dossier / paris

Transcription

dossier / paris
CHÂTEAUVALLON.COM
THÉÂTRE COUVERT
PROCHAINEMENT
—
GENRE
THÉÂTRE
—
DATE(S)
VENDREDI 14, SAMEDI 15 OCTOBRE 2016
—
HORAIRE(S)
20H30
—
DURÉE
2h30
—
SPECTACLE
—
PARIS
DAVID BOBEE
—
MENTIONS
—
Production Centre Dramatique National de Haute-Normandie
Coproduction Les Subsistances, Lyon
Le CDN de Haute-Normandie est un EPCC (Établissement Public de Coopération Culturelle) subventionné par le Ministère
de la Culture / Drac de Haute-Normandie, le Conseil régional de Haute-Normandie, le Conseil général de la Seine-Maritime, la Ville de Rouen, la Ville de Petit-Quevilly et la Ville de Mont-Saint-Aignan.
PARIS
Mise en scène
David Bobée
Sur une proposition de
Guy Walter & Cathy Bouvard
(création Juin 2015, Les Subsistances, Lyon)
d’après Mélo
un roman de Frédéric Ciriez
(éditions Verticales, 2013).
David Bobée revient à Châteauvallon avec un spectacle intimiste adapté du
roman «Mélo» de Frédéric Ciriez dont il adapte le monologue de Parfait, le
congolais, conducteur de camion-poubelle le jour et prince de la sape la nuit,
qui voit défiler l’envers d’un Paris de carte postale depuis son habitacle. Celui
du triangle Magenta – Strasbourg Saint Denis – Hauteville rehaussé de tenues
bigarrées, de mains aux ongles bleus, de petites ventes à la sauvette, d’épis de
maïs grillés sur un brasero, de paradeurs glosant… Comme pour abroger les
distances, David Bobée transforme en un tour de passe-passe vidéo le plateau
en espace extérieur et les rues de Paris en espace intérieur, le tout parsemé
de sacs poubelles et de Tours Eiffel miniatures ! Dans cet univers contrasté, le
comédien Marc Agbedjidji se métamorphose à la nuit tombée, endossant avec
brio les habits du dandy, pas dupe un seul instant que Paris peut être poussiéreuse et clinquante, raciste et violente.
Un appartement éclairé des seules lueurs de gadgets clignotants ; des murs qui
s’animent en vidéo, pour faire exister un Paris dont on s’enorgueillit peu ; le Paris
des égouts, des immigrés, des vendeurs à la sauvette de souvenirs en toc ; le Paris de
Parfait, éboueur et sapeur à ses heures.
Avec Paris, figure de la ville matrice en toile de fond, «Mélo» est un triptyque de
l’écrivain Frédéric Ciriez, une trinité fantasque façonnée par la magie de la langue et
un sens extraordinaire de l’observation.
Dans ce spectacle, David Bobée choisit d’extraire la seconde partie du roman : le
monologue de Parfait. Sur les murs et baies vitrées, supports de projections multiples,
se déploient des paysages qui peuplent un univers intérieur. Dans ce lieu de l’intime
qui se métamorphose au gré des images qu’il invoque, Parfait dévoile une façon d’être
au monde, révélatrice des us et coutumes d’une collectivité plus vaste.
Avec LA SAPOLOGIE
Marc Agbedjidji, Conducteur de camion-poubelle le jour, Parfait de Paris joue les sapeurs la nuit.
Angelo Jossec,
L’éboueur congolais se transforme en prince de la sape*et parade à Paris comme on
Marius Moguiba
l’entend à Bacongo, où les auto-proclamés représentants de la Société des Ambianceurs
et Personnes Elegantes recyclent les codes du dandysme pour assortir chaussettes,
Création video cravates et vêtements de marque de type flamboyant.
