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Pétrole de
l’Arctique
Arctic Oil
un« business » risqué mais lucratif
Risky, But Lucrative Business
Par Matthew Hulbert*
Le Président Poutine est de retour, mais cette fois pour se
préoccuper sérieusement du dossier énergie. L’âge d’or
des années 2000, qui a vu les prix du pétrole grimper, la
production rester stable et les pétrodollars s’accumuler,
est maintenant révolu. M. Poutine fait face à un fort taux
d’épuisement des ressources, qui atteint 16% dans les
principaux puits de la Sibérie orientale et de l’extrême Est
et du bassin de Yamal Nenets en Sibérie occidentale, une
dynamique qui a déjà fait tomber la Russie à la deuxième
place dans la liste mondiale des grands producteurs
de pétrole, derrière l’Arabie Saoudite. Le maintien de la
production à 10 millions de barils/jour ou son évolution
vers 11 millions de barils s’avèrera une tâche difficile sans
d’importants investissements au cours de la prochaine
décennie. De plus, et M. Poutine en est pleinement
conscient, sans pétrole, il n’y aura pas de piédestal politique
sur lequel il pourra se mettre. 58
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by Matthew Hulbert*
President Putin is back, and this time he means business on the energy
front. The easy times throughout the 2000s when prices were rising,
production was steady, and petro-dollars kept rolling in, are gone. Mr.
Putin is facing steep 16% depletion rates on key oil fields in East Siberia, the Far East and the Yamal Nenets basin of West Siberia, a dynamic that has already seen Russia slip back to second place on the
international roster of oil producers behind Saudi Arabia. Maintaining
output at 10.5mb/d, let alone inching towards 11 mb/d production
will be a tough ask without serious upstream investment over the next
decade. What’s more, Mr. Putin is painfully aware of it. No oil, no political pedestal for Putin to stand on.
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ENERGIE
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R
ussia still depends on hydrocarbons for two-thirds of
its exports, half its federal budget and 20% of its GDP
– not to mention balancing its budgetary books at
around $115/b breakeven prices. With that in mind, Russia needs to pump investment into mature onshore fields,
and more importantly, start developing its enormous offshore
potential in the Arctic. Estimates vary, but anything up to
100 bn barrels of oil equivalent is sitting under the ice
– in ballpark terms, that amounts to 70% of current Russian reserves. The snag for Mr. Putin is that Russia neither
has the capital nor expertise to develop the fields themselves. International Oil Companies (IOCs) have already
moved into the Arctic to help Rosneft ‘crack’ the initial ice.
L
a Russie dépend toujours de ses hydrocarbures pour les deux
tiers de ses exportations, la moitié de son budget fédéral et 20%
de son PIB – sans oublier son équilibre budgétaire qu’elle assure
en fixant un prix au seuil de rentabilité de 115 dollars le baril. C’est
pourquoi la Russie doit trouver les investissements nécessaires
pour exploiter les champs pétroliers terrestres arrivés à maturité, et
surtout de commencer à mettre en valeur ses énormes ressources
offshores de l’océan Arctique. On estime que pas moins de 100
millions de barils de pétrole équivalent dorment sous la glace, ce
qui correspond grosso modo à 70% des réserves actuelles de
la Russie. Le problème délicat qui se pose à M. Poutine, c’est
que la Russie n’a ni les capitaux ni les compétences nécessaires
pour développer elle-même ces champs pétroliers. Les sociétés
pétrolières internationales sont déjà engagées dans l’Arctique pour
aider le géant russe Rosneft à fendre la couche initiale de glace.
