les parques - Les éditions Artalys

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les parques - Les éditions Artalys
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Fauchoix Jean-Pierre
LES PARQUES
1... Elisabeth
La forêt était fantastique en cette fin d’après-midi de ce début
novembre. Le soleil avivait toutes les teintes chaudes qui s’étalaient du
pourpre au jaune d’or. Aucun feuillage n’était semblable aux autres, et
même sur un arbre, on trouvait une palette complète de tons fauves tandis
que le sol se couvrait de paillettes d’or. L’automne était bien présent avec
ses teintes si particulières, ses senteurs humides propres aux sous-bois...
Elle faisait la route deux fois par jour pour gagner son travail. Elle était
enveloppée par les brumes matinales bleutées qui flottaient au dessus de la
route qui traversait la forêt, semblables à des elfes dont les longues
chevelures s’accrochaient aux branches des arbres qui se dénudaient
inexorablement, et qui s’écartaient avec volupté du capot de la petite Renault
cinq blanc cassé. Parfois un faisan jaillissait du couvert et s’y replongeait
vivement, ses couleurs se noyant dans le milieu ambiant. Ce matin, deux
biches avaient traversé la route sinueuse devant elle. Ce vendredi, elle
avait quitté l’usine de dentelles, située rue des Quatre Coins à Calais en
début d’après-midi. Depuis juin, on avait réduit les horaires car les carnets
de commande étaient bas. On dépendait des marchés américains et japonais
et comme la Haute couture se vendait mal...
Quand elle arriva en vue de la forêt de Licques où elle avait croisé, si
on peut dire, les biches, elle eut envie de s’arrêter prés du sentier d’où elles
avaient jailli, puis de marcher un peu sur cette allée forestière qui s’enfonçait
dans le sous bois doré. Elle mit son clignotant, ralentit et s’arrêta sur les
gravillons qui délimitaient un parking presque entièrement couvert de
feuilles aux teintes automnales. Elle descendit alors qu’un tracteur passait
sur la route tirant une remorque remplie de ballots de paille. Elle avait
rarement vu un spectacle aussi joli, féerique. La forêt semblait vouloir jeter
ses derniers feux avant de s’endormir et changer de parure. Elle voulait
apprécier au plus prés, ces instants de sa vie, cette existence à laquelle Luc
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avait donné un sens. Elle n’aurait jamais pu imaginer un tel amour tant sa
vie était grise, monotone, insipide. Elle ne cherchait plus pour trouver
« une âme sœur ». La rencontre avait été fortuite, curieuse, inattendue pour
elle qui a trente et cinq ans se voyait déjà finir “vieille fille’’.
Isabelle, sa meilleure amie avait décidé de se marier le dernier samedi
du mois de juin dans le village où elle était née, et où sa famille habitait, loin
de ce Nord qu’elle avait su apprivoiser. Son futur mari travaillait sur Rouen
à la Mairie et après le mariage, Isabelle, qui était institutrice de maternelle,
avait demandé et obtenu sa mutation pour la ville célèbre pour sa Pucelle.
Elle viendrait prendre possession de l’appartement de son mari qui donnait
sur la Seine. Heureusement qu’il y avait Luc maintenant sinon, elle aurait
été seule comme abandonnée par son amie.
Le mariage devait se dérouler à Yquelon, prés de Granville, en
Normandie. Elle tenait absolument à ce que Elisabeth soit son témoin. Son
insistance avait payé puisque Elisabeth avait finalement accepté.
Sur le moment, elle n’avait pas été enthousiasmée et pourtant elle
n’avait pas d’excuse valable à faire valoir pour refuser. Elle ne sortait pour
ainsi dire jamais, sa vie était la banalité même comme une grisaille sans
fin...
C’était la première fois qu’elle partait aussi loin et seule au volant de
sa petite Renault qu’elle s’était achetée en mars 1973. Cela faisait plus de
deux ans. C’était une bonne occasion ne cessait de répéter son père. L’espoir
n’avait pas tout à fait disparu de trouver un mari et ce mariage auquel elle
allait se rendre avait ranimé la petite flamme qui se mourrait au fond de sa
poitrine de “jeune fille” pas vierge. Son premier amour si on peut dire
s’était mal terminée. Sa première aventure serait le terme exact. En fait, elle
était la seule.
Elle avait tout juste dix sept ans et allait passer sa première partie du
baccalauréat dans ce lycée Sophie Berthelot de Calais qu‘elle fréquentait
depuis toujours. Emmanuelle, sa meilleure amie d’alors se trouvait en
Sciences expérimentales au lycée de garçons République. Cette section
n’existait pas au lycée Berthelot dont l’entrée principale se trouvait sur le
boulevard Gambetta d’où sa « mutation » au lycée de garçons en centre
ville.
Une boum était organisée par un camarade de classe
d’Emmanuelle. Celui-ci demeurait chez ses parents naturellement dans un
duplex dont l’entrée donnait face à la place d’Armes. Les parents étaient
absents comme il se doit, mais avaient donné leur accord... Elisabeth
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allait l’accompagner.
Emmanuelle lui avait parlé de Frédéric qui redoublait sa terminale
avec elle. Il y avait sept filles et onze mecs dans la classe enchâssée entre le
bureau du Principal et le logement de fonction du concierge. Une classe de
raccroc, tout en longueur qu’on atteignait en passant sous l’énorme escalier
de bois vermoulu qui menait au premier étage. Elle ne pouvait contenir que
trois élèves de plus sur deux rangs qui plus est !
Il était beau garçon, beau parleur, très bon danseur mais plus
intéressé par son tableau de chasse qu‘à ses études. Son look à la James
Dean faisait que toutes les filles se pâmaient devant lui. Il n’avait aucun
effort à fournir...
Elle savait pourtant mais comme les autres filles son cœur
s’emballa quand il l’invita à danser un slow de Paul Anka. La lumière était
désormais tamisée et nombreux étaient les couples qui flirtaient. Les mains
étaient baladeuses... Elle avait ingurgité quelques sodas mélangés à de
l’alcool sans aucun doute. Elle accepta son baiser et la langue humide de
Frédéric caressait la sienne tandis que ses mains la pressait contre son
corps sans plus...
Il lui susurrait des compliments sur son visage, ses yeux, ses lèvres,
tout en essayant de passer une main entre les panneaux de sa jupe. en tissu
écossais... Elle ne se rendit pas vraiment compte qu’il l’avait entraînée dans
un coin particulièrement sombre de la pièce et que des doigts avaient réussi
à se glisser sur le coté de sa fine culotte en coton brodé qu’il écartait. Son
corps s’était cambré, s’était collé à son partenaire, comme aimanté...
Instinctivement elle avait levé légèrement sa jambe droite. Quelque chose de
dur guidé par une main déjà experte, s’introduisit en elle sans difficulté... Un
va et vient lent commença semblant suivre le tempo de la douce musique.
Elle était comme tétanisée, ne comprenant pas vraiment ce qui se passait.
Elle ne pouvait plus suivre la langue du garçon qui ne bougeait pourtant pas
beaucoup. La « chose » frémit en elle et un liquide chaud l’inonda...
Frédéric retrouva sa respiration et s’écarta de la « fille » très satisfait de ce
qu’il venait de faire... Une de plus à son tableau de chasse... Vraiment facile
d’autant que c’était la première fois de cette manière.
Le slow se termina et... ce fut tout. Frédéric alla se verser un verre et
plaisanta avec ses copains. Emmanuelle vit son amie complètement
désemparée et comprit la situation. Elle l’emmena dans la salle de bains...
Ce fut une expérience détestable, si on peut appeler « ça » une
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expérience.
Le « chevalier » sur son blanc destrier était un triste Sire. Elle était
encore fleur bleue et n’avait pas du tout apprécié le côté physique. Elle avait
la sensation qu‘on lui avait volée « quelque chose » et puis le liquide qui
s‘était répandu dans sa culotte était gluant, collant... Elle ne
recommencerait pas de sitôt...
Mais d’un autre côté, elle ne voulait pas vieillir vieille fille quand bien
même sa mère lui disait qu’il valait mieux être seule plutôt que mal
accompagnée. Si c’était ça l’Amour...
Isabelle pensait aussi la même chose que sa mère mais ajoutait
qu’elle était encore jeune, désirable et qu’elle rencontrerait son Prince
Charmant. Elle avait subi une malheureuse première expérience... Cela
arrive plus souvent qu’on ne pense !
« Faire l’amour est très agréable. Tu verras. Tu aimeras aussi. Ce sera
formidable ! Ne faut-il pas tâter plusieurs melons avant de trouver le
bon. » disait Emmanuelle qui cherchait à remonter le moral, bien bas, de son
amie.
Elle se souvenait, mais maintenant elle ne devait penser qu’à ce
mariage en Normandie. Elle avait fait des emplettes, en compagnie de sa
mère : deux belles robes avec un décolleté qui rehaussaient ses yeux
marrons et sa longue chevelure auburn, des chaussures mi-talons aiguille,
un sac à main, un chapeau léger, des gants en dentelle de Calais, le tout
assorti... Et même un soutien gorge qui mettrait en valeur une poitrine
encore en devenir ainsi que la culotte taille basse en dentelle noire. Elle
n’avait pas oublié ses pilules pour son cœur.
Elle prit la route avec un itinéraire fait par son père et des cartes
routières pour le cas où ... et des sandwich au pâté avec des cornichons.
C’est qu’il fallait éviter les frais inutiles !
Venant d’Avranches, elle aperçut la direction d’Yquelon à quelques
kilomètres de Granville. Elle demanda son chemin une seule fois : la
grand mère d’Isabelle était bien connue. Dés que la Renault pénétra dans la
cour d’une ancienne ferme, la porte d’entrée s’ouvrit et Isabelle sortit et vint
à sa rencontre les bras tendus un large sourire aux lèvres.
- Tu as bien roulé, lui dit-elle en l’embrassant. J’avoue que je ne t’attendais
pas sitôt.
- J’ai bien suivi l’itinéraire de mon père et je ne me suis pas trompée. Je
craignais Rouen mais j’ai traversé la ville facile.
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- Tu as mangé en route ?
- Je me suis arrêtée une bonne demi-heure sur un parking dans une zone
commerciale et j’en ai profité pour prendre de l’essence.
- Viens, suis moi. Je vais te présenter à ma grand mère.
- Je prends ma valise ?
- Non, plus tard. Tu dois avoir soif.
- Oui, par ce temps, je suis déshydratée. Je ne supporte pas très bien cette
chaleur.
- Tout le monde souffre. Nous comme les bêtes. Et je ne parle pas des
vieilles personnes...
- Avec ce que j’ai au cœur, je dois me surveiller et éviter les efforts, le stress.
Enfin, faut bien mourir de quelque chose !
Isabelle ne releva pas. Elle était au courant du grave problème cardiaque
de son amie décelé fortuitement par le médecin scolaire qui avait écrit un
mot pour la famille et le docteur de famille. Les examens complémentaires
permirent au spécialiste qui la suivait encore régulièrement de diagnostiquer
une arythmie quelque chose suite à une grippe mal soignée.
Les deux jeunes filles pénétrèrent directement dans la cuisine
spacieuse qui devait servir de lieu de vie. car un rocking-chair se trouvait
face à un poste de télévision.
- Mamie, voici Elisabeth, ma meilleure amie qui vient de Calais, dans le
Nord de la France. J’ai ramené la dentelle de ma robe de mariée de là.
Elle est mon témoin.
Elisabeth embrassa chaleureusement la vieille femme, aux cheveux
blancs qui s’extirpa de son fauteuil en osier tressé.
Déjà Isabelle telle une tornade, l’emmenait hors de la pièce, lui faisait
monter un escalier en bois ciré et tordu qui menait à un premier palier .
- Là, les toilettes avec une douche, à coté, les WC. Ici, ta chambre qui sera
la notre pour cette nuit. C’est l’ancienne chambre de ma grand-mère.
Maintenant, elle dort en bas. Mon père a aménagé une chambre. Elle a des
difficultés à se déplacer et à monter les escaliers. Il a fait faire des travaux.
Des WC en haut et en bas ainsi qu’une salle d’eau quand le tout à l’égout
a été installé dans le secteur. Il n’y a pas si longtemps ! Avant on utilisait le
seau à l’étage et aussi en bas. Il fallait sortir dans la cour...
Isabelle parlait vite, sans reprendre sa respiration, telle une mitraillette.
- Et toi, ta nuit de Noces ? Demanda Elisabeth profitant d’un temps mort.
- Il y a encore une chambre, au dessus. C’était celle de mes parents au début
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de leur mariage. C’est là haut qu’ils m’ont conçue ! Reprit-elle.
- Tu seras encore plus prés du septième ciel !
Isabelle éclata de rire d’un air entendu.
- Oui, mais ce n’est pas ici que je l’atteindrais. Jean-Jacques à réservé un
hôtel. Il veut être tranquille même si tu dois bien te douter que demain, ce
ne sera pas la toute première fois...
- La première fois, c’était Jean-Jacques ? Demanda Elisabeth.
- Non, la première fois, j’avais dix sept ans. Pendant les vacances, pas loin
d’ici, sur la plage.
- C’était bien ?
- Sans doute... Il parait que la première fois c’est pas extra, mais moi
j‘avais un gros béguin pour Olivier. J‘étais contente de me donner à lui. Il
faisait beau. Il avait des yeux bleus magnifiques... Pour lui aussi c’était la
première fois. On s’aimait. C’était mon premier amour et je pense encore à
lui. Et toi ? Pourquoi tu me demandes ça, petite curieuse ? Dit Isabelle en
éclatant à nouveau de rire.
- J’ai connu un garçon lors d’une boum. J’avais dix sept ans comme toi !
Mais je n’en garde pas un bon souvenir.
- Et les autres fois ?
- Il n’y a plus jamais eu d’autres fois...
- A ce point. Il devait être nul alors ! Mais que c’est triste
- Tu as raison. Répondit-elle interloquée. Et ton futur mari est.... Elisabeth
cherchait les mots.
- Oui, je l’ai dit à Jean-Jacques la première fois qu’il... qu’il... Isabelle
aussi cherchait la formule convenable... que nous avons fait l’amour.
- Qu’est-ce qu’il a dit ?
- Rien. Je lui ai raconté toutes mes aventures. Il a souri et dit que c’étaient
des bricoleurs. Viens, suis moi, je vais te montrer le faux lieu des
plaisirs. Et une nouvelle fois la tornade emmena son amie à l’étage supérieur
où se trouvait une chambre mansardée. Déjà, Isabelle avait saisi une robe
blanche qui se trouvait sur le lit et la présentait devant elle.
- Alors, t’en penses quoi ?
- Elle est magnifique. Tu vas être très belle demain.
- C’est une couturière qui l’a faite. J’ai ramené la dentelle de Calais à
Pâques. Tu m’aideras à la mettre demain, avant que la coiffeuse ne vienne.
On va descendre et tenir compagnie à Mamie. C’est Mamie qui s’est
occupée de moi. Mes parents travaillaient à Granville. Je suis allée à l’école
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ici. Mamie, c’est plus que ma mère. En s’occupant de moi, elle n’a pas trop
pensé à son autre fils qui aurait du être mon parrain.
- Aurait du ! Il serait mort ?
- Oui. Granville a été libéré fin juillet 1944 et plus personne ne pensait à la
guerre. Pourtant, les Allemands qui étaient toujours à Jersey, ont effectué
un raid dans la nuit du 8 au 9 mars 1945, ont détruit les installations
portuaires, ont tué des civils et sont repartis dans un cargo chargé de charbon
et avec des soldats Américains qui ne s y attendaient pas et furent faits
prisonniers.
- Ton oncle se trouvaient parmi les victimes, je suppose ?
- Oui, ce fut une bien triste journée.
- Et ton grand père ?
- Il était extra. Il exploitait la ferme, ici. Avant sa mort, il y a plus de vingt
ans. Toutes les terres autour lui appartenaient. Mamie fut fort triste et moi
aussi
- Suite de maladie ?
- Non son tracteur s’est retourné sur lui. Il a été écrasé. Je devais avoir onze
ans et j’entrais en sixième au Collège à Granville.
Mamie avait préparé un jambon frites, salade du jardin et la compote
de pomme de rigueur avec du cidre fait par le père d’Isabelle. Il restait
encore un verger derrière. Toutes les autres terres avaient été expropriées
pour la zone industrielle voisine, et plus tard un lotissement...
Mamie avait des difficultés à se déplacer, mais n’avait besoin d’une
canne que lorsqu’elle était fatiguée, en fin de journée le plus souvent. Elle
était autonome et conservait toute sa tête, restant curieuse de tout, voulant
tout savoir d’Elisabeth.
Les deux jeunes filles gagnèrent l’étage, la chambre, se mirent nues
avant de passer une chemise de nuit. Les deux corps étaient comme sortis du
même moule, y compris les poitrines fermes et bien agréables à regarder et à
caresser.
- Ta chemise de nuit est bien longue, dit Elisabeth. Je doute que
Jean-Jacques puisse la supporter longtemps. Tu vas pouvoir me la donner.
- Profiteuse, répondit Isabelle en riant aux éclats. Tu pourras l’emmener.
J’ai prévu quelque chose qui va lui plaire.
Elles parlèrent longtemps, ne trouvant pas le sommeil.
- Bon, il est temps de dormir, décréta Isabelle qui éteignit son chevet et se
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lova contre son amie, épousant parfaitement son corps. La lune inonda la
pièce d’une lumière blafarde qui permettait de distinguer la forme à deux
têtes couverte d’un drap blanc.
Elisabeth pouvait entendre les battements du cœur de son amie, qui
posa délicatement sa main sur sa poitrine. Elle ferma les yeux. La main
bougea et caressa le sein au travers du tissu, tournant autour du mamelon
qui durcit. Un frisson parcourut le corps d’Elisabeth..
- J’ai sentit ton frémissement... Tu aimes, osa-t-elle demander ?
- Oui naturellement mais...
- Ne dis rien et fermes yeux.
La main quitta le sein qui avait durci et se posa sur le genou puis
remonta lentement, passant sous la légère robe de nuit, glissant en faisant
des cercles sur l’intérieur de la jambe jusqu’ à l’aine, puis évitant le pubis,
poursuivit sa remontée jusqu’à la poitrine menue mais déjà gonflée. La
paume de la main tourna plusieurs fois autour du mamelon hérissé avant de
le pincer légèrement entre deux doigts. Elisabeth ne put réprimer un doux
soupir... La paume glissa d’un sein à l’autre, s’attardant parfois sur une
pointe dressée puis reprenait sa caresse, ne négligeant aucun des deux
petits globes aux pointes durcies. Isabelle rejeta le drap, se souleva sur un
coude et se pencha au dessus de la jeune femme, saisit délicatement une
pointe avec ses dents. Elle la titillait pendant que la main descendait sur le
ventre plat, montant la protubérance légèrement velue qui descendait sur une
toison plus abondante. La bouche prit le relais. La langue humide traçait un
sillon vers le pubis et rejoignit le doigt qui avait écarté les grandes lèvres et
caressait le petit bouton rose qui enflait...
Quand la langue humide, chaude et dure remplaça l’index, Elisabeth
ne put retenir un gémissement, puis une onde de plaisir la submergea...
Le lendemain le rythme du temps s’emballa : la dure séance
d’habillage, la coiffeuse en retard pour le coup de peigne, la coiffe, les
parents d’Isabelle, la préparation des voitures, les derniers détails à mettre au
point pour le lunch dans une salle du village, le cuisinier, le personnel,
d’autres membres de la famille d’Isabelle qui arrivaient, des amis. La cour
de ferme était remplie de voitures décorées de rubans, tulle, fleurs
blanches... Dans la maison, c’était un brouhaha tel qu’on ne s’entendait
plus. Elisabeth était perdue, elle se raccrochait à la Mamie.
La maison, la cour se vida aussi soudainement dans un concert de
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klaxons. Elisabeth se retrouva avec Mamie et les parents d’Isabelle. La
salle de mariage de la mairie ne pouvait contenir toute la noce.
Jean-Jacques attendait sur le perron, avec toute sa famille et ses amis. Les
témoins signèrent sous les applaudissements. Une photo générale fixa pour
l’éternité l’événement. Les témoins encadraient les mariées.
A l’église le curé les attendait à l’entrée et il précéda la mariée au
bras de son père, le marié avec sa mère. Le reste suivait dans un ordre
approximatif ! Le curé qui avait baptisé Isabelle, avait déroulé un tapis
rouge usagé. La robe blanche se détachait. Les cameras super-8
ronronnaient et les éclairs des flashs illuminaient et figeaient sur la pellicule
une nouvelle fois les émotions différentes des acteurs et des témoins de cette
ronde de la vie. La chorale accompagnait l’orgue. ou le contraire. Elisabeth
était subjuguée et sous le charme. Elle enviait son amie. C’était bien, c’était
beau. Des larmes coulaient sur ses joues...
Le lunch fut une réussite. Les bouteilles de mousseux vides
s’amoncelaient alors que le buffet se vidait de ses petits pains au pâté, au
rillettes, au jambon. Après la ruée qui avait fait craindre le pire quant aux
estimations des quantités à acheter, un calme relatif s’installa. Des groupes
se faisaient ou se défaisaient au gré des conversations qui estompaient une
musique qui n’arrivait que très rarement à surmonter la cacophonie
ambiante. Isabelle qui avait enlevée la traîne, virevoltait d’un groupe à
l’autre, remerciait, embrassait, plaisantait au bras de son mari qui lui en plus,
devait trinquer. Elisabeth était esseulée, ne pouvant s’intégrer à tous ces
groupes inconnus. Elle était désemparée. A cet instant, ne se souvenant plus
de ce qui s’était passé la nuit, elle regrettait d’être venue. Elle grignota un
petit four avec une coupe de cidre.
Le temps passa et l’assistance se clairsema. Seuls restèrent ceux qui
allaient faire la noce. Une cloison se replia découvrant une salle
aménagée et décorée de fleurs blanches.
Cette fois, Elisabeth devint convoitée car les mâles avaient vite évalué
la richesse en sexe faible et comme Elisabeth était en plus agréable à
regarder...
Entraînée par les jeunes descendants des Vikings, qui se relayaient
avec à propos, Elisabeth dut boire à la santé des mariés, un petit blanc
doux, un autre sec, un bordeaux millésimé. Et puis danser entre chaque
plat, absorber un calva au trou normand, puis danser, encore danser, boire
du champagne avec la pièce montée. Elle perdait la notion du temps, sa tête
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tournait, tournait...
Quand elle s’étira, sa main rencontra un obstacle. Elle sursauta à
peine tant elle avait mal à la tête. Elle ouvrit les yeux et dans la pénombre de
la pièce, elle analysa la situation. Elle était couchée dans un lit et sa main
avait heurté un corps. « Isabelle ? » pensa-t-elle. Non, cela était impossible.
Elle se souleva sur ses coudes et essaya de comprendre une situation
incompréhensible. Ses yeux s’habituaient à la faible clarté qui émanait d’une
fenêtre habillée d’une tenture...
Alors, elle poussa un cri. La forme qu’elle avait heurtée de la main
remua. Une main appuya sur l’interrupteur et une lumière faible jaillit d’une
lampe de chevet. Un visage d’homme inconnu la dévisagea. Elle s’aperçut
de la nudité de sa poitrine et vivement remonta le drap jusqu’au menton.
- Mon Dieu, où suis-je ? Qu’est-ce que je fais ici ? Dit-elle d’une voix
cassée, la langue pâteuse.
- Tu dors tout simplement. Laissa tomber une voix virile et douce.
- Mais vous êtes un homme.
- Tout à fait ? Jusqu’à preuve du contraire ! Il souriait et était penché sur elle.
Bien dormie ?
- Je suis dans un lit !
- Dans un lit, mais c’est naturel de dormir dans un lit. C’est ce que je fais
tous les soirs. Toi, non ?
- Avec un homme que je ne connais pas ! Comment suis-je arrivée ici ?
- Je suis Luc, Elisabeth. Et tu me connais maintenant puisque nous avons
passé la nuit ensemble. Ce fut merveilleux. Il riait l’œil malicieux.
- Que s’est-il passé ? Je ne me souviens de rien. Nous avons fait...?
- L’amour ! Et non malheureusement ! Toi être déçue ? Moi, être fort
déçu, dit-il en souriant.
Elle ignora le commentaire.
- Qui m’a déshabillée ? Subrepticement elle s’était rendue compte qu’elle
portait encore sa culotte.
- Moi, dit-il. Ce fut un réel plaisir. Je n’aurai pas donné ma place pour tout
l’or du monde. C’est vraiment un très joli corps que j’ai transporté ici.
- Mais pourquoi ?
- C’était le mariage, hier. Tu était le témoin d’Isabelle. Moi, j’était le témoin
de Jean-Jacques. Et Elisabeth a trop bu. Elisabeth était pompette. Et
Isabelle a demandé au bon samaritain que je suis de s’occuper de toi. J’ai
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accepté tout de suite. J’avais remarqué la jolie Nordiste qui virevoltait sur
la piste. Très agréable à regarder, cette Chti. Jean-Jacques, m’a aidé à te
mettre dans ma voiture.
- Mais pourquoi suis-je nue ? dit-elle outrée
- Mademoiselle a été très malade ! C’est que Mademoiselle n’a pas bu de
l’eau de pluie hier soir. C’est que Mademoiselle devrait avoir mal à ses
beaux cheveux ! Mademoiselle ne se souvient pas d’avoir vomi en arrivant
ici ? Je ne pouvais vraiment pas te laisser dans cet état, et cette odeur !
- Je ne me souviens de rien.
- C’est avec plaisir que j’ai enlevé lentement tous les vêtements. J’ai lavé le
joli petit corps au moins deux fois et je l’ai déposé dans ce lit. Pour mieux le
surveiller, je me suis allongé à côté de lui. Ce ne fut pas une corvée mais
un vrai bonheur.
- Où sommes-nous ?
- Dans la chambre d’hôtel que j’avais retenu pour le mariage. Et il n’y avait
qu’un lit en 140 et une armoire pour tout mobilier. A la guerre comme à la
guerre !
- Mais vous êtes d’ici ?
- Certes mais j’ai préféré prendre une chambre d’hôtel. J’ai eu un
pressentiment. Mon horoscope annonçait une rencontre imprévue et
agréable !
- Vous habitez où ?
- J’ai un logement à Coutances où je travaille dans une banque. Mais nous
aurons le temps de faire plus ample connaissance, n’est-ce pas ? Je vais aller
chercher votre valise chez la grand-mère d’Isabelle. Pendant mon absence,
prenez une douche. Je vais faire monter un petit déjeuner. Café noir et serré,
I presume ?
- Si vous voulez...
- Si tu veux Luc, dit-il.
- Oui Luc et un cachet pour le mal de crâne. Vous êtes...
- Tu !
- Tu es gentil et je devrais m’excuser pour mon attitude. C’est la première
fois que je suis dans cet état. Je n’ai jamais bu autant.
- C’est rien. C’était prévu également par mon horoscope.
- Ton horoscope ?
- Tout à fait répondit Luc tout en passant un pantalon puis une chemise.
Elle regarda et apprécia. Il n’était pas mal...
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- Je fais monter tout ce qu’il faut. Et il sortit de la chambre.
Elisabeth était sous le charme.
Il revint accompagné des nouveaux mariés qui ne se privèrent pas pour
les charrier. Ils restèrent ensemble le reste de la journée. Restaurant le midi.
Promenade sur le front de mer à Granville. Luc servait de guide à Elisabeth.
Il prit la main de la Nordiste. Elle frémit et une bouffée de chaleur fit
naître une rougeur sur ses joues pales. Elle la laissa dans la sienne...
Le centre de thalasso... La piscine sur la plage qui se remplissait au
rythme des marées... Le musée océanographique prés du phare... Il osa poser
un baiser à la commissures de ses lèvres. Il sentit qu‘il pouvait plus,
beaucoup plus...
Elle ne dormit pas chez Mamie ce dernier soir en Normandie. Elle
suivit Luc à l’hôtel comme si c’était la normalité. Il n’alluma pas le
plafonnier mais la prit dans ses bras, trouva de suite ses lèvres, glissa sa
langue humide qui rencontra la sienne. Luc la couvrit de baisers de plus en
plus longs, tandis que ses mains ôtaient avec son aide les légers vêtements
qui la couvraient. Quand elle se retrouva en petite culotte et soutien gorge,
ils basculèrent sur le lit. Un lampadaire planté de l’autre côté de la rue
presque en face de la fenêtre, éclairait la chambre suffisamment pour que les
deux futurs amants puissent se découvrir visuellement...