José Gherrak et Wojtek Doroszuk
DE PARIS À L’AFRIQUE
Création son
Jean-Noël Françoise Le Paris de Parfait le congolais est de ceux qui dévoilent le palpitant théâtre d’un
Création lumière
Stéphane Babi Aubert
Création costumes
Pascale Barré
quartier populaire ordinaire. Des vagues de femmes aux «ongles bleus», rabattues
dans les salons «pour beautés noires, mâtes et métissées», par «des dizaines de
bons à rien habillés comme des stars de RnB au chômage». Des paradeurs glosant,
entre deux défilés-concours, sur l’art de la sapologie. Un briquet vendu par une
jeune chinoise à rollers, projetant l’image d’une fantasmatique prostituée russe…
DES SPHÈRES PÉRIPHÉRIQUES AU CENTRE DU PLATEAU
* La Société des Ambianceurs et
des Personnes Elégantes, ou SAPE,
est une mode vestimentaire populaire née après les indépendances au
Congo-Brazzaville pour ensuite se
propager au Congo-Kinshasa chez les
jeunes. Ce courant est dans la filiation
du dandysme et ses adeptes, appelés
les sapeurs s’habillent ainsi chez les
grands couturiers, et pratiquent la
sapologie.
La beauté ne vient pas de ce que tu
regardes. L’important, c’est qui regarde,
et d’où ça regarde.
Parfait de Paris, in Mélo
de Frédéric Ciriez
Fidèle à l’idée que la beauté ne se trouve pas toujours où on l’attend, David Bobée regarde le
monde tourner à partir de ses marges. Et fait théâtre de tout et avec tous, remettant au centre du
jeu ceux qui se trouvent plus souvent qu’à leur tour cantonnés à des sphères périphériques. Des
acteurs de toutes les couleurs, de toutes les cultures, et de tous les accents, qui ressemblent à
la France d’aujourd’hui. Des personnages déclassés, qui déjouent avec panache les idées reçues
de nos représentations médiatiques. En glissant ses pas dans ceux de Parfait, il va retrouver
un peu du Congo qui lui est cher, et faire résonner une de ces voix «issues de l’immigration»
dont on entend rarement l’écho, pour observer les splendeurs, travers et mutations d’une
société métissée.
DAVID BOBEE
Depuis la fondation de sa compagnie Rictus en 1999 à Caen, le metteur en scène oeuvre pour un
théâtre sans frontières. Ses interprètes sont acteurs, danseurs ou acrobates, professionnels, amateurs ou en situation de handicap, et brillent par leur diversité de nationalités et de cultures. Avec eux,
il donne à réfléchir le monde depuis ses périphéries et ses identités différentielles (les sans-papiers,
les prisonniers, les gays et lesbiennes... ). Passant par des codes esthétiques populaires, son propos
procède toujours d’un soulèvement, objectant des univers romantiques qui réactivent cette enfance
qui nous fonde.
David Bobée est engagé dans une recherche théâtrale originale. À partir du dispositif scénique, il met
en oeuvre conjointement une scénographie, l’écriture dramaturgique, le travail du son, de l’image et
du corps. Ses créations mêlent le théâtre, la danse, le cirque, la musique, la vidéo et la lumière. Il a
longtemps été le collaborateur artistique d’Éric Lacascade, comédien et danseur avec Pascal Rambert. Travaillant avec des auteurs contemporains au service d’une écriture de plateau, notamment
avec Ronan Chéneau : «Res persona», «Fées», «Cannibales», «Nos enfants nous font peur quand on
les croise dans la rue», «Warm», «Petit Frère», «My Brazza», ou avec d’autres auteurs avec lesquels
il crée «This is the end», «Gilles», «Je t’a(b)ime», «Dedans Dehors David» ; c’est dans le même
esprit qu’il revisite Shakespeare («Roméo et Juliette», «Hamlet»), Hugo («Lucrèce Borgia») ou Ovide
(«Metamorphosis», «Les lettres d’amour»), et qu’il collabore avec de nombreux théâtres à l’étranger,
notamment avec le Gogol Center de Moscou et l’espace Go de Montréal.
Il aime à inventer des rencontres avec des artistes venus d’horizons différents : le chorégraphe
congolais Delavallet Bidiefono, le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov avec lesquels il signe
plusieurs créations, le réalisateur François Goetghebeur avec lequel il tourne un film de théâtre, le
clown Gilles Defacques, la comédienne indonésienne lne Febrianti... Viennent ensuite «Dios provera»,
spectacle de cirque et de musique baroque à Bogota (Colombie), «Paris» d’après le roman de Frédéric
Ciriez et l’opéra «The Rake’s Progress» de Stravinsky. Depuis septembre 2013, il est directeur du
Centre Dramatique National de Haute-Normandie, premier CDN à vocation transdisciplinaire.
