Les paradis fiscaux - Politique du Possible

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Les paradis fiscaux - Politique du Possible
Les paradis fiscaux
1. Introduction
La crise financière qui sévit actuellement dans le monde entier vient opportunément de rappeler aux
dirigeants de tous les pays et aux citoyens qui subissent cette crise l’existence des paradis fiscaux qui avait
sans doute été oubliée. Leur existence avait été occultée par le monde entier depuis de nombreuses années
puisque même l’OCDE déclarait en juin 2000 qu’il ne restait plus que 3 pays dits non coopératifs sur sa liste
noire :
1. Andorre
2. Principauté du Liechtenstein
3. Principauté de Monaco.
Les 60 autres pays répertoriés « paradis fiscaux » par ce même organisme étant désormais considérés comme
coopératifs c’est-à-dire s’engageant à appliquer les 40 recommandations de l’OCDE et du GAFI. Cette bonne
volonté de façade les conduirait sur le chemin de la rédemption. Il a été recensé entre 60 et 90 paradis
fiscaux, financiers, bancaires et maritimes dans le monde. 16 en Europe ou dans son voisinage. Sur ces 16
pays, 9 appartiennent directement à un pays de l’UE. La plupart des autres appartiennent à l’Espace
Économique Européen comme le Liechtenstein, la Suisse ou l’Autriche. La France compte directement ou
indirectement au moins 5 paradis fiscaux (Polynésie, Monaco, Andorre, St Barthélemy, St Martin).
Il est clair que, sans l’apparition de cette crise financière dont l’ampleur n’a pas de précédent dans
l’histoire, rien n’aurait été engagé pour diminuer ni le nombre ni la place des paradis fiscaux dans la finance
mondiale. Certains pays d’Afrique (le Ghana par ex.) disposant de peu de ressources réfléchissent à se doter
d’une législation de type paradis fiscal.
2.
Définition
Il s’agit de pays qui ne prélèvent pas ou peu d’impôts et servent aux non-résidents pour échapper à
l’impôt dans leur pays de résidence.1 Un paradis fiscal est doté de dispositions législatives ou de pratiques
administratives empêchant un échange de renseignements avec d’autres pays sur les contribuables. Les
paradis fiscaux ou les centres offshore jouent un rôle accru dans les opérations de blanchiment de capitaux,
facilitées par des réglementations laxistes et le secret bancaire. Après la grave crise de 1997, il est apparu que
ces centres offshore constituaient un des maillons faibles du système financier international. Les états
s’émeuvent à présent de la concurrence dommageable et des pertes fiscales qu’entraîne pour eux, la
prolifération de ces paradis fiscaux dont le nombre a augmenté de 1 400 % au cours des quinze dernières
années.2 Une de leurs caractéristiques communes est de pratiquer l’accueil illimité et anonyme de capitaux.
On peut parler de pays qui commercialisent leur souveraineté en offrant un régime législatif et fiscal
favorable aux détenteurs de capitaux, quelle que soit leur origine.
Principales caractéristiques :
o secret bancaire strict (opposable notamment au juge étranger) ;
o pas ou peu de taxes, que ce soient sur les revenus, les bénéfices ou les patrimoines,
particulièrement pour les non-résidents ;
o grande facilité d'installation et de création de sociétés avec peu de
o formalisme, avec souvent des lois sur les trusts ou donnant effet aux trusts étrangers très libéraux ;
o coopération judiciaire internationale limitée.
Dans le contexte d’une concurrence mondialisée, l’abaissement de la fiscalité est devenu, pour les
États, un argument pour attirer l’investissement ou l’épargne. En pouvant pratiquer une fiscalité nulle ou
presque, les paradis fiscaux exacerbent cette course mondiale au moins-disant fiscal. Comment la République
sud-africaine, qui a déjà diminué les impôts sur les sociétés de 48 % à 30 % depuis 1994, peut-elle résister
face au développement dans la région de centres offshore comme l’île Maurice, qui offre un niveau
d’imposition de 1,5 % ? La course vers le zéro impôt est lancée – Jersey en offre déjà la possibilité. En
Europe, l’Irlande a en grande partie basée son développement sur cette concurrence fiscale en baissant son
taux d’imposition sur les sociétés à 12,5% pour attirer les grandes entreprises. Certains pays pratiquent même
ce que l’on peut considérer comme un impôt négatif pour attirer les investisseurs étrangers : non seulement
une exonération fiscale est garantie mais des dépenses publiques sont engagées pour les convaincre d’investir
(développement d’infrastructures ad hoc, primes accordées pour la création d’emplois, etc.). En privant les
États de recettes fiscales précieuses, ce phénomène affaiblit la capacité d’intervention étatique dans les pays
1 OCDE Rapport 1998 : Concurrence fiscale dommageable, un problème mondial.
2 Transparency International (TI) Rapport sur la corruption dans le monde 2003
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du Sud. Les gouvernements des pays les plus pauvres voient même leur dépendance s’accroître envers des
flux financiers d’origine étrangère (aide, investissement, endettement), ce qui limite sérieusement leur
autonomie politique. Les pays du Nord ne sont pas en reste : aux États-Unis, les autorités fiscales estiment le
manque à gagner à plus de 300 milliards de dollars.
