M2 Le potentiel d`infrason final 3ed
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M2 Le potentiel d`infrason final 3ed
LE POTENTIEL DE LA MUSIQUE INFRASONORE AVEC QUELQUES APPLICATIONS INTERSENSORIELLES Alexis Story Crawshaw Sous la direction d’Anne Sedes Université de Paris VIII Master ARTS, Mention Musique Deuxième année Parcours Théorie et Recherche Septembre 2012 ii TABLE DE MATIÈRES Introduction -1 CHAPITRE I. L'intérêt des infrasons et leurs particularités - 4 Partie 1. Les impacts de vibration et de résonance des infrasons dans un local ou chez le spectateur - 5 A. Les impacts sur les structures - 5 1. Les modes propres (« eigen mode ») de résonance d’une salle -5 2. Les salles qui sont des résonateurs d’Helmholtz -7 B. Les impacts sur le corps humain- 10 1. La vibration du corps à partir d’une diffusion vibrotactile- 11 Les deux résonances principales du corps entier à une vibration verticale en position assise -12 2. La vibration du corps à partir d’une diffusion sonore -15 3. Les impacts sur les yeux et à l’acuité visuelle -18 4. En résumé - 19 Partie 2 : Oscillations rythmiques et leur rapport au corps humain et aux effets psychosomatiques -20 Partie 3 : Le rapport aux autres sens - 22 A. La distinction entre la multi-modalité, la cross-modalité et l’intersensorialité aux infrasons -22 B. Les approches pour un art intersensoriel des infrasons - 23 1. Concernant une exploitation des effets cross-modaux -23 2. Le traitement des données concernant une diffusion multi-modale ou cross-modale -24 3. Les rapports intersensoriels plus complexes à partir d’une superposition des modalités - 25 C. En résumé -26 iii CHAPITRE II. Les paramètres musicaux d’infrasons et leur potentiel en composition -27 Partie 1 : Les paramètres musicaux des infrasons -28 A. Le rythme et le polyrythme : la « hauteur » et l’« harmonie » des infrasons -28 B. L’intensité -28 C. Le timbre - 31 1. L’enjeu du filtre -32 2. L’enjeu du dispositif pour le timbre -33 3. Le bruit blanc traité -35 D. La durée et les enveloppes d’amplitude -35 E. La spatialisation – 37 1. Les tests avec le premier patch -38 2. Les tests avec le deuxième patch (de la synthèse FM simple) – 40 3. Le panning – 41 4. La spatialisation (en conclusion) - 42 Partie 2. Caractéristiques particulières de la diffusion vibrotactile - 43 A. La fréquence - 44 1. La perception de la fréquence - 44 L’« adaptation » - 45 2. La discrimination entre les fréquences -46 B. L’intensité- 47 1. La perception de l'intensité -47 2. La discrimination entre les intensités -47 C. La durée et les enveloppes d’amplitude des mécanorécepteurs - 51 Le « taux d’adaptation » et l’« adaptation » à la durée -51 D. Le contenu spectral : le timbre de la vibrotactilité - 53 E. La spatialisation -53 1. Les illusions particulières de l’emploi de multiples transducteurs tactiles 54 2. La posture et la spatialisation -55 iv 3. D’autres illusions spatiales -56 F. La composition tactile en résumé – 56 CHAPITRE III. La production des infrasons électroacoustiques et numériques 58 Partie 1 : La création des infrasons avec l'ordinateur Une revue des outils, des logiciels et des techniques employées -59 A. Synthèse d'échantillonnage -59 L'échantillonnage des infrasons «concrets» -59 1. Avec un microphone adapté à l'enregistrement infrasonore -59 2. Les infrasons créés depuis les échantillons pris par des microphones «typiques» -61 3. L'échantillonnage des infrasons digitaux -61 B. La synthèse additive -62 C. La synthèse soustractive -62 D. La synthèse granulaire – 63 E. La synthèse FM (modulation de fréquence) simple -63 F. La synthèse par modélisation physique -64 G. La synthèse des sons graphiques -65 H. En conclusion – 66 Partie 2 : Les moyens d’amplification et de diffusion et leurs limitations -67 A. Le caisson de basse ou « subwoofer » - 67 1. Le baffle et comment traiter les ondes hors-phases -67 2. La membrane -68 3. L’enjeu du ressort du haut-parleur -70 4. Des solutions de diffusion -71 a. Des subwoofers rares ou prototypes -71 b. L’enceinte bass-reflex -73 c. D’autres solutions de diffusion - 74 B. Les casques d’écoute -76 v C. L’emploi d’autres modalités- 77 1. L’emploi de système de substitution sensoriel -77 Les transducteurs tactiles -77 2. L’emploi d’un renforcement intersensoriel -80 a. Techniques de « mapping » : la synesthésie algorithmique -81 b. Le renforcement intersensoriel par l’art cymatique -81 c. Le renforcement intersensoriel par la vibrotactilité - 82 CHAPITRE IV : Des projets travaillant l’infrason -83 Partie 1 : Quelques projets d’autres artistes travaillant l’infrason -84 A. « Inferno » de Yann Robin -84 B. « Bestiole», une création de danse, de musique et de lumière ; la partie de composition musicale de Kasper T. Toeplitz -86 C. « Infrasound » de RHY Yau et Scott Arford – 88 Partie 2 : Des projets personnels travaillant l’infrason A. « Larry » -90 1. L’architecture - 90 2. Les thèmes -93 3. L’emploi des modes résonants -93 4. Une analyse de l’œuvre - 95 5. La spatialisation -98 6. En résumé -99 B. Perspectives futurs -99 1. Le vêtement intersensoriel -99 2. La galerie des ondes -104 Conclusion -106 L’ANNEXE -109 A. La classification des récepteurs sensoriels – 110 B. Les mécanorécepteurs à la peau -111 vi C. Spécifications techniques du Meyer Sound 700-HP -113 D. Spécifications techniques du Meyer Sound 1100 LFC -114 Remerciements -115 Continu du disque joint -116 Bibliographie -117 vii Introduction Les infrasons offrent une richesse de possibilités au compositeur contemporain. Ce mémoire aborde spécifiquement la création infrasonore électroacoustique; il propose une sélection d'emplois potentiels ainsi qu'une explication des enjeux technologiques pour sa réalisation. On abordera en détail son potentiel pour une relation entre le lieu du concert, le corps du spectateur et le jeu avec ses sens. Ce travail est destiné à encourager d'autres compositeurs à employer les infrasons dans leur travail, les infrasons étant une source d'inspiration diverse. Dans ce mémoire, on montre qu’il est possible de développer un langage musical infrasonore qui apporte de l'intérêt à la création musicale contemporaine. De plus, il est possible de développer un langage poétique des associations psychosomatiques infrasonores. On peut réaliser cela par des vibrations et des oscillations corporelles que les infrasons peuvent impacter ou imiter respectivement. Pour cela on peut se sensibiliser aux infrasons par des techniques de composition dans un contexte employant le domaine des hauteurs1, par des moyens d’amplification sonore (par les résonances de l'architecture et celles impactant le corps humain) ou par les « mappings » intersensoriels2. Dans le cadre de cette recherche, on définit les infrasons en tant que des oscillations acoustiques qui sont inférieures ou égales à 20 Hz (le seuil entre la hauteur et le rythme étant entre 16 et 20 Hz), qui souvent se manifestent perceptivement par des caractéristiques vibrotactiles. Comme on a précisé dans notre rapport de master «L'infrason en Art» (2011, Université de Paris 8), complément à cette recherche, on perçoit les infrasons par leur mélange sensoriel unique (l'audition, la pression et le toucher). Leur influence sur le toucher sont dues particulièrement à la catégorie vibrotactile (la perception de vibration), parfois à la proprioception (la perception de l’orientation du corps dans l’espace) et parfois aux sens viscéraux (la perception interne des viscères). Comme on 1 Dans ce travail, le domaine des hauteurs sera le terme utilisé en référence aux fréquences supérieures à 20 Hz. 2 C’est-à-dire une relation de correspondance entre deux sens (ou plus). 1 va démontrer et développer plus loin, la vision peut aussi être affectée par des effets infrasonores. Dans cette étude précédente, on a également traité de l'enjeu du seuil d’audition des infrasons, construit à partir d'un rapport entre le niveau de pression sonore et la fréquence. Il faut toujours tenir compte que plus la fréquence est faible, plus le niveau de pression sonore doit être fort pour la détecter. Un graphique d’après les données de Winckel, 1967 (cité par Roads, 1996) donne la moyenne du seuil à 75 dB environ à 20 Hz, et à 100 dB environ à 7 Hz pour une oreille humaine. Néanmoins, le seuil de détection infrasonore entre les individus est particulièrement varié, parfois jusqu'à 29 dB (Robinson et al., 1956, cités par Schust, 2004), et peut être jusqu'à 30-40 dB en dessous de la moyenne (Salt & Huller, 2010). Il y a également des études menées qui suggèrent qu'il est possible de se sensibiliser aux infrasons (Salt & Huller, 2010, Leventhall, 2003). En tant que compositeur, il faut ainsi comprendre les limitations des moyens de diffusion pour produire les infrasons à l'intensité exigée pour leur détection. Le compositeur doit ensuite considérer des techniques de composition, des moyens d'amplification et des moyens de diffusion (et de modalité sensorielle) qui peuvent lui servir dans le cas d'une sensibilisation aux infrasons. Toutefois, on démontrera comment l'enjeu technologique entraîne des solutions qui apportent plus d'intérêt artistique à un projet. On doit envisager ces limitations en tant qu'une opportunité pour la créativité et en tant qu'une invitation pour une recherche artistique. Dans le cadre de la diffusion infrasonore, l'état de la technologie existante pose pour l'artiste une série d’enjeux: • Quelles sont les limitations de la technologie existante et répandue? En tant qu'artiste, cherche-t-on un moyen pour créer des prototypes conçus pour la réalisation d'un projet particulier ou cherche-t-on des dispositifs existants mais très rares? Si on choisit d'éviter l'utilisation des prototypes, comment peut-on adapter une composition musicale connaissant les limites des moyens de diffusion d'infrasons existants? 2 • Est-ce qu'il est possible de traduire ou renforcer certains éléments infrasonores en jouant avec la modalité visuelle ou tactile (c'est-à-dire la visualisation cymatique ou un transducteur tactile)? Quels sont les avantages et les inconvénients d'une telle traduction ou d’un tel renforcement? • Est-ce qu'il y a des solutions d'amplification hors du dispositif dédié? Par l'emploi des fréquences résonantes dans le local du concert (ou de l'installation) ou les réactions résonantes dans le corps du spectateur? Quels sont les enjeux d'une telle diffusion? Il y a plusieurs moyens de percevoir des infrasons avec notre corps, de composer les infrasons électroacoustiques avec l’ordinateur et de les diffuser depuis des enceintes (dédiées) ou d'autres dispositifs, tels que des transducteurs tactiles. Il est possible de les amplifier à l’aide de l'acoustique d’une architecture et parfois par les réactions de résonances de nos structures corporelles. Ainsi, on a les moyens pour développer une musique infrasonore. Également, les qualités intersensorielles des infrasons ouvrent des pistes d’exploration musicale pour une combinaison entre le domaine des hauteurs, la composition vibrotactile et l’art visuel. Le premier chapitre de cette étude dénombre les principaux usages qu’on a explorés dans notre travail en tant que compositrice ou qu’on a étudiés chez d'autres artistes. Le deuxième chapitre décrit les paramètres musicaux des infrasons sur le plan acoustique et sur le plan vibrotactile. Le troisième chapitre, divisé en deux parties, discute de la technologie nécessaire pour réaliser une musique infrasonore. La première partie réexamine une sélection des modes de synthèse électroacoustique, ainsi que des logiciels adaptés (et parfois peu adaptés) pour une telle application infrasonore. La deuxième partie concerne l'enjeu du dispositif de diffusion. Dans cette section, on étudiera les limitations technologiques imposées au compositeur; néanmoins, on va explorer des solutions alternatives qui se développent sur le plan artistique. Enfin, le quatrième chapitre propose une discussion et une réflexion sur les outils et les techniques de composition infrasonore à travers des exemples de travaux infrasonores de l’auteur même et d'autres compositeurs. 