En 2014, il crée «Lucrèce Borgia» de Victor Hugo avec Béatrice Dalle dans le rôle-titre, spectacle en
tournée en 2014, 2015 et 2016.
FRÉDÉRIC CIRIEZ
Il est né à Paimpol, en Bretagne, en 1971. Il a suivi des études de lettres et de linguistique. Après
plusieurs collaborations littéraires, il publie son premier roman, «Des néons sous la mer». Puis, une
nouvelle «Femmes fumigènes» .
Il a participé au projet des Subsistances «La traversée du chaos», en septembre 2014, un itinéraire
artistique et participatif hors les murs.
À partir de « l’ iliade et l’Odyssée» , Frédéric Ciriez, Eva Almassy et Claude Arnaud ont écrit et porté un
regard sur le monde d’aujourd’hui.
C U LT U R E
LE MONDE g SAMEDI 14 MAI 2016
7
SAPEURS
A FR I Q UE v La « sape »,
cet art du vêtement
né au Congo en réaction
à la colonisation, est-elle
victime de son succès ?
Certains voient dans sa
récupération une manière
de perpétuer les clichés
sur les Africains
F R A NÇO IS E A L E X A N D E R
C
hapeau melon haut-de-forme
rouge rehaussé d’un large ruban,
ample tunique blanche brodée de
noir. Pour ce qui allait être son dernier concert, Papa Wemba n’a pas dérogé à la règle
qu’il s’était fixée : être élégant. Mort sur la
scène du Festival des musiques urbaines
d’Anoumaba, à Abidjan (Côte d’Ivoire), à
l’aube du 24 avril, le ténor de la rumba congolaise restera dans les mémoires comme l’un
des grands musiciens de son époque. Mais
aussi comme l’un des promoteurs de la
Société des ambianceurs et des personnes
élégantes (SAPE), mouvement qui célèbre la
coquetterie et le style.
Le phénomène s’est popularisé dès les années 1960 dans les deux Congos, Brazzaville
et Kinshasa. Il tirerait ses origines d’une culture traditionnelle de l’apparat, associée à
une réaction à la domination coloniale. La démarche rencontre une telle adhésion que la
sape africaine a fini par faire son entrée sous
cette acception dans l’édition 2016 du
Larousse. Des livres et de nombreux créateurs
la célèbrent. Mais tout succès se paye : à trop
devenir l’objet d’une récupération commerciale, le mouvement ne risque-t-il pas de perdre son âme ? Comment le sauvegarder sans
tomber dans l’exotisme ?
La sape émerge au cours des années 1920,
lorsqu’un tirailleur originaire du Pool (sud du
Congo), André Matsoua, rentre au pays après
la guerre du Rif. Dans ses valises, quelques
beaux habits, et en lui la farouche volonté de
combattre pour la libération de sa terre natale.
Dénonçant le sort réservé aux tirailleurs une
fois démobilisés, il refuse d’abandonner son
uniforme. A la même époque, ils sont déjà
quelques-uns à imiter les colons en endossant
leurs tenues. « Dans les années 1930-1940, en
Afrique noire, il existait des “évolués”, selon la
terminologie de l’époque, qui copiaient les
Européens. Ils posaient et prenaient leurs attitudes. C’était pour eux une manière de marquer
leur positionnement social et d’affirmer leur
identité. Ce dandy-là est une vieille figure de la
littérature africaine », explique Romuald
Fonkoua, directeur du Centre international
d’études francophones de la Sorbonne.