Elle l’aida à se mettre en slip. Luc la couvrit de baisers descendant
par à-coups sur la poitrine, le ventre le pubis, le buisson ardent, utilisant ses
dents pour faire glisser la petite culotte taille basse. Elle ne savait quoi faire
de ses mains. Elle caressaient ses cheveux, ses épaules, son dos. Elle ne
pouvait pas plus car elle ne savait pas ou n‘osait pas ! Luc remonta vers
son visage et l’embrassa avec passion tandis qu’il libérait son sexe gonflé
de sa prison en tissu devenue trop petite. Il l’amenait vers l’entrée du
sanctuaire. La communion fut totale. Ils restèrent soudés de longues
minutes.
Le soleil qui inondait la chambre les réveillèrent presque en même
temps. Elle se trouvait derrière lui et sa main gauche était posée sur sa
poitrine couverte de poils sombres. Il saisit sa main et la posa sur son sexe
endormi. Elle ferma les yeux et ses doigts se refermèrent sur le membre qui
reprit vigueur sous l’action de l’agacement puis du lent va et vient. Il se
mit sur le dos lui découvrant cette « chose » qui répondait à ses caresses.
Elle se rapprocha par curiosité, pour voir de plus prés et pour s’enivrer de
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son odeur. Elle sentit le désir monter et elle recula vivement, sans lâcher
prise. Sa main continua à monter et descendre lentement puis de plus en
plus vite. Elle ressentit les soubresauts et le jet puissants inonda le ventre
et la poitrine de Luc qui laissa échapper plusieurs râles...
- C’était bon, laissa-t-il tomber en reprenant sa respiration. Roméo a
apprécié.
- Qui est Roméo, demanda-t-elle surprise ?
- Lui, répondit-il dans un sourire, en montrant son sexe affalé sur son pubis.
- Tu lui donnes un nom ?
- Hé oui.
- Pourquoi ?
- C ‘est sympa, je trouve. Je suis persuadé qu’il a une indépendance
certaine.
- Je ne comprends pas
- Quand il ne veut pas, ce n’est pas la peine d’insister.
- Ha bon ! Alors pour moi ?
- C’est pareil. quand elle ne veut pas, mais il te reste la possibilité de faire
semblant.
- Pourquoi faire semblant ?
- Pour me faire plaisir par exemple. Et on n’y voit que du feu. Un homme
ne peut pas faire semblant. Quand Roméo ne veut pas, ça se voit !
- Ah, tu crois. Alors tu lui donnes quel nom, à... Elisabeth montrait du
regard et du menton la région sombre de son bas-ventre ?
- Juliette ! Cela te convient ?
- Roméo et Juliette ! Oui. Cela me plait bien !
.
Sa vie, enfin avait un sens. Avant Luc, elle ne se souvenait de rien
car il n’y avait rien ou si peu à se souvenir.
Tout en se remémorant la naissance de son amour qui était le premier
et le resterait, elle s’était enfoncée dans la forêt silencieuse et
merveilleusement parée de teintes rougeoyantes et sanguines. Elle se
retourna. On ne voyait plus la route. Une silhouette grandissait. A petites
foulées régulières, elle se rapprochait. Le survêtement bariolé rouge-orange
se mariait parfaitement avec le feuillage des arbres qui jetaient leurs
derniers feux. Elle avançait avec souplesse. C’était un barbu et il portait des
lunettes sombres. Elle se cala sur le bord du sentier étroit pour permettre le
passage du sportif. Elle regarda au sol pour éviter des ronces qui auraient pu
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filer ses collants, voire la griffer.
Le choc fut brutal et violent. le coureur, maladroit, venait de la
percuter. Les deux corps tombèrent lourdement sur le sol. L’homme se
releva prestement, aida Elisabeth à se relever tout en se confondant en
excuses. Il enleva les feuilles qui restaient accrochées aux vêtements
d’Elisabeth et lui demanda ce qu’il pouvait faire pour se faire pardonner une
maladresse inexcusable.
- Rien. Je vais bien. Il n’y a rien de dramatique, répondit-elle le cœur
battant plus vite.
- Je vous regardais et je n’ai pas vu la racine. J’ai pris mon pied dedans et
voilà ce qui arrive quand on se laisse distraire par une jolie jeune femme ! Il
essayait de plaisanter.
- Ce n’est pas grave, vous êtes gentil, articula la jeune femme les lèvres
sèches.
Le sportif, s’excusa une fois de plus et reprit sa course solitaire.
C’était la troisième fois que le tracteur tirant sa remorque de paille
passait et le conducteur poussé par la curiosité gara son ensemble sur le bas
côté, mordant sur l’herbe. Il mit ses warnings, descendit, et se dirigea vers la
Renault. Il distingua une forme au volant. Le jour faiblissait. Le
conducteur ne bougeait pas. Il semblait assoupi. Il laissa passer deux
semi-remorques belges transportant du lin et traversa. Il distingua la
longue chevelure sombre. Il n’y avait pas de buée. Il s’approcha et frappa à
la vitre.
- Eh ! Mademoiselle ! Excuser moi ! Tout va bien. Dites ça fait un rude
moment que vous êtes ici. Vous avez un problème.
Gaston Lebrun n’avait pas l’habitude d’aborder une inconnue. Il
savait comment faire avec les chevaux ou les bœufs, mais avec une femme.
Faut dire qu’il était toujours célibataire à cinquante quatre ans.
La conductrice ne bougeait toujours pas. Le paysan fut pris d’un
doute. Il se pencha en s’approchant de la vitre et ouvrit la portière. Il fut
surpris et du s’arc-bouter pour ne pas tomber. Le corps de la femme glissa
sur les gravillons. Revenu de sa surprise et effrayé, il se pencha sur la jeune
femme dont les pieds se trouvaient encore dans l’habitacle. Il posa une
oreille sur la poitrine, cherchant vainement un battement de cœur. Il tira
complètement le corps hors du véhicule et le secoua, avec délicatesse.
Aucune réaction ne se produisit.
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- Mademoiselle, Mademoiselle, dites quelque chose... Il était paniqué.
Appeler à l’aide. Il devait appeler à l’aide.
Une voiture s’arrêta à sa hauteur tandis qu’un gyrophare trouait la
pénombre naissante. Une voiture de la gendarmerie ! Deux gendarmes
jaillirent de l’estafette.
- Ben ça alors. Vous tombez à pic. La conductrice ne bouge plus. Elle est
tombée par terre, quand j’ai ouvert la portière.
- Du calme. On prends la suite. Restez là. dit un gendarme. Demande des
secours par radio.
Le deuxième gendarme remonta dans l’estafette et donna l’alerte.
En attendant les secours, le gradé demanda à Gaston Lebrun de lui
rapporter tout ce qu’il savait.
- J’ai trouvé étrange que cette voiture soit toujours là. Quand je suis passé
ici, il y a plus d’une heure trente, la demoiselle se garait. Il y a un quart
d’heure quand je suis repassé, je me suis étonné de voir cette voiture
encore à cet endroit. La voiture était en panne ? La jeune dame avait un
malaise ? Si c’était un rendez-vous, je me serais excusé. Et finalement
quand j’ai ouvert la portière, elle est tombée par terre. Et puis vous êtes
arrivés. Un coup de chance.
L’autre militaire fit les constatations d’usage. Il examina avec attention
avec sa torche les traces qui se trouvaient autour de la voiture, ne releva
rien de particulier. Il fit quelques mètres dans le sentier sans remarquer
quoique ce soit d’anormal. Dans la voiture, rien de particulier : des bonbons,
des revues féminines, un sachet de gaufres, un parapluie, des lunettes de
soleil, le sac de la jeune femme ouvert et répandu sur le siège en tissu, deux
pommes, un filet de mandarines... Rien que du banal.
L’ambulance arriva. avec un médecin qui ne put que constater le décès.
- A première vue, un arrêt cardiaque. Il n’y a pas de désordre vestimentaire
donc pas d’agression. Pourquoi le cœur ? Elle devait avoir quelque
chose de grave. Ce qu’elle prenait n’est pas anodin, laissa-t-il tomber en
manipulant la boîte de médicaments : un digitalique ! Elle a du faire un
malaise en conduisant. Un malaise qu’elle a senti venir. C’est pourquoi elle
s’est garée... Elle a voulu prendre la boite de médicament. Elle n’a pas eu le
temps. Il faudrait peut être une autopsie pour préciser. Si la famille est
d’accord, mais le dossier médical devrait être suffisant. Quelqu’un l’a
connaît ?
- Elle habite Licques. C’est prés d’ici, dit le gradé qui regardait sa carte
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d’identité : Elisabeth Dutoit.
- Je crois la connaître ajouta l’ambulancier. Elle habite chez ses parents
derrière le Collège en préfabriqué qui jouxte le terrain de football.
- Un petit ami ? demanda le gendarme.
- Je ne crois pas. Non, encore célibataire, répondit toujours l’ambulancier.
Elle travaille sur Calais, dans une usine de dentelle, je crois. Elle était très
discrète. Prévenez le Maire. Il est proche de ses administrés. Il vous
accompagnera quand vous irez prévenir la famille. Nous, nous allons à
l’hôpital de Calais.
Nona, la plus jeune des trois sœurs, dans un drapé bleu clair aux larges
plis avait demandé en même temps que Décima à leur sœur ainée de ne
pas utiliser les ciseaux de bronze, de laisser encore au moins dix
centimètres de laine noire... Morta, comme d’habitude était restée inflexible,
intransigeante, impitoyable !
2 ... Henri
Les monstrueuses chenilles lumineuses trouaient la nuit
indifférentes aux étoiles scintillantes, aux remous des eaux sombres qui les
longeaient. La Nationale 7 était tout aussi chargée. C’était un exploit que
de changer de file depuis la droite, où les camions de toutes tailles, de
toutes nationalités se suivaient cul à cul avec des caravanes intercalées et de
temps à autre une voiture de tourisme, qui de guerre lasse restait plantée
dans cette chenille. De toutes façons sur celle de gauche la vitesse était
excessive et on devait s’aligner sur cette vitesse pour résister.
L’aube pointait, et on s’arrêtait uniquement pour faire le plein
dans les stations où on faisait la queue... Il fallait s’habituer et faire preuve
de patience car c’était ce qui attendait tous ces juilletistes qui fonçaient sur
l’autoroute du Soleil, voie royale jusqu’à la mi-août pour atteindre le
17
Nirvana.
L’invasion commençait et les places de camping, les plus proches
de l’eau de baignade, délicieuse à souhait, là-bas, tout au long de la Grande
Bleue étaient rares et chères. Malheur aux derniers arrivés mais la félicité
pour les autres.
La vitesse était limitée en théorie seulement car seuls ceux qui
étaient coincés à droite la respectaient par la force des choses et encore.
C’était comme un exode tant les voitures étaient chargées... Les pinceaux
blancs des allemandes, des anglaises, des néerlandaises fusaient sur la file
de gauche faisant des appels de phares longues portées ou klaxonnant
quand une voiture essayait de rouler à la vitesse permise. Ou elle accélérait
ou elle regagnait celle de droite, espérant pouvoir reprendre sa place sans
trop y compter. Le choix était simple : 80 km/h à droite avec les poids
lourds, caravanes et “pépères” ou 150 km/h à gauche. Soit on s’ennuyait
alors qu’il fallait être sur le qui vive constamment, pour répondre
instantanément à un ralentissement incompréhensible, soit on prenait le
risque de bousiller son moteur quand on ne possédait pas une grosse
cylindrée ! Cela lui était arrivé l’an passé avec une Renault 16 TS
quasiment neuve. Il avait du effectuer un échange standard dés le retour !
C’était tout simplement dément jusqu’à Orange avec des
pointes dans la traversée de Lyon et Vienne de nuit. Le jour pointait vers
Portes Les Valence, plus tardivement que dans les brumes du Nord à Ferfay,
sur la chaussée Brunehaut. Des espaces naquirent dans le flot de métal
étincelant et hurlant après Orange... L’Espagne était à droite.
Les arrêts se multipliaient et les aires de repos étaient saturées.
C’était un avant goût de ce qui allait arriver sous peu. Après Aix en
Provence les péages se succédaient sans qu’on comprenne leur nécessité
sauf créer des emplois ou casser la vitesse ! Le chant des cigales montait
crescendo tout comme la température : toutes les vitres étaient baissées. On
se demandait où étaient passées les voitures qui se bousculaient il n’y avait
pas si longtemps.
Les derniers kilomètres n’en finissaient pas. La fatigue était là et
il tenait grâce au café noir, emporté dans un thermo. Depuis la veille dans
l’après-midi, il allait effectuer prés de 1100 kilomètres et des poussières et
c’était justement ces poussières qui n’en finissaient pas. Sa femme tenait
une carte routière et le bristol où était noté l’itinéraire qu’il connaissait par
cœur. C’était la huitième année consécutive qu’il descendait sur la Côte
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d’Azur.
Les deux jeunes enfants étaient réveillés depuis peu mais
restaient sages... Le Muy enfin... Le dernier péage... La voiture quitta
l’Autoroute pour la Nationale 7, traversa la bourgade, prit la D7 avant Le
Puget et, avala avec soulagement les derniers kilomètres. Il passa sous le
pont de chemin de fer, toujours aussi mal placé et étroit. Ensuite la voiture
passa devant le pépiniériste, puis la gravière qui telle une lèpre dévorait
chaque année un peu plus le paysage et en face le Camping des Pêcheurs, au
bord de l’Argens. Il avait atteint le but de cette traversée de l’Hexagone situé
à quelques centaines de mètres du village de Roquebrune sur Argens. C’était
le camp de base, trouvé par hasard lors de la première odyssée car c’était
complet partout sur la côte. En désespoir de cause, il avait du se replier vers
l’intérieur, mais il ne le regrettait pas.
C’était toujours indiqué “pêche et canotage”.” Pêche”, pas de
problème, c’était un bon coin même s’il n’était pas du tout fervent de ce
“sport”, mais “canotage”, chaque année, il se demandait où cela était
faisable! De plus, il n’avait jamais vu le moindre canot même en caoutchouc
voire en plastique ou en bois !
Le “Rocher”, comme les gens du coin l’appelait, émergeait de
la brume de chaleur bleutée du matin. Le camping somnolait, quasi désert,
mais prêt à accueillir les envahisseurs avec le sourire. C’était un habitué
maintenant et les retrouvailles furent chaleureuses.
- Je suppose que vous prenez le même emplacement, Monsieur Caron ?
demanda la propriétaire.
- Il est encore libre, demanda Henri ?
- Les arrivées sont encore peu nombreuses. On peut encore suggérer des
emplacements. Comme votre courrier m’annonçait votre venue, je n’ai pas
eu de mal à “réserver” le votre.
- C’est sympa et je vous dis « merci ».
- La route s’est bien passée ?
- Pas de problème. Mais il y a de plus en plus de monde. On est plus que
fatigué.
- Quand êtes-vous parti ?
- Hier, en fin d’après-midi.
- Vous avez roulé toute la nuit ?
- Eh oui.
- Votre épouse a pris le volant ?
19
- Non, elle voulait, mais non. C’est pour ça que suis sur les rotules. La fois
prochaine, elle conduira. On est bien content d’être arrivé à bon port !
- On organise un apéritif en début de soirée, pour les nouveaux arrivants
comme d’habitude. Vous serez là ?
- Pas de souci à se faire...
La voiture démarra et roula doucement dans le camping qui se
remplissait peu à peu. Sophie, sa femme suivit à pied avec les deux enfants.
Les “Anciens”, dont il faisait parti, s’étaient regroupés à bonne
distance des sanitaires : non pour les odeurs car il n’y en avait pas, mais pour
les bruits incessants au lavoir lors des vaisselles ce qui n’était pas
désagréable en soi, mais c’étaient surtout les adolescents et les adolescentes
qui se regroupaient et conversaient tard le soir car c’était le seul endroit du
camping éclairé par plusieurs lampadaires.
Ils montèrent rapidement la grande tente, les chambres
intérieures. Puis Henri se mit sous un arbre car l’emplacement était ombragé
et s’endormit tandis que Sophie installait le coin cuisine, vidait les valises
avec l’aide de sa fille de cinq ans. Le garçon, qui venait d’avoir six ans,
gonflait les trois matelas pneumatiques car celui de ses parents était
double. Il posa les sacs de couchage sur les matelas.
Quand il s’éveilla deux bonnes heures plus tard, Henri savoura avec
satisfaction l’installation. Il devrait revoir ce qu’avait fait Louis, mais plus
tard... Il ne fallait pas décourager le bel effort ! La corde à linge servait
de frontière tout en délimitant un “garage” pour la voiture. La galerie était
démontée et posée contre un arbre de son territoire. La table pliante bleue
en métal était dressée, et préparée pour le repas, ainsi que les chaises en
toile. Le coffre était vide. Sophie avait été faire quelques courses à la
supérette du camp. Une bouteille de pastis, et une autre de rosé attendaient
d’être ouvertes.
Rien ne manquait, même la poussière soulevée par les nouveaux
arrivants qui s’infiltrait partout, recouvrant tout d’une fine pellicule ocre. La
boisson n’était pas très fraîche. C’était le problème majeur : les glaçons.
Chaque jour, il faudrait acheter un bloc de glace et le déposer dans une
glacière. Le premier repas fut léger puis toute la famille partie à la
découverte du camping qui s’était agrandi au détriment des cultures et des
arbres fruitiers. Le touriste se presse mieux et plus vite que le raisin ou les
pêchers qui risquent toujours de souffrir suite à un orage violent, ce qui
arrive une fois au moins par séjour. C’était en connaissance de cause qu’il
20
avait choisi un emplacement surélevé, et creusé des rigoles autour de sa
toile. L’Argens coulait, en contre bas paisiblement sur toute la longueur du
camp, ce qui à priori évite les inondations. Ce n’était pas l’Argens qui
débordait, mais les eaux de ruissellement qui s’évacuaient très mal et qui
prenaient possession des cuvettes avec tout ce qui s’y trouvait !
Quand la chaleur de la première journée baissa d’intensité, le
camping était presque complet. Il y avait plus d’une centaine d’installations
sur cent vingt possibles. Un village venait de naître l’espace d’une journée.
Les poubelles débordaient d’emballages en tout genre, les douches
fonctionnaient sans discontinuer bien que nécessitant des jetons ruineux
pour l’eau chaude. Pendant le pot de bienvenue, on reprenait contact avec
les voisins qui n’avaient pas changé depuis la dernière fois. Seul
changement et de taille : la proportion d’étrangers en raison arithmétique
et les prix en raison géométrique !
Une province néerlandaise occupait les anciens vignobles, sans
ombre ! Quelques Belges, des Suédois mais aucun Anglais, ni Allemands
car ils étaient en vacances avant nous, donc s’étaient accaparés le bord de
mer. Le carré des habitués s’effritait devant ces assauts ordonnés et des
prix qui éliminaient les moins fortunés...
Le premier soir fut calme, très calme. Il fallait digérer les
kilomètres, la fatigue, la chaleur accablante des derniers heures de conduite,
les bouchons. Impensable de croire que la veille, il n’y avait pour ainsi dire
personne, que ces campeurs et caravaniers étaient éparpillés aux quatre coins
de l’Hexagone et de l’Europe.
Les journées seront toutes identiques avec des rites immuables
comme inscrits dans les chromosomes. A la pointe du jour, des silhouettes
furtives se faufilaient entre les tentes et caravanes, gagnaient le passage
secret, connu de tous, situé au fond du terrain pour gagner les bons coins le
long de la rivière. Après les pécheurs matinaux, il faudra attendre neuf
heures pour que la vie explose ! La queue commencera pour tout : queue
pour pisser, queue pour se laver, queue pour se raser, queue pour acheter le
pain, queue pour acheter un bloc de glace dont la taille fond d’une année à
l’autre mais pas le prix...
Ensuite, ils voudront tous, même les pêcheurs de l’aube,
rejoindre la mer distante d’une dizaine de kilomètres au mieux. Alors la
chenille, tel le Phénix renaîtra de ses cendres. Chaque village, ou croisement
se transformera en guêpier. Le Stop deviendra un panneau mortel. Et plus on
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se rapproche de la Côte, plus le raz de marée de métal motorisé et surchauffé
enflera. La lente procession qui pue les gaz d’échappement roulera au pas.
Face à la mer calme, il ne faudra surtout pas finasser pour se garer, donc on
le fera de face ! Ce sera chacun pour soi. La politesse, le savoir vivre ? On
ne connaîtra plus.
Et rebelote pour une petite place sur le sable. Plus l’heure
tournera et plus cette place se réduira à la taille de la serviette de bain. Faut
reconnaître que les vaguelettes étaient proches des rochers qui servaient de
front de mer tout en empêchant les voitures garées perpendiculairement
de tomber sur la mini-plage de sable fin en contrebas. Les attardés se
garaient dans des endroits impossibles, loin de “leur plage” qu’il faudra
rallier avec tout ce qu’il faut pour survivre jusqu’au soir : parasol, glacière,
huiles solaires et de quoi s’occuper.
Les rochers servaient tout à la fois de zones de bronzage et de
guet car on épiait la moindre serviette qui quittait le sable espérant un
départ ce qui arrivait parfois ! Alors, le refuge c’était l’eau chaude qui
translucide au début se brouillera au fur et à mesure de l‘envahissement.
Les adultes qui sortaient (les enfants très rarement) slalomaient entre les
corps très dénudés et brillants qui rôtissaient allègrement pour rejoindre leur
place qui diminuait de taille.
Le retour sera la copie conforme de l’aller avec la prise d’assaut
des commerces en prime : les supermarchés, les brasseries, les restaurants,
les marchands de frites, pizzas, pains bagnats, sandwiches... Les campeurs
se remettront de leur journée fatigante avec force pastis et rosé sans
oublier, les parties de pétanques qui se terminaient à la lampe de poche ou
aux phares ou les parties de carte, les réunions internationales où on
baragouinait l’anglais avec tous ceux qui ne sont pas de chez nous à la
lumière des lampes butane. Il y a bien des rencontres qui se poursuivront
au retour des vacances. On trouvera aussi les noctambules qui déambulent
en amoureux, pour admirer les étoiles ou les connaisseurs-voyeurs qui
analysent les jeux d’ombres suggestives qui se découpaient sur les toiles de
tentes.
Ce sera ainsi tout l’été ! Sauf pour lui. Il avait donné et il avait
trouvé la solution pour éviter cette vie de doux dingue : vivre à l’envers,
faire le contraire et tout son petit monde connaissait le bonheur ! Debout
dés sept heures trente, on vaquait à ses petites occupations en toute
tranquillité. Un petit déjeuner et direction la plage à la sortie de Saint
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Aygulf vers Fréjus, puis Saint-Raphaël atteint en une douzaine de
minutes. Vous garez la voiture en douceur en marche arrière et presque
toute la plage de sable fin blanc, récurée juste avant votre arrivée, vous
appartient. La mer est comme un lac, transparente : on voit des petits
poissons, les cailloux colorés, le fond magnifique. Personne pour vous gêner
ni dans l’eau, ni sur le sable. Le paradis en bord de mer ! Les enfants
parcourent la grève, chahutant dans la mer paisible, ramassant les jolis
coquillages apportés par la nuit tandis que la femme est allongée,
écoutant le silence, les yeux mi-clos ou le léger chuintement des mini
vagues. Quant à Henri, il se laissait flotter sur l’eau les dents serrés sur
l’embout d’un tuba sans balle de ping-pong encagée. Il se laissait dériver
vers le brise lame qui servait de refuge, de biotope à une vie qu’il trouvait
extraordinaire. Il y en avait de proche en proche pour éviter la fuite du
sable. Certains servaient de point de départ au ski nautique, mais la
plupart servaient de zone de découverte et de jeux pour les enfants.
La mer, la plage pour vous seul ou presque car d’autres habitués
tournent également à l’envers. Vous savourez ce plaisir jusqu’à l’arrivée de
la cohue, la chasse à la place pour la voiture, pour ses fesses. Le charme est
alors rompu. On n’entend plus la mer. On n’arrive même plus à se voir. La
plage est devenu un immense gril qui sent le gras. Il faut surveiller ses
affaires, les gosses, les jouets des gosses, la serviette, se relayer pour se
rafraîchir dans une eau trouble qui semble se refroidir. Heureusement, il y
a une compensation : l’étalage des charmes de moins en moins cachés. La
crise du textile est évidente ! Certes cela nuit à l’imagination. Quand c’est
beau, c’est un vrai plaisir, mais comme c’est rare, ça fait sourire ou rire
voire pleurer. C’était même parfois navrant.
Mais aucune ne trouvait grâce aux yeux d’Henri. Il ne comprenait
pas les motivations qui poussaient ces femmes à exhiber leurs charmes
devant leurs maris, véritables “propriétaires”. La libération de la femme
n’avait pas grand chose à voir avec la poitrine à l’air ! Le droit de faire
bronzer leurs seins au même titre que leurs doigts de pieds ! Mai 68 n’était
pas trop loin, et elles appliquaient le slogan choc : il est interdit
d’interdire !
Henri Caron n’était pas pudibond., il achetait Lui et appréciait les
dessins d’Aslan. Il faisait venir du Danemark ou de Suède, des revues et des
films pornos en super huit mais cette étalage de seins sur des plages
familiales l’offusquait.
23
Quand on savait que ces femmes protestaient, à juste raison, d’être
considérées comme un objet sexuel par la publicité on ne comprenait plus
qu’elles faisaient tout pour mériter cette étiquette.
Triste époque quand on veut gagner sa liberté en enlevant le haut !
Qu’elles enlèvent le bas aussi mais dans les endroits réservés, comme à l’Ile
du Levant prés de Porquerolles qu’il avait arpenté à pieds l’année de son
mariage. C’est une manière de vivre courante dans les pays du Nord de
l’Europe. Mais ici, c’était de la provocation pour les unes et du voyeurisme
pour les autres.
Il pouvait être violent, agressif sur certains sujets. Cela devait
venir de son père qui avait quitté une salle de cinéma quand l’héroïne
embrassait un homme qui n’était pas son “mari”... Il était jaloux, pas maladif
mais jaloux au point d’avoir une soirée, ou une journée complète gâchée
quand Sophie laissait voir un ultra mini bout de sein. Il avait reçu une
éducation stricte. Le Drapeau, l’Ordre, l’Armée, la Fidélité, le respect de la
parole donnée avaient une signification pour lui. Il se méfiait quand même
de la Justice, tout en étant pour la peine de mort. La décadence de la
société actuelle soixante-huitarde le chagrinait. Il avait été juré dans un
procès d’Assises il y a deux ans où le meurtrier avait sauvé sa tête à son
grand regret.
Quand l’invasion se faisait plus pressante, Sophie battait le rappel
et commençait à rassembler les affaires, donnant le signal du départ. A
peine, la famille nordiste avait-elle escaladé les rochers du front de mer
que leur emplacement était occupé !
A cette heure, la circulation était fluide et il se retrouvait sur le
parking à moitié vide du supermarché Casino local. Le choix des articles,
le paiement, le retour à la tente, tout se passait sans problème.
Chacun avait sa tâche. Sophie était à la popote. Les enfants
allaient au bureau d’accueil pour le courrier. Henri allait chercher de l’eau
prés du bloc des sanitaires. C’était lui qui faisait la vaisselle également au
bloc et Sophie essuyait avec Marie à son retour. Louis rangeait ce qu’il
pouvait. L’harmonie régnait...
Les activités de l’après-midi étaient variées. Une sieste pour tous sous
le feuillage des arbres, des feuillus, qui cernaient la tente ou dans une forêt
de conifères dans l’arrière pays. Une fois sur deux, après avoir vérifié que
les enfants dormaient sur une couverture à l’ombre, le couple s’écartait
d’eux, s’installait sur un promontoire pour mieux les surveiller tout en
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restant invisible. Sophie s’allongeait sur le côté, la tête posée sur la poitrine
de son mari qui se mettait à lire le journal du jour, acheté lors du retour. Il ne
la voyait pas mais savait ce qui allait se passer.
