L╎intérêt de Tous : Des Rapports Entre les Bamiléké et les

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L╎intérêt de Tous : Des Rapports Entre les Bamiléké et les
SIT Graduate Institute/SIT Study Abroad
DigitalCollections@SIT
Independent Study Project (ISP) Collection
SIT Study Abroad
10-1-2009
L’intérêt de Tous : Des Rapports Entre les Bamiléké
et les Béti d’un Quartier Populaire et d’un Quartier
Résidentiel à Yaoundé
Gabrielle E. Friedman
SIT Study Abroad, [email protected]
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Recommended Citation
Friedman, Gabrielle E., "L’intérêt de Tous : Des Rapports Entre les Bamiléké et les Béti d’un Quartier Populaire et d’un Quartier
Résidentiel à Yaoundé" (2009). Independent Study Project (ISP) Collection. Paper 731.
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L’intérêt de tous : des rapports entre les Bamiléké et les Béti
d’un quartier populaire et d’un quartier résidentiel à Yaoundé
Gabrielle E. Friedman
Middlebury College
Psychologie et Français
Christiane Magnido, Directrice
Professeur Jacqueline Ekambi, Encadreuse
Independent Study Project submitted in partial fulfilment of the requirements for
Cameroon: Development and Social Change, SIT Study Abroad, Fall 2009
ISP Topic Codes: 531, 532, 535, 502, 517
Friedman
2
Table des Matières
Résumé
Contacts
Remerciements
3
4
5
Introduction et méthodologie
Justifications et objectifs
Questions de recherche et hypothèses
Définitions opérationnelles
Evolution du projet
Discussion critique
6
6
7
8
9
11
Histoire des rapports Béti-Bamiléké au Cameroun
Histoires crédibles
Avis divergents
Intégration urbaine à Yaoundé
Associations entre perceptions, quartiers, et ethnies
Associations entre relations, quartiers, et ethnies
Associations entre perceptions et relations
Associations entre perceptions et expériences
Récupération politique des conflits ethniques
Menace de tribalisme national
Ethnocentrisme
Intérêts personnels, familiaux, et ethniques
Education orale en famille
Transmission orale des stéréotypes
Subjectivité de l’acteur social entre l’individualité et le communalisme
Influences des parents sur les perceptions des répondants
Acceptation et rejet
Rôle de la religion
Vers une unité de diversité
Propositions pour la paix entre les Béti et les Bamiléké
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Conclusions
Références et Entretiens
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42
Liste des Tableaux
1. Echantillon
2. Perceptions de l’autre ethnie
3. Niveau de stéréotype selon ethnie et quartier
4. Perception de la nature de relations actuelles selon ethnie et quartier
5. Niveau de stéréotype par rapport aux perceptions des relations actuelles
6. Niveau de stéréotype par rapport à temps vécu près de l’autre ethnie
7. Niveau de stéréotype par rapport à niveau de stéréotype des parents
8. Justifications de l’acceptation et du rejet
11
15
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23
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36
Annexes
Annexe 1 Instructions aux Répondants
Annexe 2 Test du Guide d’Entretien
Annexe 3 Guide d’Entretiens
Friedman
3
Résumé
Cette recherche est un effort d’évoquer la nécessité de réévaluer l’état de l’intégration
nationale, surtout entre les Bamiléké et les Béti. Elle explore les caractéristiques et les passés
de ces ethnies en fonction des stéréotypes et par rapport à l’intérêt des dirigeants et des
citoyens. En plus, une enquête des différences entre Elig-Effa, un quartier populaire, et Golf,
un quartier résidentiel, démontre que l’intégration urbaine encourage des relations mais n’a
pas encore provoqué une intégration humaine. À partir des lectures, des entretiens, et des
observations, j’ai conclu que plus des Béti ont des stéréotypes que les Bamiléké, et qu’ils y
tiennent plus fortement. Malgré leurs relations plus rapprochées à Elig-Effa qu’au Golf, les
Béti y ont des stéréotypes plus forts que les Bamiléké. En plus, les citoyens qui ont vécu plus
de temps parmi l’autre ethnie ont des stéréotypes plus forts. Des mécanismes de la
perpétuation des stéréotypes sont la rivalité, la tradition orale familiale, et les expériences de
l’individu. De l’histoire, il est évident que les voisins cachent la tension ethnique jusqu’aux
moments précis qui provoquent des conflits. Il faut que les Camerounais apprennent de cette
histoire pour développer une nouvelle mentalité afin d’éviter la violence avant les élections.
Friedman
4
Contacts
Dr. AFANE Henry Brice, Professeur de Sociologie à l’Université de N’gaoundéré.
97.76.56.57 ; [email protected]
Le Prof. Afane m’a accueillie chez lui afin de me montrer son mémoire, de beaucoup discuter sur mon
sujet, et de me recommander des travaux. Je recommande que l’on lui parle de l’histoire et la politique.
Dr. DZE-NGWA Willibroad, Département d’Histoire à l’Université de Yaoundé I.
77.65.93.65 ; 22.07.99.90 ; [email protected]
Le Prof. Dze-Ngwa nous a dispensé un cours d’histoire du Cameroun.
Dr. EKAMBI Jacqueline, Professeur de Sociologie à l’Université de Yaoundé I et
Encadreuse. 99.53.70.85 ; [email protected]
La Prof. Ekambi est une intellectuelle créative et chaleureuse. Elle est généreuse de son temps. Elle
parle couramment l’anglais et elle m’a toujours aidée à corriger le français. Elle est un soutien incroyable. Elle
s’intéresse à plusieurs sujets, et elle a encadré une multitude d’étudiants de SIT.
Dr. FOTSING Robert Mangoua, Chargé de Cours de littérature française et comparée à
l’Université de Dschang. 77.74.06.87 ; [email protected]
Le Prof. Fotsing est un intellectuel dynamique qui s’intéresse à tout ce qui concerne la culture. Il
enseigne à SIT l’histoire des Bamiléké, et il est ouvert aux idées créatives pour les ISP. Il a déjà été encadreur.
MINLA ETOUA Yves Yannick. Diplomé (DEA) en sociologie et spécialisé en sociologie
urbaine. 97.66.91.52. [email protected]
Yannick est doué et ouvert. Il est un contact idéal pour discuter l’intégration urbaine, les espoirs des
jeunes, et l’éducation. Il est généreux de ses pensées et de son temps.
Dr. MBOUOMBOUO Pierre, Enseignant en Sociologie à l’Université de Yaoundé I et
sociologue urbaniste au Ministère de la Recherche Scientifique. 22.01.57.42 ;
75.72.88.74 ; 99.51.76.43 ; [email protected]
Dr. Mbouombouo était généreux et accueillant bien qu’il ait été occupé. Il m’a permis d’utiliser la
bibliothèque du ministère et il m’a parlé de mon sujet. Essayez de l’appeler le plus tôt possible pour qu’il ait le
temps de vous parler.
NJOYA ABDOU Aziz, Président du Cercle Philosophie Psychologie Sociologie
Anthropologie à l’Université de Yaoundé I. 99.12.46.03. [email protected]
Ouvert, poli, et terre-à-terre, Aziz peut vous encourager à développer vos idées.
Dr. SOCPA Antoine, Enseignant en Anthropologie à l’Université de Yaoundé I.
77.78.38.52 ; 22.31.87.59 ; [email protected]
Le Prof. Socpa est un homme sympathique, intelligent, et actif dans la politique de l’intégration des
ethnies. Il a écrit des textes profonds sur les rapports entre les Bamiléké et les Béti à Yaoundé qui m’ont
beaucoup aidée. Il était très généreux de me prêter ses travaux et de me conseiller.
Dr. TAGUEM FAH Gilbert, Directeur du Centre de Recherche à N’gaoundéré 77.18.50.93 ;
[email protected]
Dr. Taguem est un chercheur créatif qui m’a beaucoup aidée à former mes idées. Il peut bien envisager
un projet et suggérer comment l’améliorer.
Dr. TONAIN Norbert, sociologue ruraliste au Ministère de la Recherche Scientifique et de
l’Innovation. 77.34.32.58 ; 22.17.88.29
Dr. Tonain est ouvert, généreux et intéressé par plusieurs disciplines. Il m’a accueillie dans son bureau
au début de ma recherche quand je cherchais son collègue et un superviseur. Il a fait tout ce qu’il pouvait pour
m’aider. Il est anglophone, mais parle aussi couramment le français.
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5
Remerciements
~Ma famille camerounaise accueillante et chaleureuse :
TSIMI NGONO Basile Eugène (Papa) ;
OWONA MENGUE Ruphine Bernadette (Maman Ruphine) ;
Mme. NKOA née ZANGA Agnès (Grand-mere) ;
AYISSI Theophile Francois (Ayissi) ;
NGUENE TSIMI Yvanna Michèle (Michèle) ;
MOLO Nathalie Sheriffa (Sheriffa) ;
ABOUI EKAMBI Bernard Joram (Joram).
Merci de m’avoir toujours encouragée et inclue. Merci pour les chansons, les rires, les tâches,
les danses, les légumes, et le vocabulaire. Nous sommes ensemble.
~Ma famille américaine qui m’a donnée plusieurs opportunités dans la vie, toujours en
m’encourageant à être morale et responsable. Merci à FRIEDMAN Jeffrey Robert (Dad) ;
FRIEDMAN Laura Jean (Mom); FRIEDMAN Daniel Adam (Dan).
~J’ai eu le bonheur et la chance de rencontrer plusieurs intellectuels qui m’ont beaucoup
soutenue dans l’évolution de ce projet. Grands mercis à Dir. Christiane Magnido, Prof.
Ekambi, Prof. Socpa, Prof. Fotsing, Dr. Taguem, Dr. Mbouombouo, et Prof. Afane. Surtout,
merci à Yannick, un étudiant de sociologie très accueillant. Sans ta générosité, je n’aurais pas
eu la même expérience extraordinaire d’encadrement.
~Merci aux participants de la recherche. Sans vous, je n’aurai rien à dire.
~Merci à mes amis Katie, Chen, Carla, Topher, Lindsay, Stéphanie, Aviva, Heidi, et à tous
ceux qui m’ont encouragée.
~Merci aux membres de staff de votre soutien : Nathalie, Bobo, Valérie, et Arlette.
Friedman
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Introduction et Méthodologie
Justifications
L’histoire des stéréotypes est un sujet qui m’a fort frappée à Dschang, une ville rurale
de l’Ouest du Cameroun où les Bamiléké sont majoritaires. En réfléchissant au sujet des
préjugés « envahisseurs », « travailleurs », et « solidaires » après un cours d’histoire sur les
Bamiléké1, je me suis rendue compte que des stéréotypes similaires existent contre mon
propre peuple, les Juifs. J’étais « dépassée » à la fin de mon séjour à Dschang par quelques
problèmes dans ma famille d’accueil illustrant des stéréotypes sur les Bamiléké. Je me sentais
coupable d’avoir permis à quelques expériences négatives de valider des stéréotypes que l’on
m’avait présentés dans un contexte académique. Néanmoins, j’étais reconnaissante d’avoir
l’opportunité de défier, à travers ce projet, ma supposition que les stéréotypes viennent
toujours de la haine. Je me demandais comment plus des expériences avec des Bamiléké
pourraient affecter ma perspective. Je voulais rechercher les fonctions des stéréotypes.
Surtout, je voulais pouvoir sympathiser avec tous dans une situation de méfiance afin de
pouvoir aider à la résoudre.
J’ai choisi de faire mes recherches à Yaoundé, la capitale, grâce à un paradoxe qui
m’intriguait. On s’attend à ce que des Camerounais émigrent en villes, où l’on s’intègre en
plusieurs cadres quotidiens. Les politiciens prêchent l’intégration nationale depuis longtemps.
Néanmoins, j’ai appris de la recherche secondaire et des entretiens informels qu’il existe une
histoire de conflits entre les Bamiléké et les Béti, les autochtones de Yaoundé. J’ai voulu
comprendre l’état actuel de ce conflit ethnique à partir des sources primaires. Je me
demandais si l’intégration urbaine pourrait amener des individus à se rapprocher, ou si les
tensions politiques et économiques à Yaoundé exacerberaient les stéréotypes. Comme
psychologue aspirant, je m’intéressais à ce qui conduit une personne à accepter ou à rejeter
1
Prof. Robert Fotsing Mangoua, Présentation de l’histoire des Bamiléké, le 23 septembre, 2009.