3.
Pourquoi les paradis fiscaux
Les paradis fiscaux sont utilisés pour dissimuler des capitaux d’origines très différentes que nous
rangerons en trois grandes catégories dans un souci de simplification et de clarté :
o
Les montants liés à des activités criminelles
o
Les montants liés à la corruption au sens traditionnel du terme
o
Les montants liés à une activité économique classique
Les différents atouts de ces pays permettront ensuite de réinjecter ces capitaux dans le système
financier classique après avoir été « blanchis ». Le blanchiment des capitaux est défini comme “le procédé
criminel par lequel des produits du crime sont occultés et transformés au moyen de tentatives visant à les
injecter dans le système financier afin de leur donner l’apparence de capitaux légitimes. 3 Les cas d’étude en
matière de blanchiment de capitaux les plus connus montrent qu’ils utilisent des transactions complexes dans
de nombreux pays, en particulier dans ceux dotés d’importantes places financières et dans ceux qui peuvent
être définis comme des paradis fiscaux ou des centres financiers en extraterritorialité – offshore financial
centers (OFC), visant à modifier l’identité des fonds illicites.
4. Géographie
Les paradis fiscaux sont au nombre d’une centaine. Parmi lesquels on peut citer les plus connus :
Autriche, Suisse, Luxembourg, Andorre, Bahamas, Liechtenstein, Monaco, Jersey et Guernesey,
Panama, Gibraltar, Seychelles et d’autres, aux noms plus exotiques mais tout aussi “paradisiaques
“Vanuatu, Îles Cook, Îles Caïman, Antigua et Barbuda, Dominique, Saint Vincent et les Grenadines,
Tonga, Nauru, Saints Kitts et Nevis, Îles Turks et Caiques, Myanmar.
Dans cette liste, il est possible de ranger les paradis fiscaux en deux catégories selon le GAFI ou
le FSF :
Les pays dits non coopératifs en matière d’investigations liées à la lutte contre le blanchiment des
capitaux, ainsi que l’a suggéré le GAFI : Égypte, Indonésie, Ukraine, Guatemala, Nigeria, Hongrie,
Bahamas, Îles Caïman, Îles Cook, Saint Domingue, Israël, Liban, Liechtenstein ; Îles Marshall, Nauru,
3 Conseil de l’Europe Rapport de la Commission des questions Economiques du 22décembre 1997.
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Niue, Panama, Philippines, Russie, Saint Kitts et Nevis, Saint Vincent et les Grenadines, Anguilla,
Barbades, Royaume de Bahrein, Belize, Samoa, Montserrat, Seychelles, Vanuatu.
Les centres offshore du Forum de Stabilité Financière (FSF) : Irlande, Luxembourg, Suisse,
Andorre, Saint Marin, Barbades, Bermudes, Gibraltar, Aruba, Hong Kong, Île de Man, Bahamas,
Anguilla, Nauru, Antilles Néerlandaises, Îles Turks et Caiques. Le FSF existe depuis 1999 et gère des
réserves de devises pour le compte de pays en développement (liste non exhaustive).
Il faut remarquer que, étrangement, plusieurs pays membres et futurs membres de l’UE figurent
dans cette liste : Autriche, Luxembourg, Irlande, Grande Bretagne et ses dépendances telles les Îles
Anglo-Normandes, Gibraltar et l’Île de Man, la France et sa dépendance Monaco, les Pays-Bas et ses
dépendances, Aruba et les Antilles Néerlandaises, Malte.
Il ne faudrait pas oublier les Offshore Financial Centers qui sont des places financières pratiquant
une activité offshore, c’est dire empruntant à des non-résidents pour prêter à des non-résidents en
profitant par exemple de conditions fiscales ou autres favorables. On trouve des OFC à Londres, New
York (U.S.International Banking Facilities, IBFs), Tokyo (Japanese Offshore Market, JOM), Hong Kong
et Singapour.
La différence entre territoires offshore et centre financier offshore est minimale et entretient une
confusion qui n’est sans doute pas innocente.
5. Les montants en jeu
Leur activité est devenue une énorme industrie qui gère autour de 20 % de la richesse mondiale
privée4 et 22 % des actifs externes des banques y sont gérés.5
Une autre source estime que l’ensemble des paradis fiscaux draine plus de la moitié (54,2 %) des
avoirs détenus hors frontières pour un total de plus de 5 000 milliards US$. Environ quatre mille
banques offshore y sont installées et on y dénombre également plus de 2,4 millions de sociétés
écrans. La part des biens d’origine illicite est estimée à 20 % de la totalité des capitaux soit mille
milliards US$. Le reste sont en effet des capitaux d’origine licite détenu par des fonds de retraite ou
d’investissement et des sociétés commerciales qui vont chercher offshore une « optimisation
fiscale » qui reste dans la limite de la légalité de leur pays d’origine et que nous étudierons plus
loin.6
1.
Les activités criminelles
1. Trafic de drogue : 500 à 750 milliards US$ 7
2. Trafic des êtres humains, 20 milliards US$ et proxénétisme, 8 milliards US$ 8 :
4 Marcel Cassard, The Role of Offshore Centers in International Financial Intermediation, 1994
5 Rapport du Conseil de l’Europe du 6 avril 2001 ; Commission des questions économiques et du développement
6 Rapport Moral sur l’Argent dans le Monde 2001, la Problématique offshore, contribution de M J.F.Thony, page 302.
7 Rapport du Conseil de l’Europe du 6 avril 2001 ; Commission des questions économiques et du développement
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3.
