Définition : étranger

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Définition : étranger
Définition : étranger-immigré
Trois définitions de l’étranger
Définition technique
Elle relève du registre juridique : celui qui n’a pas la nationalité du pays où il réside.
Définition du sens commun
Celui qui n’appartient pas à la communauté nationale ou à une autre communauté (régionale,
locale, villageoise…) ou qui ne semble pas lui appartenir à cause de ses caractéristiques,
quelles qu’elles soient (physiques, langagières, vestimentaires, religieuses…)
Définition sociologique
Celui qui est l’objet d’une mise à l’écart par le groupe majoritaire qui ne reconnait pas sa
pleine appartenance au groupe, quels que soient ses points communs ou ses différences
objectivement partagés avec les membres du groupe. Il y a ce processus de mise à distance, ce
qui est aussi un mode de relation (Simmel). Le point de vue est relationnel.
La définition sociologique rend compte de ce processus social de mise à l’écart, qui est
justifiée, dans le sens commun, par les critères « rédhibitoires » que le groupe érige en normes
pour écarter certaines personnes. Ces critères sont « naturalisés », réifiés par le sens commun,
ils deviennent des caractéristiques « naturelles », « essentielles », de l’autre. Quelquefois, ces
caractéristiques sont même abstraites ; on entend : « Il est différent » comme si être différent
était une caractéristique en soi, comme si il n’était pas « différent de nous » au même titre que
nous sommes « différents de lui » par tel ou tel trait. Le processus caractérise autant l’étranger
que le groupe qui le tient à l’écart : c’est un exemple d’effet miroir.
Cf Brigitte Fichet, Etrangers et immigrés, deux termes problématiques, Revue des sciences
sociales de la France de l’Est, n° 20, 1993, pp. 112-117.
Trois définitions de l’immigré
Définition technique
Elle relève de la démographie et de la géographie (en aucun cas du droit)
Celui qui a effectué une immigration, c’est-à-dire qui a franchi une limite pour entrer dans un
espace considéré ; tout espace est possible (continent, département, quartier…), dès que l’on
peut en percevoir la limite, celle qui est franchie) ; en même temps, l’individu sort d’un autre
espace et est donc un émigré.
La population qui franchit cette limite (cigognes, humains, jeunes…)
Définition du sens commun
C’est l’étranger qui vient de l’étranger
Il y a là une double réduction de la définition précédente :
bfichet/2008
- l’espace considéré est, dans une évidence aveuglante, l’espace national
- la population qui franchit la limite est une population étrangère
De plus, l’étranger est ici un étranger de « seconde zone » : on ne dit pas généralement qu’un
Allemand, un Américain ou un Canadien est un immigré ; le terme est plutôt réservé à ceux
qui viennent d’une ancienne colonie française ou d’un pays dit sous-développé.
En outre, on emploie ce mot pour désigner des personnes qui n’ont jamais immigré :
« immigré de la deuxième génération » = enfants nés en France d’étrangers qui ont immigré.
(Cela ferait bien rire si l’on parlait de vaccinés de la 2e génération ou de diplômés de la 2e
génération).
Définition de l’Insee
Celui qui est né étranger à l’étranger (puis resté étranger ou devenu français)
La définition est proche du sens commun mais un peu plus contrôlée. Elle a le grand
inconvénient d’exclure les Français de naissance nés à l’étranger qui reviennent en France : il
n’y a plus de mots pour désigner les Français rapatriés d’Algérie, les Allemands qui ont
immigré en Allemagne après la deuxième guerre mondiale…
Il n’y a plus de mot pour définir l’immigré national, il devient indicible. En conséquence de
ce point aveugle, il y a peu d’études comparant l’immigration de nationaux et d’étrangers
pour évaluer l’effet de la nationalité dans ce processus de mobilité géographique.
Remarque
En sociologie, on gagne à adopter la définition technique pour élaborer une approche de la
migration comme une forme de mobilité, géographique, parmi d’autres. On peut ensuite
comparer la mobilité géographique des nationaux et des étrangers comme le fait Dominique
Schnapper, pour étudier concrètement l’impact de la nationalité dans la mobilité et non pas le
présumer.
La sociologie peut rendre compte de la définition du sens commun comme elle rend compte
de celle de l’étranger ; «immigré » est encore plus stigmatisant que « étranger ». Le terme
immigré est d’un emploi moins descriptif et plus performatif et prescriptif.
bfichet/2008