Friedman
7
quelqu’un par rapport à son identité ethnique. Je me demandais comment les stéréotypes sont
perpétués à travers l’histoire.
Objectifs
1)
a.
b.
c.
d.
2)
Contribuer aux sciences sociales avec une étude pratique qui traite de
l’unité du Cameroun.
Explorer la relation entre les expériences et les perceptions de l’ethnie.
Rechercher l’influence des perceptions et des expériences des parents sur
les perceptions des répondants.
Explorer le potentiel d’une ville de faciliter l’intégration des deux ethnies.
i. Examiner l’influence d’un quartier populaire et d’un quartier
résidentiel sur les relations et les perceptions.
Explorer les influences des intérêts économiques et politiques dans :
i. les histoires des expériences des répondants et de leurs parents.
ii. leurs perceptions de l’autre ethnie.
iii. leurs perceptions des situations nationales.
Donner la parole aux Camerounais d’une manière ouverte qui permet
l’expression des différences individuelles et des généralités sensibles.
Questions de recherche et hypothèses
Comment est-ce que nos expériences, celles de nos parents, et leurs perceptions
interagissent pour former, renforcer, ou remettre en question nos perceptions ? Quels sont les
processus par lesquels les stéréotypes sont renforces ou récusés ?
Est-ce que les aînés ont de pires perceptions que leurs enfants, qui sont nés dans une
société plus moderne ? Est-ce que l’importance de la famille est encore si forte que la plupart
des gens acquièrent les perceptions de leurs parents quelles que soient leurs propres
expériences?
Comment les intérêts des individus, de leurs familles, et de leurs ethnies affectent-ils
les expériences et les perceptions du répondant ? Qu’est-ce qu’ils pensent des actions et des
intérêts des membres de l’autre ethnie ?
Comment l’environnement affecte-t-il les expériences et les stéréotypes ? Est-ce qu’il
y a une différence entre les relations entreethniques dans un quartier résidentiel et dans un
quartier populaire ? Y’ a-t-il une association entre cette différence d’expérience et le niveau
des stéréotypes dans ces quartiers ?
Friedman
8
A partir de ces questions et de la recherche secondaire que je vais introduire dans la
section prochaine, j’ai développé les hypothèses suivantes:
1)
2)
3)
4)
Les expériences affectent les perceptions.
a. Ceux qui ont de meilleures expériences auront de meilleures perceptions.
b. Les répondants qui ont habité parmi l’autre ethnie pour la plupart de leurs
vies auront de meilleures expériences et perceptions, grâce au temps pour
remettre en cause les stéréotypes.
c. Les répondants qui habitent un quartier populaire seront plus prêts à
s’accepter que ceux d’un quartier résidentiel parce qu’ils auront plus
d’opportunités pour comprendre l’autre comme individu.
Les parents auront des perceptions moins positives. L’influence de la
famille affectera les perceptions du répondant.
Les intérêts politiques et économiques du répondant, ceux de sa famille, ou
ceux de sa communauté ethnique—et/ou ceux attribués à l’autre ethnie—
peuvent affecter ses perceptions et le pousser à se méfier de l’autre ethnie.
a. Les habitants du quartier résidentiel auront des stéréotypes plus forts parce
qu’ils portent souvent sur la manière dont ceux de l’autre ethnie se sont
hissés.
Ceux qui ont les plus forts stéréotypes n’accepteraient pas des individus de
l’autre ethnie même comme ami, tandis que les autres les accueilleraient
comme membre de la famille (un époux ou un gendre).
Définitions opérationnelles
Stéréotypes—« Perception ou jugement rigide et simplifié d’une situation, d’un groupe, ou
d’une personne »2.
Et dans cette recherche :
Expérience—un événement entre des membres des ethnies et les sentiments qu’il a produits.
Perception—comment un répondant conçoit et explique des expériences.
L’intégration spatiale—le rapprochement physique des deux ethnies, ie. au travail.
L’intégration humaine—le rapprochement émotionnel des deux ethnies, ie. l’amitié.
Relation—la nature du rapport avec l’autre ethnie.
Tribalisme—la solidarité pathologique des individus d’une ethnie qui privilégient ceux de leur
ethnie avant des Camerounais méritants d’une autre ethnie, souvent par rapport aux enjeux
politiques et économiques.
2
Grawitz, Madeleine: Lexique des Sciences Sociales, S.V. « préjugé ».
Friedman
9
Evolution du projet
Pour mener ma recherche, j’ai choisi de parler aux gens chez eux, au quartier, parce
que la plupart des conflits surgissent à l’occupation de la terre. J’ai voulu avoir des entretiens
avec des individus en dehors des organisations ou des marchés afin d’éviter des variables
confondants politiques et économiques qui pourraient affecter les stéréotypes en question.
J’avais voulu m’entretenir avec des habitants de deux quartiers populaires et de deux
quartiers résidentiels afin de renforcer la diversité. A cause d’un problème de santé irrésolu
jusqu’à la deuxième semaine du projet, je l’ai réévalué par rapport au temps qui restait. J’ai
décidé de faire une enquête approfondie de 10 entretiens d’un quartier populaire et de 10 d’un
quartier résidentiel. J’ai choisi le quartier du Golf comme quartier résidentiel parce que j’y
habitais dans une famille d’accueil Béti, et le quartier d’Elig-Effa comme quartier populaire
parce que c’était près de Mokolo, où on m’avait dit que les Bamiléké étaient majoritaires.
D’abord j’avais l’impression que Mokolo n’était pas qu’un marché, mais en plus un
quartier. J’ai pensé qu’en comparant Mokolo et Golf, où les Bamiléké étaient minoritaires, je
pourrais aussi explorer comment les proportions influencent les nivaux de stéréotypes. En
fait, Mokolo n’était qu’un marché. Des gens m’ont conseillé de trouver un quartier populaire
près de Mokolo. Après quelques entretiens, je me suis rendue compte que le quartier
s’appelait Elig-Effa et que les Béti y étaient majoritaires. Je m’y suis résignée sans
m’inquiéter parce que mes questions de recherche fondamentales portaient sur le type de
quartier et non sur la dominante ethnique.
J’ai fait à peu près deux entretiens chaque jour pendant une semaine et demie, sauf que
quand je suis allée à Elig-Effa3. Un répondant m’avait conseillée d’emmener un guide pour la
sécurité. J’ai décidé de continuer seule parce que j’apparaissais assez neutre comme
américaine. Un collègue d’une ethnie camerounaise pourrait enlever cet avantage. Je voulais
3
Veuillez voir une liste des entretiens, p. 41.
Friedman
10
avoir confiance en la communauté pour me protéger et être indépendante. Cependant, j’ai
décidé de faire la plupart des entretiens à Elig-Effa les matins du weekend afin de rentrer
avant qu’il ne soit tard. Il n’y avait pas de problème grâce à un accueil souvent chaleureux et
protecteur, dans un quartier où plusieurs personnes sont toujours dehors ou dans des maisons
très proche l’une de l’autre.
Tableau 1 : Echantillon
Elig-Effa
Golf
Hommes Béti
1
2
Femmes Béti
5
3
Hommes Bamiléké
3
3
Femmes Bamiléké
1
2
Au début, j’ai pensé que je pouvais sélectionner des répondants alors que j’aurais un
nombre égal de jeunes et de vieux, de femmes et d’hommes, et de Béti et de Bamiléké.
Quand j’ai fait des tests (Annexe 2), je me suis rendue compte de certains détails. La plupart
des Camerounais ne rentrent chez eux qu’à 16h30, et je devais être chez moi avant 18h30,
alors je n’avais que deux heures chaque jour de la semaine pour gérer des entretiens. Les
femmes étaient généralement plus prêtes à me parler. Dans la culture camerounaise, il est
généralement attendu que les femmes s’entendent mieux entre elles que les femmes et les
hommes. J’ai aussi interviewé plus de Béti, ce qui est logique parce qu’ils sont majoritaires
dans chaque quartier. Je n’avais ni le temps ni l’impolitesse de frapper à une porte et puis de
refuser un entretien avec un habitant du Golf ou d’Elig-Effa Béti ou Bamiléké qui était
intéressé. Mais comme je faisais une étude qualitative, la diversité valait mieux que les
proportions numériques. En tout cas, j’ai essayé de demander où des Bamiléké ou Béti
habitaient. J’ai même planifié deux rendez-vous pour assurer que les voix des Bamiléké
soient entendues. En fin de compte, j’ai interviewé 11 femmes et 9 hommes, 11 Béti et 9
Bamiléké, et 10 habitants d’Elig-Effa et 10 habitants du Golf, ce qui est assez équilibré.
Quelques individus que je n’aurai pas définis comme Bamiléké, Béti, ou habitant
d’Elig-Effa se sont définis comme tels. J’ai choisi d’accepter leurs définitions parce que je ne
Friedman
11
suis qu’une étrangère tentant de comprendre et d’exprimer leurs réalités. Les répondants
incluent : un Bamoun qui considère tous ceux qui viennent de l’Ouest comme Bamiléké ; une
Bassa qui s’identifie avec sa belle-famille et à son ethnie Béti ; une Bamiléké qui dort au
quartier de la Carrière mais qui se sent chez elle à Elig-Effa parce qu’elle y loue un logement
et elle y était mariée, et un Bamiléké qui a déménagé d’Elig-Effa deux jours auparavant et
alors qui l’a conçu comme chez lui. Les Bamiléké interviewés appartiennent aux ethnies :
Bangangte (3); Bafang; Baham; Bameka; [Bamoun]; Dschang; et Mbouda. Les Béti
appartiennent à ces ethnies : Ewondo (4); Eton (3); [Bassa] ; Mbalymayo ; Mva.a ; et
Ngoumba.
Discussion Critique
Il y avait quelques éléments de mes questions qui auraient pu être plus clairs, mais
j’étais là pour expliquer. Par exemple, plusieurs répondants n’ont pas compris « Qu’est-ce
qui caractérise les x » avant que je n’aie expliqué que cela voulait dire « Quels sont leurs
caractères ».
Quand j’ai demandé, « Quelles relations avez-vous avec eux ? » ou « Que disent vos
parents au sujet des x », quelques individus ont répondu d’une manière générale. Il est
possible qu’ils aient mal compris parce que j’ai utilisé le « vous » formel et ils aient perçu que
c’était le « vous » pluriel, qu’ils aient trouvé les questions trop sensibles, ou enfin qu’ils
n’aient pas de stéréotypes et qu’ils aient préféré me donner une vue générale du sujet. Parfois
j’ai demandé avec tact s’ils pouvaient répondre par rapport à eux-mêmes.
J’ai posé une question qui utilisait une échelle de proximité, par exemple :
« Accepteriez-vous un(e) Bamiléké/ Béti comme : collègue ? ; voisin ? ; ami(e) ? ; petit(e)
ami(e) ? ; épou(x)(se) ? ; gendre ?»4. Quelques répondants ont dit qu’ils accepteraient un
membre de l’autre ethnie parce qu’ils n’avaient pas de choix. Par exemple, souvent on ne
4
Grawitz, Madeleine : Méthodes des sciences sociales, p. 828 ¶ 778.
Friedman
12
choisit pas ses collègues. Il est possible que certains aient répondu de cette manière afin
d’éviter d’exprimer leurs vraies opinions. J’ai négocié ce problème avec la stratégie
d’envisager qu’ils n’avaient pas compris la demande. Donc pour eux j’ai reformulé les
questions ainsi : « Si vous aviez le choix, est-ce que vous préfériez avoir un époux
Bamiléké/Béti ou un époux d’une autre ethnie ? ».
Un autre souci est qu’il est possible que les répondants aient décrit les perceptions et
les expériences de leurs parents du point de vue de leurs propres perceptions ou expériences.
Il faut mettre le lecteur au courant que les associations entre les perceptions des parents et
celles des répondants peuvent être confondus par ce biais.
Il y a quelques moments de l’entretien où plusieurs répondants ont ri, par exemple
quand j’ai demandé les défauts de l’autre ethnie et quand j’ai demandé s’ils accepteraient
d’épouser quelqu’un de l’autre ethnie. Je pense que cela montre ou une appréciation des
questions directes et audacieuses ou l’anxiété. J’aimerais avoir pu noter et analysé plus les
tons de voix, les grimaces, et les autres messages psychologiques subtils.
