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Transcription

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Zaï Zaï Zaï Zaï
Un texte de
Anne-Cécile Vandalem
et
Jean-Benoit Ugeux
LUDMILLA
Sergio:
Ludmilla ?
Sergio :
Ludmilla, quelque chose s’est éteint
Sergio:
Ludmilla ?
Ludmilla: quoi ?
Sergio :
tu vois bien ce dont je parle..
(Pause)
Sergio :
Ludmilla ?
Ludmilla : Je réfléchis.
Sergio :
tu me demandes quoi ? Tu me demandes vraiment quoi ?
Ludmilla : non, enfin, je voulais dire oui.
Sergio :
Notre amour, bon Dieu !
Ludmilla : …s’est éteint
Sergio :
…s’étiole
Ludmilla : Je réfléchis.
Ludmilla : Oui, tu as raison.
Ludmilla : je veux dire : est-ce que cet amour est une chose qui a eut lieu et
n’est plus ou est-ce que cet amour est une chose qui n’a jamais
été mais qu’on voudrait… qu’on aurait toujours voulu…
Sergio :
Je ne saisis pas bien ta pensée.
Ludmilla : est-ce une chose qui a été dans notre amour et qui maintenant
n’est plus ?
Sergio :
C’est à toi que je pose la question.
Ludmilla : Je réfléchis.
Ludmilla : Je pense que c’est pour ma part…
Sergio :
Ton silence est pesant.
Ludmilla : Je pense…
Sergio :
Je t’en prie, sors-moi de ce gouffre !
Ludmilla : Je pense…
Sergio :
Parle-moi, Ludmilla, parle-moi !
Ludmilla : Je pense…
Sergio :
Dis-moi quelque chose !
Ludmilla : Je pense…
Sergio :
Ne me soumet pas à la torture !
Ludmilla : Je pense que pour ma part, c’est une chose à laquelle j’ai
toujours rêvé mais qui n’a jamais eu lieu, j’ai attendu, attendu,
attendu, elle n’est jamais venue.
Sergio :
Zaï Zaï Zaï Zaï.
Ludmilla : Pour ma part, dans notre relation, j’ai toujours cru que tu
allais…
Sergio :
Oh, Ludmilla, mon supplice est atroce.
Ludmilla : Je parle ! Pour ma part, au début de notre relation, j’attendais
quelque chose et je…
Sergio :
tu es pète-couilles, Ludmilla !
Ludmilla : Pardon
(elle pleure)
Sergio :
j’ai gaspillé les plus belles années de ma vie avec toi.
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(ses pleurs se transforment en rires)
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
Sergio :
Ludmilla
:
:
:
:
:
:
:
:
:
Ha, tu te rappelles lorsque nous riions, nos folles escapades, à
Courtrai, à Maubeuge…
A Courtrai…
J’aime ce rire qui résonne comme un palais des glaces.
A Courtrai, c’était avant…
C’était avant Pâques
C’était avant la vague.
C’était avant la guerre
C’était avant la chute du mur
C’était avant le Rwanda.
C’était avant que les communistes ne mangent les enfants.
C’était avant qu’on ne soit poivrot, Jef.
C’était avant Mexico 86.
C’était avant la reforme des polices.
C’était avant l’Anthrax.
C’était avant la pneumonie atypique.
C’était avant que Marc Wilmots ne fasse de la politique.
C’était avant le onze septembre.
C’était avant le chant du coq
(Elle imite le chant du coq)
(il imite le chien)
(elle pleure et va vers le rire)
Sergio:
ah! Ce rire qui résonne à mes oreilles comme les accents d’une
kermesse..
Ludmilla : je ne ris pas, je pleure
(Pause)
Sergio:
moi c’est mon cœur qui pleure.. des larmes de sang
Ludmilla : moi j’aurais aimé que chaque jour soit une fontaine d’amour. Un
puits de rire et de joie.
Sergio:
Ah, cette flamme qui nous consumait comme un charbon
ardent.
Ludmilla : Je n’ai jamais vu de flamme. J’ai attendu, attendu, elle n’est
jamais venue.
Sergio:
Zaï zaï zaï zaï
Ludmilla : Ecoute-moi, Sergio.. je voulais te dire que…
(Elle pleure)
Sergio:
Ah ce rire, ce rire. J’aime ce rire qui résonne comme la pluie qui
tombe sur le lac gelé.. comme le chant du vent dans les arbres …
Ludmilla: de Courtrai
Sergio:
Ah Courtrai ! … Nous étions jeunes. Nous étions fous. Nous
avions la vie devant nous.
Ludmilla : c’était avant.
Sergio:
c’était avant la chute du mur.
Ludmilla : c’était avant mes insomnies.
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3
Sergio:
c’était avant la chute de maman dans les escaliers.
Ludmilla : c’était avant la mort de notre chien Doggy.
Sergio:
c’était avant l’escalier.
Ludmilla : c’était avant maman.
Sergio:
c’était avant la chute.
Ludmilla : c’était avant le coq
(Elle imite le chant du coq)
(il imite le chien)
(Pause)
Sergio:
courtai…
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
Ah ce coq qui résonne à mon âme comme les champs de
Ah Courtrai..
c’était avant.
c’était avant le temps…
…où Doggy est tombé dans l’escalier.
c’était avant l’escalier.
c’était avant le temps où maman est morte…
…en tombant sur Doggy dans l’escalier.
(elle pleure)
Sergio:
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
l’escalier.
Sergio:
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
Sergio:
Ne pleure pas mon âme.
je ne pleure pas, je crie.
Ah! ce cri…
c’est le cri qu’à fait Maman en tombant sur Doggy dans
sur Doggy
wououou
dans l’escalier
wououou
c’était avant que Doggy ne se pende.
C’était avant …
C’était avant …
(Pause)
Sergio:
Et pourtant notre amour s’éteint.
