etat de la menace terroriste en afrique de l`ouest - ovida
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Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |1 ETAT DE LA MENACE TERRORISTE EN AFRIQUE DE L’OUEST Par William Assanvo Juillet 2012 Résumé L’Afrique est l’une des régions du monde qui connaît une aggravation de la menace terroriste et une évolution constante des actes correspondants. L’Afrique de l’Ouest et tout particulièrement la bande sahélo-saharienne constitue actuellement son épicentre. Cette situation est en grande partie le fait des groupes terroristes qui y sont présents et actifs; c’est le cas de la branche maghrébine de la mouvance Al-Qaida, Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), du Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO et de la secte nigériane Boko Haram. Chacun de ses groupes (en fonction de ses origines, de ses objectifs et de ses modes d’action) et tous ensemble, compte tenu des alliances et dynamiques de collaboration qui se mettent en place et se renforcent, représentent le visage (ne serait-ce que celui qui est visible, structuré et revendiqué) de l’islamisme radical et du terroriste en Afrique de l’Ouest. Les liens qui s’établissent et se renforcent progressivement entre ces différents groupes portent les germes d’une menace particulièrement dangereuse et difficile à combattre. La situation dans le Nord-Mali et le vide institutionnel et sécuritaire qui la caractérise depuis le coup d’état du 22 mars 2012 à Bamako représentent un facteur aggravant. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |2 L’Afrique de l’Ouest est-elle en passe de devenir la nouvelle terre d’élection du fanatisme religieux, de l’islamisme radical, du salafisme1 et du terrorisme djihadiste ? C’est un des motifs d’inquiétude majeur de l’heure et une des questions que la réalité qui prévaut depuis plusieurs années dans la bande sahélosaharienne et plus particulièrement dans le Nord du Mali, depuis le coup d’état du 22 mars 2012, pousse à se poser. Face à la situation actuelle dans cette partie du continent, force est de constater qu’on semble loin de l’une des conclusions qui était tirée il y a seulement sept ans sur le fait que le "Sahel n’est pas un foyer d’activité terroriste" et tendant à relativiser la réalité de la menace;2 situation qui, il est vrai n’avait rien de semblable à celle qui prévaut aujourd’hui. Il faut tout de même préciser que l’islamisme radical et armée n’est pas nouveau sur le continent. Les années sombres qu’a connues l’Algérie constituent à cet effet la parfaite illustration de la réalité du phénomène et l’un des éléments à l’origine de la situation actuelle. Le pire est-il déjà arrivé ou à craindre ? Une réalité est cependant bien présente, l’Afrique est l’une des régions du monde qui connaît une évolution constante de la menace terroriste. Alors que la tendance mondiale3 est à la baisse, 12% en moins des attaques terroristes dans le monde en 2011 par rapport à 2010 et 29% de moins par rapport à 2009, l’Afrique a quant à elle connu en 2011 une hausse des attaques terroristes (de toute nature confondue) de 11,5% par rapport à 2010; triste palmarès et tendance dans une très large proportion due aux agissements de plus en plus agressifs de la secte nigériane Boko Haram4. L’une des tendances auxquelles on assiste concernant la menace terroriste d’inspiration djihadiste en Afrique de l’Ouest et précisément dans la bande sahélo-saharienne est son caractère particulièrement dynamique et évolutif. Ces évolutions ont pour conséquence d’aggraver la nature de la menace, de la complexifier et de rendre encore plus urgentes, mais en même temps incertaines les réponses qui pourraient et devraient être apportées. La menace terroriste dans la région s’illustre par l’existence d’un certain nombre de groupes se revendiquant d’une idéologie islamiste, salafiste et/ou djihadiste; certains d’entre eux ont également recours à des modus operandi qualifiés de terroristes. Cette menace se caractérise également par l’existence d’un certain nombre de dynamiques concourant à son expansion et son aggravation. La présente analyse s’attèle et se borne ainsi à procéder à un état des lieux de ces groupes et dynamiques en présence5 à l’origine de l’installation et de l’évolution de l’islamisme radical et du terrorisme, y compris d’inspiration djihadiste. 1 Le salafisme est un courant de l’Islam prônant le retour à l’observance de croyances et de pratiques originelles (considérées comme "pures") celles des "pères fondateurs" de l’Islam, les "salaf", que sont le Prophète Mohammed et ses successeurs immédiats. 2 “Islamist Terrorism in the Sahel: Fact or Fiction?”, Crisis Group, Africa Report n° 92, 31 March 2005. 3 Mesurée par le nombre d’attaques terroristes. 4 US National Counterterrorism Center, 2011 Report on Terrorism, p. 9. http://www.nctc.gov/docs/2011_NCTC_Annual_Report_ Final.pdf. 5 Une analyse des initiatives nationales, régionales et internationales conçues et mises en œuvre pour contrer cette menace seront abordées ultérieurement. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |3 AL QAIDA AU ISLAMIQUE (AQMI) MAGHREB Origines et objectifs A l’origine, l’insurrection islamiste armée en Algérie AQMI se présente comme un des avatars de l’histoire particulièrement sanglante de l’insurrection islamiste armée en Algérie débuté en mars 1992 à la suite de l’interruption par l’armée algérienne du processus électoral dont le Front Islamique du Salut (FIS) était sorti vainqueur. A l’actif de cette insurrection plusieurs groupes islamistes armés et salafistes; groupes qui se sont, à la suite du "Congrès d’unification" d’avril 1994, retrouvés au sein du Groupe Islamique Armée (GIA), qui côtoya le Mouvement Islamique Armé (MIA). En 1998, naquit le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), qui, sous la direction d’Amara Saïfi, alias Abderazzak El-Para, a illustré les nombreuses dissidences et dissensions qui ont vu le jour au sein au sein du GIA; dissensions dues précisément à la "vague de violences aveugles et de tueries sauvages" par laquelle le groupe s’est illustré dès l’été 1997, ainsi que son affaiblissement du fait des actions de l’armée algérienne et victime de dissidences et de conflits internes. L’insurrection islamiste en Algérie avait pour objectif de renverser le Gouvernement algérien. Au fil des années, cet objectif s’est également étendu à la Mauritanie; l’un des chefs d’AQMI, Mokhtar Belmokhtar, ayant déclaré en 2008 le djihad contre son Gouvernement6. 6 AQMI aurait à cet effet tenté d’assassiner le Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Azid, en février 2011 par le biais d’un attentat-suicide à l’aide d’un camion rempli d’explosifs. Outre cet objectif, la mouvance islamiste entendait également œuvrer, y notamment par la contrainte, à une ré-islamisation de la société, à travers l’établissement d’un Califat. Le schisme opéré au sein de la mouvance islamiste et salafiste algérienne n’a d’ailleurs pas détourné le GSPC de cet objectif visant à combattre l’Etat algérien, particulièrement en s’attaquant à ses forces de défense et de sécurité. Toutefois, au fil du temps, notamment à la suite de changements survenus à la tête du mouvement, et ayant conduit à des changements d’orientations stratégiques, le dessein du GSPC a progressivement évoluer vers sa volonté d’embrasser la cause du djihad mondial, mené par et sous l’étendard de la nébuleuse Al-Qaida. C’est dans cette perspective que le 11 septembre 2006 le GSPC s’est affilié à la mouvance AlQaida7, devenant en janvier 2007 Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Sous ce nouveau label, l’objectif affiché est de mener le djihad, non seulement en Algérie mais aussi dans d’autres pays du Maghreb (notamment Maroc, Libye et Tunisie), ainsi qu’en Europe. Sous la pression de la traque et des opérations anti-terroristes des forces algériennes et face à l’échec, tout au moins aux succès relatifs, de son implantation dans les autres pays du Maghreb, AQMI a été sensiblement affaibli et une partie de ses combattants s’est repliée plus au Sud de l’Algérie, jusqu’au Nord du Mali, pour trouver un refuge dans les zones faiblement gouvernées et contrôlées de la bande Sahélo-Saharienne. Cette nouvelle réalité a progressivement conduit à un déplacement du centre de gravité et des actions les plus significatives de l’organisation vers le Sahel; évolution qui s’est illustrée par la création en mai 2009 de la zone indépendante du Sahel ("Zone 9"), baptisée "Emirat du 7 Bien qu’il lui avait déjà prêté allégeance depuis 2003. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |4 Sahara", venant s’ajouter aux huit zones déjà existantes dans le cadre desquelles opère déjà AQMI à l’intérieur de l’Algérie. Outre ce qui constitue son "cœur historique", composé à majorité d’Algériens opérant à l’intérieur du pays, particulièrement à partir du massif de Timétrine, et dirigé par l’Algérien Abelmalek Droukdel, Emir national d’AQMI, l’organisation dispose de Katiba8, brigades combattantes, opérant dans la région Sahélienne et constituant la force de frappe d’AQMI-Sahel. Ces brigades bénéficient d’une certaine autonomie, ainsi que d’une grande mobilité dans l’immensité de cette zone désertique difficilement contrôlable, disposant de moyens de communication, et ayant, au fil des années, développés des relations avec les communautés locales, subvenant à certains de leurs besoins (nourriture, eau, médicament, carburant). AQMI-Sahel s’articule principalement autour de quatre katiba: parmi les plus connues, la katiba Masked opérant au Nord-Ouest du Sahel et dirigée, depuis 1992 par Mokhtar Belmokhtar, qui a longtemps été le seul responsable du GSPC et plus tard d’AQMI présent dans la zone. Cette dernière opère sur une zone englobant le Sud-Ouest algérien, la Mauritanie, le Mali et le Niger; la katiba Tariq ibn Ziyad, fondée en 2003 et initialement présente dans le Nord-Est de l’Algérie, avant de se relocaliser dans le Sahel. Elle est dirigée par Abdelhamid Abou Zeid et couvre les opérations de la Province algérienne de l’Adrar à la frontière nigérienne. Elle est suspectée d’être derrière un grand nombre d’assassinats et de kidnappings, notamment celui d’un couple d’Australien en