Sophie promena sa main sur les poils noirs peu nombreux qui
couvraient le ventre d’Henri. Elle n’avait pas encore atteint le short de
couleur qu’elle discernait déjà le renflement qui attirait sa caresse. La lecture
était déjà terminée et le journal ouvert reposait sur son visage. Sans attendre
davantage Sophie glissa sa main sous la double étoffe et saisit le sexe
fermement. Jugeant qu’il avait la dureté suffisante, elle le quitta et baissa
suffisamment le short et le slip pour libérer l’objet du désir fièrement
dressé. La main se referma sur la hampe et fit glisser la peau qui
recouvrait l’extrémité humide. Déjà sa langue caressait lentement le sillon
de peau saillant sous le gland alors que sa main pétrissait le sac fripé à la
base. Le sexe était tendu à l’extrême tout comme les veines marbrées et
bleutées. Enfin la bouche enveloppa totalement celui-ci tandis que la main
était revenue sur la hampe et commençait un léger mouvement de va et
vient. Elle sentit son plaisir qui montait et elle ne se retira pas quand il
explosa ...en silence !
C’était un rituel propre aux vacances, chaque fois qu‘ils se repliaient
dans l‘arrière pays. Cela arrivait encore plusieurs fois pendant leur séjour de
trois semaines. Il fallait en profiter car les enfants grandissaient et la sieste
devenait plus difficile à faire respecter et puis le silence total était difficile à
obtenir. Il ne pouvait plus faire l‘amour à Sophie à l’extérieur car cela
demandait beaucoup plus de temps. Seul Henri en bénéficiait. C‘était
presque de l’hygiène.
Pour Sophie, restait les rapprochements nocturnes et toujours sans le
moindre bruit mais comme le silence total était difficile à obtenir alors par
la force des choses, eux aussi étaient devenus rares. L‘année prochaine
faudrait louer une caravane avec une petite tente plantée à l‘extérieur de
l‘auvent pour les enfants...
Du coup, il fallait penser à « d‘ autres activités » ! Ainsi les enfants
pouvaient attraper des papillons avec un filet ou d’autres insectes car il
avait mis en route une collection. Il épinglait les prises dans des boites
fournies par les stations Shell, prévues au départ pour des reproductions de
monnaies anciennes et reconverties. Il ignorait leur nom, leur famille : seul
comptait la présence dans la boite. Certes, il y avait des libellules ou des
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agrions - il ignorait la différence-, des criquets de toutes tailles ou couleurs,
des sauterelles énormes, qui effrayaient Marie qui ne recherchait que des
lépidoptères.
Du coup la plupart du temps Sophie lisait un roman et Henri
surveillait ses enfants, tout en écoutant le Tour de France sur un
transistor.
Henri était fasciné par les fourmis. Cet insecte était extraordinaire.
Petit, dans le grenier, il avait installé dans une cuvette en grès blanc et lisse,
une colonie de fourmis noires qu’il nourrissait de confiture et de sucre en
poudre. Son père acheva brutalement l’expérience quand il fit la
découverte des hyménoptères en pleine forme... Il n’avait pas apprécié.
C’était vrai qu’il avait du refaire les plinthes de la cuisine colonisées par
ces petites bêtes intelligentes !
Ici dans le Sud elles étaient rouges et énormes. Il avait acheté des tas
de livres consacrés à cette “sale bestiole” qui ressemblait à l’homme par
certains côté : l’élevage des pucerons sur les rosiers ou capucines, la culture
des champignons, la fourmi alcoolique, la mendiante, la voleuse, la
criminelle !
Un jour sur deux c’était une visite de la région. Tahiti-Plage à
Saint-Tropez un après-midi car il ne fallait pas mourir idiot et la ville le
soir pour un tour de son port avec tous les yachts de milliardaires qui nous
regardaient et qu’on regardait, les peintres qui travaillaient « au couteau »,
les joueurs de pétanques célèbres, la gendarmerie sans De Funès.
Ils avaient parcouru le “vrai Rocher” qu’est Monaco avec ses
aquariums, le Palais Princier et la relève de la garde... Des sorties de
touristes, avec des photos et des cartes postales expédiées à plein de
connaissances...
Avec de jeunes enfants ce n’était pas toujours évident, aussi le
mieux était la mer le matin et le repos l’après-midi. Depuis les nombreuses
années qu’il venait, il avait quand même exploré la Côte depuis Hyères
jusqu’à San Remo en passant par Nice, Grasse, la boutique de Jean Marais
à Saint Paul de Vence. Le parfait touriste quoi !
Ses plaisirs étaient simples à satisfaire : une vie ordinaire et banale. Il
était heureux et bien dans sa peau. Il faisait plus de mille kilomètres pour
admirer le fond de la mer, avec son tuba, et pas trop profond car il était un
piètre nageur. Il perdait vite les pédales ! Sophie sur le sable ne le voyait pas
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toujours, éblouie par les reflets du soleil sur la surface de la mer à peine
irisée.
Sophie avait ses propres préoccupations : un bronzage uniforme qui
devait lui permettre de mettre des collants le plus tard possible et des robes
légères aux décolletés sages. Sa hantise était la trace des bretelles de son
soutien gorge. C’était pourquoi elle ne les abaissait qu’une fois allongée sur
une serviette de bains en éponge.
Le lendemain de la Fête Nationale Belge où le seul Belge Wallon
du camp avait réunis tous ceux qui l’avaient invité huit jours avant pour
célébrer la notre, dans une fiesta mémorable, la routine reprenait. Elle
bronzait, il flottait, dérivant lentement le long des rochers tandis que les
enfants faisaient une muraille avec des seaux de sable retournés autour de
leur mère. Il profitait de l’heure matinale pour faire le tour du mole tout en
scrutant les abords foisonnant de vie. Son dos seul émergeait...
Une mini vaguelette causée par un enfant qui faisait une « bombe » à
proximité, recouvrit l’extrémité du tuba qui n’avait toujours pas sa petite
balle en celluloïd encagée...
- Go ! cria le moniteur de ski nautique au skieur qui bondit de
l’extrémité de la jetée et glissa sur l’eau dans un jaillissement étincelant
d’écume. Il suivait une voie balisée. Il entamait son premier virage et filait
en suivant le rivage à plus de cent mètres au large puis sans problème revint
vers son point de départ. Un petit bateau pneumatique se trouvait prés du
chenal réservé. Il vit le type en maillot de bain se dresser, montrer de la main
quelque chose dans la zone balisée, puis plonger alors qu’il arrivait à sa
hauteur.
- Mais il est dingue, ce mec ! Gronda le moniteur qui était debout à
l’extrémité du mole.
Le skieur lâcha la corde qui le tractait, fit un écart, perdit l’équilibre et
percuta l’eau dans une explosion liquide. Le bateau qui le tirait, revenait déjà
vers son skieur en grande conversation avec le nageur qui avait plongé
devant lui.
- C’est interdit de nager ici, lança le conducteur du bateau, en colère. Vous
êtes inconscient ?
- Il y a un type en dessous, lui répondit le skieur qui avait ôté ses skis alors
que celui qui avait plongé émergeait.
- Noyé ? demanda le moniteur radouci qui avait d‘abord cru à un nageur
27
imprudent puis en difficulté.
- Trop tard, laissa tomber le sauveteur.
- Merde ! Il faut le ramener sur le sable et appeler les pompiers.
Marie regardait l’agitation, des gens qui couraient convergeant vers le
bord de l’eau tandis que deux nageurs ramenaient le corps. Plusieurs
personnes pénétraient dans l’eau pour aider.
- Maman, maman cria la petite fille. Regardes, là-bas. Il se passe quelque
chose.
Sophie se redressa et se leva tellement vite que le soutien gorge resta pendu
au bout de ses bras, dévoilant sa petite poitrine toujours blanche.
- Mon Dieu, Papa !
Ce fut la consternation dans le camping et un entrefilet dans “Var
matin” à côté d’une photo représentant un groupe de vacanciers disputant un
concours de pétanque et une autre en couleur montrant trois naïades vêtues
de coquillages bien placés et enveloppées dans un filet de pèche au gros.
Les vacances continuaient...
3... Jean-Marc
Le silence de la nuit fut interrompu par la musique du radioréveil
installé sur une table de nuit en pin d’Oregon acheté depuis peu dans un
magasin spécialisé du coin qui faisait une promotion sur les chambres à
coucher. La clarté vert-jaune émise par les aiguilles phosphorescentes du
cadran horaire était suffisante pour distinguer les renflements sur le lit. La
forme proche du radioréveil remua doucement, se retournant vers le cadran
pour apercevoir l’heure : 4 heure 05 !
Une nouvelle journée commençait après une trop brève nuit. Une main
toucha la lampe-touche et une lumière inonda la chambre. Une deuxième
tête émergea du drap bleu-cobalt à points blancs. La jeune femme cligna des
yeux, se redressa un peu laissant apparaître un sein blanc et rond mais
bien planté. La douce vision ne fit aucun effet sur l’homme qui s’extirpa du
lit en baillant, enfila des babouches rapportées de leur dernier voyage en
Tunisie avec son comité d’entreprise, se rendit dans les toilettes, ne tira pas
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la chasse d’eau pour ne pas faire de bruit, revint dans la chambre,
commença à rassembler lentement ses vêtements éparpillés sur une chaise,
le dosseret du lit et sur la carpette et sortit, habillé de sa nudité de la pièce
pour pénétrer dans la salle de bains avec tous ses effets sous le bras.
Quelques instants plus tard le léger bruit de l’eau et d’éclaboussures
indiqua qu’il prenait une douche. Elle était fraîche car il fallait qu’il se
réveille tout à fait avant de prendre la route. Il sortit de la cabine, se rasa
avec une lame sans mousse : il n’utilisait le Braun tout neuf que le week-end
et les jours de repos. Il devait faire le moins de bruit possible pour surtout,
ne pas réveiller sa petite fille de presque trois ans qui dormait dans la
chambre située prés de la sienne avec la porte entrouverte. En fait, il était
persuadé qu’elle attendait son départ pour se lever et se glisser tout contre sa
mère ! De plus dans son HLM, il fallait veiller à tout car l’insonorisation
était loin d’être simplement acceptable. Il ne mettait pas en route la machine
à laver quand il faisait l’amour non par fainéantise mais parce qu’il ne le
faisait pas souvent. Il pesta quand la goutte de sang coula sur la joue.
L’après-rasage piqua. Il s’habilla, sortit de la salle de bains, jeta un œil dans
la chambre mais savait que sa femme était déjà retombée dans son
sommeil... Il toucha une fois la lampe de chevet pour plonger la pièce dans
l’obscurité.
Dans la cuisine, il remplit d’eau du robinet la partie basse de la
cafetière italienne. Il mit le café moulu dans le logement prévu à cet effet,
ajouta quelques grains de chicorée Leroux. Il plaça l’ensemble au dessus de
l’eau puis vissa la partie supérieure. Il alluma le petit feu de la gazinière
avec un allume-gaz piezo et déposa la cafetière. Il sortit une tasse du
placard et y mit un sucre numéro quatre et une cuillère à café. Il grilla
lentement une cigarette tout en regardant le parking par la fenêtre ouverte de
sa cuisine, au quatrième sans ascenseur. Il pleuvait. Quand l’eau chaude
grimpa dans la colonne, elle traversa le mélange café-chicorée et se retrouva
dans le compartiment supérieur. Il versa le liquide sombre et brulant dans
sa tasse. Il touilla le précieux mélange puis il vida d’un trait la tasse. Nicole
ne comprenait pas comment il pouvait avaler un café aussi chaud. Il passa la
tasse sous le robinet et la rinça soigneusement, puis l’essuya avant de la
remettre à sa place, tout comme la petite cuillère, et le sucrier. Il restait
suffisamment de café pour son épouse qui utiliserait un maxi bol. Il était 4
heure 40. Il ouvrit le réfrigérateur et se composa un sandwich avec ce qu’il
trouva : deux tranches de fromage à raclettes avec une rondelle de bacon et
29
un cornichon. Mais, il n’était pas difficile et il pouvait utiliser n’importe quel
reste de nourriture. Il le mit dans du papier aluminium le glissa dans un
porte document avec une petite bouteille d’eau du robinet.
Il alla déposer un baiser sur la joue de sa femme vraiment jolie, qui
ne se réveilla pas, remonta le drap sur le sein pour le cacher, revint vers la
cuisine, regarda à la fenêtre une dernière fois le parking éclairé par des
lampadaires : il ne pleuvait plus. Il mit son veston et quitta son appartement
situé au quatrième sans ascenseur.
Il était à peine cinq heures et le jour se lèverait dans une paire
d’heures. On était fin novembre. Une nouvelle journée de travail
commençait par ce rite immuable, une semaine sur deux. L’autre semaine, il
travaillait à partir de midi et demi.
La voiture, une 204 Peugeot, traction avant de 6CV, démarra au quart
de tour comme d’habitude et par tous les temps bien qu’elle restait toujours
dehors. Il avait un CAP de mécanique automobile qu’il avait obtenu quand il
était devenu apprenti chez le garagiste de son père. en revenant de l’armée.
Il avait séjourné presque un an en Algérie dans les Aurès, prés de Batna avec
de fréquentes opérations dans le Djebel Chelia. Il avait abandonné la
mécanique auto plus tard pour intégrer une usine de montage de batteries
industrielles. C’était mieux payé, avec des horaires fixes, moins salissant et
avec des promotions possibles et comme il venait de tomber amoureux de
Nicole qui allait devenir sa femme. C’était le pied !
La voiture de sa femme avait un garage situé sur le parking à quelques
dizaines de mètres. C’est elle qui conduisait leur fille à l’école maternelle
située de l’autre coté de la ville prés de ses beaux parents. Sa femme
travaillait dans un Collège au secrétariat et restait à la cantine le midi. Sa
belle mère récupérait sa petite fille vers 11 h 25 et la gardait jusqu’au soir.
Léa n’allait à l’école que le matin. Il mit la radio, alluma sa seconde
cigarette. Il n’avait pas le droit de fumer dans l’appartement à cause des
odeurs et Nicole faisait de l’asthme !
Il écoutait les dernières nouvelles, se concentrant sur la conduite : il
était toujours étonné de la circulation d’aussi bonne heure. Il n’était pas le
seul à mener cette vie de dingue. Pour une fois tous les feux étaient au vert
et il se retrouva rapidement devant son entreprise. Une très grosse boîte de
fabrication et montage de batteries industrielles de type stationnaires. Il
introduisit son badge dans la borne. La barrière se leva sous l’œil du gardien.
Il reprit son badge et alla se garer sur le parking réservé : il était assez fier de
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voir son nom marqué sur le panneau fixé sur le muret devant le capot. Ils
étaient plus de quatre cents salariés dans cette boite anglaise et les premiers
en Europe.
Il pointa, et dans le vestiaire endossa une blouse blanche avant de
gagner l’atelier de montage. Il était chef d’équipe et dirigeait une dizaine de
femmes et trois hommes de plus de quarante ans. Il se devait d’être le
premier sur la chaîne de montage, de donner l’exemple. Avec ses trente
deux ans il était un jeune loup ambitieux ou “ un jeune cadre dynamique”,
c’est selon...
Certains éléments étaient fabriqués dans un autre atelier spécialement
équipé car la manipulation d’acide pouvait occasionner des pollutions à la
nappe phréatique. D’autres pièces venaient par semi-remorque de 38
tonnes de la maison mère située prés de Birmingham au nord de Londres.
Il surveillait les différents postes de travail de la chaîne, veillait à
son alimentation, intervenait quand un incident se produisait. Il était capable
de remplacer n’importe qui depuis la réception des plaques de plomb, leur
mise place avec des gabarits, l’expédition par tapis roulants vers les
monteuses qui unissaient les plaques positives et négatives à l’aide de
peignes spéciaux en acier. La partie supérieure des plaques qui dépassaient
des peignes étaient fondues ce qui unissaient les plaques. Il ne restait qu’à
disposer le lourd assemblage dans un bac à batterie en plastique puis à
contrôler l’ensemble. Il fallait éliminer les boulettes de plomb qui créaient
des courts circuits, ou les coulures voire les remontées de séparateurs. Si tout
était correct ce qui était la réalité quatre vingt dix neuf fois sur cent, on
pouvait souder les différents éléments à travers le bac préalablement percé,
puis on posait le couvercle et encore des soudures entre les bornes de la
batterie. Des tests, la pose des bouchons, l’étiquetage, l’emballage de cette
batterie sèche qui faisait son poids et qui serait stockée sur des palettes avant
expédition chez les concessionnaires agréés. Les hommes intervenaient en
fin de cycle quand la force physique répétitive était nécessaire : ils
transportaient plusieurs tonnes par jour !
Jean-Marc gérait son équipe avec le sourire même quand il rouspétait
lors d’une absence toujours imprévue ou une demande de congé de
dernière minute pour résoudre un problème familial. Et avec des femmes
jeunes donc avec des enfants également très jeunes, les motifs “valables” ne
manquaient pas. Alors son bel organigramme était modifié. Il ne savait rien
refuser à ses jolies nénettes qui lui renvoyaient l’ascenseur quand il y avait
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un coup de feu.
Où il était intransigeant, c’était sur la sécurité et il pourchassait celui
ou celle qui ne mettait pas ses gants, ses chaussures de sécurité, les lunettes
pour souder : un doigt coupé ne repousse pas, un œil brûlé par l’acide ne se
remplace pas ! Ce qu’il n’aimait pas comme tout le monde, c’était la prise de
sang régulière qu’il devait subir pour prévenir le saturnisme !
Vers midi et demi, c’était le changement d’équipe. Il prenait son repas
à la cantine avant de rentrer chez lui et de faire une sieste. Il se tenait au
courant de ce qui se passait prés de chez lui, dans la région et dans le monde
en lisant l’édition locale de La Voix du Nord. Il entretenait sa voiture sur le
parking prés du garage de sa femme quand il faisait beau, sinon il regardait
la télévision. Il entretenait aussi la propriété de ses beaux parents. Perché sur
une échelle, il taillait les haies des troènes au moins trois fois par an,
s’occupait de la tonte des huit cents mères carrés de pelouse tous les dix
jours environ à la belle saison.
“Joli-Beau-Papa” ne pouvait plus effectuer ce genre d’activités après
de nombreuses années passées au fond de la mine prés de Lens. Il était vite
essoufflé. La silicose était la mauvaise compagne du mineur.
Nicole, jolie, pimpante et toujours souriante arrivait vers 17 heure et ils
rentraient dans leur trois pièces au quatrième sans ascenseur. Nicole
s’occupait de Léa, espiègle ou infernale selon les jours, jamais fatiguée
bien qu’elle ne faisait pas de sieste chez sa mamie. Ensuite Nicole s’occupait
du repas du soir et parfois, trop rarement à son gré, de lui.
La sonnerie du téléphone retentit pendant le souper qui consistait en
croque-monsieurs réalisés à la poêle.
C’est Nicole qui décrocha le combiné. Au bout de quelques instants elle mit
le haut parleur pour que Jean-Marc puisse entendre.
- ...... Madame Letailleur, suite à notre dernière rencontre, je pense pouvoir
vous donner une réponse positive. Notre Société a un projet à Achicourt, à
quelques kilomètres d’Arras.
- Mon mari écoute et me fait signe qu’il est intéressé. On peut se voir.?
- Mais tout à fait. On convient d’un rendez-vous ce samedi ?
- Ce samedi on va chez mon frère sur Lille. Un autre jour ?
- Proposer, je suis à votre disposition.
- Mon mari est d’après-midi la semaine prochaine. Vendredi vers 15 h ?
- Je consulte mon emploi du temps, je vous demande quelques instants...
Jean-Marc s’était levé de table et se trouvait tout contre sa femme, excitée au
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possible.
- Madame Letailleur ?
- Oui.
- C’est entendu pour vendredi prochain vers 15h chez vous.
- A vendredi alors. Bonne soirée.
- Vous de même.
Jean-Marc et Nicole s’embrassèrent longuement.
Ils allaient acheter une maison rien qu’à eux. Ils allaient quitter leur
trois pièces au quatrième sans ascenseur, enfin. Ils étaient de nouveau à table
quand la sonnerie du téléphone retentit de nouveau. Cette fois, c’est lui qui
se leva et décrocha le combiné.
- Je suis bien chez Monsieur Jean-Marc Letailleur ? Demanda une voix au
bout de la ligne.
- Oui, c’est bien moi. Qui est à l’appareil, à qui ai-je l’honneur ? Il sourit,
étonné et amusé de la tournure de sa phrase.
- Vous ne me connaissez pas mais nous avons un ami commun qui m’a parlé
de vous, en bien naturellement.
- Quel est son nom?
- Michel, Michel Delattre. Il travaille avec vous, je crois.
Jean-Marc connaissait effectivement un Michel Delattre à l’usine,
mais il travaillait à la réception des pièces venues de la maison mère. Il ne
lui avait jamais vraiment adressé la parole. Echangé des banalités, partagé
un café avec d’autres oui, sans doute, à la cantine...
- Je connais de nom, mais on ne peut pas dire que c’est un ami. Une relation
de travail, et encore. Nous sommes plus de quatre cents salariés dans la
boîte.
- J’avais cru comprendre le contraire. Il m’avait cité votre nom quand il m’a
prévenu qu’il ne pouvait pas m’accompagner à la chasse, ce dimanche. “Si
tu lui téléphones, il va être intéressé”, qu’il m’a dit. Ce n’est pas grave, je
vais remettre cette chasse puisque vous n’êtes pas partant...
- Attendez, c’est si inattendu, vous me prenez au dépourvu. Je dois réfléchir
à mon programme pour ce week-end. Je vais chez mon beau-frère sur Lens
et on va voir un match de foot.
- Vous allez voir Lens-Nantes...
- Oui, vous êtes supporter?
- Non, pas vraiment. Je serai plus pour le LOSC, mais c’est une belle
rencontre en perspective.
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- Et dimanche midi, je vais manger chez mes beaux parents.
Ils devaient préparer le réveillon de Noël. où ils seraient une
quinzaine avec les trois sœurs mariées de Nicole, les beaux frères, et tous
les enfants.
- Vous y serez, si vous venez chasser. Pas de problème. Que décidez-vous ?
reprit la voix inconnue et chaleureuse au bout du fil.
- Et c’est loin d’ici ?
- Une vingtaine de kilomètres d’Arras, du côté de Croisilles.
- Croisilles ? Comme c’est curieux. Ma Société de chasse s’y trouve.
Vous avez un droit de chasse sur le secteur. vous aussi ?
- Non, mais Michel m’a procuré une carte d’invité.
- Maintenant que vous me le dites, je crois l’avoir rencontré l’an passé
lors d’une battue au sanglier. On se donne rendez-vous à quelle heure ?
- Vers sept heures et demi ?
- D’accord ! Où précisément ?
- Comme vous semblez bien connaître le coin, vous dépasser Croisilles en
venant de Beaurains, et vous tournez à droite à la première route. C’est une
route vicinale. Il y a un calvaire un peu plus loin. Je serai-là. Je viens de
Bapaume.
- Et votre nom ?
- Il ne vous dira rien. Je serai là. Alors à dimanche.
- Et si jamais, j’ai un empêchement. de dernière minute... Vous avez un
numéro où on peut vous joindre ?
- A dimanche. La météo prévoit du beau temps et si vous n’êtes pas là,
j’aurai pris un bon bol d’air. Et l’inconnu coupa la communication.
- Quel Week-end en perspective, ma chérie. D’abord une maison, le
foot avec ton beau-frère, maintenant une chasse, puis un bon repas avec tes
parents...
- Alors tu vas aller à la chasse ? Demanda Nicole.
- Naturellement ! Mon matériel est toujours prêt car une invitation de
dernière minute peut toujours arriver. La preuve. Tu n’es pas fâchée ?
- Non, non. Tu seras là vers midi ?
- Aucun problème ! C’est une occasion incroyable, qui ne se reproduira pas
de sitôt. Un type que je connais à peine mais qui appartient à la même
société de chasse que moi , donne mon nom, pour le remplacer à un
inconnu . Va falloir que je vois ce Delattre pour tirer au clair cette histoire.
34
Bon, en attendant, je crois que je vais ouvrir une bouteille de champagne.
Couche toi, ma chérie. J’apporte deux coupes avec les bulles et que la nuit
soit belle.
- Et si cet inconnu ne vient pas ?
- Je crois savoir où on doit se rencontrer. Le calvaire doit se trouver prés de
la ferme d’Hervé.
- Hervé ?
- Hervé Méquignon, un copain de mon grand-père et de mon père.
Naturellement il était jeune à cette époque. Ils ont du chasser aussi dans
les bals de campagne. J’irai tiré quelques cartouches au pire seul et ensuite
j’irai me faire “payer une bistouille “ chez Hervé qui est à la retraite.
Quand Nicole gagna la chambre à coucher, Jean-Jacques arriva
quelques instants plus tard portant un plateau sur lequel étaient posées deux
flûtes et une demie bouteille de champagne.
- Pour la maison ! décréta Jean-Jacques
- C’est une merveilleuse nouvelle, renchérit-elle.
Après deux coupes chacun, il posa le tout sur le sol, se coucha puis
éteignit la lumière.
Il se colla tout contre sa femme qui portait jusqu’au niveau des
genoux une chemise de nuit en pilou imprimé de motifs bleus. Il l’enlaça
et sa main se posa sur un sein bien protégé par le textile en coton
pelucheux. Il se mit à passer d’une bosse à l’autre, s’attardant quelque peu
sur ce qui devait être la pointe. Comme elle ne disait ni ne faisait rien pour
mettre un terme au rapprochement, il quitta la poitrine pour saisir
délicatement son genou puis sa main passa sous la cotonnade, glissa sur
l’intérieur des cuisses presque jointes, arriva à l’aine, remontant par là même
la chemise de nuit. Il tourna autour de son objectif principal et remonta
coté cœur. Celui-ci battait à peine plus vite. Il retrouva un mamelon qu’il
agaça suffisamment pour obtenir un durcissement, puis passa sur l’autre.
Avec la paume, il poursuivit sa caresse circulaire. Quand les deux seins
prirent du volume avec leurs extrémités qui dardaient, il posa ses lèvres sur
une pointe et poursuivit la caresse avec sa langue tandis que sa main
descendait par petites touches vers le pubis puis le nid d’amour. Nicole ne
bougeait pas franchement mais il ressentait des frissonnements. L’index
commença à caresser les grandes lèvres puis forçant un peu trouva le clitoris
humide. Celui-ci gagna en volume et dureté. Une jambe se plia et s’écarta
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comme pour signifiait qu’on pouvait aller plus loin... Il attendait ce signal. Il
quitta les seins, glissa vivement et déposa un long baiser sur le clitoris. Elle
gémit doucement et posa une main sur sa poitrine et la seconde dans les
cheveux de Jean-Marc qui était maintenant allongé entre ses jambes repliées.
Il titillait le clitoris doucement avec sa langue dure. Il savait que ses mains
ne feraient pas plus. Son sexe était turgescent, affamé. Il quitta à regret sa
position, remonta pour qu’il puisse investir son paradis. Il maintint une
jambe relevée, enjamba l’autre et quand il fut en elle, il savait que son
membre lors des va et vient caressait et agaçait tout son sexe...
L’explosion ne tarda pas et il ne put retenir un cri contenu qui s’éternisa...
Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas joui ainsi. Nicole n’avait
plus très envie de faire l’amour depuis la naissance de sa fille... Cela faisait
un certain temps qu’il était frustré car si pendant la grossesse c‘était
carrément « niet«, depuis il pouvait compter sur les doigts des deux mains et
des pieds le nombre de fois où elle acceptait son étreinte tout en restant
passive... Elle refusait même tout préliminaire. Elle écartait les jambes et
attendait que cela se passe. Avant sa grossesse, elle était différente et était
même très demandeuse. Un mauvais moment à passer sans doute ! Il devait
faire preuve de patience, de beaucoup de patience. Elle devait faire la
dépression post partum pensait-il ! Ce soir était exceptionnel. Vraiment
exceptionnel ! Il en avait bien profité. C’est toujours meilleur quand on ne
s’y attend pas.