J’ai essayé d’étendre le temps et ma compréhension de français, de l’histoire, de la
politique, de la sociologie, et de la psychologie afin de traiter ce sujet d’une manière focalisée
mais aussi compréhensive. Néanmoins, il y a des limites à ce que je pouvais comprendre et
inclure des entretiens et des sources secondaires. Je voudrais que les répondants sachent que
leurs opinions m’ont marquée et ont influencé chaque conclusion.
Cependant, plusieurs forces méthodologiques existent en ce projet. Je n’ai pas eu le
temps de passer toute une journée dans des familles comme je l’avais planifié. Néanmoins,
j’ai observé d’une manière participative des conversations au sujet des Béti et des Bamiléké
chez moi et dans la communauté. Pendant mes entretiens, on m’a révélé des mœurs et des
perceptions intimes. On m’a raconté des histoires comme si j’étais un enfant qui ne savait
pas encore l’essence de mon ethnie par rapport à celle des autres. J’ai écouté d’une manière
Friedman
13
active qui m’a permis de participer comme audience dans la communication des stéréotypes.
J’ai donc expérimenté plus l’observation participative que je ne m’y attendais.
Je n’ai pas pris de magnétophone pour ne pas créer de peurs ou de confusions avec les
médias. J’ai appris à insister pour parler seule à seule en expliquant que c’était une règle qui
me permettais de partager leurs réponses dans mon devoir.
C’était aussi une très bonne chose que j’ai écrit les réponses des participants moimême textuellement, ce qui a eu plusieurs bons effets. Cette stratégie m’a permis de montrer
combien j’étais intéressée en demandant une clarification quand j’en avais besoin. Un
répondant m’a confié que ma manière de tous écrire et de lui poser des questions liées à ce
qu’il venait de dire l’a motivé à partager des éléments délicats qu’il aurait pensé à cacher. La
structure semi-structurée facilitait une interaction naturelle et sympathique, ce qui permettait à
l’individu inspiré de partager n’importe quoi s’il le trouvait pertinent. J’ai aussi eu
l’opportunité d’inclure une question que j’avais oublié d’écrire. Un des répondants des tests
avait suggéré que je demande s’il n’y a jamais des moments de distance entre des amis des
deux ethnies. J’ai posé cette question après celle des expériences du répondant avec l’autre
ethnie.
J’ai choisi de poser des questions d’une manière innocente et même naïve. Grâce à
l’intuition, je me suis rendue compte que le moins je paraissais connaitre, le plus le répondant
m’enseignerait de sa perspective. Je voulais étudier comment on transmet des perceptions
aux enfants, alors je me suis comportée un peu comme un enfant— d’une manière ouverte,
respectueuse, et validante. J’avais peur de paraître déjà avoir une opinion, ce qui aurait pu
décourager un répondant de partager la sienne. Cette méthode, la règle de l’ignorance
consciente, est très utile, même quand on pense qu’on comprend déjà un sujet. Si je n’avais
pas posé des questions simples, directes, et ouvertes, je n’aurais pas cerné les détails et la
diversité des expériences qui conduisent des individus à penser de cette manière. Enfin, je
Friedman
14
suis contente d’être venue avec plusieurs questions à poser, parce qu’avec le temps, les
interviewés étaient de plus en plus en confiance ; au fur et à mesure, ils devenaient plus
ouverts pour partager leurs histoires et leurs opinions.
Histoire des rapports Béti-Bamiléké au Cameroun
Avec le temps, les rapports Béti-Bamiléké ont évolué, mais quelques thèmes
reviennent. Toutes relations interethniques sont fluctuantes selon Charly Gabriel Mbock et
al.5 Pourtant entre les populations Béti et Bamiléké, la tension couve toujours. Elle éclate
tout d’un coup pendant des moments précis de l’histoire. D’habitude, le prétexte est la terre,
un symbole du pouvoir politique et économique. Selon Antoine Socpa, le commencement de
la démocratisation et l’initiation de plusieurs partis politiques en 1990 ont exacerbé les
tensions6.
Dans leur recherche à Ebolowa, Mbock et al. ont constaté qu’il y a eu des problèmes
entre les autochtones Bulu et les allogènes Bamiléké dès que les Bamiléké s’y étaient
installés7. Néanmoins, la plupart de la population a remarqué que la pire période se situait
pendant l’instauration du multipartisme des années 1990’s. Les Bulu disent que les Bamiléké
sont des envahisseurs qui achètent leurs terrains et possèdent tous les magasins. Il y a une
anecdote qui rapporte que les Bamiléké utilisent la « fronde » au lieu du mètre pour mesurer
le terrain afin de voler quelques mètres. Les Bamiléké trouvent les Bulu paresseux, fainéant,
et jaloux. Au temps du multipartisme, il y avait des slogans de campagne qui avertissaient les
Bulu que les « bilobolobo veulent vous voler votre pouvoir »8. Lors qu’on déclaré les
résultats, il y a eu des violences.
5
Mbock, Charly Gabriel, Célestin Chameni, Georges Kobou, Motaze Akam, Tatah Mentah, Wang Sonne, et
Joseph Marie Zambo Belinga : Les Conflits Ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p. 41.
6
Socpa, Antoine. “Ethnicity and Politics in Cameroon: a New Kind of Uncertainty in the 1990’s.” p. 91.
7
Mbock, Charly Gabriel, Célestin Chameni, Georges Kobou, Motaze Akam, Tatah Mentah, Wang Sonne, et
Joseph Marie Zambo Belinga : Les Conflits Ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p.
111.
8
Ceux qui ne parlent pas Béti.
Friedman
15
Cet événement rappelle une situation à Yaoundé. Yves Yannick Minla Etoua, un
étudiant de la sociologie urbaine, m’a raconté qu’en 1992 c’était « particulièrement chaud »
au grand carrefour de Mvog-Mbi9. Un homme demandait aux gens de lui dire un mot difficile
en Ewondo, une langue Béti, et s’ils ne pouvaient pas le prononcer, il leur faisait mal. Il a
aussi cassé des voitures. Des Béti ont pillé des biens des Bamiléké aux marchés jusqu'à ce
qu’ils avaient peur de continuer à y vendre. Yannick affirme que ces problèmes ont été créés
par les politiciens, qui utilisent le tribalisme comme une ressource pour se rassurer avant les
élections.
Histoires crédibles
Dans ma recherche, j’ai exploré les perceptions actuelles que les Béti et les Bamiléké
ont de l’autre ethnie. Le tableau ci-dessous montre des résultats de mon enquête dans deux
quartiers de Yaoundé.
Tableau 2 Perceptions de l’autre ethnie
Perceptions des Béti par des Bamiléké
Violents et querelleurs
Honnêtes et directes
Accueillants, ouverts
Paresseux
Frivoles, infidèles
Imprévoyants, pas économiques
Solidaires, réticents
Tribalistes, racistes
Irrespectueux
Attachés à leurs traditions
Pas de travail avec leurs mains
Calmes
Influençables
Buveurs
Peu reconnaissants
Malhonnêtes
Avides
Bavardes
Fréquence
5
5
5
4
3
3
2
2
2
2
2
1
1
1
1
1
1
1
Perceptions des Bamiléké par des Béti
Sens d’affaires
Attachés aux traditions
Solidaires
Egocentriques et accapareurs
Fourbes et rusés
Avides et matérialistes
Travailleurs et déterminés
Tribalistes et racistes
Mariage intra-ethnique
Sales et pas Chrétiens
Accueillants, sociables
Agents de développement et d’évolution
Cultivateurs
Sages
Nomades
Revendiquants
Riches
Doués en sciences
Fréquence
10
8
8
7
7
6
4
4
4
4
3
3
2
1
1
1
1
1
*J’ai collectionné ces mots-clés pour représenter des thèmes de tout l’entretien, non seulement des questions sur
les caractères, les qualités, et les défauts de l’autre ethnie.
9
Minla Etoua, Yves Yannick; Entretien informel ; Les conflits entre les Bamiléké et les Béti; Université de
Yaoundé I ; Le 18 novembre, 2009.
Friedman
16
Les Béti parlent des stéréotypes sur les Bamiléké d’une plus grande fréquence, ce que
la balance de l’échantillon n’explique pas.
Les tableaux révèlent une logique commune et puissante qui pourrait convaincre un
individu de se méfier de l’autre ethnie ou de justifier ses actions contre elle. Chacun illustre
un paradigme construit qui sert à plusieurs fonctions.
Le stéréotype que les Bamiléké ont un sens d’affaires très fort est soutenu par
plusieurs stéréotypes. Prenons l’exemple d’un Bamiléké stéréotypique. Il est attaché aux
traditions, alors il exécute des rites sales, il demeure solidaire, il n’épouse que les Bamiléké, et
il est tribaliste. Il est matérialiste et égocentrique, alors il travaille dur et il fait des bénéfices
en étant fourbe envers ceux qui n’appartiennent pas à son ethnie. Ces caractères peuvent faire
peur aux autres parce qu’ils suggèrent que les Bamiléké peuvent facilement développer le
pouvoir pour réaliser leurs propres intérêts.
Le Béti stéréotypique est honnête, mais il peut devenir violent tout d’un coup ou sa
femme Béti peut être infidèle, parce qu’ils ne sont pas respectueux. Cette idée explique les
tensions interéthniques comme la faute des Béti. Il est paresseux et imprévoyant, alors il ne
travaille pas avec ses mains et il boit et bavarde trop. Il est solidaire, tribaliste, et attaché à ses
traditions. Les stéréotypes des Béti pourraient leur permettre de justifier un rejet des
Bamiléké et de reprendre confiance dans leur propre ethnie.
Avis divergents
La majorité des répondants citent des idées des stéréotypes, mais quelques individus
croient le contraire. Par exemple, le répondant 20 Bamiléké10 conçoit les Béti comme des
individus calmes, alors que le stéréotype le plus fréquent est celui de la violence. Le
répondant 18 dit les Beti ne sont pas très ouverts et qu’ils sont racistes, tandis que 5 autres
personnes décrivent les Béti comme ouverts. Ces différences prouvent la diversité humaine.
10
Veuillez voir la liste des entretiens.
Friedman
17
Dans les tablaux, les perceptions sont rigides et simplifiées comme des stéréotypes,
mais en fait ce n’est pas tous les individus qui généralisent. Par exemple, la répondante 14
s’exprime, « On trouve des gens qui n’ont pas bon caractère comme chez nous les Béti ».
Pourtant, la plupart tiennent fort aux stéréotypes.
Intégration urbaine à Yaoundé
Est-ce que le milieu urbain pourrait provoquer l’intégration humaine des Béti et des
Bamiléké ? D’après Jean-Marie Gibbal, dans les centres urbains en Afrique de l’Ouest, les
quartiers ont d’habitude un mélange d’ethnies11. Pierre Mbouombouo constate que les
meltingpots créent l’opportunité de comprendre plusieurs cultures uniques, mais suscitent
aussi le risque de xénophobie12. Il explique qu’on a tendance à croire que la juxtaposition des
cultures mènera à une intégration nationale, mais il faut aussi de la motivation et de la
participation dans un échange culturel13.
La psychologie suggère que si on a beaucoup d’interactions avec un individu ou un
groupe, l’on puisse laisser tomber ses préjugés. Au lieu d’attribuer un mauvais comportement
à l’ethnie, on peut l’attribuer aux situations. Suzanne Gurland explique que ce phénomène
arrive quand on a plusieurs interactions et alors quand on comprend le caractère de
l’individu14. Mbouombouo affirme qu’il est possible que la vie en ville offre la possibilité
d’affronter les stéréotypes reproduits par les communautés ethniques homogènes des
villages15. Donc peut-être que l’opportunité de vivre parmi des Bamiléké ou les Béti permet
aux individus de chaque ethnie de se connaître.
Gibbal observe que l’hétérogénéité des villes incite à des relations interethniques qui
commencent dans les milieux professionnels et le voisinage16. En villes, on a la possibilité de
11
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 14.
Mbouombouo, Pierre : “L’urbanisation: enjeu d’intégration et de développement au Cameroun.” p. 375.
13
Id, p. 376.
14
Gurland, Suzanne. Cours des désordres psychologiques, Middlebury College, automne 2007.
15
Mbouombouo, Pierre : “L’urbanisation: enjeu d’intégration et de développement au Cameroun.” p. 380.