Ludmilla : Et avec lui, s’éteignent Courtai…
Sergio:
Le chant du coq
Ludmilla : Maman
Sergio:
Doggy
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
Sergio:
Ludmilla :
Ensemble:
Nos rires
La kermesse
Les communistes
Marc Wilmots
Nos folles escapades
Gregoire…
.
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4
HET MAAKT LAWAAI.
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Het maakt lawaai,
Het maakt een beweging,
Het vult de lege ruimte
Het houdt de gasten bezig
Het maakt onze zondagen genietbaar
Het doet zich zelfs niet duur voor
Het is goed gedaan,
Het is wijs
het is niet zo oud als de straat, oh nee
Ca raconte des histoires.
Ca nous tord le cou.
Ca mange les chagrins.
Ca ne mange pas de pain
Het steunt op wat we willen,
Het werd door begaafde mensen bestudeerd,
Ca s’en va et Ca revient.
Het is van alle modes
Het is van alle smaken,
Het is van alle leeftijden,
c’est sans prétention
c’est sans ambition.
c’est sans sommation.
Het is ‘in’ en vernieuwend
Het is erg onderhoudend
Het is erg slim,
Ca s’éveille au petit matin
Ca pousse l’ananas et Ca mous le Café.
Ca s’écrit sans majuscules.
Het houdt gezelschap,
Het kalmeert de angsten,
Het dient alleen om er te zijn,
het heeft geen plaats aan de rechterzijde van de vader
Het is BTW inbegrepen,
Het is prachtig en bescheiden tegelijk
Het is een beetje als een feest
Ca pétille et Ca crisse.
Het lost vergelijkingen op
Het heeft nog nooit iemand gered,
Ca vous met de la joie au cœur
het keert de tijd niet terug
Ca s’affiche,
Ca s’accroche,
Ca pardonne à ceux qui ne savent pas ce qu’ils font.
Het wordt vanzelf wakker
Het pense à moi comme je t’aime,
Het verzekert zekerheden,
Ca ne mène pas a Rome.
Het is van hier noch van daar,
Het doet enkelen leven,
Het slaat op goed geluk,
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5
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Ca serait presque un nuage.
Het is geen gezinsvoorwerp,
Het ontleent zich niet,
Het zou als een stap naar de stilte zijn,
Ca n’arrive pas qu’aux autres,
het is weer een reden om het te spelen,
het maakt van ons mannen,
Het is genoeg voor een leven,
Het is echt de moeite,
Ca nous réduit au silence.
Ca clignote dans la nuit.
Ca ronge le sang.
Ca ressemble au soleil.
Ca vous brûle les doigts.
Ca vous Caresse sous la peau.
Ca vous déchire d’un coup de dents.
Ca vous met le cœur a l’envers.
Ca joue sur les deux tableaux.
Ca vous remplit un réservoir.
het doet vergeten dat we mekaar niets te zeggen hebben
Het vervangt niets,
het stelt voor,
Ca déboule sans prévenir.
Ca vous tire dans le dos.
Het helpt niet van ons mannen te maken
Het doet de doden niet verrijzen,
Het helpt de levenden,
Ca s’en va par tous les pores.
Ca vous prend et Ca ne vous lâche plus.
Ca vous appartient pour toujours.
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6
CONCOURS CUISINE
Marc :
Valéria :
Marc :
Valéria :
Marc :
Valéria :
Marc :
Marc :
Valéria :
Marc :
Valéria :
Valéria :
Marc :
Valéria :
Marc :
Valéria :
Marc :
Valéria :
Marc :
Valéria :
Marc :
Valéria
Marc :
Valéria
Marc :
Valéria
Valéria
Marc :
Valéria
Marc :
Valéria
Marc :
Valéria
Marc :
:
:
:
:
:
:
:
Bonsoir Valéria
Bonsoir Marc
Comment allez-vous ce soir ?
Bien cher Marc. Et vous-même ?
Bien, bien. Ce soir, nous recevons au championnat international
de préparation de tortilla..
Un couple belge !
Oui, un couple belge très très connu mais qui va tenter de faire
une tortilla …
Et de remporter ainsi le titre qui est pour l’instant détenu par
Alfredo Jiménez qui vit à Séville ET qui la fit En moins de trois
minutes quarante-huit.
Oui ! alors ce soir, nous recevons un couple connu des
téléspectateurs belges…
Très célèbre, chère Valéria ! Ils animent ensemble un
programme qui s’appelle « Bienvenue chez vous »
Alors Marc, je pense qu’ils sont prêts.. Etienne ? Etienne vous
m’entendez ?
Etienne comment allez-vous ? Etienne et Laetitia ?
Et Vinciane !
Et Vinciane ! Vinciane ? Bonsoir ma mignonne ! Comment vatu ?
Super
Super !
Qu’est –ce qu’il vous semble à tous les deux ? Allez-vous
remporter le titre ?
Dites-donc ! Voyez-vous ça !
Espérons-le !
S’ils sont prêts, nous pouvons commencer Parce que Le temps
court ! Bon, alors ce soir vous allez vous faire une tortilla avec
deux pommes de terre, un oignon, un poivron et bien sûr les
œufs.
Oui, bien-sûr, les œufs et un peu d’huile pour que ça ne colle
pas.
Oui
Alors les enfants allons-y ! ON Y VA ? OUI ?
le chrono est à zéro.
et vous avez trois minutes …Quarante-huit. pour faire la tortilla
nous allons voir si vous en serez capables !
ok … bien, bien …
c’est la loi du direct…
Voila.. Voila..
ils me semblent bien préparés..
elle s’occupe des patates
les taches sont bien distribuées, ils ont une bonne pratique
ce doit être l’habitude des frites. Marc, la semaine passée nous
avons reçu l’Italie
mais ils ont malheureusement perdus… 4 minutes, c’est
beaucoup trop… à force de parler avec les mains…
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7
Valéria :
on en oublie son couteau !