De ce fait, la nuit fut belle, très belle, agitée dans tous les sens du
terme et pleines de rêves. Léa fut sage, ne se réveilla pas et laissa ses
parents sur un nuage rose car le week-end de sa mère se présentait aussi
sous les meilleures hospices : une maison sûrement, une bonne soirée avec
sa sœur aînée, qui était un peu sa deuxième maman, et la mise en place du
réveillon...
.
Le samedi matin, il accompagna Nicole et Léa au marché d’Arras sur
la Grand Place puis à Delta, une grande surface commerciale sur la route
de Doullens. Il prenait plaisir à sortir ses deux femmes et à pousser le
caddie, suivant docilement, complétant les achats parfois, attendant dans
l’allée centrale quand ses femmes fouinaient dans les rayons vestimentaires
car Léa malgré ses trois ans n’était pas la dernière à savoir ce qu’elle voulait.
Il passa le début de l’après-midi à préparer son matériel de chasse. Il
avait un faible pour son Robust, fusil à deux coups calibre douze de chez
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Manufrance offert par son grand père pour ses seize ans. Il plia sa
casquette plate forme anglaise, un pantalon Leder en toile vert-olive avec
des renforts aux genoux cousus par sa mère, une ceinture cartouchière qui
était complète, des bottes en caoutchouc verte avec une fermeture à
glissière qui sont plus facile à enlever surtout quand on est seul et qu’on
ne conduit pas avec, une vieille musette en toile qui venait aussi de son
grand père très pratique avec son grand compartiment, deux poches sur le
coté, un rabat et une sangle large pour la porter, une deuxième paire de
chaussette et en dernier une veste Leder vert-olive avec plein de poches. Il
prépara une dague au manche en os dans son étui, le porte cartes qui
contenait son permis et son droit de chasse ainsi que divers documents
préfectoraux relatifs à son passe-temps.
Puis direction Lens pour la famille avec en prime le soir, une sortie au
stade Bollaert. C’était en plus l’inauguration de la nouvelle tribune Henri
Trannin dans un vieux stade que Félix Bollaert, polytechnicien très estimé
à la tête du Conseil d’administration de la Société des Mines fera
construire par des mineurs-chômeurs, puis mettra à la disposition du club
en 1934.
Il appréciait son beau frère et les sorties entre hommes. Ils se
contenteraient de sandwichs au pâté et au jambon avec une canette parce
qu’il fallait arriver de bonne heure pour trouver une place de parking prés
de l’entrée et aussi dans les tribunes où il n’étaient pas question de rester le
ventre vide.
Les douze mille places de la nouvelle tribune étaient occupées
comme toutes les autres. Heureusement, Maurice, mon “Beauf”, supporter
depuis toujours avait réservé ses places. Son prénom n’avait pas été choisi
au hasard par son père. C’était celui d’un vieux copain qui s’appelait
Carton et qui était devenu Président du premier club de supporter du
Racing, décédé malheureusement en 1964. D’ailleurs le Club des Sangs et
Or donnera son nom à la rue qui permet d’accéder à ce “Temple” du
football.
Dans une ambiance qui était toujours extraordinaire, les équipes se
partagèrent les points sur le score de 1 à 1 mais c’était un détail donc pas
important...
Le retour se passa sans problème chez les Atrébates. Il écouta les
informations sportives de la soirée avant d’aller se coucher. Il vérifia l’heure
à laquelle il devait se réveiller pour aller à la chasse et se coula contre le
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corps chaud de Nicole qui dormait déjà. Il posa sa main sur son genou et
remonta sous la courte chemise de nuit.
- On dort ! dit-elle dans son sommeil, en retirant sa main qui atteignant la
cuisse chaude.
Il n’insista pas et posa sa main sur sa poitrine. “Dommage” se dit-il, cela
aurait été trop beau, deux nuits de suite. Cela n’était pas arrivé depuis son
mariage avant la découverte de sa grossesse. Fallait penser à la chasse,
maintenant !
Son sommeil fut peuplé de buts incroyables, de tableaux de chasses
impressionnants et de maisons plus belles les unes que les autres... Dans son
dernier rêve, le coup de fusil était en fait le radio réveil qui se mettait en
marche. Il se leva tout de suite après avoir jeté un regard sur le cadran.
Il quitta son appartement au quatrième sans ascenseur après le rituel
matinal.
Hervé Méquignon, cultivateur de 68 ans, célibataire endurci, couche
tard et lève tôt, se rasait avec un rasoir électrique tout en écoutant la radio
située dans la cuisine. Il était huit heures vingt quand il ouvrit la porte et se
dirigea vers le poste pour baisser le volume sonore. Il se servit une
nouvelle tasse de café et l’avala tout en caressant le chat noir qui se
trouvait sur l’autre chaise muni d’un coussin. Il y avait deux autres chats
blottis l’un contre l’autre sur un fauteuil en rotin : la mère et le jeune qu’il
avait épargné.
Il se leva, mit une grosse veste en mouton retourné avachi puis sortit
pour faire le tour de la ferme comme d’habitude. Après avoir vérifié que
l’étable désaffectée mais reconvertie en hangar rempli de matériel agricole,
était bien fermée, il décida de poursuivre son inspection en se dirigeant vers
les champs. Dés qu’il avait mis le nez dehors, il avait su que ce dimanche
allait être une journée faîte pour la chasse. En cette saison, les Nemrods
s’aventuraient sur ses terres. Il s’en moquait mais il n’aimait pas que ses
bâtiments de ferme soit la cible d’inconscients. Il avait déjà retrouvé des
plombs dans sa porte d’entrée et plus d’une poule ou canards avaient fait
les frais de tirs manqués, pas pour tout le monde même si ces volailles
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terminaient leur existence dans son assiette, ou le congélateur plus tôt que
prévu. N’empêche, il n’aimait pas les tireurs indélicats.
Il avançait vers la pâture située à coté du petit bois et l’ancien champ
de maïs, refuge des faisans, perdrix grises, gibier à plumes et à poils car il
savait qu’il y avait des sangliers et des chevreuils sans compter les lapins.
Des nappes de brume s’accrochaient çà et là aux branches décharnées créant
des formes fantastiques, et noyaient certains coins de son domaine. Il avait
légèrement rimé et il fut surpris quand il vit surgir de la brume un inconnu
qui courait vers lui.
- A l‘aide ! Au secours ! criait-il a en perdre haleine.
- Que se passe-t-il, répondit d’une voix forte le paysan ?
- Un accident... Il est mort ! dit l’homme en s’arrêtant au contact d’Hervé,
essoufflé et environné de vapeur due à sa respiration saccadée.
- Où ?
- Là bas ! Il montrait le bois en tendant le bras
- Allez devant moi. Je vous suis... Il est peut être seulement blessé.
Hervé suivit l’inconnu qui courait devant lui, entouré d’un panache de
vapeur, tout comme lui... Il faisait frisquet ce matin.
Il ne discerna pas tout de suite la silhouette allongée et immobile prés de la
clôture. En se rapprochant il vit la position grotesque de la forme humaine.
Le corps était sur le premier fil de fer barbelé, le visage reposant sur le sol
durci, la main tenait encore le canon du fusil. La crosse n’était pas pliée.
« L’imbécile, il a voulu passer entre les deux fils de fer barbelé,
en s’aidant de son fusil comme d’un appui telle une canne. Le fusil a glissé
sur le sol gelé et le coup est parti. Le maximum d’imprudence » pensa le
paysan.
- Il a voulu passer sous le barbelé en s’aidant de son fusil et le coup est
parti... Laissa tomber le chasseur inconnu.
- Le pauvre est mort en effet et je le connais en plus, ajouta Hervé
Méquignon.
- On retourne à la ferme et on donne l’alerte, poursuivit-il.
La 403 de la gendarmerie arriva et se gara dans la cour principale
devant la partie habitée. Hervé attendait sur le pas de la porte, avec
l’inconnu à ses côtés. Les trois gendarmes descendirent et saluèrent. La
voiture du médecin pénétra dans la ferme à son tour et se gara à coté de la
voiture des gendarmes. C'était le médecin de Croisilles. Il sortit de sa
39
voiture et rejoignit le groupe. Tout le monde se connaissait sauf l‘homme qui
avait donné l‘alerte.
- Bon, dit Hervé, suivez-moi, c’est derrière les hangars prés du petit bois.
Je n’ai touché à rien. Il a voulu passer sous les barbelés en s’aidant de son
fusil, le coup est parti et l’a atteint en pleine poitrine. Il est mort sur le coup.
Ce monsieur était avec lui, en montrant le chasseur à côté de lui.
- Vous avez entendu un coup de fusil ? demanda l’adjudant.
- Rien.
- Vous étiez chez vous pourtant ?
- Oui, mais j’étais sûrement dans la salle de bains. Et je mets la radio à fond
pour entendre la météo et les informations.
- Pourquoi à fond ?
- Il ne fait pas chaud. Je ferme la porte et j’utilise un chauffage électrique...
On arrive. C’est là-bas. Il pointa sa main vers la clôture. Il faisait
suffisamment clair maintenant pour distinguer une forme allongée en
faisant comme un dos-d’âne. Le médecin s’approcha du corps et tâta le
pouls, puis releva un peu la tête.
- Merde, cria-t-il, c’est Jean-Marc.
- Mais oui, Letailleur, Jean-Marc Letailleur, ajouta le militaire. Que s’est-il
passé ? Il connaît le coin pourtant !
- Négligence, due à l’habitude, laissa tomber le paysan. C’est ma foi vrai
qu’il connaissait bien le secteur. Son grand père avait une ferme pas loin
avant guerre. Son fils unique a tout laissé tomber et est entré à la DDE. Il
continuait à chasser par ici seul, car c’était un ours. Puis avec son gamin. Il
devait lui ressembler !
- Alors docteur ? demanda l’adjudant, quand le docteur eut examiné
rapidement la victime.
- La décharge à bout portant ne lui a laissé aucune chance. La mort a été
instantanée.
- A quelle heure est-ce arrivée ? Demanda le gendarme au second
chasseur qui avait repris des couleurs.?
- Je dirai vers les 8 heures, répondit celui-ci
- Vous étiez avec lui ? Comment ça c’est passé ? Demanda le gradé, l’air
inquisiteur.
-Non, je venais de me garer, près de sa voiture. J’appartiens au même comité
de chasse. Je connais bien Jean-Marc. j’ignorais qu’il devais venir ce matin.
Je lui ai parlé mardi soir lors de la réunion du comité et il avait un week
40
end chargé en famille. Il n’y avait pas de chasse prévue dans son emploi du
temps.
- Que faites vous là, dans ce cas ?
- J’attendais l’arrivée de deux amis et je me préparais. Quand j’ai entendu la
détonation, je me suis avancé pour voir qui était en train de chasser. J’ai
d’abord cru que j’étais en retard. Quand je me suis approché, j’ai tout de
suite compris qu’un grave accident venait de se produire. J'ai donné l’alerte
chez Hervé.
.
Deux gendarmes dégagèrent le cadavre et ôtèrent la casquette qui
couvrait le visage. Celui-ci marquait l’étonnement. L’un d’entre eux fouilla
les poches et tendit le trousseau de clés situé dans la première et qu’il
tendit à son chef. Dans la deuxième poche il trouva un portefeuille, qu’il
donna également, au sous-officier qui le consulta rapidement : la carte
d’identité, le permis de conduire, des photos, de l’argent, la carte d’électeur,
la carte de donneur de sang, des cartes de visites, la carte de sécurité sociale,
le permis de conduire, la carte grise et une carte d’entreprise...
-. Vous êtes bien passés par le champ de mais coupé ? Demanda le gradé au
chasseur.
- Tout à fait. Il y avait une voiture garée prés du calvaire et la mienne est
juste derrière.
- Vous venez d’où.?
- De Croisilles. Deux autres copains devaient venir. D'ailleurs ils arrivent,
dit le chasseur en montrant ces derniers.
- Vous étiez derrière lui quand c’est arrivé ?
- Non, je venais d’arriver, je venais de mettre mes bottes quand j’ai entendu
la détonation. Il était seul et à voulu passer sous le fil de fer barbelé. Je ne
vois pas d’autre explication !
- Comment peut-on faire une telle connerie, dit Hervé !
- Surtout que Jean-Jacques n’était pas un bleu. Mais c’était un solitaire.
Quand on est seul, on commet des imprudences impensables.
-- Pas à ce point, déclara le gradé. Il n’y a pas de mot pour qualifier une telle
imprudence... Pas de mot !
Deux infirmiers arrivèrent avec une civière accompagné du troisième
gendarme. Après avoir salué les personnes présentes, ils s’occupèrent de la
victime, après avoir eu le feu vert, du militaire qui avait fait les constatations
d‘usage et retranscrit sur le procès verbal, les circonstances de ce drame
désolant.
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Le cortège funèbre regagna la ferme. L’ambulance emporta le cadavre,
suivi par le toubib, qui était demandé ailleurs. Hervé Méquignon proposa un
café chaud aux gendarmes et aux trois chasseurs marqués par l’accident
de leur ami. Ils acceptèrent sans se faire prier le café et un cognac.
Le froid était toujours vif et ils avaient tous besoin d‘une boisson
chaude pour les remonter.
Ce fut l’occasion de se remémorer les événements qui avaient
conduits à cette tragédie qui n’aurait jamais due se produire.
- Quand je l’ai aperçu, j’ai tout de suite compris ce qui s’était passé,
dit le paysan.
- La décharge a atteint le chasseur en pleine poitrine, le tuant sur le
coup. A bout portant, cela ne pardonne pas. C’était un accident stupide
comme il en arrive chaque année, pendant la saison de chasse. Ce n’était pas
le premier et ce ne serait pas le dernier.
Les trois gendarmes, les chasseurs et le paysan épiloguaient parlant
des imprudences toujours répétées malgré les mises en garde et les
campagnes de sensibilisation.
Le gradé, une fois réchauffé, tendit les clés de la GS Citroën à l’un
de ses subordonnés.
- Bien tu vas rapporter la voiture à la brigade. Quant à nous, nous avons un
sale boulot à faire. Faut aller prévenir sa femme...
Le soleil pointait dans un ciel rougeâtre. La brume s’évanouissait. Ce
serait un beau dimanche et sec.
- Allez, direction Arras, lotissement des Blancs Monts. A quelques
semaines de Noël, Jean-Marc Letailleur, ta connerie va jeter le malheur sur
une famille et vu ton âge, ça va faire une jeune veuve et une orpheline.
- C’est le deuxième accident mortel dans la région. après celui de Renty
prés de Fauquembergues. La victime a été confondue avec un sanglier,
déclara Hervé pour conclure.
- On a oublié, un chasseur à la hutte dans la baie d’Authie, prés de Fort
Mahon, qui s’est noyé en voulant récupérer un canard qu‘il avait abattu,
reprit le gendarme qui montait dans la Peugeot bleue-nuit pour prendre le
volant.
- C’est qu’ils ont la gâchette facile maintenant. Ils tirent sans réfléchir ni
prendre de précautions pensa tout haut l’un des chasseurs qui n’était pas
prêt d’oublier cette journée.
42
- Malheur à celui qui se trouve dans la ligne de mire ! Dit Hervé.
- Mieux vaut chasser autre chose, hein Hervé, ajouta avec un large sourire
le gradé qui connaissait la renommée du cultivateur.
- Sur, dit Hervé, c’est une forme de chasse, tout aussi agréable sinon plus, et
sans danger !
- Sauf le cœur, ajouta le conducteur du véhicule de gendarmerie.
C’est sur un éclat de rire général que tout le monde se quitta. Les
gendarmes prirent la route d’Arras pour accomplir leur triste mission.
Quant à Hervé, il rentra chez lui et avala d’un trait un second
cognac. Il avait besoin d’un véritable remontant.
Le soleil dispensait une certaine chaleur maintenant. La brume avait
totalement disparu. Trois biches sortirent du petit bois quelques instants
puis disparurent à l’intérieur des fourrés protecteurs. Elles avaient assisté à
toute la scène avant même le drame. La plus vieille avait vu l‘homme qui
approchait. Il portait un long bâton qui tonnait comme la foudre et qui
annonçait la mort. Elle avait vu sa mère s’écrouler et rougir de sang en
l‘exhortant de fuir et de l‘abandonner.
Elle avait reconnu le porteur de foudre et de mort et quand il a glissé alors
qu’il franchissait la clôture en fil de fer barbelé, elle l’a vu quand il a
cherché à ne pas tomber en s’appuyant sur le bâton qui n’était plus cassé. Il
y a eu la foudre puis l’homme a tressauté avant de s’affaler.
Il y avait plein d’hommes maintenant dont celui qui vivait à cet
endroit. Mais c’était une histoire d’hommes ! Pour une fois où elles
n’étaient pas les cibles ! Les trois biches firent demi tour et s’enfoncèrent
dans le bois...
4... Emilie.
Il était dix heures en ce dernier dimanche de février qui était frisquet et
plus de sept cent cinquante machines quittèrent le parc d’assistance fermé
situé au Palais de l’Europe au Touquet et prirent la direction de la plage.
Quand il avait vu son meilleur copain descendre l’étroite rue Saint
Jean, l’artère principale de la ville qui amplifiait les vrombissements des
moteurs, il se rappela qu’il avait fait de même, il y avait déjà un an !
43
Il y avait des Belges, venus nombreux et en voisins, des Allemands,
quelques Espagnol, et des Français venus de tout l’Hexagone. Il remarqua
même un side-car britannique pas du tout adapté à cette épreuve
éprouvante pour les hommes et les engins. Mais ce troisième Enduro des
Sables du Touquet étant la fête de la moto, le folklore se devait d’être
présent. Les machines enveloppées d’un nuage gris-bleu généré par les
moteurs allaient s’élancer pour la première manche de ce troisième Enduro
des sables dans un vacarme assourdissant.
Sur la ligne de départ, se trouvaient les As comme Jean-Claude
Olivier, Christian Rayer et son frère Alain, Rudy Potisek, Gilles Francru,
Daniel Péan, Patrick Drobecq, Serge Bacou, Jacques Vernier... Et les
“poireaux” qu’étaient les amateurs inconscients qui escomptaient damer le
pions aux champions.
Tous étaient presque sur la même ligne et après l‘envolée grandiose
qui menait tous ces bolides au bout d’une longue ligne droite vers le
“Goulet”, étroit passage, situé en haut d’une côte qui permettait de quitter la
plage puis revenir au point de départ au travers des dunes, bien des candidats
restèrent plantés, moteurs noyés, dans les bâches traîtresses. Pour les moins
rapides, l’autre piège était représenté par ce “Goulet” où ils s’engluaient
sans espoir de repartir. Mais pour eux, l’important était de participer et
pouvoir fièrement dire “j’ai fait l’Enduro des Sables du Touquet”. Cela ferait
bien sur une carte de visite !
Naturellement, il fallait venir en groupe car il n’était pas question de
repartir avec sa machine ! Celle-ci pouvait trop souffrir des projections de
sable et d’eau salée qui s’infiltrait partout, des chocs, et des chutes. Il
faudra démonter, nettoyer toute la moto avant de pouvoir rouler de
nouveau sur les routes sans problème. Ils étaient cinq dans leur groupe,
habitants relativement prés les uns des autres. Ils étaient venu ensemble au
premier Enduro pour voir, par curiosité.
Cela avait plu à Rémi, Julien, Sylvain, Pierre et Maxime. Ils avaient
décidé de participer aux autres éditions à tour de rôle. L’an passé Max avait
gagné ce droit. Il avait remporte la partie de tarot qui était le critère
retenu...
La moto personnelle était préparée par le groupe, amenée dans un
fourgon Citroën spécialement aménagée en atelier et le transport. Il avait été
racheté en commun et pas cher au père de Rémi, cultivateur sur Tilques, prés
de Saint-Omer. Il avait toujours sa Dream 250 de chez Honda, acquise
44
également d’occasion en 70 et bichonnée plus qu’une femme !
Julien évita soigneusement les bâches qui attiraient invariablement les
novices. Il essaya de conserver sa trajectoire, traçant malgré tout, de bien
curieux sillons sur le sable humide et cannelé, comme une tôle ondulée. Il
réussit à escalader sans trop de soucis le fameux passage où s’agglutinait une
foule de spectateurs avertis et amateurs de sensations fortes. Nombreux
étaient ceux qui aidaient les concurrents bloqués dans le sable par les chutes
et les bousculades à s’extirper du bouchon impressionnant. Il termina la
course au bout de cinq tours sur les huit prévus mais comme sa Yamaha
Big Bear avait connu des problèmes mécaniques et qu’il ne voulait pas
abîmer davantage sa moto qui était également sa raison de vivre, il
préféra abandonner d’autant que ses moyens financiers s’entend, ne lui
permettaient pas d’excès. Les cinq amis restèrent pour assister à la
deuxième manche. a Les trois cents soixante survivants de la première
manche se ruèrent de nouveau pour huit tours et prés de deux heures
d’efforts physiques pour l’homme et de souffrances pour la mécanique.
La course du matin avait éliminé l’Espagnol Alibes Aymerich sur une
Ossa d’usine et presque Drobecq qui avait été déclassé. La lutte restait
vive en tête entre la Maïco de Péan, la HQV de Francru, l’IT400 de
Potisek, Christian Rayer et Bacou. Potisek, vainqueur le matin devant
Francru, devait abandonner comme l’année précédente à cause d’une
bougie défaillante alors que la victoire lui était promise. Le Vernonnais
Francru bénéficiant de ce coup de pouce du destin et certain de remporter
l’épreuve laissa Bacou remporter cette seconde manche pour l’estime.
La proclamation du résultat final se fit attendre un peu. Il fallait tenir
compte tenu naturellement de la première course du matin et c’est
Francru qui se montra le plus régulier et fut proclamé vainqueur de cette
troisième édition devant Rayer. Ils restait encore cent soixante rescapés
dont le coureur de F1 Jean-Pierre Jarier et le sauteur à la perche Jean
Quinon. Ensuite ce fut le podium avec la traditionnelle bouteille de
champagne. C’était la liesse et tous les spectateurs ravis se précipitèrent dans
toutes les brasseries et cafés situés sur le front de mer et dans les rues
adjacentes de l’artère principale. Les cinq amis sauf Rémi qui conduisait le
fourgon et était en “civil”, étaient vêtus de cuirs noirs et en rangers
achetés dans un surplus de l’armée du côté de Lillers, à Busnes tout comme
les sacs de couchages américains. Ils vécurent une fois de plus ce week-end
magique devant un chocolat chaud ! Le temps s’écoulait si vite qu’ils
45
s’aperçurent que c’était l’heure de se restaurer. Deux hot-dogs
accompagnés d’une pression calmèrent leurs estomac sous un magnifique
soleil couchant.
La nuit était tombée depuis belle lurette quand les cinq copains, tous
trentenaires bien tassés rejoignirent le 800 kilos Citroën et leurs
machines. Il était temps de quitter cette cité balnéaire huppée l’été, qui grâce
à son maire, Léonce Deprez et Thierry Sabine sortait de sa somnolence
hivernale.
C’est au moment de se mettre en route alors que Julien dans le
fourgon avec Rémi était déjà parti, qu’ « elle » arriva. Les trois amis
avaient déjà mis en route leur moteur quand Max croisa son regard.
Bien qu’en y réfléchissant, c’était elle qui l’avait accosté en cette fin de
dimanche de février. Elle portait un jean délavé et bien serré, des bottes
de daim fourrées qui arrivaient sous les genoux, un blouson également en
daim presque épais et des longs cheveux bruns. Elle s’approcha de lui.
- Je suis de Cambrai. Mon copain m’a plantée. Si vous allez dans cette
direction, vous pouvez m’emmener ?
- J’habite entre Calais et Saint-Omer ! C’est encore loin de Cambrai et pas
vraiment la route, répondit Max sur la réserve.
- Vous me laisserez là où vous voudrez, dit-elle, des sanglots dans la voix.
Je ne sais où aller. Je ne connais personne ici. Je vous en prie. Dites oui.
- Vous n’avez pas trouvé une voiture qui allait vers Arras. Ce serait mieux
pour vous.
- Non, dit-elle avec sincérité. Vous êtes mon dernier espoir...
Les deux amis attendaient, le regard amusé devant cette belle fille en
plein désarroi ou en chasse. Aller savoir avec une “nénette” ! Ce qui était
sur, c’était qu’elle était vraiment très jolie. Pour le reste, faudrait voir...
Max ne s’attendait pas à cette demande et restait sans réaction.
Sylvain, l’œil malicieux sortit un casque de ses sacoches et le tendit à la
fille qui le saisit et le mit comme si l’affaire était conclue. Maxime était
piégé même si c’était un piège agréable à priori !
- Vous n’avez rien pour vos mains ? demanda Max, il ne fait pas chaud et
surtout sur une moto et en cette saison !
- J’ai des gants en laine dans une poche de mon blouson. Elle les sortit et les
enfila vivement.
- Bon, alors dans ce cas, monter, lui dit-il joignant le geste à la parole. tout
en levant les yeux au ciel.
46
Ce qu’elle fit, sans autre forme de procès.
Malgré l’heure avancée ce fut moins évident que prévu de quitter le
Touquet. Le bouchon au pont qui traversait la Canche et qui débouchait sur
Etaples n’était pas encore résorbé. Franchis l’obstacle, les trois motards
prirent la direction de Montreuil-sur-Mer, évitant la direction de
Boulogne-sur-Mer par la D940 trop chargée.
Sylvain qui menait le trio ralentit puis mis son clignotant pour indiquer
un arrêt à la hauteur de Montreuil au niveau de la Nationale 1. Il ignorait
les intentions de Max vis à vis de sa passagère. Celui-ci s’arrêta à sa hauteur.
Par geste, Sylvain, un grand sourire aux lèvres lui proposa à droite vers
Arras donc Cambrai, ou à gauche vers Boulogne, mais c’était pareil que tout
à l’heure ou bien encore tout droit par Fauquembergues donc le bercail ?
Max avait du longuement y penser avant d’arriver à cet endroit. Il ne
se voyait pas reconduire la belle inconnue qui l’enserrait de ses bras.
D’autant qu’elle ne devait pas avoir chaud. La route la plus rapide passait
par Saint-Omer puis direction Calais. Il indiqua la route en face. Sylvain
avec son dos large de cuir vêtu, aurait parié sa quinzaine que son copain
aurait fait ce choix. Il embraya et traversa prudemment la Nationale pour
filer vers la cité des choux fleurs !
Durant tout le trajet, elle resta collé à Max, qui la protégeait quelque
peu. Quand il s’arrêta dans la descente de Longuenesse, après un cimetière
militaire, pour laisser passer des voitures, avant de tourner à gauche, il
entendit les battements réguliers comme apaisés de son cœur à “elle”. Son
corps souple bougea un peu cherchant une position encore plus protectrice
car une pluie fine et glacée commençait à tomber. Une odeur, un parfum lui
parvint : son corps ou son imagination. Ils évitèrent la ville des “Dames aux
chapeaux verts” et gagnèrent rapidement Tilques, renommée pour ses
carottes odorantes.
C’est dans ce village qu’habitait Rémi. Il travaillait avec son père
sur l’exploitation familiale qui produisait de la Bintje pour les frites, de la
carotte parfumée, des petits pois pour Bonduelle, des endives en pleine terre
sous des tunnels chauffés et du blé d’hiver sans compter une centaine de
poules qui vivaient en liberté et dormaient dans les arbres. Quant à Julien,
il habitait une ancienne ferme à Eperlecques avec ses parents, pas très loin
du blockhaus extraordinaire construit par des prisonniers de guerre Russes,
Polonais, Tchèques, et des opposants politiques Belges, Néerlandais, Italiens
avec beaucoup de pertes et qui devait expédier des V1 montés à la Coupole,
47
un autre formidable blockhaus souterrain situé à Wizernes à plus de dix
kilomètres de là. Les Nazis voulaient détruire Londres, ce qu’ils n’ont pas eu
le temps de faire à cause de bombardements particulièrement sévères en
1945 avec des bombes spéciales de six tonnes. Les Tal boys ne firent
qu’ébrécher l’ouvrage mais détruisirent les infrastructures annexes. Son père
faisait parti de l’association qui remettait le site en état pour permettre des
visites et témoigner. C’est en aidant son père qu’il avait attrapé le virus de la
“moto”. Il avait restauré une Puch quatre cylindres quatre temps sans
son sidecar fabriquée en Autriche qui avait son embrayage situé dans le
moyeu arrière ainsi qu’un deux temps : une RT 125 de DKW.
