Quand la surface reflète le fond

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Quand la surface reflète le fond
Document extrait du cédérom “Les Géonautes enquêtent sur les océans”, OCA/CNES © 2000
Quand la surface reflète le fond
Depuis toujours l'Homme s'est interrogé sur les formes et les dimensions que
pouvait avoir la planète Terre. Elle fut d'abord considérée comme un disque au
bord duquel certains peuples imaginaient l'enfer. C'est pendant l'Antiquité que
les Grecs commencent à représenter la Terre comme une boule (sphère). Vers 250
avant Jésus-Christ, Eratosthène fit la première mesure du rayon de la Terre ne
se trompant que de quelques centaines de kilomètres.
La Terre est plus qu’une simple sphère
À partir du XVIIe siècle, l'idée que cette sphère peut être aplatie apparaît et
Newton en fait le premier calcul. Au XVIIIe siècle, l'aplatissement de la Terre
est mesuré pour la première fois. Il faudra ensuite attendre le milieu du XXe
siècle pour mesurer avec une très grande précision cet aplatissement, grâce aux
satellites artificiels. La difficulté de cette détermination tient au fait que le
rayon ne soit diminué au pôle que de 21 kilomètres par rapport à un rayon
équatorial de 6378 kilomètres.
L'ère spatiale permet alors de découvrir que la forme de la Terre est bien plus
compliquée qu'une simple sphère. Elle est tout d’abord renflée à l’équateur et
aplatie aux pôles. Les matériaux qui la constituent ne sont pas homogènes et
provoquent les différences de densité donc des écarts de gravité d’une région à
l’autre. De plus, sa croûte terrestre n’est pas lisse mais composée de reliefs
variés, de montagnes et de fosses, sur les continents mais également sous les
mers.
Répercussions à la surface de l’eau
Le niveau de l’eau varie en fonction de la configuration de ses fonds. En effet, la
surface de la mer est sensible à la force de gravité. Or, la force de gravité
dépend de la masse et l'eau fonctionne comme une "balance", ce qui permet de
mesurer le champ de gravité donc la répartition des masses. Lorsque la force de
gravité est plus forte (plus de masse) l'eau est attirée au-dessus et crée une
bosse. La présence de montagnes (plus de masse) ou à l'inverse de fosses (moins de
masse) dans les fonds sous-marins va donc changer la force de gravité et créer
ainsi des bosses et des creux à la surface des océans.
La taille des bosses et des creux ainsi formés dépend des variations du relief
sous-marin, mais l'effet sur la surface de la mer est beaucoup plus faible. Par
exemple pour une montagne sous-marine classique (environ 1000 mètres), la bosse
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créée à la surface de la mer peut être d'environ 1 mètre. Les mesures des
satellites altimétriques permettent de réaliser une carte des bosses et des creux
de la surface des océans. À partir de cette carte, il est alors possible de calculer
le relief sous-marin sans sillonner les mers avec un sonar : en effet, le satellite
permet d’avoir non seulement une vision globale mais aussi une densité de mesures
impossible à obtenir par voie maritime (le satellite ERS-1 a par exemple permis
d’obtenir des hauteurs de mer tous les 7 kilomètres sur tous les océans).
Que voit-on à l’horizon des fonds marins ?
Les fonds marins sont en perpétuel renouvellement, les plus vieux n’ont
actuellement pas plus de 200 millions d’années, ce qui est bien peu au regard des
4,5 milliards d’années d’âge de la Terre. Ce mouvement des fonds marins laisse de
nombreuses traces en surface. Au milieu des océans, des alignements volcaniques
témoignent de ces mouvements. Ces édifices sont issus de colonnes de magmas,
fixes par rapport à la Terre en rotation et qui percent les fonds marins au terme
de leur ascension à travers le manteau terrestre. Ce mouvement entraîne
progressivement les volcans loin de la source magmatique, puis ils s’éteignent et
sont remplacés par un autre volcan, et ainsi de suite. Ceci crée des alignements
qui peuvent mesurer plusieurs milliers de kilomètres, comme la chaîne des Hawaii
Empereur, dans l’océan Pacifique. À l’inverse, on peut utiliser ces alignements
pour retracer l’histoire du mouvement de la plaque Pacifique : le coude au milieu
de la chaîne des Hawaii Empereur révèle un brusque changement de direction de
cette plaque, il y a 45 millions d’années.