Marc :
les Italiens sont des babeleurs
Valéria :
Aïe, Etienne ! prudent avec le couteau… Ne vous coupez pas…
Marc :
comment ça se passe ?
Ensemble : Bien. bien…
Marc :
Ah, la première minute a sonne
Valéria :
il faut vous dépêcher Un peu
Marc :
mais vous êtes dans les temps
Valéria :
ils ont sont aux patates.
Valéria :
ola ma belle ? Qu’en est-il des patates ?
Ensemble : ok … bien, bien …
Marc :
il vaut mieux ne pas les déranger…car ils semblent bien
concentrés.
Valéria :
pour l’instant, nous devons être à une minute trente,
maintenant elle bat les œufs. Marc, dans la tortilla, le plus
difficile c’est de cuire les légumes sans qu’ils ne brûlent n
surface
Valéria :
Etienne vous m’entendez ? Comment ça se passe ?
Marc :
oui.. Oui.. Bien sur. Maintenant, il faut attendre un peu
Valéria :
elle met les œufs, la ! alors maintenant, par…
Marc :
deux minutes !!
Valéria :
parlons un peu de vous deux… vous animez une émission en
Belgique très connue.. Oui. Oui. Et que faites-vous dans ce
programme ?
Marc :
oh !! comme c’est mignon…
Marc :
et vous recevez des personnalités ?
Valéria :
Dites-donc ! Voyez-vous ça ! Et qu’y faites-vous ? Des frites ?
nous sommes allés une fois en Belgique et nous avons mange
des frites
Marc :
et je me suis régalé… holala, le temps court…
Marc :
qui va retourner la tortilla ? Etienne ? Je pense que c’est Etienne
qui va la retourner
Valéria :
Etienne, soyez prudent !
Ensemble : ouïe ! aie, aïe… oooh, oooh…
Marc :
et c’est perdu
Valéria :
ho quelle m… (quel dommage)
Marc :
c’est le jeu (c’est la règle)
Marc :
oui, bien.. Bien. Il faut le prendre ainsi.
Valéria :
bon, Etienne et …Laetitia
Marc :
et …Vinciane
Valéria :
nous allons vous laisser nous nous retrouverons peut-être dans
votre émission. Nous deux nous nous retrouverons la semaine
prochaine pour jouer avec l’Estonie…
Marc :
avec l’Estonie, en effet…
Marc :
nous verrons bien…
Marc :
alors, bonne soirée, Valéria.
Valéria :
a toi aussi et a la semaine prochaine.
Ensemble : ciao!
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8
DOGGY
Lui :
Voilà j’ai préparé une petite cassette, c’est un petit reportage que
j’ai fait sur mon chien ; c’est un animal que j’aime beaucoup. Il
s’appelle Doggy. Je crois que ça parle de soi-même.
(Il met la cassette)
On le voit qui court, c’est une bête pleine de santé, c’est un
animal encore jeune. Il est très sociable, il adore jouer avec les
gens. Il aime bien l’eau, beaucoup de chiens aiment bien l’eau.
Et ça, c’est « Wouf-là », c’est son jeu favori. Il adore courir et
manger l’eau, en un sens.
Vous voyez, Il fait tout le temps le même tour.
Là je zoome, on voit, c’est un chien en pleine santé, ça se lit
dans son poil, il s’ébroue. La, il lape un peu, la on voit. Voila et
puis il va faire le même tour, en fait, il fait tout le temps le même
tour. On le voit qui « Wouf », il adore,.
Un moment je le perds et puis je le reprends…
La on le voit, de plus près, hein, c’est une belle bête, wah ! Il
aime beaucoup les gens, et puis encore une fois c’est un peu
tout le temps le même. On voit que c’est un chien propre aussi.
« Wouf », on voit le soleil C’est assez beau parce que c’est tourné
à huit heures et demi. c’est filmé à Bruxelles près de la
bibliothèque.
C’est une joie, même en vidéo, c’est bien. On ne s’en lasse pas…
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9
GROSSE ET LAIDE
Elle : Je sortais de la classe pendant la recréation, je me dirigeais vers sa
classe, c’étaient des portes avec des vitres transparentes. Je pouvais
voir à travers où elle en était. Elle sortait toujours la dernière.
Lui : Elle était seule ?
Elle : Oui. Elle n’avait pas de copine. Quand elle sortait, elle me voyait, elle
venait vers moi et nous nous dirigions dans le fond de la cour. Nous
allions sous un porche, un préau. C’est un endroit où on va quand il
pleut. Quand il ne pleut pas; il n’y a jamais personne
Lui : Quand il pleuvait, vous alliez où ?
Elle : Dans les toilettes. Donc nous allions sous le préau et je la faisais
reculer jusqu’au mur du fond, c’était un mur en crépi blanc, elle
reculait, moi j’avançais. Quand le mur l’arrêtait, elle s’arrêtait. Moi,
j’avançais jusqu'à elle. Puis elle demandait pardon. Et alors je la
frappais.
Lui : Pourquoi est-ce qu’elle s’excusait ?
Elle : Parce qu’elle était grosse…
Lui : Elle te demandait pardon parce qu’elle était grosse ?
Elle : Oui. Et laide. Alors je prenais ma main et je…
Lui : Elle demandait pardon parce qu’elle était grosse et laide ?
Elle : Oui. Alors je prenais ma main et je frappais dessus.
Lui : Tu la frappais avec tes pieds aussi ?
Elle : Parfois oui.. Parfois.
Lui : Ca laissait des hématomes ?
Elle : Non, je ne crois pas… je ne sais pas, je n’ai jamais regardé
Lui : Elle pleurait ?
Elle : Non.
Lui : Elle se défendait ?
Elle : Non.
Lui : Comment ça s’est terminé ?