3 CHAPITRE I L'intérêt des infrasons et leurs particularités Lorsqu’on compare les infrasons aux fréquences supérieures à 20 Hz, on trouve des qualités uniques : Les infrasons sont des longues ondes qui font résonner des grandes salles. Ce sont ces mêmes ondes qui provoquent des réactions de résonance entre les structures d’un système biologique complexe dans notre corps humain. Également, ce sont des périodicités infrasonores qui ressemblent à nos oscillations corporelles : celles du taux cardiaque, de la respiration ou des ondes cérébrales. Les infrasons, aux fortes pressions sonores, sont ressentis en tant que pression et tactilité. En outre, les vibrations que les infrasons peuvent entraîner dans notre corps peuvent générer des perturbations du champ visuel périphérique. Dans un cadre artistique, les infrasons ont la capacité de faire résonner une salle de concert (ou une installation) et le corps du spectateur. Chez le spectateur, les infrasons ont le potentiel d’un lien psychosomatique dynamique ; ils représentent des oscillations reconnaissables comme étant celles de son propre corps. Par leurs influences sur le toucher et, parfois, sur la vision, les infrasons touchent l’intersensorialité. Or, par cette intersensorialité, ils rappellent la nature physique et caractéristique du son, une variation de pression dans l’air et posent la question des limites d’une définition de la musique en tant qu’art purement sonore. Ainsi, les infrasons invitent le compositeur à explorer de nouveaux enjeux musicaux. 4 I: Partie 1 Les impacts de vibration et de résonance des infrasons dans un local ou chez le spectateur Les infrasons peuvent provoquer des réactions de résonance des structures d’architecture et du corps humain. Dès qu’une fréquence diffusée correspond à un mode propre de résonance d’une salle ou à une résonance des structures physiologiques, elle se renforce en amplitude. En outre, il est possible d’employer le local du concert en tant que générateur acoustique infrasonore si l’espace a les propriétés d’un résonateur d’Helmholtz. Donc, le rapport à l’environnement et au spectateur offre au compositeur l’opportunité de jouer sur la géométrie du local et sur la physiologie du public en tant que moyens d’amplification, et parfois, du local en tant qu’instrument infrasonore. A. Les impacts sur les structures 1. Les modes propres (« eigen mode ») de résonance d’une salle La diffusion d’une fréquence infrasonore dans un espace rectangulaire, dont sa longueur d’onde correspond à la moitié de la longueur de la salle, excitera un mode propre de résonance des salles (room mode). Les modes propres sont aussi connus sous le nom d’« eigen mode ». Lorsqu’un compositeur mesure la longueur d’une salle rectangulaire et calcule la vitesse du son dans l’air (selon la température), il peut calibrer la fréquence de résonance par les formules suivantes34 : 1) Le calcul de la vitesse du son dans l’air selon la température s’obtient par la formule suivante : c= "RT M où ! c représente la vitesse du son en m/s. γ représente le coefficient isentropique5 (γ = 1,4 pour l’air). R représente la constante des gaz parfaits6 (R = 8,314 J/mol/kg). 3 Candel, S. (1998) A tutorial on acoustics. Cours de l’École Centrale Paris. On ne prend pas en compte la question de phase. 5 Le coefficient isentropique décrit les échanges de chaleur en thermodynamique. 6 Les gaz parfaits sont des gaz idéaux qui obéissent strictement à des lois mathématiques. L’air est en général considéré comme tel. 4 5 T représente la température en Kelvin (K°) où T (K°) = 273 + T (C°). M représente la masse molaire7 (M≅ 0,03 kg/mol pour l’air). Donc, à 20°C, la vitesse du son dans l’air est égale à 337m/s. 2) Soit une salle rectangulaire de dimensions Lx, Ly et de hauteur Lz , les fréquences de résonances acoustiques de la salle sont données par cette formule : f x,y,z = ny nz c nx 2 + 2 + 2 Lx Ly Lz 2 où Lx, Ly, Lz représentent les dimensions d’une salle : la longueur, la largeur, et la hauteur, ! respectivement. n représente l’harmonique ; la fréquence fondamentale est n = 1. En plus, cette formule s’emploie pour rechercher des modes propres tangentiels. On peut adapter cette formule pour calculer la fréquence fondamentale seule en fonction de la longueur (nx=1, ny=0, nz=0) de la salle avec la formule suivante : f = c 2L où ! ƒ représente la fréquence en Hz. L représente la longueur de la salle (2L donne la longueur de l’onde sonore en mètres λ). Au quatrième chapitre, on traitera l’œuvre personnelle « Larry » (2012) de l’auteur qui a exploité ces formules pour activer les modes propres de la Chapelle des Carmélites à Saint-Denis. On parlera aussi des artistes tactiles RHY Yau et Scott Arford qui ont basé leur projet « Infrasound » (2001-présent), une série d’installations, basées sur les modes propres de divers espaces. Dans le cadre de ce mémoire, il n’est pas possible de tenir compte de la complexité des diverses formes géométriques lorsqu’on calcule les « eigen modes » des salles. Pour le compositeur recherchant des résultats pour des architectures complexes, il vaut mieux consulter un acousticien professionnel ou employer un logiciel de modélisation acoustique (tel que Comsol Mulitphysics - http://www.comsol.com/showroom/gallery/63/)8. 7 Une unité de masse qui décrit une matière indépendamment de ses propriétés atomiques ou moléculaires. 8 On abordera la modélisation acoustique plus loin dans le deuxième chapitre. 6 2. Les salles qui sont des résonateurs d’Helmholtz Également, certaines structures peuvent générer des infrasons en tant qu’un grand résonateur d’Helmholtz. Dans ce cas, on peut aussi considérer que le lieu joue un rôle en tant qu’instrument acoustique. Par exemple, une structure architecturelle telle que Maes Howe en Écosse, constituée d’une grande salle et d’un passage étroit dans lequel le vent passe, fonctionne ainsi en tant que résonateur d’Helmholtz. FIGURES 1,2,3 : L’approche de Maes Howe, son entrée et son passage d’entrée (2000-2012). Maes Howe. Undiscovered Scotland. Extrait le 6 septembre 2012 de http://www.undiscoveredscotland.co.uk/westmainland/maeshowe/). Les résonateurs d’Helmholtz ont des applications multiples. Quand on souffle à travers le goulot d’une bouteille, la résonance obtenue est le résultat du même phénomène. Des bouteilles remplies d’eau en quantités diverses produisent des hauteurs variées- une série de telles bouteilles est citée comme instrument dans « The Professional Arranger Composer » par Russell Garcia (1979). Un compositeur peut travailler avec un architecte pour développer un espace dédié pour le concert, dans un esprit similaire aux Polytopes d’Iannis Xenakis en 196719789. Cependant, il est compliqué d’estimer la fréquence produite par un résonateur d’Helmholtz car la formule répandue pour décrire les résonances d’Helmholtz est très approximative. Dans son livre Haut-Parleurs et Enceintes Acoustiques, Brouchier (2009) propose un autre modèle qui produit des résultats dont les écarts sont au maximum de 3% par rapport aux résultats expérimentaux10. Pour comprendre sa 9 Centre Pompidou. (2007). Iannis Xenakis : Les Polytopes, 1967-1978. Extrait le 16 août 2012 de http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/3FEBCFE56EED911FC125732100490B16?Open Document&sessionM=2.10&L=1 10 Il décrit ses formules dans le contexte du fonctionnement d’une enceinte bass-reflex. L’architecture de l’enceinte bass-reflex est basée sur le principe du résonateur Helmholtz. On peut ainsi, imposer la fréquence de résonance à partir de la géométrie de l’enceinte. On va traiter les subwoofers bass-reflex plus loin dans le chapitre III, partie 2. 7 formule, on part de la formule répandue pour illustrer comment il en a déduit la sienne. Pour commencer, il décrit le résonateur d’Helmholtz comme « une sphère creuse en laiton percée de deux trous diamétralement opposés. Sur l’un d’eux était soudé un petit tuyau se mettant dans l’oreille et sur l’autre un tuyau de diamètre [2R2] plus grand jouant le rôle d’évent » dont une illustration est présentée ci-dessous : Modèle 1 : Le tuyau qui sert d’évent Le tuyau du côté de l’oreille Ensuite, Brouchier donne la formule répandue de la résonance Helmholtz: f2 = c #2 2" Vl2 où ! ∑2 est la section transversale en m2 de l’évent, égale à πR22 (où R2 est le rayon de l’évent) V est le volume de l’enceinte en m3 (e.g. de la sphère et des deux tuyaux dans ce modèle), qui sera précisé plus loin l2 est la longueur de l’évent. Pour calculer V selon le volume de notre modèle, on utilise la formule : où R1 est le rayon de la sphère. R2 est le rayon du tuyau qui est l’évent R3 est le rayon de l’autre petit tuyau Ainsi, le premier membre de l’équation décrit le volume d’une sphère, décrit le volume du grand cylindre (l’évent) et décrit le volume du petit cylindre. Cependant les données ci-dessus ne suffisent pas pour décrire la résonance effectuée. L’auteur précise que ce modèle est approximatif : 8 « En effet, la valeur trouvée expérimentalement est plus faible que la valeur du modèle, on peut l’interpréter en disant que la longueur à prendre en compte dans le calcul est plus grande que la simple longueur géométrique de l’évent. L’une des premières idées est qu’il faut prendre en compte la masse de rayonnement de l’évent dans le cas de la sphère pulsante... Cela revient à ajouter une longueur et que la formule donnant [ƒ] est alors : ƒ= 2 #2 2" V (l2 + 0,28 # 2 ) Même avec cette correction on a encore un écart entre le modèle et l’expérience ». ! Ensuite, l’auteur propose un modèle encore plus élaboré. Dans cette formule, il y a deux nouveaux ajouts : 1) La longueur de l’évent est plus grande : lʹ′0=l0+lR . La raison pour ce changement est due au fait que « le mouvement de l’air dans le tuyau entraîne un peu de gaz aux extrémités du tuyau et qu’il faut rajouter une longueur l0 aux deux longueurs précédentes ». 2) La section transversale de l’évent est plus petite, ∑ʹ′2 . « Sur la paroi du tuyau le frottement fait que les molécules d’air ont une vitesse nulle. Au centre la vitesse est maximale, on peut donc admettre que tout se passe comme si on avait une surface de tuyau plus faible que la surface géométrique. Cela revient à admettre l’existence d’une sorte de couche limite au voisinage de la paroi [dans laquelle la vitesse de l’air est quasi nulle]. Il faut donc remplacer la surface géométrique Σ2 par une surface plus petite Σ′2 ». Modèle 2.1 : Σ2 où la vitesse d’air est maximale au centre Modèle 2.2 : Σ′2 Après quelques expérimentations, l’auteur constate que son nouveau modèle est plus précis : ƒ= c $#2 2" V (l2 + l#0 ) lʹ′0 est décrite par la formule lʹ′0=l0+lR ! lR est liée au rayon de l’évent, décrite avec la formule : ! lR = R2 2 9 l0 est aussi liée à la nouvelle petite section transversale, ∑2ʹ′ ∑ʹ′2 est décrite par la formule : "' 2 = K 2V ( l 2 +l R + l0) où K2 a les dimensions d’un vecteur d’onde : ! K2 = " 22 c2 où ω, décrit la pulsation d’une fréquence en tant que des rotations cyclique. ω et la fréquence sont reliées par la formule!: " = 2#f « Dans le calcul du volume de l’enceinte dans chaque cas on a tenu compte de l’encombrement intérieur du tuyau, cela fait une petite correction ». ! On constate donc qu’on peut employer un espace en tant que résonateur d’Helmholtz pour produire un infrason de fréquence inférieure à la fréquence propre d’une salle du même diamètre. B. Les impacts sur le corps humain Les infrasons transmis par la conduction aérienne, en tant qu’ondes sonores, et par la conduction solide, en tant que vibrations mécaniques, peuvent être perçues par le corps humain (e.g. Griffin, 1990 ; Leventhall, 2003). Ces ondes et ces vibrations ont aussi des aspects multimodaux et intersensoriels. Dans une salle, les ondes sonores peuvent subir des transductions en vibrations mécaniques par le sol ou par les sièges d’un public, avant d’être transmises et ressenties par le corps humain11. En plus, les vibrations de la salle peuvent subir une transduction dans l’air, et devenir audibles. Les vibrations du corps peuvent également être transmises et entendues à l’oreille par la conduction osseuse (Griffin, 1990). Ainsi, la perception des infrasons se joue entre la modalité tactile et la modalité sonore. À part les vibrations ressenties par la peau, que l’on va détailler à la fin de ce chapitre et dans la deuxième partie du deuxième chapitre, les vibrations du corps peuvent aussi impacter des « résonances » du corps : des sommets d’amplitude en réponse vibratoire qui sont parfois produits d’une combinaison des mouvements interagissant entre des parties du corps (Griffin, 1990). Aux basses fréquences, Griffin cite l’importance de la vision, du système vestibulaire et du contrôle vestibulaire des mouvements oculaires dans la perception de la vibration du corps entier. Ainsi, leur 11 D’une correspondance personnelle par email avec Roger Schwenke (29 août 2012). 