Dans les années 1960, l’enjeu est autre : « Les
indépendances sont des années de déliquescence et de dictature permanentes. Cela
engendre une réaction populaire qui s’exprime
à travers la tenue vestimentaire », poursuit
celui qui est aussi directeur de la rédaction de
la revue Présence africaine. La sape, c’est le
refus de l’« abacost » (« à bas le costume »), qui
interdisait le port du costume européen et de
la cravate, décrété dans les années 1970, lors
de la zaïrianisation de la société congolaise,
par un Mobutu coiffé d’une toque façonnée
en peau de léopard, symbole de pouvoir chez
les Bantous. « En cela, détaille Romuald
Fonkoua, la sape est une attitude totalement
révolutionnaire, de résistance, qui affirme une
identité africaine ouverte sur le monde, alors
que le discours de Mobutu était totalement
replié sur lui-même. »
La sape, c’est aussi la volonté de troquer les
armes contre des tenues hautes en couleur
(jamais plus de trois !) et des accessoires tapeà-l’œil. Les combats symboliques auxquels se
livrent ses adeptes remplacent ceux menés par
les Ninjas et les Cobras lors de la guerre civile
de la fin des années 1990, qui permettra à
Denis Sassou Nguesso d’accéder au pouvoir à
Brazzaville. Les « dix commandements » de la
« Si la sape est si bien
accueillie en France,
c’est parce que cela
participe du mythe
du bon sauvage »
Simon Njami, cofondateur de « Revue noire »
b
sapologie exigent un comportement irréprochable et une ouverture sur le monde : « Tu ne
seras ni tribaliste, ni nationaliste, ni raciste »,
est-il expressément enjoint. « La sape, c’est un
art, c’est la joie. Ça va de pair avec la musique.
C’est un exhibitionnisme bien contrôlé pour
embellir la vie », précise le Kinois Deb’s Bukaka,
l’un des musiciens de Coup fatal.
Composé par le contre-ténor Serge Kakudji, ce
spectacle, qui termine une tournée en France,
mêle de manière époustouflante musiques
congolaises et musiques baroques européennes. La sape y est convoquée avec humour et
autodérision, et les spectateurs rient de bon
cœur. Mais, parfois, le malaise s’installe. Quand
l’exubérance des costumes tourne à l’outrance,
quand le burlesque frôle le grotesque, le danger
pointe de glisser du rire à la moquerie. De nourrir certains clichés, et de ressusciter le regard
des colons, qui détaillaient, non sans sarcasmes, dans leurs récits de voyage, la manière
dont les « indigènes » investissaient les codes
vestimentaires occidentaux.
Posture politique
« Je n’ai pas peur du burlesque, à condition de
trouver l’équilibre, réplique Alain Platel, le
chorégraphe belge de Coup fatal. Plus que tout,
j’ai voulu transmettre cette énergie positive que
l’on trouve en RDC [République démocratique
du Congo] et qui peut aussi aider les Européens. » Une énergie qui a également attiré plus
de 120 000 visiteurs à la Fondation Cartier pour
découvrir, de juillet 2015 à janvier 2016, l’exposition « Beauté Congo ». L’affiche montrait un
couple bigarré, dessiné par le très prometteur
JP Mika. Sapeur lui-même, cet ancien élève de
Chéri Chérin (l’un des pionniers de la peinture
congolaise dite « populaire », née à la fin des
années 1970) joue avec les codes de la sape,
n’hésitant pas à rehausser sa peinture de
paillettes bling-bling.
« Dans la culture congolaise, il y a un amour
du beau que l’on retrouve dans la manière de
s’habiller et dans ces œuvres qui ne se prennent pas au sérieux, explique Leanne Sacramone, cocommissaire de l’exposition.
L’autodérision est très présente, et c’est aussi
l’une des raisons pour lesquelles on apprécie
ces créations. » Comme naguère, lorsque les
colonisés affirmaient leur volonté de renver-
SACHANT
Severin Mouyengo sur le seuil de sa maison de Bacongo, à Brazzaville · Hector Mediavilla/Pandora/Picturetank
SAPER
ser l’ordre social et politique en portant la
même tenue que le colonisateur, les sapeurs
revendiquent par leur apparence le pouvoir
de se penser eux-mêmes, de s’affirmer
comme des êtres libres. Du moins jusqu’à ce
que cette posture socio-politique se transforme en business juteux ou en phénomène
de mode. Car la sape, aujourd’hui, est on ne
peut plus tendance.