16
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 142.
12
Friedman
18
nouer des amitiés avec ceux qui viennent des autres régions grâce aux échanges libres (par
exemple aux bars ou au cinéma). Selon Mbouombouo, si on peut comprendre le droit de
l’autre à ses différences, ses qualités, et ses défauts, en évitant l’animosité, l’on peut vivre
bien ensemble17. Gibbal constate que les mariages aussi deviennent parfois interéthniques et
que l’on commence à faire des choix personnels plutôt que familiaux18. Il explique qu’en
général, on a plus de rapports interindividuels parce que l’on a plus de contacts en ville19.
Gibbal constate que dans les villes, certains quartiers sont développés pour l’administration, le
commerce, les banques, les organisations socioculturelles, et le confort de leurs habitants20.
Cependant la plupart des citoyens habitent les quartiers populaires— parfois des bidonvilles
ou des marécages. Dans les quartiers populaires, on vit souvent hors de la maison, parmi les
voisins.21 Il est possible que dans ces quartiers, on ait plus d’interactions et alors des
stéréotypes moins forts.
Dans ses observations, Mbouombouo liste Elig-Effa parmi des quartiers qui luttent
pour leur développement sans souci de l’ethnie ou de l’allogène. Il y constate la pluralité
culturelle22. Néanmoins, Stephen Fox a montré dans sa recherche sur les foyers23 que
quelques groupes opèrent des regroupements identitaires à base ethnique dans plusieurs
quartiers et même les appartements. Un exemple de la méfiance sur le plan spatial est celui
des étudiants camerounais de School for International Training, qui n’ont pas pu voyager avec
nous pendant quelques semaines parce qu’il était difficile de leur trouver des familles
d’accueil. Jean Nzhie Engono constate que les villes demeurent des milieux villageois ou
17
Mbouombouo, Pierre : “L’urbanisation: enjeu d’intégration et de développement au Cameroun.” p. 380.
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 17.
19
Id, p. 398.
20
Id, p. 12.
21
Id, p. 16.
22
Mbouombouo, Pierre : “L’urbanisation: enjeu d’intégration et de développement au Cameroun.” p. 382.
23
Fox, Stephen. Présentation de recherche des maisons à Yaoundé, Integrated Development Issue, School for
International Training. Le 2 novembre, 2009.
18
Friedman
19
régionaux24, comme elles étaient pendant le colonialisme. Mbouombouo affirme que cette
ségrégation perpétue la xénophobie25 et que les frustrations peuvent monter jusqu’à la
violence là où il y a des voisins de plusieurs ethnies26.
Associations entre perceptions, quartiers, et ethnies
Je voulais explorer s’il existe une différence entre l’intégration humaine des Bamiléké
et des Béti d’un quartier populaire et d’un quartier résidentiel, pour évaluer les effets de
l’intégration physique catalysée par l’urbanisation. J’ai comparé les niveaux de stéréotypes
en supposant que ceux qui sont mieux intégrés d’une manière humaine tiennent moins
fortement aux stéréotypes.
Dans ma recherche, j’ai rencontré des individus avec plusieurs nivaux de stéréotypes.
Pour comprendre les associations entre ce concept et des autres afin d’évaluer l’intégration
aux quartiers, j’ai opérationnalisé ces nivaux. Je définis les répondants qui développent
quelques stéréotypes négatifs ou plusieurs stéréotypes sans faire des exceptions comme ceux
qui ont des « stéréotypes forts ». Ceux qui partagent des stéréotypes sans faire beaucoup
d’exceptions ont les « stéréotypes moyennes ». Ceux qui ont des stéréotypes mais qui
affirment qu’il y a des exceptions ont les « stéréotypes faibles ». Enfin, ceux qui ne parlent
pas de stéréotypes ou qui les remettent en question n’ont « pas de stéréotypes ». Il est
possible que quelques répondants aient des stéréotypes plus forts que ceux qu’ils ont montré,
mais je pense que j’ai une bonne représentation parce que mes questions étaient indirectes.
Tableau 3 : Niveau de stéréotype selon ethnie et quartier
Stéréotype fort
Stéréotype moyen
Stéréotype faible
Pas de stéréotype
24
Béti, Golf
2
2
1
Béti, Elig-Effa
3
1
2
Bamiléké, Golf
1
2
1
1
Bamiléké, Elig-Effa
3
1
Nzhie Engono, Jean. « Les Mouvements Associatifs Villageois en Milieu Urbain au Cameroun : Une
Approche Alternative de Mobilisation Pour un Développement du Monde Rural. » p. 72.
25
Mbouombouo, Pierre : “L’urbanisation: enjeu d’intégration et de développement au Cameroun.” p. 379.
26
Id, p. 380.
Friedman
20
Je m’attendais à ce que les habitants du quartier résidentiel se méfient le plus de la
façon dans dont l’autre s’est hissé. En plus, j’imaginais que les habitants du quartier
populaire ont plus d’opportunités à mettre en question leurs stéréotypes. Pourtant, il n’existe
pas de différence évidente entre les nivaux de stéréotype des habitants du Golf et d’Elig-Effa.
Cependant, il y a des interactions intéressantes. Les Béti d’Elig-Effa ont des stéréotypes
beaucoup plus forts que ceux du Golf, tandis que les Bamiléké d’Elig-Effa ont des stéréotypes
beaucoup moins forts que ceux du Golf. Les stéréotypes (tableau 2) indiquent que les Béti ont
des soucis économiques tandis que les Bamiléké ont ceux de sécurité. Au quartier populaire,
on se débrouille le plus à survivre et l’on se méfie de ceux qui pourraient leur arracher les
ressources. Il est possible que la tension ethnique ressentie par les Béti augmente à cause de
l’insécurité et la jalousie économiques. Quant aux Bamiléké, qui ont souvent peur que les
Béti soient violents, peut-être qu’ils aient des stéréotypes moins forts à Elig-Effa parce que
l’atmosphère d’interactions les rend plus à l’aise.
En général, les Béti expriment de plus forts stéréotypes que les Bamiléké. Peut-être
que les Béti se sentent plus coincés par les Bamiléké, parce que quand ils n’ont pas assez de
ressources, ils se disent que ce serait mieux si les Bamiléké n’étaient pas là. Je constate que la
plupart des Camerounais que je connais sont d’habitude plus préoccupés par les problèmes
économiques que politiques. Ils ne sont pas contents du gouvernement actuel, mais ils sont
souvent plus inquiétés par le chômage et par la manière de vivre au jour le jour. Donc bien
que les Béti paraissent avoir plus de pouvoir politique et les Bamiléké plus de pouvoir
économique, peut-être que les Béti se sentent plus vulnérables et plus prêts à « tourner » ou à
penser en stéréotypes, surtout à Elig-Effa où l’on est plus pauvre.
Associations entre relations et ethnies aux quartiers
Pour évoquer le rapport actuel entre les Béti et les Bamiléké lié à l’intégration
humaine, j’explore les relations des répondants et leurs opinions de leurs relations. Quelques
Friedman
21
répondants n’ont pas de voisins ni d’amis ni de collègues de l’autre ethnie. Dans ce cas le
répondant n’a « pas de relations ». Ceux qui ont des relations interethniques mais qui sont
très distants ont les « relations faibles ». Ceux qui ont des relations où ils disent « bonjour »
aux voisins de l’autre ethnie ou travaillent ensemble sans problèmes ont les « relations
normales ». Enfin ceux qui sont rapprochés de l’autre ethnie et en sont enthousiastes ont les
« relations rapprochées ».
Tableau 4 : Perception de la nature de relations actuelles selon ethnie et quartier
Béti, Golf
Relations rapprochées
Relations normales
Relations faibles
Pas de relations
1
2
2
Béti, Elig-Effa
1
2
1
1
Bamiléké, Golf
2
1
2
Bamiléké, Elig-Effa
3
1
Je m’attendais à ce que les habitants d’Elig-Effa aient des relations plus rapprochés
que ceux du Golf, et mon hypothèse est soutenue par les résultats généraux. Par contre, une
interaction existe encore une fois entre l’ethnie et le quartier. Plus de Béti à Elig-Effa qu’à
Golf sentent qu’ils ont des relations rapprochées ou normales avec des Bamiléké. Il est
possible que dans le quartier populaire, ils aient plus d’opportunité de défier leurs stéréotypes,
comme suggèrent plusieurs auteurs. Par contre, au Golf les relations normales sont assez
distantes à cause du style d’habitations : villas à l’intérieur de clôtures élevées. Par exemple,
la répondante 2, une Bamiléké, exprime, « Je suis chez moi, je ne suis chez personne. Le
matin, on se dit bonjour, c’est fini ». Elle n’a pas de stéréotypes, ce qui assure que cette
distance ne vient pas de la méfiance mais de l’atmosphère au quartier. Quand j’étais à EligEffa, j’ai senti que l’atmosphère normale était plus chaleureuse et intégrée, non pas que d’une
manière physique, mais aussi humaine.
Il est plus probable que les Béti d’Elig-Effa sont habitués à vivre parmi des Bamiléké
malgré leurs stéréotypes souvent forts. La culture d’Elig-Effa encourage la convivialité dont
l’enseignant Mbouombouo a écrit, mais il est possible qu’elle aussi cache les stéréotypes forts
des Béti jusqu’à ce que la tension éclate.
Friedman
22
Enfin, il est difficile de faire des comparaisons entre les Bamiléké d’Elig-Effa et du
Golf parce que les électifs ne sont pas équilibrés.
Bien qu’il y ait plus de Béti que de Bamiléké dans l’échantillon, en général plus de
Bamiléké que de Béti expriment qu’ils ont des relations rapprochées ou normales. Ce résultat
confirme ceux des perceptions—plus de Béti ont des stéréotypes, y tiennent le plus forts et ont
les relations plus distantes avec l’autre ethnie. Peut-être que les Bamiléké ont plus de
motivation à accepter l’autre parce que Yaoundé est « le village » des Béti. La répondante 4,
une Bamiléké de Golf, a affirmé, « Nos différences culturelles ne nous créent pas de
barrières….J’ai des amies Béti qui sont mariées et qui ont des problèmes de foyer, de la vie
courante, et je leur donne des conseils. On discute parfois comment gérer les Bamiléké et les
Béti ».
C’est intéressant que personne n’exprime qu’il a des relations hostiles. Même les
individus qui ont souffert quelques incidents violents ont de bonnes relations avec des autres
membres de l’ethnie ou les évitent ; ils ne maintiennent pas de relations hostiles. Il paraît que
les relations fluctuent avec le temps et les conflits et ne restent pas souvent hostiles, ou que
l’on ne veut pas avouer directement que l’on a des relations hostiles.
Associations entre perceptions et relations
Tableau 5 : Niveau de stéréotype par rapport aux perceptions des relations actuelles
Relations Rapprochées
Stéréotype fort
Stéréotype moyen
Stéréotype faible
Pas de Stéréotype
2
2
2
Relations Normales
2
2
Relations Faibles
1
1
2
Pas de Relations
3
2
1
On voit ici qu’il y a une association entre la nature des relations et le degré des
stéréotypes. Pourtant il est possible d’avoir des stéréotypes et de maintenir des relations
paisibles. Par exemple, la répondante 16 déclare sans souci, « Je n’aime pas la race là
beaucoup…on ne s’entend pas », mais elle dit aussi que les relations ne sont pas mauvaises
parce que « ce sont nos frères camerounais ». Deux répondants avec des stéréotypes forts ont
Friedman
23
des relations normales. Voilà des exemples de l’idée de l’intégration nationale qui est entrée
dans la conscience des citoyens mais qui n’a pas atteint ses buts.
Associations entre perceptions et expériences
Tableau 6 : Niveau de stéréotype par rapport à temps vécu près de l’autre ethnie
Stéréotype fort
Stéréotype moyen
Stéréotype faible
Pas de Stéréotype
Toujours
6
5
6
Plupart de la vie
Peu de temps
1
1
1
Je m’attendais à ce que ceux qui ont vécu parmi l’autre ethnie le plus longtemps aient
des stéréotypes moins forts, parce que la psychologie implique que plusieurs expériences avec
l’autre conduit une personne à considérer sa situation au lieu de lui attribuer des stéréotypes.