4.
5.
6.
7.
8.
Le trafic de clandestins est estimé à quatre millions de personnes par an dans le monde dont
environ un million d’entre elles à des fins d’exploitation dans l’industrie du sexe que l’on peut
qualifier de forme moderne de la traite d’esclaves. Certains groupes se tournent actuellement
vers le trafic d’êtres humains de préférence à celui des stupéfiants car il semblerait qu’il y ait
davantage de profits à faire et surtout moins de risques.
Trafic de produits interdits par des Conventions Internationales : ivoire, espèces protégées : ?
Objets d’art et Antiquités : 6 milliards US$9
Contrebande : tabac, alcool… : représenterait jusqu’à 15 % de la consommation dans l’Union
Européenne.10
Contrefaçon : 450 milliards US$ 11: Achevée en juillet 2000, une enquête menée pendant deux
ans par l’unité anti-fraude de l’Union européenne a révélé que, chaque année, un à deux
milliards d’euros de recettes en droits de douanes sont perdus du fait de la contrebande de
cigarettes quelque fois organisée par les fabricants eux-mêmes. Récemment la société Reynolds
Tabacco a négocié le paiement d’une amende de 1 milliard euros à la communauté européenne
pour éviter d’être traînée devant la Cours de Justice Européenne sous l’accusation de
contrebande. D’autres négociations sont toujours en cours avec des fabricants de cigarettes.
Selon certains experts, un tiers des exportations mondiales annuelles de cigarette finit sur le
marché noir.
Trafic d’armes : violation d’embargo, vente aux guérillas et réseaux terroristes
Le secteur des ventes d’armes est l’un des premiers secteurs mondiaux par son volume
d’activité, avec un chiffre d’affaires annuel d’environ 800 milliards US$. Les pays
industrialisés du Groupe des Huit (G8) qui représentent à eux seuls près de 90 % des ventes
d’armes, sont, cependant, le point de départ d’une grande partie du trafic d’armes, qui selon
certaines estimations, pèse la moitié de tous les transferts d’armes effectués dans le monde.12
Selon les estimations d’un magistrat instructeur du dossier ELF, en considérant le montant
annuel des exportations d’armes de la France au cours de la seule décennie passée et en
appliquant à celui-ci un taux moyen de 20 % de commissions, ce serait près de 10 milliards €
de pots-de-vin qui auraient été versés par des entreprises françaises pour l’obtention de marchés
d’armement à l’étranger au cours de la période 1991-1999.13
L’organisation Global Witness a mis en évidence les liens qui unissaient l’industrie du bois au
Liberia à la mafia ukrainienne durant la guerre civile en Sierra Leone. Le président Charles
Taylor finançait le Front Révolutionnaire Uni (RFU) en association avec l’industrie du bois en
contravention avec l’embargo sur les armes décrété par l’ONU.14
2.
Les montants liés à la corruption
1. Détournement de ressources publiques : énergie, minerai, subventions… :
Il est malheureusement impossible de chiffrer exactement le montant de ces détournements.
Par contre, un bon exemple peut-être fourni par le rapport établi par le FMI sur la gestion des
revenus de l’industrie pétrolière en Angola. L’Angola est le deuxième exportateur de pétrole de
l’Afrique subsaharienne derrière le Nigeria. Les revenus du pétrole ont considérablement augmenté
depuis que les grandes compagnies pétrolières comme BP, ExxonMobile et Total ont développé la
production vers la fin des années quatre-vingt-dix. Ces revenus se sont élevés à 18 milliards US$
pour la période 1997-2002 soit environ 85 % du budget de l’État Angolais. Le rapport du FMI
montre que 4,22 milliards US$ soit 10 % du PIB pour chaque année de cette période ont disparu,
n’ayant été comptabilisés nulle part. Pendant cette même période, les budgets sociaux du
gouvernement et des agences internationales se sont montés à 4,27 milliards US$. Le gouvernement
angolais a refusé de fournir les informations relatives à l’utilisation de ces fonds mais d’un autre
côté réclame l’augmentation constante de l’aide internationale pour lui permettre de construire des
8 Organisation International des Migrations
9 Rapport du Conseil de l’Europe du 6 avril 2001 ; Commission des questions économiques et du développement
10 Rapport du Conseil de l’Europe du 6 avril 2001 ; Commission des questions économiques et du développement
11 L’organisation Mondiale des Douanes s’adresse au Forum Economique Mondial au sujet de l’ampleur de la contefaçon à l’échelle mondiale, Communiqué de
presse de l’OMD, 27 janvier 2003.
12 Rapport du Conseil de l’Europe du 6 avril 2001 ; Commission des questions économiques et du développement
13 Eva Joly, Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?, Paris Les Arénes, 2003, page 273.
14 Global Witness, Ressources, Conflict and Corruption
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hôpitaux, des écoles et des tribunaux. En octobre 2003, le financier George Soros par
l’intermédiaire de son “Open Society Institute “a essayé de négocier avec le gouvernement angolais
un accord pour mettre en place un ensemble de mesures destinées à améliorer la transparence de la
gestion des revenus du pétrole. Le gouvernement a sans cesse repoussé la signature de cet accord
qui est pour le moment au point mort.
