changer de voiture et me voilà arrivé, par le haut.. - Pourquoi de ce coté ? C’était plus rapide par le bas du village ? - Je suis retourné sur le lieu de l’accident et j’ai emprunté la D9. - Pourquoi faire ? demanda surpris le Président de la Société de chasse - Je suis allé déposer Yves et Louis. On a trouvé la balle dans le tronc. Ils vont faire un tour du secteur et faire des relevés, prendre des photos…. - Il y a un problème ? - Non. Répondit l’adjudant chef d’un air convaincu. - Catherine t’attend. Elle est abattue et se culpabilise. - Pourquoi donc ? - Si elle n’était pas venue hier avec son ami. Si elle n’était pas restée pour passer la nuit… - Et si tu ne lui avais pas parlé de chasse, ou si tu ne l’avais pas invitée etc. etc. Avec des « scies » on coupe du bois. On ne peut pas revenir en arrière. Ce qui est fait est fait ! - Certes, mais on pourrait longtemps épiloguer. - C’était sa destinée, son karma ! Si on veut trop réfléchir, il n’était pas obligé de rester pour la nuit, d’accepter cette chasse ! Si tu veux bien, tu me laisseras seul avec elle. - Naturellement. Catherine était assise dans la cuisine avec sa tante qui cherchait à la réconforter. Elle avait pleuré et son rimmel avait coulé laissant deux traces noires sur ses joues. Jérôme percevait dans ce joli visage aux traits fins 93 toute la misère du monde. - Tout d’abord, Mademoiselle, je vous présente mes condoléances pour ce tragique accident qui est survenu à votre ami. - Merci. Je ne puis encore y croire. Nicolas était arrivé hier à midi et il se faisait une telle joie d’assister à mon anniversaire. - Il y a longtemps que vous le connaissez ? - Nicolas ? Oui. Naturellement. - Vous l’avez vu quand la dernière fois ? - Pour mes trente ans ! - Cela fait un sacré bail dix ans ? Dit surpris le gendarme. - On se donnait des coups de téléphones pour se tenir au courant de nos vies. - Oui, mais ça me semble fort espacées vos rencontres ! Quelles étaient vos sentiments envers ce Nicolas ? - Il n’y avait rien entre nous, si c’est ce que je crois comprendre. Que de l’amitié ! - Jamais rien ? - Je possède un grand appartement à Chauvigny avec trois chambres et Nicolas s’était installé dans la chambre d’amis. - Et votre « ami » n’était pas jaloux. J’ai remarqué que vous ne portiez pas d’alliance. Une belle jeune femme comme vous ne doit pas être seule, si je puis me permettre ? - Vous avez raison et je suis flattée de votre compliment. Je vais être franche avec vous, beau militaire. Je n’aime pas les hommes. Suis-je assez claire ? - Je pense que oui, lâcha l’adjudant-chef décontenancé par la franchise de la jeune femme. - Vous ne pensez pas à un accident de chasse ? - Il ne faut éluder aucune piste même si il y a 99,99% de chances pour que ce soit un malheureux accident. Le geste d’un « jaloux » pouvait être une piste intéressante. - Je comprends, mais non ! - On n’a plus qu’à attendre les résultats de la balistique ce qui va être rapide. Ce fut le calibre 12 de sa voisine qui fut incriminé. Les mortels ne pouvaient imaginer que leurs destins étaient presque écrit dés leur naissance. et que trois sœurs austères tissaient, déroulaient, tranchaient à leurs convenances ce fil qui était leur vie ! Il fallait bien 94 trouver une cause compréhensible... une cause humaine !