Il travaillait sur la plus puissante centrale nucléaire d’Europe à
Gravelines sur la Mer du Nord à côté de Dunkerque. Il avait aménagé
avec ses potes une ancienne écurie dont une partie était réservée aux motos
et au fourgon qui devaient être au sec et au chaud quand l’équipe se
réunissait. Un coin servait pour l’entretien. Ils avaient installé un palan qui
permettait par un jeu de chaînes de monter à la hauteur désirée une moto
entre autre. De plus l’outillage Facom était de premier ordre. C’était son
père qui avait soudé la rampe rétractable qui permettait de monter la moto
dans le fourgon. Il fallait quand même s’y prendre à deux. Enfin un
éclairage digne de Versailles avait été installé. Dans un box, une
Kettenkrad de NSU, un petit tracteur militaire allemande déchenillé qui avait
été récupéré en RDA et qui devrait être exposé après sa restauration, dans le
hall où on délivrait les billets d’entrée du Blockhaus. Si on pouvait la
restaurer ce qui n‘était pas certain, loin de là, ce serait génial. Mais l’espoir
fait vivre !
La seconde partie était comme un appartement avec sa cuisine
américaine munie d’une grande table de ferme en bois et ses deux bancs,
puis une ancienne stalle transformée en salle de jeu avec une table ronde et
cinq chaises rembourrées, un monte-et-baisse et un bar ainsi que trois
belles représentations de motos : une Benelli 750 Sei, une « Flying Flea » de
Royal Enfield et une Norton Commando 750.
En regard, une “pièce” pour la détente avec son canapé plus que
fatigué noir trois places, transformable en lit, qui n‘avait jamais été utilisé, et
deux fauteuils avachis assortis, des poufs marocains, une table basse, un
poste TV noir et blanc avec un magnétoscope VHS et des cassettes de films
de guerre, de westerns, des X qu’ils faisaient venir de Suède et qui
traînaient dans la mangeoire reconvertie. Il y avait plein de posters de filles
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sexys et dénudées accrochées aux poutres. C’était le centre de vie du “Club
des Cinq”. L’éclairage était adaptée à l’environnement : ultra puissant à
l’entretien, discret et indirect pour la détente. Merci EDF.
Quelques kilomètres plus loin Pierre les doubla dans la descente
de Moulle et leva sa main gantée avant de tourner à la première route à
droite direction Houlle, célèbre pour son genièvre. Il habitait toujours
dans la maison familiale à l’entrée du village, après la station de
traitement des eaux de la rivière du même nom et qui permettait
l’alimentation de la nappe phréatique. C’était le plus calme de la bande.
Avec son BTS CIRA, il s’occupait de la maintenance à la sucrerie de Pont
d’Ardres située à plus de vingt kilomètres.
Max tourna à gauche à l’entrée de Nordausques laissant Sylvain
continuer seul vers Audruicq sur la droite. Son père aussi était cultivateur
mais l’exploitation était trop petite pour faire vivre deux familles. Il était
devenu marin. Il traversait régulièrement le Détroit sur
le Chantilly
“son” car-ferry qui appartenait à la SNCF. Un bon “job” : il était barman et
les Anglais n’étaient pas avares de pourboires.
Max, désormais seul, avec une inconnue qui ne paniquait pas du tout,
traversa Tournehem-sur-la Hem où il était facteur. A la sortie du village, il
prit la direction de la forêt domaniale qu’il traversa relativement vite, bien
que la route fut étroite. ll habitait une petite maison avant Quercamps. Il
s’arrêta devant une porte de garage et s’aperçut qu’elle” était frigorifiée
quand elle posa ses pieds sur le sol. Il ouvrit un vantail de la porte en bois.
- Tu peux entrer, lui dit-il. J’ai l’impression que tu n’as pas chaud,
déclara-t-il pince sans rire.
- Où sommes-nous, demanda-t-elle, un brin soucieuse.
- Chez-moi. Je t’expliquerai à l’intérieur. Je rentre ma moto. Tu peux entrer.
L’interrupteur est à droite...
Le garage était nickel. On aurait pu manger par terre ! Une fois la “Bête” à
l’abri, il entra dans la cuisine éclairée par la lumière crue d‘un néon. Elle
cherchait un endroit pour déposer son manteau. La pièce était dans un désordre
absolu. Il croisa son regard, tandis qu’il retirait sa veste de cuir.
- Je sais, c’est pas rangé. Je suis parti un peu vite hier. C’est pas grave. Cela va
s’arranger. La nuit dernière a été très courte, trop courte. Je suis sur les rotules.
J’aurais été incapable de te reconduire à Cambrai puis revenir. Je le ferai demain
après-midi. Tu m’en veux ?
- Non, dit-elle mais pouvait-elle répondre autre chose !
49
- Je ne pouvais pas non plus te larguer comme ça et dans ton état. Tu n’es pas
équipé pour faire de la moto. Tu es trempé et “bleue”. Tu travailles ?
- Cela ira, je travaille mardi matin. Je suis coiffeuse.
- A l’étage, il y a une cabine de douche Tu montes et tu en prends une, si tu peux.
Cela te fera du bien à moins que tu préfères que je te frictionne, laissa tomber
Max d‘un ton sérieux. Tu veux manger quelque chose ?
- Je n’ai pas faim, merci. Dit-elle en bafouillant.
- Ce n’est pas beau de mentir, heu ... ? Cherchant à mettre un prénom sur le
triste et joli minois
- Emilie.
- Emilie. C’est jolie. Moi, c’est Maxime mais tout le monde m’appelle Max. Je
vais voir dans le placard si je trouve quelque chose à grignoter, dit-il tout sourire.
Il trouva un paquet de “petits Lu” et lui offrit.
- Merci, j’en veux bien, mais après la douche, où vais-je dormir ?
- Bonne question. Il n’y a qu’un grand lit et pas de canapé. Je te propose de
partager ma couche en tout bien tout honneur. Tu es d’accord Emilie ?
Elle opina de la tête, refusant de penser à quoique ce soit...
- Attends, je vais te montrer.
Il la précéda et arrivé sur le palier, elle découvrit la chambre tout aussi en désordre
que la cuisine.
- Je vis seul et ma mère qui habite à l’autre bout du village vient une fois par
semaine pour faire le ménage. J’avoue humblement qu’il me faudrait une femme.
- Pas que pour le ménage, j’espère
- Pas que pour ça, naturellement. Je vais y songer. Tu vas t’en sortir toute seule ?
- Je crois que oui. Tu peux enlever mes bottes, peut être ?
- Aucun problème, dit-il. Et le reste aussi, si tu veux, ajouta-t-il de manière
inaudible.
Il referma le lit abandonné en l’état, la veille et la pria de s’asseoir dessus.
- Je suis trempée, je crois que je vais mouiller la courtepointe. Vaudrait mieux une
chaise ?
Son regard circulaire lui permit de s’apercevoir qu’elles étaient toutes deux
largement occupées, l’une d’elle servant même de porte réveil, juché sur une pile
de livres, en équilibre instable.
- Vas-y, c’est rien.
Elle se cala sur le matelas posé sur un sommier tapissier
- Tu n’aurais pas pu les enlever seule laissa tomber Max. Elles sont tellement
trempées, qu’on dirait qu’elles font parties de toi. Il les lui montrait fièrement en
50
se relevant. Donnes moi tes mains.
Machinalement, elle obéit.
- Elles sont engourdies et gelées. Attends, je vais enlever, sans regarder, ton jean
qui est dans un triste état. Ensuite je te laisse prendre une douche.
Elle ne protesta nullement et fut étonnée de la douceur de son “sauveteur”. Il ne
pouvait pas ne pas voir les jambes fines et fuselées de la jeune femme tout aussi
glacées que ses mains, tout comme sa petite culote noire qui recouvrait un monde
inconnu qui aspirait à être exploré.
- Ce n’est pas “jojo”. Tu ne vas pas prendre de douche. Tu as trop froid. Je vais
plutôt te frictionner. Tu n’as rien à craindre. C’est un truc que je sais bien faire et
puis que j’aime. Tu vas t’allonger, pendant que je vais chercher le matériel : un
gant et de l’eau de Cologne.
Max sortit de la pièce et revint avec une chaise dans une main et un flacon et
un gant de toilette dans l’autre. Il posa la chaise prés d’un radiateur et prit le jean
détrempé qu’il mit avec soin sur le dossier pour qu’il sèche. Elle était sur le ventre
et attendait sans dire un mot. Il enfila le gant, l’aspergea d’eau de Cologne et se
mit en devoir de frictionner ses jambes doucement et longuement. La chaleur
revenait et il s’enhardit à remonter sous le pull qu’elle portait toujours. C’était
moins froid mais la friction n’était pas inutile.
- Tu te réchauffes, demanda-t-il sur un ton innocent, n’osant pas poursuivre la
montée plus avant !
- Cela fait du bien fut sa seule réponse.
- Je vais aller prendre une douche avant de venir te rejoindre. Tu peux te mettre
sous les couvertures. C’est un lit en 160. C’est pas commun mais on peux vivre sa
nuit sans se toucher. Et je suis sur les rotules en plus. On était cinq la nuit dernière
dans le fourgon et si on n’avait pas froid dans nos duvets Américains achetés dans
le même surplus, c’était pas le pied, d’autant que la nuit fut courte, très courte. J’ai
du sommeil en rade. Et quand je n’ai pas mes huit heures de sommeil, je suis bon
à rien.
Il fut surpris de la quantité de sable qui se trouvait dans la pierre de douche.
Il ne regrettait pas cette rapide ablution. Il se sécha, changea de sous vêtement et
descendit dans la cuisine. Six minutes plus tard, il remontait avec un grog très
chaud et une petite cuillère pour mélanger le miel. Il y avait même une rondelle
de citron.
Il pénétra dans la chambre et constata que la belle Emilie s’était endormie
sous les couvertures. Le pull de laine était en boule sur la descente de lit. Il but le
grog ne pouvant se résoudre à la réveiller, prépara le réveil indispensable pour le
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lendemain matin, se glissa sous les couvertures dans son coin et éteignit la lampe
de chevet posée sur le sol, jetant un regard de connaisseur sur le joli dos barré par
l’attache d’un soutien-gorge noir. Il n’était pas vraiment endormi qu’il sentit le
contact d’une peau chaude. Elle était une fois encore collée contre lui...
L’obscurité était quasi totale. Seuls les chiffres et les aiguilles fluorescentes
du cadran d’un réveil, munis d’un remontoir distillaient une lueur suffisante pour
lire l’heure, uniquement pour celui qui dormait tout prés. C’était une nuit sans
lune et pour cause : on entendait le lourd et interminable crépitement de la pluie
sur les tuiles situées juste au dessus de la chambre mansardée. Une pluie froide
qui tombait sans répit depuis la veille, depuis la traversée de Saint-Omer.
La main remua sous la couverture. La main fine et blanche rencontra
une peau brûlante qui frémit à peine sous le léger contact. La respiration de
la forme endormie était régulière, tout comme le tic-tac monotone et régulier
du réveil juché sur la pile de livres toujours en équilibre instable sur une
chaise reconvertie en chevet. Il marquait six heures.
La main continuait sa lente progression. Elle semblait connaître son
objectif situé sur le corps endormi. Elle ressentait les battements réguliers
du cœur et maintenant les légères contactions musculaires réflexes de
l’homme. La main glissa sous une élastique fatiguée puis enserra avec
douceur l’objet de sa convoitise encore inerte, l’agaçant avec doigté.
L’homme tressaillit quand une caresse un peu plus hardie lui fit comprendre
la situation. Ses terminaisons nerveuses excitées l’éveillèrent complètement.
Il ne rêvait pas cette fois.
Sa main à son tour, se lança à l’assaut du corps presque nu qui se
trouvait de coté légèrement soulevé sur un coude. Quand sa paume se
referma sur le sein encore protégé par le tissu soyeux du soutien-gorge de
la jeune femme, la main de sa compagne quitta son sexe qui avait pris de
l’ampleur, et le retint.
- Chut, ne bouges pas. Laisses moi faire, dit-elle d’une voix douce.
Il n’insista pas, semblant être très satisfait de la situation présente. Il était
complètement éveillé maintenant. Il ferma les yeux et savoura les caresses
précises qui reprenaient sans contraintes.
Elle avait repoussé la couverture et déposa des baisers furtifs sur sa
poitrine en descendant dans un désordre savant vers les testicules qu’elle lécha
alors que sa main droite saisissait la hampe, glissant et remontant avec lenteur. Les
yeux mi-clos, la bouche sèche, Max continuait d’ apprécier l’instant présent tout
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en caressant le dos d’Emilie.
Un frisson le parcourut quand la bouche se referma sur l’extrémité du gland
libéré de sa peau. Elle alterna les caresses de sa langue autour du pénis et le long
de la hampe puis des suçotements tandis qu’il poussait des soupirs et des
gémissements. Le rythme du va-et-vient manuel s’accéléra et quand il cessa sa
caresse dans son dos, elle comprit.
- Je ne peux plus me retenir, dit-il dans un râle de plaisir.
- Oui, Maxime, je le sens.
Il explosa dans ses mains vite remplacées par une serviette de bains.
Il était temps. La sonnerie stridente du réveille-matin la fit sursauter. Il était
six heures et quart. Il était toujours étonné, quand bien même ce n’était pas
souvent qu’il pratiquait ce sport, de la courte durée de ce “machin” là, alors
qu’il pensait que sa vie restait suspendue hors du temps durant au moins cent
fois plus longtemps.
Il était vidé au propre comme au figuré. Sa respiration retrouva son
rythme. Il appuya sur la poire de la lampe de chevet. La lumière inonda la pièce
au ras du sol, laissant le lit dans une pénombre sympathique. Emilie ramenait le
drap et les couvertures jusqu’à son menton, le regard luisant, contente de ce
qu’elle venait de faire à son hôte !
- Que penses-tu de cette façon de se réveiller ?
- C’était fantastique, merveilleux.
- Mieux que ton réveille-matin ?
- Il n’y a pas photo. Mais...
- Ne dit rien c’est ma manière de te remercier. On peut dire que tu m’as sauvée.
J’étais dans le “caca” pour ne pas dire autre chose et tu n’as pas profité de la
situation. Tu es un mec bien Maxime. Mais tu dois aller bosser, je pense. Elle
montrait le réveil, du moins son emplacement car de sa place, elle ne pouvait
l’apercevoir.
- C’est vrai, je commence à 7 heures trente. Faut que j’y ailles. Tu peux rester là.
Tu seras la maîtresse des lieux jusqu’à mon retour.
- Tu rentres ce midi pour manger ?
- Non, impossible. Je distribue le courrier dans la campagne et je serai de
retour au pire vers 16 heures. Je te reconduirai alors chez toi. En mon absence la
maison t’appartient. Tu trouveras de quoi manger dans le congélateur... C’est
d’accord ?
- J’ai tout compris.
Max écarta l les couvertures pour se lever. Il vit la serviette sur ses cuisses.
53
- Tu as été la chercher dans le noir ? Je n’ai rien entendu, dit Max étonné.
- Je suis nyctalope, répondit simplement Emilie.
- Tu es quoi ?
- Je suis comme les chats. Je vois clair la nuit. C’est bien utile parfois n’est-ce-pas
! Reprit-elle en riant.
- Tu es pleine de ressources. Vraiment ! Comment peut-on larguer une fille
comme toi ?
- ”Il” n’a pas accepté le fait que je n’étais pas prête quand il est venu me
chercher pour assister à l’Enduro.
- Vous n’habitiez pas ensemble ? Demanda Max mine de rien.
- Pas vraiment. On avait chacun son “lieu de vie”. Lui un studio et moi un petit
appartement. Il faisait bien l’amour, mais on ne bâtit pas un couple sur ce seul
critère, n’est-ce pas ?
- Il y avait un “truc” qui ne te convenait pas ?
- Oui, en fait mon retard était un test. Qu’est-ce qui était le plus important pour lui
: moi ou son projet de sortie ?
- Tu as eu ta réponse, n’est-ce-pas !
- Et même au delà. Il n’y avait plus de place, prés de la plage. Après en avoir
vainement cherché une pour sa voiture, “on” s’est retrouvé loin, si loin qu’on n’a
pas pu assister au départ. Il était dans une rage contenue jusqu’au retour. Mais
quand il a aperçu le pneu crevé, il m’a rendue responsable de sa journée de
merde. Je lui ai rétorqué que désormais cela n’arriverait plus.
- Et il t’a planté sur place?
- Oui. “Si tu es si maligne, tu n’as qu’à te trouver un autre chauffeur pour rentrer »
! Me répondit-il méchamment.
- Comme tu as du caractère, naturellement tu l’as pris au mot.
- Tout à fait, et je ne le regrette pas.
- Et moi non plus dit Max en déposant un baiser sur ses lèvres humides.
Il était bientôt six heures et demi. Max se leva. Il était nu.
- J’ai vingt bornes à faire et je dois être au boulot pour sept heures trente.
Elle rejeta les couvertures et posa un pied sur le linoléum froid. Elle portait
toujours son slip et son soutien gorge. Il la regardait en totalité en petite tenue.
Elle était vraiment bien faite et le noir la rendait terriblement excitante.
- Il n’y a rien à jeter, Tu es ... Il cherchait un qualificatif.
- Merci, répondit-elle. Tu n’ai pas mal non plus, les yeux fixés sur sa virilité
presque au repos. Elle était persuadée qu’elle pourrait le réanimer.
- Avant de partir, tu peux répondre à une question ?
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- Naturellement.
- Tu n’as pas de “fille” dans ta vie, n’est-ce-pas ?
- En effet.
- Tu en ramènes souvent ici ?
- Ce n’est pas une maladie à cacher. Cela arrive.
- Elles restent longtemps ?
- C’est un questionnaire en règle. Cela fait plus qu’une question !
- Ce sera la dernière.
- Soit. Accordé. Max riait de bon cœur. Elles restent quelques jours, je crois,
mais je ne fais pas de bâton sur le calendrier. La dernière est restée tout le
week-end. Il faisait beau mais elle a préféré le lit à une sortie.
- A moto, je suppose ?
- Oui et avec d’autres copains et copines. Elle n’était plus là quand je suis rentré le
soir même.
- Pourquoi ?
- Elle ne pensait qu’à baiser. J’aime bien, mais pas trop. Moi aussi, j’ai d’autres
centres d’intérêts.
- La moto, les amis. La concurrence est redoutable...
- Exactement. Sans oublier les cartes. Surtout le tarot. Tu es satisfaite. Un jour
peut-être... On reprendra cette conversation lors de mon retour en début
d’après-midi. Bon, il faut que j’y aille. J’ai une tournée à effectuer. Tu peux rester
au lit. Tu es chez toi.. Je te reconduirai à Cambrai en fin d’après-midi. Tu
trouveras de quoi manger dans le frigo ou le congélateur qui se trouve dans le
garage. Il y a des plats qui ont été préparés par ma mère. Tout est inscrit sur
l’étiquette. Tu es chez toi, répéta-t-il. Et Max sortit de la chambre suivi des yeux
par Emilie qui se replaçait sous les couvertures
Moins d’une dizaine de minutes plus tard, elle entendit le moteur rugir puis
son bruit diminuer. Max était parti ! Elle savait juger et jauger. Max était le
mec qu’elle attendait. Son attitude le prouvait. Mais il y avait cette foutue
mécanique et ses potes qui gâchaient tout. Il n’était pas encore prêt à se lier avec
une femme pour la vie. Pourtant il avait dépassé la trentaine. Un sanglot souleva
sa poitrine, puis un autre. Elle se tourna puis s’écroula en larmes sur l’oreiller.
Max filait plus vite que d’habitude et traversa la forêt sans rencontrer âme
qui vive pour finalement atteindre le bureau de poste pile à l’heure. Il était le
cow boy des Temps Modernes. Il rangea sa “monture” sous l’appentis à côté des
deux fourgonnettes jaunes et pénétra dans la pièce située derrière le bureau
ouvert au public. Il devenait pour le reste de la journée, le préposé sérieux,
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aimable, attentionné, apprécié de tous, bien noté. Ses trois collègues et le
Receveur commençaient à effectuer le tri du courrier. Deux sacs vides étaient
sous la grande table. Chacun piochait dans le tas dont l’importance était fonction
du calendrier. On déchiffrait l’adresse pour constituer trois tas. Ce premier tri se
faisait dans la bonne humeur. Ensuite, chacun préparait sa tournée disposant dans
sa sacoche ou ses boites les lettres, les mandats, les imprimés à distribuer. Il
parcourait la campagne en camionnette. Il ne se mettait en route que vers huit
heures trente. Max était heureux. Il parcourait plus de quarante kilomètres par jour
avant de revenir à son point de départ vers seize heures. Il tournait et retournait
autour du village, empruntant des chemins caillouteux, herbeux, boueux selon la
météo pour apporter le colis, le mandat ou la lettre, acceptant un petit verre, une
pièce, un petit billet de commissions ou une ordonnance du médecin pour
dépanner un Ancien ou son épouse, loin de tout. Il aurait pu obtenir plus auprès
de “gentilles” dames esseulées et négligées, mais il se refusait à ce genre d’écart.
Il rendait service un point c’est tout.
Il était contre l’armée, la chasse, contre la peine de mort, contre les avocats,
et contre les femmes de temps en temps, mais pour les femmes il était tout contre
alors. Il était contre beaucoup de choses comme un “gauchiste” mais seulement
en paroles car il ne vivait que pour sa moto, ses potes, le tarot...
Il se déplaçait volontiers pour admirer les “gros cubes” de la haute
compétition. Le Bol d’Or en 70 à Montlhéry, puis les 24 heures moto au Mans
en 72 ou encore le Grand Prix des Pays Bas à Assen l’an passé avec la victoire de
Giacomo Agostini sur sa 350 MV Agusta qui lui avait donné une photo
dédicacée...
Mais aujourd’hui, il était troublé. Emilie occupait ses pensées. Il avait hâte
de rentrer pour la revoir. Il aimerait bien lui faire l’amour, avant de la reconduire à
Cambrai. Il termina sa tournée, plutôt que d’habitude. Il revint voir le Receveur
vers 14 heures et demi.
- Déjà fini ? Vous ne vous sentez pas bien, lui demanda-t-il, surpris.
- Non, tout c’est bien passé. RAS. Il y avait peu de courrier et juste deux mandats.
- C’est bien la première fois que vous revenez si tôt. Dans ce cas, je vous dis à
demain. Bonne fin de journée.
- Merci chef, laissa tomber Max en souriant.
Il roula encore plus vite pour rentrer. Dans la forêt, une équipe de bûcherons
faisait une coupe en bordure de la route avant la mini-chapelle, dédiée à Notre
Dame de la Forêt. Emilie occupait toutes ses pensées. Plus il approchait, plus son
cœur battait vite. Il se gara devant la porte du garage, l’ouvrit et entra dans la
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cuisine. Elle était ordonnée, la vaisselle était faite, essuyée et rangée. Il n’y avait
plus rien qui traînait. Il pensa tout d’abord à sa mère. Mais en y réfléchissant bien,
ce n’était pas possible car elle ne venait jamais le lundi. Il monta les escaliers
quatre à quatre...
Il n’y avait personne. Emilie n’était pas là. La chambre aussi était nette, le
lit fait, les vêtements rangés. La douche était aussi nickel et le sable avait
disparu.
Il redescendit et c’est alors qu’il vit la feuille de papier sous la corbeille de
fruits, au milieu de la table. Son cœur s’arrêta et la gorge sèche, la main
tremblante il saisit la lettre. Emilie était repartie. Il pensa de suite à “son” copain
qui l’avait largué hier et à qui elle avait sans doute téléphoné. Il s’était excusé
pour son attitude inqualifiable de la veille et il était revenu la prendre pour la
reconduire chez elle.
“Cher Max, j’ai téléphoné à ma sœur qui a bien voulu venir me rechercher.
En l’attendant, je me suis permise de faire un peu de ménage. Je te remercie
encore pour tout ce que tu as fait pour moi. Tu n’as pas profité de ma détresse. Tu
es un type bien, très bien même. Tu me plais et c’est vrai, tu l’as compris ce matin,
que j’aurais aimé faire plus que ce bout de chemin avec toi. Je suis jalouse et
quand j’aime c’est totalement. La concurrence est trop rude. Je ne suis pas sure
qu’il y a encore une place, même petite, pour une fille comme moi dans ta vie ou
ton univers. Surtout que je ne me contenterais pas d’une petite place. Je veux être
le centre de ta vie. Je laisse un numéro de téléphone. Ce n’est pas le mien, mais
celui de ma meilleure amie. Elle est au courant pour ce week-end. Elle servira
d’intermédiaire si tu veux me revoir. Mais je veux être ta vie, pas le repos du
guerrier. Je sais ce que je veux, ce que je mérite, donc les sorties et les potes...
Quant à la moto, oui, mais...
Max reposa la feuille. Emilie était partie. Max ne s’y attendait pas, du
moins pas si vite et de cette manière. Il était persuadé qu’il allait pouvoir la
reconduire à Cambrai et peut être passer une nouvelle nuit avec elle. Et pourquoi
pas poursuivre cette aventure un peu plus. Il avait la tête vide. Pourquoi cet émoi.
Ce n’était pas la première fois mais cette fois c’était différent, particulier. Il ne
pouvais pas rester là. Il décida de rouler. Il devait faire le point. Y-avait-il un
point à faire ? Il ne connaissait pas cette “Nana”, seulement depuis hier. Cela
allait trop vite. Il savait ce que dirait Julien, ou Rémi ou Sylvain mais pas Pierre
qui lui aurait simplement déclaré en rigolant « une de perdue, dix de
retrouvées » !
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Mais il ne s’était rien passé ou si peu et cependant c’était beaucoup. Est-ce
cela qu’on appelle le “coup de foudre”. Il avait atteint la RN43 et fila sur Calais. Il
se retrouva à la plage, poursuivit sur Blériot, Sangatte, passa devant la statue de
Latham, un pionnier de l’aviation, et emprunta une route empierrée pour arriver
au sommet du Cap Blanc Nez. Il stoppa à côté du monument de la Dover Patrol,
un obélisque érigé en souvenir de ces marins qui luttèrent efficacement contre les
sous-marins du Kaiser durant la première guerre mondiale. Une pyramide
identique avait été érigée de l’autre côté du Détroit. Un vent froid soufflait. Max
était KO debout.
Quand il rentra chez lui, il était toujours perdu. Il avait besoin de ses quatre
amis ensemble, de ses virées avec eux, de sa “Machine. Il avait aussi besoin
d’Emilie, de sa bouche, de ses mains, de son corps chaud, de sa voix, de sa
présence tout simplement. Quand il était parti travailler ce matin, il ne savait pas
encore qu’elle était différente des autres. Il avait un numéro de téléphone mais
l’appeler signifiait trop de conséquences. Il décida de laisser du temps au temps.
Pour lui remonter le moral, et pour le charrier, une soirée tarot fut organisée
le vendredi suivant dans leur tanière. Sylvain avait prévu des pizzas avant de
passer aux choses sérieuses. Ce fut incroyable. Il n’avait jamais vu un tel jeu et
une chance aussi insolente. Plusieurs garde contre et un petit chelem non
annoncée suite à une prise. Pierre qui détenait le roi appelé avait un jeu qui
complétait le sien. Emilie était oubliée. L’alcool y était pour quelque chose, il faut
le reconnaître !
Il fut même décidé de se rendre le 8 mai au Grand Prix d’Allemagne 250
à Hockenheim pour admirer Christian Sarron à condition de ne pas travailler
le lundi !
Le temps était abominable : une pluie glaciale dans une tempête ! Quand
ils quittèrent leur repaire vers deux heures du matin. Pierre et Rémi filèrent de leur
coté ensemble tandis que Sylvain resta avec Max jusqu’à Nordausques via
Bayenghem.
A Tournehem, il passa sans le voir devant le parc de jeux avec brasserie et
le grand magasin de meubles, remonta vers la forêt. Dans la lumière jaune et
courte, la pluie violente et les arbres décharnés qui semblaient vouloir l’attraper
créaient un paysage hallucinant. Emilie était revenue. Elle était derrière lui,
collée à lui. Il imaginait le creux de ses reins. Il était euphorique, dans un état
second. Quand il aperçut dans la lueur jaune de son phare les branches arrachées
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par la violence du vent et éparpillés sur la route, il freina brutalement sur la
chaussée détrempée, dérapa, évita la première branche, puis la deuxième, pénétra
la suivante plus grosse, plus fournie..
