Corrigé de l`examen de français écrit 1

Transcription

Corrigé de l`examen de français écrit 1
Corrigé, examen de français écrit 1
(les corrections des erreurs de syntaxe sont soulignées)
L’an dernier à pareille date, les constatations que j’ai faites et les conclusions que j’ai
tirées dans un groupe d’étudiants comme le vôtre1 méritent d’être signalées.
Convaincu(s) de leur désintérêt à l’égard de la littérature, plus d’un étudiant a
déclaré dès le premier cours qu’il détestait le français et qu’il avait hâte d’en avoir
fini avec les lectures ennuyantes, les discussions creuses et les damnantes2
rédactions argumentatives. J’aime la franchise et je me suis abstenu, comme ma
plantureuse collègue Suzanne S. l’aurait fait, de tenir un discours moralisateur à
l’endroit de celles et ceux qui s’étaient librement exprimés. Les insatisfactions qu’il y
a eu chez beaucoup d’élèves à l’école secondaire ont fait en sorte, ne l’oublions pas,
qu’ils se sont arrogé le droit de se payer la tête de tous enseignants qui se sont crus
suffisamment intouchables pour ne pas les respecter. Quelque doctes que soient les
maîtres, fi3 à l’un et l’autre qui se sont plu à abuser de leur autorité et qui se sont
permis d’offrir des cours banals. Dans l’école moderne d’aujourd’hui, la qualité des
cours s’est élevée à un niveau sans précédent4 grâce à la vigilance5 des élèves qui se
sont passé le mot pour obtenir rien de moins que ce qu’ils méritent.
L’an dernier à pareille date, dis-je, j’ai eu l’heur1 de me retrouver devant un groupe
qui m’a forcé à une mise à jour de mes valeurs. Oui ! moi, le vaniteux2 des vaniteux,
la tête enflée des têtes enflées, la vraie de vraie machine à parole(s), qui s’est souvent
ri des traditions et des usages, la fofolle qui s’est parfois présentée en classe mal
préparée en comptant sur l’improvisation, j’ai dû3 pour une fois ravaler ma salive et
faire preuve d’humilité parce que je me suis solidement fait prendre à partie4. On
ne sait jamais ce qui nous attend dans la vie ! En un seul cours, le deuxième de la
dixième semaine, il s’est produit en vingt-sept minutes des événements confrontants
qui m’ont donné chaque fois beaucoup à réfléchir. Je n’avais pas encore déposé mon
sac sur la table à l’avant de la salle qu’une étudiante, jolie comme tout, bien roulée,
blonde aux yeux bleus, jeans moulants, chandail super-échancré, lève la main. Plus
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d’un semblait déjà amusé de ce qui allait se produire, ce qui m’a paru bien entendu
de mauvais augure puisque mes ouailles avaient fomenté un complot. « –Monsieur
Albert, je n’ai absolument rien compris du rapport que vous avez fait la semaine
dernière entre l’hypnose et la littérature. Pourriez-vous me l’expliquer encore une
fois, mais en phrases courtes, sans faire de parenthèses et en moins de cinq
minutes ? » Il faut savoir que je m’étais levé à rebrousse-poil, ce que tout le monde
avait évidemment remarqué. La commère hirsute que j’étais d’habitude est restée
bouche bée5, un peu vexée que ses efforts pédagogiques n’aient pas porté fruit chez
cette beauté à queue-de-cheval et au regard intelligent qui parlait autant avec sa
bouche mutine et ses sourcils sceptiques qu’avec ses épaules et ses jambes d’enfer.
Quelque confiants que nous soyons devant un groupe, nous, les orateurs de
profession, cachons derrière une insensibilité de façade une grande sensibilité. Une
autre main se lève ! « — Monsieur, j’ai dix points de pénalité pour absences. Pourtant
vous n’avez pas pris les présences depuis trois semaines. Ce n’est pas juste ! Vous
devriez me les enlever… » La moutarde m’est montée au nez. Je triche pour
avantager les étudiants et en voilà une, bien serrée dans sa jupe de soie et sa
chemise entre-ouverte, juchée sur ses talons aiguilles (elle s’était levée pour
m’interpeller, ce qui me permettait de voir sa taille et ses jambes troublantes), qui
me dit une chose pareille. Elle attendait ma réponse en me regardant comme une
vache regarde un train. Je lui ai servi une réplique vaseuse et absconse en phrases
courtes et en cinq minutes tel(le) que demandé(e), mais sans réussir à éviter les
circonlocutions, les récurrences, les pléonasmes, les insistances et les répétitions
habituel(le)s.
