Édito du service culturel

Transcription

Édito du service culturel
Lettre trimestrielle 4-12
n°10
Édito du service culturel
Sauver la citadelle
L’Institut de Sauvegarde du Patrimoine
National, ISPAN, est dans l’obligation
d’informer le public en général, et ceux qui
souhaitent visiter les monuments du Parc
National Historique Nord dans les prochains
jours d’un danger imminent qui plane sur la
Citadelle Henri.
Du 8 au 21 mars 2012, l’ISPAN a bénéficié
d’une mission scientifique de l’UNESCO pour
une évaluation des monuments haïtiens
inscrits sur la liste du patrimoine mondial.
Ainsi, les monuments du Parc National
Historique Nord ont été examinés de concert
avec les spécialistes nationaux non seulement
pour déterminer leur état de conservation mais
encore pour vérifier, le cas échéant, les
problèmes de toutes sortes. Environ cinq
cents échantillons et observations ont été
réalisés et collectés dans le Parc, Sans Souci,
Ramiers et la Citadelle.
Cette mission de l’UNESCO s’inscrit dans un cadre de travail sur trois
volets et concerne l’ISPAN sur le plan national et le Patrimoine
Mondial sur le plan international.
Le premier volet a permis d’élaborer le programme : « le patrimoine
comme fondation de la reconstruction ».
Ensuite, le volet relatif au programme Patrimoine Mondial de
l’UNESCO permet aux Etats membres d’évaluer et de mieux protéger
les monuments déclarés comme universels. Le Parc National
Historique Nord a été classé Patrimoine Mondial en 1982. Ce
classement a permis à Haïti de profiter d’une assistance multiple de la
part de plusieurs pays et institutions. Il a aussi été l’occasion pour
l’UNESCO de réaliser une levée de fonds en Europe d’un succès
sans précédent.
Fissures au pied de la Batterie
Service culturel de l’ambassade d’Haïti en France 35 av de Villiers 75017 Paris Tél : 01 42 12 70 57 Email : [email protected]
La période d’activités sismiques qui a commencé en
janvier 2010 a provoqué des dégâts importants. De
nouvelles fissures de grandes tailles sont visibles autour
des fenêtres et zèbrent les murs parfois sur deux à quatre
étages. Les ouvrages d’étaiement installés de 1979 à
1990 se sont écroulés. Des parties de maçonnerie
subissent des déplacements et font preuve d’une
dynamique inquiétante et dangereuse.
Ces observations extrêmement sérieuses nous obligent à
décréter l’état d’urgence qui se traduit par l’interdiction des
zones dangereuses à l’accès du public, ce, afin de
protéger les vies et les biens.
Trous dans les voûtes et planchers
Enfin, les efforts nationaux pour reprendre depuis 1990, la
deuxième phase de la restauration de la Citadelle et sa
mise en valeur en partenariat avec le Tourisme national
pour en faire une destination touristique exceptionnelle. La
première phase qui s’est déroulée de 1979 à 1990 avait
pour but de restaurer la Citadelle pour la mettre hors de
danger. La deuxième phase devait permettre de vérifier les
efforts de conservation et de créer des activités multiples
allant de l’organisation d’expositions à la création de visites
spécialisées et de produits générateurs de revenus. Cette
deuxième phase est en panne actuellement.
Le rapport complet de la mission scientifique sera
disponible dans trois mois. Cependant, les conclusions
partielles sont évidentes : l’essentiel des indices indique
que la Batterie Coidavid est en grand danger.
Il nous faudra aussi mener des investigations approfondies
et lancer un nouveau programme d’étaiement des
structures avec des ouvrages en bois.
Il est impératif de tout tenter pour sauver ce symbole
national et le restaurer complètement au plus vite. Aussi
est-il urgent de programmer pour les trois prochains mois
un programme pour sécuriser les lieux, créer des accès de
secours, commencer les relevés, établir et vérifier un
modèle d’intervention tout en menant les travaux de
conservation en parallèle.
L’ISPAN souhaite la collaboration de tous pour sauver la
Citadelle et la mettre à nouveau en valeur de manière
responsable et durable. Les entités nationales et
internationales et en particulier le Patrimoine Mondial de
l’UNESCO sont en train de se mobiliser pour intervenir
avec succès et résoudre le sauvetage de la Citadelle
Henry Robert Jolibois
INTERVIEW de Henry Robert Jolibois
Directeur général de l’ISPAN
Qui êtes vous M Jolibois et comment envisagez vous cette nouvelle responsabilité ?