La machine se coucha sur Max, glissa alors que la jambe de pantalon de
cuir explosait comme la chair avant de percuter un arbre de plein fouet. Tout
était immobile. Seul le bruit de la pluie troublait le silence de la nuit. Du
réservoir de la moto inerte, l’essence s’écoulait goutte à goutte et se mêlait au
sang du pantin désarticulé...
Morta, sans état d’âme particulier venait de couper le fil de laine avec la
paire de ciseaux en bronze qu‘elle tenait de la main droite !
Chapitre 5.... Marie-Lys
.
Le 8 mai 1968, Thérèse la femme de Gérard est enceinte de 7
mois et ça se voit à peine. Malgré son état elle a voulu aller chez sa sœur
jumelle, Régine, à Fécamp qui vient de rentrer de la maternité avec une
petite fille. Son mari était un architecte belge d’Anvers et il avait eu toutes
les peines du monde à faire valider ses diplômes de ce côté-ci de la frontière.
La frangine avait été une secrétaire très proche qui était assez vite passée
de la machine à écrire Underwood au canapé trois places en skaï noir plutôt
fatigué de la salle d’attente puis au lit confortable de l’appartement de son
patron avant de se faire passer une bague au doigt. Une affaire rondement
menée… Il y avait une différence d’âge certaine !
Gérard a du effectuer un aller-retour durant le Week-end. Thérèse
aida activement sa jeune sœur alors que les étudiants du Quartier Latin
manifestaient. Une dizaine de jours plus tard, elle se sentit fatiguée et
demande à son mari de venir la rechercher...
Gérard arriva mais c’était la chienlit. La grève était devenue
générale désormais dans tout le pays.
A Fécamp dans chaque station d’essence un groupe de grévistes
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refuse la fourniture de carburant aux particuliers et même à la police. Seuls
les médecins, les ambulances et autres services de santé peuvent remplir
leurs réservoirs. Gérard plaide sa cause, met en avant l’état de son épouse.
Rien n’y fait et Thérèse se retrouve à l’hôpital de Fécamp, dans la même
chambre que sa sœur !
L’accouchement sera difficile et le bébé, Pierre qui pèse à peine 2 kg
devra être mis en couveuse ! De plus on détectera une toxoplasmose. Il
faudra surveiller attentivement le petit Pierre durant les premiers mois.
Finalement il y aura plus de peur que de mal, mais Thérèse sera plus à
l’écoute de son garçon et une complicité sera présente entre eux. Le petit
garçon sera souvent dans les jupes de sa mère et voudra participer à ses
occupations comme la cuisine, le ménage, le tricot…
Gérard verra d’un mauvais œil et même avec une appréhension se
développer cette relation. Il était mal à l’aise quand il s’apercevait que des
garçons avaient des activités de filles !
La vie s’écoulera tel un long fleuve tranquille. Gérard devient chef
d’atelier au dépôt des locomotives à vapeur de la Cité des 6 Bourgeois
tandis que Thérèse gère la maisonnée.
Ti-Pierre grandit doucement et pratique le football, un sport viril,
d’homme enfin ! Régine avait repris son travail de secrétaire de direction
(elle était toute seule !) chez Sailly SA une entreprise de construction
métallique.
.
Pierre obtiendra son baccalauréat Sciences Expérimentales à 18 ans et
ira sur Lille pour poursuivre ses études avec pour objectif de devenir
professeur d’histoire et géographie.
Maintenant Ti-Pierre mesure 182 centimètres pour 78 kg. Il ne
veut plus de son surnom.
Pierre trouve une chambre à l’extérieur de Villeneuve d’Ascq et doit se
déplacer sur un solex rouge qui n’est plus de première jeunesse et qui n’a
plus de boîte à outils. Les soirées sont longues et tristes, voire déprimantes.
Il assiste à plus de cours que nécessaires pour prendre ses repères et
combattre la déprime…
Les amphithéâtres sont surchargés. Certains étudiants doivent s’asseoir
sur les marches des escaliers, voire sur les rebords des fenêtres. C’est
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toujours ainsi les premières semaines. Après les vacances de fin d’année, les
effectifs auront fondus soit pour une autre orientation, ou des motifs moins
avouables. La recherche personnelle au sein des bibliothèques occupe
aussi une part importante de l’emploi du temps. Les études littéraires sont
également fortement féminisées et la chasse fait partie de la « formation ».
Le passage en deuxième année devient aléatoire pour la majorité…
Vers la fin novembre, un midi, au restaurant universitaire une fille, le
visage couvert de taches de rousseur vient s’installer face à lui. Il ne vit que
les « taches » ! La rencontre fut banale sans plus avec quelques mots
échangés.
Hasard ou coïncidence recherchée mais les jours qui suivirent la
rencontre se reproduisit et devint régulière. On prend vite des habitudes
surtout quand elles ne sont pas désagréables finalement. Le premier arrivé
réservait de suite la place située en face. Ils apprirent à se connaître. Elle
avait un an de plus que lui et poursuivait les mêmes études. Elle habitait
avec sa meilleure copine dans un studio et venait d’Arras, plus précisément
de Beaurains, sortie Arras direction Bapaume.
La veille des vacances universitaires, il ne retrouva que l’antivol
cisaillé. Le solex rouge avait disparu. Cela promettait des ennuis quant aux
déplacements à la rentrée…
Le Noël fut extra. Son parrain, un officier technicien en poste à Tours
avait la responsabilité de mettre des pneumatiques sur tout ce qui roulait
dans l’armée de l’Air française. Ce n’était pas rien. Il avait réussi à chausser
tout ce qui roulait avec des pneus rechapés Laurent, rénovés à Avalon, en
Bourgogne. C’était une filiale de Michelin.
Dans le cadre de ce travail, il était de passage à la base aérienne 103 de
Cambrai Epignoy qui était dotée de Mirages pouvant être équipés de bombes
nucléaires ! Il s’était invité chez son copain de régiment Gérard Lejeune
qui lui avait demandé d’être le parrain de son fils. Il avait accepté de suite et
bien que célibataire endurci, il n’avait jamais oublié son filleul. C’était
l’occasion de passer un bon moment « en famille » surtout que rien ne le
retenait à Tours. Personne ne l’attendait dans l’appartement qu’il occupait à
Saint-Pierre des Corps et où tous les immeubles de quatre étages qui
enserraient une place qui servait de parking étaient réservés aux militaires.
Il était au courant de la mésaventure de son filleul et il se transforma
en père Noël en ramenant une vieille « Dedeuche » chaussée de pneus
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Laurent comme il se doit. Elle n’était pas de première jeunesse, comme le
solex, mais comme elle avait été très bien entretenue par un vieux
paysan-vigneron de sa connaissance, elle portait sans problème ses vingt
cinq ans. Elle fut arrosée moult fois pour le plaisir de tous.
Dés le retour sur le campus universitaire, le duo s’était reconstitué et
s’était transformé en binôme suite à la mise en place de groupes de
recherches. Ils avaient choisi pour thème « le courgain dans la région du
Nord de la France » ! Les recherches indispensables se déroulaient à la
bibliothèque de manière personnelle et la mise en commun des notes se
faisait dans le petit studio que partageaient Marie-Lys et sa copine presque
atrébate.
Petit mais bien agencé du genre couloir de 2 mètres cinquante de
large sur quatre de long. Tout lambrissé, une douche minuscule était située
dans les toilettes, face à la cuvette qui avait un abattant en faux-bois. Le
tout était installé dans une sorte de placard avec une porte pliante et
coulissante en plastique ultra léger. Chaque centimètre était précieux. Un
coin repas pour deux, trois en se serrant. Un frigo-top et trois feux d’une
gazinière reliée à une bouteille de butane. Deux lits de 60 cm placés
tête-bêche et séparés par une seule table de chevet qui servait aux deux
filles. Une armoire deux portes sans glace était en face et une fenêtre
donnait sur une cour intérieure, orientée au nord. Un radiateur électrique
était juché au sommet de l’armoire en pin. Le strict minimum ! C’était
calme ! Idéal pour travailler mais pas évident pour s’apprécier… Forcement,
la promiscuité aidant, des contacts avaient lieux avec des montées de
chaleur, entre autre ! Ils ne pensaient pas qu’aux endroits géographiques où
on trouvait des « Courgains ». Il y en avait pas mal, d’ailleurs, à leur grand
étonnement…
Il y eut un baiser, un vrai. Il fut maladroit mais sincère, fait avec
conviction et application, mais quand ils entendirent des pas dans l’escalier
puis le bruit léger du pêne qui tournait, ils reprirent leur souffle et ils se
remirent à leurs chères études.
Par la force des choses, grâce à la « Dedeuche », il fut décidé de mettre
au net le fruit de toutes leurs recherches dans la triste chambre de Pierre,
loin de la Fac, du côté de l’aérodrome de Lesquin. Elle possédait un grand
bureau rafistolé avec deux tiroirs, une étagère bancale, une lampe de
bureau qu’il avait ramenée de Calais, un cabinet de toilettes, constitué d’un
lavabo jaunie muni de deux robinets, et entouré d’un rideau de douche. Il
62
n’y avait pas de douche et les toilettes se trouvaient sur le palier où il y avait
une autre chambre d’étudiant !
Le lit refait à la va-vite faisait un bon 120. Il se trouvait coincé entre
le radiateur et la fenêtre qui donnait sur le boulevard. Ils s’installèrent au
bureau pour confronter leurs notes. Leurs regards se croisèrent. Ils se
levèrent en même temps, s’embrassèrent avec fougue et basculèrent sur le lit
ancien en chêne massif qui craqua comme pour signifier son désaccord…
Ils partirent à la découverte d’une géographie humaine, cette fois,
les mains tremblantes et parfois hésitantes…
Sa peau était claire, diaphane, parsemée de très nombreuses petites
taches plus foncées, sans relief concentrées sur le haut des bras et au niveau
des épaules. Il n’avait jamais vraiment vu que ses yeux verts clairs qui
illuminaient son visage et faisaient encore plus ressortir la couleur
chaude, orangée aux reflets cuivrés de ses cheveux coupés courts. Elle ne
cherchait pas à attirer trop le regard. Elle portait un Dim vert tendre qui
recouvrait telle une seconde peau une toute petite poitrine. Il caressa le fin
tissu de coton d’Egypte rehaussé d’une dentelle écru de Calais. Elle était de
côté et elle sentit les doigts qui cherchaient à faire sauter l’attache. Quant à
la main gauche de la jeune fille, elle couvrait un renflement
conséquent…C’était la toute première fois.
En avril, Pierre emmena Marie-Lys sur la côte d’Opale et elle fit la
connaissance des grands parents qui habitaient depuis une vingtaine
d’années sur la commune de Marck en Calaisis. Velléda avait contracté une
sclérose en plaques, due à la ménopause… peut-être ! Dans la maison de
ville, située à Calais Nord presque en face de l’église Notre Dame là même
où un officier nommé De Gaulle avait épousé Yvonne Vendroux. Velléda
avait beaucoup de difficultés à gravir les étages. Il fallait trouver une maison
sans escalier !
Ils avaient acheté un plain-pied presque dans le prolongement de
l’unique piste de l’aérodrome de Marck. Cette grosse bourgade de
plusieurs milliers d’âmes se trouvait dans la banlieue de Calais direction
Dunkerque. Il y avait peu de trafic hormis les avions de tourismes du club
local. La maison entourée d’une palissade en béton gris possédait un toit
presque plat surmonté de deux dômes en plastiques translucides qui
inondaient de lumière la cuisine et la salle de bains. Une immense cheminée
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à feu de bois séparait le salon et la salle à manger tout en étant visible de
part et d’autre. Une baie vitrée coulissante donnait accès à une terrasse puis
un gazon avenant mais miné de galeries de taupes…
L’accueil fut plus que chaleureux ! Les deux tourtereaux étaient aux
anges. Ce fut naturellement qu’ils passèrent la nuit ensemble dans la
chambre inoccupée depuis une paire d’années. Velléda déposa une chemise
de nuit sur le bout du lit. Celle-ci était très courte, transparente et
Marie-Lys la passa en riant. Pierre apprécia et ce fut le premier terrain de
jeu en 140. Il s’avéra trop grand.
Tous deux réussirent à passer en deuxième année. Marie-Lys retourna
sur Beaurains car elle devait travailler pour « payer » son logement.
Grâce à son BAFA, elle s’occupait des deux sessions du camp de vacances
de la commune avec une semaine de camping sur la côte prés de Wissant.
Les dimanches étaient réservés au jardin familial. Pierre n’était plus
d’actualité, mais sa mère avait été mise au courant ainsi que ses deux frères
et la grande sœur.
Grâce à sa copine qui habitait à Quéant, au-delà de Croisilles, une
rencontre put se faire un samedi soir fin juin. C’était la kermesse du village
et il y avait un bal ! Tout se déroula parfaitement. Certes, il rentra
tardivement sur Marck, mais ils purent décider lors d’un slow de trouver un
logement pour la rentrée.
La colocataire, qui était au courant avait déjà en vue une remplaçante.
Elle ne vendrait pas la mèche !
Pour ses vingt ans, fin-juillet, Marie-lys invita sa copine qui vint
accompagné de Pierre, son « copain » du moment ! Il avait pu lier
connaissance avec le frère aîné qui avait fait des études au lycée Fernand
Léger de Coudekerque dans la « banlieue » de Dunkerque pour dessiner
des bateaux. Les Ateliers et Chantiers de France situés en pleine ville
étaient présentement spécialisés dans les méthaniers, après les pétroliers,
les paquebots, les vraquiers, les rouliers mais rien n’y faisait. La
concurrence sud-coréenne était implacable, insurmontable. Il avait vite
compris que son rêve ne se concrétiserait jamais. Il avait pressenti la fin des
ACF, plus tard rebaptisés NORMED, et avait profité des premiers plans
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de conversions pour revenir sur sa ville et entrer chez Oldham pour y
dessiner des batteries industrielles qui ne quitteraient jamais le ber de
lancement pour glisser dans la mer du Nord…
Le frère jumeau de Marie-lys ne s’était pas posé trop de question et
avait de suite choisi la même entreprise « inglaise », en plein
développement.
Quant à la frangine, l’aînée de la fratrie, elle tenait un petit magasin de
vêtements pour enfants dans la rue Ronville. Vraiment petit car le troisième
client avait déjà un pied sur le trottoir ! Elle gérait totalement seule le
magasin pour des patrons rentiers qui avaient une confiance absolue dans
leur employée et ce pour un salaire minimum !
Même éloignés l’un de l’autre par plus de cent kilomètres, ils
communiaient en pensée, imaginaient les retrouvailles qui se
rapprochaient un peu plus chaque jour désormais.
Fin août, c’est elle qui dénicha le studio qui se trouvait un peu à l’écart
de la Fac. Il fallait faire vite pour l’aménager car il était vide. De nombreux
voyages furent nécessaires pour le transport des grosses pièces depuis la
Côte d’Opale. Le nid prenait forme et le jeune couple d’étudiants attendait
avec impatience leur vie prochaine.
Il y eut de nombreuses « répétitions ». Il fallait essayer le lit tout neuf
payé par la mère de Pierre. Il donna entière satisfaction aux deux « partie ».
Tout comme la descente de lit qui était une fausse peau de chèvre !
Le vendredi qui précéda la rentrée Velléda, suite à une méchante
chute dans la salle à manger, se retrouva à l’hôpital de Calais situé face au
canal, prés du pont de Saint-Pierre. Le lendemain, Pierre décida d’aller voir
sa grand mère et descendit Marie-Lys en centre ville de Lille après avoir
déjeuner dans une brasserie prés de la gare Centrale. Elle voulait faire
quelques dernières emplettes. Elle prendrait un bus pour rentrer. Pierre fila
sur la Côte…
Il pleuvait quand Marie-Lys, peu chargée finalement se décida à
rentrer sur son studio qui était quasi opérationnel.
Pierre resta une grosse heure avec sa mère qui avait un gros
hématome sur le visage. Il allait passer par toutes les couleurs de l’arc en
ciel d’ici quelques jours ! Elle était tombée sur une porte en chêne massif
du buffet de style Monastère. La porte avait résisté mais était quand
même fendue !
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Quand il reprend la route il pleut. Il doit passer par Marck pour
prendre plusieurs caisses et un chauffage électrique en céramique pour la
pièce d’eau où se trouve une vraie cabine de douche munie d’une porte en
verre « sécurit ». Quand il quitte la maison de ses parents, il tombe des
cordes et la visibilité est plus que réduite surtout que les phares de la 2 CV
ne sont pas renommés pour leur puissance ! Il va rejoindre l’autoroute vers
Dunkerque.
Sur Lille aussi, il pleut et la pluie redouble même quand Marie-Lys
atteint l’abribus. Elle est seule dans l’abri en verre faiblement éclairé et la
nuit est tombée. En face se trouve une grande place qui reçoit un marché
chaque dimanche matin et elle voit les deux phares qui trouent la nuit noire.
Quand la voiture se rapproche, elle pense tout haut que la voiture va vite,
trop vite...
Chapitre 6....
Hubert
Louis Detollé était un instituteur formé à l’école Normale d’Arras rue
des Carabiniers d’Artois. Caroline, née Bagoo, était une institutrice formée
à l’école Normale des filles d’Arras rue du Temple avec un point commun
(un de plus) : l’architecte Joseph Agnès ! Il avait conçu les deux
établissements, presque austères mais très fonctionnels, qui étaient
éloignés certes, mais comme au moins deux soirées étaient organisées en
cours d’année pour que les Normaliens rencontrent les Normaliennes, et vice
versa…
C’est pourquoi on trouve beaucoup de couples d’enseignants dans le
département. Rien n’était laissé au hasard. On pensait à l’Avenir. C’était vrai
qu’on éliminait ainsi de nombreux problèmes de vie de couples.
Louis épousera Caroline comme c’était prévu ! Ils connaîtront diverses
écoles autour d’Arras avant de s’installer à Saint-Laurent Blangy.
Hubert, leur fils unique aura une jeunesse sans problème dans la cité
Immercurienne. Dés la maternelle, il aura comme camarade Philippe, le fils
de voisins qui occupaient la maison située en face de l’école primaire de
son père, qui en était le directeur ! C’était la mère de Philippe qui s’était
proposée de conduire les deux enfants jusqu’à la maternelle située à
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quelques rues. Elle ne travaillait pas alors que son mari était professeur de
mathématiques dans un Collège d’Arras.
Les enfants étaient sages, appliqués, polis, bien sous tous rapports.
Dés le CP Hubert et Philippe devinrent inséparables et cela continua au
Collège. On les surnommait les « jumeaux », sans doute parce qu’ils étaient
nés le même jour à la maternité de la clinique Bon Secours d’Arras…
C’était un jeudi de juillet en 1954 et ce ne pouvait être pour une autre
raison !
Ils savaient que les filles existaient mais ce n’était pas à l’ordre du jour.
C’était toujours la grande inconnue !
Son père avait été retrouvé par un ami d’enfance et celui-ci avait lancé
une invitation qui fut acceptée. Ce premier dimanche de printemps,
Hubert et ses parents se rendirent dans la région lensoise.
Pendant l’apéritif anisé avec des biscuits salés comme les cacahuètes,
on se remémora les bons moments vécus ensemble, les tours pendables
réalisés, les chemins différents pris après le Collège, et le Lycée…
Le couple tenait un cabinet d’Assurances Générales et avait deux
enfants. Catherine, une fille à lunettes de 15 ans, était sèche, plate comme
une planche à pain à priori, terne et peu affable. Elle avait tout pour plaire !
Il y avait aussi David. un petit garçon de 3 ans, qui était le « fruit » d’un
dérapage après une sortie bien arrosée !
Leurs horaires étaient assez déments, à cette époque, car il fallait
lancer l’affaire et Catherine, était livrée à elle-même. Comme son CM2
avait été plus que moyen, elle avait été placée dans un pensionnat de filles
pour resserrer les boulons. Elle était aussi en troisième et les résultats
scolaires étaient nettement plus satisfaisants.
Après le repas, le garçonnet s’endormit sur le canapé d’angle en cuir
fauve qui se trouvait dans le salon où avait été pris l’apéritif, et les femmes
se mirent à faire la vaisselle pendant que les hommes allaient griller un
cigarillo dans le jardin couvert de fleurs.
- On se fait une partie de cartes demanda Yves, le maître des lieux.
- Pourquoi pas, dit Louis.
- Manille ou belotte ?
- On sait jouer aux deux !
- Tu préfères quoi ?
- La manille car il n’y a pas d’annonces qui tuent !
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- Va pour la manille coinchée !
Le tapis vert foncé muni d’un as différent à chaque angle fut étalé puis
un jeu de cartes usagé, un bloc de papier à lettres avec le logo de la
compagnie d’assurance tout comme le stylo bille. Les couples s’installèrent.
Yves tenait les comptes.
- Catherine, si tu allais faire une partie de ping-pong avec Hubert ? J’ai sorti
les voitures et installé la table, demanda Yves à sa grande fille.
- Je veux bien, répondit Catherine qui dépassait bien d’une tête Hubert.
Celui-ci se leva péniblement de sa chaise.
- Je ne sais pas bien jouer.
- Suis moi, c’est au sous-sol, dit Catherine ignorant la réflexion de
l’adolescent.
Hubert suivit la fille qui descendit l’escalier en métal avec une rampe
plastifiée bleue puis alluma les deux néons qui inondèrent le sous-sol d’une
lumière crue. A l’extérieur, le ciel était devenu menaçant et quelques gouttes
commencèrent à tomber.
Catherine ferma la porte basculante métallique relevée qui était
munie d’un système électrique. Elle lui donna une raquette couverte de
mousse lisse sur un côté et de picots sur l’autre. Il fut étonné de la
transformation radicale de l’adolescente devenue vive, souriante,
exubérante, sure d’elle. Il la détailla, remarqua le visage anguleux avec les
yeux bleus clairs au léger strabisme, ses cheveux auburn, lisses, coupés
courts « à la garçonne », sa jupe écossaise et une jaquette grise boutonnée
jusqu’au ras du cou un peu bouffante.
Les échanges de balle commencèrent gentiment et parfois elle éclatait
de rire quand elle réussissait un point disputé.
- On compte les points ? Demanda-t-elle innocemment.
- C’est comme tu veux !
- Attends, je reviens.
Elle ouvrit une porte qui se trouvait à côté de la montée d’escalier,
alluma le néon et disparut dans ce qui devait être une pièce de rangements.
Elle revint avec un bandeau brillant et deux plumes colorées et un petit sac
en daim avec des franges !
- Je suis une gentille squaw et toi un méchant outlaw !
- Euh ? Réussit-il à dire, ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire ou
faire !
- On va jouer en 3 parties gagnantes en 21 points et le perdant deviendra le
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prisonnier, l’esclave du gagnant, précisa-t-elle.
Ses yeux étincelaient de contentement mais Hubert ne voyait vraiment pas
ce qui la mettait dans cet état.
La partie commença et Hubert avait maintenant une adversaire
concentrée qui s’appliquait sur chaque balle blanche en celluloïd et qui
faisait preuve d’une vivacité, d’une souplesse incroyable.
Il ne jouait plus dans la même catégorie. Elle avait bien caché sa vraie
nature. Il avait beau s’accrocher, il perdit pied rapidement et les scores
évoluèrent très vite, inexorablement en sa défaveur. Après la deuxième
manche enlevée aussi facilement, Catherine, un très large sourire aux lèvres,
leva le pied et laissa filer la troisième s’inclinant de peu mais c’était pour le
plaisir tel le chat- la chatte en l’occurrence- qui laissait croire à la souris
qu’elle pouvait s’en sortir. La quatrième fut une formalité.
Elle avait gagné et le montrait. Hervé pensait que c’était parce que
c’était une fille qui venait de battre un garçon à la régulière, quoique pour
lui, les dés étaient pipés. Finalement il était content pour elle. Si cela pouvait
lui faire plaisir…
Il était en sueur et tint à la féliciter.
- Bravo. Belle victoire et elle aurait pu être encore plus nette, dit-il en
reprenant son souffle.
- Merci, répondit-elle. Tu joues bien aussi.
La menteuse pensa-t-il.
- Mais tu ne m’avais pas dit que tu avais un tel niveau !
- Dans mon pensionnat, il y en a beaucoup qui me battent.
Et elle en remet une couche, pensa-t-il en levant les yeux au plafond
recouvert de plâtre ou d’enduit plaqué à la main, vu les aspérités et peint
avec du petit blanc.
- Je suis ton prisonnier après cette défaite alors ? Et ça consiste en quoi, le
fait que je suis ton prisonnier ?
- Eh oui. Tu es mon esclave ! Tu vas voir ! La gentille indienne va te
ramener à son camp.
- Ha ! dit-il amusé et curieux.
- Je vais d’abord attacher les mains pour te mener dans mon tipi.
- Comme un chien ?
- Ce n’est pas vraiment ça. Comme un prisonnier simplement.
Elle sortit une corde assez longue du sac en peau muni de franges et
se mit à attacher ses mains dans le dos.
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En se disant qu’il lui manquait au moins une case, il la suivit
docilement dans la pièce qui servait effectivement de réserve car il y avait
partout des étagères en bois, faits « maison », fixées au mur et qui
débordaient de caisses, de boites en carton de toutes sortes. C’était la
caverne d’Ali Baba. Elle avait aménagé un coin avec des tentures et dans
cette espèce de tente, il y avait un épais tapis de laine, deux poufs orientaux
et une chaise en paille.
Il s’assit sur un coussin défraîchi, posé sur la chaise et elle commença
à l’attacher avec précautions. Les mains derrière le dossier et chaque jambe
à un pied de la chaise. Il se laissait faire de plus en plus curieux de savoir
ce qu’elle allait encore inventer. Elle saisit un foulard et vint lui bander
les yeux. Il cherchait maintenant à interpréter les bruits légers d’objets
qu’on déplaçait…
Maintenant, c’était le silence et Catherine était agenouillée face à son
« prisonnier ». Hubert entendait sa respiration saccadée puis sentit une
main qui se posait sur la braguette. Et un, et deux puis trois boutons
sautèrent et la main commença à pétrir, caresser le coton blanc. Un
renflement arriva rapidement. Hubert ne protestait pas. La main
s’attardait sur le mont et glissaient dessus lentement.
Maintenant le tissu était tendu à un max et Hubert fermait les yeux, la
bouche sèche. Un doigt glissa sur le côté et tenta de passer sous
l’élastique. La deuxième main fit sauter le gros bouton pour ouvrir le
pantalon qui était serré ce qui évitait l’utilisation d’une ceinture.
Cette fois, la main entière put passer sous le tissu et saisir « le long
jouet dur comme le bois » qui jaillit tel un pantin du tissu. Quelque
chose de chaud et humide courut de bas en haut et il fut persuadé que
c’était sa langue.
Puis il y eut un temps mort très court et il détermina que c’était
quelque chose de dur, pointu et froid qui faisait des ronds prés
de l’extrémité de son sexe tendu à se rompre. Il sentait que quelque chose
montait en lui et elle s’en aperçut également. Elle poursuivit doucement
un léger « va et vient » tandis que la deuxième main tripotait la base.
Il ne pouvait rien faire, mais ne voulait également rien faire. Il n’était
plus là. Il se mordait les lèvres pour ne pas crier. Son sexe explosa puis il y
eut plusieurs soubresauts.
Elle enleva le foulard. Il la vit qu’elle essuyait avec précautions le
résultat de sa manipulation. Elle dut utiliser deux mouchoirs qu’elle déposa
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dans un sachet publicitaire de supermarché. Elle lui souriait contente du
« bon tour » qu’elle venait de lui faire. Elle libéra les mains du prisonnier et
sortit de la pièce avec le sachet contenant ses deux mouchoirs. Il se
rajusta et c’est à ce moment là qu’il vit qu’elle avait dessiné des yeux, un
nez et une bouche sur son sexe avec un feutre noir ! Il aperçut les trois
bougies odorantes allumées et une dizaine de poupées qui avaient assistées à
tout le « spectacle ».