Exxon Mobil a été la première entreprise à placer 3,2 milliards
$EU dans des contrats d’exploitation des blocks de la mer
Kara, suivie de l’entreprise ENI dans la mer du Nord avant la
norvégienne Statoil. Il est probable que d’autres accords vont
suivre de sociétés occidentales ambitieuses, parmi lesquelles,
Total, Chevron et Conoco. Ce qui apparait intéressant en ce
qui concerne ces accords n’est pas tant le fait que Poutine ait
“pris le taureau par les cornes” en offrant des avantages fiscaux
et des exonérations de droits à l’exportation très attractifs, mais
bien la nature même des accords qui ont été négociés en tant
qu’accords d’échange, associant les concessions de Rosneft
en Arctique aux champs internationaux. Cela convient bien aux
‘ambitions internationales’ de Rosnef mais surtout aux entreprises
internationales concernées car ces accords leur donne plus de
liberté à gérer les risques émanant de leurs nouveaux partenaires
russes. Les sociétés pétrolières internationales doivent engager
les fonds nécessaires pour couvrir tous les coûts d’exploration
et de production des 33% d’actions qu’elles ont reçues dans
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l’Arctique. En retour, Rosneft obtient un accès aux actifs d’Exon
en Amérique du Nord, aux champs de la mer du Nord via Statoil
et aux concessions d’ENI en Afrique du Nord. Compte tenu
des expériences amères vécus par les acteurs occidentaux
à Koyvtka, Sakhalin et Shtokman, les sociétés pétrolières
internationales veulent tenir Rosneft “à la ceinture » avant de
s’engager sérieusement dans l’Arctique. Quand bien même
la Russie est riche sur le plan des ressources, elle reste bien
pauvre quand il s’agit d’obtenir la confiance des investisseurs.
Exxon Mobil was the first to put $3.2 bn into Kara Sea
blocks, followed by Italy’s Eni in the Black Sea, before Norway’s Statoil added its signature. More deals are likely to
follow form ambitious Western IOCs such as Shell, Total,
Chevron and Conoco - but what’s been interesting about
the agreements, is not just that Putin had to bite the bullet
and offer highly attractive fiscal terms, tax rates and export
duty exemptions - but that they have all been brokered
as swap agreements, tying Rosneft’s Arctic concessions into
international fields. That plays well towards Rosneft’s ‘internationalisation ambitions’, but far more importantly for the
IOCs involved, gives them far greater leverage to manage political risk emanating from their new found Russian
partners. IOCs have to stump up all the initial exploration
& production costs for the uniform 33% Arctic stakes they’ve
received. In return, Rosneft gets to access North American
assets courtesy of Exxon, North Sea fields via Statoil and
North Africa plays from Eni. Given previous experiences in
Koyvtka, Sakhalin and Shtokman that turned sour for Western players, IOCs want Rosneft tied to the hip before they
sink serious cash into the Arctic. As resource rich as Russia is, when it comes to investor trust, it remains bankrupt.
Internal Russian Wars
When you look at recent TNK-BP developments, such ‘insurance’ policies are with good reason. Behind the Arctic
deals noted here, rests a far bigger battle being waged
in Russia: The return of President Putin has unleashed an
internal war over resource management; who pulls the political strings, how far privatisation goes, and which national champions will win out? Dmitri Medvedev has tried
to push privatisation plans back in his more familiar Prime
Ministerial role, a move that has been fiercely rebuked
by Mr. Putin’s long term ‘energy confidant’, Igor Sechin.