Il est clair que le refus du gouvernement de faire des efforts en faveur de la transparence peut
laisser penser que ces fonds sont détournés soit au profit de ses dirigeants soit pour acheter des
armes dont l’exportation vers l’Angola était interdite en raison de l’embargo décrété par l’ONU
Un autre exemple peut-être fourni par le Nigeria qui a obtenu récemment de la Grande-Bretagne et
la Suisse le rapatriement de millions d’Euros détournés par la famille de l’ancien dictateur du pays
feu Sani Abacha. Plus récemment les magistrats suisses ont mené un premier procès contre le
blanchiment de 400 millions d’Euros dans 140 comptes différents au nom du général Sani Abacha.
Il est évident que ces fonds ont été détournés par l’ancien dictateur au détriment du peuple nigérian.
D’autres sources citent le chiffre de 1,4 milliard US$. On peut aussi rappeler les détournements
effectués par le Président Marcos aux Philippines estimés à 5 MUS$. Au Congo l’ex Président
Mobutu aurait détourné 4 milliards US$. L’ex Président Suharto en Indonésie aurait détourné
40 milliards US$.15
La privatisation des anciennes sociétés appartenant à l’État Russie est sans doute le plus grand
hold-up que l’on ait vu sur cette planète. Le programme prêts contre actions était audacieux et
simple : les banques prêtaient des fonds au gouvernement pour de nombreuses années avec
remboursement garanti par les actions que possédait l’État Russe dans ces sociétés. Il était acquis
dès le début que l’État ne rembourserait jamais les banques qui deviendraient propriétaires de ces
sociétés. Il apparaissait plus facile politiquement d’appliquer ce plan que de vendre officiellement
ces sociétés. Ce plan a été proposé à Boris Yeltsin en 1995 par Vladimir Potanin propriétaire de la
banque Uneximbank et Anatoly Chubais. Le gouvernement russe a donc vendu aux enchères ses
actions dans un certain nombre de sociétés pétrolières, minières ou de téléphonie à qui lui faisait
l’offre la plus élevée. Les enchères ont été très “particulières “Les actions ont été partagées en lots
distribués aux banques principales qui se sont ensuite révélées à la fois vendeuses et acheteuses,
certaines étant dans certains cas le seul acheteur et emportant les enchères à un niveau ridiculement
bas, juste au-dessus du prix de réserve fixé par l’État Russe. Les étrangers étaient bien évidemment
exclus de ces enchères.
L’ancien ministre des finances Boris Fyedorov commentera ces privatisations : « Hier les
kleptocrates se partageaient les stations de télévisions aujourd’hui ils dépècent les sociétés
industrielles entre vieux amis »16
Quelques exemples chiffrés :
Norilsk Nickel : cette société assure plus de 25 % de la production mondiale de nickel et 33 % de la
production mondiale de cobalt. Elle fait un chiffre d’affaires de 2 milliards US$ à l’export et affiche
un résultat net d’environ 400 millions US$ chaque année. La vente aux enchères fut confiée à la
banque Uneximbank avec un prix de réserve de 170 millions US$. Toutes les autres offres ayant été
écartées sous différents motifs plus ou moins valables, Uneximbank emportera les enchères avec
une offre de 170,1 millions US$.
Sidanko Oil Company : prix de réserve 125 millions US$ pour 51 % des actions. Uneximbank
organise les enchères et une société filiale de Uneximbank l’emporte avec une enchère de
130 millions d’US$. Un analyste occidental a calculé que Uneximbank avait payé les réserves
pétrolières de Sidanko sur la base de 2 cent le baril alors que le prix généralement admis sur le
marché international était de 4 à 5 US$ le baril.
Yokos : 2e plus grande société pétrolière de Russie, prix de réserve pour 78 % des actions
300 millions US$. La Bank Menatep, désignée par le gouvernement pour organiser les enchères,
l’emportera avec une enchère finale de 309,1 millions US$.
Après son élection en juin 1996 Boris Yelstin nommera Anatoly Chubais premier ministre et
Vladimir Potanin ministre en charge de la politique économique.17
3.
Montants liés à l’activité économique:
15 The Economist, 26 octobre 2002.
16 Matt Bivens & Jonas Bernstein, The Russia You Never Met, http://wayan.net/jjjournal/russia
17 Stanford Law Review 1731-1808 juillet 2000. Russian Privatization and Corporate Governance :What went wrong ? :
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1. Fraude fiscale
La fraude fiscale représenterait de 5 à 25 % des recettes fiscales potentielles dans les pays
développés et de 30 à 40 % dans les pays moins développés.18 Ces chiffres se passent de
commentaires.
