La lettre A - Vers un ordre national des avocats

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La lettre A - Vers un ordre national des avocats
Vers un ordre national des avocats ?
Les avocats seraient-ils enfin prêts à se mettre en ordre… national ? La multiplication des prises
de position ces dernières semaines prouve au moins que le débat sur la représentativité de la
profession, divisée entre le Conseil national des barreaux (CNB), l'Ordre des avocats de Paris et la
Conférence des bâtonniers, est ouvert.
Frémissement. Le 1er décembre avait lieu la première réunion du groupe de travail, tout juste
lancé par l'Ordre de Paris, sur la refonte de la gouvernance de la profession d'avocat. A sa tête, l'exbâtonnier du barreau parisien Jean Castelain. Son rapport est attendu le 18 décembre. L'avocat,
associé chez Granrut, ne fait pas mystère de ses envies de rénovation. Il avait organisé en 2011 un
sondage sur la pertinence d'instaurer un ordre national, et 75% des avocats interrogés s'y étaient
dits favorables. Fin octobre, le bâtonnier de Toulouse Pascal Saint-Geniest y est aussi allé de son
couplet, dénonçant la faiblesse institutionnelle du CNB, créé en 1990 pour représenter les robes
noires auprès des pouvoirs publics, et appelant de ses vœux un ordre national.
Désaccords. Tiraillée entre ses instances dirigeantes (le CNB, la Conférence des bâtonniers et les
ordres), rarement d'accord entre elles, la profession sait qu'elle doit réorganiser sa représentativité.
Mais les traditions ont la vie dure et les résistances sont fortes. Jean-Luc Forget, président de la
Conférence des bâtonniers, gage ainsi qu'une réforme du CNB pourrait peut-être suffire pour en
améliorer l'efficacité. Les débats au sein de l'institution sont d'ores et déjà laborieux. Trois années de
travaux engagés par le Conseil sur son évolution viennent d'aboutir, après d'âpres discussions au
sein du bureau, à… une note évoquant timidement la façon de renforcer les pouvoirs de
l'institution. "C'est un rapport d'étape qui pose les bonnes questions", estime cependant PhilippeHenri Dutheil, membre du CNB, avocat chez Ernst & Young et ancien bâtonnier des Hauts-deSeine. La réflexion souffre de la rotation rapide (un à deux ans) des représentants à la tête de ces
instances. Succédant à Jean Castelain, chantre de l'ordre national, comme bâtonnier de Paris,
Christiane Féral-Schuhl ne voyait pas d'urgence en janvier à avancer sur ce thème. Christian
Charrière-Bournazel, le président du CNB, semble lui privilégier d'autres chantiers.
Polyphonie. Pourtant, cette situation coûte cher, financièrement et politiquement. Le budget
annuel du CNB, logé dans un immeuble de 400 mètres carrés rue de Londres, s'élève à 11 millions
d'euros. La Conférence des bâtonniers affiche un budget de 1,7 million d'euros. Auxquels s'ajoutent
les budgets respectifs des 160 ordres répartis sur le territoire. Or, à ce prix là, la voix des avocats n'est
pas portée de façon efficace auprès des pouvoirs publics. Exemple avec le projet de rapprochement
des avocats et des juristes d'entreprise : la Conférence des bâtonniers y est farouchement opposée,
le barreau de Paris plutôt favorable, et le CNB a été incapable de trancher, en 2010, votant à 50%
pour et 50% contre ! Au final, le projet n'a toujours pas abouti et le précédent garde des Sceaux,
Michel Mercier, a renoncé à son texte. Même chose ces derniers mois sur la passerelle permettant le
passage des hommes politiques vers le barreau. Cette cacophonie a en revanche du bon pour les
pouvoirs publics : ils ont l'embarras du choix pour trouver celui de leurs interlocuteurs qui leur
fournira la réponse la plus conforme à leurs attentes. Ce qui n'incite guère le gouvernement à jouer
les aiguillons de la réforme…

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