Quand elle revint, elle ramassa son sac en peau de daim qui devait
contenir son attirail et se tourna vers ses poupées.
- Alors mes chéries, on est contentes. Bien que différent, c’était bien aussi
cette fois. C’est tout de même mieux à deux, n’est ce pas …
Hubert ne disait rien, ne cherchant pas à comprendre ce qui était une
évidence. Mais il avait fort apprécié son état de « prisonnier ». Il était prêt
à une nouvelle expérience et il aimerait bien la faire prisonnière ! Il n’avait
pas pensé tout haut mais elle le devina rien qu’à voir sa mine.
- C’est un bon projet pour toi mais faudra d’abord me battre !
- Pourquoi pas ! Si je m’entraîne, répondit-il surpris de sa répartie.
- C’est pas demain la veille, mais on ne peut jurer de rien. Je peux être dans
un mauvais jour, dit-elle en éclatant de rire, ou faire exprès de perdre.
Hubert repris son rythme et décrocha sans problème son brevet
comme Philippe.
Ses parents voulaient rendre l’invitation et comme Catherine avait
réussi aussi c’était le parfait prétexte.
Un barbecue avait été prévu et le préau de l’école pouvait servir de
repli au cas où la météo n’aurait pas été au rendez-vous ! Hubert rêva la
veille qu’il battait « l’indienne » et partait à la découverte de son corps
mais il ne trouvait rien, car c’était toujours un territoire vierge donc
mystérieux.
Le jour dit, les parents de Catherine arrivèrent seuls. Catherine et son
frère étaient partis avec les grands parents en vacances dans une villa louée
à Bormes les Mimosa. Elle se trouvait dans un complexe avec piscine et
tennis...
L’année suivante, un peu avant les vacances de février, Hubert, le
cœur battant ne sachant s’il voulait gagner ou perdre, se rendit avec ses
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parents dans les Mines, toujours prés de Lens, mais cette fois encore
Catherine était absente. Elle participait à une compétition de tennis de table
avec son lycée, ce qui expliquait sa large défaite la dernière fois. Il fut
quand même très déçu !
Au « retour » au printemps suivant, Catherine était en voyage
scolaire en Angleterre. Cette fois cela ne le chagrina pas plus que ça, car il
avait pris conscience qu’il n’aurait pas pu « rendre la monnaie de sa pièce »,
pas encore ! Et puis il « vieillissait ». Il avait pu flirter ce qui lui avait permis
de découvrir un territoire inconnu par le toucher. Quelques revues osées,
cachées dans le bureau de son père avaient nettement amélioré sa
connaissance de l’Autre ainsi que des techniques nouvelles appropriées. Il
manquait toujours la pratique !
La table de ping-pong récupérée prés de la mairie pour les activités du
centre aéré lors des vacances estivales se trouvait sous le préau ! Il l’utilisait
le plus souvent possible avec Philippe et avait désormais un bon niveau. Il
allait poursuivre son entraînement intensif pour la prochaine fois, si une telle
rencontre pouvait avoir lieue.
Le temps passait et Hubert filait sur ses 17 ans et un
baccalauréat. Ce jour là quand ils arrivèrent dans la Cité minière, Hubert ne
vit que le petit garçon qui avait bien grandi et il se demanda « quelle
excuse » serait invoquée pour justifier l’absence de Catherine ». Il fut
d’autant plus surpris de la voir qui pénétrait dans la pièce accompagnée
d’une autre fille, à la peau bronzée qui devait avoir son âge. Elles portaient
toutes les deux un jean serré et délavé qui était troué aux genoux, ainsi que
des corsages bleus foncés entr’ouverts. Il remarqua de suite qu’elle avait
pris des formes « agréables » et qu’elle devait être de sa taille. Elle
embrassa ses parents puis s’avança sur lui et déposa un baiser sur chaque
joue. Son amie fit de même et comme elle dépassait d’une tête Catherine,
elle dut se baisser pour déposer ses baisers. Il eut une vue plongeante et
aperçut un peu plus que la naissance de ses seins assez importants à
première vue. Son visage s’empourpra Les deux jeunes filles s’en
aperçurent et échangèrent un sourire complice et convenu.
Clara était martiniquaise et ses parents voulaient qu’elle passe
son bac en Métropole. Elle partageait la même chambre que Catherine qui
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faisait office de tutrice. Elle passait une fois par mois le week-end chez les
parents de Catherine.
Hubert eut tout le temps d’examiner la jolie fille des îles aux yeux
verts magnifiques et à la peau cuivrée. Depuis la dernière rencontre, il
regardait les filles avec un autre regard. Elles avaient toutes deux des
trésors à découvrir mais cette fois il n’y croyait plus. Il ne voyait pas
comment il pourrait espérer une revanche avec la nouvelle configuration
alors qu’il pensait avoir sa chance au ping-pong…
Le rituel se déroula comme à l’accoutumée quant aux adultes. Le
tapis de cartes fut déroulé et les parties de manille défilèrent…
- Tu viens montrer ta force Hubert ? Déclara Catherine. Mes parents m’ont
dit que tu avais une table chez toi et que tu étais devenu un très bon joueur
poursuivit-elle, d’un air narquois !
- C’est peut-être vrai mais comme tu fais de la compétition, n’est-ce pas ?
- Je n’en fais plus cette année, Clara et moi on veut notre bac avec mention.
- Pourquoi avec mention ?
- Pour notre dossier pour l’école de Commerce de Poitiers.
- Pourquoi Poitiers ?
- Que de questions indiscrètes ! Ma mère est née à Chauvigny et c’est juste à
côté de Poitiers et j’ai de la famille dans le secteur. Je n’aurai pas de
problème pour l’hébergement.
- Et c’est pareil pour …Clara ?
- Elle ne sait pas encore ce qu’elle veut mais la mention ne peut être qu’un
plus !
Ils étaient tous trois dans le sous-sol et l’espace réservé aux
voitures avait diminué. Il n’était plus possible d’en mettre deux. Une pièce
supplémentaire avait été aménagée. Catherine s’aperçut du regard d’Hubert.
- C’est là dedans que mes parents mettent leurs archives…et le vin !
- Il y a suffisamment de place pour jouer même si c’est bas de plafond.
Faut faire avec, ajouta Clara.
- Il n’y a rien de changé de ce côté, les règles restent les mêmes, annonça
Catherine avec un regard plein de malices.
- Comme la dernière fois ? Demanda Hubert inquiet.
- Comme lors de notre dernier assaut, Tout pareil ! dit Catherine… Tu es
d’accord naturellement ?
- Mais, c’est que vous êtes deux !
- C’est important pour toi dit Catherine en éclatant d’un rire
73
contenu. Ce sera plus épicé !
- Place au jeu, déclara la jeune Antillaise, ne laissant pas Hubert réfléchir à
cette nouvelle donne. J’arbitre votre match, poursuivit-elle !
Hubert, plein d’espoir, s’aperçut très vite qu’il était débordé et
qu’une nouvelle punition lui était réservée. Catherine exultait et serra ses
poings pour montrer sa satisfaction.
- Cela fait 3 à 0 et il est inutile de poursuivre la punition car il faut admettre
que c’en fut une, n’est-il pas ! Décréta l’Antillaise.
- Faudra encore t’entraîner pour espérer gagner la fois prochaine !
S’exclama Catherine.
- Elle est trop forte, je ne pouvais rien faire, se lamentait le jeune
adolescent. Je suis encore tombé dans un traquenard.
- Mais non, mais non, tu vas te refaire avec Clara. Tu es chaud et elle non.
On ne fera pas d’échauffement. On va commencer tout de suite. Tu n’es pas
contre ma Clara susurra la belle Catherine car non seulement elle était
souple mais elle avait embelli, nettement ! Son regard était clair et net, avec
un soupçon d’effronterie…
- OK, répondit la fille des Iles en faisant un clin d’œil à sa copine.
Celui-ci n’échappa nullement à Hubert qui dodelina de la tête. Il était
pétrifié par ce qui allait arriver. Il n’osait y penser. Il était loin de la réalité
car il fut écrasé, laminé. C’était la taille au dessus. Il était groggy debout,
anéanti. Il avait la tête vide et ne pensait plus à ce qui allait suivre.
- Elle est aussi forte que toi, sinon plus forte. C’était vraiment une
embuscade murmura le jeune adolescent.
Les deux filles, conscientes de ce qu’elles venaient de faire subir à
Hubert étaient venues contre lui comme pour le réconforter. Catherine
l’embrassa de nombreuses fois sauf sur la bouche, tandis que Clara essuyait
la sueur avec un mouchoir brodé qu’elle avait sorti du sac en daim qu’elle
portait en bandoulière !
- Ca va Hubert. Je reconnaît qu’on t’a fait souffrir. Tu mérites une
récompense. On va remonter et on va boire de l’orangeade ou du coca…
- Tu préfères quoi ? Ajouta Clara, d’un air angélique.
Les parents continuaient leurs parties mais c’étaient les femmes contre
les hommes. Ils relevèrent à peine la tête quand les 3 jeunes s’installèrent
dans la cuisine pour se désaltérer. Et quand les deux filles montèrent
l’escalier en bois qui menait à l’étage, Clara suivait Hubert…
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C’était la chambre de jeune fille avec un lit en métal de 120 laqué d’un
blanc brillant qui était parallèle à la porte. Il y avait deux tables de chevet
assorties avec un réveil rose à remontoir sur celle qui se trouvait prés de la
porte. Une fenêtre face au lit avec une étagère en bois remplie de poupées
qu’Hubert reconnaissait sur la droite et une armoire-bureau avec un
abattant qui servait de plan de travail à gauche. Le bureau était ouvert et
un désordre ordonné prouvait qu’il servait, car deux chaises paillées
étaient devant. Enfin sur le côté du lit, il y avait une garde robe avec trois
portes dont la centrale portait une glace.
Catherine alluma un tourne-disque qui était sur le sol du coté opposé à
la porte et un air connu inonda la pièce. Le haut parleur était dans le
couvercle.
Catherine avait tourné la clé « pour pas que mon petit frère puisse
venir nous embêter » fit-elle remarquer.
Clara approuva d‘un hochement de tête !
Les filles s’installèrent sur la carpette située entre le lit et le mur
couvert de photos de jeunes artistes yéyés. Hubert dut s’asseoir entre elles
deux. La platine était munie d’un distributeur et les 45 tours descendaient
automatiquement. Au troisième single, Catherine décida de monter sur le
lit, échangea un regard convenu avec sa copine qui se releva aussi et
s’appuya sur les barreaux en cuivre du bout du lit.
- Hubert relèves toi et viens à côté de moi, ordonna Catherine en tapotant
sur le dessus de lit pour mieux marquer l’emplacement. Bon, maintenant,
Clara, je vais te montrer quelque chose que tu n’as jamais vu ! Une chose à
laquelle tu n‘as jamais assisté. Quand on joue au tennis de table, le perdant
devient l’esclave du gagnant et comme la dernière fois, c’est Hubert qui
devient mon jouet ? N’est ce pas Hubert ?
- Heu, c'est-à-dire que… Le jeune homme désarçonné cherchait sa réponse
car cela n’était arrivé qu’une seule fois et ils n’étaient qu’à deux. Il n’était
pas d’accord cette fois et…
- Tu n’as plus rien à dire. Le ton était ferme et définitif et sans attendre,
Catherine bascula Hubert en arrière.
- Tu ne bouges plus et tu fermes les yeux. Sinon je mets un bandeau.
Catherine lestement enjamba le corps allongé et se mit sur ses genoux.
Hubert ne voyait plus que le dos. Il essaya de se redresser.
- Tu veux rester tranquille ! Ordonna la « cavalière, d’ailleurs je vais
demander à Clara de te mettre un bandeau. Finalement ce sera plus simple et
75
tu gigoteras moins !
La jeune martiniquaise, prit un cache-nez sur une étagère qui se trouvait
dans la garde robe sur les indications de son amie et vint le mettre sur les
yeux du « jouet » qui se laissa faire, anéanti.
La ceinture fut prestement dégrafée et la fermeture éclair abaissée.
Clara regardait, surprise de la tournure ultra rapide des événements, amusée
et curieuse de ce qui allait suivre, bien qu‘elle le devinait.
La main fine de Catherine tripotait vivement le tissu de coton lisse,
toujours identique à la dernière fois, et faisait remarquer à sa copine par un
hochement du menton la bosse qui prenait de l’ampleur. Sa main remonta
jusqu’à l’élastique et fit descendre en roulant le frêle vêtement, découvrant
la parie haute de son jouet. Hubert tenta un mouvement de la main, mais
Catherine lui donna une tape.
- Pas touches esclave! Tu ne dis pas un mot et tu te concentres,
poursuivit-elle d’une voix affirmée mais douce.
Le slip était complètement abaissé et si une main glissait lentement de
haut en bas le long de la verge, puis remontait sur le jouet fièrement
dressé, l’autre s’occupait de la base. Catherine demanda par le regard, puis
par un hochement à Clara de lui donner son « sac d’indienne ». Elle y prit un
petit sachet en plastique déjà ouvert et sans effort apparent recouvrit le
jouet des « pieds à la tête ». Il était temps car celui-ci « pleura », animé de
spasmes.
- Mais c’est qu’il a un gros chagrin ! Dit Catherine, très satisfaite de sa
prestation. Et qui remettait tout en place avec compassion, essuyant
délicatement son jouet.
- T’en penses quoi ? S’adressant à la spectatrice qui semblait blasée.
- Aux Iles, il y a longtemps qu’on joue au docteur. Maintenant on joue au
papa et à la maman…
- Ah ouais, répondit Catherine, désappointée. Et il n’y a pas… Elle
cherchait ses mots.
- Parfois, c’est vrai. Il y a un problème laissa tomber Clara ! Mais on
connaît des recettes !
- Tu pourrais me montrer un jour ?
- Tout de suite, si tu veux !
- Avec Hubert ?
- Pas de problème. Tu restes là. Tu seras aux premières loges.
- Hubert va pouvoir ?
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- Fais-moi confiance. Il va apprécier. J’en suis persuadée.
Clara se leva, ôta son jean délavé et troué, s’approcha d’Hubert
toujours allongé qui se remettait de ses émotions, la tête vide. De nouveau,
des doigts s’occupaient de son sexe qui sans difficultés recouvrait toute sa
vigueur.
Catherine se souleva et quitta son esclave tandis que Clara prenait
sa place, plus proche du sexe. Elle se redressa, écarta son slip couleur
chair, dévoilant une petite toison sombre. Elle conserva le sexe dans sa
main et le redressa pour l’amener sous sa toison juvénile. Elle exécuta
quelques va et vient pour décalotter le pénis tendu à l‘extrême, tout en
s’abaissant lentement pour l‘engloutir sans effort.
Hubert sentit que quelque chose de chaud et humide enserrait son
sexe qui prenait encore de la dureté et du volume. Clara s’était penchée vers
son amie impressionnée et cherchait ses lèvres
qu’elle lui offrit. Elles
échangèrent un long baiser tandis que le bassin de Clara bougeait
alternativement d’avant en arrière puis de haut en bas. La main de Clara
s’était posée sur le corsage de Catherine qui acceptait de bonne grâce ce
développement imprévu de situation. C’était une nouvelle expérience, un
nouvel univers qu’elle découvrait. Hubert laissa échapper un cri quand il
explosa une nouvelle fois et sa jouissance fut incomparable. Les filles
cessèrent leurs jeux de mains, remirent de l’ordre dans leurs tenues. Clara
s’éclipsa dans la salle de bains. Hubert recouvrit la vue, ignorant vraiment le
processus extraordinaire de ce qu’il venait de vivre...
Aucun problème pour le baccalauréat. Hubert savait précisément ce
qu’il voulait. Il avait été impressionné par un oncle qui était un grand avocat
d’Assises. Quand Maître Xavier Bagoo venait voir sa sœur, cela ne
manquait pas. Une grande discussion, toujours la même, mettait aux prises
la mère d’Hubert qui n’acceptait pas que son avocat de frère aimait
par-dessus tout défendre l’indéfendable tels les pires criminels auxquels elle
n’accordait aucune indulgence ni circonstance atténuante. Il le savait
qu’elle était, comme son beau-frère, pour la peine capitale.
Hubert serait comme lui, un grand avocat. Et il allait faire ce qu’il
fallait pour le devenir et le plus vite possible.
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Et les « jumeaux » s’inscrivent à la Fac Libre de Droit à La Catho
rue Vauban à Lille. Le copain d’enfance de son père connaissait un client
dans son fichier qui acceptait de louer un grand studio qu’il possédait
derrière la gare centrale. C’était un quartier « chaud » mais comme il avait
tout le confort et même un ascenseur... Et finalement « les filles » étaient
sympathiques et correctes avec les deux ados !
Hubert suivit sans difficulté le cursus universitaire. C’est lors d’une
« boum » en fin de première année qu’Hubert rencontra une belle blonde,
à peine plus âgée que lui mais en seconde année. C’était « elle » qui l’avait
remarqué et « dragué ». Ce fut la première fois qu’il « connaissait » une
fille.
Ce ne fut pas évident car lors des deux précédentes expériences,
il devait « subir » avec interdiction de prendre des initiatives.
Elle fut surprise mais elle ne lui fit pas remarquer son « amateurisme ».
Elle le laissa partir à la découverte de son corps, l’aidant quand même. Ce ne
fut pas évident pour le jeune homme car il fallait imaginer, la « totalité de
l’autre » surtout dans le noir et sur une moquette rase, dure comme du bois,
inconfortable au possible. Finalement, elle apprécia « sa gaucherie », son
inexpérience.
C’est à ce moment là qu’Isabelle Wastyn décida de prendre en
charge son éducation sentimentale, de « former » son jeune amant.
La maîtrise en droit privé et droit civil était en vue. De temps en
temps Isabelle donnait un cours particulier et notait avec satisfaction que
son « élève » progressait régulièrement en technique. Elle savait également
qu’Hubert ne faisait aucune application extérieure. Il l’attendait tel un gentil
caniche !
Elle avait toujours son année d’avance et elle avait fait un stage
dans un cabinet d’avocats de Lille ainsi que dans le service juridique d’une
grosse entreprise textile qui était en crise comme toute la filière. Elle ne se
contentait pas d’Hubert et connaissait d’autres aventures pas toujours
voulues mais elle était une femme de tête, jeune et belle de surcroît, blonde
et désirable qui évoluait dans un milieu d’hommes, machos et conscients de
leur pouvoir. Elle essayait de tirer profit de la situation. Elle faisait une étude
de marché avec conviction et agissait en conséquence.
Hubert était bien dans sa peau. Il était heureux. Sa vie était tracée. Tous
les samedis soirs, il avait un cours particulier avec Isabelle et il appliquait ce
que son coach lui enseignait.
Il n’était pas en avance mais surtout, il était sur un nuage. Il avait
78
particulièrement réussi un partiel et il avait hâte de partager sa réussite avec
Isabelle. Il tombait des cordes sur Lille en cette fin de journée et la nuit
était tombée. Il était à la limite du raisonnable, au volant de la voiture
d’occasion qu’il avait acheté en début de semaine. Ses phares trouaient
cette obscurité dégoulinante et quand il s’aperçut qu’il arrivait au bout de
la place du Général De Gaulle et qu’il devait tourner sur la gauche, il freina
fortement. Il sentit que la voiture lui échappait. Il aperçut l’abribus avec la
fille. La voiture dérapa, glissa sur les pavés mouillés et heurta de plein fouet
le frêle abri de verre et la jeune femme...
Morta, la vieille fileuse, portait une symare à longue queue trainante
attachée par une agrafe couverte de pierreries noires qui tombait au sol
couvert de pelotes de fils plus ou moins grosses tout en laissant découvert le
bras droit. Celui-là même qui venait de trancher deux fils en même temps
!
7... Arthur
Il faisait une chaleur étouffante et la clim fonctionnait
de manière aléatoire, ce qui pouvait s’expliquer vu l’état du matériel. Son
corps était couvert de sueur. Il était sur un lit qui n’avait qu’un seul drap qui
avait du être blanc, il y avait longtemps. La pièce était plongée dans une
semi pénombre car les volets métalliques ajourés étaient abaissés. De plus,
devant cette fenêtre un rideau cramoisi limitait encore davantage le passage
de la lumière naturelle qui restait suffisante pour deviner la présence du
soleil dehors. Après un temps d’adaptation on devinait un tas de vêtements
en désordre sur le sol. Il ne portait plus qu’un maillot de bain.
Un autre corps était allongé prés du sien. Il portait une petite jupe
d’un vert fluo et un corsage de la même couleur. Des yeux expressifs le
fixaient intensément et faisaient ressortir sa peau foncée. En
comparaison, le drap semblait être blanc, ce qui n’était pas le cas ! Le
corsage collait sur sa poitrine maintenue par un soutien gorge noir qui
contrastait avec la peau finalement plus claire qu’il ne pensait de prime
abord. Elle reposait sur le côté. Elle prit sa main et doucement la posa sur
son corsage. Il croisa son regard brillant qui l’invitait à descendre. Arthur
lisait dans ses yeux ce qu’elle attendait de lui. Il commença à caresser
79
lentement le chemisier moite qui collait sur la peau sombre. Le regard lui
demanda de faire sauter les boutons nacrés vert foncé. Elle parlait
doucement. Il ne comprenait pas mais c’était doux comme une prière, une
mélodie plutôt. Elle l’aida à ôter le fin tissu qui était mouillé par la sueur. La
peau brune luisait et il voyait les muscles qui vivaient sous sa caresse. Il
savait que la fermeture était dans le dos et il réussit du premier coup à la
faire sauter. Elle se cambra de manière à ce qu’il pose ses lèvres sur la pointe
d’un sein lourd qui dardait. Il était de la même couleur chocolat que
l’aréole. Il agaçait une pointe avec sa langue mais elle lui fit comprendre
qu’il devait le faire plus lentement et sur les deux… Il sentait monter son
désir mais il laissait l’initiative à la belle Black aux longs cheveux lisses et
tressés. Elle empoigna son épaule et le poussa vers le bas. Il repris sa
progression tout en caressant d’une main la poitrine tendue. La mini jupe
était remontée et le slip noir luisant était apparent, attirant tel un aimant son
regard habitué à la pénombre et sa main. Sa langue descendait s’enivrant de
la sueur salée et odorante. Il fermait les yeux et son corps se tournait sans
qu’il s’en aperçoive. Sa bouche couvrait de baisers le tissu noir et ses deux
mains essayaient de se glisser sous la frêle protection, ce qui n’était pas trop
difficile. La voix douce de la jeune américaine le berçait tandis qu’il
faisait glisser le tissu sur la peau luisante. Il comprit que d’autres mains
dégageait son membre et le caressait également en le touchant à peine. Les
deux bouches et les deux langues poursuivirent leurs caresses dans un
silence total. Sa main avait découvert le clitoris qui avait atteint une taille
importante. Il le titillait avec douceur. Il appelait ses caresses. Il
ralentissait, accélérait, glissait sur le pli de l’aine, frôlait de sa paume toutes
les lèvres ouvertes. Elle se recula quand elle comprit qu’il allait jouir tandis
quelle atteignait elle même son plaisir…
Les deux corps nus étaient allongés, alanguis l’un près de l’autre,
profitant pleinement de l’instant. La clim se déclencha alors et un air brassé
et frais caressa leur nudité.
Mais, déjà, la main de la jeune américaine, trouvait le sexe d’Arthur
et s’évertuait à le réanimer. La langue prit le relais. Elle montait et
descendait le long de la hampe puis remontait jusqu‘au frein, suçotait
l’extrémité...
Il recouvrit ses esprits. Il n’aurait jamais pu imaginer ce qui lui arrivait.
80
Et tout ça pour une boite de sauce pour accompagner les nouilles !
Il occupait un logement dans une résidence universitaire et il
appréciait Sadian son voisin dont le père était originaire de Saint Louis du
Sénégal. Ils poursuivaient les mêmes études scientifiques et avaient
réussit leurs examens de fin d’année universitaire sans stress particulier. Ils
passaient souvent les soirées ensemble.
Sadian avait acheté une douzaine de petites boites de sauce Buitoni
en promotion pour accompagner les repas du soir qu’ils partageaient chez
l’un ou l’autre. Ceux-ci étaient composés bien souvent de pâtes à l’eau et
d’emmenthal râpé. Les moyens financiers étaient limités et il n’était pas
question de faire des folies culinaires surtout en fin de mois et c’était une fin
de mois.
C’est de retour à la résidence avec ascenseur, qu’ils s’aperçurent en
lisant l’étiquette, que la marque proposait une semaine aux States pour deux
personnes. Fallait répondre à trois questions sur la Floride…
Naturellement presque tout le monde connaissait les réponses et il y
avait un tirage au sort pour dix heureux gagnants !
Banco ! Ils avaient gagné ce voyage pour Miami. Les formalités faites,
ils avaient pris le matin un 747 d’Air France à Roissy Charles de Gaulle et
onze heures plus tard ils se retrouvaient à l’aéroport international de Miami.
Il était 18 heures en tenant compte du décalage horaire puis presque
20h quand la navette les déposait au Best Miami, un hôtel au charme
suranné, commun sur la côte méditerranéenne pas très loin de la baie de
Biscaye.
Le temps de découvrir la chambre double, prendre une douche puis un
cocktail en leur honneur en compagnie des 5 autres couples qui avaient
appréciés la sauce Buitoni et un repas Italien, comme il se doit. Enfin une
nuit bienvenue pour recharger ses accus et gommer quelque peu ce
décalage horaire de six heures en leur défaveur…
Séjour rêvé, d’après le programme prévu mais fatiguant. Celui-ci était
chargé et précis. Faudrait faire « fissa ».
Dimanche matin, une douche dés 8 heures pour améliorer le réveil,
petit déjeuner copieux pour tous les goûts. Enfin un embarquement 90
minutes plus tard dans un grand van Ford avec une guide de type
hispanique. Deux autres touristes japonais qui résidaient sans doute dans
l’hôtel s’étaient joints aux amateur de sauce Buitoni. Direction le Parc
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National des Everglades qui est un marais gigantesque peu profond et
couvert d’hautes herbes résistantes au sel et de roseaux à perte de vue,
clairsemé de petits monticules couverts de cyprès, palmiers dont une entrée
se trouvait à une cinquantaine de kilomètres de la ville.
On suivit un temps la Tamiami Trail, direction Shark Valley, où un
Parc Ranger nous proposa au choix un « tram », un «hydro » ou des
bicyclettes pour la visite du parc. Un couple âgé, de notre groupe dont la
femme était handicapée choisit le « tram » qui était une navette ouverte sur
les côtés .pour mieux apprécier l’environnement. La guide les accompagna.
Les Japonais choisirent l’hydro qui était un bateau à fond plat propulsé par
une hélice à l’arrière. Tous les autres enfourchèrent les vélos encadrés par
deux gardes. Sans se presser, munis d’une casquette donné par la guide à la
descente du mini bus ainsi qu’une gourde d’eau fraîche, il fallut parcourir les
quinze miles du circuit de la visite, longeant des bassins artificiels et
aménagés où se prélassaient plusieurs dizaines d’alligators à demi immergés
parmi des nénuphars. On « remercia » ces brave bêtes car c’était grâce à
ce reptile qu’on était là vu que c’était la première réponse au questionnaire
de la petite boite de sauce…
Puis, on traversa d’autres lieux réservés aux tortues et aux échassiers.
On pouvait imaginer les immenses ressources du parc car on n’observa ni
les lamantins, ni les crapauds buffles, ni les serpents, ou les ratons laveurs.
Les gardes connaissaient leur « boulot » et commentaient avec à propos
tout ce qu’on voyait.
.
La randonnée dura près de quatre heures sous un soleil implacable et
on commençait à avoir des crampes d’estomac. Le décalage horaire sans
aucun doute. Cela irait mieux demain.