Plusieurs États dont l’Italie et la Belgique ont récemment décidé d’amnistier leurs fraudeurs en les
autorisant à rapatrier leurs capitaux placés à l’étranger moyennant le paiement d’une taxe d’un taux
très modique. Il faut noter qu’un projet de loi d’amnistie fiscale a été proposé à l’Assemblée
Nationale en 2003 en France. Ce genre de mesure qui légalise la fraude n’a pas été suivi d’effet très
important, les rapatriements n’ayant été que très partiels. Mais les chiffres publiés à ces occasions
offrent une autre méthode pour estimer l’importance des sommes concernées. Pour la Belgique, le
montant des sommes placées dans les banques du paradis fiscal voisin – le Luxembourg - et qui
échappent ainsi à l’impôt est estimé à 160 milliards d’euros. Pour l’Italie, les capitaux exportés
illégalement sont estimés à 500 milliards d’euros, sur lesquels 60 milliards d’euros ont été rapatriés
en 2001 et 20 milliards € en 2003 lors de la deuxième amnistie, moyennant le paiement d’une
amende au taux dérisoire de 2,5 % 19. Or le produit Intérieur brut de la Belgique est de l’ordre de
280 milliards d’euros et celui de l’Italie de 1 180 milliards d’euros.
Un rapport récent du SNUI, le Syndicat National Unifié des Impôts, met en lumière le montant de
la fraude fiscale en France : 40 à 45 milliards d’euros par an. Dans bon nombre de pays, la
dénonciation des cas de fraude fiscale n’est pas obligatoire. La concurrence fiscale, importante au
niveau mondial, et les asymétries du droit fiscal font que les paradis fiscaux ont encore de beaux
jours devant eux.
Le montant de la fraude fiscale est, aux États-Unis, très supérieur (779 milliards US$) au montant
des activités criminelles (224 milliards US$).
2. Caisses noires
Il suffit de se remémorer les chiffres fournis à l’audience du procès Elf pour se rendre compte de
l’importance du phénomène. L’instruction de l’affaire ELF a mis au jour, dans les marchés liés au
pétrole, le système dit des “abonnements “consistant en une sorte de dîme occulte de 40 cent d’euro
par baril. Selon certaines estimations, ces abonnements représenteraient plus de 150 milliards €
annuels versés à des décideurs publics étrangers.20
3. Fausses factures
Le mécanisme de ces fraudes est bien connu et largement utilisé par les entreprises soucieuses de
verser des commissions qu‘elles pourront ensuite passer en charges dans leur compte
d’exploitation. Les montants en jeu sont absolument impossibles à évaluer.
4. Travail clandestin
Le travail clandestin est à mettre en relation avec l’économie “souterraine “parallèle “ou “grise
“selon les auteurs. La littérature sur l’économie parallèle est importante, mais une étude globale
manque toujours. Malgré tout elle tend à se développer dans le monde.21
L’économie parallèle représente en % du PIB pour la période 1990-1995
Afrique : de 20 % à lIle Maurice à 76 % au Nigéria
Amérique du Sud et Centrale : de 29 % au Brésil à 61 % au Guatemala
Asie : de 13 % à Hong Kong à 71 % en Thaïlande.
Ancienne Union Soviétique : de 29,5 % en Ouzbékistan à 62,1 % en Géorgie
Europe Centrale : de 6,9 % en Slovaquie à 24 % en Bulgarie
Pour les pays de l’OECD : de 9,3 % en Norvège à 27,2 % en Grèce.22
5. Fraude aux assurances
La fraude aux assurances est évaluée aux États-Unis à 100 milliards US$ par an à comparer aux
815 millions US$ de perte selon l’American Bankers Association dus aux fraudes portant sur les
chèques et aux 65 millions US$ dérobés par braquages de banques.
6. Manipulations informatiques
18 Rapport du Conseil de l’Europe du 6 avril 2001 ; Commission des questions économiques et du développement
19 Le Monde des 28 et 29 mars 2004, Les aides au retour des capitaux ont fait la fortune des banques italiennes.
20 Eva Joly, Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?, Paris Les Arénes, 2003, page 278.
21 IFM Working Papers WP/00/26
22 IFM Working Papers WP/00/26
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Les États-Unis estiment les pertes annuelles dues à des manipulations informatiques illégales à plus
de 10 milliards US$ alors qu’au Royaume Uni elles sont évaluées à 5 milliards £. Cette fraude
aurait atteint 43 % des principales entreprises européennes au cours des années 2000-2001 pour un
coût de 3,6 milliards US$.23 On peut citer l’affaire Nick Leeson à Singapour qui a entraîné
d’énormes pertes sur le marché de produits dérivés et la faillite de la plus ancienne banque anglaise
la Banque Barings.
7. Les sommes liées à la délinquance financière
Il serait illusoire de croire que nous avons fait le tour de toutes les formes de malversations
financières. Si les chiffres présentés dans les paragraphes précédents peuvent paraître
spectaculaires, le plus impressionnant reste à venir. Il ne s’agit plus à proprement parler de
délinquance au sens pénal du terme mais bien d’une délinquance financière au sens du bien
publique. En effet, les montants les plus importants résultent de la dissimulation et de la
soustraction à l’impôt des bénéfices des entreprises multinationales.