février 2008 dans le sud de la Tunisie et des 7 employés des sociétés françaises Areva et SATOM au Niger en septembre 2010. La katiba 8 Les Katiba sont composées de plusieurs sariyyas, cellules ou sous-groupes. d’Abou Zeid est également suspectée de l’attaque contre la ville mauritanienne de Turin; attaque ayant entraînée la mort de 12 soldats mauritaniens et de l’assassinat de l’otage britannique Edwyn Dyer en mai 2010 à la suite du refus du Gouvernement britannique de satisfaire aux exigences du groupe, notamment le paiement d’une rançon et la libération de l’islamiste jordanien Abou Qoutada emprisonné en Grande-Bretagne depuis 2005. A côté de ces deux katiba, on trouve la katiba al-Ansar, qui est principalement composée de maliens et de touareg nigériens. Elle est dirigée par Abou Abd al-Kakim al-Tariqi. Selon des sources, ce dernier serait à l’origine de l’assassinat de l’otage français Michel Germaneau fin juillet 2010, sans doute en représailles de l’attaque conjointe des forces mauritaniennes et françaises contre les bases du groupe au Nord de Tombouctou; attaque qui avait causé la mort de sept combattants du groupe9. Les katiba10 du désert sont chapeautées par un bras droit de l’Emir national d’AQMI, Yahia Djaoudi, alias Yahia Abou Amar Abd El-Ber, Emir de l’"Emirat du Sahara". Ce dernier est également à la tête de la katiba al-Furqang qui est particulièrement présente et active à la frontière Nord-Ouest de l’Azawad, précisément à l’intérieur d’une zone partant du Nord de Tombouctou à la frontière mauritanienne. Ce groupe est suspecté d’être derrière l’attaque qui a tué fin 2008 trois soldats mauritaniens dans la ville d’al-Ghaliwiyah (Nord de la Mauritanie) et 9 Mohammed Mahmoud Abu al-Ma’ali, Idem. D’autres sources évoquent aussi l’existence d’autres katiba sous l’autorité de Yahia Abou Amar, à savoir la Talaia es-Salafia (région de Djefla, Laghouat, Ghardaia), la El asr Aflou et la Mouhadjiroune, toutes deux situées dans le djebel Boukhil en Algérie. Cf. Alain Rodier, "Le Sahel, terrain de jeu d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI)", Centre Français de Recherche sur le Renseignement (Cf2R), Note d’actualité n° 172, mai 2009. 10 Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |5 la prise d’otage d’un gendarme mauritanien dans la ville d’Adl Bakr (Est de la Mauritanie) en décembre 2011. Des membres du groupe se sont également rendus responsables de l’assassinat en juillet 2009 d’un citoyen américain dans le centre de la capitale mauritanienne Nouakchott et de l’attentat suicide contre l’Ambassade de France en août 2009. Comme ces quelques faits le démontrent, la Mauritanie semble être l’un des terrains d’action du groupe11. Cela s’explique en partie par le fait que le groupe est composé de combattants mauritaniens et maliens. Il est difficile de disposer d’une estimation du nombre de combattants qui composent AQMI. Toutefois, selon Badredine Messaoudi, membre de la Commission chargé de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale) environ 800 islamistes armés actifs se trouveraient en Algérie, parmi lesquels 210 appartiendrait à AQMI; environ 590 islamistes seraient actifs dans le Sud algérien12. Un récent article de presse13, dont les informations n’ont pas pu être authentifiées ni confirmées, évoque une multiplication par près de vingt du nombre de terroristes présents dans le Sahel entre 2010 et 2012; il s’établirait à plus de 6000. et 200 appartiendraient à la katiba de Belmokhtar). Le magazine Jeune Afrique, évoquant des milieux du renseignement, estime le nombre de combattants d’AQMI présents dans le Nord-Mali entre 500 et 100015; chiffres auquel il faut sans doute ajouter les djihadistes de la sous-région (Algériens16, Libyens et Tunisiens notamment), ainsi que les Afghans et Pakistanais, attirés par le du vide sécuritaire, sans oublier les centaines de nouvelles recrues évoquées. Outre la situation dans le Sahel, il serait nécessaire de rappeler qu’AQMI-Sahel n’est qu’une composante d’AQMI qui dispose théoriquement du plus gros de ses troupes en Algérie et qui essaie de tirer profit du conflit en Libye et des révoltes populaires en Afrique du Nord (en Egypte, au Maroc et en Tunisie notamment), particulièrement du vide, voire du chaos sécuritaire, qui s’en est suivi en étendant son champ d’action au Maghreb, en y envoyant notamment des hommes. A ce titre, selon des informations de presse parues le 20 mai 2012, les forces de sécurité algériennes auraient ainsi arrêté un grand nombre d’islamistes algériens armés de kalachnikovs, lesquels tentaient de se rendre en Libye à partir du Nord-Est de l’Algérie17. Le nombre de combattants des katiba d’AQMISahel est estimé à entre 200 et 30014 (entre 150 11 Mohammed Mahmoud Abu al-Ma’ali, “Al-Qaeda and its allies in the Sahel and the Sahara,” Aljazeera Center for Studies, Reports, 1 May 2012. 12 "Algérie: un nombre “important” d’islamistes en route vers la Libye arrêtés", Le Temps, 20 mai 2012. http://www.algerie360.com/algerie/algerie-un-nombreimportant-dislamistes-en-route-vers-la-libye-arretes/. 13 Karim Aimeur, "Selon une étude sécuritaire américaine 6000 terroristes écument le Sahel", L’Expression, 19 juillet 2012. http://www.lexpressiondz.com/actualite/157321-6000terroristes-ecument-le-sahel.html. 14 Robert Grenier, “Mali: Counter-terrorism and the benefits of doing nothing”, Al Jazeera, 11 July 2012. http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2012/07/20127 119230807934.html. 15 Jeune Afrique, "Qui peut sauver le Mali ?", n° 2683, 10-16 juin 2012, p. 27l. 16 "Mali: renfort de jihadistes algériens à Gao après la déroute touareg", AFP, 29 juin 2012, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/06/29/norddu-mali-les-rebelles-touareg-ont-quittetombouctou_1726709_3212.html. 17 "Algérie: un nombre “important” d’islamistes en route vers la Libye arrêtés", Le Temps, 20 mai 2012. http://www.algerie360.com/algerie/algerie-un-nombreimportant-dislamistes-en-route-vers-la-libye-arretes/. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |6 Modes opératoires Les actions et modus operandi d’AQMI ont progressivement épousé ceux d’Al-Qaida, se résumant en des attaques contre des cibles Outre les cibles traditionnelles, à savoir les forces de sécurité et de défense (check Attaques armées (y compris embuscades, attentats-suicides, recours à des mines points, bâtiments et ou à des explosifs de faible intensité, voitures piégées et assassinats notamment) véhicules de la contre des cibles gouvernementales, sécuritaires et militaires algériennes et (11 décembre 2007: double attentat-suicide à la bombe contre le gendarmerie, police internationales Conseil Constitutionnel algérien et contre les bâtiments de l’ONU à Alger; août et de l’armée) et les 2011: attentat à la bombe contre une école militaire -18 morts), maliennes (11 juin symboles de l’Etat, 2009: un officier de renseignement est tué dans sa maison à Tombouctou; janvier 2011, un tunisien ayant des liens avec AQMI a lancé une bombe artisanale contre principalement en l’Ambassade de France à Bamako), mauritaniennes (août 2009: attentat-suicide Algérie, et dans une manqué à l’extérieur de l’Ambassade de France; août 2010: attentat à l’aide d’un moindre mesure en camion chargé d’explosifs contre un camp militaire à Nema, 1200 km à l’Est de Nouakchott) et nigériennes (mars 2010: attaque à la voiture piégée, avec des Mauritanie, AQMI mortiers, des armes lourdes et légères contre un avant poste de l’armée nigérienne; s’en prend cinq soldats tués). Ces attaques ont également pris pour cibles des étrangers comme également aux ce fut le cas en 2007 avec l’assassinat de quatre touristes français en Mauritanie. intérêts étrangers et Prises d’otage à la frontière entre l’Algérie et la Tunisie (début 2008 deux notamment touristes Australiens sont pris en otage), en Mauritanie (3 humanitaires kidnappés Occidentaux en novembre 2009 et relâchés en mars et août 2010), au Mali (22 janvier 2009: enlèvement à la frontière entre le Mali et le Niger de quatre touristes européens – (Ambassades, dont un Britannique, deux suissesses et une Allemande-, 2 citoyens italiens diplomates, kidnappés au Mali en décembre 2009 et relâchés en avril 2010; un citoyen français touristes, hommes kidnappé dans la ville de Menaka en novembre 2009, relâché en février 2010) et au d’affaire et iger (14 décembre 2008, deux diplomates canadiens ont été pris en otage; janvier 2009, quatre touristes Européens sont pris en otage près de la frontière avec le humanitaires). A ce Mali, un otage Britannique a été assassiné; avril 2010 un humanitaire français, titre, il faudrait Michel Germaneau, est kidnappé au Nord du Niger et emmené au Mali où il trouvera la mort; septembre 2010, enlèvement à Arlit, dans le Nord du pays, de également préciser sept sous-traitants –cinq français, un togolais et un malgache- de la société que la France, française Areva, emmenés au Mali); 7 janvier 2011, deux français sont enlevés considérée comme dans le centre-ville de Niamey (Niger). Ces derniers sont tués lors d’une tentative de libération. la "mère de tous les maux", figure parmi les cibles déclarées du gouvernementales, sécuritaires et militaires groupe. Des menaces ont également été algériennes (ce fut notamment le cas de explicitement lancées contre ceux qui l’attentat à la bombe contre une école militaire apporteraient leur collaboration à la force en août 2011; attentat qui fit 18 morts) par le d’embuscades, d’attentats-suicides, d’intervention de la Communauté des Etats de biais l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) envisagée pour souvent coordonnés, d’usage de voitures le Mali. Mokhtar Belmokhtar, "nous ne piégées, de mines ou d’explosifs de faible resterons pas les bras croisés et que nous intensité, à l’aide notamment d’engins explosifs agirons en fonction de situation avec fermeté et improvisés, des prises d’otages. détermination"18. La prise d’otage, accompagnés de demande de rançons, et quelque fois de demande de 18 "AQMI menace ceux qui voudraient aider la Cédéao au Mali", Lemonde.fr/AFP, 1er juillet 2012. http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/07/01/aqmi- menace-ceux-qui-voudraient-aider-la-cedeao-aumali_1727520_3212.html. