Filmer la boxe, à travers quatre films, et huit combats

Transcription

Filmer la boxe, à travers quatre films, et huit combats
Filmer la boxe, à travers quatre films, et huit combats (par Evelyne Larousserie)
Combat
n°1
Magaly Richard-Serrano,
John G Avildsen,
Martin Scorsese,
Clint Eastwood,
Dans les cordes (2006)
Rocky (1976)
Raging Bull (1980)
Million Dollar Baby (2004)
Scène à 13’10
Ouverture du film
Scène à 1h15
Combat contre Marcel Cerdan
Scène à 1h7’7 ‘’
Défaite d’Angie
Succès de Rocky
Succès de Jake La Motta
Succès de Maggie
La violence extrême du combat est
rendue de plusieurs manières :
- Le combat est filmé caméra à
l’épaule, ce qui accentue la
rapidité des mouvements.
- Les plans sur le public et,
surtout, les hurlements de ce
public renforcent la tension
du moment.
- Une importance est accordée
aux sons : ils parviennent
agressifs, parfois étouffés
quand Angie commence à
perdre conscience.
- Les nombreux gros plans
permettent de comprendre
la rudesse du combat
- Il y a un jeu sur le rythme de
la scène : entre accélérations
et ralentis, comme le rythme
Ouverture du film
Le film s’ouvre sur une musique
victorieuse un peu cliché, un peu
ridicule (à l’image de Rocky qui n’est
pas un grand boxeur)
Le film commence par une figure
christique ; le mouvement de
caméra est significatif : on descend
du Christ pour arriver à Rocky ; il est
donc clairement identifié comme le
héros du film. D’autant que la
caméra choisit de l’accompagner.
Mais la caméra continue son
mouvement pour se retrouver dans
le public : les deux boxeurs ne sont
donc qu’un arrière-plan, comme si
leur combat n’était pas très
important.
Le mot « Résurrection » affiché sous
le Christ a un double sens : il va
Il est important de préciser que
Scorsese déteste la boxe. Filmer la
boxe est prétexte pour filmer un
homme.
La scène est encadrée par deux
scènes où Maggie est heureuse. On
sent la victoire dès la préparation :
don du peignoir « magique », mots
doux, aveux d’amour…
Il est aussi important de noter que
cette scène de victoire est encadrée
par deux scènes de dispute, qui vont
conférer un caractère tragique à
cette victoire.
La scène s’ouvre par un morceau de
bravoure cinématographique : un
très long plan séquence.
L’enjeu du match est aussi renforcé
par les plans sur la foule en liesse ;
Jacke La Motta traverse longuement
le public tel un vainqueur.
Magie est suivie de près par la
caméra (de dos et de face) : on
l’accompagne.
Le public est montré en liesse.
La caméra attend Maggie sur le ring :
c’est là qu’est sa place. La plongée
va donner de l’ampleur au combat.
Pendant le combat, la caméra
tourne autour des boxeuses ; elle est
placée tout autour du ring. la boxe
apparaît
comme
facile,
elle
s’apparente à une danse.
Scorsese n’a filmé le combat qu’avec Alternance de plongées et de contre-
-
soutenu du combat.
Il y a une focalisation sur
Angie :
 La caméra choisit de
suivre Angie.
 Le spectateur voit ce
qu’Angie voit : les coups
arrivent directement sur
le visage ; la vision d’une
Angie sonnée se trouble
 le dernier plan joue sur le
cadrage : la scène n’est
pas filmée à niveau : la
caméra est penchée,
mimant la vision d’Angie
au sol, K.O
s’agir pour Rocky d’évoluer, de une seule caméra ; le tournage des
quitter son enveloppe de loser.
scènes de boxe a pris la moitié du
temps du tournage du film.