On a beau dire, les matins se suivent mais ne se ressemblent pas ! Je me tourne enfin
vers le tableau pour commencer ma leçon, et voilà que je reçois une boule de papier
bien insalivée derrière la tête. Qu’une étudiante (c’en était une, j’en étais sûr à cause
de la forme de la boule) se soit plu à me la lancer m’étonnait beaucoup. Je
l’imaginais mince, mignonne comme tout, un tantinet sexy et absolument
péremptoire. Il me paraissait normal que ce genre de fille parvienne à jouir et à
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rejouir facilement d’un acte criminel. Mais pour le moment je restais coi1, j’évitais
de me retourner. Hébété2, comment pouvais-je concevoir que quelqu’une, si
expressive qu’elle soit de corps et d’esprit, puisse avoir l’audace de me lapider. Après
une réflexion de vingt secondes dans l’immobilité et la stupeur, je me décide enfin à
affronter le groupe, puisqu’il fallait bien qu’il se passe quelque chose. A.C. était
debout, s’amusant de mon air3 décontenancé. « Claude ! Vous ne nous avez jamais
dit qu’il fallait faire les exercices des notes de cours. Personne ne le savait dans la
classe. On aurait aimé être mis au courant plus tôt ! » Ah là là ! Voilà que ça
recommence ! Comment répondre à une aussi jolie fille sans sans cafouiller ? Elle
était grande, les yeux légèrement en amande, le regard insoutenable à cause de la
Beauté des prunelles, sans parler de l’effet de sa silhouette4 de mannequin5qui
exprimait l’équilibre et la distinction. J’ai rougi, il m’a fallu trente secondes pour
trouver mes mots et j’ai été pris, ce qui n’est pas indifférent dans le contexte, d’une
subite envie d’uriner.
Inquiet au possible, je commençais à trouver qu’il était temps que ça finisse.
Puisque j’avais été un peu laxiste1 et négligent, j’avais de véritables raisons de
m’inquiéter. Il était clair dans mon esprit que je ne m’en sortirais pas facilement.
Telle une lionne, ou plutôt tel un lynx, ma vis-à-vis me dévisageait, fière et altière,
et bien entendu2 vêtue pour mettre ses charmants atours en valeur, ce qui achevait
de me rendre stupide. Puisqu’une explication était attendue, elle l’a eue, toujours en
moins de cinq minutes et en phrases courtes, mais visqueuse(s)3, bourbeuse(s) et
gluante(s). Je me sentais comme une larve devant une mante4 religieuse affamée. Je
suis un professeur qui veux/veut donner des cours dynamiques, stimulants et bien
organisés, cela ne fait aucun doute ; pourtant, je me comporte à l’occasion comme le
premier venu qui confond ce qu’il dit avec ce qu’il a l’intention d’exprimer. Il
n’empêche que ce sont des étudiants de moins de vingt ans qui me confrontaient de
la sorte et, pour tout dire, je constatais souvent chez eux un manque de rigueur bien
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plus répréhensible. J’ai d’abord commis un gros effort pour rectifier ma contenance.
Ceux-là mêmes qui voulaient m’embêter, comme il est attendu de tout professeur
qui se respecte, je les remettrais sèchement à leur place à la première incartade.
Quelque intimidantes que paraissent5 les leaders de ma classe, j’avais arrêté de leur
montrer qui est le patron.
Alors que j’écrivais enfin une première phrase complète au tableau, un autre projectile
est venu me frôler l’oreille et s’est écrasé au tableau. Chacun savait que c’était une
injure des plus viles et les rires fusaient de toutes parts. L’œuf m’avait éclaboussé en
se brisant et une foule d’idées m’est/me sont passées par la tête. L’irritation, la
contrariété et la colère n’équivalent pas à ce que je ressentais. Des déboires tels que
ceux que je venais de vivre, je m’étais toujours vanté de ne pas en avoir connu(s).