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |7 libération de djihadistes retenus prisonniers dans certains pays de la région ou hors du continent, s’est également illustrée comme le principal mode opératoire d’AQMI. A cet effet, depuis 2003, 53 personnes ont été prises en otage dans le Sahel par les groupes terroristes y opérant19. AQMI détiendrait à ce jour un dizaine d’otages. Les prises d’otages ont généré de substantiels revenus à AQMI20. Selon le Conseiller Spécial du Président algérien pour les questions de terrorisme, Kamel Rezzag Bara, qui s’exprimait en septembre 2010 devant une réunion de l’Assemblée Générale de l’ONU portant sur le terrorisme, les katiba sahéliennes d’AQMI ont engrangé en 7 ans plus de 150 millions d’euros grâce aux rançons. Cette manne financière a permit à AQMI de se procurer des armes, de recruter de nouveaux combattants et de financer des actions "sociales" auprès de certaines populations de la bande sahélo-saharienne, précisément au Nord-Mali, afin de les gagner à leur cause ou tout au moins de réduire les sentiments de rejet qu’elles pourraient avoir à son encontre; mettant en œuvre par la même occasion une autre des stratégies d’AQMI-Sahel consistant à nouer des liens avec les communautés locales21, y compris avec leurs responsables, pour s’assurer des complicités actives ou passives, selon les circonstances. Pour en revenir à la prise d’otage, elle s’est révélée être pendant longtemps l’unique activité dans laquelle s’illustrait AQMI-Sahel (en plus de son implication dans divers autres trafics). Cette réalité a poussé à s’interroger sur la 19 Rapport de la mission d’évaluation des incidences de la crise libyenne sur la région du Sahel, 7-23 décembre 2011, S/2012/42, 18 janvier 2012, paragraphe 38, p. 11. 20 Il existerait compte tenu de la nationalité de l’otage des prix établis: entre 5 et 10 millions d’euros pour un Français; entre 8 et 12 millions s’il travaille pour AREVA. 21 A ce titre, Mokhtar Belmokhtar a épousé une malienne d’origine touareg. véritable nature des katiba sahéliennes, notamment sur le fait qu’elles aient dévié du djihad global qu’AQMI s’est engagé à mener en prêtant allégeance à Al-Qaida. L’implication d’AQMI-Sahel dans ce 22 "banditisme djihadiste" s’illustrant par la mise en œuvre d’activités criminelles et notamment de trafics en tout genre (drogue23, armes, cigarettes, carburant, migrants) a ainsi représente un des aspects les plus notables de sa présence dans la région. Il faut rappeler que le groupe tire une partie substantielle de ses revenus de ces activités, sous la forme de droits de passage dans les zones du désert qu’ils contrôlent ou en rétribution de la protection qu’ils procurent aux trafiquants. Il faudrait à ce titre évoquer des complicités qui se sont établies entre les bandits-djihadistes d’AQMI et des responsables locaux, notamment au Mali. Outre ces actions, il semblerait qu’AQMI, tout au moins ses katiba sahéliennes, jouent également de plus en plus un rôle majeur dans le transfert de savoirs terroristes et précisément dans la formation24 et le soutien logistique à d’autres organisations ou mouvements islamistes radicaux de la sous-région ou même du continent, tels que Boko Haram ou les milices somaliennes Shebab. C’est notamment ce que précise la Stratégie nationale américaine 22 Voir Atmane Tazaghart, AQMI. Enquête sur les héritiers de Ben Laden au Maghreb et en Europe, Abidjan, Frat Mat Editions, 2011, pp. 53-59. 23 En décembre 2009 trois maliens suspectés d’appartenir à AQMI et d’avoir tenté de faire transiter de la drogue à travers le Sahara jusqu’en Espagne ont été arrêtés au Ghana et transférés aux Etats-Unis où ils ont fait l’objet de poursuite. Cf. Devlin Barrett, “3 Al Qaida suspects charged in African drug case,” Associated Press, December 19, 2009. http://www.denverpost.com/headlines/ci_14029421 24 Laurent Prieur, “Boko Haram got al Qaeda bomb training, Niger says”, Reuters, January 25, 2012. http://af.reuters.com/article/topNews/idAFJOE80O00K20 120125. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |8 anti-terroriste publiée en juin 201125 et qu’illustre un certain nombre d’informations. C’est vraisemblablement le rôle que jouent les djihadistes afghans et pakistanais dont la présence a été signalée dans le Nord-Mali26. suite de combats survenus à la fin du mois de juin 2012, il a chassé les rebelles du Mouvement National de la Libération de l’Azawad (MNLA) qui s’y trouvaient, devenant la seule force en présence. MOUVEME.T POUR L’U.ICITE ET LE DJIHAD E. AFRIQUE DE L’OUEST (MUJAO) Le MUJAO est présenté comme une dissidence d’AQMI. Toutefois, il est toujours évoqué par rapport à AQMI. Ce qui explique sans doute le fait que peu d’importance lui soit encore accordée en tant qu’entité autonome. Pour certains analystes la démarcation à laquelle on a assister de la part des membres du MUJAO serait la conséquence de la composition principalement algérienne du leadership de la branche maghrébine d’Al-Qaida et de frustrations croissantes de certains combattants originaires de pays autres que l’Algérie vis-à-vis de ses réticences ou de son peu d’empressement à leur confier plus de responsabilités. C’est notamment la thèse que présente Mohammed Mahmoud Abu al-Ma’ali28, écrivain et analyste spécialisé dans les mouvements islamiques armés en Mauritanie, pour qui la création du MUJAO serait le fait de Soultan Ould Bady29, alias Abu Ali, arabe originaire de la ville de Gao, après qu’il lui ait été refusé la création d’une unité composée d’Arabes de l’Azawad. Origines et objectifs Le Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) est le plus récent des groupes terroristes actifs en Afrique de l’Ouest, précisément dans le Nord-Mali. Il serait présent sur le vaste plateau allant de Tessalit (Extrême Nord du Mali) à Gao. On entend parler de lui pour la première fois en décembre 2011 lorsque le groupe revendique l’enlèvement de trois humanitaires européens dans le Sud de l’Algérie en octobre 2011. On retrouverait dans les rangs du MUJAO, qui compterait environ 300 personnes27, des Mauritaniens, Algériens, Sahraouis, Nigériens, Tchadiens et des Arabes Maliens, principalement de la ville de Gao (dont la plupart des leaders et combattants sont originaires). Le MUJAO est principalement actif dans la région de Gao, ville de laquelle, à la 25 US National Strategy for Counterterrorism, June 2011, p. 16. 26 "Mahamadou Issoufou: "Des djihadistes afghans et pakistanais sont présents au Mali", Jeune Afrique, 8 juin 2012. http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20120 608093359/. 27 Jeune Afrique, "Qui peut sauver le Mali ?", n° 2683, 10-16 juin 2012, p. 27l. Toutefois, le groupe serait en train de recruter et de former de nouveaux membres; certaines informations chiffreraient ces nouvelles recrues à des centaines, cf. "Scores of Africans recruited by Mali Qaeda offshoot", AP/AFP, 18 July 2012. http://www.rnw.nl/africa/bulletin/scores-africansrecruited-mali-qaedaoffshoot?goback=.gde_4451300_member_136146840. 28 Mohammed Mahmoud Abu al-Ma’ali, “Al-Qaeda and its allies in the Sahel and the Sahara,” Aljazeera Center for Studies, Reports, 1 May 2012. 29 Présenté par certains comme le chef du MUJAO. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P age |9 Cette dissidence pourrait également provenir de également ajouté que le "djihad sera apporté la volonté des membres à l’origine de la création partout où cela sera nécessaire et pour Dieu il du MUJAO d’étendre le djihad au Sud du faut être prêt à tout". L’imposition de la Sahara, y compris contre les pouvoirs en place "Charia dans toute l’Afrique de l’Ouest" figure de leurs pays respectifs. Certains voient également cette dissidence comme la QUID D’A.SAR EDDI.E ("DEFESEURS DE L’ISLAM") ? conséquence de reproches faits à AQMI L’annonce de la création du mouvement a été faite le 10 décembre d’être principalement actif dans des activités 2011 par Iyad Ag Ghali, ancien chef de la rébellion touareg de 19901995. Interviewé le 22 avril 2012 par le journal algérien, Alakhbar, criminelles (prises d’otage et autres), le porte-parole du mouvement, Senda Ould Boumama, le présentait délaissant le djihad. Ce sont aussi des comme un "mouvement qui prône l’Islam et tire sa révérence du Salafisme". S’il n’y a aucun doute sur son caractère islamiste, divergences sur l’utilité du Sahel qui seraient compte tenu notamment de sa volonté plusieurs fois affirmée de voir à l’origine de la distance prise par le la Charia et la forme puritaine et originelle de l’Islam (Salafisme) appliquée à l’ensemble du Mali, son caractère terroriste prête à MUJAO: refuge, source de revenu (prises interprétation et reste encore à déterminer avec précision. d’otage, activités criminelles) ou champ de Si le Rapport de la mission d’évaluation de l’ONU sur les incidences bataille pour le djihad contre les de la crise libyenne sur la région du Sahel (para. 40, p. 12) le présente comme un "groupe terroriste", outre son implication, aux gouvernements apostats de la région. Enfin, côtés de rebelles du Mouvement ational de Libération de l’Azawad (MLA), dans la "conquête" du Nord-Mali, dès la mi-janvier 2012 et il est aussi évoqué des dissensions sur la base plus particulièrement à la suite du coup d’Etat du 22 mars 2012, et nonobstant ses liens plus qu’étroits (l’un des chefs d’AQMI-Sahel, de la répartition des rançons. Quelque soient les raisons qui ont conduit à la création du MUJAO, il y existe un lien évident entre le mouvement et AQMI. Il y aurait à cet effet eu une entente entre les deux groupes, précisément avec Mokhtar Belmokhtar, côté AQMI, afin que, bien que bénéficiant d’une autonomie, le MUJAO et AQMI conservent une orientation et une vision uniques, et assurent une coordination de leurs actions. Dans le cadre de la conquête des villes du Nord-Mali une répartition des tâches aurait ainsi été opérée entre AQMI, le MUJAO et le groupe islamiste Ansar Eddine. En ce qui concerne les objectifs du MUJAO, dans une vidéo postée sur Internet en janvier 2012, celui qui est présenté comme son porte-parole30 (ou encore comme son chef par d’autres sources), Hamma Ould Mohamed Kheyrou, alias Abou Qumqum, a déclaré être en guerre contre la France "qui est contre les intérêts de l’Islam". Il a 30 Adnan