Peine de mort

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Peine de mort
JANVIER 2015
RÉSUMÉ PAYS
Iran
L’année2014 – la première année calendaire marquée par la présidence de Hassan
Rouhani – n'a été l'occasion d'aucune amélioration significative de la situation en matière
de droits humains dans la République d'Iran. Des membres des forces de sécurité, des
services de renseignement et du système judiciaire iraniens, connus pour leurs mesures
répressives, ont conservé des pouvoirs étendus et ont continué d'être les principaux
auteurs de violations des droits humains. Les exécutions, en particulier pour des
infractions liées à la drogue, ont continué à un rythme élevé. Les forces de sécurité et les
services de renseignement ont arrêté des journalistes, des blogueurs et des personnes se
livrant à de l'activisme sur les réseaux sociaux, et les tribunaux révolutionnaires leur ont
infligé de lourdes peines.
Peine de mort
Selon des médias iraniens, les autorités ont exécuté au moins 200 prisonniers de janvier à
octobre 2014, mais selon des sources au sein de l'opposition, 400 autres exécutions non
annoncées ont été effectuées. Certaines exécutions ont eu lieu en public.
Selon la loi iranienne, de nombreux crimes sont passibles de la peine capitale, y compris
certaines infractions ne comportant pas d'aspect violent, telles que l’«outrage au Prophète
», l'apostasie, les relations sexuelles entre personnes du même sexe, l'adultère et les
infractions relatives aux drogues. La majorité des prisonniers exécutés en 2014 étaient des
contrevenants aux lois sur la drogue, condamnés à l'issue de procès entachés
d'irrégularités devant des tribunaux révolutionnaires. Le 24 novembre, la Cour suprême a
confirmé le verdict d'un tribunal pénal condamnant Soheil Arabi à mort pour avoir diffusé
sur Facebook des messages qui ont été qualifiés d’«outrage au Prophète ».
Selon des sources non officielles, au moins huit des prisonniers exécutés auraient été des
délinquants juvéniles, âgés de moins de dix-huit ans au moment des meurtres ou des viols
pour lesquels ils ont été condamnés à mort. Des dizaines de jeunes délinquants se
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trouveraient encore dans les couloirs de la mort des prisons iraniennes, risquant
l'exécution. La loi iranienne autorise la peine capitale pour toute personne ayant atteint
l'âge officiel de la puberté: neuf ans pour les filles et quinze ans pour les garçons.
Les autorités ont exécuté en 2014 au moins neuf personnes que les tribunaux
révolutionnaires avaient condamnés pour moharebeh (« hostilité envers Dieu ») en raison
de leurs liens prétendus avec des groupes armés d'opposition. En janvier, les autorités ont
exécuté deux activistes iraniens arabes, Hadi Rashedi et Hashem Shaabaninejad, pour
moharebeh, selon des organisations de défense des droits humains. Le 31 mai, les
autorités ont exécuté Gholamreza Khosravi Savadjani, condamné pour ses liens prétendus
avec l'Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (Mojahedin-e Khalq, MEK), un
groupe d'opposition interdit. Des dizaines d'autres personnes condamnées pour des actes
liés au terrorisme, dont de nombreux Kurdes et Baloutches iraniens, étaient dans le
couloir de la mort à la suite de procès lors desquels la régularité des procédures n'a pas
été respectée. Le 12 juin, les autorités ont informé les familles d'Ali Chabishat et de Seyed
Khaled Mousavi, des Arabes d’Iran originaires d'Ahvaz dans le Khuzestan, qu'ils avaient
été secrètement exécutés et enterrés, malgré des appels à la clémence des Nations Unies.
Le système judiciaire a continué d'autoriser l'exécution de prisonniers condamnés pour
moharebeh, en dépit de changements apportés au code pénal exigeant qu'il réexamine
ces affaires et invalide les condamnations à mort, sauf s'il existe des preuves que le
prétendu auteur de l'infraction a utilisé des armes.
Liberté d'expression et d'information
Les autorités chargées de la sécurité ont continué de réprimer la liberté d'expression et la
dissidence. En octobre, selon Reporters sans frontières, l'Iran maintenait en détention au
moins 48 journalistes, blogueurs et activistes des réseaux sociaux.
En mai 2014, la police a arrêté quatre jeunes hommes et trois femmes après qu'une vidéo les
montrant en train de danser sur l'air de « Happy », une chanson populaire, eut obtenu un
succès instantané sur YouTube. Les autorités les ont remis en liberté, mais ils devront
passer en jugement pour des chefs d'accusation incluant l'entretien de « relations illicites ».
En mai, un tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné huit utilisateurs de Facebook à
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un total combiné de 127 ans de prison pour avoir prétendument affiché des messages
considérés comme constituant des insultes à l'égard de responsables gouvernementaux et
des profanations du « caractère sacré de la religion », entre autres crimes.