10 détection est largement intersensorielle. 1. La vibration du corps à partir d’une diffusion vibrotactile Concernant les vibrations du corps transférées par la conduction solide, les fréquences auxquelles ces sommets de réponse ont lieu dépendent des facteurs tels que la posture, la taille et la rigidité du corps ainsi que la partie du corps par laquelle la vibration entre et la direction de cette vibration. Ainsi, il existe une grande variabilité de réponse entre des sujets et voire chez un même sujet. En plus, Griffin explique que des « résonances » peuvent se produire à plusieurs fréquences. Le corps est un système dynamique très complexe ; il n’a pas qu’une seule fréquence à laquelle il résonne. En général, les études de la vibration du corps entier concernent des fréquences entre 0,5 et 100 Hz ainsi que des amplitudes d’accélérations12 entre 0,01 et 10 m.s-2. Une amplitude d’accélération de 0,01 m.s-2 est le seuil minimum de détection. Il faut des amplitudes plus fortes pour percevoir la vibration avec les doigts et d’autres parties précises du corps, aux fréquences inférieures à 1 Hz et aux fréquences supérieures au spectre fréquentiel infrasonore, à 20 Hz. Ainsi, c’est le spectre fréquentiel infrasonore de 1-20 Hz qui est la gamme la plus sensible pour ressentir des vibrations du corps entier. Il faut tenir compte qu’une amplitude d’accélération de 10 m.s-2 est potentiellement dangereuse à la santé. En outre, des amplitudes d’accélérations de 1 m.s-2 peuvent potentiellement entraîner de la douleur selon la fréquence, la durée et la direction de la vibration. Ainsi, pour un cadre artistique il faut éviter ces accélérations qui sont supérieures ou égale à 1 m.s-2. Selon la fréquence de la vibration du corps entier, on peut faire quelques observations globales. D’après Griffin (1990), il y a trois spectres fréquentiels ayant des réponses corporelles distinctes. Aux fréquences inférieures à 1 ou 2 Hz, selon la direction de la vibration et l’orientation du corps, les forces qui agissent sur le corps sont plus ou moins proportionnelles aux forces vibratoires qui alimentent le corps. Autrement dit, le corps répond en tant qu’un système rigide et ces fréquences n’excitent pas souvent des modes de résonances. En outre, ces vibrations sont transmises à travers le corps entier d’une manière assez uniforme. La sensation de mal des transports est l’effet le plus souvent rapporté concernant des fréquences inférieures à 0,5 Hz. À partir des fréquences juste supérieures à 1-2 Hz, les résonances corporelles variées amplifient 12 Le déplacement mécanique a une accéleration qui est la cause vibratoire. 11 le mouvement. Avec des amplitudes d’accélérations suffisamment fortes, plus la fréquence est haute13, plus les sensations des diverses parties du corps (e.g. l’abdomen, l’épaule, le visage) peuvent entraîner de l’inconfort. Enfin, il y a des caractéristiques typiques pour un troisième spectre fréquentiel. Lorsque la fréquence est encore plus haute (i.e. au-delà du spectre fréquentiel juste supérieur à 1-2 Hz), la sensation vibratoire la plus intensément ressentie est localisée autour de son point d’entrée sur le corps, ailleurs elle est atténuée. La posture et la direction de la vibration sont des facteurs très intégrateurs dans la sensation de vibration dans le deuxième spectre fréquentiel, celui de la réponse maximale. Lorsque le sujet est assis, le mouvement latéral produit une résonance principale tandis que le mouvement vertical en produit deux. On va détailler ces deux résonances du mouvement vertical dans le prochain paragraphe. Également, il y a plus de sensibilité aux accélérations pour la vibration verticale dans une position assise (parfois le double que la sensibilité aux plus basses fréquences). La masse du corps influence aussi cette sensibilité à la vibration verticale chez des sujets assis mâles et femelles. Les sujets les plus massifs sont moins sensibles aux fréquences inférieures à 6,3 Hz et plus sensibles aux plus hautes fréquences. Quant aux autres postures, Griffin note que de plier les jambes pendant qu’on est debout peut réduire la masse apparente du corps et ainsi, diminuer sa transmissibilité pour des fréquences supérieures à 3 Hz. Les deux résonances principales du corps entier à une vibration verticale en position assise Kitasaki et Griffin (1998) ont cité les travaux des nombreux chercheurs qui démontrent une résonance principale entre 4 et 6 Hz concernant la vibration du siège à la tête (Coermann, 1962; Paddan et Griffin, 1993), du siège à la colonne vertébrale (Magnusson et al., 1993; Panjabi et al., 1986) et de la réponse de la pression abdominale (Sandover, 1978; White et al., 1962). Cependant, des études telles que Coermann (1962) et Fairley et Griffin (1989) ont montré que cette fréquence a tendance à diminuer lorsqu’un sujet change de sa posture droite à être avachi. Ils ont aussi trouvé une deuxième résonance principale entre 8 et 12 Hz, or Kitasaki et Griffin expliquent que les résultats sont moins clairs et constatent des écarts plus grands entre les sujets. Kitasaki et Griffin ont mené une expérience sur la vibration du corps entier de 8 sujets mâles assis en 3 postures différentes : normale, droite et avachie, sur un siège rigide sans le support du dos. Les sujets avaient entre 20 et 35 ans, avec une hauteur de 13 Toujours dans ce spectre fréquentiel juste supérieur à 1-2 Hz. 12 1,78 ± 0,07 m et un poids de 74,6 ± 7,8 kg (la moyenne ± l’écart type). Ainsi, on peut dire que les sujets se ressemblent physiologiquement lorsqu’on les compare à la population générale. Le but a été d’étudier comment le corps se déforme au long de la ligne sagittale14 aux basses fréquences, en particulier à ses deux résonances principales à 4-6 Hz et à 8-12 Hz. Deuxièmement, ils s’intéressaient aux influences de la posture des sujets sur ces déformations. Les sujets ont été exposés à une vibration verticale aléatoire, la source de la vibration étant en dessous du siège. La vibration a duré une minute, à des fréquences entre 0,5 et 35 Hz d’une amplitude de 1,7 m.s-2 r.m.s. (Valeur efficace, root-mean-square). Les chercheurs ont mesuré les réponses de l’accélération de la colonne vertébrale, du pelvis, du viscère et de la tête. Les résultats15 ont montré 8 modes de résonances d’une fréquence inférieure à 10 Hz. À 4,9 Hz, on remarque un mode prononcé du corps entier où la tête, colonne vertébrale et le pelvis réagissent au mouvement vertical. Ce mouvement était aussi en phase avec un mode vertical des viscères et un mode de pliage de la colonne vertébrale thoracique supérieure et cervicale. Ce mode à 4,9 Hz est identifié comme la résonance principale entre 4-6 Hz. Concernant la deuxième résonance principale entre 8-12 Hz, les chercheurs ont trouvé trois modes correspondants à 8,1 Hz, 8,7 Hz et 9,3 Hz, pour faire une moyenne de 8,6 Hz. Les modes à 8,1 Hz et à 8,7 Hz concernaient un mouvement rotatif du pelvis tandis que 9,3 Hz était le deuxième mode des viscères. FIGURE 4: Les formes des modes vibratoires étant donné une posture « normale » assise, prises sur une moyenne de 8 sujets aux fréquences inférieures à 10 Hz (—) et avec la posture d’origine (- - - -). Les formes inférieures à 10 Hz sont des combinaisons variées des déformations de pliage de la colonne 14 15 Un axe invisible vertical qui divise le corps à partir des hémisphères du cerveau jusqu’entre les pieds. Selon une moyenne de la masse apparente des 8 sujets. 13 vertébrale, le mouvement vertical des viscères, des déformations du tissu des fesses et du mouvement rotatif du pelvis et de la tête. Le quatrième mode correspond à la résonance principale. Les sixième, septième et huitième modes correspondent à la deuxième résonance principale (Kitasaki et Griffin, 1998). Après avoir étudié la première résonance principale selon ces trois postures différentes, les chercheurs ont noté des changements intéressants. La fréquence du mode principal a augmenté à 5,2 Hz selon une posture droite. Étant donné une posture avachie, le premier mode s’est divisé en deux modes : le mode du corps entier est à 4,0 Hz (le mouvement vertical de la tête, la colonne vertébrale et le pelvis) et les modes combinés du viscère et le balancement de la colonne vertébrale supérieure sont à 4,9 Hz. Les chercheurs attribuent le changement de résonance au changement de la fréquence naturelle du corps entier. FIGURE 5: Les modes de vibration pour la résonance principale de la moyenne de la masse apparente (—) et selon la posture d’origine (- - - -) : (a) un mode à 5,2 Hz à la posture droite; (b) un mode à 4,0 Hz à la posture avachie; (c) un mode à 4.9 Hz à la posture avachie. Dans le graphique suivant, on peut voir clairement comment la fréquence de la résonance principale diminue selon un changement en posture droite à une posture avachie : FIGURE 6: La moyenne des masse apparentes des 8 sujets dans une posture droite (.......), une posture 14 normale (—) et une posture avachie (- - - -). Pour exploiter ces résonances principales dans un cadre artistique étant donné un public hétérogène en taille, sexe et proportion graisse/muscle (voire en posture), il faut prévoir les différences en fréquences qui entraîneraient ces résonances chez chaque spectateur. Une solution est de faire des balayages entre 4-6 Hz ou entre 8-12 Hz selon l’effet recherché. Cela assure d’activer des résonances principales à un moment ou un autre dans une période de temps donnée. Le compositeur peut également penser à organiser des performances calibrées pour des groupes aux similarités physiologiques, mais il y aura toujours des petits écarts, un fait illustré par l’étude menée par Kitasaki et Griffin. En outre, on peut chercher des solutions qui incorporent la participation du public. Pour approcher une homogénéité du groupe, le compositeur peut donner des directions de posture à suivre au public pendant la performance, comme une « partition des poses ». Également, le compositeur peut suggérer certaines positions à adopter pour la durée de la pièce selon les traits physiologiques de l’individu. Ainsi, l’individu se calibre pour optimiser sa propre réception aux fréquences. 2. La vibration du corps à partir d’une diffusion sonore D’une manière générale, la littérature est pauvre en travaux de recherche empirique sur les vibrations corporelles provoquées par des ondes sonores. Cependant, comme on a précisé dans le papier « L’infrason en Art » (2011, Université de Paris 8), il y a des études de chercheurs citées dans Schust (2004) (Slarve et al., 1975; Harris et al., 1978; Verzini et al., 1999; Landström et al., 1983) qui ont trouvé que la perception vibratoire des infrasons par la conduction aérienne s’effectue à environ 20 dB au-dessus du seuil de l'audition pour ces fréquences. D’autres études que l’on peut évoquer sont citées dans Leventhall, 2003 (Brown, 1976 ; Kyriakides, 1974 ; Leventhall et al., 1977 ; Takahashi et al., 2002 ; Takahashi et Maeda, 2002)16. Elles ont déterminé que les ondes infrasonores agissent d’une manière différente des vibrations mécaniques infrasonores sur le corps. Les ondes aériennes agissent d’une manière plus uniforme sur la surface du corps entier. Les chercheurs Brown, Kyriakides et Leventhall, ont utilisé un accéléromètre pour détecter la résonance de certaines parties du corps, soumis à des ondes acoustiques de fréquence entre 3-100 Hz à 107 dB. La résonance de la poitrine à 16 Cité dans le travail « L’infrason en Art » (2011, Université de Paris 8). 