Par contre, les résultats suggèrent que ceux qui ont vécu parmi l’autre ethnie le plus
longtemps ont les stéréotypes les plus forts. Cela renforce l’idée que les stéréotypes ont des
fonctions dans la société et peuvent naître des experiences.
Par exemple, la répondante 2, Bamiléké, a vécu pendant la plupart de sa vie à
Dschang, où les Béti sont peu nombreux. Elle est actuellement intégrée parmi les Béti, d’une
maniere humaine et non pas seulement spatiale, parce qu’elle a épousé un Béti. Elle
n’exprime pas de stéréotypes et elle répète plusieurs fois en répondant aux questions, « c’est
comme partout, chez vous les Blancs, il y a les bons et les mauvais, comme partout ». Quand
elle a des problèmes avec des amis Bétis, elle dit que parfois c’est le tribalisme et parfois c’est
la nature de la personne.
Le tableau 2 montre que deux membres de chaque ethnie décrivent l’autre comme
« accueillants » et « tribalistes ». Peut-être que ces mots sont des indicateurs de l’expérience
d’acceptation ou de rejet l’individu ou de sa communauté par l’autre ethnie. Le répondant 15
explique comment une expérience a changé ses perceptions : « Un exemple est dans le cadre
de service. On pose un problème avec moi, ils vont parler entre eux, au lieu de venir me
parler….Ils ont perdu ma confiance. Je suis déçu. Puis tu es obligé de revoir la manière
Friedman
24
d’être avec eux ». La répondante 5 Béti affirme, « Je parle comme ça parce que je suis
victime. Avec un Bamiléké de Bafoussam. Lui, il avait déjà sa femme au village, moi je ne
savais pas. J’ai fait 3 ans avec lui. Je ne savais pas qu’il me trompait quand il rentrait au
village. Je ne les aime plus ». Dans ces exemples, le changement de perception est une
réaction de rejet. En comparaison, le répondant 6 Bamiléké a eu un enfant avec une Béti et ça
va bien jusqu’à ce moment. Il passait du temps dehors au quartier avec un Béti quand je l’ai
approché, et il pense qu’ils sont accueillants.
Par contre, il y a des individus qui ont de mauvaise expériences avec l’autre ethnie et
parviennent à ne pas les généraliser. En dépit d’avoir un voisin qui l’a menacé de la tuer en
disant, « Souvenez-vous Mboppi et Mokolo », la répondante 4 Bamiléké évite de juger tous
les Béti. Elle a des relations normales avec des Béti et des stéréotypes faibles. Il est possible
que cette femme ne veuille pas stéréotyper les Béti parce qu’elle croit que ce sont des
humains comme elle.
Récupération politique des conflits ethniques
L’animal politique a tôt vu l’intérêt qu’il pouvait tirer à caresser la fibre ethnique, la tirer et la manipuler à son
avantage 27
Selon plusieurs individus, la diversité ethnique et les expériences des tensions latentes
sont souvent manipulées afin de légitimer des attitudes ou des actions dont les origines
viennent d’autres domaines. Selon Mbock et al., les conflits arrivent quand les gens ont des
intérêts divergents qui catalysent des attitudes sociales opposantes28. Ces attitudes engendrent
des préjugés qui cachent les vraies causes des conflits. Cheik Anta Diop constate qu’on
exagère souvent des différences ethniques afin de justifier des ruptures sociales et politiques29.
De l’avis de Yannick, non seulement les politiciens, mais aussi les voisins aux quartiers,
27
Marama, Tawat. « Il faut taire les discours de la haine » Cameroon Tribune, le 27 août 1998.
Mbock, Charly Gabriel, et al. Les conflits ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p.
12.
29
Civilisation ou barbarie, cité par : Id, p. 32.
28
Friedman
25
utilisent les stéréotypes pour se rassurer dans leurs réalités30. Michel Banock affirme que
dans le cadre quotidien ou gouvernemental, le tribalisme n’est que le racisme qui fonctionne
par l’exclusion31. En tenant compte de cet obstacle à l’intégration, Elenga Mbuyinga affirme
qu’il faut lutter contre les conflits économiques, sociaux, et politiques et aussi le prétexte qui
les voile32. Dans les sections suivantes, j’examine des actions des politiciens et des citoyens
par rapport à leurs intérêts et à leurs justifications.
Mbock et al. constatent que la construction de l’ethnie a une force sociale qui est
facilement exploité par des gouvernements33. Déjà, selon Jean-Marie Tchego, les colons
avaient provoqué des rivalités ethniques afin de diviser le peuple et d’asseoir leur
omnipotence. Il donne l’exemple du colonel français Jean Lamberton, qui a averti la
population en 1960, « Le Cameroun s’engage sur les chemins de l’indépendance avec, dans sa
chaussure, un caillou bien gênant. Ce caillou, c’est la présence d’une minorité ethnique, les
Bamiléké en proie à des convulsions dont ni l’origine ni les causes ne sont claires pour
personne »34. Dze-Ngwa explique que cette ethnie était la rivale la plus menaçante par
rapport aux intérêts des Français. Ils voulaient continuer à contrôler le Cameroun, ce qui
aurait été difficile si les Bamiléké avaient du pouvoir. Donc ils ont agi par rapport à leur
intérêt dans l’avenir du Cameroun. Robert Fotsing affirme que les Français ont même fait une
tentative de génocide qui est peu connue entre 1958 et 1960 avec du napalm.
Depuis longtemps, affirme Fotsing, des politiciens utilisent les media pour semer des
stéréotypes destructifs parce qu’ils ont peur que les Bamiléké arrachent le pouvoir. Par
contre, selon Jean-Joseph Chanjou Kouatcho Nganso, c’était plus calme quand Ahidjo était au
30
Minla Etoua Yves Yannick; Entretien informel ; L’intégration des ethnies Bamiléké et Béti
Banock, Michel. Le Processus de Démocratisation en Afrique : le cas camerounais. p. 107.
32
Mbuyinga, Elenga. Tribalisme et Probleme National en Afrique Noire : Le cas du Kamerun. p. 27.
33
Mbock, Charly Gabriel, et al. Les conflits ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions. p. 31.
34
Cité par Tchegho, Jean-Marie. Bienvenue chez les Bamiléké Tome I : Espace et Sociéte.
31
Friedman
26
pouvoir. Ahidjo disait que ce serait bien si les autres imitaient l’économie des Bamiléké35.
En comparaison, Banock décrit comment Biya a encouragé l’utilisation des mots
« autochtone » et « allogène », manipulant les tensions ethniques au temps du multipartisme
et évoquant l’image des Bamiléké comme colons envahissants36. Mbuyinga suggère qu’il ait
projeté sa peur de leur pouvoir sur le reste de la population. Il affirme que Biya s’est senti
vulnérable quand il n’a pas pu protéger le peuple de la crise, alors il a lancé une rumeur que
les Bamiléké avaient pris trop d’argent des banques pour leurs tontines37. Banock dénonce
cette façon d’isoler une tribu comme bouc émissaire38. Comme d’autres ont ciblé les Juifs,
Banock affirme que le gouvernement camerounais a imaginé un projet Bamiléké de s’emparer
de toutes les formes de pouvoir39. Jean Louis Dogmo constate qu’en encourageant le
« problème Bamiléké », l’administration néocoloniale a pu exploiter une opposition entre les
Bamiléké et les Béti pour ses propres intérêts40, et Socpa affirme que les élites ont exploité
l’insécurité de la population pour s’assurer de leur soutien politique au moments opportuns41.
Les dirigeants agissent par rapport à leurs intérêts politiques mais aussi personnels.
Malgré leurs discours au sujet de la nationalité, les politiciens se laissent influencer par leurs
propres affinités ethniques. Gibbal affirme que dans un contexte de compétition ethnique, les
dirigeants sont solidaires envers leurs régions d’origine42. Mbock et al. constate que chacun
pense à sa survie personnelle et familiale, même les politiciens43. Mbuyinga critique « la
bétisation »44, l’accaparement des postes par des Béti, l’ethnie de Biya, qui essaie d’aider des
35
Amadou Ahidjo dans Le Monde le 8 1979, cité par : Chanjou Kouatcho Nganso, Jean-Joseph. Les Bamiléké
de l’Ouest-Cameroun : pouvoir, économie, et société. p. 579.
36
Banock, Michel. Le Processus de Démocratisation en Afrique : le cas camerounais. p. 86.
37
Mbuyinga, Elenga. Tribalisme et Probleme National en Afrique Noire : Le cas du Kamerun. p. 24.
38
Banock, Michel. Le Processus de Démocratisation en Afrique : le cas camerounais. p. 84.
39
Id, p. 103.
40
Jean Louis Dogmo (1997), cité par : Mbock, Charly Gabriel, et al. Les conflits ethniques au Cameroun :
Quelles sources, quelles solutions ? p. 153.
41
Socpa, Antoine. “Ethnicity and Politics in Cameroon: a New Kind of Uncertainty in the 1990’s.” p. 91.
42
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 18.
43
Mbock, Charly Gabriel, et al. Les conflits ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions. p.
157.
44
Mbuyinga, Elenga. Tribalisme et Probleme National en Afrique Noire : Le cas du Kamerun. p. 33.
Friedman
27
hommes d’affaires Béti45, et les place dans des fonctions civiles selon John Mukum Mbaku46.
En privilégiant son ethnie, Biya renforce un paradigme de tribalisme dans le pays.
Menace de tribalisme national
‘Some people saying’ that it’s the fire department doin’ arson for the white landlord’s insurance policies…I
think it’s the Koreans myself. They wanna own all’a the black folks’ homes. You know it’s really just what
they call a, what they call a peacetime invasion. Koreans gonna be all over here. Korean bosses with Mexican
slaves and they won’t be no room for no black people at all’
‘I’ont know about all that, Folger. Some’a the Koreans real nice people. It’s just them damn businessmen
wanna steal everything we got. And businessmen come in all colors—even black.’ 47
Banock affirme que le clivage Béti-Bamiléké oppose les hommes politiques et non pas
le reste de la population48. Il observe que les citoyens vivent en paix parfaite. Par contre,
Mbuyinga constate que dès les années 1990, il y a un renouveau tribaliste qui permet aux
individus de partager ouvertement leurs théories ethnocentriques49. Mbouombouo écrit que
les habitants des quartiers sont souvent divisés par des conflits d’intérêts, en particulier liés à
l’appropriation de l’espace50. Dès que l’on s’est rendu compte que les ressources de la terre
étaient limitées, explique A. Bame Nsamenang, on a développé des identités collectives pour
s’assurer de sa sécurité51. La racine du conflit peut être la politique, la religion, la culture, ou
toutes autres sources diverses, mais selon Mbock et al., les ressources économiques
actuellement constituent un intérêt typique.52
Socpa affirme que toutes les ethnies vivantes en villes n’ont pas un accès égal aux
ressources administratives et économiques53. Gibbal constate que le nombre des emplois en
ville n’augmente pas au même rythme que la population54. Il explique que la migration en
ville mène à un plus haut niveau de chômage, surtout parce que d’habitude, les migrants n’ont
45
Mbuyinga, Elenga. Tribalisme et Probleme National en Afrique Noire : Le cas du Kamerun. p. 128.
Mukum Mbaku, John. “Introduction.” Culture and Customs of Cameroon. p 11.
47
Mosley, Walter. Always outnumbered, always outgunned. p. 170-1.
48
Banock, Michel. Le Processus de Démocratisation en Afrique : le cas camerounais. p. 102.
49
Mbuyinga, Elenga. Tribalisme et Probleme National en Afrique Noire : Le cas du Kamerun. p. 33.
50
Mbouombouo, Pierre : “L’urbanisation: enjeu d’intégration et de développement au Cameroun.” p. 378.
51
Nsamenang, A. Bame. “Regionalism and national integration in Cameroon : A psycho-cultural perspective.”
p. 79.
52
Mbock, Charly Gabriel, et al. Les conflits ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions. p. 14.
53
Socpa, Antoine. “Ethnicity and Politics in Cameroon: a New Kind of Uncertainty in the 1990’s.” p. 91.
54
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 7.
46
Friedman
28
de sécurité ni résidentielle ni professionnelle55. Selon Nzhie Engono, il est possible que ce
phénomène ait été amplifié pendant les années 1990, à cause de la crise économique crée par
des Programmes d’Ajustement Structurels56.
