Caractérisation et modélisation de microtransducteurs de pression à

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Caractérisation et modélisation de microtransducteurs de pression à
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CHAPITRE I
CONCEPTION
DE MICROCAPTEURS
DE PRESSION PIEZORESISTIFS
A MEMBRANE SILICIUM
A HAUTES PERFORMANCES
Chapitre I : Conception de microcapteurs de pression piézorésisitifs à membrane silicium à hautes performances 23
Chapitre I
Conception de microcapteurs de pression piézorésistifs à
membrane silicium à hautes performances
I.1 Introduction
Ce chapitre permet d’introduire les principaux termes utilisés et étudiés au cours de cette
thèse et de préciser les objectifs de ce travail. Nous rappelons brièvement l’architecture générale
et le principe de fonctionnement d’un capteur de pression piézorésistif de type PSOI (de l’anglais
PolySilicon On Insulator : polysilicium sur isolant) microusiné sur silicium. Les avantages de
cette structure compatible avec la technologie microélectronique classique pour le développement
de microcapteurs de pression fonctionnant à haute température (• 200°C) sont présentés. Le
microusinage en volume du silicium pour définir le corps d’épreuve sera évoqué mais sera surtout
décrit en détail et caractérisé au chapitre II. Enfin la nécessité du développement de modèles du
comportement thermomécanique des membranes SiO2/Si (étude des dérives thermiques, des
concentrations de contraintes) pour la conception de microcapteurs de pression à haute
performance (l’objectif des industriels est une précision pleine échelle de 10-4) est présentée.
I.2 Architecture générale d’un microcapteur de pression piézorésistif à
membrane de type PSOI
I.2.1 Principe de fonctionnement
Un capteur de pression piézorésistif à membrane de type PSOI est un capteur composite
(Figure 1). Une membrane en silicium oxydée de quelques millimètres de côté et quelques
24 Chapitre I : Conception de microcapteurs de pression piézorésisitifs à membrane silicium à hautes performances
microns d’épaisseur recouverte d’oxyde constitue le corps d’épreuve qui se déforme sous l’effet
d’une pression appliquée. Des jauges piézorésistives en polysilicium en surface du corps
d’épreuve forment un conditionneur passif. La déformation de ces jauges se transforme en
variation de résistance.
Figure 1 : structure d'un capteur de pression piézorésistif à membrane
Le polysilicium de type p implanté au bore présente un facteur de jauge longitudinal KL
positif et un facteur de jauge transversal KT négatif [9]. Pour avoir une sensibilité élevée le
conditionneur du capteur peut être constitué de deux jauges longitudinales et deux jauges
transversales disposées en bordure de membrane et interconnectées en pont de Wheastone [10]
par des pistes d’aluminium. (Figure 2). La tension de sortie du pont de Wheastone alimenté en
tension ou en courant constant est proportionnelle à la pression appliquée, aux facteurs de jauges
du polysilicium, et à la tension ou au courant d’alimentation. Une description détaillée du
conditionneur piézorésistif sera donnée au chapitre VI.
Figure 2 : schéma en coupe d'un capteur piézorésistif à membrane de type Silicium sur Isolant
Chapitre I : Conception de microcapteurs de pression piézorésisitifs à membrane silicium à hautes performances 25
Le corps d’épreuve est réalisé par gravure chimique anisotrope localisée du silicium. En règle
générale les solutions de gravure anisotropes sont des solutions alcalines à haute température (•
60°C) qui présentent la propriété d’attaquer plus vite les plans (100) du silicium que les plans
(111). Les gravures anisotropes permettent de contrôler précisément les dimensions latérales des
structures microusinées. Une couche de passivation (oxyde ou nitrure) ouverte par endroit par la
technique de photolithographie classique en microélectronique est utilisée comme masque. En
partant de substrats silicium orientés [100] cette méthode permet d’obtenir des membranes de
forme géométrique simple, carrée ou rectangle (Figure 3). Le microusinage en volume du
silicium par des solutions aqueuses d’hydroxyde de potassium (KOH) sera développé en détail au
chapitre II. Ce chapitre présentera également les différentes techniques d’arrêt de gravure pour
définir l’épaisseur de la membrane qui est un paramètre fondamental des performances du
capteur.