15 30-80 Hz environ a été le résultat le plus prononcé, pourtant il y avait des plus petits pics d’amplitude aux autres parties du corps. Ils ont fait des essais avec inhalation d’hélium pour isoler les résultats d’un effet structurel (i.e. la cage thoracique) au lieu d’un effet des cavités corporelles (i.e. les poumons). Le spectre fréquentiel de cette réponse varie selon la taille et le sexe du sujet. Comme on peut voir sur cet échantillonci, la réponse de ce sujet commence à partir de 20 Hz environ avec des faibles pics aux fréquences plus graves : FIGURE 7: Un échantillon de la courbe de réponse de l’accélération de la poitrine d’un sujet mâle de 68,8 kg, soumis à une vibration de 107 dB (Leventhall, 2003). Les effets ont été ressentis par les sujets et les vibrations ont même modulé leur voix. Pour une illustration de cet effet, lors d’une émission télévisée de « Mythbusters »17, l’animateur a été exposé à plusieurs expériences entre 95-144 dB aux fréquences entre 5-100 Hz. On traitera les autres détails de ces études plus profondément au troisième chapitre. À 128 dB à 32 Hz, l’animateur fait des vocalisations modulées par l’onde sonore. La première piste du disque accompagnant ce travail18 est un échantillon sonore de ce phénomène. Pourtant, ces études citées dans Leventhall (2003) et cette démonstration de « Mythbusters » concernent des basses fréquences supérieures au spectre fréquentiel infrasonore, elles démontrent que des ondes aériennes peuvent entraîner des effets vibratoires perceptibles, voire des résonances, du corps humain. 17 Barlin, M. et Matthews, S. (écrivains), et Rees, P. (créateur). (16 février 2005). Mythbusters. Saison 3, Émission 25 :Brown Note. Discovery Channel, États-Unis : Beyond Productions. 18 Dans l’échantillon, il y a aussi le bruit d’un guitare électrique qui fait partie de la bande sonore de l’épisode. 16 Selon la taille du sujet, des résonances de la poitrine peuvent s’effectuer au spectre fréquentiel infrasonore. En outre, les chercheurs ont trouvé d’autres vibrations ailleurs sur le corps au spectre fréquentiel infrasonore, mais moins prononcées que la poitrine à 30-80 Hz. En tous les cas, l’amplitude est un facteur important pour cet effet ; Leventhall précise que le gain résultant des vibrations de la poitrine, à la résonance, est de 25 dB environ, et que des vibrations propres au corps masqueront des excitations résultant de sons inférieurs à 70-80 dB. En plus des études empiriques, il existe des nombreux témoignages pour attester des effets corporels vibratoires des basses fréquences. Dans l’édition de juillet 2012 du journal The Wire, Low Bass Theories, des nombreux contributeurs ont décrit l’expérience des infrasons comme une sensation physiologique, un engagement tactile et viscéral. Parmi ces contributeurs, Richard Pinnell parle d’un événement à Londres au bâtiment Beaconsfield auquel il a assisté en février 2009, Self-Cancellation par Rhodri Davies et Gustav Metzger. Lors de l’événement, il a écouté à la performance d’un duo américain Mark et John Bain dans une salle en dessous d’une arche de chemin de fer. Le duo a employé des capteurs sismiques pour traiter en temps réel des données du bâtiment Beaconsfield pour les traduire aux fortes basses fréquences sonores. Pinnell décrit le concert comme un mur et une force psychique de pression qu’il a ressenti sur sa cage thoracique. Il a également noté que lorsqu’il s’est tourné vers les enceintes, le son a fait se rider la chair sur ses joues. Pinnell s’identifie comme quelqu’un qui n’a jamais aimé les fortes basses fréquences, et ainsi, il n’a pas trouvé l’expérience très agréable. Apparemment, le bâtiment a souffert aussi ; des petits morceaux de la maçonnerie sont tombés depuis l’arche en brique de chemin de fer qui était au dessus de l’auteur. L’auteur ne spécifie pas le niveau de pression sonore. Cette anecdote soulève des discussions importantes dans la provocation des vibrations corporelles d’origine vibratoire ou sonore. Il y a des individus qui seront moins réceptifs mentalement que d’autres aux forts infrasons. Ainsi, en tant que compositeur, il est recommandé de fournir un espace artistique ou une installation vibrotactile qui laisse facilement sortir le public ou se dégager du dispositif, au cas où les membres du public en auraient envie. Également, il est fortement conseillé de vérifier la solidité de l’espace architecturel avant de diffuser des sons forts (i.e. >110 dB) afin d’éviter des dégâts de l’architecture. 17 3. Les impacts sur les yeux et l’acuité visuelle On va traiter les impacts vibratoires sur la vision à partir d’une diffusion vibrotactile et à partir d’une diffusion sonore. La plupart des études empiriques effectuées concernent des vibrations transmises aux yeux par la vibration mécanique. En parlant des perturbations vibratoires sur la vision, Griffin (1990) distingue la vibration de l'observateur et la vibration du champ visuel. Dans ce travail, on s’intéresse à la vibration de l’observateur. Griffin définit le seuil d’un impact sur la vision lorsque l’image rétinienne montre un changement perceptible de l’image d’un objet stationnaire. La différence perceptible est un déplacement angulaire de ±1 minute d’arc de l’objet à l’œil ; cela correspond à ±0,15 mm d’une distance de perspective de ± 0,5 m. Des nombreux facteurs influencent le rapport entre la fréquence de vibration et l’acuité visuelle : l’adaptation de l’œil à la lumière, l’axe du mouvement de la tête, l’axe de vibration, les mouvements oculaires compensatoires du système vestibulaire, la distance de l’objectif visuel et s’il y a quelque chose sur la tête de l’observateur (e.g. un casque, un appuitête) (Griffin, 1990 ; Ohlbaum, 1976). Suivant une étude de vibration verticale du corps entier, Ohlbaum (1976) a trouvé que le mouvement oculaire a suivi les mouvements du crâne sauf autour de 18 Hz chez ses sujets. Selon une étude menée par Dennis, (1965, citée dans Ohlbaum, 1976) concernant aussi la vibration verticale du corps entier, Dennis a observé que la résonance principale du corps entier à 5-7 Hz environ n’a pas d’influence importante sur l’acuité visuelle. Par contre, il y a des impacts sur l’acuité visuelle par des vibrations entre 14-27 Hz. Dennis a attribué cette influence aux résonances des tissus sur le visage. Selon mes propres observations, avec un transducteur tactile Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker, les fréquences de 15-35 Hz ont eu le plus d’impact sur l’acuité visuelle avec une position assise sur l’appareil et aussi lorsqu’il est placé sur la poitrine, le transducteur tenu en place par la main gauche. Garder la tête tournée sur le côté pendant que le dispositif est couplé à la poitrine a amplifié l’effet. Le compositeur peut aussi faire porter au public une coiffure pour influencer la transmission des vibrations au champ visuel. Quant à l’emploi d’un casque, Ohlbaum et O’Briant (1970, un étude non publiée cité dans Ohlbaum, 1976) ont observé que de porter un casque aux fréquences entre 3-10 Hz a causé plus de dégradation visuelle que sans casque. Aux fréquences supérieures à 12 Hz, le casque a contribué à atténuer la vibration de la tête et ainsi, il a réduit la dégradation visuelle caractéristique à ces 18 fréquences sans casque. Quant aux perturbations d’une diffusion sonore, il existe de nombreux témoignages. Sur le plan médiatique, parmi les contributeurs de l’édition de The Wire, Low Bass Theories, Marcus Boon décrit une expérience dans les années 90 avec un système audio Aba Shanti-I au carnaval de Notting Hill, à Londres. Les basses fréquences étaient si puissantes à un moment, qu’elles ont rendu sa vision floue avec des fortes vibrations. Il dit que le liquide de ses yeux a bougé avec le son. Avec cette description, on suppose que c’était des fortes basses fréquences qui ont entraîné cet effet, mais il ne précise pas la ou les fréquence(s) et si la fréquence était dans le spectre infrasonore. Il faut mener des études empiriques pour mieux comprendre les circonstances sonores pour provoquer cet effet. Sur le plan des sciences populaires, l’animateur de l’émission télévisée de « Mythbusters », évoqué plus haut a aussi commenté son exposition aux ondes aériennes de 128 dB à 32 Hz, il a constaté que ses yeux ont vibré à cause du son. Avant l’expérience à 32 Hz, l’animateur a subi un son de ~114 dB à 9 Hz (et aussi des expériences aux fréquences encore plus graves) mais il n’a pas fait de remarque similaire concernant les yeux. Malheureusement, ils n’ont pas testé les fréquences entre 9-32 Hz pour chercher d’autres fréquences où cet effet apparaîtrait. Il y a aussi le témoignage de l’ingénieur Vic Tandy (1998) qui a éprouvé des perturbations de son champ visuel périphérique suivant une onde stationnaire à 19 Hz environ sur son lieu de travail et qui ont provoqué l’hallucination d’une figure spectrale. Les effets de cette dégradation visuelle, étant donné un contexte où il était seul dans le bâtiment la nuit, ont probablement donné libre cours à son imagination et contribué à la sensation de peur. La fréquence à laquelle Tandy a perçu des perturbations visuelles corrobore les conclusions d’Ohlbaum (1976), concernant un contexte vibratoire. Cependant, cela nécessite plus de recherches pour attribuer 18-19 Hz comme la résonance oculaire principale. 4. En résumé En tant que compositeur, l’essentiel est de savoir qu’il est possible de provoquer des effets vibratoires sur le corps et la vision à partir d’une diffusion vibratoire ou d’une diffusion sonore. Ensuite, on peut utiliser ces recherches et ces témoignages comme point de départ pour une recherche plus profonde, pour cadrer un contexte artistique pour exploiter ces effets corporels et visuels. 19 I: Partie 2 Oscillations rythmiques et leur rapport au corps humain et aux effets psychosomatiques Des nombreuses oscillations corporelles ont des taux infrasonores. Comme on a précisé dans le travail précédent, le taux cardiaque est à environ 1-2 Hz (Colby et al., 2009) ; le taux de respiration chez les adultes est entre 0,2-0,33 Hz (12-18 respirations par minute), mais il accélère pendant l’activité physique et il est plus rapide chez les enfants (University of Iowa Health Care, 1999-2000) ; les ondes neuronales dans le cerveau ont des spectres infrasonores divers: des ondes theta (>13 Hz), des ondes alpha (8-13 Hz), des ondes beta (3,5-7,5 Hz) et des ondes delta (≤ 3 Hz) (Sucholeiki, 2010). Le taux cardiaque s’accélère aussi pendant l’activité physique. On peut estimer le taux maximum sain en Hz selon l’âge d’individu concerné par l’équation : 220 " l' âge 19 . 60 Ainsi, pour les adultes entre 18-90 ans, ce taux maximum est entre 3,37-2,17 Hz, respectivement. Dans ce travail, on se limite au taux cardiaque et ! au taux de respiration car ce sont les oscillations dont on est le plus conscient. Dans « L’Infrason en Art » on a aussi discuté de l’émotion musicale (qui est distincte de l’émotion à l’écoute de musique) qui est reconnue d’après un conditionnement cognitif à la musique occidentale. On a particulièrement évoqué la recherche de François-Xavier Yvart (2004). Le public occidental a une tendance à associer la musique tonale majeure ayant un tempo rapide avec des émotions telles que la joie et la passion. Un tempo lent et plutôt associé au calme. Une musique tonale mineure ayant un tempo rapide est souvent associée à la colère et à la peur. Un tempo plus lent est lié souvent à la tristesse. Ces classifications sont très génériques et ne tiennent pas compte de la musique modale, atonale, d’autres cultures, et cætera. Cependant, il est important d’évoquer une corrélation entre le tempo et le type d’émotion auquel elle est affiliée. Un tempo rapide fait penser à des émotions de colère, de peur, de joie : des émotions typiquement caractérisées par des réactions psychosomatiques telles qu’un taux cardiaque accéléré ou une respiration plus rapide. 