8. Fraude à la TVA
Entre 13 et 19 milliards d'euros de TVA ont été détournés par des entreprises éphémères qui
profitent de la législation européenne, selon une enquête de Bercy citée dans "Les Échos". Selon le
quotidien économique, les services du ministère de l'Économie en coordination avec les Douanes,
la direction du Trésor et l'INSEE, ont mené une enquête sur cette "fraude massive à la TVA",
consistant en une non-déclaration de flux commerciaux et qui aurait un impact sur les chiffres
français de l'exportation. Bercy a en effet constaté un écart de deux milliards d'euros entre ses
prévisions et les résultats des exportations au troisième trimestre, précise "Les Échos". "Environ
300 millions d'euros de fausses déclarations avérées à ce jour, mais, selon nos informations, le
manque à gagner pourrait se situer entre 13 et 19 milliards d'euros, soit 0,1 point de PIB", estime
"Les Échos". D'autres pays européens comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont été victimes
de ce système, ce "qui a mis la puce à l'oreille du gouvernement". Berlin et Londres "ont déjà admis
être victimes de ce phénomène pour environ 17 milliards d'euros par an chacun". Cette fraude, qui
repose sur le procédé baptisé "carrousel TVA", profite de "l'ouverture des frontières européennes
pour écouler des marchandises à forte valeur ajoutée, comme les téléphones portables, la microinformatique ou les composants électroniques". "Concrètement, des sociétés éphémères sévissant
dans plusieurs pays européens établissent des factures qui permettent à une entreprise cliente de
récupérer la TVA, alors qu'elle n'a pas été payée à l'État, le fournisseur ayant, entre-temps,
disparu", explique "Les Échos" qui ajoute que ce "système est apparu avec l'ouverture des
frontières communautaires en 1993".
9. Trucage des bilans
Le plus bel exemple de trucage de bilans est fourni par l’affaire Enron, spécialisée dans le courtage
d’électricité, puis dans le courtage d’aluminium, de charbon puis tous les courtages possibles :
télécoms, assurance, marchés dérivés et autres activités difficiles à évaluer. Il faut rappeler le
mécanisme de cette faillite. En 1 999 Fortune place Enron à la septième place des entreprises
américaines et lui décerne le titre d’entreprise la plus innovante des États-Unis. Enron annonce un
chiffre d’affaires de 100 milliards US$ et des profits colossaux. Le prix de l’action est multiplié par
cinq en cinq ans. Malgré ces profits colossaux, Enron ne paye aucun impôt sur les bénéfices car
ceux-ci sont essentiellement logés dans des paradis fiscaux. La comptabilité de Enron établie avec
l’aide du Cabinet Arthur Andersen aujourd’hui disparu reposait d’une part sur un gonflement du
chiffre d’affaires par la prise en compte des recettes de contrats non encore signés, le déport de
charges et de dettes dans des structures hors bilan, ces montages sont des Special Purpose Entities,
parfaitement légales et situées dans des paradis fiscaux. Il en a été dénombré environ 711 localisés
dans des paradis fiscaux et 180 dans des pays divers.
10. Les escroqueries pures
L’affaire Madoff représente le meilleur exemple de l’application à très grande échelle (50 milliards
$) d’un type de fraude classique, la pyramide de Ponzzi dans laquelle les intérêts, toujours très
supérieurs au possibilité du marché, sont payés aux premiers déposants avec le capital des dépôts
des clients les plus récents. Il apparaît que cette fraude n’a été possible qu’avec la complicité
23 European Economic Crime Survey 2001 de Price WaterhouseCoopers
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implicite des autorités compétentes (SEC) qui n’ont pas effectué pendant plus de 20 ans les
contrôles qu’elle aurait du faire légalement et l’aveuglement des clients qui veulent toujours gagner
plus sans savoir comment.
11. Transferts de prix
Le commerce mondial intra-groupe représente plus de 60 % du commerce international. Les prix de
transfert sont un moyen qui permet d’optimiser au sein d’un même groupe la pondération de la
masse fiscale mondiale via le transfert territorial de revenus d’un pays à un autre en considérant le
taux effectif de chacun d’eux.
J.-S. Zdanowicz et S. J. Pak ont étudié les anomalies de prix sous-estimés à l’importation et
surestimés à l’exportation et les pertes de revenus que cela a entraîné pour le gouvernement
américain. La perte de revenu simplement pour l’état américain est estimée par les auteurs à
50 milliards US dollars pour la seule année 2001, l’étude n’a malheureusement pas été actualisée
depuis. Il serait intéressant d’avoir une estimation des montants au niveau mondial. En terme
d’entreprise, on appelle cela de l’optimisation fiscale.
Les multinationales profitent largement de cette situation. Les pays industriels occidentaux qui
animent le GAFI font preuve d’une hypocrisie coupable en tolérant voir en encourageant, au-delà
des condamnations vertueuses des centres offshore et des territoires non coopératifs, des
implantations massives de leurs agents économiques dans ce type d’États. Certains d’entre eux,
comme les États-Unis, les y encouragent même en autorisant explicitement les montages d’évasion
fiscale destinés à garantir leur compétivité commerciale internationale. La loi américaine sur les
sociétés de vente à l’étranger officialise ainsi l’exonération fiscale des sociétés qui domicilient, de
façon tout à fait artificielle mais licite, les profits générés par des contrats internationaux, dans des
filiales implantées dans les centres offshore. Il faut noter que grâce à ce mécanisme 9 des 10 plus
grandes entreprises américaines n’ont pas payé d’impôts ces dernières années.