Elle : Elle l’a dit à son grand-père.
Lui : Et son grand-père a porté plainte ?
Elle : Non.
Lui : Il est venu à l’école ?
Elle : Oui.
Lui : Il t’a frappé ?
Elle : Non.
Lui : Il t’a sodomisé ?
Elle : Non.
Lui : Qu’est-ce qu’il a fait ?
Elle : Il m’a dit d’arrêter.
Lui : Et tu as arrêté ?
Elle : Oui.
Lui : Du jour au lendemain ?
Elle : Oui.
Lui : Et tu regrettes ?
Elle : Non.
Lui : Merci.
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10
MON AMI SOURD
Il :
Elle:
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Il :
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Il :
Elle:
Nous avions dix ou onze ans. C’était avec mon ami François. Il était
sourd. On était très lié. Il avait des appareils auditifs qui sifflaient
quand ils atteignaient une certaine fréquence. Ça lui faisait
horriblement mal et on était tous très peinés pour lui. Pendant la
récréation nous restions souvent dans la classe à deux parce qu’il
m’apprenait la langue des signes. Un jour où nous étions restés dans
la classe, je lui ai soumis l’idée de nous attacher l’un après l’autre. Il a
été d’accord et je l’ai attaché en premier.
Avec quoi ?
Avec mes lacets, je l’ai attaché sur une chaise. J’ai mis le volume de
ses appareils au maximum, ils ont commencés à siffler dans ses
oreilles. J’ai vu son visage changer, il se convulsait de douleur. Je l’ai
regardé. Voilà.
Et tu as fait quoi ?
Rien, j’ai attendu.
Quoi ?
La fin de la récréation.
qu’est-ce que tu éprouvais en le regardant ?
je ne sais pas. Rien de spécial.
Comment ça s’est terminé ?
La récréation a sonné, j’ai baissé le volume de ses appareils et je l’ai
détaché.
Vous êtes restés amis ?
Non… bien sur.
Ca t’a apporté quoi de le voir souffrir ?
Rien de spécial.
Merci.
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11
COCA DANS LE CUL
Elle : Je devais avoir 10 ans. Comme tous les mercredis, j’allais jouer chez
ma copine Laetitia. Nous montions dans sa chambre et nous jouions à
nous violer. Donc nous avons fermé les portes de sa chambre a clé, et
ce jour-là, c’est Laetitia qui faisait la victime. Donc elle s’est couchée
sur le lit, a plat ventre, et moi je me suis entendue sur elle. Et j’ai
commencé à…
Il :
A mimer l’acte copulatoire ?
Elle : Oui, c’est ça.
Il :
Elle était nue ?
Elle : Non. D’habitude, non. Mais ce jour-la, j’ai eu envie de lui enlever son
pantalon.
Il :
Et tu l’as fait ?
Elle : Oui, et j’ai continué à… puis j’ai vu à coté du lit une bouteille de Cocacola, je l’ai prise, je lui ai écarté les fesses et je lui ai enfonce la
bouteille dans le derrière.
Il :
Dans l’anus ?
Elle : Oui.
Il :
Toute la bouteille ?
Elle : Ce que j’ai pu…
Il :
As-tu utilisé ta salive ?
Elle : Non. Elle a commencé à crier, puis du sang a commencé à couler alors
je me suis dit que j’allais attendre que la bouteille se remplisse.
Il :
C’était une bouteille de combien de cl ?
Elle : Vingt-cinq.
Il :
Elle s’est remplie ?
Elle : Non. Nous avons été interrompues par des cris derrière la porte. C’était
sa mère.
Il :
Tu as ouvert ?
Elle : Non. Pas tout de suite. J’ai attendu que Laetitia se rhabille et puis j’ai
ouvert la porte et je me suis enfuie en courant.
Il :
Tu l’as revue ?
Elle : Oui. Nous étions dans la même école.
Il :
Elle est restée ton amie ?
Elle : Non.
Il :
Elle l’a dit à ses copines ?
Elle : Non.
Il :
Tu aimerais qu’on te le fasse ?
Elle : Non.
Il :
Merci.
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12
LA MAISON HANTEE
Il :
Elle
Il :
Elle
Il :
Elle
Il :
Elle
Il :
Elle
Il :
Elle
:
:
:
:
:
:
Nous devions avoir huit ans et avec mon ami Etienne nous jouions
régulièrement le samedi après-midi a la maison hantée. Nous avions
un parcours comme à la foire, c’était une série d’obstacles. Il fallait
faire des cumulets sur le lit, descendre par l’échelle du lit superposé,
sauter de l’appui de fenêtre du rez-de-chaussée, passer par le
toboggan du jardin, etc.… un samedi, il a amené son ami Michael pour
jouer avec nous. Je le détestais, et ça me faisait de la peine qu’il vienne
se joindre à nous. Nous avions décidé qu’Etienne ferait la dame de
l’entrée, que moi je ferais le type qui accompagne et que Michael serait
le client. Nous lui avons dit qu’il fallait payer l’entrée avec des fleurs et
sur le temps qu’il aille les cueillir, j’ai rapidement désengonçé l’échelle
du lit superposé. Il est revenu avec ses fleurs, il a payé, puis il a
commencé le parcours. Il a grimpé sur le lit, fait un cumulet, et
lorsqu’il a emprunté l’échelle, celle-ci s’est démise sous son poids.
Voilà.
Que s’est-il passé ensuite ?
Il est tombé.
Il s’est cassé quelque chose ?
Oui.
Quoi ?
La colonne vertébrale
Pardon ?
La colonne vertébrale… la moelle a été atteinte…
Et alors ?
Il est devenu paraplégique.
Merci.
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13
ME AND MY HOUSE
Susan :
Michael :
Susan :
Michael :
Susan :
Bonsoir Michael
Bonsoir Susan
Comment allez-vous, mon cher ?