Abu Walid Sahraoui a également été présenté comme porte-parole du groupe. Abou Zeid, réside et règne en maître dans la ville de Tombouctou officiellement tenue par Ansar Eddine; le second d’Abou Zeid, Oumar Ould Hamaha, Malien originaire de la région de Tombouctou, est également membre de la direction d’Ansar Eddine; un des cousins de Ag Ghaly, Hamada Ag Hama, dirige aussi une petite faction au sein d’AQMI; enfin un autre des cousins de Ghaly, Hamada Ag Hama, alias, Abdelkrim Taleb, appartenant, comme lui, à la tribu des Ifoghas dirige une katiba d’AQMI dans la région de Kidal), la coordination qui s’opère avec AQMI et le MUJAO, ainsi que son rôle quelque peu trouble dans l’industrie des otages, force est de reconnaître que pour l’heure Ansar Eddine n’a pas posé d’actes qui puissent être qualifiés de terroristes (attentats, attaques armées, massacres, etc.). Il est à cet effet nécessaire de rappeler que le terrorisme est généralement défini comme le recours ou la menace du recours à la violence en vue d’atteindre des objectifs politiques; mettant ainsi l’accent sur la commission effective d’actes. Cela étant, Ag Ghali, aurait déclaré envisager recourir au "djihad contre tous ceux qui s’abstiennent de respecter la Charia, en les combattant jusqu’à ce qu’il n’existe plus de dissensions et de sédition (…)". C’est sans doute cette réalité qui convainc, même en l’absence d’actes terroristes, un certain nombre d’observateurs que le qualificatif "terroriste" cadre bien avec le groupe. Ansar Eddine s’est également illustré dans des actes s’inscrivant dans son projet d’imposition de la Charia: prosélytisme, mise sur pied d’une police islamique, obligation faite aux femmes de porter le voile, fermeture de bars et débits d’alcool, interdiction et destruction de la cigarette, etc. Plus récemment, au début du mois de juillet 2012 notamment, le groupe s’est rendu responsable de destruction de mausolées et édifices religieux dans la ville de Tombouctou (dont deux des mausolées de la Grande Mosquée de Tombouctou le 10 juillet 2012), actes qui, selon la Procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI), relève d’un crime de guerre. également au rang des desseins déclarés du groupe. Dans une autre interview, il a ajouté la "nécessité d’instaurer la Charia" et l’objectif du Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 10 mouvement d’"intégrer les jeunes de l’Afrique noire dans la dynamique du djihad". Il est ainsi clairement question d’une volonté d’exporter et d’étendre le djihad à l’Afrique subsaharienne. Ce dernier aspect devrait pousser à accorder à ce groupe l’importance qu’il mérite, non plus seulement comme une dissidence d’AQMI, mais plus précisément comme un groupe mu par l’ambition d’initier une nouvelle dynamique et la volonté de porter le djihad plus au Sud du Sahara. Le MUJAO, du fait notamment de sa composition multinationale et de la trajectoire d’évolution de cette dernière, est en passe, s’il continue de bénéficier de l’existence d’un certain nombre de facteurs favorisant son expansion, de préfigurer ce qui pourrait être le djihad dans les mois ou années à venir. A cet effet, le djihadisme de demain (et peut être déjà d’aujourd’hui dans une certaine mesure) en Afrique de l’Ouest pourrait bien être le fait d’individus ayant fait leurs armes au sein de groupes tels que le MUJAO, que rien ne distinguerait de leurs autres concitoyens et qui, de l’intérieur, pourraient contribuer à l’implantation de cette idéologie à d’autres pays. Modes opératoires Tout comme AQMI, le MUJAO semble s’être spécialisé dans la prise d’otages, suivie de demande de rançon, et dans les attaques contre des forces de sécurité gouvernementales, notamment celles d’Algérie. Il faudrait à ce titre craindre, suivant en cela la composition multinationale du mouvement, que d’autres pays soient la cible des actions du MUJAO. A ce titre, dans le cadre des projets de déploiement d’une force d’intervention de la CEDEAO, le MUJAO a, le 29 juin dernier, menacé de s’attaquer aux pays qui la composeraient31. Le premier fait d’arme du MUJAO a été l’enlèvement, le 23 octobre 2011, de trois humanitaires européens (deux Espagnols et une Italienne) dans un camp de réfugiés sahraouis de Rabouni, à Tindouf (Sud-ouest de l’Algérie)32. La prise d’otage, le 5 avril 2012, du Consul algérien de la ville malienne de Gao et de six de ses collaborateurs, vient consacrer le recours à ce mode opératoire. Pour la libération des diplomates algériens33 le MUJAO aurait réclamé 15 millions d’euros, 30 millions d’euros pour les deux Européennes. Dans un autre registre, des membres du mouvement ont mené le 3 mars 2012 un attentat-suicide à l’aide d’une voiture chargée d’explosifs contre une caserne de gendarmerie à Tamanrasset (Sud de l’Algérie); attentat qui s’est soldé, outre la mort des deux kamikazes34, par une vingtaine de blessés parmi les gendarmes algériens et des dégâts matériels. 31 "AQMI menace ceux qui voudraient aider la Cédéao au Mali", Lemonde.fr/AFP, 1er juillet 2012. http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/07/01/aqmimenace-ceux-qui-voudraient-aider-la-cedeao-aumali_1727520_3212.html. 32 L’annonce de leur libération a été faite le 18 juillet 2012. Cette libération aurait été faite en échange du paiement d’une rançon s’élevant, selon le MUJAO, à 15 millions d’euros, et de la libération d’au moins un islamiste emprisonné en Mauritanie. 33 Le 13 juillet 2012 le MUJAO a annoncé la libération de trois des sept otages algériens; information confirmée le 15 juillet 2012 par le Ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci. Bien que des informations évoquent une contrepartie financière, il est difficile de le confirmer. 34 Présentés par le porte-parole du MUJAO, Adnan Abu Walid Sahraoui, comme un Sahraoui et un Malien, cf. Tayeb Belmadi, "Gendarmeries ciblées, diplomates séquestrés: Le Mujao la terreur venue du Sud d’Algérie", Dernières nouvelles d’Algérie (DA), 29 juin 2012. http://www.dna-algerie.com/interieure/gendarmeriesciblees-diplomates-sequestres-le-mujao-la-terreur-venuedu-sud-d-algerie-2. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 11 Le 29 juin 2012, le groupe a de nouveau revendiqué une attaque suicide contre le siège du commandement régional de la gendarmerie à Ouargla (ville située à quelques 475 km au Sud d’Alger); attaque qui a fait, outre le kamikaze, un mort et trois blessés35. Le MUJAO s’est également illustré, aux côtés d’autres groupes islamistes et de la rébellion touareg du MNLA, dans la "conquête" armée du Nord-Mali, initiée avec la résurgence de l’irrédentisme touareg début 2012, et qui a connu, avec le coup d’état du 22 mars 2012 qui a grandement contribué à ébranler l’armée malienne, la mainmise progressive des islamistes sur près de 66% du territoire malien. Tout comme AQMI, le MUJAO, ou tout au moins certains de ses membres, sont également suspectés d’être impliqué dans des activités de contrebande, notamment d’essence. BOKO HARAM Origines et objectifs Boko Haram s’est constitué sur des références (Taliban d’Afghanistan notamment) et sur une idéologie radicale et salafiste. Il s’est ainsi présenté comme porteur d’un message de changement radical de la société nigériane et particulièrement de la pratique de l’Islam dans ce pays; changement devant passer par l’édification d’une société gouvernée par les principes de la Charia, appliqués de manière plus stricte36. Cet agenda devrait également s’accompagner par l’édification d’un Etat islamique "pur", transparent et juste, tournant le dos aux pratiques corrompues prêtées à l’Etat dans sa forme actuelle. L’opposition à un certain nombre de réalités, savoirs ou principes attribués à l’Occident s’est également développée. C’est à ce titre que le précédent leader du groupe, Mohammed Yousouf avait déclaré que "l’éducation occidentale comporte des questions qui sont contraires à nos croyances musulmanes". Toutefois, les principaux griefs du groupe sont d’ordre politique et socioéconomique. C’est en partie ce qui explique le fait que le Gouvernement Fédéral laïc et séculier et tout ce Aux origines de l’insurrection de Boko Haram au .igeria Le groupe Boko Haram plonge ses racines dans un environnement géographique (Nord-est du pays, précisément dans les Etats de Borno et de Yobe) et socioéconomique caractérisé par une certaine incapacité de l’Etat Fédéral à subvenir aux besoins de base des populations du Nord du pays (à majorité musulman): santé, éducation, électricité, etc. En effet, cette partie du pays est celle affichant les plus mauvais résultats en termes de niveau d’éducation, de pauvreté, de mortalité enfantine, etc. A cette situation vient s’ajouter un niveau de corruption persistante qui n’est pas spécifique au Nord du pays mais qui résonne de manière particulière dans cet environnement. La situation socioéconomique a notamment eu pour conséquence la présence de ce qui a été qualifié de "vaste armée de jeunes chômeurs, ayant abandonnés l’école et accro à la drogue". C’est notamment parmi ces milliers de désœuvrés que, lors des élections générales de 2003, des hommes politiques du Nord (particulièrement des Etats de Borno, Gombe, Yobe et Bauchi) auraient puisés pour constituer et financer des milices privées. Dans le même ordre d’idée, le système des Almajiri (ces milliers de jeunes –ils sont estimés à environ 10 millions dans l’ensemble du pays- provenant de familles défavorisées, n’ayant pas les moyens de les envoyer à l’école, et n’ayant pour seul recours que les écoles coraniques et la mendicité) a également servi à fournir à l’islamisme radical nigérian, notamment à Boko Haram, les adeptes dont il avait besoin pour mettre en œuvre sa vision. C’est pour lutter contre ce contexte socioéconomique et politique que le groupe a initialement fondé sa défiance et sa contestation de la légitimité de l’Etat Fédéral corrompu et apostat, car ayant été incapable ou ayant manqué de volonté pour mettre en œuvre la "vraie Charia" dans les Etats du Nord. 35 Tayeb Belmadi, Idem. En effet, la Charia est déjà appliquée dans 12 des 36 Etats qui constituent la Fédération, majoritairement situés dans le Nord du pays. 36 qui le symbolise (en premier lieu les forces de sécurité et de défense) soit la cible principale de Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 12 Boko Haram, avec l’objectif affiché de le renverser. Mise à part le Gouvernement Fédéral, le groupe s’est également attaqué à des hommes politiques, chefs traditionnels, à l’ONU, à des leaders musulmans (considérés comme corrompus ou encore n’observant pas la pratique religieuse telle que prônée par le groupe), Chrétiens, écoles (y compris coraniques, universités et à des média (nationaux & internationaux). Boko Haram connait certaines mutations qui, trouvant sans doute leurs origines dans les liens établis avec des groupes de la mouvance AlQaida, notamment sa branche maghrébine, semblent l’orienter vers une rhétorique et un agenda djihadiste international. Cette évolution s’est notamment manifestée par l’attentat du 26 août 2011 contre le siège de l’ONU à Abuja. Quelques semaines après l’attentat un message vidéo a été diffusé; son auteur a qualifié l’ONU de forum pour "all global evil" et décrit l’attaque comme un "signal envoyé aux EtatsUnis et aux autres infidèles"37. Même si aucun fait similaire ultérieur ne permettrait de confirmer ce changement d’orientation, cet évènement illustre tout de même une certaine évolution du groupe. Un certain nombre d’interrogations demeurent sur la composition (notamment sur le nombre de membres qui le compose), la structure (il est évoqué l’existence de cellules locales) et les dynamiques internes au mouvement, tant peu est connu sur ce dernier. Les avis sont ainsi partagés sur la structure et particulièrement sur son caractère ou non homogène et monolithique. Certains observateurs défendent ainsi l’idée d’un groupe au sein duquel il n’y aurait pas de courants et encore moins de divergences; c’est notamment le cas du journaliste nigérian, Ahmad Salkida, qui s’est rendu célèbre par ses liens plus qu’étroits avec Boko Haram qu’il aurait fréquenté et à qui il est prêté une assez bonne connaissance du mouvement. Bien que son manque objectivité soit souvent évoqué, ce dernier rejette les analyses faisant état de l’existence de différentes factions et souligne que l’instance dirigeante de l’organisation est restée inchangée depuis 201038. L’absence de faction au sein du groupe a également été affirmé, à la suite de l’attentat suicide du 16 juin 2011 contre le quartier général de la police dans la capitale Abuja, par un homme présenté comme un de ces porte-paroles39. Cette vision du groupe, par le groupe lui-même devrait être relativisée; il a certainement un intérêt à se présenter comme une organisation bien structurée et uniforme au sein de laquelle existe une forte cohésion; ce qui pourrait ne pas exactement traduire la réalité des dynamiques internes. Pour d’autres par contre des divergences existeraient bel et bien au sein du groupe. Ainsi, selon le Dr. Ricardo Larémont, professeur à l’Université d’Etat de New York, il existerait trois factions à l’intérieur du groupe: la première, dirigée par le successeur de Mohammed Youssouf, Aboubakar Shekau, serait considérée comme la branche idéologique et ouverte à des négociations avec le Gouvernement Fédéral. Toutefois, compte tenu des positions radicales et intransigeantes que le leader actuel de la secte a publiquement 38 Changing face of Nigeria’s Boko Haram Salkida Ahmad, “The Suicide Bomber”, Blueprint, July 3, 2011. http://www.internationalpeaceandconflict.org/profiles/blo gs/read-my-exclusive-report-on?xg_source=activity. 39 37 “Nigeria UN bomb: Video of ‘Boko Haram’ bomber released,” BBC ews, September 18, 2011. http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-14964554. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 13 exprimées, on peut légitimement douter de la disposition à dialoguer qui lui est prêtée. La seconde faction serait soutenue par des responsables locaux et gouvernementaux du Nord qui auraient pour objectif de fragiliser le Gouvernement Fédéral; et la troisième qui s’adonnerait à des actes criminelles. C’est notamment cette dernière qui serait impliquée dans des prises d’otages sur lesquelles nous reviendrons. Selon Johnnie Carson, l’Assistant Secrétaire d’Etat américain aux Affaires Africaines, Boko Haram serait constitué par au moins deux organisations: une plus grande, axée sur les actions violentes à l’encontre du Gouvernement nigérian, et l’autre, plus petite et dangereuse, menant des actions "de plus en plus sophistiquées et mortelles"40. Le caractère hétéroclite de Boko Haram, également défendu par le Général Carter Ham, chef du Commandement militaire du Pentagone pour l’Afrique (AFRICOM),41 l’ait aussi pour un analyste politique nigérian, Hussaini Abdu, pour qui "il ne s’agit plus d’un groupe homogène" (“It is no longer a single group"), défendant l’existence de "différentes tendances": une traditionnelle, dirigée par Aboubakar Shekau, et d’autres groupes émergents et "capitalisant sur l’insécurité dans le pays"42. Modes opératoires Les modes opératoires du mouvement ont évolué avec le temps43. On est ainsi parti d’attaques à l’aide de flèches empoisonnées ou à la machette, à des attaques et attentats (à l’aide d’engins explosifs improvisés –lancés de voitures ou plantés sur les lieux d’attentat- ou de voitures piégés), y compris suicides, en passant par l’usage d’armes à feu (à partir de motos ou de véhicules), et même de lance-roquette44. Certains membres de la secte affrontent régulièrement les forces de sécurité et de défense nigérianes au cours de fusillades précédant, accompagnant ou suivant des attentes à l’explosif. 40 “Analysis: Carrot or stick? - Nigerians divided over Boko Haram”, IRI, 16 July 2012. http://www.irinnews.org/Report/95874/Analysis-Carrotor-stick-Nigerians-divided-over-Boko-Haram. 41 Transcript: General Carter Ham Discusses African Security Issues at ACSS Senior Leaders Seminar, Africa Center for Strategic Studies, June 27, 2012. http://africacenter.org/wpcontent/uploads/2012/06/TRANSCRIPT-Gen-Ham-atSenior-Leaders-Seminar-June-2012.pdf. 42 “Analysis: Carrot or stick? - Nigerians divided over Boko Haram”, IRI, 16 July 2012. http://www.irinnews.org/Report/95874/Analysis-Carrotor-stick-Nigerians-divided-over-Boko-Haram. 43 Une étape semble ainsi avoir été franchie avec l’attentat-suicide à la voiture piégée perpétrée le 11 juin 2011 contre le quartier général de la police à Abuja, capitale fédérale, par les attentats simultanés à la bombe qui ont suivis quatre jours plus tard contre un commissariat et une banque dans l’Etat de Katsina et, le 26 août 2011 par l’attentat contre le siège de l’ONU à Abuja. 44 "Nigeria: tir de roquette contre une école coranique à Jos, un enfant tué", AFP, 17 juillet 2012. http://www.liberation.fr/depeches/2012/07/17/des-tirscontre-une-ecole-coranique-du-centre-du-nigeria-font-unmort_833846. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 14 Les membres de Boko Haram se sont ainsi illustrés par des attaques répétées contre les forces de sécurité (commissariats, casernes, convois, officiers à la retraite), contre des lieux perçus comme des endroits de péchés (notamment bars et salles de jeu de cartes), contre des lieux de culte Chrétiens45. La secte s’est également attaquée à des banques, marchés, universités, écoles coraniques, à des personnalités religieuses 46 musulmanes et à des média47. Des hôtels auraient également fait l’objet de projets d’attentats; ce qui illustrerait le fait que les étrangers sont également devenus des cibles. Le 17 mai 2012, le porte-parole de la secte, Abu Qaqa, a menacé de s’attaquer à tous les bâtiments abritant des services gouvernementaux dans les 19 Etats du Nord (à majorité musulman) et dans la capitale Abuja, appelant les populations à les éviter. De manière générale on observe que les attaques attribués à la secte sont de plus en plus 45 7 juin 2011: attaque contre une église à Maiduguri; 25 décembre 2011: plusieurs attentats frappent des églises dans le Nord-est et le reste du pays, faisant près de 40 morts. 30 morts ont notamment été enregistrés à l’extérieur d’une église catholique à Madalla, une banlieue de la capitale Abuja. Une église a également été visée dans la ville de Jos, dans le Centre du pays; avril 2012: le jour de la fête de Pâques, au moins une voiture piégée explose à Kaduna à proximité d’une église, au moins 38 morts; 15 juillet 2012: tentative d’attentat à la bombe contre une église dans une ville située dans l’Etat de Kogi (centre du Nigeria), la bombe a explosé sans qu’aucun blessé ne soit enregistré. 46 4 septembre 2011: un religieux musulman est tué pas deux hommes de la secte dans la ville de Maiduguri. 47 26 avril 2012: attentat-suicide –à l’aide d’une voiture piégée- commis contre le siège du journal This Day à Abuja, attaque ayant fait cinq morts; dans la même journée une bombe était lancé par un homme dans un complexe de presse à Kaduna (Nord du pays), entraînant la mort de quatre personnes. sophistiquées, souvent coordonnées, fréquentes (presque quotidiennes, tout au moins hebdomadaires) et particulièrement 48 meurtrières . Ces attaques ont cru de manière très significative, notamment au cours de l’année 201149. Ainsi, selon la police nigériane, Boko Haram a été l’auteur en 2011 de 118 attaques qui ont causé la mort de 308 personnes. Ce décompte est selon de nombreux observateurs sous-estimé. Ainsi selon le Rapport 2011 sur le Terrorisme du Centre National de Contre-terrorisme américain, Boko Haram a été l’auteur en 2011 de 136 attaques –plus que les 31 enregistrés en 2010-; selon IRIN, le service d’information de l’Office de Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU –OCHA- le nombre de morts depuis juillet 2009 tournerait autour de 648. 48 En janvier 2012, on a ainsi assisté à une série d’attentats coordonnés dans la ville de Kano (Nord du pays) à l’aide d’engins explosif improvisés; attentats qui ont entraîné la mort de près de 200 personnes. Pour un aperçu de la progression presque exponentiel du nombre d’attaques menées par Boko Haram voir le graphique cidessus; source: "Boko Haram attacks in Nigeria", Chart from the Senate Foreign Relations Subcommittee on African Affairs hearing on Nigeria on March 29, 2012, US Senator Chris Coons of Delaware. 