Gibbal affirme que l’instabilité incite les migrants à demeurer très attaché à la famille
au village, et à chercher en ville des associations ethniques pour se rassurer57. Nzhie Engono
aussi explique qu’on se regroupe souvent en des associations liées aux villages afin de
travailler pour des enjeux communs58. Gibbal précise que souvent ces associations sont
économiques, comme les tontines où l’on cotise de l’argent et le remet à une personne
pendant chaque réunion. Dans les sociétés rurales de l’Afrique de l’Ouest, la culture
encourage l’entraide pour que chaque membre de la famille réussisse. Souvent, des habitants
des villes redistribuent de l’argent comme offrandes aux membres de la famille59. Ces
phénomènes montre les liens entre l’ethnie et l’intérêt.
Quand la tension économique prévaut, Socpa constate que des individus mettent leur
ethnie en valeur en l’opposant aux autres pour réussir dans le milieu quotidien. Ils utilisent
des stéréotypes comme un moyen de se rassurer au sujet de leurs problèmes économiques60.
Mbuyinga constate que chaque ethnie a des qualités et aussi des défauts. Il met ses lecteurs
en garde : si on ne perçoit que des qualités de sa propre ethnie et des défauts des autres, on
peut généraliser jusqu'au point de devenir tribaliste61.
Un exemple de la tension créée par des intérêts divergents, expliqué par Yannick, est
celle qui existe entre les Eton et les Bamiléké à Yaoundé62. Les deux tribus cultivent, font du
commerce, et émigrent de leurs champs peu fertiles. Ils se battent pour les ressources, mais
55
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 13
Nzhie Engono, Jean : « Les mouvements associatifs villageois en milieu urbain au Cameroun : Une approche
alternative de mobilisation pour un développement du monde rural. » p. 64.
57
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 16
58
Nzhie Engono, Jean : « Les mouvements associatifs villageois en milieu urbain au Cameroun : Une approche
alternative de mobilisation pour un développement du monde rural. » p. 61.
59
Gibbal, Jean-Marie : Citadins et villageois dans la ville africaine—l’exemple d’Abidjan. p. 215.
60
Socpa, Antoine. “Ethnicity and Politics in Cameroon: a New Kind of Uncertainty in the 1990’s.” p. 91.
61
Mbuyinga, Elenga. Tribalisme et Probleme National en Afrique Noire : Le cas du Kamerun. p. 74.
62
Minla Etoua, Yves Yannick ; Entretien informel ; Les conflits entre les Bamiléké et les Béti.
56
Friedman
29
les Etons ont l’avantage par rapport à l’intégration en ville. Ils sont souvent considérés
comme des autochtones bien qu’ils aient immigré, parce qu’ils sont des Béti avec une culture
similaire à celle des Ewondo, les autochtones de Yaoundé. Une observation démontre
l’actualité de cette tension. Un jour quand j’étais dans un taxi, un autre passager a remarqué
au chauffeur que les Bamiléké faisaient de mauvaises choses. Le chauffeur a rétorqué, « Tu
es quoi, Eton ? ».
Mbouombouo décrit une parole populaire qui affirme que les Camerounais ont le droit
de s’installer n’importe où dans leur pays63. Neanmoins, Willibroad Dze-Ngwa note l’ironie
que beaucoup des nationalistes Bamiléké qui ont lutté pour l’indépendance,du pays soient
souvent appelés des « allogènes » dans les communautés où ils s’installent64.
Ethnocentrisme
Comme l’a constaté Mbuyinga, quelques individus définissent l’autre
comme l’opposée d’un stéréotype d’eux-mêmes pour la dévaluer, ce qui montre que parfois
on est fier des stéréotypes de son propre ethnie (tableau 2). Par exemple, des Bamiléké disent
que les Béti n’ont pas de sens économique. De la même façon, pour faire un compliment on
peut prêter à l’autre des stéréotypes de sa propre ethnie. Des Bamiléké ont décrit des Béti
comme attachés à leurs traditions. Souvent les stéréotypes de l’autre sont l’opposée de ce
qu’on juge bon, ce qui révèle de vraies mœurs et des indicateurs de l’ethnie qui créent les
stéréotypes. Par exemple, les Béti décrivent les Bamiléké comme « fourbe », peut-être parce
qu’il valorisent leur propre honnêteté.
Parfois, on décrit les qualités de l’autre par rapport à sa conception des qualités de sa
propre ethnie. Par exemple, deux Bamiléké louent comment les Béti sont attachés à leurs
traditions. Par contre, le répondant 15, un Béti, critique l’intérêt matériel des Bamiléké en
63
Mbouombouo, Pierre : “L’urbanisation: enjeu d’intégration et de développement au Cameroun.” p. 379.
Dze-Ngwa, Willibroad. Cours de l’histoire du Cameroun, School for International Training. Septembre,
2009.
64
Friedman
30
disant, « C’est le contraire chez le Béti. Ce qui compte chez lui est plutôt l’homme. » Dans
chaque situation, l’individu loue sa propre culture.
Pas tous les répondants étaient contents de leur ethnie. La répondante 12 éprouve un
complexe d’infériorité quand elle dit, « Moi, je vois qu’ils nous dépassent. Ils sont tellement
doués à la commerce [sic] par rapport à nous les Béti. Toi, tu est Béti, tu ne peux pas faire ce
que lui, il fait ». Les origins de cette rivalité d’identité ethnique viennent de plusieurs sources.
Intérêts personnels, familiaux, et ethniques
Les intérêts de l’individu et de sa famille sont évidents dans les histoires qui
accompagnent les perceptions. Souvent les Béti, provoqués par les politiciens, veulent
sauvegarder leur pouvoir politique et leur terre, et se méfient de l’économie des Bamiléké.
Les Bamiléké veulent travailler dur pour réussir dans l’économie et se méfient du pouvoir
politique et des attitudes des Béti. Au quotidien, ils parlent des intérêts dans n’importe quel
cadre. Par exemple, le répondant 15, un Béti, dit : « Pour corroborer ce que je venais de dire
là, il est Bamiléké et sa femme est Béti. Elle est héritière — beaucoup plus les intérêts. C’est
la femme qui travaillait, je ne sais pas ce que lui, il fait», pour me convaincre que les
Bamiléké cherchent le profit même quand ils se marient.
Le 17 novembre, un membre de ma famille d’accueil m’a entendue dire que l’on
m’avait dit que les Bamiléké sont économes. Elle m’a dit que les Bamiléké ont toujours des
activités parallèles. Ils sont coopératifs jusqu'à ce qu’ils reçoivent ce qu’ils voulaient « de
matériel » chez les Béti. Quand c’est fini, ils ne te parlent plus et ils s’enferment derrière
leurs clôtures. Les Bamiléké veulent arracher le pouvoir politique des Béti. Ils feront tout ce
qu’ils peuvent pour empêcher un Béti de réussir. Néanmoins, après que l’on était vole, elle a
parlé des cotés positives d’avoir une cloture. Depuis longtemps, elle a voulu pouvoir
commnencer une activite parallele. Donc le dénigrement de l’autre ethnie peut venir de la
jalousie ou l’insécurité par rapport aux intérêts économiques et politiques.
Friedman
31
Le répondant 6, un Bamiléké, explique que les rapports ont empirés « par rapport aux
difficultés économiques. Chacun cherche pour avoir soi-même. Avant, on partageait… » Le
répondant 13, un Béti, partage son avis qu’il y a des problèmes économiques, mais il accuse
les Bamiléké. Il dit que les Bamiléké ont réussi à acheter les terrains pour pas grande chose
parce que les Béti ne gagnaient pas assez d’argent dans la fonction publique pour nourrir tous
leurs enfants. Il dit, « Le Bamiléké a toujours utilisé [l’argent] pour avoir le Béti. C’est
comme chien-chat. »
Le répondant 15, un Béti, explique que quand le multipartisme est venu, “L’homme
politique a exploité ça…Les gens ont aimé les idées tribales pour que les tribus soient à leurs
causes [sic].” Le plus souvent, on dit qu’il y a des problèmes d’intérêt lies à l’argent, et c’est
rare que l’on parle de la politique. Peut-être que la raison pour laquelle les Béti ont des
stéréotypes variés et forts sur les Bamiléké, et des perceptions des relations plus distantes,
c’est que l’on juge que les Bamiléké créent les problèmes économiques, ce qui, pensent-ils,
créent de pires problèmes d’intérêt dans la vie quotidienne que les problèmes politiques.
Education orale en famille
Comprendre la communication de la culture dans la famille camerounaise exige une
compréhension de la tradition orale. Ashley Horan constate que la culture camerounaise a
une emphase orale et que la compréhension des mots donne l’accès à la conscience sociale65.
Horan affirme que la tradition orale inclut le bavardage, les proverbes, les vérités, les
imaginations, les devinettes, et des histoires66, et je propose que la tradition orale concerne
aussi les stéréotypes. Le Dr. Gilbert Taguem Fah m’a expliqué que des stéréotypes racontent
65
66
Horan, Ashley. “Il était une fois: The cultural evolution of a community in folktales.” p. 18.
Id, p. 8.
Friedman
32
l’histoire de la perception d’un individu mais aussi celles de sa famille dès le premier contact
entre les peuples67.
Selon Horan, la tradition orale sème des renseignements ou des mœurs à travers
l’observation, l’expérience commune, et la communication directe68. Comme les contes, les
stéréotypes font partie de l’éducation et des messages sociaux. Horan constate qu’on raconte
les contes pour que les enfants sachent comment se défendre s’ils sont confrontés à certaines
situations69. Les stéréotypes aussi jouent un rôle protecteur. Gilles Ferréol et Jean-Pierre
Noreck affirment que la famille a l’objectif de transmettre des normes, des valeurs, et des
représentations collectives. Ils constatent que la famille enseigne et l’enfant intériorise ses
leçons70. De l’avis de Yannick, on tient aux mœurs traditionnelles à Yaoundé. Il constate
que ce que l’on dit dans la famille est encore plus important que ce que l’on dit à l’école, par
rapport à l’influence et à la socialisation. Il affirme que les perceptions des familles des
ethnies affectent celles de leurs enfants71.
La relation entre l’individu et la société est évidente dans le contenu des contes et des
stéréotypes et dans les processus par lesquels ils sont transmis. Horan constate que les contes
ne peuvent pas être attribués à un auteur et tout le monde les connaît. Cependant, les manières
de les raconter et de les interpréter sont très personnelles72. Les stéréotypes aussi servent à
perpétuer les enseignements des aïeux et à exprimer la subjectivité de l’individu. Mbock et al.
expliquent que l’acteur social choisit sa position entre les valeurs universelles (les droits des
citoyens individus) et les particularismes (la solidarité de la famille ou du groupe de la région
d’origine)73. Wieviorka estime que l’imagination de l’ethnie naît de l’individualisme, du
67
Dr. Taguem Fah, Gilbert ; Entretien informel ; Préciser le plan du projet indépendant; COREDEC à
N’gaoundéré ; Le 29 octobre, 2009.
68
Horan, Ashley. “Il était une fois: The cultural evolution of a community in folktales.” p. 7.
69
Id, p. 28.
70
Ferréol, Gilles et Jean-Pierre Noreck. « Institution familiale et processus de socialisation ». p. 97.
71
Minla Etoua, Yves Yannick; Entretien informel ; La famille et l’éducation ; novembre, 2009.
72
Horan, Ashley. “Il était une fois: The cultural evolution of a community in folktales.” p. 28.
73
Mbock, Charly Gabriel et al. Les conflits ethniques qu Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p. 48.
Friedman
33
communautarisme, et de la subjectivité.74 Cette subjectivité est là dans les perceptions— dans
les narrations des contes et dans les expressions des stéréotypes.
Selon Horan, les histoires sont dynamiques et multidimensionnelles75. Elle décrit
comment on fait des gestes, manipule la voix, et répète certains mots pour que l’audience soit
engagée76. Elle explique que l’on peut changer des détails par rapport à l’humeur ou à
l’audience77. Mais qu’importe comment un individu modifie une histoire, elle est vraie s’il la
croit de toute sa subjectivité.
Transmission Orale des Stéréotypes
Spontanément, le répondant 13 m’a expliqué, « Ce sont des histoires qui se passent
avec des hommes. C’est comme le cinéma, ou l’on peut changer de noms. En Afrique l’on
utilise les animaux pour montrer les caractères ». Il m’a raconté un conte où un serpent
mangeait tout le gibier et franchissait les limites dans la forêt. La panthère n’était pas
contente et l’a amené au juge. Il a comparé cette situation à celle des Bamiléké et des Béti.