12. Les banques françaises aux Îles Caïman
Les Îles Caïmans présentent toutes les caractéristiques du centre Offshore : Secret bancaire à toute
épreuve, facilité de création de sociétés, fiscalité légère, supervision minimale des autorités
financières. En 2000, la Banque des règlements internationaux avait évalué les actifs gérés à
900 milliards de US$. Les banques immatriculées aux Îles Caïman gèrent des dépôts évalués à
500 milliards de US$ environ, ce qui en fait la cinquième place financière mondiale. De plus, la
législation locale permet l’établissement de banques coquilles puisqu’il n’existe aucune obligation
de présence physique sur le territoire au-delà de la désignation d’un représentant local incarné par
des cabinets juridiques. Il ne faut pas s’étonner qu’il existe près de 600 banques dont seulement une
trentaine sont des banques locales, le reste étant des succursales ou des filiales de banques
occidentales dont onze établissements appartenant à des groupes français.
Raison Sociale
BNP
Sudameris
BNP Parisbas Private Bank
CA Indosuez
CIC
Crédit Lyonnais
Inchauspe Bank corporation
Indosuez Trust company
Natexis Banque Populaire
Paribas
Société Générale
N° Licence
79012
88012
95036
79011
91067
74012
89016
93009
77005
78010
79033
Type de licence
Banque et trust
Banque et Trust
Banque et Trust
Banque
Banque
Banque
Banque
Trust
Banque
Banque
Banque
Source : Autorité Monétaires des Îles Caïman
13. News Corporation (optimisation fiscale)
La société créée et gérée par Monsieur R.Murdoch officie principalement dans 3 pays : Australie,
États-Unis et Grande Bretagne où les taux d’imposition sont respectivement de 35 %, 24 % et
30 %. Il est très difficile de connaître la structure juridique exacte de cette société qui est composée
d’environ 800 filiales dont environ 60 sont enregistrées aux Bermudes, aux Îles Caïman, aux
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Antilles Néerlandaises et aux Îles Vierges Britanniques où le secret bancaire est aussi attractif que
le climat. En Angleterre, la principale entité NewsCorp Investments et ses 101 filiales ont réalisé
depuis juin 1987 un bénéfice total de 1,4 milliard £ (Livre Sterling). Grâce à l’utilisation de toutes
les ficelles fiscales, NewsCorp Investments a réussi à ne pas payer d’impôts sur les sociétés depuis
cette date. En cherchant un peu, on découvre que la société la plus rentable de cette organisation
complexe est une entité appelée News Publishers enregistrée aux Bermudes. Elle a réalisé un
bénéfice de 1,6 milliard US$ au 30 juin 1996, ce qui est tout à fait remarquable pour une société qui
paraît n’avoir aucun employé ni d’autres sources de revenus que les sociétés de Monsieur
Murdoch.24
14. Les entreprises du CAC 40
Sociétés
BNP Paribas
LVMH
Schneider
Crédit Agricole
PPR
Banque Populaire
France Telecom
Société Générale
Lagardère
Danone
EADS
Peugeot
Carrefour
Pernod
Capgemini
Unibail
Axa
Michelin
Air Liquide
Essilor
Bouygues
Sanofi Aventis
Renault
Dexia
Accor
Lafarge
Saint Gobain
GDF Suez
EDF
Veolia
Alstom
Alcatel Lucent
Vallourec
Suez Environnement
Arcelor Mittal
Vivendi
Auchan
Banque Postal
Total
Nombre de filiales dans les
Paradis fiscaux
189
140
131
115
97
90
63
57
55
47
46
39
32
32
31
31
28
27
22
22
18
18
16
15
11
11
11
9
8
8
6
5
5
4
1
4
3
1
1470
En % du nombre total de sociétés
dans le groupe
23
24
22
19
17
9
24
17
11
23
19
11
6
24
24
20
22
18
8
10
18
14
11
33
11
12
14
13
12
7
15
14
8
10
13
11
5
6
16
Source : Alternatives Economiques,
24 Economist 20 mars 1999
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documents de référence des entreprises concernées 2007 ou 2008
On peut se demander pourquoi ces grandes entreprises françaises industrielles ou bancaires (liste
non exhaustive) ont besoin d’avoir des filiales dans les paradis fiscaux. La question mérite d’être
posée publiquement et les réponses publiées afin que les français soient informés. Les entreprises
étrangères aussi importantes que Boeing, Halliburton, Morgan Stanley, Pepsi, Citigroup et Xerox
sont incorporées dans des paradis fiscaux ou disposent d’un grand nombre de filiales à ces endroits.
Cela leur permet de sous-déclarer leurs bénéfices pour le paiement des impôts alors que, dans le
même temps, elles bénéficient de l’argent du contribuable par l’intermédiaire des contrats du
gouvernement.