49 William Assanvo, Rétrospective 2011 des agissements de la secte Boko Haram et perspectives, Observatoire de la Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA), ote d’analyse http://www.ovidan° 9, 15 janvier 2012. afrido.org/fr/ovidapdf/RETRO_2011_Boko%20Haram_9_Janvier12.pdf. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 15 Pour les trois premières semaines de 2012 seulement, ce sont plus de 253 personnes qui auraient trouvé la mort dans 21 attaques distinctes. De 2009 (année à partir de laquelle l’insurrection menée par Boko Haram s’est accentuée) à janvier 2012, ce sont au moins 1.200 personnes qui auraient perdu la vie du fait des actes imputables au mouvement. Avec les nombreux attentats, souvent particulièrement meurtriers, survenus ces derniers mois, ce chiffre pourrait actuellement approcher le millier de morts pour la seule année 2012. Source: US Africa Command (AFRICOM), juillet 2009-janvier 2012. L’autre fait particulièrement préoccupant des agissements de la secte est l’expansion de son champ d’action. Ainsi, même si le plus gros des attaques de la secte ont principalement été menées dans le Nord-Est du pays, notamment dans les Etats de Borno et de Yobe, les Etats de l’Adamaoua, Bauchi, Gombe, Kano, Kaduna, Niger, Plateau, Taraba, Yobe, ainsi que la capitale Fédérale Abuja et l’Etat de Kogi50 (Sud d’Abuja) ont également, soit été le lieu d’attentats, soit se sont illustrés par la découverte de caches d’armes et d’explosifs. Boko Haram et la prise d’otages La prise en otage en mai 2011 d’un Britannique et d’un Italien, travaillant pour le compte d’une firme italienne de construction, prise d’otage attribué à un groupe supposé être associé à Boko Haram (et avoir des liens avec AQMI), et leur mort le 8 mars 2012 lors d’une tentative de libération par des forces de sécurité nigériane et britannique (dans l’Etat de Sokoto, Nord-Ouest du pays) pousse à s’interroger, sur l’éventualité d’une évolution vers la prise d’otage d’Occidentaux. Le fait que le groupe ait explicitement nié son implication dans cette prise d’otages nourrit le doute. Malgré ces dénégations, la mort le 31 mai 2012 à Kano de l’ingénieur allemand Edgar Fritz Raupauch51, alors que les forces de sécurité nigérianes prenaient d’assaut une maison à l’intérieur de laquelle se trouvaient des membres de Boko Haram, pousse une fois de plus à s’interroger sur son rôle dans cette pratique; ce d’autant plus qu’AQMI avait diffusé une vidéo revendiquant cette prise d’otage. Se pose ainsi la question de savoir si Boko Haram jouerait le rôle de geôlier pour le compte d’AQMI. Un pan de voile a été levé avec les informations, révélées en mai 2012 par un journal nigérian, contenues dans un rapport adressé au Président nigérian par les services de sécurité et de défense sur la base d’investigations menées en décembre 2011 dans le Nord du Nigéria, informations faisant état des liens entre Boko Haram et AQMI, particulièrement de formation 50 Où le 16 mai 2012 dernier une cache attribuée à des terroristes -et non explicitement au mouvement Boko Haram- et contenant des armes -grenades artisanales, engins explosifs improvisés, 10 AK 47, 2 révolvers, un pistolet Beretta- et des munitions, a été découverte. En avril deux usines de fabrication de bombes artisanales avaient déjà été découvertes dans ce même Etat. 51 Pris en otage le 26 janvier 2012 dans la même ville. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 16 reçues par des membres du groupe nigérian en matière de prise d’otages52. Le rapport évoque aussi la contrepartie à laquelle s’engage Boko Haram dans le cadre du soutien que lui apporte AQMI, précisément à prendre des otages "étrangers à la peau blanche -spécialement des expatriés- à Abuja en échange de plus d’argent, d’armes et de munitions". Sur la base de ces informations (si elles s’avéraient correctes), il semblerait bien qu’AQMI ait sous-traité la prise d’otage d’étrangers à Boko Haram; illustrant une fois de plus les liens opérationnels établis entre Boko Haram et AQMI; liens qui pousse à s’interroger sur la trajectoire que pourrait emprunter Boko Haram en terme d’idéologie, d’objectifs, de rhétorique et de modes opératoires et plus globalement sur la trajectoire islamiste et djihadiste en Afrique de l’Ouest. 52 Emmanuel Ogala, "EXCLUSIVE: Boko Haram gets N40million donation from Algeria”, Premium Times, 13 http://premiumtimesng.com/news/5079May 2012. boko_haram_gets_n40million_donation_from_algeria.ht ml. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 17 FACTEURS PROPICES AU DEVELOPPEME.T DE L’ISLAMISME RADICAL ET DU TERRORISME DJIHADISTE L’état actuel de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest et particulièrement dans la bande sahélo-saharienne, notamment l’émergence et le développement d’un islamisme radical, du terroriste djihadiste, y compris dans sa forme salafiste, est tributaire de la conjonction d’un certain nombre de facteurs. L’absence d’Etat dans une grande partie de l’espace sahélo-saharien, du fait du faible maillage des territoires nationaux, de l’incapacité ou des faibles capacités des structures sécuritaires à assurer un contrôle effectif sur de vastes étendues, très souvent désertiques, et à de répondre aux besoins de base des populations qui y vivent (éducation, santé, alimentation, opportunités socio-économiques) a généré des situations se traduisant par un sentiment d’abandon. L’une des conséquences étant, outre le recours aux organisations humanitaires (au gré des crises alimentaires ou sanitaires), le développement de dispositifs de solidarités religieuses ou claniques. Dans certains cas, cet état de dénuement a également laissé les populations à la merci de forces criminelles ou islamistes; forces qui sont généralement bien inspirées d’en profiter pour gagner à leur cause les plus démunies et désœuvrés et ainsi bénéficier de soutiens locaux au sein des communautés. Les faibles capacités des Etats, conjuguées à des zones frontalières pouvant s’étendre sur plusieurs centaines de kilomètres, conduisent également à la porosité des frontières, rendant possible les déplacements incontrôlés de personnes et biens divers (licites ou illicites), contribuant à faciliter par la même occasion l’expansion de l’islamisme radical ainsi que l’établissement de liens (idéologiques et opérationnels) et de synergies toujours plus étroites et dangereuses entre différents groupes criminels ou terroristes. Ces réalités ont ainsi joué un rôle non négligeable dans l’évolution et l’expansion d’AQMI et de la secte nigériane Boko Haram (autorisant à leurs membres de se refugier dans les pays voisins, la constitution de bases de repli, le recrutement et l’entraînement de nouveaux combattants). Les conséquences des défaillances étatiques ou de l’absence d’Etat ont très souvent été aggravées par des déficits de la gouvernance politique, économique et sécuritaire qui a caractérisé et caractérise encore un certain nombre de pays. En matière politique, ce déficit, s’illustre notamment par des systèmes politiques faillibles en matière de respect des principes démocratiques, de bonne gouvernance et de l’état de droit, ou encore se caractérisant par une démocratie de façade. Le niveau de corruption généralisée affectant un grand nombre de secteurs de ces Etats, particulièrement les plus sensibles, notamment le système de défense et de sécurité, contribue à les rendre incapable de remplir de manière effective et efficace leurs missions fondamentales et vitales. En matière de défense et de sécurité, cette situation rend particulièrement vulnérable et même illusoire la protection d’un pays contre des incursions, la lutte contre les trafics et activités criminelles en tout genre et l’implantation de groupes terroristes. Il faudrait aussi ajouter le manque de moyens et de professionnalisme qui caractérise un certain nombre de forces de défense et de sécurité africaine. Le déficit de gouvernance politique et économique est également source de troubles sociaux qui peuvent découler du mécontentement et de frustrations au sein de la population ou d’une partie d’entre elle. L’une des conséquences de cette situation se résume généralement en une instabilité politique pouvant être la source de coup d’état (comme celui que le Mali a connu le 22 mars 2012 avec les conséquences qui s’en sont suivies ou encore les révoltes dans certains pays du Maghreb) ou ébranler une société de telle sorte que des groupes puissent être tentés d’en profiter. La menace terroriste telle qu’elle s’est développée a démontré dans un grand nombre de contextes sa dimension transnationale et par conséquent celle de l’approche à adopter pour y faire face. Cependant, les lacunes observées sur ce point, notamment du fait du manque de volonté politique ou encore de l’absence d’actions concrètes, ont significativement contribué à permettre à l’islamisme radical de s’installer, de se renforcer et de s’étendre. Quelque soit l’importance que représentent ces facteurs et réalités et leur contribution dans l’émergence et le développement de l’islamisme radical et du terrorisme, il est nécessaire de préciser qu’à la base se trouve également le fanatisme qui meut un certain nombre d’islamiste radicaux et de terroristes, se manifestant par le sentiment, mieux, la conviction que leur combat est juste. A lui tout seul cet élément représente un moteur particulièrement puissant. Au moment où l’on envisage de mettre sur pied une intervention armée pour déloger les islamistes présents au Nord-Mali, il est nécessaire d’évoquer et de mettre en garde (sans pour autant militer pour l’inaction) contre le moteur et carburant et l’effet mobilisateur que cela pourrait représenter pour l’avenir du djihadisme en Afrique. