Extrait Gazette Cinémateur

Transcription

Extrait Gazette Cinémateur
séance spéciale : or, les murs
zoom : exposition "derrière les barreaux"
Dans le but de pérenniser
notre partenariat avec les
Archives départementales,
le Cinémateur a décidé
d’organiser
une
séance
spéciale le 25 mars en
projetant le documentaire
Or, les murs de Julien Sallé.
C
ette exposition présentée par les
Archives départementales de l’Ain
s’inscrit dans un cycle "Histoire de la
Justice" valorisant la collecte, le
classement et la conservation des
archives judiciaires et pénitentiaires,
du Moyen-âge à nos jours.
Le bicentenaire du code pénal de
1810, la fermeture de la maison
d’arrêt et l’ouverture du nouveau
centre pénitentiaire à Bourg-en-Bresse
sont l’occasion de découvrir les
prisons de l’Ain.
Lettres, plans, statistiques, registres
d’écrou… la mémoire de
l’administration pénitentiaire, tout
comme les autres archives publiques,
est collectée et conservée aux
Archives départementales.
Dans le département de l’Ain, de
nombreux lieux ont accueilli suspects,
prévenus, délinquants et criminels : ils
sont tous aujourd’hui fermés et, pour
certains, affectés à d’autres usages.
A travers tableaux, gravures,
documents d’archives et graffitis,
venez découvrir ces lieux méconnus.
15 décembre 2010 au 15 avril 2011
du lundi au vendredi de 9h à 17h.
Visites guidées sur rendez-vous.
Renseignements au 04-74-32-12-80
[email protected]
Entrée libre.
Depuis plusieurs années, l’association
"Renaissance
de
l'abbaye
de
Clairvaux" et la prison centrale de
Clairvaux mènent un projet artistique
en direction des détenus.
En 2008, des prisonniers ont participé
à la création d’une œuvre musicale,
par le biais d’un atelier d’écriture,
mené par le compositeur Thierry
Machuel, au sein de la prison.
Une collaboration, issue de la
singularité de Clairvaux, seul lieu en
France où se côtoient, encore
aujourd’hui, une ancienne abbaye et
une prison.
Le film a été sélectionné au festival
"Corsicadoc" d'Ajaccio (octobre 2009),
aux "Escales documentaires" de La
rochelle (novembre 2009), et au
ARTFIFA
à
Montréal
(festival
international du film sur l'art) en 2010.
Entretien avec Gilbert Blanc,
directeur de la Centrale de
Clairvaux.
Qu'apporte aux détenus ces
projets menés en partenariat et
au sein de la centrale et ce film
en particulier ?
Ce projet a permis aux détenus de se
reconnaître à nouveau au travers de
leur écrits, plus uniquement comme
des détenus, mais comme des
personnes capables de créer quelque
chose qui laissera une trace positive.
C’est pour certains la première action
ressentie comme positive depuis
longtemps.
C’est aussi la naissance d’une envie de
faire connaître autre chose de la
prison et de Clairvaux que la
détention, ceci tant à destination des
codétenus que du monde extérieur.
Une
ouverture
vers
l’extérieur
d'ailleurs unique en son genre.
Quelles sont les contraintes
posées par la réalisation d'un
documentaire au sein d'une
prison?
Le tournage du film n’a pas posé de
grandes difficultés techniques. Les
consignes s’agissant du consentement
nécessaire des détenus a été recueilli
et l’anonymat des détenus respectés,
de même aucune vue pouvant porter
atteinte à la sécurité n’a été tournée.
C’est un partenariat fructueux qu’il
convient de préserver.
Entretien avec le réalisateur,
Julien Sallé.
De quelle façon s’est déroulé le
travail avec le compositeur
Thierry Machuel et avec les
détenus ?
Comment trouvez-vous la bonne
distance avec ceux que vous
filmez ?
Nous avons travaillé en étroite
collaboration avec Thierry, nous
réfléchissions ensemble aux textes et
aux questions à poser aux détenus.
Nous formions une équipe avec les
détenus et dans cette petite pièce de
la centrale où avaient lieu les ateliers
chacun devenait un peu l’auteur d’une
œuvre collective.
Pour filmer la parole il s'agit avant
tout de créer une écoute, générer de
la confiance afin que la parole puisse
se libérer. C’est pourquoi je me suis
présenté dès les premiers ateliers
d’écriture en précisant bien que je
n’imposais rien, que ce serait le choix
de chacun de participer ou non au
film. Il n’y avait pas d’obligation.
Je prenais le risque alors de perdre
des participants mais je m’assurais
comme cela que chacun puisse
s’engager en toute confiance avec
moi.