On retrouva le couple manquant qui se reposait en buvant une boisson
rafraîchissante sous le parasol d’un snack…
Le retour parut plus rapide. Arthur n’était pas dans son assiette. Un
coup de chaleur sans doute et préféra aller se coucher tandis que Sadian
décida de partir à la découverte de la ville à pied. Il rentra vers 2 heures du
matin…
Le lundi matin, dés 7h 30 sous la conduite de notre belle guide on
prenait place dans un bus Greyhound qui faisait la navette Miami-Key
West. Cette ville était le point de départ de la route Fédérale n°1. On aurait
pu suivre notre voyage en lisant le prospectus trilingues qu’on avait
trouvé à la réception de l’hôtel, mais les commentaires dans un français
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hésitant ajoutaient une couleur locale aux incroyables paysages. Surtout
après Key Largo. L’Overseas Highway qui était une route étroite était
souvent au niveau de l’Océan Atlantique aux eaux turquoises à gauche et
du Golfe du Mexique à droite. La route empruntait des ponts qui sautaient
d’une île à l’autre découvrant des plages au sable blanc et quasi désertes. Il
y avait 34 îles, et 43 ponts d’après le prospectus !
La route avait repris le tracé de la voie ferrée et servait d’aqueduc
pour les Keys. Après la ville de Marathon ce fut le Seven Bridge avec pour
seul décor le Golfe d’un côté ou l’Océan.
Vers 12h30 on arrivait à destination et on avait quartier libre jusqu’à
14h. On avait échappé à l’averse matinale quotidienne et le groupe resta
soudé durant la découverte du Mile Zéro sur une borne verte dans le vieux
quartier historique aux maisons de bois construites sur pilotis, puis sans le
savoir on dénicha la plaque fixée dans le sol, sur un socle : le Southernmost
Point qui marquait le point le plus au sud des USA. Une plaque souvent
dérobée par des « collectionneurs », précisa notre guide qui nous attendait
là !
On déjeuna dans un Mac Do et la « bande » cette fois se sépara pour
partir à la découverte de cette ville située à 90 miles de Cuba et premier
point de chute des anticastristes qui fuyaient leur île !
Arthur et Sadian se promenèrent autour du port avec ses restaurants,
ses agences de locations de bateaux de pêche au Marlin ou au Barracuda, et
les bateaux promenade
vers la barrière de corail toute proche sous l’œil
impassible des pélicans. Ils prirent place sous un palmier qui se trouvait
en bordure d’une plage et profitèrent du spectacle des filles, aux charmes
indiscutables offerts à la vue de tous, des surfeurs, du soleil... Sea, sex and
surf !
Puis ce fut le retour par l’océan side à l’hôtel et cette fois Arthur
accompagna Sadian qui avait déjà pris ses marques la veille pendant que
son ami dormait. Ils se retrouvèrent dans un quartier animé avec ses
tavernes, ses bars, ses petits magasins et une foule bigarrée et bruyante qui
déambulait sans réel but. Sadian se dirigea vers un groupe de quatre
musiciens qui animait la nuit qui tombait.
Ils étaient une douzaine en réalité à la peau plus ou moins
foncée qui firent de grands signes envers Sadian. Il y avait des Cubains,
des Portoricain et deux Africains, des Peuls, qui connaissaient Saint-Louis
et le quartier de Sénéfodougou, là où vivait la famille de Sadian ! Il y avait
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aussi trois jeunes femmes noires également. Arthur était le seul « Blanc »
et il flasha sur l’une d’entre elles.
Le mardi matin seuls les heureux gagnant du concours Buitoni
prirent place dans le Ford accompagnés de deux guides qui devaient être
des sœurs jumelles tant elles se ressemblaient. On connaissait déjà l’une
d’elle !
On arriva environ quatre heures plus tard à Orlando, qui était la
réponse demandée à la deuxième question du concours Buitoni...
Il était presque midi quand le Van s’arrêta dans un parking situé prés
d’une énorme brasserie dotée d’une piscine gigantesque. On eut droit à une
pizza mince mais de taille XXL ou un double hamburger qui aurait pu
rassasier une famille de Ch'timis, le tout accompagné d’un verre d’un litre
avec des glaçons qui n’arrivaient pas à flotter sur du coca ! En fait, on
remplissait en premier le verre de glaçons avant de compléter avec le
coca !
Après le repas, les guides nous menèrent à l’entrée d’une rue piétonne
qui semblait sans fin et nous abandonnèrent : quartier libre jusqu’à 18
heures. On parcouru ce qui était « Orange Avenue » en se comptant sans
cesse tout en restant « Groupir » !
On se retrouva au lieu de rendez-vous avant l’heure prévue, sans une
perte humaine et l’impression d’être sur une autre planète. De nouveau la
route normale car les guides commentaient sans cesse ce qui se déroulait.
Donc après l’autoroute normale, une autoroute privée, la World Disney qui
menait devant Disneyland après une vingtaine de minutes dans une
circulation incroyable.
Le Ford se gara dans un parking qui semblait illimité et des petits
trains sur roues qui tournaient sans cesse nous chargea avec nos bagages
jusqu’à un monorail qui nous déposa à l’intérieur de « notre » hôtel, le
Disney’s Contemporary Resort ! Puis des ascenseurs et enfin nos chambres
qui donnaient sur le Château surélevé de Cendrillon. Le temps de s’en
mettre plein les yeux une nouvelle fois, prendre une douche et déjà c’était un
restaurant situé au quatrième étage où les plats avaient la forme de Pluto,
des Nains, de Picsou et autres personnages tandis que Daisy se promenait
réellement parmi les convives. Impressionnant. A peine le temps de
digérer que c’était la cavalcade tardive dans Main Street puis un feu
d’artifices incroyable et enfin la chambre pour une nuit finalement
agitée…
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Le mercredi fut libre. On restait sur le site, se promenant chacun de
notre côté, visitant les boutiques, flânant, admirant… On était comme dans
une ville qui pouvait assouvir tous nos besoins. Cette journée permit de
reprendre nos esprits et des forces. On se retrouva tous ensemble le soir au
quatorzième et dernier étage de notre hôtel dans un restaurant panoramique
qui donnait sur l’ensemble du Magic Kingdom.
Le jeudi on quittait la féerie pour découvrir la réalité du Centre
Spatial de Cape Canaveral qui était la réponse à la troisième et dernière
question de Buitoni. Une heure de route et quatre vingts kilomètres plus loin,
sur l’Atlantique, on se retrouve devant un astronaute en plastique blanc
juché sur le portique d’entrée. Il était à peine 10 heures et
l’effervescence était déjà à son comble. A pied avec nos guides, on parcoure
la zone des reproductions grandeur nature des fusées et capsules utilisées,
avec des flamants roses qui arpentent les lieux en nous ignorant avec
superbe, car nous sommes dans une réserve naturelle d’oiseaux ! Un film
retraçant la conquête spatiale nous mit dans l’ambiance avant la visite de la
réplique du centre de contrôle et de la navette. L’heure tourne et nos pieds
ont besoin de se reposer. Pizzas, burgers, coca… C’est la routine.
L’après midi on visite en car le site d’assemblage. On emprunte la
route utilisée par une fusée jusqu’au pas de tir et on monte sur une tour
d’où on embrasse les deux emplacements de tirs. Enfin ce sera la
reconstitution de ce que sera la plateforme internationale, les modules, le
Centre Apollo avec une fusée Saturne V allongée au dessus de nos têtes. Et
le magasin des souvenirs qui vous allège de vos derniers dollars avec des
produits dérivés plus vrais que nature…
Tout est extraordinaire, immense, gigantesque, hors norme ! On n’a
plus de superlatifs ! On se demande si on ne se trouve pas encore dans un
autre parc d’attraction dont le thème serait l’Espace. Un parc futuriste
consacré à la Science Fiction où tout est pensé pour nous faire croire que
cela n’est pas demain mais aujourd’hui ! Il n’y aura pas de place au hasard
quand les Terriens partiront à la conquête des Etoiles !
On quitte cette immense lagune et l’île Merritt où les alligators
montent la garde pour retourner à la case départ pour une dernière nuit
américaine…
Retour au Best Miami et comme Sadian voulait voir ses amis, ils
rentrèrent tard une nouvelle fois avec une ultime rencontre programmée pour
le lendemain midi.
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Sarah
posa sa tête sur la poitrine d’Arthur. Il quitta ses pensées et
caressa sa nuque avec sa main droite. Et son dos avec l’autre. La clim était
en rade une fois de plus et la sueur recommençait à perler. Les parfums
de Sarah l’enivraient à nouveau tandis que les mains couraient sur son bas
ventre délicatement. Elle chantait doucement. Son désir reprenait vie. Il le
sentait. Sarah aussi. Elle se retourna, l’enfourcha face à lui, dodelinant de la
tête, les yeux mi-clos et guida son désir vers son fourreau qu‘elle savait
contracter. Quand il fut en elle totalement, elle bougea son bassin en tous
sens en douceur et Arthur s’abandonna une fois de plus...
La journée s’achevait. Il fallait prendre l’avion du retour…
Voyage incroyable où tout était hors norme, pensé à une autre échelle
mais Arthur finalement préférait le marais de Saint-Omer aux Everglades,
sa région du Nord à la Floride où tout était prévu pour occuper, retenir le
touriste et prendre ses dollars !
Décima, la divine, drapée dans une robe aux plis multiples de couleur
rose, s’applique, imagine et enroule le fil sur un fuseau. Morta se trompe de
fil.
8...Nicolas
7h15... Le jour pointait et la brume noyait le paysage. La Renault 21
ralentit et le clignotant indiqua que la voiture, couleur ficelle, allait s’arrêter.
Elle monta sur la partie herbeuse ne laissant que deux roues sur le bitume.
Le conducteur sortit et se dirigea vers le coffre, rejoint par le passager avant.
Il saisit une petite table pliante qu’il déplia et posa devant lui. Le passager
prit une chaise qu’il installa entre le coffre ouvert et la table dont le dessus
plastifié était bleue. Déjà le conducteur qui avait pris un gros cahier sur le
siège arrière, s’asseyait.
D’autres voitures s’arrêtaient sur le bas côté les unes derrière les
autres puis les phares s’éteignaient et le silence de la nuit était maintenant
troublé par les ouvertures puis fermetures retenues des portières. On se
reconnaissait, on se saluait, on s’étreignait ou encore on s’embrassait comme
si on ne s’était pas vu depuis longtemps. Pourtant on s’était quitté la veille
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pour la plupart et au pire depuis une semaine. Tout le monde était content
de se revoir, au milieu de nulle part. C’était assez incroyable. Tous étaient
équipés comme il se doit et le métal des armes renvoyait des éclats de
lumière sous les premiers rayons du soleil qui effaçaient les derniers
lambeaux de brume qui s’accrochaient désespérément aux branches basses
des arbres. On devinait qu’on était au bord d’une forêt. Un chemin
relativement large s’enfonçait longeant les bois d’un coté et des champs de
tournesol puis de maïs de l’autre.
Tous connaissaient la procédure et tout en devisant et serrant des
mains, ils s’approchaient de la petite table.
- Salut Michel ! Comment vas-tu ?
- Depuis hier, rien de changé. Donnes ton permis ! Je ferai les présentations
tout à l’heure.
Michel avait ouvert ce qui était le « Registre de battue » et notait
consciencieusement les identités des chasseurs qui allaient participer,
contrôlait la validité des permis, puis chacun apposait sa signature.
Michel était le président de la société de chasse et chaque année, le
dimanche qui suivait le 15 septembre, l’ouverture commençait ainsi mais
cette année il y avait un plus car à chaque inscrit Michel donnait un sachet
qu’il piochait dans une boîte en carton qui était dans le coffre de la voiture.
- J’ai récupéré ça jeudi à la fonderie, où je travaille. Cadeau de mon patron.
C’est un baudrier jaune fluo. On va pouvoir vous repérer de loin et il
faudra vraiment le faire exprès pour vous confondre avec un « cochon » !
Un grand éclat de rire parcourut l’assistance.
7h45... Une petite trentaine de chasseurs dont deux femmes écoute
avec attention les consignes de sécurité, les précisions quant au secteur
chassé, reconnaissent les chefs de ligne qui leur attribueront les postes de
tir.
- Une dernière information. Tout le monde se connaît sauf Nicolas que
voici. C’est un Ch'timi et c’est un « copain » de Catherine, ma filleule. On a
passé la soirée ensemble et…
- Pauvre garçon, il n’a pas du se coucher l’esprit clair ! Fit remarquer un
chef de groupe, en rigolant
- Un autre traquenard, ajouta l’une des deux femmes.
Une onde de rire parcourue l’assistance
7h55…La petite troupe, Michel et les 5 chefs de groupe en tête se
mettent en route et quitte la CD15. Tous avancent sur un sol sec et
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caillouteux, le fusil déchargé et ouvert, une corne en bandoulière. Nicolas se
retrouve au milieu des postes, ventre au bois, mais a du mal à voir sur sa
gauche le chasseur, une femme aux cheveux auburn, enfouis sous sa
casquette.
8h10 ...Tout est en place et il a aussi repéré le chasseur sur sa droite à
une cinquantaine de mètre. Il inspecte avec soin l’environnement et
découvre avec satisfaction que la zone réservée au tir fichant est dégagée sur
une quarantaine de mètres jusqu’à un ru rempli d’eau vive puis au delà
encore des champs de maïs et de tournesol. Quand le début de la battue est
annoncé par un coup de corne très long, Nicolas peut charger son fusil avec
une balle calibre 12.
8h15… Arthur entend le raffut provoqué par les aboiements des
chiens des rabatteurs : des Anglos, des Bruns du Jura ou des Biggles, tous
munis de grelots pour éviter les confusions !
8h 17…Un coup très long de corne. Maintenant on peut tirer.
8h22… Un long coup de corne se fait entendre. C’est un renard qui a
réussi à gagner le champ de maïs. Vu mais pas pris ! Puis trois coups au
poste 2 suivi presque immédiatement de trois coups longs et un bref puis un
coup de fusil.
Le cochon qui franchissait la ligne pour tenter de disparaître aussi
dans les maïs a échoué car trois coups longs et un taïautage annoncent sa
mort. Mais déjà de plusieurs postes des sonneries retentissent et les coups
de feu crépitent. Michel reconnaît au moins deux autres cochons, un
chevreuil et deux renards. Il sait que plusieurs bêtes ont été abattues.
9h15…Un cochon au pelage roux d’une soixantaine de kilogrammes
jaillit à 10 mètres de Michel, s’arrête, le regarde, semble évaluer la scène
puis repart sans précipitation et s’enfonce dans les maïs. Michel a été
tellement surpris qu’il n’a pu que sonner du cor trois coups longs et un
bref. Il pensait sans doute à autre chose ! Il savait qu’un cochon pouvait
sortir de cet endroit mais un court instant Michel n’était plus là…
10h 20 …Les rabatteurs étaient proches et le cor sonnait sans cesse
ponctué de coups de fusils.
10h35… Quand Michel vit les chiens il sonna longuement trois fois.
La battue était terminée. Il fallait décharger les armes. On pouvait enfin
quitter son poste et plusieurs chasseurs purent se soulager…
Les chasseurs devaient maintenant récupérer ce qui avait été tués.
Pour les bêtes blessées, on verrait ça demain.
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Il fallait remonter les cochons qui faisaient leur poids et ce n’était pas
une sinécure. Certains buvaient un verre d’eau... Normalement !
10h38... Un cri couvrit les conversations qui commentaient les exploits
et les manques de cette première chasse. Le cri déchirant d’une femme qui
sanglotait. Michel pensa immédiatement à Nicolas.
10h53…Le break 504 Peugeot Dangel quitte la gendarmerie de
Vouneuil Matours et file vers la CD15 derrière Monthoiron.
L’adjudant-chef Jérôme Roquet avait abandonné le volant à Jean
Catalani natif de Solenzara-Sari qui avait rejoint la brigade un bon mois
avant Pâques. Depuis que l’adjudant avait réussi à rapatrier le 4x4 de
Guyane, où il avait effectué un séjour de deux ans, tous ses gendarmes se
battaient pour le conduire. Il n’y avait que sa brigade qui avait un tel engin
dans toute la France. Faut dire que c’était pour ainsi dire une épave tant la
carrosserie avait souffert lors d’une sortie de piste alors que le peloton tentait
de débusquer des orpailleurs venus du Brésil ou du Surinam. « Le
mobilier » qui rentrait en Métropole était bien particulier mais l’important
était qu’il se trouvait dans cette gendarmerie prés de Châtellerault.
Après, la patience et un savoir faire indéniable de certains militaires
avaient permis la restauration impeccable du monstre. Celui-ci avait une
forte garde au sol ce qui permettait de sillonner sans difficultés les chemins
forestiers souvent défoncés lors des patrouilles nocturnes dans les forêts du
secteur. Et comme le 4x4 avait toujours ses batteries de phares additionnels,
il était un « outil » remarquable pour la « chasse » aux braconniers de
tous poils.
Le gyrophare avait été allumé mais comme la circulation était
presque inexistante, la sirène restait muette. Il ne fallait pas « effaroucher les
hôtes de ces bois » qui étaient traversés.
Un homme s’agitait au beau milieu de la route et quand il comprit que
le véhicule ralentissait, il regagna le bas côté et attendit. La voiture de la
gendarmerie s’arrêta à sa hauteur et l’adjudant-chef descendit.
- Ah, c’est toi Michel, dit le militaire qui était content d’être en terrain
connu.
- Bonjour Jérôme, laissa tomber le chasseur qui connaissait aussi le
gradé.
- Alors ?
- Un tour de con !
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- Mais encore ?
- Un chasseur est mort ! Il s’est fait descendre par un autre ! Sale
accident !
- Tu me conduis, tu m’expliqueras en allant.
- C’est bien à 600 mètres. Tu peux utiliser ton tank…
- Faut pas exagérer mais tu as raison, ce sera plus rapide. Tu n’as qu’à
monter à l’arrière.
- C’était une belle battue au sanglier et on a réussi à tuer les quatre bêtes,
trois noires et une rousse qui nous étaient alloués sur le plan de chasse. En
plus le temps est magnifique. Tout s’était déroulé parfaitement et il a fallu
cette connerie pour tout foutre par terre !
- Le chasseur, je le connais ?
- Non ! Même moi, je ne le connais pas !
- Qu’est ce que tu me chantes là. Comment ça, tu ne le connais pas ! Il ne
faisait pas parti de la battue ? C’était un promeneur ? Le balisage de la
zone n’était pas bien effectué ?
- Pas si vite ! Il était mon invité et…
- C’était ton invité et tu ne le connaissais pas ? Ma foi, j’y perds mon
latin.
- Je vais t’expliquer. C’est simple. C’est un ami de ma filleule. Tu l’as
connais, ses parents son installés dans le Nord
- Dans les assurances ?
- Ah, tu vois. Tu l’as connais !
- Tu m’en as déjà parlé. Nuance car je ne l’ai jamais rencontrée.
- Je croyais mais ce n’est pas important. Pourtant, il y a bien longtemps,
pas loin de vingt ans, qu’elle est remontée pour terminer ses études à
Poitiers à l’école supérieure de Commerce puis elle a créé son propre
cabinet d’assurances. En fait une filiale de ses parents !
- Et c’est son mec ?
- Non, je ne sais pas à vrai dire ! C’est un ami qu’elle a connu là bas.
Dit-il, allongeant le bras vers l’horizon lointain. Elle va fêter ses
quarante ans demain et elle l’a invité pour le changement de dizaine.
- C’est réussi. Et que vient-il faire dans ta chasse ?
- Catherine est venue hier soir pour voir sa tante et il l’accompagnait. Un
problème d’assurance ! On a fait connaissance. Il était très sympathique
et comme il revenait d’une chasse en Afrique, on a parlé de chasse et
finalement je lui ai proposé de participer à celle-ci. Si j’avais su !
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- C’était son Karma ! Tu n’es pas responsable, mais qu’est-ce qu’il avait
chassé en Afrique ?
- Le phacochère qui est le sanglier du coin.
- C’est grand l’Afrique.
- Au Sénégal, près de Saint Louis.
- Et il était venu avec tout le matériel ?
- Non, pas du tout. Il avait ma corpulence d’il y a une dizaine d’années
et je lui ai tout fourni. Il a essayé hier soir et comme ils ont passé la nuit
chez moi, il était sur place pour se préparer ce matin.
- Dans la chambre d’amis, car il n’était plus très frais hier soir, je
suppose ?
- Ben, c’est à dire que ce » couillon » a apprécié mes productions. Il n’a
pas été malade mais j’ai préféré qu’ils ne prennent pas la route.
- Parce que ta nièce était dans le même état ?
- C’était une avance sur son anniversaire !
- C‘est vrai ! Le « Drôle », il a bien fait d’en profiter ! Tu lui as fait
goûter ta production je suppose ?
- Une petite eau de vie de prune.
- Dans un grand verre et…
- De l’épine !
- Et ton porto ?
- C’était à l’apéritif.
- La totale ! Et ils étaient dans le même lit ?
- Ben oui. Pourquoi pas ! Je ne les ai pas forcés et ils étaient majeurs. Vu
son état, il n’a pas du lui faire grand mal, rajouta-t-il à voix basse.
- J’ai entendu, je suis pas sourd !
- On arrive. Il faut continuer à pied. Encore une trentaine de mètres.
Tous les chasseurs étaient rassemblés prés du lieu du drame
commentant les circonstance de ce qui était à l’évidence un malheureux
accident comme il s’en produit malheureusement chaque année.
Le véhicule s’arrêta au milieu du chemin et les quatre gendarmes
mirent pied à terre. Une Renault 4L s’arrêta juste derrière le monstrueux
véhicule de la gendarmerie. Elle était couverte de boue séchée tandis
qu’un homme en descendit. Il portait des chaussures marron, un pantalon
de velours brun, un pull à col roulé noir et une veste assortie au
pantalon.
- Bonjour docteur dit simplement Michel au nouveau venu qui était mal
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rasé et avait la mine renfrognée.
- Salut, répondit-il en levant sa main comme pour répondre à tous ceux
qui étaient présents. C’est l’ouverture et y a déjà un accident ! Ca
promet pour la suite… Même pas eu le temps de me raser. Pris juste un
café et réchauffé encore. Il grommelait de manière à peine audible. Alors
il est où le blessé ?
- Le mort, précisa Michel. Suis nous. On vient d’arriver et c’est là bas
prés du bosquet.
Toutes les conversations s’étaient tues et tous épiaient les mouvements
de la petite troupe.
- Quel poste il occupait TON INVITE déjà ? Demandait l’adjudant-chef
à Michel. En insistant sur le mot invité.
- Le 9 je crois.
- Que tu crois ! Bon admettons. Louis, tu t’occupes des postes 6, 7 et 8.
Yves. Tu vois les postes 10, 11 et 12. Quant à Henri, tu fais venir une
ambulance pour embarquer le corps, puis tu prends des photos et après tu
inspectes les lieux des fois que ?
Les gendarmes s’exécutèrent. Henri déplia l’antenne fouet et
lança son message à la brigade pour qu’elle fasse le nécessaire. Puis il
saisit l’appareil photo et vint faire le travail demandé.
Le docteur avait fait une rapide inspection sans toucher au cadavre
- Alors, de prime abord ? Demanda le militaire.
- C’est un calibre 12 qui est entré dans la poitrine et qui est ressortit
derrière. Un trou d’un doigt devant et de la taille d’un poing de l’autre
côté. La mort a été instantanée. Il n’a pas souffert et il n’a rien vu venir.
Son visage marque l’étonnement, la surprise et il a fait un sacré bond en
arrière. C’est le tronc qui l’a bloqué. Je ne serais pas étonné que la balle
soit dedans. Faut une autopsie pour en savoir plus mais il est encore
chaud. Il a reçu ce coup de fusil il n’y a pas longtemps. Environ deux
heures, ajouta le médecin en regardant sa montre. Voilà mon adjudant,
je vous laisse poursuivre. Je n’ai plus rien à faire ici. Bon dimanche tout
de même. Le docteur fit demi tour, rejoignit sa voiture, et partit après
avoir fait quelques manœuvres.
- Voila une chose de faite. Faut récupérer les armes, interroger tous les
participants, récupérer le registre de battue. La routine quoi.
- Et l’ambulance ? demanda Michel
- Elle est en route et ne devrait pas tarder. Catherine est chez toi ?
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- Oui. Va falloir la mettre au courant.
- Tu lui dis que je voudrais avoir une conversation avec elle.
- Où ?
- Chez toi, il va de soi et qu’elle m’attende !
La petite voiture de la gendarmerie tourna à droite après le panneau
routier indiquant qu’on entrait dans Monthoiron et continua jusqu’au bout
de l’impasse. Il longea la propriété avec son tennis et sa piscine, protégés
des regards toujours indiscrets par une haute haie de lauriers et se gara sur
la gauche sur le terre-plein prés du hangar attenant à la maison. Il était
arrivé chez Michel Champigny. Il descendit et s’avança vers l’entrée.
Michel, ouvrit la porte et s’avança vers Jérôme Roquet.
- Déjà ! Tu as fait vite, dit Michel, tutoyant le gendarme qui était seul.
- Le temps de retourner à la brigade, manger un encas, changer de voiture
et me voilà arrivé, par le haut..
- Pourquoi de ce coté ? C’était plus rapide par le bas du village ?
- Je suis retourné sur le lieu de l’accident et j’ai emprunté la D9.
- Pourquoi faire ? demanda surpris le Président de la Société de chasse
- Je suis allé déposer Yves et Louis. On a trouvé la balle dans le tronc. Ils
vont faire un tour du secteur et faire des relevés, prendre des photos….
- Il y a un problème ?
- Non. Répondit l’adjudant chef d’un air convaincu.
- Catherine t’attend. Elle est abattue et se culpabilise.
- Pourquoi donc ?
- Si elle n’était pas venue hier avec son ami. Si elle n’était pas restée pour
passer la nuit…
- Et si tu ne lui avais pas parlé de chasse, ou si tu ne l’avais pas invitée
etc. etc. Avec des « scies » on coupe du bois. On ne peut pas revenir en
arrière. Ce qui est fait est fait !
- Certes, mais on pourrait longtemps épiloguer.
- C’était sa destinée, son karma ! Si on veut trop réfléchir, il n’était pas
obligé de rester pour la nuit, d’accepter cette chasse ! Si tu veux bien, tu
me laisseras seul avec elle.
- Naturellement.
Catherine était assise dans la cuisine avec sa tante qui cherchait à la
réconforter. Elle avait pleuré et son rimmel avait coulé laissant deux traces
noires sur ses joues. Jérôme percevait dans ce joli visage aux traits fins
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toute la misère du monde.
- Tout d’abord, Mademoiselle, je vous présente mes condoléances pour ce
tragique accident qui est survenu à votre ami.
- Merci. Je ne puis encore y croire. Nicolas était arrivé hier à midi et il se
faisait une telle joie d’assister à mon anniversaire.
- Il y a longtemps que vous le connaissez ?
- Nicolas ? Oui. Naturellement.
- Vous l’avez vu quand la dernière fois ?
- Pour mes trente ans !
- Cela fait un sacré bail dix ans ? Dit surpris le gendarme.
- On se donnait des coups de téléphones pour se tenir au courant de nos vies.
- Oui, mais ça me semble fort espacées vos rencontres ! Quelles étaient vos
sentiments envers ce Nicolas ?
- Il n’y avait rien entre nous, si c’est ce que je crois comprendre. Que de
l’amitié !
- Jamais rien ?
- Je possède un grand appartement à Chauvigny avec trois chambres et
Nicolas s’était installé dans la chambre d’amis.
- Et votre « ami » n’était pas jaloux. J’ai remarqué que vous ne portiez pas
d’alliance. Une belle jeune femme comme vous ne doit pas être seule, si je
puis me permettre ?
- Vous avez raison et je suis flattée de votre compliment. Je vais être franche
avec vous, beau militaire. Je n’aime pas les hommes. Suis-je assez claire ?
- Je pense que oui, lâcha l’adjudant-chef décontenancé par la franchise de
la jeune femme.
- Vous ne pensez pas à un accident de chasse ?
- Il ne faut éluder aucune piste même si il y a 99,99% de chances pour
que ce soit un malheureux accident. Le geste d’un « jaloux » pouvait être
une piste intéressante.
- Je comprends, mais non !
- On n’a plus qu’à attendre les résultats de la balistique ce qui va être rapide.
Ce fut le calibre 12 de sa voisine qui fut incriminé.
Les mortels ne pouvaient imaginer que leurs destins étaient presque
écrit dés leur naissance. et que trois sœurs austères tissaient, déroulaient,
tranchaient à leurs convenances ce fil qui était leur vie ! Il fallait bien
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trouver une cause compréhensible... une cause humaine !