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 18 La poussée de l’islamisme radical et du terrorisme dans la bande sahélo-saharienne s’illustre et est également tributaire d’un certain nombre de réalités et de dynamiques qu’il est tout aussi important de mettre en exergue. Ces dernières ont notamment trait à la multiplication des groupes islamistes et terroristes, à leur renforcement et expansion (y compris par le biais du recrutement de nouveaux adeptes) et aux liens de plus en plus croissants et étroits qu’ils tissent. L’ordre politique et sécuritaire qui est en train de s’installer et de se structurer dans le Nord-Mali représente également un élément central. VERS LA CO.STITUTIO. ALLIA.CE DJIHADISTE D’U.E Dans un exercice de prospective consistant à construire différents scénarios portant sur les évolutions possibles de la mouvance Al-Qaida d’ici 2025, l’un de ceux-ci se résumait dans les éléments suivants: affaiblissement d’Al-Qaida central (ce qui représente actuellement une réalité), existence d’une constellation de mouvements agissant de manière autonome, extension du champ d’action d’AQMI jusqu’au Nigeria, avec l’établissement de liens étroits avec Boko Haram, attaques simultanées d’AQMI contre des infrastructures pétrolières occidentales en Afrique de l’Ouest, insurrection contre des autorités nationales et infiltration par AQMI des forces de sécurité maliennes et tchadiennes, rendant inefficaces les actions antiterroristes53. Les liens qui ont été craints, évoqués, suspectés, revendiqués et prouvés entre AQMI et Boko Haram attestent de la réalisation de l’une des 53 “Confronting an Uncertain Threat. The Future of Al Qaeda and Associate Movements”. A report of the CSIS Homeland Security and Counterterrorism Program and the CSIS Transnational Threat Project. Center for Strategic and International Studies (CSIS), September 2011, p. 21. évolutions prévues. Ainsi, des informations font état du fait que des combattants de Boko Haram auraient été formés dans les camps d’AQMI depuis le milieu de la décennie passée54; ce qui tend à illustrer des liens et une collaboration qui se seraient déjà établis entre ces deux groupes. Ces liens remonteraient aux lendemains des violents heurts ayant opposés Boko Haram aux forces de sécurité nigérianes en 2009; heurts à l’issue desquels le leader du groupe, Mohammed Youssouf, ainsi que plusieurs centaines de membres du groupe ont perdu la vie. Ces évènements ont entraîné la fuite vers des pays voisins (Niger et Tchad notamment) de certains responsables du groupe. C’est sans doute dans ce contexte qu’en janvier 2010 l’Emir national d’AQMI, Abelmalek Droukdel (alias Abou Moussab Abdel Wadoud), a publiquement proposé son soutien à Boko Haram dans le cadre du djihad qu’il mène contre les Chrétiens nigérians, à travers l’apport en hommes, la fourniture d’armes, de munitions, d’équipement et la formation55. Cela étant, Abelmalek Droukdel, ainsi que la katiba d’Abou Zeid, seraient venus en aide aux combattants de Boko Haram réfugiés au Niger; le successeur de Mohammed Youssouf, Aboubakar Shekau, aurait également reçu des moyens pour reconstruire le mouvement, contribuant à augmenter ses capacités et altérer ses modes opératoires56. 54 Alex Perry, “Countering al-Shabab: How the War on Terrorism Is Being Fought in East Africa”, TIME, July 3, 2012. http://world.time.com/2012/07/03/countering-alshabab-how-the-war-on-terror-is-being-fought-in-eastafrica/. 55 Jean-Pierre Filiu, “Could Al-Qaeda turn African in the Sahel?”, Carnegie Endowment for International Peace, Carnegie Papers, n° 112, June 2010, http://www.carnegieendowment.org/files/al_qaeda_sahel. pdf. 56 Micha'el Tanchum, “Al-Qa’ida’s New West African Map: Ançar Dine, Boko Haram, and Jihadism in the Trans-Sahara”, Tel Aviv otes, Volume 6, Special Edition n° 3, June 4, 2012, p. 2. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 19 Dans le même ordre d’idées, des documents retrouvés dans la cache de Ben Laden au Pakistan auraient révélé et attesteraient de contacts entre des leaders de Boko Haram et de hauts responsables d’Al-Qaida au cours des 21 derniers mois57, confirmant ainsi les informations d’un haut responsable de la secte en janvier 2012 au quotidien britannique Guardian et faisant état de rencontres en Arabie Saoudite, en août 2011, entre des responsables de Boko Haram, dont son leader, Aboubakar Shekau, et de hauts responsables du réseau AlQaida58. voitures piégées et à des engins explosifs improvisés notamment) le résultat de liens et précisément du transfert de savoir-faire dont il a bénéficié de la part d’AQMI. Les informations faisant état de la présence de combattants de Boko Haram au Nord-Mali61 ne feraient qu’illustrer ces liens opérationnels; on parle ainsi d’une centaine de membres de Boko Haram présents dans le Nord-Mali62, auprès d’AQMI et du MUJAO; le Haut Commissaire des Nations Unies aux Réfugiés, António Guterres, a quant à lui évoqué entre 200 ou 300 combattants63. C’est sans doute aussi sur le compte de ces promesses et ententes qu’il faudrait mettre les 200.000 euros que Boko Haram aurait, selon un rapport des services de sécurité et de défense59 et adressé au Président nigérian, récemment reçus d’un groupe terroriste algérien (selon toute vraisemblance AQMI). Cette somme ne serait que la première partie d’un partenariat financier s’étalant sur le long terme. Selon ce rapport, des membres des deux groupes se seraient rencontrés à plusieurs reprises pour peaufiner les termes et conditions de ce partenariat comportant également un volet formation60. L’expansion de la menace terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, s’accompagne également de la progression de l’islamisme radical et de l’idéologie djihadiste, rendue possible par les campagnes d’endoctrinement64 et de recrutement auxquelles se sont livrées et se livrent encore les groupes djihadistes (AQMI et MUJAO) opérant dans la région et particulièrement au Nord-Mali. C’est dans ce cadre que des informations de presse ont fait état de recrutements en "masse" et de la formation (notamment au maniement des armes) par le MUJAO de jeunes de Gao et de Tombouctou; jeunes, dont l’âge est compris Plusieurs analystes ont ainsi vu dans le recours à de nouveaux modes opératoires et notamment à la sophistication des attaques mis en œuvre par Boko Haram (attentats simultanés, recours à des 57 Jason Burke, “Bin Laden files show al-Qaida and Taliban leaders in close contact”, The Guardian, April 29, 2012. http://www.guardian.co.uk/world/2012/apr/29/binladen-al-qaida-taliban-contact. 58 Monica Mark, “Boko Haram vows to fight until Nigeria establishes sharia law”, The Guardian, 27 January 2012. http://www.guardian.co.uk/world/2012/jan/27/bokoharam-nigeria-sharia-law. 59 Rédigé sur la base d’investigations menées en décembre 2011 dans le Nord du Nigéria. 60 Emmanuel Ogala, "EXCLUSIVE: Boko Haram gets N40million donation from Algeria”, Premium Times, 13 http://premiumtimesng.com/news/5079May 2012. boko_haram_gets_n40million_donation_from_algeria.ht ml. 61 "Boko Haram": "Notre présence au Mali se justifie par des raisons religieuses", L’Essor, 25 juin 2012. http://www.malijet.com/actualte_dans_les_regions_du_m ali/rebellion_au_nord_du_mali/46188-%C2%AB-bokoharam-%C2%BB-%3A-%C2%AB-notre-presence-aumali-se-justifie-par-des-ra.html. 62 "Dozens of Boko Haram in Mali’s rebel-seized Gao", AFP, 10 April 2012. http://www.africareview.com/News/Boko+Haram+fighter s+in+Mali/-/979180/1383548/-/9eq6dfz/-/index.html. 63 “National Teleconference: The State of the World’s Refugees: From Indifference to Solidarity”, Transcript, May 31, 2012, Council on Foreign Relations. http://www.cfr.org/africa/national-teleconference-stateworlds-refugees-indifference-solidarity/p28444. 64 Jemal Oumar, "AQMI lance une campagne d’endoctrinement le long de la frontière mauritanomalienne", Magharebia, 5 août 2011. http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/featur es/awi/features/2011/08/05/feature-01. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 20 entre 1065 et 20 ans, souvent emmenés par leurs parents, et qui sont à l’issue de leur "formation" appelés à servir dans la police islamique, dans les renseignements et comme futurs 66 combattants, contribuant à renforcer la mainmise des islamistes. Il est ainsi évoqué l’existence d’une katiba constituée en grande partie, sinon exclusivement d’enfants 67 conditionnés et manipulés . Les liens croissants entre les groupes terroristes présents et actifs en Afrique de l’Ouest et dans le Sahel, non seulement entre eux, comme on vient de le voir, mais aussi avec l’une des plus virulentes branches de la mouvance Al-Qaida, à savoir Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA), présente au Yémen, suscitent une préoccupation particulière. A ce titre, la porosité des frontières, les ressources limitées dont dispose la grande majorité des pays africains, particulièrement ceux d’Afrique de l’Ouest (à l’exception notable de l’Algérie dans une certaine mesure) et les migrations illicites dans la bande sahélo-saharienne sont de nature, comme on l’a vu dans les développements précédents, à favoriser des transferts de combattants, de compétences et de tactiques terroristes ou encore une radicalisation des groupes africains, pouvant conduire à l’introduction de nouvelles cibles (transport aérien par exemple68). 65 Claude-Olivier Volluz, "Au Nord-Mali, les nouvelles recrues des jihadistes ont 10 ans", Rue89, 10 juillet 2012, http://www.rue89.com/2012/07/10/au-nord-mali-lesnouvelles-recrues-des-jihadistes-ont-10-ans-233743. Le 6 juillet 2012, l’UNICEF faisait état du recrutement dans le Nord-Mali par des groupes armés d’au moins 175 garçons, âgés entre 12 et 18 ans, cf. UNICEF, “Violence against children mounting in Mali”, Press Release, 6 July 2012. 66 "Exclusivité RFI: les islamistes du MUJAO recrutent en masse parmi les jeunes du nord du Mali", RFI, 9 juillet 2012. 