Bien, bien et vous ?
Très bien. Michael, je suis si heureuse parce que ce soir nous
allons recevoir dans notre programme un très fameux couple de
Belgique
Oui, très fameux…
Donc. Je pense qu’ils sont prêts.. donc François et…
Elisabeth.
Elisabeth. Donc, mes chers ? M’entendez-vous ? bonsoir,
Michael :
Susan :
Michael :
Susan :
François…
Michael : Bien, bien
Susan :
Merci… et vous ma chère Elisabeth ?
Susan :
Oui ? Merci merci… ok. Vous connaissez le défi de notre
programme « Moi et ma Maison ». Vous devez changer quelque
chose dans votre maison que vous n’avez pas remplacé depuis
très longtemps. Donc ce soir vous avez choisi de jouer avec nous
Michael : Mais vous avez à le faire en moins de une minute
Susan :
Vous avez à le faire en moins de une minute. Donc, Qu’avezvous choisi de faire ce soir ?
Michael : C’est une assez bonne idée.
Susan :
C’est une bonne idée… donc, voyons si vous arriverez à changer
vos ampoules en moins de une minute. Michael, si vous êtes
prêt je pense que nous pouvons y aller
Michael : Je suis prêt, je suis prêt.
Susan :
Ok, vous êtes prêts ?
Vous pouvez commencer ? D’accord ?
Vous êtes prêts ? C’est parti !
Michael : ok, je vois qu’ils ont choisi de le faire avec une chaise
Parlons un peu, Elisabeth, car vous semblez moins occupée..
Donc, pourquoi n’avoir pas changé cette lampe en sept ans ?
Comment faisiez vous pour vivre sans lumière ?
Susan :
ah ok, ok. Mais je me demande pourquoi avoir attendu si
longtemps ?
peut-être de sujet, cela semble délicat. François, dépêchez-vous..
Il ne vous reste que dix secondes. Mais il n’a changé qu’une
seule ampoule…
Michael : et c’est la fin du temps imparti…
Susan :
ok, c’est le jeu
Susan :
Voilà, vous ne vivrez donc qu’avec une seule lampe..
Michael : n’attendez pas sept ans pour changer la suivante…
Susan :
et nous vous donnons rendez-vous… La semaine suivante et… je
vous retrouve aussi, cher Michael ?
Michael : je l’espère…
Susan :
Donc, mes amis, a plus tard..
Michael : Ciao.
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14
MONSIEUR PEUR
M. peur :
Speakerine :
J’ai peur des ascenseurs, il m’est impossible d’en utiliser un,
c’est une sorte de suffocation, J’ai peur des routes vides et
droites la nuit lorsque je suis seul, J’ai peur d’être seul
lorsque vient le soir surtout si j’ai déjà mangé, J’ai toujours
peur de ne pas avoir assez de liquide sur moi mais j’ai peur de
ne pas savoir finir le mois, J’ai peur de vieillir trop vite, j’ai
peur de m’emmerder, quand je pars en vacances mais J’ai
peur de devenir aigri et sec si je reste chez moi, J’ai peur de
me balader dans des quartiers que je ne connais pas mais j’ai
peur des quartiers trop pleins de souvenirs, j’ai peur que mon
père ne meurt avant moi parce que… J’ai peur qu’une voiture
ne rentre dans la façade parce que le tournant est fort mal
signalé, j’ai peur de passer pour quelqu’un de quelconque
mais j’ai peur de passer pour un exubérant…
Merci pour ce témoignage…c’est édifiant.
Silence
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
Mais alors…je vous écoute et une réflexion me vient
d’emblée…excusez–moi de rentrer ainsi dans votre vie. Mais
vous m’avez l’air d’être un homme plein de contradictions..
Vous dites avoir peur de vous promener dans des quartiers où
vous ne connaissez personne mais dans le même temps vous
avez peur d’aller dans des quartiers qui seraient trop pleins de
souvenirs.. Alors, évidemment.. Vous vous retrouvez sanscesse face à des choix … euh.. A devoir choisir entre deux
choses dont finalement vous ne voulez ni l’une ni l’autre…c’est
assez difficile à vivre..
Oui oui.
On.. On pourrait aller plus loin et dire que…dans un certain
sens ça n’est pas la vie.. Finalement.. C’est refuser la vie..
C’est.. Euh… non, non.. c’est tenter de vivre
Enfin.. Oui.. Mais … bon.. Il me semble que la plupart des
gens essayent de vivre en sortant et en se confrontant au
monde.. En y allant…la tête haute…où la tête basse mais en y
allant ! en chevauchant le tigre…mais vous, vous ne
chevauchez pas le tigre…
Mais.. Ecoutez, il me semblait que j’étais venu pour témoigner
pas pour me faire analyser.
Euh.. Je.. Je suis juste en train d’essayer de comprendre tous,
tous..Ca m’interpelle, je ne peux pas vous laisser repartir
comme ça.. Votre témoignage m’interpelle beaucoup M. peur.
Donc, voilà, tout simplement, nous sommes ici chez nous,
regardez autour de vous, il n’y a pas de raison de.. Nous
sommes assis tous les deux.. moi sur un joli fauteuil rose,
vous sur une bien douce chaise armée d’un très joli coussin
rouge. Vous avez sous vos pieds la chaleur d’un tapis persan
et puis devant vous cette table dont la hauteur ne menace
personne.. La lumière nous l’avons choisie chaude et plutôt
tamisée. Quelques personnes sont là mais ce sont des amis.
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M. peur :
Speakerine :
juste des gens comme vous et moi qui ont fait le déplacement
pour vous voir. Et ils se font tout petits… (Elle éteint l’éclairage
public). Vraiment M. peur, vraiment il n’y a pas de lieu de.. M.
Peur, je voudrais savoir, à quel moment choisissez-vous de
vivre ?