Having been left out of the Russian cabinet, Sechin now
cuts an even more formidable figure as the newly anointed
CEO of Rosneft, not to mention holding a pivotal role in
Rosneftegaz (a state investment vehicle that owns 75% of
Rosneft). Sechin’s scuppering of FSK & MRSK (power grids)
and Rushydro (hydroelectric) spin-offs in May provides a
good indication of where the former KGB man wants to take
Russian energy policy; back into the hand of the state, with
Guerres internes russes
Si on suit l’évolution récente des relations entre TNK et BP, on
s’aperçoit que les “politiques d’assurance” jouent à juste titre
un rôle important. Derrière les contrats de l’Arctique que nous
venons de mentionner, une grande bataille se déroule en
Russie: le retour du Président Poutine a déclenché une guerre
interne pour la gestion des ressources ; Qui tire les ficelles ?,
jusqu’où ira la privatisation ? Et qui en sortira vainqueur sur le
plan national ? Dimitri Medvedev dans son rôle plus habituel de
premier ministre a essayé de ralentir le processus de privatisation,
ce qui lui a été fermement reproché par Igor Sechin, “confident”
de longue date de M. Poutine en questions énergétiques. Resté en dehors du Cabinet russe, Sechin s’est trouvé un poste
bien plus important en tant que nouveau PDG Rosneft, sans
oublier le rôle central qu’il joue dans Rosneftegaz (entreprise
publique qui détient 75% de Rosneft). Le sabordage par Sechin
des entreprises de FSK & MRSK (réseaux électriques) and
Rushydro (hydroélectricité) peut donner une bonne indication
de l’orientation que veut donner l’ancien homme du KGB à la
politique énergétique russe; une reprise en main par l’État dans
laquelle Rosneft jouerait le rôle de premier plan au niveau national.
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ENERGIE
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En effet, pour résoudre la quadrature du cercle de Poutine en
matière de politique énergétique, Sechin conduit également
une « Commission présidentielle spéciale » chargée du
développement du secteur de pétrole et du gaz. Il s’agit carrément
d’un gouvernement parallèle aux confins du cabinet du Kremlin
et Sechin a clairement le dessus sur Medvedev. Cela signifie
une concurrence en amont des acteurs russes, tels que Lukoil,
Bashneft and Surgutneftegaz sera intrinsèquement limitée à
l’Arctique mais surtout que Sechin devra faire concurrence à
l’entreprise oligarque AAR – concurrent russe de longue date
de la BP- qui détient 50% de la société mixte TNK-BP Aussi
lucrative que soit cette société, BP veut se débarrasser de
son passé oligarque. Si Sechin réussi à amener les oligarques
à céder l’entreprise en douceur, cela constituera un signal clair
aux marchés que le Président Poutine a repris le contrôle total
des relations russes en matière d’énergie. S’il échoue, de sérieux
doutes naitront alors quant aux futurs investissements en amont
en Russie. Si la Russie ne peut ou ne veut pas “mener la barque”,
très peu voudront faire face aux épreuves que BP a subies. BP a officiellement signalé son intention de vendre ses 50% de
parts de la société mixte mais on est très loin de savoir qui divorce
de qui? Le prix des actifs varie actuellement entre 18 et 30 milliards
de dollars, ce qui constitue un prix réaliste, et AAR a le premier droit
de préemption sur les parts de BP. En vertu de l’accord anglo-russe
initial conclu en 2003, AAR a un moratoire de 135 jours sur toute
vente. BP va aligner autant de contre-offres que possible et l’on
assistera très certainement à une lutte directe pour réclamer leur
part du butin entre Sechin (Rosneft / Rosneftegaz) et les oligarques
de AAR. Depuis l’échec de l’alliance BP-Rosneft, l’an dernier, il
est très peu probable que Sechin collabore avec AAR, ce qui
laisse Gazprom comme un cas particulier intéressant si Alexi Miller
décide de revenir dans les bonnes grâces de Poutine. En clair, cela
veut dire que BP aura le choix entre vendre ses parts directement,
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chercher une offre concurrentielle (chevalier blanc) de Gazprom,
ou -ce qui est probable- négocier une entente avec Rosneft sur
les conditions strictes de reprise de on TNK-BP, c›est-à-dire une
entreprise commune rapide (sinon un échange de créances) avec Rosneft pour explorer les gisements de l’Arctique. Le meilleur
résultat possible pour BP serait que Sechin veuille acquérir les
parts d’AAR au lieu de celles de BP. ‘BP-Rosneft’ reprendrait
alors les restes de TNK-BP pour explorer également l’Arctique.