Figure 3 : schéma d’une membrane microusinée vue côté gravé a) et en coupe b)
I.2.2 Intérêt de la structure PSOI pour la réalisation de capteurs fonctionnant à
haute température
L’isolation électrique entre les jauges et le substrat étant assurée par la couche d’oxyde les
capteurs de type PSOI ne présentent pas, contrairement aux capteurs à jauges diffusées [11], de
limite en température liée aux courants de fuite des jonctions semi-conductrices. La température
limite de fonctionnement est fixée par le type de métallisation soit 200°C pour l’aluminium par
exemple [12]. Les propriétés électriques et piézorésistives du polysilicium pour différentes
26 Chapitre I : Conception de microcapteurs de pression piézorésisitifs à membrane silicium à hautes performances
conditions d’élaboration (type de dépôt, budget thermique de recuit, dopage) ont fait l’objet de
plusieurs thèses [13-15] et publications [16-21] et ont été étudiées jusqu’aux hautes températures
(200°C) [22, 15]. Bien que les facteurs de jauge du polysilicium soient inférieurs à ceux du
silicium monocristallin [23], le polysilicium présente l’avantage de pouvoir être déposé à faible
a
b
coût sur différents types d’isolants par PECVD ou plus généralement LPCVD à l’état amorphe
ou cristallin. Le budget thermique nécessaire au recuit d’implantation et à la cristallisation dans le
cas de films amorphes est réduit par l’utilisation de traitements thermiques rapides (RTAc). Pour
une structure donnée les coefficients de température de résistance (TCRd) et des facteurs de jauges
e
(TCK ) du polysilicium peuvent être ajustés en fonction du dopage. On peut ainsi optimiser les
paramètres de réalisation des jauges pour réduire les dérives thermiques du capteur. La résistivité
du silicium polycristallin est également supérieure et plus fortement dépendante du dopage que
celle du silicium monocristallin. Cette propriété permet de réduire la taille des jauges pour les
positionner dans les zones de fortes déformations du corps d’épreuve tout en gardant des valeurs
de résistances élevées.
I.2.3 Compatibilité des étapes de réalisation des capteurs avec la technologie
utilisée en microélectronique
Seule l’utilisation des infrastructures et de la technologie des circuits-intégrés silicium peut
permettre la production en masse de capteurs à faible coût. Les capteurs de pression piézorésistifs
à membrane de type PSOI sont réalisables avec les processus standards de la microélectronique.
La structure SOIf et le polysilicium sont en effet déjà largement employés en technologie
MOSg [24]. Si le microusinage du substrat pour la réalisation de la membrane reste encore une
étape chère on peut penser qu’elle deviendra standard dans le futur. L’importance de la
compatibilité des étapes de réalisation d’un capteur avec les processus standards de la
a
Plasma Enhanced Chemical Vapor Deposition : dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma
Low Pressure Chemical Vapor Deposition : dépôt chimique en phase vapeur sous basse pression
c
Rapid Thermal Annealing : recuit thermique rapide
d
Temperature Coefficient of Resistance : coefficient de dérive thermique de la résistance
e
Temperature Coefficient of Gage Factor: coefficient de dérive thermique du facteur de jauge
f
Silicon On Insulator : silicium sur isolant
g
Metal Oxide Semiconductor
b
Chapitre I : Conception de microcapteurs de pression piézorésisitifs à membrane silicium à hautes performances 27
microélectronique apparaît clairement dans le cas de la réalisation de capteurs intelligents (smart
sensors). En plus de sa fonction de transducteur un capteur intelligent possède toutes ou une
partie des fonctions suivantes : alimentation du capteur, amplification, filtrage et conversion du
signal, processeur de contrôle, traitement numérique du signal, interface, auto-diagnostic... [25].