Ca commence à bien faire là…
Je.. vais vous poser la question autrement.. Euh…alors je me
demande juste comme ça, est-ce qu’il est envisageable vu que
vous ne vivez pas au monde tout seul, entouré d’autres êtres
vivants qui respirent, qui vivent, qui sentent, éprouvent des
sentiments.. Euh…est-ce que cette manière de vivre est
envisageable avec d’autres..
silence
Je veux dire par-là que l’homme est un animal social ..Qui a
besoin d’un milieu pour se développer …or vous avez, je le
vois, deux bras, deux jambes en état de fonctionnement, vous
semblez donc normalement développé, donc.. Euh au niveau
…professionnel par exemple, comment cela se passe-t-il ?
M. peur :
Je suis sans emploi
Silence bien lourd
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
Ah. Ben oui, en effet c’est une belle manière de résoudre les
choses.. M. peur, vous avez, je suppose des amis, des
connaissances ?
Euh.. euh.. je partage ma vie avec quelqu’un
Vous partagez votre vie avec quelqu’un.. Et ..Euh..ca…ça.. estce que cette manière de vivre est réellement envisageable dans
une…
Il faudrait poser la question à l’intéressée.
Oui…oui….Mais je voudrais vous demander à vous….(elle le
regarde pour la première fois) D’abord… euh.. Est-ce que vous
pensez que ces peurs…constantes,
quotidiennes…omnipotentes…sont vivables pour la personne
qui partage votre vie.. et qu’elle ne la…
Je présume oui.. Si elle reste avec moi.
Oui, enfin vous savez multiples sont les raisons qui nous
poussent à rester avec..
Par exemple ?
Par exemple…euh.. Euh…les engagements où les… peut-être
que la personne qui partage votre vie voudrait vous voir
changer.. Peut-être, je ne sais pas.. se prend-elle de…
Changer en quoi ?
Changer en rien du tout…simplement espère-t-elle que peutêtre vos peurs vont s’amoindrir…que peut-être vous allez vous
calmer et vous décider enfin à vivre dans cette vie qui est
quand-même un beau cadeau il me semble… (elle le regarde.)
décider d’arrêter de jouer la comédie et vous décider à prendre
vos…enfin ,je m’emporte un peu..(elle se reprend)
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Silence
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Enfin, M. peur ..Ces peurs ne sont pas immuables ?
Mais certaines choses ont changé.
Il y a des choses qui ont changé, lesquelles ?
Ben depuis la mort de maman par exemple.
Vous avez perdu votre maman.
Oui…beaucoup de choses ont changé …peut-être en sont
venue d’autres peurs mais quand même, beaucoup d’autres se
sont éteintes enfin !
Pourriez vos me dire lesquelles ?
Ben, je sais pas ! La peur d’entre père ou..
Vous n’avez plus peur d’entre père ?
Moins..
Vous aviez peur d’entre père. Vous n’avez plus peur d’entre
père. Donc.. Donc.. euh.. Finalement il nous reste à vous
souhaiter de perdre à nouveau quelqu’un de proche pour que
vous puissiez perdre à nouveau l’une de vos peurs ? Si je
comprends bien..
Cela me paraît un raccourci fort ambitieux.. Mais..
Je veux dire, est-ce qu’il faut attendre absolument un
événement…
Peut-être vous qui avez l’air de savoir tant de choses…qui êtes
si sereine.
Silence
M. peur :
Vous n’avez pas peur ici ?
Silence
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
De perdre votre boulot ? de vieillir ?De finir bourrée de
médicaments ? Qu’on ne retourne pas derrière vous dans la
rue ? , De puer de la gueule qu’on voit votre cellulite.. Les
ascenseurs, vous aimez ça vous ? Et la foule ? Et si je dépose
une araignée en plastique sur la table ? Une toute poilue ?
Nous avons…nous sommes ici. .nous avons tous peur de
quelque chose.. Mais ici, nous là pour parler des vôtres.. (elle
se reprend)
M. Peur, cette enveloppe que vous voyez ici sur la table
contient les résultats d’une étude menée par des gens très
compétents qui se sont réunis autour de votre cas afin de
déceler l‘origine de vos peurs. Cette enveloppe, vous la voyez,
elle est à portée de votre main et je vous propose de la
prendre où de ne pas la prendre.
Non merci
Vous ne la prenez pas..
Non.
Vous ne voulez pas la prendre…
Non
Donc, vous ne voulez pas changer ?
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Silence
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Speakerine :
M. peur :
Mais c’est ma manière d’être au monde. C’est ce qui me
définis.. Ce sont mes peurs..
Donc vous aimez ça finalement, avoir peur ?
Si vous voulez.
Le personnage de M. Peur est un personnage qui vous plait !
Je m’accroche.
Vous avez décidé non seulement de vous y accrocher mais en
plus d’y accrocher celle, ceux avec qui vous vivez..
Mais cette personne peut très bien s’en aller si le cœur lui en
dit.
Silence
Speakerine :
M. peur :
M. peur, je ne vous proposais pas de résoudre vos peurs, mais
seulement d’en connaître la cause….
(longue impro sur « les causes d’une douleur » )
…je pourrais très bien penser qu’il s’agit d’un enfant crevé…
(il se lève brusquement) Non, on n’avait dit pas ça !
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TORTILLA
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Ensemble :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Etienne :
Vinciane :
Bonsoir vinciane. Vinciane ce soir vous nous avez préparé une
recette traditionnelle que l’on appelle…
La tortilla
Alors peut-être vais-je passer pour un idiot, mais la tortilla à
première vue cela ressemble furieusement à une…
Omelette
Mais qu’est-ce qui la différencie finalement ?