Ensuite il faut savoir se faire discret,
faire oublier la caméra et laisser des
espaces de paroles qui permettent à
chacun d’aller au bout de ce qu’il veut
dire. Il ne faut pas avoir peur des
silences, au contraire, ils sont souvent
porteurs de la parole. Ce n’est pas en
étant trop près des choses qu’elles se
révèlent. Créer la bonne distance c’est
laisser entre le personnage et la
caméra ce petit vide dans lequel
pourra se déployer la parole, laisser
un espace qui pourra accueillir
l’empathie. Au final lorsqu’ils ont vu le
film, les détenus participants m’ont
avoué être très étonnés de s’être
autant livrés.
Ombres et lumières, le mur du
silence qui enserre l’univers
pénitentiaire s’est ouvert aux voix des
détenus. Ils nous confient avec
retenue et souvent avec talent leur
solitude, leur nostalgie, leurs rêves
aussi. En écho, leur répondent les
moines présents à l’Abbaye de
Cîteaux, reclus volontaires à côté de
ces exclus forcés par décision de
justice.
A la faveur de ce rapprochement,
s’établit une fraternité singulière et
riche de sens entre les détenus et
ceux qui les écoutent. Cette trame
invisible restitue à ces exilés le contact
rompu avec la communauté des
hommes libres. Ainsi grâce aux
organisateurs du festival de Clairvaux,
auront été dissipés, au moins pour un
moment privilégié, la nuit et le silence
de l’univers carcéral.
Composition musicale
Thierry Machuel, compositeur
Julien Sallé, réalisateur
Détenus de Clairvaux, librettistes
Les Cris de Paris, direction musicale
Geoffroy Jourdain
François-René Duchâble, piano
Régis Pasquier, violon
Bruno Pasquier, alto
Roland Pidoux, violoncelle
Vous semblez, dans votre travail
documentaire, vouloir donner la
parole à ceux qui vivent en marge
de la société ?
Oui, effectivement, mon travail
documentaire s'axe souvent sur la
mise en scène d'une parole rare
puisque cachée ou rejetée par la
société, je pense que le cinéma a pour
vocation de créer du lien. En générant
cette parole, j'espère créer une
rencontre entre le public et des
personnes dont l'image est trop
souvent déformée par les grands
médias, qui en donnent une vision
préconçue, conforme aux clichés
sociaux.
Commentaire de Robert Badinter
Saluons l’initiative d’Anne-Marie Sallé
et de Thierry Machuel. Grâce à eux et
à tous ceux qui ont contribué à la
réalisation du festival de Clairvaux
Depuis 1910, on compte plus de 310
films ayant pour thème central les
prisons. Le genre des "films de prison"
est toujours très en vogue dans le
milieu cinématographique ; et ce
certainement grâce à une capacité
d’adaptation à l’évolution du système
carcéral.
Un prophète de Jacques Audiard, sorti
en août 2009, n’a absolument pas la
même conception et vision de la vie
carcérale que le film américain I am a
fugitive from a Chain gang de Mervyn
Leroy, sorti en 1932.
Cette comparaison entre deux
époques bien différentes illustre
parfaitement ce besoin de réalisme,
inhérent au genre cinématographique
des prisons.
Le cinéma a su s’éloigner des clichés
véhiculés par les prisons, tels que les
barreaux, le prisonnier en costume
rayé ou encore le surveillant un peu
nigaud dont tout le monde rit.
Le cinéma se veut donc réel, car c’est
seulement à travers lui que le public
peut se forger sa propre opinion sur
les prisons. En effet, il existe que très
peu de documentaires de fond sur
l’univers carcéral (souvent pour des
moyens pratiques : filmer dans une
prison est compliqué pour des raisons
de sécurité, par exemple).
Cependant, cette recherche constante
d’un réalisme - souvent dur à obtenir fait basculer le cinéma dans une sorte
de démesure. Le public n’a presque
que le cinéma comme reflet des
prisons. Or le cinéma se veut
également, souvent du grand
spectacle. Cette dualité nous amène à
nous poser la question suivante : la
recherche d’un certain réalisme n’estelle pas une notion en contradiction
avec le besoin de faire un film attractif
pour le grand public, besoin inhérent
à l’industrie cinématographique ? Et
du coup, le cinéma accentue-t-il les
clichés véhiculés par la société ou au
contraire, les détruit-il ?
Quelques prisons stars :
Alcatraz la plus célèbre dans L'Evadé
d'Alcatraz, Le Prisonnier d'Alcatraz, Rock,
Terreur à Alcatraz…
Shawshank dans Les Evadés
L'U.S.C. (Unité Spéciale de Correction)au
Canada dans Mesrine : L'Instinct de mort
Le bagne de Cayenne dans Papillon
Saðmalcýlar dans Midnight Express
Le château d'If dans la série des Monte
Christo
Laurence Paris