La caméra reste en dehors du ring Une fois sur le ring, la caméra
pour filmer le match (seuls quelques souligne la violence du combat : les
plans sur les pieds des boxeurs sont corps sont filmés au plus près ; les
tournés sur le ring). Grâce à une coups de poings sont de véritables
contre-plongée, on a la vision des coups de massue. Jake mérite
spectateurs du combat.
véritablement son surnom « le
taureau du Bronx ». Mais la violence
Le combat est peu glorieux et est aussi soulignée par la bande son :
manque de fluidité : il est impossible le bruit des coups portés par Jake la
de vraiment distinguer les boxeurs Motta est renforcé.
qui restent dans une pénombre On note une accélération des plans,
enfumée ;
leurs
corps mais aussi des ralentis, qui donnent
perpétuellement
mêlés
ne de l’ampleur au combat. Ce combat
permettent pas de différencier un n’est pas anodin : il est celui qui doit
boxeur en particulier.
permettre à Jake de faire
Petit à petit la caméra choisit Rocky pardonner : les ralentis sur l’eau
et entre sur le ring au moment où versée sur le boxeur illustrent une
Rocky va gagner. Pourtant, rien ne purification de Jake, un chemin vers
permet de penser que Rocky est un la rédemption.
héros : le pas est lourd, sans
dynamisme.
La victoire de Jake est teintée de
Rocky gagne sous les quolibets du tragique : la musique, lyrique, est
public ; sa sortie est peu glorieuse.
triste, et souligne la souffrance du
héros. De plus, les flashes des
photographes sonnent comme des
Tout au long du film, on va suivre mitraillettes, ou comme des épées
l’évolution de Rocky, depuis son lancées contre Jake. Le ralenti sur un
entraînement difficile (à 1h7’33’’ : Jake tristement victorieux souligne le
on suit un sportif qui a du mal ; la tragique de la scène.
musique -thème triste au pianosouligne les pas lourds, la difficulté ;
le fait que la scène soit filmée de
nuit
ajoute
au
caractère
dramatique…) à son entraînement
victorieux (à 1h26’50) : la musique
plongées qui donnent de l’ampleur
au combat
La caméra avance est recule en
même temps que les boxeuses. On a
plutôt le point de vue des
spectateurs. Mais petit à petit la
caméra s’approche de Maggie :
souvent en amorce, on est collé à
elle, comme si nous avions son point
de vue : l’identification avec
l’héroïne est forte.
Puis la caméra se met au niveau de
la vaincue qui est tombée : sa
défaite n’en apparaît que plus
cruelle, et Maggie sort grandie.
Victorieuse, elle se jette dans les
bras Frankie (son coach) : de
nouveau la caméra accompagne
leurs embrassades en tournant
autour d’eux.
C’est un moment de joie tourné avec
légèreté : le but est de montrer la
force de Maggie qui a gagné
facilement
évolue : les trompettes remplacent
le piano , la musique devient
dynamique, signe de victoire ; des
plans plus larges donnent de
l’ampleur à la scène ; Rocky est filmé
toujours en action ; tout est à la
gloire de ce sportif
1h34 : combat contre Creed.
Dernier combat de Jake, contre Scène à 1h25
Défaite de Rocky mais victoire Robinson, à 1h33
Défaite de Maggie
« Succès » d’Angie puis abandon personnelle : il a réussi à tenir tête à
d’Angie
Creed, l’amour vient à lui.
Défaite de Jake… lors du round 13.
Mise en valeur de Maggie, annoncée
- Il y a beaucoup plus de Scène grandiose : on met en valeur A noter : le combat est d’abord vu comme une star :
- Maggie est filmée longuement
contre-plongées sur Angie : le combattant.
par le prisme d’une télévision : la
pour son arrivée sur le ring :
sa force en est décuplée. Il y On note un gros plan sur un œil
défaite de Jake va devenir un
cette arrivée n’est pas sans
a même un ralenti sur une
spectacle ;
Jake
est
même
rappeler le plan séquence de
contre- plongée : Angie Le montage parallèle permet de spectateur de lui-même au cours de
Raging Bull (il n’y a pas de
semble invincible
comparer les deux boxeurs :
ce combat où il ne fait que subir.
plan séquence, mais de longs
- On a le point de vue d’Angie.