Nommé le 30 décembre 2011, je suis un ancien de l’ISPAN, engagé depuis 1979 comme assistant de l’architecte Albert Mangonès,
fondateur de l’ISPAN et père spirituel du patrimoine haïtien. Devenu à mon tour architecte, j’ai travaillé à l’ISPAN de nombreuses années
et en ai été le directeur de 2006 à 2007. Aujourd’hui, je constate que les rêves de Mangonès sont atteints : acquisition des savoir faire,
conception de projets phares (Citadelle), et reconnaissance de l’ISPAN comme entité de l’Etat montrant des capacités techniques en
faveur du patrimoine haïtien, une continuité dans ses actions et une aventure humaine « multi-générationnelle ». Aujourd’hui, la question
du patrimoine étant désormais liée aux problématiques de tourisme et d’histoire, je souhaite développer le « para patrimoine » en
organisant des actions en direction des non spécialistes.
Quelle est la politique actuelle en matière de patrimoine ?
La politique du gouvernement actuel pourrait être appelée la politique des quatre « E » comme Emploi, Education, Environnement et Etat
de droit. Il nous faut développer l’emploi dans le domaine du patrimoine comme autrefois le service des monuments historiques, en
offrant des emplois aux résidents locaux lors de nos actions. Nous devons continuer à sensibiliser les populations sur la préservation de
leur patrimoine et à améliorer nos savoir faire par des formations. Pour mieux préserver notre environnement, nous souhaitons lier
patrimoines naturel et culturel, développer nos actions en ce sens tout en œuvrant pour le respect de la souveraineté de l’Etat.
Comment voyez-vous la nomination d’une secrétaire d’Etat au patrimoine ?
La nomination de Madame Elsa Baussan est un signe fort de la volonté de ce gouvernement. Cette femme est la gardienne de la
mémoire de sa famille, une famille d’architectes et d’ingénieurs qui ont créé de beaux monuments en Haïti dont le Palais National.
Formée au tourisme et à l’entreprenariat, elle a une expérience professionnelle riche. Actuellement, elle joue un rôle important et utile
de coordination auprès du Ministère de la Culture. Un budget lui a été promis.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’actions en cours ?
Ce sont seulement des concepts car nous n’avons pour l’instant pas les moyens financiers pour les mettre en œuvre. Nous souhaitons
renforcer le pouvoir des mairies et nous appuyer plus sur la société civile. Nous allons continuer nos actions de communication et
projetons de réaliser une publication pour les jeunes et les collectivités locales qui mettrait en évidence les patrimoines régionaux et
départementaux, les sensibiliserait au plus tôt à la préservation de leur patrimoine et susciterait des vocations. La reprise du Bulletin de
l’ISPAN est elle aussi prévue.
Le patrimoine haïtien est en danger car les gens utilisent les matériaux pour reconstruire. Nous avons aussi des projets de
développement, des projets de travaux publics de grande envergure qui mettraient en évidence notre richesse patrimoniale.
Que devrait être l’évolution de l’ISPAN selon vous ?
Aujourd’hui, l’ISPAN est un organisme déconcentré de l’Etat haïtien qui emploie une centaine de salariés fonctionnaires et une
quarantaine de contractuels, dont la plupart travaille en province (Citadelle, Cap Haïtien, Jacmel, Marchand Dessalines). Il serait
souhaitable que L’ISPAN change de statut juridique pour être plus autonome financièrement en devenant, par exemple, une compagnie
publique autonome, administrée par un conseil d’administration et un conseil scientifique. Le budget de l’ISPAN est aujourd’hui
insuffisant, il faudrait développer des recettes propres en faisant par exemple payer l’accès aux monuments nationaux et en
développant la recherche de financements et ainsi avoir les moyens de notre politique de protection et de mise en valeur du Patrimoine.
Recevez-vous l’aide de la coopération internationale ?
Nous recevons l’appui de l’UNESCO pour le Parc National Historique Nord : Citadelle, Sans Souci, Ramiers et le soutien de la
Coopération Espagnole pour les projets patrimoniaux de Jacmel. La coopération américaine, USAID, appuie certains projets. Par
ailleurs, l’ISPAN est chargé de la phase transitoire du programme du CSBC Centre de Sauvetage des Biens Culturels du Ministère de la
Culture et de la Communication en coopération avec l’Institution Smithsonian qui a démarré en février 2012.
Quel a été le rôle de l’ISPAN dans la reconstruction d’Haïti ?
L’ISPAN s’est occupé de sauvetage du Patrimoine dans le cadre post désastre. Lors de la phase de nettoyage et de logements
temporaires après le séisme, de nombreuses habitations endommagées du centre historique de Port-au-Prince ont été détruites et
rasées alors qu’il aurait été préférable de les garder pour les restaurer. Le séisme a projeté l’ISPAN à un niveau important de
responsabilités et vers des domaines nouveaux qu’il ne pouvait assumer. L’ISPAN ne disposait pas de plan d’urgence, n’avait pas les
moyens humains et financiers, ni la capacité de convaincre les responsables politiques haïtiens et internationaux de l’importance du
Patrimoine dans le développement durable. L’ISPAN a joué cependant un rôle important dans le sauvetage et un rôle de coordinateur.