…
Ce sont les ingrédients qui la composent ! Et ces ingrédients,
quels sont-ils ?
c’est marqué dans le…
Oui ! Donc, nous avons des patates, un oignon un poivron, des
œufs et si je ne m’abuse, toute la difficulté de la tortilla n’est pas
tant de la cuisiner mais bien de la démouler …peut-être que vos
petites mains expertes..
non, ça je ne fais pas
Alors, de ce que je me rappelle mes voyages en Espagne, il suffit
simplement de poser une assiette et d’effectuer un bref
mouvement et hop ! Le tour est joué ! Alors Vinciane, la tortilla
porte également un autre nom en Espagne ? elle est appelée…
Le plat du pauvre.
Tout à fait, et pourquoi donc l’appelle-t-on ainsi ?
Parce que c’est gras.
Parce que beaucoup d’huile est nécessaire à la préparation !
Parce que ça forme une couche protectrice sous la peau. Et que
ça tient chaud. Pour ceux qui travaillent dehors. Les pauvres.
Qui construisent les maisons des riches et les voies de trams. Et
qui n’ont pas de quoi s’acheter des habits. Qui ont froid. Et qui
se forment une couche protectrice. Qui les rend gros. Mais alors
ils transpirent. Alors ils puent. Et ils sont serrés. alors ils se
fâchent et ils tapent sur leurs femmes et sur ce qu’ils trouvent…
Mais c’est une digression.
La tortilla est également appelée le plat du pauvre parce que
c’est un plat recyclable !
Ah ha ?
Et ce soir mon cher Etienne nous allons faire de notre tortilla un
joli..
Frisbee ?
Non, ce ne sera pas un frisbee, et ce ne sera pas non plus une
soucoupe volant, ce sera ce soir un gâteau d’anniversaire !
Ah ha ?
Alors comment faire de notre tortilla un gâteau d’anniversaire ?
C’est très simple ! Il vous suffira de profiter de la surface plane
de votre tortilla pour y planter quelques bougies d’anniversaire.
Donc voilà, je saisis les bougies qui sont toutes munies d’un
petit pic leur permettant d’être facilement introduites dans votre
gâteau. Et ce soir, cher Etienne nous en disposerons sept ! Un,
deux, trois quatre, cinq six et sept ! Alors voilà Etienne, nous
avons les bougies, nous avons le gâteau, il ne nous reste plus
qu’à chanter : Joyeux anniversaire !
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LES PETITS POIS
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui;
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui
Elle:
Lui:
Elle:
Il:
Elle:
Lui:
Elle:
Lui:
Laetitia, bonsoir, vous travaillez dans une entreprise agro-alimentaire..
Pourriez-vous nous en dire plus?
oui, en effet, je travaIlle dans une fabrique de conditionnement
alimentaire, je suis affecte à un service ou je trie et je calibre les petits
pois qui passent devant moi sur un tapis roulant, je les trie en
fonction d'un calibrage très précis
ce qui veut dire quoi exactement?
ça veut dire qu'on enlève de la production ceux qui ne correspondent
pas aux attentes du consommateur
mais encore?
hé bien on trie les trop gros et les pas assez gros...
et qu'en faites-vous une fois qu'Ils ont été tries?
hé bien, on les retire de la production.
et la, vous les revendez au rabais ou à des traiteurs pour en faire
d'autres usages?
on les jette.
purement et simplement?
oui, oui.
D'où vous est venue l'idée de trier ainsi les gros et les moins gros?
ho mais l'idée n'est pas de moi, ce sont les ordres qui m'ont été donnés
de mes supérieurs et je m'y conforme, évidemment
et vous aimez votre métier?
oui.
et vous aimez, vous éprouvez un certain plaisir à jeter les trop gros?
ce qui me plait surtout, c'est de voir à ma gauche un tapis bien range
sur lequel défIlent des légumes en bonne santé
donc, si je vous suis bien, être gros est une déficience?
dans ce cas précis, oui.
et dans les autres cas?
je suis venue ici pour parler des légumes, je ne suis pas psychologue.
et vous ne trouvez pas que si l'on tire un peu sur la question, cette
pensée pourrait devenir dangereuse
hé bien, si je vous sers un petit pois qui a la taIlle d'une olive, vous
penserez que c'est une olive alors que c'est un petit pois (etc....)
et les grosses olives?
Il faut les éliminer aussi. Mais ça je ne sais pas, ce sont les
manutentionnaires espagnoles qui s'en chargent principalement mais
je sais qu'Il existe des normes européennes.
oui, mais au-delà de l'Europe, n'y a-t-Il pas certains pays ou l'on
mange des petits pois de différents calibres?
chez les.. les... les.. [Gestes de la main dans l'espace] peut-être… mais
ici nous travaillons selon les attentes du consommateur. Il existe des
pommes de terre énormes mais que l'on ne vend pas ni ne montre pas
parce qu'Elles ne correspondent pas...
oui mais elles sont tout a fait comestibles?
oui, mais elles ne correspondent pas aux attentes.
mais ces attentes ne sont pas inhérentes a la race humaine dans son
ensemble. Qui définit ces attentes?
Est-ce le consommateur lui-même qui les a érigées en loi?
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Elle: c'est un mélange entre ce que les gens aiment, ce qui les rassurent de
manger et des configurations d'ordre pratique
Lui: je pourrais vous demander lesquElles?
Elle: hé bien, c'est très simple: Si vous prenez une boite de conserve d'un
poids net de deux cent grammes, Elle peut et doit contenir des petits
pois dans une fourchette de trois cent à trois cent quinze petits pois.
Si vous en mettez un gros, Il prendra la place de deux, etc....
Lui: mais vous, Laetitia, si vous ouvriez une boite de petits pois ou Il y a un
pourcentage certain de gros petits pois, iriez-vous la rendre à l'usine
dont Elle provient?
Elle: ben non, quand même...
Lui: alors vous, sincèrement, est-ce que ça vous dérange d'avoir dans votre
assiette un petit pois excédant de quelque peu la taIlle moyenne?