19 Montana State University- Bozeman. (1998). Cardiovascular Factors : Heart Rate During Exercise. Physiology & Psychology. Extrait le 30 août, 2012 de http://btc.montana.edu/olympics/physiology/cf02.html 20 Le calme et la tristesse projetés aux tempi lents se manifestent au corps avec un taux cardiaque plus lent et un taux de respiration relâché. Soit par conditionnement musical occidental soit par une identification d’un état interne (ou des deux), les rythmes musicaux réfléchissent des émotions associées aux oscillations corporelles à des vitesses correspondantes. Les associations conscientes entre les oscillations infrasonores et les oscillations corporelles peuvent aussi provoquer une réponse psychosomatique. D’après des observations personnelles et une correspondance personnelle avec Anne Sedes (le 1er décembre 2011), une exposition prolongée (de quelques heures au studio) à des rythmes infrasonores irréguliers qui imitent une arythmie cardiaque peuvent donner à l’auditeur une sensation physiologique bizarre qui approche du malaise. L’auteur de ce travail a exploité des oscillations inharmoniques qui suggèrent une arythmie dans son œuvre « Larry », détaillée au quatrième chapitre. Pour une illustration des effets des oscillations infrasonores sur le taux de respiration, veuillez consulter le témoignage de l’auteur du spectacle « Bestioles » (la composition musicale de Kasper T. Toeplitz) au quatrième chapitre. 21 I: Partie 3 Le rapport aux autres sens On ne peut pas parler d'une musique infrasonore sans parler d'une musique qui est crossmodale et aussi intersensorielle20 par nature. Dès le début de cette exploration, on a indiqué que les infrasons touchent des multiples sens. On les ressent en tant qu'un mélange d'audition, de pression, et de toucher. Pourtant, il y a aussi des moyens pour que les infrasons se révèlent et à la modalité visuelle. Certaines de ces ondes et vibrations infrasonores entraînent des effets de vibration et donc, de perturbation du champ visuel. En outre, via la cymatique (qu’on traitera plus loin), on peut dévoiler par la modalité visuelle les trajets et motifs des ondes infrasonores. Donc, il faut considérer que les infrasons se manifestent parfois par la vision. Hormis cette identité infrasonore cross-modale et intersensorielle, il y a de nombreuses façons pour le compositeur d'employer et de manipuler les infrasons d'une manière multimodale et intersensorielle. Parmi les possibilités, dans ce papier, on focalise notre étude aux relations concernant les domaines sonore, vibrotactile et visuel. Pour commencer, on va traiter la multi-modalité, la cross-modalité et l’intersensorialité. Ensuite, cela entraine une discussion sur les qualités intersensorielles des infrasons et on évoquera des emplois intersensoriels concernant la vibrotactilité et l'art visuel. A. La distinction entre la multi-modalité, la cross-modalité et l’intersensorialité aux infrasons Pour commencer, on définit et clarifie trois termes importants dans cette section : la multi-modalité, la cross-modalité et l’intersensorialité. On parle de la multi-modalité, c’est-à-dire, l’engagement de plusieurs modalités à la fois. Elle est sur un plan à l’extérieur du corps. La multi-modalité concerne le dispositif et la présentation de l’information. La projection d’un film sur un écran pour la modalité visuelle et la diffusion sonore par une enceinte pour l’audition illustre cela. Au troisième chapitre, dans notre recherche pour des alternatives de diffusion et d’amplification infrasonores, on discute des solutions multimodales. Par exemple, on explore les diffusions simultanées d’informations sonores et visuelles avec l’emploi d’un caisson de basse et un écran (e.g. d’ordinateur). Également, on explore les 20 On va définir ces notions dans la section suivante, 3.A. 22 transferts simultanés d’information sonore et vibrotactile avec l’emploi d’un caisson de basse et un transducteur tactile. Également, on parle de la cross-modalité, l’activation des structures corporelles et des récepteurs sensoriels pour des modalités différentes. Cela se situe sur le plan du stimulus à l’entrée du corps, mais il y a toujours un sens d’externalisation. Comparé à la multi-modalité, un seul dispositif peut entraîner un effet cross-modal. Les infrasons sont cross-modaux car ils peuvent exciter des récepteurs de l’oreille, du système vestibulaire, de la peau, des yeux et des intérocepteurs aux viscères. On a vu aux sections précédentes comment les infrasons à partir d’une diffusion sonore ou d’une diffusion vibrotactile peuvent provoquer une réponse des parties corporelles diverses, liées à des sens différents. Cependant, on nomme les sensations qui s’effectuent à cause de la cross-modalité : l’intersensorialité. Surtout, on traite de l’intersensorialité, c’est-à-dire des influences perceptuelles qui ont lieu entre deux ou plusieurs modalités sensorielles à la fois. Comme on verra, ce qui est multimodal ou cross-modal est souvent aussi intersensoriel. Cependant, l’intersensorialité concerne le plan interne, une construction au niveau du cerveau et de la perception. Elle réfère ce qu’on éprouve ; comment les sensations des diverses provenances liées à un événement ou à un objet semblent s'unifier dans une même expérience. Principalement, il est important de noter que ces sensations s'influencent entre elles; une modalité peut modifier ou compléter la perception d'une autre. B. Les approches pour un art intersensoriel des infrasons 1. Concernant une exploitation des effets cross-modaux Avec les infrasons, le compositeur n'a pas besoin d'adapter lui-même une approche multi-modale ou cross-modale pour obtenir un résultat intersensoriel chez le spectateur. Les aspects cross-modaux apparaissent pendant la diffusion infrasonore (depuis un subwoofer), sans avoir recherché particulièrement un effet cross-modal. En effet, isoler les éléments sonores des éléments vibrotactiles pour une diffusion infrasonore exige encore plus de réflexion de la part du compositeur et de l'ingénieur du son21, comme témoigne Roger Schwenke, scientifique supérieur à Meyer Sound Laboratories. Il explique qu’ils ont trouvé que la vibration ressentie à travers le corps est une composante significative dans la perception des basses fréquences. C’est 21 Peut-être à l'exception d'une diffusion au moyen de casques d'écoute. 23 pour cette raison que les strapontins de leur théâtre sont constitués d’estrades en bois posées sur un isolateur en caoutchouc (plutôt que du béton)22. Le compositeur doit connaître les effets intersensoriels infrasonores afin de les contrôler (autant qu'il est possible) et de les exploiter. En vue des applications infrasonores qu’on a précisé plus tôt, calculer les dimensions d'une salle de concert va donner des indices sur les fréquences auxquelles la salle va répondre et résonner. Le compositeur peut ainsi décider à quel moment il veut les activer, et comment les éviter. On peut aussi faire le même raisonnement concernant les réactions résonantes corporelles. 2. Le traitement des données concernant une diffusion multi-modale ou crossmodale Concernant les traitements par logiciel des données électroacoustiques infrasonores étant donné une diffusion multimodale, on peut employer la tactique de « mapping », une correspondance sensorielle entre des paramètres des deux modalités. Les chercheurs Sagiv et al. (2009) utilisent le terme de « synesthésie algorithmique » (algorithmic synethesia) pour décrire des telles correspondances, pourtant cela peut connoter qu’on cherche une représentation artistique du phénomène psychologique. En tout cas, un « mapping » ou une synesthésie algorithmique peuvent lier des modalités diverses pour provoquer un renforcement intersensoriel ; cela peut contribuer à une sensibilisation aux infrasons. Le « mapping » guide l’oreille en même temps qu’il sert en tant qu’exploration artistique réminiscente de la synesthésie. Au troisième chapitre, on parlera du « mapping » avec des modalités visuelle ou vibrotactile comme moyen d’amplification intersensorielle pour compléter une diffusion infrasonore faible en pression sonore. Également, la visualisation des ondes sonores par l’art cymatique, sujet qu’on abordera aussi au troisième chapitre, peut être un moyen de renforcement et d’amplification intersensoriel et perceptuel. Cependant, cela se catégorise sous une exploitation des effets cross-modaux d’infrasons plutôt qu’un traitement des données. Quant à une traduction des données infrasonores, dans ce travail, on s’intéresse à une diffusion vibrotactile à partir des transducteurs tactiles. Par définition physique, c’est principalement le milieu de conduction qui distingue les vibrations mécaniques 22 «We have found that felt vibration through the body is a significant part of the perception of low frequencies. For this reason the seating risers in our theater are wooden platforms on a rubber isolator (as opposed to, for instance, concrete)». Correspondance émail personnel, 29 août 2011 24 infrasonores des infrasons aériens. Ainsi, cela est une question de dispositif de diffusion plutôt d’un traitement « mapping » des données à partir d’un logiciel. Dans cet esprit de traduction, une telle substitution sensorielle fonctionne en tant que moyen d'amplification par une autre modalité. Cependant, il faut noter que le transducteur tactile est un objet cross-modal ; selon son couplage aux autres matériels et les fréquences qu’il diffuse, il peut produire aussi des aspects sonores. On traitera les enjeux musicaux et perceptuels d’une diffusion vibrotactile dans le prochain chapitre. Comme énoncé plus tôt, l’analyse de l’œuvre « Larry » au quatrième chapitre traitera une piste sonore diffusée par un transducteur tactile parmi d’autres pistes sonores diffusées par des enceintes. 3. Les rapports intersensoriels plus complexes à partir d’une superposition des modalités Selon Sagiv et al., 2009, les données d'une modalité peuvent augmenter, compléter, voire altérer la perception des données d'une autre modalité, à cause de l’intersensorialité. Ce sont ces interactions qui offrent au compositeur le potentiel pour une exploration encore plus riche et complexe. Pour illustrer certaines de ces influences, il existe de nombreux phénomènes et termes, comme « la valeur ajoutée » d’après Michel Chion dans son livre L’audiovision et « ventriloquist effect » (l’effet ventriloque). Chion emploie le premier terme dans le cadre d’un film pour décrire comment le son ou l’image peuvent changer la manière dont l’observateur perçoit l’autre. Il parle de cela dans un contexte de la temporalisation du son, où l’image et le son jouent en contrepoint. On peut aussi étendre cette discussion aux autres rapports sensoriels. Par exemple, pour l’œuvre « Larry », par l’auteur de ce travail (voir le quatrième chapitre), on a employé un transducteur tactile pour traduire des données audio en Reaper aux vibrations mécaniques. D’autres pistes sonores musicales ont aussi été diffusées par des enceintes, pour accompagner cette piste vibrotactile et créer des rapports intersensoriels en contrepoint. Cette traduction modale était un choix qu’on a fait en partie pour tester une façon alternative de diffuser les infrasons, et en partie pour développer ces rapports de contrepoint intersensoriel sur un plan artistique infrasonore. Quant aux théories de Chion, spécifiquement, l’auteur a exploité son concept de la vectorisation : étant donné une modalité assez neutre, c’est l’emploi de l’autre modalité pour exprimer l’idée que le plan a une trajectoire, qu’il est orienté dans le temps ou qu’il y a un sentiment d’attente. 