Réponse à l`étude Emotional Problems among Children with Same

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Réponse à l`étude Emotional Problems among Children with Same
 Réponse à l’étude Emotional Problems among Children with Same-­‐sex Parents: Difference by Definition de D. Paul Sullins, publiée au British Journal of Education, Society & Behavioural Science le 18 février 2015 par Martin della Valle, 30 mars 2015 L’essentiel en bref •
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Les résultats de l’étude Sullins contredisent 40 ans de recherche sérieuse. L’étude n’a fait l’objet ni d’une évaluation par des expert-­‐e-­‐s ni d’une publication dans un journal scientifique renommé. Le nombre de participant-­‐e-­‐s (512) est relativisé par le fait que les enfants sont issus de configurations familiales très diverses, tandis qu’une nouvelle étude réalisée à Melbourne (qui arrive au résultat contraire) a examiné 500 enfants de vrais parents LGBT. Sullins est un théologien qui se concentre dans sa recherche essentiellement sur l’avortement et les enjeux du genre ; l’étude a été financée par une université catholique dans un but idéologique évident. L’étude applique deux poids, deux mesures : elle compare les enfants de familles hétérosexuelles intactes à des familles LGBT aux origines et aux situations très variées. L’adoption est systématiquement présentée sous un jour défavorable. Les familles adoptives ont les mêmes résultats, qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles. Conclusions : •
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L’étude Sullins ne peut aucunement fournir des indications sur l’effet du mariage homosexuel sur les enfants parce qu’aucun couple homosexuel marié n’a été pris en considération. Les prétendus résultats concernant les États-­‐Unis ne peuvent être transposés à d’autres pays (Sullins lui-­‐même met explicitement en garde contre une telle démarche). Tout comme l’étude Regnerus voici deux ans, l’étude Sullins est, en fin de compte, le meilleur argument pour une totale égalité des droits et pour l’ouverture du mariage – parce que les enfants grandissant dans des familles intactes où les parents sont mariés évoluent mieux que les enfants vivant dans d’autres situations. Le contexte de l’étude L’étude prétend réfuter la théorie « no difference », établie depuis longtemps, selon laquelle il n’y a pas de différence décelable entre les enfants élevés dans des familles hétérosexuelles et ceux grandissant dans des familles LGBT. Même si ses résultats étaient au-­‐dessus de tout soupçon (ce qui n’est pas le cas), l’étude se trouverait face à des centaines d’autres études ayant démontré le contraire au cours de ces 40 dernières années. Un consensus écrasant existe dans les milieux académiques (par ex. American Sociological Association et American Psychological Association APA) pour dire que les enfants de parents homosexuels ne sont pas désavantagés. Docteur en théologie et employé par une université catholique, le directeur de l’étude, D. Paul Sullins, concentre sa recherche explicitement sur les questions sociologiques (concernant l’avortement ou les enjeux de genre, par exemple) intéressant particulièrement les catholiques (http://sociology.cua.edu/faculty/bios/paul-­‐
sullins.cfm). Ni lui ni les financeurs de l’étude ne sont donc neutres par rapport à la problématique posée, bien au contraire. Le British Journal of Education, Society & Behavioural Science qui publie l’étude n’est affilié à aucune institution académique (et, malgré son nom, n’est pas non plus britannique). Il appartient à une société à but lucratif (Sciencedomain International), et les scientifiques paient pour être publiés par le Journal (http://www.sciencedomain.org/about-­‐journal.php?id=21). Aussi le Journal a-­‐t-­‐il une faible renommée internationale, et il n’y a rien d’étonnant à ce que l’organisation qui est derrière cette revue soit listée comme « éditeur scientifique en accès libre potentiellement, possiblement ou probablement prédateur » (« potential, possible, or probably predatory scholarly open-­‐access publishers ») par l’un des principaux répertoires – un indice fort tendant à décrédibiliser le Journal. Ce type de revue n’a aucun lien avec des sociétés académiques, ne figure dans aucune banque de données majeure référençant les revues académiques et publie des milliers de documents très peu évalués par des pairs. Quand on regarde le tableau des revues par les pairs pour l’étude Sullins (http://www.sciencedomain.org/review-­‐history.php?iid=823&id=21&aid=8172), il devient en effet rapidement évident qu’aucune proposition significative de modification n’a été apportée ; la plupart des commentaires se limitent en effet à des propositions de formulation ou de structuration sans jamais aborder les vrais problèmes de principe, de fond ou systématiques. Les trois dernières publications de D. Paul Sullins, qui traitent toutes de la même thématique, ont été publiées dans des revues dont la renommée est tout aussi mauvaise ; aucune de ces publications n’a été