Le capteur de niveau voit au fond du trou
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Le capteur de niveau voit au fond du trou
042-045_SOPE779 OMG Reportage Vu chez OMG 7/12/05 11:41 Page 42 Solutions CONTRÔLE DE PROCESS Le capteur de niveau voit au fond du trou ▼ Taillée dans les Pyrénées,la carrière souterraine de OMG à St Béat évoque les mines, avec ses galeries,ses explosifs pour faire sauter la roche,ses concasseurs,ses broyeurs et ses volumineux engins. S on marbre ressemble à celui de Carrare, mais ses applications sont sans doute plus étendues. Broyé et réduit à l’état de poudre, le marbre de St Béat est très connu des industriels du bâtiment, qui l’utilisent pour donner un aspect patiné aux façades de bâtiments. Les fabricants d’aliments pour animaux s’en servent pour incorporer dans leurs produits les apports minéraux indispensables (les poules, plus particulièrement, en ont besoin pour faire la coquille des œufs). Le marbre de St Béat est présent dans les colles, peintures, enduits pour le bâtiL’essentiel ment. Plus de 250 000 tonnes pro Dans le process d’extracduites chaque année, tion du marbre de la carrière de OMG, il y a de nomplus de 1 000 clients breux transferts de pierres industriels : sans le dans des cheminées et des savoir, tout un chacun silos taillés dans la roche a vu ou utilisé un pro La mesure du niveau sur duit comportant du une cheminée posait des marbre de St Béat. difficultés du fait de la proAvec ses 9 carrières à fondeur (20 m) et de l’étroitesse (3 m) de la cheminée ciel ouvert et une car Le problème a été résolu rière souterraine, avec en utilisant un capteur ses 50 véhicules et radar focalisé engins qui en impo Les conditions d’environsent, avec son usine, on nement difficiles (poussièpeut imaginer que re, bruit) ne perturbent pas St Béat n’est que bruit la mesure et poussière. C’est tout 42 Réputé pour sa blancheur, le marbre de St Béat (près de St Gaudens) est utilisé dans de nombreuses industries, dans des applications très diverses. OMG qui exploite une carrière souterraine (une mine, en quelque sorte) a dû relever de nombreux défis pour mettre en place les automatismes de process. Parmi ces défis, une mesure de niveau de pierres à l’intérieur d’une étroite cheminée de 20 m de haut… le contraire. Situé près de St Gaudens au cœur des Pyrénées centrales, dans un paysage verdoyant, St Béat porte bien son nom, évoquant la quiétude. Il est vrai qu’Onyx et Marbre et Granulés (OMG) qui exploite la carrière depuis 1934, fait de sérieux efforts pour protéger l’environnement. Des filtres limitent les dégagements de poussières, les nuisances sonores de l’usine ont été réduites, les camions ne passent plus au cœur du village… Et après chaque fin d’exploitation, OMG réintègre le site dans son environnement en colorant avec des pigments naturels les carrières exploitées afin de leur donner un aspect déjà vieilli. Ces efforts seront poursuivis à l’avenir. C’est un peu une nécessité parce que St Béat a signé un bail de longue durée avec le marbre : plusieurs géologues venus étudier le gisement estiment les réserves à environ 40 millions de tonnes. Une production très automatisée On s’en doute, la production est mécanisée et automatisée. Quelques chiffres permettent de se faire une bonne idée de la performance obtenue : OMG emploie moins d’une quarantaine de personnes qui se répartissent dans les 10 carrières (d’où sont extraites 250000 tonnes chaque année), les trois unités de production de semoules, les deux unités de production de poudres et l’unité de production de granulés. Si peu de monde dans autant d’espace, on ne se bouscule pas! La carrière souterraine que nous avons visitée est bien significative de la place qu’occupent les machines dans l’exploitation. Dans les centaines de mètres de galeries, on trouve d’imposants concasseurs, broyeurs, tapis et bandes transporteuses. Beaucoup de bruit, de la poussière et pratiquement personne. Les automatismes se chargent de tout. Il n’y a pas beaucoup de mesures mais elles sont capitales car ce sont elles qui permettent de définir la façon dont doivent être effectués les tris et mélanges de matière de façon à obtenir un produit homogène qui sera ensuite traité par l’usine. Certaines mesures posent de vrais problèmes techniques. Le cas s’est posé lorsqu’il a fallu mesurer la hauteur