Autre phénomène volcanique, les dorsales, où se forme le plancher océanique,
forment une lézarde longue de 60000 kilomètres qui serpente au milieu des
plaques océaniques. Elles sont bien visibles dans les océans Atlantique et Indien
(où le taux d’accrétion est faible, de quelques centimètres par an), et moins
visible dans le Pacifique (où le taux d’accrétion dépasse les dix centimètres par
an). Au fil du temps, le matériau arrivé chaud à la dorsale est accrété au plancher
océanique jeune puis repoussé vers le centre du bassin par l’arrivée d’un nouveau
matériau. Là, il cède peu à peu sa chaleur à l’eau de mer et se refroidit. Sa
densité augmente par contraction thermique ce qui accentue sa profondeur
d’équilibre (entre l’eau au-dessus et le manteau au-dessous). C’est ainsi qu’un des
traits majeurs des fonds marins est d’être de plus en plus profond au fur et à
mesure que le plancher océanique est âgé. Les dorsales sont segmentées par de
nombreux sillons perpendiculaires à l’axe de la dorsale qui en permettent
l’écartement. La géométrie curviligne de ces zones de fracture atteste des
changements de la vitesse et de la direction d’ouverture tout au long de l’histoire
de chaque segment de dorsale. Au Nord de l’océan Pacifique, la dorsale vient buter
contre la côte Ouest du continent Américain, en Californie. Il manque donc en fait
une moitié de l’océan Pacifique Nord, engloutie sous l’Amérique du Nord du fait de
l’ouverture de l’océan Atlantique. Créé à l’axe des dorsales, le plancher océanique
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vieilli retourne à l’intérieur de la Terre au niveau des zones de subduction. Ces
zones de subduction se traduisent par des fosses profondes, en particulier sur le
pourtour de tout l’océan Pacifique. Les frontières de plaques (zones de subduction
ainsi que les dorsales) correspondent aux zones de tremblements de Terre.
Le relief sous-marin est aussi le témoin de la lente et chaotique histoire de la
formation de la Terre. Il est donc possible de retrouver la trace des impacts
d’astéroïdes ayant percutés la Terre, et ainsi celui près du Golfe du Mexique qui
a pu provoqué la disparition des dinosaures. La recherche de ces impacts est
malheureusement difficile du fait de l’érosion et des dépôts sédimentaires au fond
des océans.
Carte des reliefs sous-marins obtenus à partir des mesures des satellites ERS-1,
TOPEX/Poseidon et Geosat (crédits GRGS/LEGOS/CNES, Toulouse et IRD,
Nouméa).
Le mouvement du satellite pour observer le champ de
gravité
La force de gravité constitue le moteur du mouvement du satellite
autour du globe terrestre. Si la Terre était une sphère
parfaitement homogène dans la répartition des masses, le mouvement
serait régulier (proche d'une ellipse). Or, elle est constituée de
reliefs terrestres, sous-marins et les matériaux qui la composent
sont plus ou moins denses. Ces variations de masse entraînent une
force de gravité différente en chaque lieu. Lorsque le satellite
passe au-dessus de régions où la masse (donc la gravité) change, son
mouvement est perturbé. L'étude des écarts de trajectoire par
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rapport à la trajectoire théorique permet donc de déterminer les variations du
champ de gravité terrestre. “ La forme de la Terre ” ainsi calculée est appelée
géoïde. Étant donné que le satellite n'est sensible qu'aux variations du champ de
gravité qui s'étendent sur des régions de dimensions supérieures ou égales à son
altitude un ensemble de satellites d'altitudes différentes sont utilisés pour
reconstituer la forme du champ de gravité.
Les principaux instruments de poursuite de satellites utilisés en géodésie
spatiale sont le système français DORIS et la télémétrie laser qui permettent
de calculer sa trajectoire. Il existe également le système GPS (système de
positionnement américain), utilisé à titre expérimental. TOPEX/Poséidon a été le
premier satellite équipé de ces trois systèmes. Ces techniques permettent
également de déterminer la position et le mouvement des continents. Pour assurer
l’orbitographie et surveiller le mouvement des plaques tectoniques, une
cinquantaine de balises DORIS a été répartie sur la Terre. Grâce à plus de 10 ans
de mesures, le système DORIS permet de calculer la vitesse de déplacement des
plaques tectoniques avec une précision de 1 millimètre par an (par exemple, en dix
ans les Etats-Unis se sont éloignés de l'Europe de 20 centimètres).
Bibliographie
Comment la Terre devint ronde, de JP. Maury, Collection Gallimard, Découvertes,
n° 52.
Élément de géologie, 12e édition, de C. Pomerol, Y. Lagabrielle et M. Renard,
Collection Masson Sciences.
Formes et mouvements de la Terre, de Anny Cazenave et Kurt Le Pichon, CNRS
Editions.
La dérive des continents, la tectonique des plaques, Bibliothèque pour la Science,
Edition Belin.
Le grand Défi des pôles, de B. Imber, Collection Gallimard, Découvertes, n° 15.
Le procès des étoiles, de Florence Tristam, Editions SEGHERS.
Les planètes et leur environnement, de Daniel Benest, Claude Froeschlé, François
Barlier, Michel Blanc, Sylvestre Maurice, Jean-Paul Parisot, Jean-Pierre
Peulvast, et Françoise Suagher, Hachette.
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