67 Claude-Olivier Volluz, Idem. 68 Voir William Assanvo, "Terrorisme et transport aérien en Afrique: début d’évaluation de la menace", Ce risque est d’autant plus à prendre au sérieux qu’il y aurait des indications claires faisant état de la volonté ou de transferts de compétences au profil de mouvements terroristes présents en Afrique et particulièrement en Afrique de l’Ouest. A ce titre, en matière de terrorisme aérien, un des membres d’AQPA, la branche d’Al-Qaida la plus en pointe dans les projets d’attentats contre le transport aérien, Yahya Ibrahim, déclarait dans une édition de janvier 2011 d’un magazine djihadiste, “Sada AlMalahem”, que l’un des aspects de leur stratégie dans ce domaine avait pour objectif de transférer leur savoir-faire et leurs connaissances aux moudjahiddines à travers le monde, afin qu’ils puissent s’en servir dans leurs pays respectifs. Il était également question de recourir aux liens existants ou à développer entre les différents adeptes du djihad afin de déplacer des explosifs ou dispositifs vers d’autres pays où la sécurité serait moins stricte. Ce dernier risque pourrait trouver dans l’affaire judiciaire qui s’est ouverte au Nigeria au début du mois de juillet, impliquant deux citoyens nigérians accusés d’avoir reçu des milliers de dollars d’AQPA afin de recruter de potentiels terroristes et de les envoyer au Yémen, plus qu’une hypothèse quant à l’intérêt que porte AQPA à l’Afrique69. A ce titre, on rappellera le cas du nigérian Umar Farouk Abdulmutallab, formé au Yémen et ayant été l’auteur de la tentative d’attentat de Noël 2009 contre un vol Amsterdam-Détroit à l’aide d’un dispositif explosif dissimulé dans ses sous-vêtements. Observatoire de la Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA), ote d’analyse n° 11, juillet 2012. http://www.ovida-afrido.org/fr/ovidapdf/Menace_Terroriste_Aviation_11_4_Juillet12.pdf. 69 Dina Temple-Raston, “Al-Qaida Arm in Yemen Flexes its Muscles in Nigeria”, PR, July 12, 2012. http://www.npr.org/2012/07/12/156641658/al-qaida-armin-yemen-flexes-its-muscles-in-nigeria. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 21 AQMI-Sahel est en train de devenir le métronome et l’acteur central de l’expansion du terrorisme djihadiste en Afrique. Il est à cet effet prêté à ses principaux chefs, à savoir Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeid, un rôle de premier plan non seulement dans la coordination70 des différentes activités des islamistes présents et actifs dans la bande sahélienne, notamment au Nord-Mali, mais également dans les efforts visant à consolider les liens entre les différents groupes de la sous-région, ainsi que l’axe devant s’étendre jusqu’aux Shebab somaliens et même la jonction avec AQPA71. Dans ce contexte, la situation au Nord-Mali lui fournit un environnement propice au déploiement et à la mise en œuvre de cette stratégie; ce qui place par conséquent ce pays au cœur des préoccupations en ce qui concerne la menace terroriste en Afrique de l’Ouest et au-delà. VERS LA CO.STITUTIO. D’U.E PLACE FORTE POUR L’ISLAMISME RADICAL AU .ORD-MALI "Tous les ingrédients sont réunis pour faire du Mali un Afghanistan", déclarait le Président nigérien, Issoufou Mohamedou72. Dans son dernier rapport Afrique, International Crisis Group met également en garde contre le fait que le "ord-Mali pourrait bien devenir un vaste espace d’accueil de combattants djihadistes de toutes origines"73. 70 "Mali: Al-Qaïda coordonne les différents groupes islamistes du nord", AFP, 20 juillet 2012. http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20120720.AFP3 427/mali-al-qaida-coordonne-les-differents-groupesislamistes-du-nord.html. 71 Arslan Chikhaoui, "À l’ombre de la crise libyenne AlQaïda se recentre sur le Maghreb-Sahel", Liberté, Edition n° 5787, 6 septembre 2011. 72 Emission "Internationales" du 15 avril 2012 sur TV5/RFI. 73 International Crisis Group, "Mali: Eviter l’escalade", Rapport Afrique n° 189, 18 juillet 2012, http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/westafrica/189-mali-eviter-l- Ces quelques déclarations illustrent les nombreuses craintes et l’inquiétude quant à l’évolution du Nord-Mali qui, depuis le coup d’état du 22 mars 2012 échappe complètement au contrôle de l’Etat malien (Etat lui-même significativement fragilisé et dont le pouvoir est en quête de légitimité), et plus récemment, depuis fin juin 2012, a vu la rébellion touareg menée par le MNLA être chassée des principales villes (Kidal, Gao et Tombouctou notamment) par les forces islamistes. Ces craintes sont formulées par le recours à des termes tels qu’"afghanisation", "somalisation", "yémenisation" ou "sahelistan" pour décrire le scénario qui est en train de s’établir progressivement. Ce scénario se résume en celui d’un vaste territoire hors de tout contrôle étatique, gouvernés par des intérêts et groupes criminelles et terroristes, et par conséquent à l’intérieur ou à partir duquel prolifèreraient des activités susceptibles de cibler ou de représenter une menace pour la sécurité et la stabilité, non seulement le Mali, mais aussi de ses voisins (Algérie, Mauritanie, Niger, Burkina Faso et Sénégal), d’autres pays du Maghreb (Libye, Tunisie, Maroc) ou l’Afrique Subsaharienne. Un espace vers lequel convergeraient des combattants de l’internationale djihadiste ayant fait le coup de feu sur les théâtres afghan, pakistanais, nigérian ou somalien et à l’intérieur duquel des combattants ou nouvelles recrues (outre des Maliens, on évoque des Burkinabés, Gambiens, Ghanéens, Guinéens, Ivoiriens, Nigériens, Sénégalais74) recevraient une escalade.pdf?utm_source=malireport&utm_medium=pdff r&utm_campaign=mremail. 74 Karim Aimeur, "Selon une étude sécuritaire américaine 6000 terroristes écument le Sahel", L’Expression, 19 juillet 2012. http://www.lexpressiondz.com/actualite/157321-6000terroristes-ecument-le-sahel.html; "Scores of Africans recruited by Mali Qaeda offshoot", AP/AFP, 18 July 2012. http://www.rnw.nl/africa/bulletin/scores-africans- Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 22 formation, avant d’être éventuellement, ce qu’on pourrait craindre, renvoyés dans leurs pays d’origine pour mettre en œuvre des projets terroristes ou encore pour mettre sur pied des filières. Les informations parues au début du mois de juillet 201275 faisant état de l’arrestation au Sénégal de dix présumés membres d’AQMI, quelques jours après que l’organisation ait menacé76 le pays d’attaques s’il envoyait des troupes au Mali dans le cadre de la force d’intervention envisagée par la CEDEAO, et qu’il soit évoqué des menaces précises d’attaques qui auraient été interceptées par les services de renseignements sénégalais77, donnent une dimension particulière à ces craintes d’expansion de la menace aux pays voisins. De plus, les déclarations faites78 le 27 juin 2012 par l’ancien Ministre malien des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maiga, sur la présence avérée à Bamako, depuis le début de l’année, de membres d’AQMI, parmi lesquelles "de plus en plus de maliens, y compris dans les instances dirigeantes", ou de personnes qui avaient séjourné avec des membres de Boko Haram, fournissent des indications supplémentaires sur l’éventuelle évolution de la menace. recruited-mali-qaedaoffshoot?goback=.gde_4451300_member_136146840. 75 Souleymane Diop, "3 Sénégalais et 7 Mauritaniens membres d’AQMI arrêtés par la gendarmerie", Algérie Patriotique, 6 juillet 2012. http://actusenegalaise.senego.com/3-senegalais-et-7-mauritaniensmembres-daqmi-arretes-par-la-gendarmerie_24287.html. 76 Mamadou Diallo, "Participation à une force d’intervention au Mali: Aqmi menace de frapper le Sénégal", Le Quotidien. http://www.lequotidien.sn/index.php/une-une/4375participation-a-une-force-dintervention-au-mali--aqmimenace-de-frapper-le-senegal. 77 Mamadou Diallo, Idem. 78 Ancien Ministre malien des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maiga, invité Afrique de RFI du 27 http://www.rfi.fr/emission/20120627juin 2012. soumeylou-boubeye-maiga-ancien-ministre-defenseministre-affaires-etrangeres-mali. Cette analyse met en évidence la nature et l’ampleur de l’islamisme radical et du terrorisme en Afrique de l’Ouest et particulièrement dans la bande sahélosaharienne et la menace qu’ils représentent pour cette partie du continent. L’un des enjeux à présent est de continuer à la suivre dans ce que seraient sans aucun doute ses mutations. L’autre enjeu relève de l’impérative réponse à apporter à cette réalité et réside dans la nécessité d’éviter que l’Afrique devienne un refuge pour l’islamisme et que le continent ne serve de plateforme à l’intérieur ou à partir de laquelle des actions seraient menées non seulement contre et au détriment des pays et populations de la région, mais aussi contre la cible traditionnelle du djihadisme contemporain qu’est l’Occident et tout ce qui le représente. Il est ainsi question de prendre conscience de la situation ainsi que de ses possibles évolutions afin de tout mettre en œuvre afin que le maillon africain de la chaîne antiterroriste et les dispositifs de lutte contre le radicalisme et le fondamentalisme qui doivent exister à l’échelle mondiale soient établis et/ou renforcés. Crédits illustrations: Otages d’AREVA détenus par AQMI/Reuters/Al Jazeera; Combattants du MUJAO devant le Consulat d’Algérie à Gao/Latribune-online.com; Capture d’écran de la vidéo de l’attentat-suicide –à l’aide d’une voiture piégée- mené le 26 avril 2012 à Abuja par Boko Haram contre le siège du journal This Day; caserne de gendarmerie à Tamanrasset (Sud de l’Algérie) après l’attentat-suicide (à l’aide d’une voiture chargée d’explosifs) survenu le 3 mars 2012 attribué au MUJAO. Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest ote d’analyse n° 12, juillet 2012 P a g e | 23 A PROPOS DES NOTES D’OVIDA Les “otes d’OVIDA” s’inscrivent dans volonté et l’objectif de l’Observatoire de promouvoir, rassembler et développer une expertise dans l’étude et l’analyse de certains des enjeux s’articulant autour des questions de: Paix, Défense et Sécurité; Economie et Commerce; Droits de l’Homme; et Environnement. Ces Notes portent également sur certains des aspects relatifs aux canaux de la pratique diplomatique: bilatéralisme, régionalisme et multilatéralisme. Les contributions qui en résultent devront notamment permettre de dégager des éléments de connaissance et de compréhension en offrant une réflexion, analyse et un décryptage sur des thématiques ou sur des évènements et en faisant ressortir des idées maîtresses à des fins d’information et d’amélioration de la connaissance. NOTES D’OVIDA NOTES D’ANALYSE Dégager des éléments de connaissance & de compréhension en offrant une réflexion, analyse & un décryptage. NOTES DE SYNTHESE Faire ressortir & présenter des idées maîtresses à des fins d’information & d’amélioration de la connaissance. • Sommets et évènements africains (UA, CEMAC, CEEAC, CEDEAO, COMESA, SADC, Afrique-UE, Afrique-Corée, etc.) & internationaux; • Visites/tournées de dirigeants africains et étrangers; • Questions ou thématiques particulières; • Rapports & documents divers. Edition: William Assanvo/Ngoua Djenno Melissa Pour tous vos commentaires et suggestions, bien vouloir écrire à [email protected]