J’ai bon espoir que l’Institut participera à un niveau élevé au programme de reconstruction d’Haïti.
Comment évoluent les lois sur le cadastre et sur la préservation du patrimoine ?
Elles progressent lentement. A chaque fois que l’on parle de cadastre en Haïti, tout le monde devient nerveux et fait usage de la force.
Madame Michelle Oriol propose une approche anthropologique avec de vrais moyens techniques pour le balisage du territoire. De
nombreux registres ayant été détruits, nous avons perdu les références. De plus, les lois actuelles ne concordent pas entre elles, nous
devrions faire évoluer les lois sur la fiscalité en punissant les comportements qui posent problème. Souvent, les routes deviennent des
villages et cela a des conséquences dramatiques.
INSECURITÉ : décès du peintre Burton Chenet
Burton Chenet a été tué le 20 mars dernier à Port -au-Prince par un individu armé qui s’est introduit chez lui et son
épouse a été grièvement blessée. Né aux Etats Unis, Burton Chenet y a suivi des études en arts plastiques à Trinity
Pawling School après une formation au Centre d’Art de Port-au Prince. Depuis 1978, il a exposé aux Etats Unis, en
République dominicaine et en Finlande tout en donnant des cours de dessin à l’Ecole Nationale des Arts ENARTS. Les
institutions et associations haïtiennes de la société civile ont fait circuler une note de protestation contre l’insécurité et
l’impunité. « Chenet est le chantre de la culture haïtienne et le plus discret des Grands », a déclaré le peintre Philippe
Dodard, directeur de l’ENARTS.
Deuxième édition du colloque
HAITI DES INITIATIVES : HAITI / USA /
FRANCE / CANADA
Coopérations interuniversitaires et
professionnelles: Etat des lieux. Visions et
Réalités
les 18 et 19 mai 2012 au Little Haiti
Cultural Center à Miami
Le African and African Diaspora Studies Program et le
Latin American and Caribbean Center de FIU (Florida
International University), le HCCA (Haitian Cultural Arts
Alliance) Foundation, le Service Culturel de
l’Ambassade d’Haïti en France et les associations
franco haïtiennes présentent la deuxième édition du
colloque HAITI DES INITIATIVES à Miami. Cette
année, le colloque présente des projets
interuniversitaires destinés à la refondation du système
universitaire haïtien et des projets de coopération
technique portés par les universités américaines,
canadiennes et européennes. L’objectif de cette
rencontre est de communiquer sur ces différents
programmes, d’organiser des échanges entre les
chargés de projets des départements universitaires du
Nord et leurs interlocuteurs en Haïti, d’esquisser un état
des lieux des projets interuniversitaires et les appuis
professionnels, d’initier une coordination entre les
différentes universités.
LES TEMPS FORTS A PARIS AVEC LE SERVICE CULTUREL
Jean René Lemoine, Guy Régis Junior, Anthony Phelps, Lyonel Trouillot
Le 14 mars à la Comédie Française, salle du Vieux Colombier, c’était la première d’Erzuli Dahomey, la pièce de théâtre de
l’auteur d’origine haïtienne Jean René Lemoine dans une mise en scène humoristique d’Eric Génovèse. Cette pièce raconte
comment le surnaturel vient troubler la vie d’une famille française dans un petite ville de province. Très appréciée par le
public jeune, la pièce a été jouée du 14 mars au 15 avril et a réjoui plus de 5000 spectateurs.
Le 16 mars au théâtre de l’Echangeur avait lieu une rencontre autour de la traduction en créole. En résidence artistique dans
ce théâtre, Guy Régis Junior traduit Proust en créole et estime qu’il y a beaucoup de carence dans l’utilisation effective de
cette langue. Pour Gary Victor, qui vient de traduire Le Petit prince, il s’agit de faire la promotion du créole en traduisant des
œuvres de portée universelle. Hénock Franklin traduit Machiavel.
Le 18 avril au théâtre de l’Ile saint Louis, le public était convié à un voyage poétique à l’occasion de la parution de
l’anthologie d’Anthony Phelps Nomade je fus de très vieille mémoire. Auteur du Pays que voici, hymne à Haïti, Anthony
Phelps est poète et romancier haïtien de Montréal, en résidence en France depuis plusieurs mois. Cette anthologie donne à
lire le meilleur de son œuvre poétique, des évocations de son enfance en Haïti ou de sa vie en Amérique… Un joli voyage
poétique.
Le 9 mai, la Bibliothèque Nationale de France BNF a accueilli l’auteur Lyonel Trouillot qui est revenu sur son oeuvre, son
processus d’écriture et ses sources d’inspiration. Rappelons que Trouillot a reçu le prix du Salon du livre de Genève, le
Grand prix du roman métis de Saint Denis pour La belle amour humaine (Actes Sud) et le prix Wepler 2009 pour Yanvalou
pour Charlie.

Documents pareils