Toutes ces fonctions peuvent être réalisées sur un autre substrat que celui du capteur (solution
hybride) mais la production de masse de capteurs intelligents à faible coût passe par l’intégration
du capteur et de son électronique associée sur une même puce [26]. Outre la baisse des coûts de
production, la combinaison des fonctions de traitement du signal et du capteur sur la même puce
offre des caractéristiques intéressantes. Par exemple les courtes distances entre le capteur et les
circuits de conditionnement du signal ainsi que l’absence de liaisons filaires permettent
d’augmenter le rapport signal sur bruit [27]. L’intégration de technologies performantes dans des
volumes réduits est importante dans le domaine aérospatial [28].
I.3 Nécessité des outils de modélisation et de conception pour optimiser
les performances des capteurs
La conception de capteurs de pression piézorésistifs à membrane demande la connaissance
du comportement mécanique du corps d’épreuve en fonction de la pression et de la température.
Nous verrons au chapitre IV que les modèles analytiques issus de la théorie des plaques [29] ne
peuvent pas tenir compte de l’encastrement particulier des membranes obtenues par microusinage
en volume du silicium. La discontinuité entre les plans (100) et (111) donne un caractère
mécanique singulier aux bords de la membrane (Figure 4) qui présentent sous pression des
concentrations de contraintes [30].
28 Chapitre I : Conception de microcapteurs de pression piézorésisitifs à membrane silicium à hautes performances
Figure 4 : zone de concentration des déformations et des contraintes en bord de membrane
De plus le silicium et l’oxyde composant le corps d’épreuve n’ont pas les mêmes propriétés
élastiques ni les mêmes coefficients de dilatation thermique. Selon le processus de réalisation du
film diélectrique (type de dépôt ou d’oxydation, température... ) la membrane présente un état de
contrainte initial pouvant influencer sa déformation en pression donc la sensibilité du
capteur [31]. Un modèle réaliste du corps d’épreuve doit prendre en compte le caractère
composite de la membrane et son état de contrainte surtout pour le développement de capteurs à
forte sensibilité nécessitant l’augmentation des dimensions latérales du corps d’épreuve et/ou la
diminution de son épaisseur. L’influence des couches diélectriques et de passivation sur la
sensibilité et les dérives thermiques des capteurs à membrane fait actuellement l’objet d’étude de
la part de grands industriels comme Motorola [32] ce qui met en évidence l’intérêt de ce travail
de thèse. Par ailleurs la réduction des temps et les coûts de développement de capteurs
performants nécessite l’intégration de modèles comportementaux de microsystèmes dans les
logiciels de conception de la microélectronique tels que SMASH (Dolphin Integration). A l’heure
actuelle il n’existe pas de logiciel standard de TCADh [33-36].
I.4 Modélisation mécanique et conception de microcapteurs à hautes
performances
Les propriétés physiques du polysilicium ayant déjà été étudiées au laboratoire l’objectif de
h
Technological Computer Assisted Design : conception technologique assistée par ordinateur
Chapitre I : Conception de microcapteurs de pression piézorésisitifs à membrane silicium à hautes performances 29
cette thèse a été de développer un modèle basé sur les propriétés physiques du silicium et de
l’oxyde, du comportement thermomécanique du corps d’épreuve pour prévoir son influence sur la
sortie électrique du capteur et optimiser ses performances. Ce modèle doit tenir compte de l’état
de contrainte initial de la membrane composite SiO2/Si et de son évolution en fonction de la
température pouvant être à l’origine de dérives thermiques du capteur. Il faut étudier l’influence
de cette contrainte sur la rigidité globale de la membrane et la déformation des jauges
piézorésistives. Tout modèle devant être validé expérimentalement des membranes SiO2/Si seront
réalisées par gravure chimique anisotrope du silicium, caractérisées par des méthodes de mesures
précises (profilométrie optique, spectrométrie infrarouge, micro-Raman) et étudiées en fonction
de la température et de la pression. La technique de microusinage du silicium et la caractérisation
des membranes vont faire l’objet du chapitre II.

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