25 On a réalisé cela par un motif musical vibrotactile des oscillations infrasonores qui disparaissent et réapparaissent dans une texture sonore autrement statique. Les changements sur le plan vibrotactile ajoutent du suspense au plan sonore immuable. L’effet ventriloque se réfère spécifiquement à un préjugé intersensoriel, ou comment un sens peut influencer le jugement de l’autre. Un exemple simple serait pendant un film, lorsqu’on attribue les voix diffusées de l’enceinte aux bouches des personnages sur l’écran (Sagiv et al., 2009). Également, on exploite cet effet dans « Larry » pour jouer avec l’attente. Pourtant la piste vibrotactile est musicalement indépendante des pistes sonores, on organise des moments de quasi-synchronie. Vers la fin de la pièce, il y a un son mécanique caractérisé par des fluctuations infrasonores. La partie vibrotactile emploie des oscillations infrasonores qui rappellent celles ressenties d’une machine ou d’une véhicule, avec des petits coups irréguliers qui rappellent des crépitements. Ainsi, le son manifestement mécanique nous guide pour percevoir la partie vibrotactile en tant qu’unité avec la partie sonore. Lorsque l’élément sonore s’arrête entièrement de temps en temps, on est surpris par l’élément vibrotactile qui continue et, donc, révèle et établit la nature musicale distincte de chaque piste sensorielle. Ainsi, ces interruptions dévoilent l’illusion créée par l’effet ventriloque. En outre, quand on traitera au deuxième chapitre d’une exploration des paramètres musicaux vibrotactiles, et de la spatialisation vibrotactile, on montre qu’on peut créer de nombreuses illusions intersensorielles. D’autres rapports en contrepoint seront évoqués lors de l’analyse de « Larry ». On abordera, le décalage des effets vibrotactiles et infrasonores aériens pouvant donner l’illusion qu’ils s’influencent. C’est dans ces rapports qu’on peut exploiter la nature intersensorielle des infrasons dont on est déjà conscient, et jouer avec les anticipations de ce rapport. C. En résumé Les infrasons offrent une richesse intersensorielle par leur nature ou à travers des superpositions, « mappings » ou traductions imposées aux modalités tactiles et/ou visuelles. À part leurs impacts et leurs influences sur les structures architecturelles et corporelles, évoquées dans ce chapitre, il y a une multitude de paramètres et d’effets musicaux à explorer, soit par la modalité acoustique, soit par la modalité vibrotactile. Cela sera le sujet du prochain chapitre. 26 CHAPITRE II Les paramètres musicaux des infrasons et leur potentiel en composition 27 II: Partie 1 Les paramètres musicaux des infrasons A. Le rythme et le polyrythme : la « hauteur » et l’« harmonie » des infrasons La question de la hauteur ne s’applique pas aux infrasons. Par sa définition, les infrasons marquent le seuil où la hauteur devient le rythme. Donc, on parle des pulsations. Ainsi, le concept d’une « harmonie » comprise des infrasons existe qu’en tant qu’une superposition de périodicités. Par une telle définition, les polyrythmes représentent l’« harmonie » des infrasons. Ce concept est particulièrement évident à la synthèse additive et à la modulation de fréquence, comprenant une superposition des signaux infrasonores. On peut visuellement illustrer ce concept par l’analyse harmonique d’après Fourier. Des relations inharmoniques entre les signaux ainsi que des décalages de phases entre eux peuvent contribuer à des polyrythmes encore plus complexes et dynamiques qu’avec les relations harmoniques synchronisées en phase seules. De plus, comme on développera plus loin dans la section dédiée au sujet de spatialisation, des battements monauraux et binauraux, des décalages de phases et l’emploi d’infrasons d’ondes complexes peuvent aussi créer des tapis de polyrythmes riches et variants dans le fil du temps. B. L’intensité Lorsqu'on compare les infrasons au domaine des hauteurs, on peut également identifier des variations d’intensité. Cependant, pour développer une échelle d’intensité des infrasons, il existe quelques enjeux à considérer, principalement des questions liés à la psychoacoustique et au dispositif de diffusion. Comme on a précisé dans notre travail de Master 1 «L’infrason en Art », pour atteindre le seuil de détection aux infrasons, il faut un niveau dB plus élevé que celui des sons du domaine des hauteurs. Pour illustrer cet effet, voici un graphique des courbes isosoniques, dans lequel la sensation d’intensité régulière à l’oreille humaine se mesure en « phons » au lieu des dB : 28 FIGURE 8 : Les courbes isosoniques d’après Altmann, 1999. Au fur et à mesure que la fréquence diminue, pour des fréquences inférieures à 20 Hz, la bande qui encadre le seuil de détection et celui de l’inconfort devient de plus en plus étroite. Par ailleurs, les courbes de niveaux d’intensité se rapprochent. Cela signifie, pour le compositeur, qu’un auditeur éprouvera des changements perceptibles d’intensité moindre avec des infrasons qu’avec des sons du domaine des hauteurs. Cette discussion nous ramène à l’autre enjeu de perception : celui de perception relative. Établir un spectre universel (selon une échelle de dB) pour encadrer le point de leur détection jusqu’au point avant l’inconfort s’avérera difficile. Comme on a aussi précisé dans notre papier « L’infrason en Art » et dans l’introduction de ce travail, la sensibilité aux infrasons entre les individus varie considérablement. Cette variabilité s’éclate dans les contextes artistiques tels que l’installation Interactive Infrasonic Environment (Gupfinger et al., 2009). Cette installation invite les participants à interagir avec les infrasons ; les artistes ont construit un tuyau d’orgue pour produire des fréquences infrasonores jusqu’à 15 Hz et ils ont développé un système de suivi en Max/MSP qui traduit le positionnement des sujets dans l’espace en modulations de fréquence et de volume. Dans une expérience liée à cette installation, les auteurs ont invité 10 sujets à participer individuellement à une série d’expositions au dispositif. Ils ont émis une fréquence continue à 15 Hz et ils ont étudié les réponses aux trois intensités, spécifiées comme tel: bas, moyen, haut. Les auteurs ne précisent pas les intensités en niveau dB. Pourtant l’exposition au tuyau a entraîné une sensation de pulsation, de pression et de vibrations chez tous les sujets, et le seuil d’inconfort a varié parmi les individus. Deux participants ont éprouvé de l’inconfort au niveau «moyen» 29 tandis que cinq d’autres sujets ont éprouvé l’inconfort au niveau «haut». Les trois sujets restants n’ont éprouvé aucun inconfort pendant l’exposition. Ainsi, on voit qu’il faut faire très attention en tant que compositeur, étant donné que son seuil d’inconfort n’est pas nécessairement le même que celui de son public. Toutefois, quoique les participants de cette installation ont été exposés aux éléments d’inconfort, ils ont tous rapporté que le contact au dispositif était agréable. C’est un fait qui pourrait être attribué au sens d’une participation volontaire dans un contexte d’installation artistique ou au sens de contrôle que les sujets ont ressenti dans la nature de cet environnement interactif. Pour le compositeur, laisser la possibilité pour un membre du public de calibrer sa propre exposition à l’intensité du son, par exemple, simplement en s’éloignant de la source de diffusion, peut aboutir à une expérience artistique mieux reçue. Finalement, pour tenir compte du seuil des infrasons, il faut mentionner le problème lié au dispositif de diffusion. En effet, il faut un moyen de diffuser les infrasons au niveau dB exigé pour leur détection. La plupart des matériels répandus ne sont pas appropriés pour une telle diffusion. C’est un des enjeux principaux qu’on traite en détail dans ce travail, notamment dans la deuxième partie du 3e chapitre. En effet, on peut employer d’autres moyens pour les amplifier, c’est ce qu’on a proposé plus tôt dans le premier chapitre: les résonances de l’espace acoustique, les résonances corporelles, ou un système de substitution sensorielle. Même si on peut assurer un moyen de diffusion des infrasons perceptibles, atteindre des niveaux d’intensité divers à toutes les fréquences n’est pas toujours réalisable selon les contraintes du système. À certaines fréquences, il y aura plus de variabilité dynamique qu’à d’autres. Selon les expériences infrasonores qu’on a menées avec des casques d’écoute et des subwoofers, on a entendu plus d’un spectre dynamique d’intensité plutôt autour de 20 Hz qu’aux fréquences entre 9-12 Hz (9-12 Hz étant les limites de leur capacité pour diffusion). Pour cette raison, pour composer de la musique infrasonore, il faut bien tester au préalable et tenir compte des limitations du système de diffusion pour développer les nuances d’intensité appropriées à la fréquence. En somme, la possibilité de codifier une gamme d’intensités des infrasons dépend fortement du moyen de diffusion employé et ses limitations de diffusion. Elle est également limitée par les seuils individuels de l’inconfort aux infrasons parmi les membres d’un public. Comme on l’a précisé plus tôt, une solution à la deuxième contrainte peut être de dédier un espace de mouvement pour le public afin qu’il puisse se déplacer volontairement et ainsi, calibrer l’intensité selon sa propre sensibilité. Plus 30 tard, dans la deuxième partie de ce chapitre, on traite de l’idée de traduction sensorielle au vibrotactile et comment on peut élargir un tel spectre d’intensité à une autre modalité. En effet, la solution à l’enjeu de l’intensité peut fonctionner en tant qu’un paramètre artistique de soi-même. On offre plusieurs possibilités tout au long du texte, mais au-delà de cela, c’est au compositeur de chercher ce qui sert le mieux à lui et à son public. C. Le timbre Dans cette section, on va isoler et traiter les formes d'ondes classiques: des ondes sinusoïdales, triangulaires, en dents de scie et carrées ainsi que du bruit blanc, la bande fréquentielle du dernier étant contrôlée par un filtre passe-bas. On se limite à ces formes classiques pour cette approche didactique ; il y a évidemment une infinité de timbres beaucoup plus riches et dynamiques à explorer. Les synthèses additive et FM (modulation de fréquence) simple peuvent aussi offrir des timbres complexes, particulièrement les timbres qui modulent au fil du temps ; ce sont des timbres qui seront étudiées en partie dans la section de spatialisation et plus loin dans le chapitre suivant. Toutefois, cette occasion d'expérimentation est utile pour observer les effets de synthèse soustractive sur ces ondes et donc sur leurs timbres. On emploiera un patch du logiciel Max/MSP pour générer les oscillateurs de formes d'ondes diverses et aussi pour étudier les effets des filtres passe-bas (lowpass) résonants de l'objet filtergraph~ et de l'objet lores~. La pente des bandes transitionnelles (l’espace entre la fréquence de coupure et la « stopband ») des deux filtres est rendue plus abrupte selon une résonance (ou Q) plus augmentée, qui isole plus effectivement les fréquences infrasonores de leurs partiels du domaine des hauteurs. Tout au long de cette section, il est important de tenir compte du rôle de la psychoacoutique dans la perception du timbre. Le timbre est une fusion perceptuelle d’une balance entre des partiels (des relations harmoniques ou non) (Gordon dans Roads, 1996). On a constaté que, dans nos expériences de timbre et nos expériences de durée, lorsque la fréquence diminue (en particulier en dessous de 10 Hz), le timbre des cycles individuels devient perceptible. Ainsi, avec une enveloppe pour faire varier le timbre au fil du temps (e.g. le paramètre de l’index de modulation de la synthèse FM simple), des pulsations individuelles d’une fréquence peuvent parfois ressembler aux notes séparées aux timbres différents. 