des pierres à l’intérieur de la cheminée qui alimente le concasseur. On se trouve ici au niveau 2 de la carrière. Cette galerie communique avec la galerie située en dessous via un trou (une cheminée), qui traverse la galerie de part en part, soit une vingtaine de mètres de profondeur. Le concasseur se trouve juste en dessous. La roche extraite (à l’explosif) est transportée par camion depuis le front de taille et déversée dans la cheminée, afin d’être concassée. Pour que l’opération de concassage se passe bien, il faut qu’il y ait toujours un lit de matière en bas de la cheminée afin de protéger le tiroir du concasseur. Il ne faut pas MESURES 779 - NOVEMBRE 2005 - www.mesures.com 042-045_SOPE779 OMG 7/12/05 11:41 Page 43 Solutions Reportage Vu chez OMG Schéma du process Capteur de niveau Niveau 2 20 m Extracteur Concasseur PHASE 2 Mesure de blancheur PHASE 1 Pesage 6à7m Broyeur Détecteur capacitif Détecteur capacitif Niveau 1 8m 8m 8m 8m 20 m Extracteur vibrant Niveau 0 Pesage Le niveau des différents silos de stockage des pierres broyées est mesuré à l’aide de capteurs à ultrasons.Ces silos ont une ouverture relativement large (8 m de côté) et l’angle d’ouverture relativement important du faisceau à ultrasons (comparativement à celui du radar focalisé) n’est pas gênant.La mesure n’est perturbée ni par la poussière,ni par le bruit ambiant. non plus que le niveau de pierres dans la cheminée soit trop élevé, pour éviter tout risque de bourrage. Comme il y a une grande tolérance sur le niveau de pierres dans la cheminée, le plus simple serait que le chauffeur le vérifie lui-même, de visu. Mais c’est impossible en pratique : il ne peut s’approcher au bord du trou (trop dangereux) et il est impossible d’utiliser un jeu de miroirs car il y a beaucoup de poussière (et, de surcroît, peu de lumière). Les équipes techniques de OMG ont alors envisagé d’installer un capteur de niveau et lancé une consultation auprès des fabricants spécialisés : « Les trois fournisseurs que nous avons consultés nous ont tous proposés de réaliser une mesure sans contact avec un transmetteur à ultrasons.Cette solution nous inspirait confiance car nous avions déjà une expérience de l’ultrason », indiqueYvon Bescond, responsable Electricité Instrumentation Automatismes du service Entretien/Travaux Neufs. Les capteurs proposés ne se distinguaient ni en termes de performances ni en termes de prix. Il a fallu alors trouver d’autres critères pour choisir entre Endress+Hauser,Milltronics (aujourd’hui intégré dans Siemens) et Vega. « Nous utilisions déjà du Milltronics etVega.L’offre Endress+Hauser était concurrentielle, sans pour autant apporter d’avantage significatif.Nous ne l’avons pas retenue parce que cela nous aurait obligés à avoir un troisième fournisseur en capteurs de niveau (avec ses incidences en gestion, en maintenance) et à apprendre à utiliser un nouveau logiciel », explique M. Bescond. Milltronics et Vega, qui restaient en lice, ne se départageaient pas franchement; la différence s’est faite sur des petits riens, le relationnel, le niveau de motivation du technico-commercial local, par exemple. Vega est retenu. L’application, faut-il le rappeler, comporte un seul et unique capteur, ce qui n’incite pas forcément à une débauche d’énergie pour remporter l’affaire… Le capteur de niveau à ultrasons est placé sur OMG en quelques chiffres Onyx et Marbre et Granulés (OMG) a été créée en 1934 par François Dabos. 1971 constitue une autre date clé, avec l’entrée dans le capital du groupe suisse Omya. OMG emploie 40 personnes pour un chiffre d’affaires de 8,6 M€ en 2004. La société travaille avec 60 sous-traitants et livre chaque année plus de 300 000 tonnes de marbre, sous forme de granulés et poudres. Les granulés font jusqu’à 16 mm de diamètre, les semoules jusqu’à 4 mm. MESURES 779 - NOVEMBRE 2005 - www.mesures.com Il existe une dizaine de variantes de granulés, qui répondent aux noms empreints de poésie de Blanc Sost, Blanc Arguenos, Blanc Lez, Bleu Turquin, Rouge Automne, Rose Corail, Vert des Pyrénées, Vert des Alpes, Ivoire doré, Silver Star… Les poudres sont toutes dénommées “Béatite”. Quant aux marbres gris, la simple énumération des noms montre bien qu’il s’agit des produits les moins blancs existant dans le gisement : Carbonate, Dolomie… 43 042-045_SOPE779 OMG Reportage Vu chez OMG 