Il sera peut-être difficile à l’encombrant Bob Dudley (PDG de BP) de
se retirer, mais le plus gros point à inscrire au-delà de faiblesses de
BP, c›est que la Russie a besoin de rassembler les actions politiques
et juridiques pour faire en sorte que les investissements passent
toujours par Moscou. Voir BP souffrir entre les griffes de l›AAR
n›est pas ce que veulent les investisseurs internationaux – il s’agit
là d’un rappel plus qu’évident de l›énorme risque que représente
pour eux la Russie. Les investisseurs veulent savoir avec qui ils ont
affaire, la façon dont les politiques sont élaborées et l’identité des
principaux personnages qui les élaborent. Cela dit, Sechin doit
mener ses batailles et les gagner. Personne ne peut dire que ces
batailles seront politiquement correctes, mais les enjeux sont trop
élevés pour que Moscou se permette autre chose de nos jours.
Plans de Poutine: couvrir l’Arctique?
Plus longtemps durera la saga TNK-BP, plus important sera
le problème pour Poutine, précisément parce que le défi
qui consiste à mettre en valeur les réserves de l’Arctique
est énorme. 500 milliards de dollars en programmes
d’investissement pluriannuels sont censés être nécessaires, et
dans le nouveau monde de ressources non conventionnelles,
les ressources russes ne valent pas tout à fait ce qu’elles
valaient aux yeux des compagnies pétrolières internationales.
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Rosneft playing the core national champion role. Indeed,
to square Putin’s energy circle, Sechin is also heading up
a ‘Special Presidential Commission’ for the strategic development of the oil and gas sector. This basically amounts
to parallel government beyond the confines of the Kremlin
cabinet, and Sechin clearly has the upper hand over Medvedev. What that means, is that upstream competition from
Russian players such as Lukoil, Bashneft and Surgutneftegaz
will be inherently limited in the Arctic. More importantly, it
also suggests Sechin is well placed to address BP’s long
term Russian nemesis, the AAR oligarch consortium that owns
50% of TNK-BP. That’s where Sechin’s biggest battle actually resides. As lucrative as the joint venture has been, BP
wants a clean break from their oligarch past. If Sechin can
bring the oligarchs to yield for a smooth sale, it will send
a clear market signal that President Putin is fully back in
control of Russian energy relations. If he fails, serious doubts
will be raised for future international upstream investment in
Russia. If the Kremlin isn’t able and willing to run the show,
few will want to run the same gauntlet BP has endured.
Although BP has signalled it formally wants to sell its 50% in
the acrimonious joint venture, it’s still highly unclear who is
divorcing who? Asset prices currently range anything from
$18 bn to $30 bn as a realistic price, and it’s AAR that has
the first right of refusal to buy BP’s stake. Under the original
Anglo-Russian agreement brokered in 2003, AAR has a 135
day moratorium on any sale. BP will obviously line up as many
counter bids as possible, but more likely than not, this will
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come down to a straight forward fight between Sechin (Rosneft / Rosneftegaz) vs. AAR oligarchs to claim the spoils. From
last years failed BP-Rosneft tie-up, Sechin is highly unlikely
to work with AAR, which just leaves Gazprom as an interesting outlier if Alexi Miller decides he wants to get back into
Putin’s good books. Roughly translated, BP will either sell its
stake directly to AAR; potentially look for a white knight bid
from Gazprom; or more likely, try to cut a deal with Rosneft
on the strict proviso if it exits TNK-BP, it wants an instant joint
venture (if not outright equity swap) with Rosneft to explore
the Arctic. The optimal outcome for BP is actually for Sechin
to go after AAR’s 50% stake instead. ‘BP-Rosneft’ picks up
the TNK-BP pieces and goes exploring in the Arctic as well.
That might be something of a long shot for a cumbersome Bob Dudley (BP CEO) to pull off, but the bigger
point to register beyond BP’s foibles, is that Russia needs
to get its political and legal act together to make sure
investment keeps coming Moscow’s way. Seeing BP suffer at the hands of AAR isn’t what international investors
want – it’s an all too obvious reminder of the enormous
risk that pervades Russia. They want to know who they are
dealing with, how policy is made, and who are the key
individuals making them. In effect, Sechin’s battles need
to be waged, and need to be assertively won. No one
is saying that would be politically pretty, but the stakes
are too high to allow for much else in Moscow these days.