31 1. L’enjeu du filtre Le sujet du timbre dans la composition infrasonore pose des enjeux au niveau de filtrage. En effet, ce sont des partiels qui fournissent les formes d'ondes nonsinusoïdales (telles que les ondes triangulaires, en dents de scie et carrées), or l'emploi d'un filtre passe-bas, destiné à isoler le spectre des infrasons, enlève dramatiquement les caractéristiques de timbre de ces ondes, parfois en les réduisant aux ondes sinusoïdales (lorsque la fréquence de coupure, FC, est inférieure au premier partiel). Ainsi, il faut choisir comment employer un filtre passe-bas (si on va l'employer) selon les effets infrasonores et les timbres recherchés. Puisqu'il est possible de développer une musique purement infrasonore qui joue parmi des permutations de timbre parfois très subtilement variées, le compositeur étend considérablement sa gamme des timbres disponibles dès qu'il élargit la zone fréquentielle au-delà du seuil des infrasons pour incorporer les partiels qui restent hors de ce spectre. Selon le filtre employé, le paramètre de Q ne détermine pas parfaitement la fréquence de coupure haute, selon une adaptation de l’équation Q = f centrale f hautcutoff " f bascutoff (Roads, 1996). Cela est probablement dû en partie au fait que cette haute fréquence est uniquement à un point de - 3 dB de la fréquence de coupure (Filtergraph~ Reference, ! Max/MSP, 2008), et pour faire entendre les infrasons graves, il faut que l’amplitude soit maximale. Donc, on amplifie aussi les partiels typiquement atténués après ce point. Ainsi, avec un paramètre Q modéré (e.g. 1,5 avec une FC à 15 Hz, qui doit fournir une fréquence de coupure haute à 20 Hz environ), on a toujours l’impression qu’on est dans le spectre très grave, or on ne perd pas toutes les caractéristiques de timbre des ondes complexes, même pour les ondes à 19 Hz. Certainement ces ondes approchent une forme sinusoïdale ; cela s’entend et cela se voit avec un oscilloscope (objet scope ~). Les signaux montrent des contours plus distincts lorsque la fréquence diminue et le spectre écoutable encadre encore plus leurs partiels. Cependant, quelques partiels, même très atténués, contribuent à une perception de timbre et à une distinction entre les formes d’onde classiques. En général, ces formes d’ondes deviennent plus marquées aux lentes oscillations infrasonores. Spécifiquement, étant donné les différents types d’ondes introduits dans le paragraphe précédent avec les mêmes paramètres de filtre, on peut toujours distinguer la nature ronde des ondes sinusoïdales, la nature un peu plus rude des ondes triangulaires, 32 la nature accidentée et ronronnante des ondes en dents de scie et la nature assez accidentée (moindre que celle des ondes en dents de scie), avec une période doublée, de l’onde carrée. Quand on compare une onde carrée à une fréquence égale à la moitié de la fréquence d’une onde en dents de scie, on note que l’onde carrée semble toujours plus douce que celle en dent de scie. Les cycles individuels de l’onde en dents de scie sont plus prononcés et accentués. En effet, ses contours sont encore plus marqués lorsque la taille du filtre encadre des plus hautes fréquences. 2. L’enjeu du dispositif pour le timbre La question du timbre des infrasons est liée à celle du dispositif de diffusion. D'après des expériences menées depuis un subwoofer MeyerSound UMS-1P, depuis deux subwoofers APG SB115S et enfin depuis des casques d'écoute DT 770 PRO BeyerDynamic, on a vu que la coloration, à cause de la saturation des systèmes, contribue d'une manière considérable à la perception du timbre. Ainsi, on peut rechercher une telle saturation en tant qu'un élément musical en soi. Également, il faut remarquer que le déplacement des membranes des haut-parleurs produit un bruit assez perceptible dans le domaine des hauteurs, un effet qui contribue aussi à la détection des cycles infrasonores et qui masque parfois d'autres aspects sonores subtils. Les harmoniques et la distorsion du système contribuent à la perception des fréquences inférieures au spectre de la réponse en fréquence. À partir des casques d'écoute DT 770 Beyerdynamic (qui prétend offrir une réponse en fréquence jusqu'à 5 Hz23), on a noté que le seuil de détection d'une onde sinusoïdale était à environ 9-10 Hz. On définit un tel seuil de détection par une perception de pression aux oreilles qui est plus ou moins distincte d'une coloration auditive dérivante d'une saturation du système. Le seuil de diffusion des subwoofers24 est supérieur d’un ou deux Hz (à 11- 12 Hz), étant donné une distance de l'auditeur depuis l'enceinte supérieure à 2 mètres. Cependant, on peut entendre des effets sonores à 3 Hz avec des ondes triangulaires, et même à 0.01 Hz avec les ondes en dents de scie et carrées. On peut attribuer à plusieurs sources l'audition des formes d'ondes complexes aux fréquences inférieures à celles des ondes sinusoïdales pures, reproduites avec le même système de diffusion. Il faut 23 www.headphone.com (2012) et selon son emballage (reçu neuf en 2012) La réponse opérationnelle du subwoofer MeyerSound UMS-1P est 25 Hz – 200 Hz selon ses spécifications techniques (2000, Meyer Sound Laboratories, Inc.) et les spécifications du haut-parleur APG SB115 sont 45 Hz -300 Hz selon son spécifications sur www.apg.tm.fr (date non précisée). 24 33 préciser que même si les fréquences fondamentales ne sont pas directement audibles, d'autres qualités sonores indiquent toujours leur pulsation isochronique et les harmoniques effectueront le phénomène psycho-acoustique de la fréquence fondamentale manquante. Au niveau de la composition, pour rendre évident ce dernier phénomène, on a remarqué qu'un glissando descendant depuis des fréquences supérieures, en particulier depuis des fréquences du domaine des hauteurs, est particulièrement efficace. En premier lieu, les harmoniques de fréquences supérieures à celle du seuil de diffusion du système pour les ondes sinusoïdales vont contribuer à l'audition et la distinction de fréquence de telles oscillations. Dans le cas où on utilise des casques Beyerdynamic, cela sera des harmoniques supérieurs à 9 Hz. Deuxièmement, il faut considérer la saturation ou la distorsion du système qui peut se manifester par un taux oscillatoire du signal ou pulsations isochroniques. Le bruit de déplacement de la membrane en fait partie. De la même manière, on peut débattre à quel point les résonances audibles d'objets, placés dans l'espace acoustique, contribuent à la coloration de timbre. Cela a été particulièrement un enjeu quand une résonance acoustique a été mise en évidence dans le studio de l’Université de Paris 8 où des tests du subwoofer MeyerSound on été effectués. Un mode de résonance le long de l’axe horizontal de la salle a été provoqué par une onde en dents de scie à 16 Hz environ. La résonance a aussi entraîné des vibrations dans un conduit de climatisation25. Par ailleurs, cet effet était absent avec les ondes triangulaires et sinusoïdales. L’effet était perceptible avec des ondes carrées, mais plus atténué. Ainsi, en tenant compte des dimensions de la salle, on estime qu’une harmonique de l’onde a été responsable de cette résonance. Néanmoins, ces vibrations à 16 Hz colorent le timbre et, en outre, un timbre précis. Donc, des vibrations sympathiques peuvent faire partie d’un timbre infrasonore. Finalement, concernant l'audition des ondes en dents de scie et carrées, il y a un aspect des pulsations isochroniques qui peuvent être modulées selon la FC et la résonance d'un filtre26. Avec un filtre passe-bas, on a observé que ces deux formes d'ondes rebondissent après la crête des ondes en dent de scie et carrés (ainsi qu'avant 25 Il est également possible que ces vibrations aient été dues à une résonance du tuyau de climatisation lui-même. 26 Les observations suivantes ont été remarquées à l'oreille, puis confirmées à l'observation d'un oscilloscope, analysant le signal généré par un oscillateur simple sinusoïdal. 34 aux ondes carrées) en créant une résonance en onde sinusoïdale. Cette perturbation résonne à la fréquence de coupure FC, à cause de la présence d'une résonance du filtre. Par exemple, à 0.01 Hz, avec un filtre passe-bas dont la FC est à 20 Hz et le Q est à 17, une onde en dents de scie rebondit à 20 Hz suivant la pente descendante de la dent. Ainsi, on peut conclure que les pentes brutales des formes d'ondes en dents de scie et carrées entraînent des résonances de filtre. En outre, on remarque que lorsque le Q approche 0, la hauteur de la résonance devient moins déterminée. En l'absence du filtre, la démarcation entre les cycles est présente et claire, mais sans hauteur précise. Étant donné une FC inférieure à 11-12 Hz, il n'y a plus de démarcation isochronique entre les cycles ni en dents de scie ni carrées. On estime que le seuil de 11-12 Hz est lié à la capacité du système de diffuser des ondes sinusoïdales, car les rebondissements ont lieu à une amplitude moins forte que l'amplitude requise pour détecter une onde sinusoïdale pure à 10 Hz avec les casques. 3. Le bruit blanc traité On a aussi étudié le bruit blanc en tandem avec la synthèse soustractive, utilisant un filtre passe-bas pour isoler les fréquences infrasonores. Le bruit blanc est un grondement par nature et peut parfois être granulaire, or il n'est pas très audible aux casques d'écoute, pour un bruit blanc passé à travers un filtre de FC inférieur à 15 Hz environ, et un Q élevé. Le bruit aléatoire ou en partie aléatoire peut être un outil puissant pour faire rappeler au public un phénomène infrasonore répandu. Par exemple un circuit pour générer des grondements a été construit sur mesure pour le film SenSurround Earthquake, selon un brevet américain original (l’auteur ne précise pas la référence), et il a été diffusé dans une vidéo Youtube, Sensurround Earthquake Rumble on Oscilloscope27. Selon l'auteur, un bruit en partie aléatoire est produit à des fréquences entre 20-120 Hz avec des éléments résiduels jusqu'à 10 Hz. Ainsi, le bruit blanc limité aux fréquences graves peut très bien servir pour imiter le bruit des tremblements de terre ou simplement pour un effet de grondement. D. La durée et les enveloppes d’amplitude Pour commencer, il est nécessaire de préciser que les études suivantes ont été menées sur la durée et l’enveloppe avec l’emploi des casques d’écoute professionnels 27 2008, Extrait le 13 juillet 2012 de http://www.youtube.com/watch?v=DuFdVzDQDUE 35 BeyerDynamic DT 770 PRO. Concernant le logiciel, les tests ont été effectués avec un patch en Max/MSP. Avec ce matériel, on a pu explorer la relation entre les paramètres du timbre, la durée et l’enveloppe en tant qu’une fonction de la fréquence. En général, des fréquences à 3 Hz, 7 Hz, 11 Hz, 15 Hz, 19 Hz et 40 Hz ont été employées pour ces expériences, ainsi que des formes d’ondes sans filtre qui sont sinusoïdales, triangulaires, en dents de scie ou carrées. Pour étudier la durée, il faut la relier mathématiquement à la fréquence. On a examiné trois groupes de rapports où T est la durée en secondes et ƒ est la fréquence. Dans T= le premier groupe, on a employé des relations telles que : 1 1 1 1 1 ,T = ,T = ,T = ,T = afin de regarder le rapport entre la durée du f 1,7 f 2f 4f 10 f cycle et les fractions du cycle. Dans le deuxième groupe, on a employé des relations ! telles que : T = 1 1,7 2 4 10 ,T = ,T = ,T = ,T = afin de regarder le rapport entre la f f f f f durée du cycle et les multiples du cycle. Enfin, le troisième groupe étudie les relations telles ! que : T = f 1,7 f 2f 4f 10 f ,T = ,T = ,T = ,T = ou plus simplement exprimées f f f f f comme telles : T = 1, T = 1,7, T = 2, T = 4, T = 10. Ce groupe étudie les plus longues durées, comprenant de nombreuses répétitions des cycles. ! Pour traiter le sujet d’enveloppe d’amplitude, six fonctions ont été configurées : 1. Une enveloppe d’une attaque assez raide et d’un décroissement assez raide avec un palier. 