7/12/05 11:41 Page 44 Solutions Du capteur à ultrasons au capteur radar HIER Au départ Capteur à ultrasons AUJOURD’HUI Quelques semaines plus tard Capteur radar 26 GHz Capteur à ultrasons Faisceau à ultrasons création d’un faux écho 20 m dépôts de pierres sur la paroi de la cheminée L’ouverture du faisceau à ultrasons est prévue pour aller jusqu’au fond de la cheminée la paroi de la galerie, quelques mètres audessus de l’ouverture de la cheminée. Au début tout se passe bien. Pas pour longtemps, se souvient M.Yves Reulet (service Entretien/Travaux Neufs, Instrumentation Automatismes). « La principale raison vient du fait que la cheminée n’est pas rigoureusement verticale mais légèrement oblique. Avec le temps, des pierres se déposent sur la paroi,formant un talus, rétrécissant le conduit de la cheminée.Le faisceau du capteur à ultrasons n’étant pas suffisamment directif,il ne pouvait plus atteindre le fond de la cheminée,il y avait des échos sur la paroi et du coup le capteur indiquait que l’on avait atteint le niveau haut,ce qui était faux, bien évidemment… », La cheminée, il faut dire, est relativeOn aperçoit ici le capteur radar focalisé placé au-dessus de la cheminée où sont envoyées les pierres extraites du front de taille afin d’être broyées dans le concasseur placé en bas de la cheminée, au niveau en dessous. Le fonctionnement du capteur n’est pas perturbé par la poussière très présente à cet endroit. 44 Le faisceau du radar est localisé et présente un angle d’ouverture très faible (4°). Il n’est pas interrompu par la présence des pierres sur la paroi de la cheminée. La cheminée est partiellement obstruée. Le faisceau à ultrasons est “coupé” par le dépôt présent sur la paroi de la cheminée ment étroite (3 m de côté) pour une profondeur d’une vingtaine de mètres... Il fallait donc trouver un capteur présentant un faisceau plus directif. « En ultrasons, il n’était pas possible d’aller plus loin.Nous avons alors proposé à OMG de tester un capteur radarVegapuls 68,qui travaille à 26 GHz (il s’agit ici d’ondes électromagnétiques),une fréquence qui “marche”bien pour les matériaux solides les plus divers. La poussière, très présente ici, ne perturbe pas la mesure.Mais dans l’application présente, le plus important, c’est qu’il est possible d’utiliser une antenne parabolique permettant de limiter à 4° l’ouverture du faisceau », argumente Philippe Cassaignau, responsable Vega pour le secteur Sud-Ouest. Le capteur radar était déjà présent dans le catalogue lors de l’appel d’offres, mais Vega, à l’instar de ses concurrents, avait préféré proposer une solution à ultrasons, moins onéreuse, et qui avait déjà fait ses preuves dans ce type d’application. Le capteur radar est envoyé par la poste, Vega s’engage à le reprendre si les essais ne sont pas concluants. Mais il n’y a pas de mauvaises surprises, le capteur installé depuis plus de 6 mois maintenant donne pleinement satisfaction… Une mesure de couleur en ligne Le process mis en œuvre dans la carrière souterraine comporte bien d’autres mesures. On y trouve notamment des mesures de poids sur les tapis transportant de la matière, des mesures de blancheur de la pierre, des mesures d’humidité et d’autres mesures de niveau. La blancheur de la pierre est un critère plus particulièrement important ici (c’est elle, rappelons-le, qui fait la réputation du marbre de St Béat). Mais il y a “blanc” et “blanc”, il est important de mesurer les variations de teinte. Une première mesure de blancheur est effectuée par un colorimètre placé juste derrière le broyeur situé en aval du concasseur. Celui-ci calcule et donne en temps réel les paramètres colorimétriques du produit. La mesure de colorimétrie est associée à une mesure d’humidité réalisée par un analyseur infrarouge d’Infrared Engineering. « Cette mesure complémentaire est indispensable, explique M. Bescond.Nos clients choisissent une teinte dans notre catalogue et nous leur livrons un produit sec.Mais il se trouve qu’un matériau donné ne présente pas la même teinte selon qu’il est sec ou humide. En mesurant l’humidité, nous pouvons en quelque sorte corriger la mesure donnée par le colorimètre et anticiper la teinte qu’aura le matériau une fois sec ». Le minerai extrait de la carrière est classé en 4 catégories de blancheur. Selon le résultat de la mesure combinée couleur/humidité, il