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Moscou a besoin d’afficher une stabilité politique à long terme
et de s’engager dans des arrangements contractuels pour avoir
une chance d’amener ces réserves sur le marché au cours de la
prochaine décennie ou plus. Même maintenant, les promesses
des sociétés pétrolières internationales ne signifient pas que
celles-ci entendent faire un «plongeon dans l’Arctique » ; elles
envisagent simplement de « tremper leurs pieds dans l’eau froide »
pour prendre la température. Poutine a toujours la possibilité de
ramener les plus petits acteurs européens tels que GDF-Suez,
BG Group, Repsol, Gas Natural, RWE, Eon ou Centrica dans
l’Arctique en échange d’actifs européens, mais il s’agit plus
d’aligner un grand nombre de « drapeaux européens de second
rang » pour équilibrer les intérêts divergents et les enjeux à venir
autour de l’Arctique, et non pas parce que ces entreprises ont
l’envergure nécessaire pour améliorer la production en Arctique.
Dans cette optique, les entreprises nationales émergentes sur le
marché du pétrole ont jusqu’à présent brillés par leur absence
totale dans la course à l’exploration pétrolière en Arctique. Ceci
s’explique en partie par le fait qu’elles n’ont tout simplement
pas la prouesse technique pour être de grande utilité dans
l’Arctique, mais comme la Chine l’a démontré en accordant un
prêt de 25 milliards $ pour un accord pétrolier à Rosneft en
2009, ces entreprises ont certainement de l’argent. Le Japon
a limité l’engagement russe via Mitsui, Mitsubishi (et al), tandis
que les avoirs russes de l’Inde sont venus grâce à l’acquisition
de Imperial Energy en 2008. Compte tenu des activités voraces,
liées ailleurs à l’offre, il est surprenant de voir que les entreprises
pétrolières nationales n’ont pas été plus actives dans l’Arctique à
ce jour. Poutine pourrait bien essayer de les faire progressivement
entrer dans le jeu à des fins de financement, mais s’il aligne
également une entreprise internationale occidentale qui en
vaille la peine, il serait extrêmement difficile à la Russie de leur
opposer une fin de non-recevoir au moment où elle doit faire un
choix. La Russie ne s’est jamais particulièrement bien comportée
lorsqu’elle essaie de faire cavalier seul – mais imaginez que
nous sommes en 2020 et que les perspectives de production
dans les champs de l’Arctique commencent à être bonnes,
les entreprises nationales asiatiques fournirait alors à Poutine
une couverture efficace pour revoir les clauses contractuelles.
Les entreprises occidentales feront le gros du travail au grand
bénéfice des consommateurs asiatiques, tandis que la Russie
conservera le contrôle stratégique total de ses ressources.
Il est évident que tout reste à voir, mais si ces observations tiennent
la route, le scénario de l’Arctique devient clair. Les grands groupes
pétroliers américains s’en tireront relativement à bon compte (à
moindre frais) à condition qu’ils offrent à ROSNEFT des réserves
nationales comparables à exploiter. Les grandes entreprises
européennes peuvent encore participer à l’aventure russe par
des accords « swap » d’échange, sauf avec BP qui tendrait plutôt
vers des accords de participation, si elle parvient à survivre à sa
« sortie » de TNK-BP. Les sociétés européenne de ‘second rang’
ne figureront pas beaucoup au débat, pas à moins que Poutine
n’y voit clairement en elles une valeur stratégique qui en vaille la
peine. Pendant ce temps, les entreprises nationales pétrolières
asiatiques seront forcées d’attendre ce qui leur semblera peutêtre une éternité, mais pour la meilleure cause, au cas où elles
arriveraient à obtenir la couverture sous-jacente de Poutine.