Plusieurs individus ont montré leurs préjugés sans honte. La répondante 3, une Béti, a
raconté une histoire que ses parents lui avaient raconté. Elle l’a trouvé drôle, et elle attendait
que je rie aussi : « Tu peux avoir un qui est malade, qui garde son argent [sous son oreiller].
Pendant que je suis en train de souffrir, je regarde pour voir si c’est encore là [elle rit]. Il peut
se faire mourir (sic) sans dépenser son argent. Il peut demander à un autre alors qu’il a ça
[elle touche le coussin en dessous duquel elle a fait semblant de cacher l’argent]. C’est ça que
je ne comprends pas chez eux ». Sa manière de raconter cette histoire m’a convaincue
qu’elle, comme plusieurs autres répondants, était habituée à entendre des stéréotypes dans la
communauté.
74
Cité par : Mbock, Charly Gabriel et al. Les conflits ethniques qu Cameroun : Quelles sources, quelles
solutions ? p. 47.
75
Horan, Ashley. “Il était une fois: The cultural evolution of a community in folktales.” p. 10.
76
Id, p. 15.
77
Id, p. 23.
Friedman
34
Subjectivité de l’acteur sociale entre l’individualité et le communalisme
L’individu est confronté à la tâche de dévélopper une voix unique. Il fixe sa
perspective entre les histoires de sa communauté et ses propres expériences et perceptions.
Dans cette étude, les positions varient selon l’individu.
Dans quelques communautés, on enseigne des stéréotypes basés sur les expériences
des autres afin de protéger les membres de la famille ou de la communauté ethnique. La
répondante 11, une Béti, a des stéréotypes moyens, bien que ses propres expériences ne soient
pas mauvaises. Elle explique, « Quand je raconte ça, c’est d’une manière générale. Moi, je
n’ai pas de problème ». Elle dit que sa génération a appris des expériences de leurs aînés :
« …depuis qu’on s’est rendu compte que les Bamiléké sont des gens qui trompent les autres,
[les relations ne sont] plus bonne[s]….On a commence de comprendre que ce sont eux qui ont
l’économie du pays….On a vendu leur terre aux Bamiléké. Les autres, qui n’ont pas été
trompés par eux, sont éveillés. » Il est probable qu’elle a appris ce qu’elle m’a raconté de ses
beaux-parents, qui ont vendu leur terre aux Bamiléké. Comme eux, elle m’a raconté cette
histoire, en gesticulant sur le sol pour symboler le poteau manipulé dans la vente du terrain.
De ma participation dans la communication de ces histoires, j’ai compris l’influence de
l’oralité dans la perpétuation des perceptions.
Par contre, le répondant 18, un Bamiléké, a une perspective unique qui vient d’une
emphase sur l’individualité. Bien qu’il ne pense pas que les Béti ont des qualités, qu’il ait
vendu son terrain aux Béti, et que ses parents souffrent à cause des Béti qui privilégient leurs
frères, il accepterait une femme Béti. Il est touché par l’idée de l’unité nationale. Un autre
Bamiléké, le répondant 20, dit qu’ « Il y a trop de préjugées. » Il y a des valeurs
traditionnelles comme de ne pas regarder le chef dans les yeux, mais « il faut beaucoup plus
s’appuyer sur les valeurs universelles… nous sommes des êtres humains, nous devons nous
comprendre ».
Friedman
35
Influences des parents sur les perceptions des répondants
Tableau 7: Niveau de stéréotype par rapport aux stéréotypes des parents
Stéréotype fort —
parents
4
Stéréotype fort
– répondant
Stéréotype moyen –
répondant
Stéréotype faible –
répondant
Pas de Stéréotype —
répondant
*une répondante ne sait pas.
Stéréotype moyen —
parents
2
1
4
1
1
Stéréotype faible —
parents
Pas de stéréotype
— parents
2
3
2
Souvent les parents et les enfants sont du même côté. Il existe deux individus dont les
parents ont les stéréotypes forts et moyens mais qui ont les stéréotypes faibles. Peut-être que
là c’est l’influence du modernisme.
Bien que la répondante 10 ait 55 ans et qu’elle ait vécu des situations où l’on a essayé
de la chasser, elle n’a que des stéréotypes faibles. Elle tient à sa foi et à ses mœurs qu’elle
partage avec ses parents. Elle a répété plusieurs fois, « Nous sommes venus en promenade »
et « Personne ne donne le sommeil à l’autre. » Pour se donner de la force, elle exprimait que
personne ne peut rester dans la terre pour toujours et que personne ne peut l’arracher son
sommeil. Quoiqu’on lui fasse, elle vit en paix. Ses parents lui ont conseillé d’éviter les Béti.
Ils ont dit, « Nous ne devons pas haïr quelqu’un. La terre ce n’est à personne….Nul n’est
éternel sur la terre. Si on doit rentrer, il n’y a pas de problème ». Donc les perceptions des
parents peuvent avoir des effets plus forts que les expériences des répondants.
Friedman
36
Acceptation et Rejet
Tableau 8
Si l’individu lui plait
Nous sommes tous Camerounais
fréquence
5
3
Dieu ou destin choisit
Le cœur décide
2
2
Si le Bamiléké n’a pas de mauvaises
traditions
Si la Béti est respectueuse
Les Bamiléké respectent la famille
Une Béti comme deuxième épouse
2
Justifications de l’acceptation
Justifications du rejet
La famille n’accepterait pas
Les Bamiléké ne sont pas à son
niveau
Peur de violence du Béti
Les Bamiléké aiment trop leurs
traditions
Les hommes Bamiléké ne sont pas
fidèles
fréquence
2
1
1
1
1
1
1
1
Il y a une division entre des répondants qui prennent des jugements individuelles et
qui considèrent l’autre comme individu, et ceux qui pensent à la famille et partagent des
perceptions communes de l’autre ethnie. Les premiers parlent des comportements, manières
de vivre, et mœurs en commun. Quand est-ce que cela entre dans les particularités de la
tradition, et quand est-ce que c’est universel ? La répondante 2, une Bamiléké, a expliqué
d’une manière simple : « Un parent peut dire quoi ? Dès que tu as trouvé ce qui tu aimes. Ils
n’ont rien dit. ‘Si vous acceptez, boire son vin.’ [C’est à dire, de l’épouser]» Le répondant
20, un Bamiléké, dit que les mariages sont entre les individus et les belles-familles, mais que
sa mère respecte ses choix parce qu’il est « dans le tourbillon de la mondialisation. »
Par contre, les parents de la répondante 5, Béti, ont toujours dit : « Tu épouse un
Bamiléké, tu vas souffrir….Après il va chercher sa sœur Bamiléké. Elle sera 1er femme, et toi
tu seras 2e femme. C’est comme ça. » Plusieurs répondants ont remarqué que le mariage
affecte toute la famille. Il y a plus de répondants qui paraissent être ouvert à l’idée du
mariage, mais plusieurs de ces individus ont des stéréotypes. Peut-être qu’ils ne veulent pas
avouer directement qu’ils seraient solidaires, tribalistes, ou renfermés, parce que souvent leurs
stéréotypes accusent l’autre d’être comme cela. Cependant, un Bamiléké, le répondant 8, m’a
dit ouvertement qu’il préfère une première femme qui est aussi Bamoun, pour garder le « sang
Friedman
37
pur », mais après il épouserait une Béti. Est-il raisonnable de se marier entre eux pour
protéger la culture ? Il explique, « Je ne refuse pas ma culture, je l’adopte, et je ne refuse pas
celle de l’autre ».
Il y a des généralités et des distinctions même entre les groupes qui composent les
ethnies. Répondants 17 et 18 m’ont expliqué que les Bangangté sont plus ouverts aux
mariages interethniques que les Dschang—cependant, une Dschang, la répondante 2, a épousé
un Béti.
Rôle de la religion
Quelques répondants ont parlé de Dieu pour exprimer comment nous sommes tous des
humains. Pourtant, la répondante Béti 11 a dit, « Moi, je suis enfant de Dieu, alors je n’ai pas
peur d’une voisine Bamiléké. Même si elle est tout comme ça, je sais que Dieu est toutpuissant ». Cette perception de la religion ne respecte pas l’individualité de l’autre, mais
pourrait aider à l’intégration. Ainsi, des messages qui expriment la nécessité d’aimer son
voisin pourrait avoir un bon effet.
Vers une unité de diversité
Nous reconnaissons la valeur historique des ethnies de notre peuple, c’est la source même d’où jaillira la
modernisation de la culture nationale. Mais nous n’avons pas le droit de nous servir de l’existence des ethnies
comme moyen de luttes politiques ou de conflit de personne.78
Au Cameroun, il y a plus de 230 ethnies susceptibles de contribuer à une pluralité
culturelle unifiée. Néanmoins, plusieurs auteurs ont décrit et expliqué les tensions ethniques
au Cameroun. Le consensus est que les efforts d’intégration n’ont pas encore atteint leurs
buts et qu’il faudrait un changement dans la mentalité de la population.
Mbock et al. affirment que la multitude des cultures camerounaises pose un défit par
rapport à l’intégration nationale79. Selon eux, souvent on évite de se comprendre au quotidien
78
Ruben Um Nyobe. « Lettre a A.M. Mbida » le 13 juillet 1957. Cite par Mbuyinga, Elenga. Tribalisme et
Problème National en Afrique Noire : Le Cas du Kamerun.
79
Mbock, Charly Gabriel et al. Les conflits ethniques qu Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p. 9.
Friedman
38
en citant les modes de vie différents. Cependant, Kum’a Ndumbe III voudrait que les
Camerounais aient l’opportunité d’apprendre les cultures de leurs voisins. Il condamne
l’exclusion de ceux qui ne sont pas nés dans la région de sa propre tradition80. Pourquoi estce qu’on ne se rapproche pas ? Mbuyinga estime que plusieurs individus refusent de
s’intégrer parce qu’ils s’efforcent d’établir l’hégémonie de leur propre ethnie81. A cet égard,
il est logique qu’une rivalité se développe qui encourage les Camerounais à se glorifier et à
rejeter leurs voisins. En évoquant cette image d’un pays où la société perçoit la réussite ou la
faillite des individus par rapport à leur ethnie82, Mbock et al. manifestent leur volonté de
renforcer la nationalité et l’humanité communes.
« L’intégration nationale » est une expression bien connue au Cameroun grâce à sa
présence politique. Dze-Ngwa explique qu’Ahidjo a tenté de créer l’unité nationale, tandis
que Biya a décrit l’intégration nationale. Un exemple du projet de Biya est qu’il ne voulait
pas qu’il y ait des quartiers majoritaires d’une ethnie. Dze-Ngwa affirme que les deux plans
ont échoué parce que les présidents n’ont pas respecté leurs promesses. En plus, selon Paul
Nchoji Nkwi et Antoine Socpa, Biya a permis à plusieurs partis ethniques de commencer avec
la création du multipartisme. A leurs avis, les 120 partis actuels divisent le pays au lieu de
l’intégrer83. Nsamenang tente d’expliquer les actions des présidents face à leurs paroles. Il
soutient que les deux présidents du Cameroun ont affirmé de vouloir faire progresser des
sentiments d’identité nationale, mais qu’ils n’ont pas pris les initiatives nécessaires parce
qu’ils étaient plus concernés par des motivations économiques84.
Sans l’aide des dirigeants, comment resocialiser une population à se sentir appartenir à
la nation du Cameroun? Comment encourager la volonté du brassage ethnique ? Nsamenang
80
Kum’a Ndumbe III. “Cameroon’s Cultural Identity and National Integration: for the conquest of our identity
in an integrated Cameroon”. p.244.
81
Mbuyinga, Elenga : Tribalisme et Problème National en Afrique Noire : Le cas du Kamerun. p. 172.
82
Mbock, Charly Gabriel et al. Les conflits ethniques qu Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p. 64.
83
Nchoji Nkwi, Paul and Antoine Socpa. “Ethnicity and party politics in Cameroon: The politics of divide and
rule.” p.147.
84
Nsamenang, A. Bame : “Regionalism and national integration in Cameroon : A psycho-cultural perspective.”
p. 81.