- Rocky est filmé à genoux en
plans
qui
accompagnent
Les nombreux gros plans sur
train de prier (on retrouve L’arrivée de Jake sur le ring annonce
Maggie sur une longue
le visage tuméfié de son
l’importance de la religion du d’emblée sa défaite : il a besoin
distance ; Maggie fend la foule
adversaire permettent de se
début du film) ; Creed est d’être soutenu.
telle une héroïne)
rendre compte de la violence
filmé en hauteur
- des musiciens très nombreux
des coups d’Angie ; les gros
- Creed est présenté comme L’eau rédemptrice du combat contre
l’accompagnent ; la musique
plans sur Angie montrent sa
une star ; Rocky apparaît Cerdan se transforme ici en sang.
très forte donne de l’ampleur
détermination.
comme un loser
à la scène.
- Il y a un travail sur le son : le
L’arrivée de l’adversaire, dite « L’ourse
son du public disparaît pour Le match est retransmis à la Alors que dans le combat contre bleue », est mise en valeur :
laisser place aux sons des télévision,
ce
qui
souligne Cerdan le bruit des coups de La
- La musique a un grand rôle :
coups. Ces sons-là sont l’importance du match. Creed Motta était amplifié, ici il est
inquiétante, sombre, elle
annonce le drame à venir.
amplifiés, soulignant encore apparaît comme le symbole de diminué. C’est le son des coups de
- « L’ourse bleue » est filmée
la violence de la scène.
l’Amérique (cf le drapeau américain Robinson qui est amplifié.
dans une semi obscurité (alors
- Angie est démultipliée sur le qui l’enveloppe) ; Rocky est présenté La bande son est intéressante à
que Maggie était mise en
ring : elle se regarde en train comme « l’étalon italien »
étudier : on entend les soupirs
lumière), ce qui renforce son
de combattre. Prise de
amplifiés de Jake, mais aussi des
caractère inquiétant.
conscience d’Angie qui ne Il y a beaucoup plus d’angles de prise sirènes qui annoncent la défaite ; on
Il
est impossible au premier
veut pas être ce type de de vue, des plans beaucoup plus entend aussi le barrissement d’un
Scène à 1h21
Dernier
combat
filmé
boxeuse.
larges que dans le premier combat. éléphant, le souffle d’un cheval :
On note aussi beaucoup de plongées l’animalité de Robinson est ainsi
(comme si le christ du début illustrée.
regardait la scène ?)
Il y a une véritable mise en scène de
la perte de contrôle de Jake :
- les gros plans sur le visage
tuméfié de Jake ne laissent
aucun doute quant à sa
défaite,
- le sang inonde l’écran,
- le temps ralentit et accélère,
- le bruit du public disparaît,
pour ne plus entendre que le
son des coups,
- Le ralenti sur Robinson le fait
apparaître comme un
prédateur, mais aussi un
héros,
- il y a un gros plan sur le
poing de Robinson qui va
donner le coup fatal
abord de savoir si « l’Ourse
bleue » est une femme ou un
homme. Son regard est
toujours caché. Le caractère
sournois de la boxeuse est mis
en valeur.
L’importance du match est soulignée
par le fait que le match est retransmis
à la télévision.
Le match est d’abord filmé en
champ/contre-champ classique : on
note un jeu de regards sombres entre
les deux adversaires.
Le match est filmé caméra à l’épaule,
et la violence du match est soulignée :
- le son des coups est amplifié,
- la caméra bouge, rendant la
confusion du match.
- les cris de protestation du
public devant les coups
sournois
de
l’adversaire
rythment le match
- Maggie est de plus en plus
sévèrement blessée, alors que
« l’Ourse bleue » n’a rien.
Maggie finit pourtant par dominer le
match. C’est au moment où elle est
filmée de dos que le coup sournois de
l’adversaire est porté. On note un
ralenti au moment de la chute de
Maggie, ralenti qui renforce le
caractère tragique de la scène. Puis le
son disparaît complètement, pour
parvenir ensuite étouffé : on a le point
de vue de Maggie, renforcé par le plan
sur des visages silencieux et affolés
qui se penchent sur elle. Le noir
envahit l’écran. Cela équivaut presque
à la mort de Maggie