« Emerald Sky » de Bärlin

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« Emerald Sky » de Bärlin
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« Emerald Sky » de Bärlin
Yann VISEUR
Bärlin Emerald Sky Style : Ghost Rock Sortie : 22/10/2014
Voilà un disque rusé comme une teigne, une galette qui ne se laisse
pas faire, un disque rare qui exige une vraie démarche de son
auditeur à l’heure du gigabit téléchargeable en torrent. Un disque
intéressant, très intéressant, et on salive franchement à l’idée de
l’aborder, le contourner, l’amadouer, l’apprivoiser parce que la bête est
rétive, le renard au cerceau est une espèce rare. Quand une très étrange
basse jouée en accord, lourde et anxiogène du premier morceau voit
arriver les renforts sous la forme d’une clarinette, qui n’a rien à voir avec
la musque Klezmer, on se dit qu’on va beaucoup s’amuser devant ce
projet fou et réellement audacieux. Quand les voix arrivent, on est
tout à fait certains, sourire aux lèvres, que l’objet va provoquer de
vifs débats chez les musicopathes de tout bord. De l’ambition, de
l’élégance, du panache, voilà ce qu’on entend tout de suite, le refus acharné de la moindre facilité. Si on restait
là, on n’irait pas très loin mais justement, on voyage dans une musique européenne marquée par de grands
cousins et autres oncles d’Amérique : on pense au Bowie de la trilogie… Berlinoise et aux références
qu’avancent eux-mêmes les musiciens de ce groupe lillois : Morphine, Tuxedomoon, Sixteen Horsepower. On
y ajoutera le mode incantatoire de Woven Hand, par exemple, du côté des tensions lentes. Crépusculaires et
noctambules, on les voit bien également saluer le Taylor Kirk de Timber Timbré, le soir, au loin, en
rentrant dans leur antre, le sous sol d'un musée du Bauhaus désaffecté.
Extrêmement propice à une écoute attentive, la musique de Bärlin tend de longs filins climatiques, jouant
de la lenteur comme d’un piège pour l’auditeur, mêlant la tension extrême des compositions et ce faux
relâchement auquel laisse souvent croire le low-tempo. La Bande son d’une expérience intérieure, la
description qu’ils font eux-mêmes de leur disque, est une excellente introduction. Si cette phrase génère
un minimum de curiosité, il faut absolument essayer cet album. Fil tendu entre basse et voix qui attend la lune,
avant que la clarinette et la batterie ne déboulent en arabesques furieuses, la voix monte et s’enroule autour
d’une note unique. Tensions lunaires et clarinette en contrepoint d’une caisse claire au timbre sec, dépassement
permanent de la structure classique couplet, pont, refrain, un disque qui fait penser au moment où le rock tentait
désespérément de sortir de tous les clichés qui le dévoraient.
Passionnant, parce que ça ne plaira pas à tout le monde et que finalement, c’est la moindre des choses pour une
œuvre assumée. Il y a des disques qu'on regrette d'écouter et d'autres qu'on peut amèrement regretter de ne pas
avoir essayé. Emerald Sky, par exemple.

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