Le 28 mai, les responsables de la sécurité ont arrêté Saba Azarpeik, une journaliste
travaillant pour deux organes de presse, Etemad et Tejarat-e Farda, et l'ont détenue au
secret pendant près de trois mois, puis l'ont libérée sous caution, apparemment afin qu'elle
soit jugée pour de vagues chefs d'accusation de « propagande hostile à l'État » et « diffusion
de fausses nouvelles ». Le 19 juin, un responsable judiciaire a annoncé que 11 personnes
déclarées coupables de « création de sites internet et de contenus destinés aux médias
hostiles au régime » avaient été condamnées à des peines de prison allant jusqu'à 11 ans. Il
semble que ces personnes avaient des liens avec Narenji, un site internet populaire, et
qu'elles avaient été arrêtées le 3 décembre 2013 par les Gardiens de la révolution.
Le 22 juillet, des agents non identifiés ont arrêté le correspondant du Washington Post
Jason Rezaian, sa femme Yeganeh Salehi, également journaliste, et deux autres personnes,
une photojournaliste et son mari, dont les noms n'ont pas été divulgués. Au moment de la
rédaction de ce rapport, les autorités détenaient toujours Jason Rezaian sans qu'aucun
chef d'accusation n'ait été prononcé contre lui et sans lui accorder accès à un avocat, mais
elles ont remis en liberté Yeganeh Salehi et les deux autres personnes.
Le 7 août 2014, une cour d'appel a confirmé la condamnation pour homicide involontaire
d'un agent de police accusé dans le cadre de l'enquête sur la mort en détention d'un
blogueur, Sattar Beheshti, le 6 novembre 2012. Le tribunal a infligé à cet agent une peine
de trois ans de prison, suivis de deux ans d'exil intérieur, ainsi que 74 coups de fouet.
Les responsables de la justice ont également ordonné la fermeture d'au moins quatre
journaux, apparemment pour violation des restrictions sur les contenus. Ils ont ordonné en
février la fermeture d'Aseman et l'arrestation de son rédacteur en chef pour un article dans
lequel les lois islamiques de rétribution (qesas) étaient décrites comme « inhumaines ».
Les autorités ont permis à certains journaux de reprendre leur publication après des
interdictions, mais elles ont continué de bloquer des sites internet et de brouiller des
émissions de télévision par satellite étrangères.
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Libertés de rassemblement et d'association
De nombreuses personnes étaient en prison en 2014 en Iran en raison de leurs liens avec
des partis d'opposition, des syndicats et des associations d'étudiants interdits. Le
système judiciaire a continué de prendre pour cible les syndicats indépendants et non
homologués. Le 1er mai, la police a attaqué et arrêté au moins 25 travailleurs qui
protestaient contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail, devant le
ministère du Travail et dans une gare d'autobus à Téhéran. La police a emmené ces
travailleurs à la prison d'Evin, puis les a remis en liberté. Plusieurs d'entre eux sont sous le
coup d'accusations de rassemblement illégal.
Le ministre des sciences par interim de Hassan Rouhani, Reza Faraji Dana, dont les
responsabilités recouvrent la plupart des universités d'Iran, a pris la tête d'efforts pour
réintégrer des professeurs et des étudiants qui avaient été renvoyés entre 2005 et 2012
pour leurs activités, quoique celles-ci étaient pacifiques. Cependant, des dizaines d'entre
eux n'ont pas été en mesure de reprendre leurs études ou leur enseignement et en août, le
parlement a voté la destitution du ministre et a refusé de confirmer plusieurs autres
nominations pour son poste proposées par Hassan Rouhani.
Prisonniers politiques et défenseurs des droits humains
Les autorités continuent d'emprisonner des dizaines d'activistes et de défenseurs des
droits humains, tels que les avocats Mohammad Seifzadeh et Abdolfattah Soltani, pour
des raisons liées à leurs activités militantes pacifiques ou professionnelles. En septembre,
un tribunal a annulé un ordre par lequel une avocate, Nasrin Sotoudeh, se voyait interdire
d'exercer sa profession pendant 10 ans après sa libération de prison en 2013, mais le 18
octobre, la commission de discipline du Barreau iranien a informé Nasrin Sotoudeh qu'elle
avait révoqué sa licence d'avocate pour trois ans en raison de sa condamnation en 2011
par un tribunal révolutionnaire, sur la base de chefs d'accusation vagues relatifs à la
sécurité nationale. Le 9 novembre, des responsables de la sécurité ont convoqué pour
interrogatoire Narges Mohammadi, une militante des droits humains, après qu'elle eut
prononcé un discours dans lequel elle critiquait la politique du gouvernement.