En 2010, Paul Smith présentait sa collection
inspirée de l’ouvrage Gentlemen of Bacongo
(Trolley Books, 2009), du photographe
Daniele Tamagni. Des marques de luxe (Louis
Vuitton, Christian Louboutin pour sa collection homme printemps-été 2016) ou de boisson (Guiness, Vitamalt) recourent à la sape
pour vendre leurs produits. La fashionista et
chanteuse Solange Knowles, en 2012, en a fait
un clip, Losing You. En 2015, Stromae rend visite aux sapeurs lors de son passage à Brazzaville. Maître Gim’s remporte une Victoire de la
musique en 2016 pour son titre Sapé comme
jamais, qui cumule plus de 145 millions de
vues sur YouTube… Un enthousiasme qui
laisse sceptiques certains observateurs. Simon Njami, par exemple, pour qui « un regard
extérieur, quelle que puisse être son honnêteté,
ne peut pas manquer de voir ce phénomène
avec un léger sourire plein d’ironie ». Le cofondateur de Revue noire va plus loin encore : la
sape n’est, à ses yeux, qu’un « étalage absurde », auquel seuls les Occidentaux ont
donné un contenu. « Si la sape est si bien accueillie en France, affirme-t-il, c’est parce que
cela participe du mythe du bon sauvage. »
Les créateurs eux-mêmes y échappent-ils
lorsqu’ils immortalisent, à l’instar des photographes français Pascal Maitre, italien
Daniele Tamagni ou espagnol Hector
Mediavilla, les défilés de sapeurs sur fond de
misère ? « Mon intention était de réaliser un
reportage sur la vie quotidienne africaine, loin
des clichés occidentaux, écrit Hector
Mediavilla dans son ouvrage S.A.P.E.
(Intervalles, 2013). Je ne voulais pas tomber
dans une réflexion sur la guerre, la famine, le
tribalisme en carton-pâte ou les beautés
innées du continent africain visant à produire
un effet à tout prix. Je souhaitais photographier d’autres aspects qui permettraient de
comprendre la complexité de la réalité socioéconomique africaine et le lien avec son passé
colonial. » Par un effet pervers, ces clichés, qui
jouent sur la dissonance, exposant des tenues
colorées sur fond de murs au ciment défraîchi, pourraient pourtant nourrir les poncifs
éculés d’une Afrique à la fois miséreuse et
haute en couleur, aux mœurs singulières, où
le superficiel, l’avoir, l’emporte sur l’être.
Individualité contrariée
Comment saisir la sape sans la dénaturer ? « Je
photographie les sapeurs sans les faire poser,
confie le Congolais Baudouin Mouanda. La
différence entre mon approche et celle
d’Hector Mediavilla, qui a animé un atelier
photographique à Brazzaville en 2003, auquel
j’ai participé, c’est que, moi, je vis avec eux. Lui
est dans un travail documentaire. Pas moi. »
De fait, chez Mouanda, le contexte de misère
endémique est absent. Tout est dans le mouvement, les détails.
« Ce qui importe, c’est de donner la parole à ces
hommes que l’on ne veut pas voir chez nous.
Pour ne pas tomber dans l’exotisme, il ne faut
être ni dans l’exhibition ni dans le documentaire », soutient quant à lui David Bobée.
Directeur du Centre dramatique national de
Haute-Normandie, il vient de mettre en scène
Paris, une pièce qui narre le quotidien français
d’un migrant subsaharien, éboueur le jour,
sapeur la nuit. Ce qui l’intéresse, c’est « la résilience qui soutient ce phénomène. Le sapeur
immigré est celui qui s’arrache de cette soushumanité dans laquelle la société d’accueil le
confine, en se fantasmant en surhomme ». Une
résilience que met également en avant Julien
Mabiala Bissila, auteur d’Au nom du père et du
fils et de J.M. Weston, pièce dans laquelle deux
frères parcourent une capitale dévastée par la
guerre à la recherche du lieu où ils ont enterré
une paire de mocassins Weston – le nec plus
ultra pour tout sapeur. Selon ce dramaturge
originaire de Brazzaville, « le dandysme est une
façon de comprendre l’individualité contrariée
dans une société de masse ». Une manière de
dire « je » dans un système totalitaire. h

Documents pareils