Elle: oui, si on les trie, c'est pas pour rien.
Lui: mais vous savez tout de même pertinemment bien qu'Il a la même
valeur nutritive qu'un autre... ça vous dérange parce que vous voulez
être dérangée ou bien parce qu'on vous a appris que ca vous
dérangeait
Elle: mais enfin, si certaines personnes font des efforts et investissent du
temps et de l'énergie pour maintenir leurs petits pois en bonne santé,
Il faut se tenir à cette règle. Sans quoi..
Lui: Laetitia, vous semblez foutrement attachée à vos petits pois calibrés..
Mais dites-moi, vous arrivez à vivre avec l'idée que vous vous donnez
tant de mal pour trier des petits pois qui - gros, moyens ou petits,
finiront de toute façon leur course dans l'estomac du consommateur ?
Elle : oui...
(Il garde le micro dirigé sur Elle)
Lui :
Elle :
Lui :
Elle :
Lui :
Elle :
Lui :
Elle :
C'est le destin de tout les légumes.. La mort.. C'est leur unique
fonction. Enfin c'est à ça qu'Ils servent: Etre mangés. C'est pour cela
qu'on les plante, qu'on les arrose et qu'on les maintient en bonne
santé jusqu'à ce qu'Ils atteignent la maturité nécessaire à leur mise en
boite, en attendant de mourir dignement.
dignement ?
oui...chaque jour des mIlliards des légumes sont plantés et chaque
jour des mIlliards de légumes sont récoltés..
oui, mais comment un petit pois peut-Il mourir dignement ?
en n'attirant pas l'attention sur soi, en ne prenant pas la place d'un
autre, en n'exigeant rien de plus qu'un autre, que se soit le soleIl
nécessaire à sa croissance ou la ration d'eau, en se laissant mettre en
conserve sans faire d'histoires..
à vous écouter, on pourrait croire que certains petits pois, en
l'occurrence les gros et les pas assez gros sont orgueIlleux..
dans un certain sens, un petit pois digne, c'est un petit pois qui se
tait, qui sait se faire oublier et qui attend...
...d'être mangé.
encore faut-il qu'ils soient acceptés au tri.
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LA FENETRE.
Lui : Hé connard, ouais toi… on est quel jour aujourd’hui. Mercredi ouais et
les poubelles ? mardi, oui, vendredi aussi les cartons. Pourquoi tu les
sors mercredi alors ? Hé ouais Faut que ça pue pour que tu sois
content, hein ouais, faut que les chiens les déchirent, faut que les
chats les bouffent. Ben tu rentres les poubelles, et tu les sors mardi ou
vendredi. Quoi, c’est petit chez toi ? C’est petit chez tout le monde hein
vieux ! Chez tout le monde c’est petit. Tu rentres tes poubelles, c’est
tout, on vit en société, ici. Quoi ? oui, le respect…
Dites, monsieur, excusez-moi mais, c’est une place pour handicapes,
ça… de quoi ? Oui mais vos courses, j’en ai rien à foutre. J’ai un ami
moins-valide qui se retrouve souvent… mais quoi, cinq minutes et si ce
monsieur vient pendant ces cinq minutes.. Hé bien j’aimerais bien qu’y
en ait qui passe et qui te mette une prune. Quoi ? Ducon va.. Hé bien
voilà, voilà, fais un accident de bagnole et j’irai me garer sur ta place.
Et toi, bonhomme là, en vélo, non, ça c’est pas une piste cyclable !
Oui, bonhomme, oui, j’en ai rien à foutre. Tu roules pas là dessus, tu
veux des pistes cyclables, tu vas en Flandre, hein. QUOI ? Sale gosse
de merde, va.. le mercredi tu ferais mieux de lire que de rouler en vélo
sur des pistes qui sont pas cyclables
De quoi ? Oui, je gueule.. J’ai encore bien le droit de gueuler, tous les
enfants gueulent toute la journée ici. Mon mercredi je gueule, hé bien
je gueule. Tout mon mercre…Oui, jusqu'à ce que j’aie plus de voix,
tiens ! Et puis après je viendrai pisser dans ta bouche.
Quoi ? Mais j’en ai rien à foutre… toi, tes poubelles !
Hé gros pou, rentre. Allez, rentre chez toi. On ne sort pas dans la rue
quand on est laide comme ça, m’enfin, allez..
Quoi ? héé, ho, ho… ben va travailler, hein, que veux-tu que je te
dise ? Du travail, y en a, ça y en a ! presque autant que des comme
toi…
Quoi ? Mais parfaitement, madame, oui… . Tout mon mercredi à
gueuler…
cinq minutes…
Quoi ? Mais je fais encore ce que je veux quand même ici, non ?
Et faire gueuler ta mobylette, la.. Ouais, allez, allez… mais met un pot
d’échappement, hein, mon ami… elle est à toi cette mobylette, ouais
ben on lime, ça, hein… ça on lime, hein.. Facilement. Merdeux, va…
Quoi ?
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BOUT DE VIANDE.
Elle : D’abord, c’est… D’abord c’était des, des gargouillements…
D’abord c’était des gargouillements… dans… Et puis après ça…
comme une espèce de, de collision…j'ai senti un, un gros
morceau carré qui descendait…comme une espèce de… je sais
pas… un morceau de viande… mais ça fait dix ans que je mange
plus de viande. C’est bizarre.
Je l’ai senti descendre et puis je l’ai senti tomber. Alors je me suis
levée et, j’ai regardé et y avait un, un espèce de steak, un espèce
de gros steak. Tout rouge. Et j’ai regardé de plus près et j’ai vu
qu’il avait deux, deux petites mains et deux petites jambes…
Alors je me suis dit : « c’est pas, c’est pas un morceau de viande,
c’est, je sais pas moi… une occasion ratée »
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