soumise à un journal scientifique respectable. L’étude elle-­‐même Généralités : La taille apparemment importante de l’échantillon, mise en avant par les défenseurs de l’étude, doit être relativisée. Si l’étude a bien eu accès aux données de 207’000 enfants, seuls 512 parmi eux vivaient avec des parents LGBT, ce qui correspond à peu près aux 500 enfants de parents LGBT étudiés dans le cadre d’une nouvelle étude réalisée par l’University of Melbourne (Parent-­‐reported measures of child health and wellbeing in same-­‐sex parent families: a cross-­‐sectional survey, Crouch et al., publiée le 21 juin 2014) – à la différence près, que cette dernière a en effet étudié des enfants élevés dans des familles LGBT. Deux tiers des enfants étaient nés au sein de couples LGBT existants, les autres étant issus d’une relation précédente ou ayant vu le jour alors que leur mère biologique était célibataire (http://www.biomedcentral.com/1471-­‐
2458/14/635/). Ce sont des précisions que l’étude Sullins n’est pas en mesure de fournir. Comme Regnerus, qui a dû le reconnaître il y a deux ans concernant son étude, Sullins applique deux poids, deux mesures : si les familles hétérosexuelles sont clairement définies et classifiées (la catégorie de référence est définie comme « famille nucléaire… les enfants cohabitent avec leurs parents mariés qui sont tous deux les parents biologiques de tous les enfants de la famille »), toutes les familles LGBT sont mises dans le même sac, indépendamment de leur origine, de leur cohabitation ou non, de leur naissance au sein du couple ou d’un mariage hétéro brisé, de l’ancienneté du couple, de l’âge de l’enfant au début de la relation du couple, etc. Extrait de l’étude : « Presque tous les parents de sexe opposé élevant ensemble des enfants biologiques sont toujours mariés, tandis que très peu de parents de même sexe étaient mariés durant la période étudiée. Avant 2004, les couples de même sexe n’étaient autorisés à se marier dans aucun État des États-­‐Unis, et ensuite seulement dans une petite minorité d’États » (Sullins 2015, p. 102). Sullins reconnaît donc implicitement qu’il oppose un modèle LGBT disparate au modèle hétéro « idéal », qu’il compare donc des éléments non comparables. L’étude Sullins ne peut de ce fait aucunement fournir des indications sur l’effet du mariage homosexuel sur les enfants parce qu’aucun couple homosexuel marié n’a été pris en considération ! Si la stabilité de parents biologiques mariés est vantée, il ne faut pas oublier qu’il ne pouvait y avoir, jusqu’il y a peu de temps encore, de couples LGBT mariés ! Ainsi, si l’on considère non pas le critère du mariage mais le fait du lien de parenté, l’étude en vient à la conclusion suivante : extrait de l’étude : « Dès que le degré de relation biologique est pris en compte, il n’y a de toute évidence aucune différence en termes de risque entre les familles homoparentales et les familles hétéroparentales recomposées ou dont les parents vivent en union libre. On peut donc affirmer que l’hypothèse de la structure familiale est dans une certaine mesure confortée : dans les formes familiales comparables (c’est-­‐à-­‐dire l’union libre et les familles recomposées), le risque de problèmes émotionnels est le même pour les parents de même sexe que pour ceux de sexe opposé, une fois les différences biologiques égalisées. » (Sullins 2015, p. 113). L’étude admet en passant que les différences entre la parentalité homosexuelle et la parentalité hétérosexuelle entrent uniquement en ligne de compte lorsque l’on considère le lien de parenté biologique. Pour les familles adoptives, les résultats sont les mêmes, que les parents soient homosexuels ou hétérosexuels, comme le mentionne l’étude explicitement (Sullins 2015, p. 113). Ce qui ne change rien au fait que l’étude n’oppose pas son modèle de référence (« idéal ») à une structure familiale comparable, tout en présentant ses résultats comme si elle l’avait fait. Le résultat cité dans l’émission de débat politique Arena diffusée le 27 février dernier par la télévision suisse alémanique selon lequel les enfants de familles LGBT « nécessitent quatre fois plus d’aide psychiatrique/psychologique » que les autres est une distorsion à deux égards : (1) l’émission compare (comme l’étude elle-­‐
même) toutes les familles LGBT à deux parents (indépendamment de leur origine) au modèle de référence de la famille nucléaire hétérosexuelle mariée ; (2) l’étude elle-­‐