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GreenOrbis
Des temps difficiles à venir
Putin’s Plans: Hedging the Arctic?
Voilà pour la théorie, la «pratique» pourrait se révéler quelque peu
différente. Si un des accords de swap à haut risque négociés
entre Rosneft et les sociétés pétrolières internationales font face
à des problèmes environnementaux du type de la catastrophe
de Macondo, alors tous les paris sont ouverts. De façon plus
réaliste, Rosneft a probablement déjà et pour le moment
dépassé ses propres capacités internes à servir les contrats et
à entretenir des relations. Même si Poutine gère efficacement
la question TNK-BP pour montrer que la Russie est un pays
crédible où on peut faire des affaires, la correction des prix du
pétrole à moins de 100 $ / b pour le Brent et près de 80 $ /
b pour le WTI pourrait faire de l’exploitation dans des situations
extrêmes en Arctique une proposition qui attirerait difficilement
des investissements au-delà les fluctuations cycliques. Compte
tenu de l’importance des enjeux et des délais impliqués, certains
pourraient être prêts à investir à travers le cycle et les ‘bulles’
en question, mais ils le feront à des conditions de plus en plus
favorables. M. Poutine aurait pu et dû s’engager beaucoup plus
tôt sur l’Arctique lorsque les temps étaient plus favorables ; si la
production pétrolière russe était aussi bonne qu’elle le devrait, le
Kremlin n’accumulerait pas 500 milliards de dollars de réserves
pour essayer de sauver son économie en cas de chute des prix.
If anything, the longer the TNK-BP saga goes on, the bigger the problem for Putin, precisely because the scale
of the Arctic challenge to develop reserves is enormous.
$500bn multi-year investment programmes are supposedly
needed, and new world of unconventional resources, Russian resources aren’t quite the prize they used to be for
IOCs. Moscow needs to display long term policy stability
and play contractual ball if it’s to stand any chance of
bringing these reserves to market over the next decade
or more. Even now, IOC pledges don’t amount to taking
a full ‘Arctic plunge’; they are merely dipping their toes in
the water to see how cold the temperature is. Putin always
has the option of brining smaller European players such
as Gdf-Suez, BG Group, Repsol, Gas Natural, RWE, Eon or
Centrica into the Arctic in return for European assets, but
this is more a case of cherry picking how many ‘second
tier’ European flags the Kremlin wants lined up to balance
competing Arctic interests and stakes in future, not because
they have the clout to seriously enhance Arctic production.
Ces recettes ne dureront pas longtemps si les prix du pétrole
continuent de chuter; l’instabilité politique qui risque de survenir
en Russie ne permettra guère non plus de renforcer les
investissements en Arctique. Mais si Poutine est assez chanceux
pour survivre à l’instabilité du marché du pétrole à venir, les
gisements de l’Arctique lui permettront de relancer l’énergie
russe. Cela signifie que la richesse, issue des ressources, sera
réinvestie dans l’économie russe par des contrats plutôt que par
un changement des règles du jeu des acteurs internationaux
au fur et à mesure que la production augmentera, sans oublier
l’ouverture de nouveaux marchés d’exportation en Asie.
Malheureusement, les antécédents historiques ne présagent
rien de bon pour que la Russie rompe avec ses entraves de
type rentier, et il s’agit là peut-être du problème profondément
ironique de Poutine. Sa «main de fer sur la politique» demeure
un pari meilleur que la «méthode Medvedev» qui consiste en un
mélange de politique et de loi pour le traitement des compagnies
pétrolières internationales, mais elle ne fera pas grand-chose pour
assurer l’avenir énergétique à long terme de l’Etat russe et de
sa population de plus en plus rétive. À cet égard, nous devrions
nous attendre à d’autres écrits sur l’évolution des ressources de
l’Arctique et ce longtemps après que M. Poutine ait quitté la scène
politique, vers 2018, si M. Poutine joint ses actes à sa parole.