Des personnalités en vue de l'opposition comme Mir Hossein Mousavi, Zahra Rahnavard et
Mehdi Karroubi, détenues sans aucun chef d'accusation ou procès depuis février 2011, ont
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été maintenues en résidence surveillée. Les prisonniers, en particulier ceux qui sont
condamnés pour des chefs d'accusation inspirés par des motifs politiques, ont été
régulièrement soumis à des abus par les gardiens et se sont vu refuser l'accès à des
traitements médicaux nécessaires. En avril, des gardes ont violemment passé à tabac
plusieurs dizaines de prisonniers politiques dans le quartier 350 de la prison d'Evin et ont
forcé environ 30 d'entre eux à passer entre deux rangées de gardiens, qui les rouaient de
coups de poing, de pied et de bâton, leur causant parfois de graves blessures, selon des
membres des familles des victimes. Des responsables ont par la suite soumis au moins 31
prisonniers à une détention prolongée dans des conditions d'isolement et à des
traitements dégradants.
Droits des femmes
En 2014, les autorités ont annoncé ou mis en œuvre des politiques discriminatoires à
l'égard des femmes, y compris restreignant l'emploi de femmes dans des cafés, dans
certains restaurants et dans d'autres espaces publics et en limitant leur accès aux services
de planification familiale, dans le cadre de mesures officielles visant à accroître la
population de l'Iran.
Le 30 juin, les autorités ont arrêté Ghoncheh Ghavami, une femme de 25 ans dotée de la
double nationalité iranienne et britannique, ainsi que d'autres personnes qui avaient
participé à une manifestation pacifique contre l'interdiction officielle faite aux femmes
d'assister à des matches de volleyball masculin au stade Azadi à Téhéran. Ghavami, qui a
été tout d'abord détenue à la prison d'Evin, où les autorités lui ont dénié l'accès à un
avocat, a été par la suite jugée et condamnée pour « propagande hostile à l'État » lors d'un
procès tenu à huis-clos. En septembre, les autorités ont annoncé que Shahla Sherkat,
rédactrice en chef d'un nouveau magazine féminin, allait comparaître devant un tribunal
chargé des délits de presse pour avoir fait la promotion d'idées non islamiques.
Les femmes iraniennes se heurtent à des discriminations dans de nombreux aspects de
leurs vies, notamment en ce qui concerne leur statut personnel dans les affaires de
mariage, de divorce, d'héritage et de garde des enfants. Quel que soit son âge, une femme
ne peut se marier sans l'approbation de son tuteur masculin, et en général les femmes ne
peuvent pas transmettre leur nationalité iranienne à un mari né à l'étranger ou à leurs
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enfants. La pratique du mariage d'enfants, bien que n'étant pas la norme, se poursuit, la
loi autorisant les filles à se marier dès l'âge de 13 ans et les garçons dès 15 ans, et même à
un plus jeune âge si un juge l'autorise.
Traitement des minorités
Le gouvernement dénie la liberté de culte aux Bahaïs, la plus importante minorité
religieuse non musulmane d'Iran, et les soumet à des discriminations. Au moins 136
Bahaïs étaient détenus dans les prisons iraniennes au mois de mai 2014. Les autorités de
l'État ont également profané des cimetières bahaïs, dont un à Shiraz dont elles ont
commencé l'excavation en avril. Les forces de sécurité et les services de renseignement
ont continué de cibler des chrétiens convertis de l'islam, des congrégations protestantes
et évangéliques persophones, ainsi que les membres du « mouvement de l'église au
domicile » (« home church movement »). Beaucoup d'entre eux ont été accusés
d’« activités préjudiciables à la sécurité nationale » et de « propagande hostile à l'État ».
Les autorités restreignent la participation à la vie politique et les possibilités d'emploi
dans le secteur public des membres des minorités musulmanes non chiites, dont les
sunnites, qui représentent environ 10% de la population. Elles empêchent également les
sunnites de construire leurs propres mosquées à Téhéran et d'organiser leurs propres
prières à l'occasion des grandes fêtes musulmanes. Le gouvernement a également
continué de s'en prendre à des membres des ordres mystiques soufis, en particulier de
l'ordre des Nematollahi Gonabadi. En mars, la police a frappé et arrêté plusieurs
manifestants, qui s'étaient assemblés devant un bâtiment judiciaire à Téhéran pour
demander la remise en liberté de plusieurs soufis détenus.
Le gouvernement a restreint les activités culturelles et politiques des membres des
minorités azérie, kurde, arabe et baloutche. Les réfugiés afghans et les travailleurs
migrants, dont le nombre est estimé entre 2,5 et 3 millions, ont continué de subir de
graves abus.
Principaux acteurs internationaux
Le gouvernement a continué de refuser l'entrée sur le territoire iranien au rapporteur
spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Iran, Ahmed Shaheed,
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ainsi qu'à d'autres organes de l'ONU compétents en matière de droits, mais il a annoncé
en novembre qu'il autoriserait deux experts de l'ONU à visiter le pays en 2015. Le
rapporteur spécial et d'autres responsables de l'ONU ont critiqué l'« accroissement actuel
du rythme des exécutions » en Iran et a exhorté le gouvernement à imposer un moratoire
sur les exécutions.
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