même identifie pour son analyse le facteur 2,3 (au lieu de 4) comme meilleure mesure (c’est-­‐à-­‐dire comme mesure exagérant le moins les différences [« as being least likely to overstate opposite-­‐sex/same-­‐sex differences »]) – bien entendu, toujours sans prendre en compte l’ensemble des problèmes mentionnés plus haut. NB : Lorsque d’autres facteurs tels que le sexe, la couleur de peau, le niveau d’éducation ou le revenu des parents sont pris en compte, l’incidence de problèmes psychologiques chez les familles LGBT passe soudainement à seulement 13 % au-­‐dessus de la ligne de base, toujours sans prendre en compte la problématique inhérente à l’échantillon (Sullins 2015, p. 108). Sullins affirme que l’avantage principal des parents mariés de sexe opposé n’est pas que leurs enfants ont de meilleurs parents (citation : « …même si c’est certainement également le cas » – en vertu de quels faits soutient-­‐il cela?), mais qu’ils ont leurs propres parents (biologiques). Ce qui soulève la question, comme souvent lorsque des arguments similaires sont avancés, de la pertinence d’autoriser l’adoption per se. L’étude présente en effet le principe même de l’adoption sous un jour défavorable (tout en admettant que la trop petite taille de l’échantillon ne permet pas d’obtenir des résultats significatifs permettant de comparer l’adoption hétéro à l’adoption homo) (Sullins 2015, S. 110). En détail : Locataires/propriétaires L’un des facteurs utilisés par l’étude comme indicateur de stabilité d’une relation est l’opposition locataires/propriétaires du logement. L’argumentation est la suivante : les parents LGBT sont plus souvent locataires que les parents hétéro à les locataires déménagent plus souvent que les propriétaires à les déménagements fréquents sont synonymes de moindre stabilité, qui est quant à elle synonyme de problèmes émotionnels plus importants. L’étude ne mentionne nulle part que les parents LGBT vivent plus souvent dans des centres urbains que les parents hétéro – et que les villes comptent plus de locataires que de propriétaires. (Par ailleurs, cette conclusion ne peut guère être transposée à la Suisse où le pourcentage de locataires est bien plus significatif qu’aux États-­‐Unis). Harcèlement Autre argument de l’étude: d’un côté, elle prétend pouvoir éliminer le facteur « harcèlement » des enfants. D’un autre côté, elle dit que l’état émotionnel des parents a une incidence significative sur les enfants – et que la prévalence de troubles mentaux est plus grande chez les LGBT que chez les hétéros. Si nous ne partons pas du principe que l’homosexualité conduit per se à des troubles mentaux (et donc que le taux de suicide bien plus élevé chez les jeunes homosexuel-­‐le-­‐s est de leur propre faute plutôt que dû à l’hétéronormativité de la société), il en découle forcément que l’était psychique « plus mauvais » des parents LGBT est lié au stigma social auquel ils sont exposés leur vie durant. Bref : l’étude a peut-­‐être exclu le facteur de « harcèlement » chez les enfants, mais certainement pas chez les parents. (Il est tout de même intéressant de noter que l’étude précise aussi que les enfants de familles LGBT sont moins sujets au harcèlement que les enfants de familles hétéro. Oublié, le mantra sans cesse répété : « ces pauvres enfants, ce qu’ils doivent endurer à l’école » ?) Système d’adoption / transposition USA-­‐Suisse L’étude Sullins ne prend pas non plus en compte le fait que les parents LGBT, notamment aux États-­‐Unis, adoptent plus souvent que les couples hétérosexuels des enfants difficiles à placer car plus âgés, issus d’un environnement marqué par la dépendance à la drogue ou à l’alcool ou par les abus sexuels, etc. Ces enfants (dont personne d’autre ne veut) ont d’emblée de plus gros problèmes émotionnels que les autres enfants, surtout si on les compare à des enfants élevés chez leurs parents biologiques qui n’ont jamais été placés en institution ou dans une famille d’accueil. Au regard des énormes différences qui existent entre les systèmes et cultures aux États-­‐Unis et en Suisse en matière d’adoption, ce facteur n’est guère non plus transposable au contexte suisse. Sullins même met en garde contre toute transposition à d’autres pays des résultats trouvés aux États-­‐Unis. Les rivalités dans les familles homoparentales La discussion de l’auteur selon laquelle les mères, dans un couple homosexuel, sont obligatoirement confrontées à la concurrence entre elles, à des rivalités et à des problèmes de jalousie en lien avec la conception de l’enfant et le rôle de mère, alors que ces réalités sont étrangères aux parents hétérosexuels, relève purement du rédactionnel ; les études citées à ce propos ne permettent en aucun cas de tirer cette conclusion, du moins d’après ce que l’on en trouve sur le net (et sans parler du fait que ces études portent bien entendu, elles aussi, sur ces échantillons de petite taille tant décriés, ce qui fait qu’elles devraient être qualifiées comme non pertinentes par Sullins). Par ailleurs, Sullins ne fait absolument pas mention de toutes les études qui sont arrivées à la conclusion que les parents de même sexe organisent la vie de famille d’une façon plus équitable que les familles hétéro, transmettant ainsi à leurs enfants des représentations moins rigides. Brève conclusion Tout comme l’étude Regnerus voici deux ans, l’étude Sullins est, en fin de compte, le meilleur argument pour une totale égalité des droits et pour l’ouverture du mariage – parce que les enfants grandissant dans des familles intactes où les parents sont mariés évoluent mieux que les enfants vivant dans n’importe quelle autre situation. 

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