Collection historique des principales vues des Pays
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Collection historique des principales vues des Pays
Collection historique des principales vues des Pays-Bas, dédiée au Roi. Tournai : chez Dewasme et Cie (de l’imprimerie de J. Casterman), [1823-1824]. L’invention de la lithographie par Aloïs Senefelder à l’extrême fin du XVIIIe siècle permet d’ajouter un nouveau procédé d’illustration, à plat, venant s’ajouter aux traditionnels procédés sur bois, en relief, et sur cuivre, en creux. Ce procédé requiert une presse spéciale utilisant une pierre lithographique et l’impression se fait par répulsion de l’encre, corps gras, et de l’eau, sur la pierre. Au début du XIXe siècle, cette technique permet de publier de nombreux livres de topographie contenant des textes imprimés sur une presse typographique et de grandes planches hors texte imprimées séparément à l’aide d’une presse lithographique. Cette forme de publication investit un genre utilisant au mieux le pittoresque, les monuments et paysages, d’autant qu’il rend particulièrement bien les dessins, les effets d’ombres et de lumières, et les recueils de lithographies sont ainsi très prisés en Belgique à l’époque romantique. Le procédé est d’ailleurs précoce à Mons et Bruxelles, comme en témoignent les productions de Jean-Baptiste Madou, mais il l’est aussi à Tournai. Le présent recueil, dédié au roi Guillaume Ier des Pays-Bas, est publié par une société d’artistes tournaisienne formée par l’éditeur Antoine Dewasme (1797-1851) et le chevalier Auguste Prosper Basterot de La Barrière (†1844). L’édition se fait par souscription et les amateurs reçoivent successivement douze livraisons de huit planches chacune publiées de 1823 à 1824. L’ensemble forme un beau recueil de 96 planches accompagnées de textes descriptifs imprimés par la plus grande maison d’édition tournaisienne de l’époque, celle de Josué Casterman (1783-1872), regroupés en tête. La page de titre lithographiée aux allégories des Pays-Bas septentrionaux, à gauche, et de la Belgique, à droite, est l’œuvre d’un amateur, le comte A. de Lannoy, qui s’est inspiré d’une esquisse du peintre tournaisien Philippe-Auguste Hennequin (1762-1832), directeur de l’Académie de Tournai. Les dessins sont l’œuvre de différents artistes du moment, professionnels ou amateurs, parmi lesquels Hallart, Vermote, le capitaine Roloff, le capitaine De Man, le lieutenant Poellaert ou de Pellaert, De La Court, Demoter, Van Asche, Van Disten père, A. Vandesteen, Depelchin, Fauquez. La majorité des œuvres provient toutefois du chevalier de La Barrière, de Jean-Baptiste De Jonghe (1785-1844) et de Louis Hagué (1806-1885) de Tournai, qui allait devenir lithographe de la reine Victoria. Les dessins ayant servi aux lithographies ne sont pas nécessairement contemporains de cette entreprise éditoriale. En témoignent le fort de la Haine à Mons, lithographié d’après une œuvre de Philibert Bron à Mons datée de 1813, ou le Château César à Louvain, dont le dessin est daté de 1778 et signé Goethals. Les artistes ont reproduit des châteaux, demeures particulières, abbayes, couvents, églises, villes, ruines et paysages situés principalement en Belgique, parfois dans le Luxembourg et dans les Pays-Bas septentrionaux. On y découvre les édifices tels qu’ils se présentent à l’époque, certains ayant aujourd’hui disparu, telle la maison de Juste Lipse à Overijse, d’autres fortement restaurés, tel le château de Beersel, ou reconstruits, comme les halles d’Ypres. L’exemplaire est complet de toutes ses livraisons et de toutes ses planches, ce qui n’est pas toujours le cas ; il conserve encore le prospectus et avis de souscription accompagnant la quatrième livraison. Le livre est rare, comme tous les « incunables » de la lithographie, tout particulièrement ceux publiés en livraisons, celles-ci ayant tendance à s’égarer et à disparaître. Il est d’autant plus rare que La Feuille de Tournay, journal local, dans son numéro du 23 mars 1823, suggère pratiquement aux amateurs de tronçonner cette suite de lithographies en éléments décoratifs, soit en autant d’estampes décoratives à accrocher au mur : « Ces vues, lithographiées sur le même format, peuvent orner une galerie, un cabinet, un appartement, à peu de frais, et offrent tous les agréments, toute l’illusion des estampes les plus recherchées et qu’on ne peut se procurer qu’à prix d’argent ». L’exemplaire provient d’un collectionneur tournaisien, Adolphe Trentesaux (1805-1857), magistrat, membre de la commission administrative de l’Ecole des arts et métiers et élu au conseil provincial. Sa bibliothèque est dispersée par le libraire Ferdinand Heussner à Bruxelles le 10 décembre 1857 et jours suivants. La présence d’un grand nombre de livres tournaisiens dans cette collection détermine le libraire à les regrouper au début de la vente et du catalogue, comme éléments d’une bibliographie tournaisienne, inexistante à l’époque. C’est à cette vente que la Bibliothèque royale de Belgique fait l’acquisition de ce recueil de lithographies. Claude Sorgeloos