*Matthew Hulbert, analyste principal, Revue européenne de l’énergie,
Londres, Amsterdam
On that note, emerging market National Oil Companies
(NOCs) have only been conspicuous by their total absence
in the Arctic race so far. Part of the explanation is they simply don’t have the technical prowess to be much use in the
Arctic, but as China demonstrated in a $25bn loan for oil
agreement to Rosneft in 2009, the certainly have the cash.
Japan has limited Russian stakes via Mitsui, Mitsubishi (et
al), while India’s Russian holdings came through its acquisition of Imperial Energy in 2008. Given rapacious supply
side activities elsewhere, it’s surprising NOCs haven’t been
more active in the Arctic to date. Putin may well try to incrementally bring them into play for financing purposes, but
if he’s lined up any Western IOC worth its salt in the meantime, it would be remarkably difficult to Russia to play its
normal game of chucking them all out at a time of Moscow’s
choosing. Russia has never fared particularly well when it
tries to go it alone – but imagine it’s 2020, Arctic fields
start to look a good production prospect, Asian NOCs
would provide a very useful hedge at that stage for Putin
to rewrite contractual terms. Western IOCs do the heavy
lifting, Asian consumers are the key recipients; Russia retains overall strategic control of its resources in the process.
Obviously that all remains to be seen, but if this argument holds any water, the Arctic script becomes clear. US
oil majors should have relatively easy (and cheap) ride
provided they give ‘like for like’ domestic reserves for Rosneft to develop. European majors can still get in on the
Russian act through swap agreements, albeit with BP likely
to raise the stakes towards equity agreements if it manages to survive its TNK-BP exit. ‘Second tier’ European outfits won’t figure much in the debate, not unless Putin sees
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clear strategic value to make it worth the hassle. Meanwhile Asian NOCs will sit and wait. It will seem like an eternity, but it might prove to be the best decision they could
make if they ultimately gain from Putin’s underlying hedge.
Tough Times Ahead
That’s the theory; the ‘practice’ could prove to be somewhat
different. If any of the high risk swap agreements brokered
between Rosneft and IOCs hit environmental problems akin
to the Macondo disaster, then all bets are off. More realistically, Rosneft has probably already outstripped its own
internal capabilities to service contracts and develop relations for now. Even if Putin manages the TNK-BP issue well
to signal that Russia is a credible place to do business,
correcting oil prices to under $100/b for Brent and close to
$80/b for WTI could make Arctic extremes a difficult proposition to attract consistent investment beyond cyclical
swings. Given the size of the potential prizes and lead times
involved, some might be willing to invest through the cycle
and bubbles involved, but they’ll do so on increasingly favourable terms. Mr. Putin could and should have got working far earlier on the Arctic when times were good; if Russian
oil production was as healthy as it should be, the Kremlin
wouldn’t be piling up $500bn reserves to try and buy their
way through economic hard times when the oil price drops.
Such receipts won’t last long if oil prices continue to plummet; ensuing political instability in Russia will hardly enhance Arctic investment either. But if Putin is lucky enough
to survive the coming oil market instability, the Arctic offers
his last chance to put Russia on a serious energy footing.
That means investing resource wealth back into the Russian
economy, following through on contracts rather than shifting the goal posts on international players as and when
fresh production looks likely, not to mention opening up new
export markets in Asia. Sadly the historical record doesn’t
bode well for Russia to break its rentier shackles; and that’s
perhaps Putin’s deeply ironic problem. His ‘iron law of politics’
remains a better bet than the ‘Medvedev method’ of mixing
politics and law for IOCs to deal with, but it will do very
little to secure the long term energy future of the Russian
state and its increasingly restive population. In that respect,
we should expect to still be writing about Arctic resource
developments long after Mr. Putin has left the political
scene, circa 2018, if we take Russia at Mr. Putin at his word.
*Matthew Hulbert, Lead Analyst, European Energy Review, London, Amsterdam
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