est aguillé (à l’aide de bypass) vers un des 4 silos de stockage situés en amont. Les silos en question ont également été instrumentés. Un peu à l’image de la cheminée d’alimentation du concasseur, ces silos sont creusés dans le marbre de la galerie inférieure (et traversent de part en part cette galerie). Ils ont une ouverture 8 m de côté pour une hauteur de 20 m et leur capacité utile est d’environ 2000 tonnes. Le niveau de minerai présent dans chacun des silos est mesuré à l’aide de capteurs à ultrasons, sans contact. MESURES 779 - NOVEMBRE 2005 - www.mesures.com 042-045_SOPE779 OMG 7/12/05 11:41 Page 45 Solutions Le problème de mesure est ici beaucoup plus simple que celui rencontré pour la mesure du niveau dans la cheminée. L’ouverture est en effet beaucoup plus large et le silo étant taillé verticalement, il n’y a pas de risque de grosses accumulations de matière sur les parois. Les modèles installés, fournis également par Vega,fonctionnent sans problème. La présence de poussière ne pose pas de difficultés. Par contre, le bruit des engins et des chutes de pierre pourrait être plus gênant. Mais les craintes ont été vite dissipées en plaçant le capteur suffisamment haut au-dessus des silos… Le minerai issu de la carrière et livré à l’usine est obtenu en mélangeant le contenu des silos. Le dosage est réalisé en faisant varier le débit à la sortie des silos. Bien entendu, selon la demande de l’usine, le dosage va varier. Pour s’assurer que le produit livré correspond bien à la teinte demandée, un deuxième colorimètre (associé ici aussi à un hygromètre infrarouge) est placé au-dessus du tapis transporteur du minerai vers la benne du camion de livraison. Tout cela, on l’a dit, est largement automatisé. Les machines, fabriquées par des constructeurs spécialisés, ont leurs propres automa- tismes intégrés. Les constructeurs de ces machines ont bien entendu des équipes de maintenance. Mais ces équipes sont souvent peu étoffées et sillonnent le monde. « Les pannes ne préviennent pas et lorsqu’elles surviennent, il nous est difficile de faire venir immédiatement une équipe qui est déjà mobilisée sur un problème difficile au fond de l’Afrique ou de la Russie », observe M. Bescond. Du coup, il faut être pragmatique. Des pièces de rechange sont stockées sur place, du moins pour les pièces critiques. OMG n’a pas grand pouvoir pour imposer tel ou tel type d’automatisme aux constructeurs, ou alors le prix à payer est trop élevé. Pour faire face à toute situation, la société a donc recherché des spécialistes locaux de telle ou telle marque d’automatismes. Un serveur Web en guise de supervision Les machines (concasseurs, broyeurs, tapis, trémies, etc.) sont pilotées par un automate TSX57 de Schneider Electric. Ce constructeur a surtout été choisi pour son service de proximité. L’architecture retenue est assez classique. L’automate, bien à l’abri dans une armoire électrique, pilote des entrées/sorties déportées sur un bus de terrain FIP IO, de 400 m de MESURES 779 - NOVEMBRE 2005 - www.mesures.com Reportage Vu chez OMG long. « Ce choix s’explique par des raisons d’économie, mais surtout par des raisons liées à l’environnement particulier d’une carrière, commente M. Reulet.Avec les chutes de pierres,avec les nombreux engins en mouvement, il y a des risques réels de rupture de câbles. Il est beaucoup plus simple de réparer un câble de bus de terrain qu’un toron de câbles d’entrées/sorties fil à fil ». Ce qui est plus original, c’est qu’un serveur Web est embarqué à bord de l’automate et que toutes les informations liées au process sont stockées en permanence dans l’automate. Il n’y a pas de supervision sur PC à proprement parler. Les informations embarquées dans l’automate peuvent être restituées sur un PC quelconque à l’aide d’un applicatif écrit en JavaScript et développé en interne par M. Bescond : « Je n’avais aucune expérience de ce langage et je l’ai appris sur le tas. Fort heureusement,j’ai pu compter sur l’aide des techniciens de Schneider,ce qui fait qu’aujourd’hui,nous avons une application opérationnelle sans avoir à acquitter une quelconque licence d’exploitation ». On signalera enfin que la transmission des informations entre l’automate et le PC est assurée par un réseau Ethernet, avec une transmission radio entre la carrière et l’usine… Jean-François Peyrucat 45