Alors une douzaine d’élèves ont levé la main en même temps. «– Monsieur, dit la
plus pressée, il ne reste que trois semaines à la session. Quand allez-vous nous
parler de littérature ? » Une autre ajouta : « Je me sens telle une cancre. Mon amie
d’un autre groupe étudie des mouvements littéraires, des figures de style et des
thèmes pendant que vous nous parlez de transe1 et d’anormalité. Aborderez-vous
vraiment ce qu’il nous faut pour l’Épreuve uniforme de français ? » Cette fois, ces
deux « nymphettes2 » (pour reprendre un mot de mon collègue Michel Brassard),
que je ne cessais d’examiner des pieds à la tête pendant les séances de rédaction,
avaient3 frappé la cible en plein centre. Quelles qu’aient été mes illusions, j’avais
maintenant la preuve cynique que mes procédés pédagogiques s’étaient butés à des
esprits peu réceptifs. C’est la fatigue, les corrections et la lassitude qui m’avaient
peut-être fait perdre le cap. Ou mieux, ce sont les déplacements quotidiens à
l’aréna, la nécessité de préparer mes cours en vitesse et mes obligations de directeur
du Concours littéraire Critère qui avaient fait de moi un professeur égaré et
confondant. J.G. ne tombait-elle pas endormie4 dès que j’abordais un sujet
théorique ? J’aurais dû comprendre qu’elle était le baromètre de la classe, qu’elle
affichait ce qu’une majorité d’étudiants ressentaient. Une partie de moi, celle de
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l’ordre du cogito, était tout étonnée, toute honteuse et toute contrite de constater
ce qui venait de se produire ; mais une autre, celle qui forme le siège des émotions,
tout indignée et toute rebelle qu’elle soit, refusait encore les faits. Pour une fois je
n’ai rien dit. Je n’arrivais pas à réagir. Il régnait dans la classe un silence où on aurait
pu entendre voler une mouche. À défaut de mieux, je me suis retourné vers le
tableau pour dissimuler que ma fierté et mon estime personnelles étaient tout
altérées. J’ai écrit longtemps en silence pour me ressaisir5. Les phrases que j’ai
composées n’avaient pas beaucoup de sens. Les excuses que mon intelligence s’est
plu à inventer ne servaient à rien. Les injures que ma conscience s’est vue proférer
intérieurement, elle les faisait consistantes, sulfureuses et délétères. Les explications
que j’aurais voulu fournir étaient vaines. Je me sentais veule et j’avais quarante et
une personnes derrière moi qui se régalaient de ma faiblesse. Il restait en plus
soixante-trois minutes au cours que je devais offrir. Lorsque je me suis retourné, la
classe s’était complètement vidée ! Je n’en croyais pas mes yeux ! Je n’avais rien
entendu tellement je m’étais replié sur moi-même. Seul avec les murs, les chaises et
les tables, j’étais dans une excellente situation pour faire un examen de conscience.
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Corrigé Vincent Gogol
1. voir Gallimard Paris 2007 Vincent Gogol Traité des moyens de séduction de la femme page
108
2. page 17 ibid Vincent Gogol 2007
3. Page 44 dans « Glossaire des moyens d’empêcher la séduction de la femme » 2012
L’Actualité, Québec, Vincent Gogol, numéro 8 volume 14
4. voir Ce qui fait que la femme nous plaît tant! collection culture Brassard Michel Les éditions
de l’Homme 2007 page 12-14 Montréal
5. Idem Ce qui fait que la femme nous envoûte Michel Brassard HMH page 66 Montréal 2000
6.Brassard Michel passim 2000
7. Page 69 dans « Glossaire des moyens d’empêcher la séduction de la femme » 2012 L’Actualité
Montréal Vincent Gogol numéro 8 volume 14
8.Page 111 dans « Inventaire des moyens d’empêcher la domination de la femme » 2012
L’Actualité Montréal Vincent Gogol numéro 9 volume 14
9.Gallimard Paris 2007 Vincent Gogol Traité des moyens de séduction de la femme page 71
10.Ce qui fait que la femme nous envoûte Michel Brassard HMH page 44 Montréal 2000
1-Voir Vincent Gogol, Traité des moyens de séduction de la femme, Paris, Gallimard, 2007,
p. 108.
2-Ibid., p. 17.
3-Idem., « Glossaire des moyens d’empêcher la séduction de la femme », dans L’Actualité,
Québec, vol. 14, no 8, 2012, p. 44.
4-Voir Michel Brassard, Ce qui fait que la femme nous plaît tant!, Montréal, Les éditions de
l’Homme, coll. « Culture », 2007, p. 12-14.
5-Idem., Ce qui fait que la femme nous envoûte, Montréal, HMH, 2000, p. 66.
6-Passim.
7-Loc.cit., Montréal, p. 69.
8-Idem., « Inventaire des moyens d’empêcher la domination de la femme », dans L’Actualité,
Montréal, vol. 14, no 9, 2012, p. 111.
9-Op. cit., Vincent Gogol, p. 71.
10-Op. cit., Michel Brassard, Ce qui fait que la femme nous envoûte, p. 44.