6. La lutte contre les paradis fiscaux
1. Les organisations en charge de la lutte
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Conseil de l’Europe
Banque Mondiale
BERD
FMI
OMC
Organisation Mondiale des Douanes
CE (Secrétariat Général du Conseil des Ministres)
INTERPOL
ONU
UNICRI (Institut Interrégional de Recherche des Nations Unies Criminel et
Judiciaire)
HEUNI (Institut Européen pour la prévention et le contrôle des crimes)
OCDE
FATF/GAFI
TI (Transparency International)
G8
OLAF (Office européen de Lutte Anti-Fraude)
2. Les moyens mis en œuvre
Selon le Rapport Landau, « il existe un consensus international pour lutter contre l’évasion
fiscale ». En réalité, les stratégies mises en œuvre jusqu’à présent, notamment par le Groupe
d’action financière internationale (GAFI), créé par le G7 en 1989, ou à travers l’OCDE,
apparaissent surtout comme une couverture permettant le maintien du système. Les organismes qui
s’occupent de lutter contre la corruption sont en grand nombre et leurs résultats extrêmement
décevants. Ces organismes produisent d’innombrables rapports qui ne sont jamais suivis d’effets.
Tous ces détournements ont un point commun qui n’apparaît pas toujours : les bénéfices sont
systématiquement engrangés dans les « Paradis Fiscaux » car les activité financières illégales
nécessitent un lieu de stockage à partir duquel il sera possible d’en réintégrer les bénéfices dans
l’économie traditionnelle au bénéfice de quelques uns et au détriment du plus grand nombre des
citoyens de cette planéte.
3. La tendance récente
Le 15 octobre, François Fillon parlait de supprimer les paradis fiscaux. "Des trous noirs comme les
centres offshore ne doivent plus exister, et leur disparition doit préluder à une refondation du
système financier international", affirmait, d'un ton martial, le Premier ministre à l'Assemblée
nationale. A peine un mois et demi après cette déclaration, ce combat semble d'ores et déjà terminé,
Fillon déclarant, ni plus ni moins, que la Suisse n'est pas un paradis fiscal. "La Suisse n’est pas un
paradis fiscal, elle n’est pas considérée comme telle par l’OCDE, elle n’est pas considérée comme
telle par la France", a déclaré le Premier ministre, il y a quelques heures, lors d'un déplacement en
Suisse. Les membres du G20 ont enfin fait une timide allusion aux paradis fiscaux contre lesquels
luttent particulièrement la France et l'Allemagne, en se disant d'accord pour que ces "juridictions
non coopératives" soient identifiés par les organismes internationaux concernés, et qu'une "boîte à
outils" de "contre-mesures" contre eux soit développée. Pour le moment, rien de concret n’est
prévu. On en reste encore au stade déclaratif. La chancelière allemande Angela Merkel a plaidé
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dimanche pour un "résultat ambitieux" au G-20 de Londres le 2 avril prochain, en prônant
notamment des "sanctions" contre les paradis fiscaux.Mais la réunion du G20 a le mérite de
remettre le problème sur la table. Les différentes recommandations, comme celle de promouvoir
l’intégrité des marchés, d'introduire plus de transparence et de renforcer la régulation, peuvent
s’avérer efficaces pour réduire la nocivité des paradis fiscaux si on dépasse le stade de la bonne
volonté. Cependant, au delà du G20, c’est le travail des citoyens, des associations, des médias de
nous mettre en alerte : c’est aussi à eux de relayer les recommandations du G20 et de faire en sorte
qu'elles aboutissent à des mesures concrètes.
7. Conclusion
Le manque de ressources financières est un des leitmotivs du discours politique, dans tous les pays et
dans tous les partis. Il n’est pas possible de trouver plus d’argent pour la recherche, pour l’enseignement,
pour les chômeurs, pour la santé, pour l’aménagement des banlieues, pour l’aide aux pays pauvres, pour
rémunérer correctement les fonctionnaires, pour aider les agriculteurs ou les marins-pêcheurs, pour répondre
de façon plus générale à tous les besoins auxquels l’État est supposé pouvoir apporter une réponse. La raison
évidente de cette situation est que les ressources publiques proviennent des impôts et que chacun sait que les
impôts sont déjà trop lourds. Aucune fiscalité n’est populaire, ni les impôts directs qui réduisent les revenus
des particuliers, ni les taxes indirectes qui augmentent les prix des marchandises, ni les prélèvements sur les
salaires qui accroissent le coût de la main-d’œuvre. Les hommes politiques qui veulent être soutenus par
l’opinion publique et réélus doivent toujours promettre de baisser les impôts.
En fait l’importance des phénomènes qui sont classés sous le terme imprécis de « corruption » est
aujourd’hui largement sous estimée. Et cette sous-estimation, entretenue par les médias, est officiellement
encouragée. La complicité de la classe politique et des dirigeants économiques pour certaines formes de
corruption, en particulier pour la fraude fiscale, comme le prouve l’acceptation de l’usage des « paradis
fiscaux », semble normale à beaucoup d’esprits. L’opinion publique n’est correctement informée ni sur les
diverses formes de criminalité financière, ni sur l’étendue de ce genre de pratiques, ni sur leurs conséquences
pour les finances publiques et pour la bonne marche de l’économie, ni bien entendu sur les montants
financiers en jeu. Aucune relation n’est établie entre cette criminalité et les inégalités en matière de fortunes
et de revenus, alors qu’elle est fondamentale. Et la législation pénale en ce domaine reste insuffisante pour
sanctionner toutes les irrégularités, et reste surtout très diverse suivant les pays, permettant ainsi aux
fraudeurs et aux délinquants de trouver facilement asile contre les poursuites.
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