Friedman
39
suggère que l’on soutienne les communautés ethniques dans leurs efforts de conserver leurs
cultures85, et Kum’a Ndumbe III affirme que l’on peut maintenir sa culture ethnique tout en
faisant partie d’un plus grand réseau social86. Si les Camerounais sont confiants dans leurs
identités culturelles, Nsamenang soutient qu’ils peuvent devenir plus ouverts à développer
l’identité nationale87. Pour atteindre ce but, Mbock et al. et Kum’a Ndumbe III soulignent la
nécessité de partager sa culture et de respecter celle de l’autre8889. Cette mentalité a le
potentiel de rapprocher les humains et de conduire au développement de la cohésion
subjective décrite par Nsamenang90. En plus, elle protège la population de devoir tolérer ou
une unité qui vient de l’assimilation ou une division des groupes renfermés, ce qui encourage
l’ethnocentrisme. Afin de créer une unité de diversité, Mbock et al. propose le
développement de cette nouvelle mentalité dans la population.91
Propositions pour la paix
Comme Kum’a Ndume III, le répondant 20, un Bamiléké, voudrait une intégration
humaine qui ne remplace pas la culture qu’il a déjà. Le répondant 8, un autre Bamiléké, a dit,
« Lorsque vous faites des études, vous essayez d’éliminer les préjuges. Vous trouvez envie
d’aimer autrui…. En général, nous devons lutter contre les préjugés parce que ce ne sont pas
méthodiquement bien ».
Néanmoins, plusieurs individus ne peuvent imaginer l’intégration que si l’autre ethnie
change son comportement. La répondante 3, une Béti, dit que quand les Bamiléké vont à
l’étranger, ils commencent à « s’intéresser aux autres cultures… et « essaye[r] d’imiter des
85
Nsamenang, A. Bame : “Regionalism and national integration in Cameroon : A psycho-cultural perspective.”
p. 85.
86
Kum’a Ndumbe III: “Cameroon’s Cultural Identity and National Integration: for the conquest of our identity
in an integrated Cameroon.” p.244.
87
Nsamenang, A. Bame : “Regionalism and national integration in Cameroon : A psycho-cultural perspective.”
p. 85.
88
Mbock et al: Les Conflits Ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p. 9.
89
Kum’a Ndumbe III. “Cameroon’s Cultural Identity and National Integration: for the conquest of our identity
in an integrated Cameroon.” p. 244.
90
Nsamenang, A. Bame : “Regionalism and national integration in Cameroon : A psycho-cultural perspective.”
p. 84.
91
Mbock et al: Les Conflits Ethniques au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? p. 10.
Friedman
40
autres. Puis ils ne sont pas si primitifs. La fusion des cultures les émancipe. Ils apprennent à
être sociable et à vivre avec les autres ». Elle s’attend à des problèmes des Bamiléké : « Je
sais à quoi m’attendre, je sais comment gérer cette sorte de problème ». Elle pense que sa
belle-sœur Bamiléké peut s’intégrer dans la famille parce que « avec le mélange des deux
cultures, il peut y avoir un changement de culture ». Cependant, elle n’a rien dit au sujet de
ce qu’elle ou des Béti auraient pu mal fait en cas de problèmes. Elle donne l’impression de
penser que les Bamilékés créent les problèmes et doivent changer pour les résoudre. Cette
perspective ne me donne pas beaucoup d’espoir pour la compréhension entre cultures. D’une
manière similaire, la répondante Béti 11 accepterait une amie Bamiléké parce que, « C’est un
être humain. Avec Dieu, je pourrais la changer entièrement. Elle ne pourrait rien ».
Le répondant 13, un Béti, donne un exemple actuel par rapport aux équipes de foot
afin de montrer comment le tribalisme est intégré dans la culture du pays. Il connaît un joueur
qui a fait dix ans de formation dans un club de Bamiléké sans être autorisé à voyager. « A
chaque fois il se fait rouler—d’autres personnes, des Bamiléké en fait, vont en Europe. Même
qu’il a du talent (sic), ils vont envoyer leur frère qui est nul. Ça c’est du tribalisme, et c’est un
très grand problème que le Cameroun vit. Le mérite n’est plus valorisé….Je veux une équipe
qui gagne, je mets celui qui joue bien. Mais je me trouve obligé de les mettre parce qu’ils
viennent de ma région même s’ils ne sont pas bons. Sur le plan des résultats, ça ne donne pas.
Ça commence dans les clubs de football à l’école et mène jusqu’aux ministères. Tout le
monde est Bamiléké dans les entreprises, et Béti dans les ministères. Au Cameroun, sur le
plan des résultats, c’est catastrophique. » Il réfléchit avant de suggérer : « C’est l’intérêt de la
communauté, de tous. Si les hommes vivaient en parfaite harmonie, la société réussirait. Ces
problèmes mènent la structure à échouer. On va plutôt passer le temps à privilégier les gens
de chez nous, ça ne va jamais aller loin. »
Friedman
41
Conclusions
En anticipant les nouvelles élections, il faut que le gouvernement et surtout le peuple
réfléchissent au rapport entre les Béti et les Bamiléké pour décourager des sentiments
antiéthniques. Malgré l’apparence des relations paisibles de l’intégration en ville, des
stéréotypes liés aux intérêts économiques et politiques opposent toujours les Béti et les
Bamiléké. Le tribalisme est actuellement un élément de la culture camerounaise que l’on doit
affronter pour protéger les intérêts de tous.
Cette enquête démontre que plus des Béti ont des stéréotypes que les Bamiléké, et les
Béti y tiennent plus fortement. En dépit de leurs relations plus rapprochées à Elig-Effa qu’au
Golf, les Béti y ont des stéréotypes plus forts que les Bamiléké. Cette existence des
stéréotypes forts prouve que l’intégration spatiale ne peut pas mener à l’intégration humaine
sans qu’il y ait un changement de mentalité. Je m’attendais à ce que l’intégration urbaine
incite ce changement, mais les résultats montrent que les citoyens qui ont vécu plus de temps
parmi l’autre ethnie ont des stéréotypes plus forts. Comme je m’attendais, les intérêts
économiques et politiques, la communication familiale et les expériences de l’individu
coopèrent à former des perceptions qui pérennisent la tension ethnique.
Le Cameroun est diversifié, donc il est logique que les perceptions des Camerounais le
soient aussi. Des mouvements existent vers l’individualité et le respect de l’autre, souvent
grâce à l’éducation. Si les écoles et les églises encourageaient la paix entre les voisins et les
collègues, et les parents le goût de connaître l’autre, le pays pourrait développer une
intégration humaine.
Friedman
42
Références
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Friedman
43
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Tchegho, Jean-Marie : Bienvenue chez les Bamiléké Tome I : Espace et Société. Yaoundé :
Editions Démos, 2008.
Entretiens92
1. homme Bamiléké ; le 19 novembre, 2009 ; chez lui à Golf.
2. femme Bamiléké ; le 19 novembre, 2009 ; chez elle à Golf.
3. femme Béti ; le 20 novembre, 2009 ; chez elle à Golf.
4. femme Bamiléké ; le 20 novembre, 2009 ; chez elle à Golf.
5. femme Béti ; le 21 novembre, 2009 ; dehors un bar à Elig-Effa.
6. homme Bamiléké ; le 21 novembre, 2009 ; dehors un bar à Elig-Effa.
7. femme Béti ; le 21 novembre, 2009 ; chez elle à Elig-Effa.
8. homme Bamiléké ; le 21 novembre, 2009 ; chez lui à Elig-Effa.
9. femme Béti ; le 22 novembre, 2009 ; chez elle à Elig-Effa.
10. femme Bamiléké ; le 22 novembre, 2009 ; au bar qu’elle loue à Elig-Effa.
11. femme Béti ; le 22 novembre, 2009 ; chez elle à Elig-Effa.
12. femme Béti ; le 22 novembre, 2009 ; dehors chez elle à Elig-Effa.
13. homme Béti ; le 22 et 23 novembre, 2009 ; chez lui à Elig-Effa.
14. femme Béti ; le 23 novembre, 2009 ; chez elle à Golf.
15. homme Béti ; le 23 novembre, 2009 ; chez lui à Golf.
16. femme Béti ; le 25 novembre, 2009 ; chez elle à Golf.
17. homme Bamiléké ; le 25 novembre, 2009 ; dehors la maison de ma famille à Golf.
18. homme Bamiléké ; le 25 novembre, 2009 ; dehors la maison de ma famille à Golf.
19. homme Béti ; le 28 novembre, 2009 ; chez sa famille à Golf.
20. homme Bamiléké ; le 1 décembre, 2009 ; dans un bar à Elig-Effa.
Minla Etoua, Yves Yannick; Entretien informel ; L’intégration des ethnies Bamiléké et
Béti ; Université de Yaoundé I ; Le 11 novembre, 2009
Minla Etoua, Yves Yannick; Entretien informel ; Les conflits entre les Bamiléké et les
Béti ; Université de Yaoundé I ; Le 18 novembre, 2009.
Minla Etoua Yves Yannick; Entretien informel ; La famille et l’éducation ; novembre, 2009.
Dr. Taguem Fah, Gilbert ; Entretien informel ; Préciser le plan du projet indépendant ;
COREDEC à N’gaoundéré ; Le 29 octobre, 2009.
92
Chaque entretien anonyme porte sur les « rapports entre des Bamiléké et des Béti d’un quartier résidentiel et
d’un quartier populaire de Yaoundé ».
Friedman
44
Annexes
Annexe 1 : Instructions aux Sujets
« Bonjour, excusez-moi. Comment allez-vous ? »
« Je suis une étudiante américaine de School for International Training et je fais un devoir au
sujet des rapports entre les Bamiléké et les Béti à Yaoundé. Pour ça, je dois entretenir des
Béti et des Bamiléké. Est-ce que vous êtes l’un ou l’autre ? »
« Est-ce que vous acceptez de parler avec moi pendant un moment ? Votre nom ne sera pas
écrit dans le devoir et vous êtes libre de sauter des questions ou d’arrêter l’entretien à
n’importe quel moment. »
[Entretien ; Veuillez voir le guide d’entretien ci-dessous]
« Est-ce qu’il y a certains détails que vous ne voudriez pas que j’inclue dans le devoir ? »
« Les résultats seront à l’Université de Yaoundé I. Voudriez-vous que j’écrive mon nom pour
que vous puissiez trouver mon devoir à la fin du mois ? »
Friedman
Annexe 2 : Test du Guide d’Entretien
1. Vous êtes né en quelle année ?
2. Avez-vous toujours habité ce quartier ? Si vous avez habiter ailleurs, est-ce qu’il y avait
des Béti/Bamiléké ?
3. Pour vous, qu’est-ce qui caractérise les Béti/Bamiléké ?
4. Quelles sont les plus grandes qualités ?
5. Et les plus grands défauts ?
6. Quelles relations avez-vous avec eux ?
7. Quelles sont vos expériences ensembles ?
45
Friedman
8. Que disent vos parents au sujet des Bamiléké/Béti ?
9. Qu’est-ce qu’ils racontent sur leurs expériences avec des Béti/Bamiléké ?
10. Accepteriez vous un(e) Béti/Bamiléké comme x et pourquoi ?
Collègue ?
Voisin ?
Ami(e) ?
Petit(e) ami(e) ?
Epou(x)(se) ?
Gendre ?
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Friedman
Annexe 3 : Guide d’Entretien (x : l’autre groupe)
1. Vous êtes de quel groupe en particulier ?
2. Vous êtes né en quelle année ?
3. Avez-vous toujours habité ce quartier ? Dans quelles circumstances êtes-vous arrivé
ici ? Si vous avez habiter ailleurs, est-ce qu’il y avait des x ?
4. Que faites-vous dans la vie ?
5. Pour vous, qu’est-ce qui caractérise les x ?
6. Quelles sont les plus grandes qualités ?
7. Et les plus grands défauts ?
8. Quelles relations avez-vous avec eux ?
9. Quelles sont vos expériences ensembles ?
10. Avez-vous des voisins x ? Ils sont comment, comment est votre rapport?
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Friedman
11. Que disent vos parents au sujet des x ?
12. Qu’est-ce qu’ils racontent sur leurs expériences avec des x?
13. Accepteriez vous un(e) x comme : et pourquoi ?
Collègue ?
Voisin ?
Ami(e) ?
Petit(e) ami(e) ?
Epou(x)(se) ?
Gendre ?
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