2. Une enveloppe d’une attaque raide et d’un décroissement doux. 3. Une enveloppe d’une attaque douce et d’un décroissement raide. 4. Une enveloppe étroite d’une attaque raide et d’un décroissement raide. 5. Une enveloppe triangulaire d’une attaque douce et d’un décroissement doux, mais sans palier. 36 6. Une enveloppe ronde, plus ou moins gaussienne. Pour les études de durée des deux premiers groupes des durées (les fractions des cycles et des petites multiples des cycles), on n’a employé que le premier modèle, que l’on appellera « l’enveloppe sustain ». En utilisant une enveloppe sustain, aux fréquences sinusoïdales à 9 Hz, 11 Hz, 15 Hz, 17 Hz, 19 Hz, 23 Hz, 30 Hz et 40Hz, il faut une durée d’au moins un cycle (qui commence depuis une phase à 0 ou à π pour éviter la distorsion) pour distinguer la fréquence à l’oreille. Cette caractéristique est distincte des distorsions isochroniques du système qui sont souvent présentes. Ce seuil d’un cycle s’applique aussi au timbre, à la distinction d’une forme d’onde complète. On a vu que lorsque la fréquence est plus basse, une durée plus longue et de nombreux cycles, aident à la distinction de la courbe d’enveloppe. En outre, une durée plus longue aux basses fréquences évite la distorsion. On a remarqué que les enveloppes aux attaques rapides et aux décroissements rapides entraînent de la distorsion. Elles provoquent encore plus de distorsion quand l’attaque est lancée hors phase étant donné une durée assez courte. Plus la fréquence est basse et la pente d’amplitude est aiguë, plus la durée doit être longue pour réduire cette distorsion. Parfois, cela prend quelques secondes. Cet artéfact est perceptible avec les ondes sinusoïdales, en dents de scie et carrées. De façon intéressante, l’effet n’est pas si distinct avec des ondes triangulaires car le timbre de la distorsion s’harmonise bien avec leur timbre. À part cela, aux durées inférieures d’un cycle de la fréquence, les distorsions deviennent parfois très percussives et intéressantes. Les bruits et clics ont le potentiel pour être exploités en tant que paramètre musical en soi. E. La spatialisation Pour déterminer les effets de spatialisation aux infrasons, on a mené une série d’expériences avec l’emploi de deux subwoofers APG SB115S, des casques d’écoute BeyerDynamic et la sortie audio d’un ordinateur iMac 2006. Les tests des subwoofers ont été effectués dans l’espace de l’Amphi X du campus de l’Université de Paris VIII. Selon les conseils de Toole (2008) pour réduire les résonances acoustiques dans les espaces acoustiques carrés, chaque subwoofer a été placé à une distance approximative 37 de 25% du mur et sur un axe horizontal de l’espace. Même si l’espace de l’Amphi X n’est pas carré, sans un acousticien professionnel et une connaissance précise des dimensions, cette configuration peut difficilement être mieux optimisée pour la diffusion. Cette méthode simple reste la plus facilement réalisable (étant donné les moyens de cette recherche) pour éviter des résonances indésirables pendant ces expériences. Concernant le logiciel, on a employé deux patchs en Max/MSP qui se trouvent sur le disque accompagnant. Il y a des exemples pre-programmés pour chaque patch. Le premier était un double oscillateur, chaque oscillateur est basé sur celui présenté cidessus pour examiner le timbre. On pouvait sélectionner la forme de l’onde parmi les options: sinusoïdale, triangulaire, en dents de scie, ou carrée. Les deux oscillateurs avaient des filtres filtergraph~ et lores~. L’autre patch était un double oscillateur FM simple équipé avec un filtre filtergraph~. Pendant ces tests de spatialisation, on s’intéressait au rapport entre les battements monauraux et binauraux, les polyrythmes des pulsations isochroniques conduites par un objet Max metro pour chaque oscillateur, le décalage de phase et de panning. On a aussi étudié le rôle du timbre, de la synthèse soustractive et parfois d’enveloppe d’amplitude. Dans cette section, on aborde principalement la spatialisation stéréo, sauf dans la section de panning, où on parle brièvement d’une configuration octophonique. Globalement, la spatialisation permet de créer des polyrythmes très complexes et dynamiques grâce à certains paramètres. La variation de ces paramètres crée rapidement une palette d’effets divers et très séduisants pour le compositeur. 1. Les tests avec le premier patch Un des intérêts principaux de spatialisation est celui de la création des battements monauraux dans le cas des enceintes et des battements binauraux dans le cas des casques d’écoute. A priori, peu importe quelle addition des ondes dans le spectre infrasonore entraînera des battements, car les oscillations au sein du spectre infrasonore ont une différence qui n’excède pas 20 Hz, une différence fréquentielle de moins de 2630 Hz étant le point de départ pour cet effet28. Également, on a observé qu’aux ondes complexes (sans filtre), ces battements sont même audibles à partir d’une sortie des 28 Oster, (1973). 38 enceintes d’ordinateur. Or, après nos expériences, on a vu que ces battements deviennent moins prononcés dès que l’oscillation est inférieure à 9 ou 10 Hz environ. À ce moment-là, les cycles distincts de la fréquence et le polyrythme entre les deux signaux commencent à masquer les battements monauraux et binauraux. Si les battements sont toujours présents, il est très difficile de les distinguer. Ce seuil divisé par 2 avec des ondes carrées qui manifeste déjà une période double, et ainsi, un battement doublé. En somme, les battements servent à provoquer des rythmes entre les infrasons moins rythmiques en soi. Pour une illustration de cela, veuillez essayer les boutons pre-programmés 1,2 et 3. On a vu que le décalage de phase rajoute un effet rythmique par des annulations et des renforcements d’onde entre les deux subwoofers. Les boutons 4 et 5 explorent ce paramètre, 4 en phase, 5 hors phase par 30%. On a également vu qu’on peut intensifier la complexité des relations phasiques en créant une relation polyrythmique entre les deux oscillateurs. Utilisant des fréquences supérieures à 10 Hz, on a envoyé des bangs à une enveloppe (le modèle 1 de la section précédente) à un taux contrôlé par un objet metro. On a accordé la durée de l’enveloppe d’amplitude avec le taux d’objet metro, afin que l’enveloppe se relance dès que l’événement sonore est terminé. On a utilisé des durées entre 0,5- 5 secondes. Ainsi, on a crée des pulsations isochroniques à 0,5- 5 Hz, chaque pulsation comprenant une fréquence infrasonore entre 10- 20 Hz. On a décalé le taux des deux oscillateurs afin de produire une relation polyrythmique. Puisqu’il y a un décalage de phase, ce polyrythme global change la manière dont les phases interagissent ensemble. En effet, on crée un polyrythme de phase difficile à anticiper à l’oreille. Ainsi, on a trouvé que le décalage de ces pulsations isochroniques est un paramètre important pour le compositeur. Veuillez écouter les exemples des boutons 6 et 7. De plus, ces polyrythmes deviennent plus développés lorsque les ondes sont complexes, les formes d’onde complexe ne sont pas les mêmes et possèdent un plus large nombre de partiels (contrôlé par le filtre passe-bas). Au niveau du timbre, on peut obtenir des résultats variés et riches. Vous pouvez écouter une comparaison entre sans filtre et avec filtre en utilisant les boutons 8 et 9. Lorsqu’on a mené ces tests aux fréquences en dessous de 10 Hz, il a fallu employer uniquement des ondes complexes, car les ondes sinusoïdales seules n’étaient plus perceptibles, étant donné les spectres fonctionnels des subwoofers et des casques d’écoute. Avec des paramètres similaires, on a aussi pu obtenir des complexités rythmiques. Cependant, on n’obtenait pas autant de richesse de timbre et les pulsations 39 isochroniques globales n’étaient pas toujours si distinctes. Pour faire ressortir les pulsations, on a vu que les paramètres suivants étaient efficaces : une différence faible entre les fréquences, des enveloppes différentes (e.g. le modèle 1 avec le modèle 2) et des décalages isochroniques subtils et une relation mathématique non-multiple. Également, en désignant des durées/des taux isochroniques, il faut tenir compte des astuces de la dernière section afin d’éviter des distorsions. Un exemple de cet effet est illustré avec le bouton 10. Même si on crée un entrelacement rythmique très dynamique par ces paramètres, en imposant des pulsations isochroniques globales et en modulant la différence entre eux, on peut obtenir un sens de tempo lent ou rapide, tout en gardant cette complexité riche. Cet effet en combinaison avec une différence plus proche entre les fréquences (et ainsi, des battements plus lents) peut contribuer à un tempo plus lent. 2. Les tests avec le deuxième patch (de la synthèse FM simple) Étant donné les résultats des tests du premier patch, on a imaginé l’intérêt d’un patch qui a un timbre qui est modulé au fil de temps. Ainsi, on a développé un patch double de la synthèse FM simple, un pour chaque enceinte (ou chaque oreille). Chaque piste a la possibilité de décaler la phase, une enveloppe dédiée à l’index de modulation et une enveloppe d’amplitude. Les durées de ces enveloppes sont liées à un objet metro (déjà utilisé pour créer des pulsations isochroniques avec premier patch). Cependant, on a observé des résultats rythmiques et des effets de timbre beaucoup plus intéressants et moins répétitifs, selon des durées/des taux longs/pas fréquents. Le bouton 1 dans le patch illustre cela. Ainsi, on a observé qu’il y avait beaucoup moins d’anticipation à l’oreille des effets polyrythmiques. On a aussi entendu des influences de phase intéressantes suite à une duplication exacte des paramètres entre les deux pistes sauf ceux de la phase et de l’enveloppe pour l’index de modulation. Veuillez écouter le bouton 2 pour une illustration. On a décidé d’aller encore plus loin en utilisant l’aléatoire; on a altéré la fréquence modulante de chaque partie du patch, l’une indépendamment de l’autre partie, à l’aide d’un objet générant l’aléatoire ‘drunk’. De plus, le taux de ces changements peut varier avec un autre objet metro et un objet random. Voici un exemple des subpatchs : 40 FIGURE 9: La fréquence modulante du côté gauche. Un patch similaire est du côté droit. Ainsi, on a pu obtenir un résultat rythmique qui approche les microrythmes, mais qui parfois établit des battements monauraux (ou binauraux) entre les deux pistes. Les boutons 3 et 4 correspondent à cet effet. Également le taux de ces battements module rapidement selon les changements de l’enveloppe de l’index modulant. Pendant que le premier patch est riche en possibilités sonores, ce deuxième patch, qui offre des changements de timbre au fil du temps, est plus fonctionnel en tant qu’outil de composition, ce qui donne un produit musical prêt à utiliser en soi. 3. Le panning On a observé l’efficacité d’un panning d’échange entre les deux pistes dans chaque patch, pour faire ressortir ces effets de nouveau. Cela aide à encore animer le matériau. De plus, cela est particulièrement utile dans le contexte d’un concert à partir d’une diffusion depuis des subwoofers, où tous les membres de public ne sont pas toujours orientés au centre. Également, le transfert de contenu d’une manière rythmique peut rajouter son propre aspect infrasonore. Dans l’œuvre « Electrified out of the coma » (2011) d'Anne Sedes, des pulsations sont envoyés pour faire le tour d’une formation octophonique cyclique des enceintes non-subwoofer. Ces cycles sont parfois effectués à un taux infrasonore, parfois plus rapide aux fréquences au domaine des hauteurs. L’auteur de ce présent travail a employé la même idée, l’année suivante, dans sa propre œuvre 41 octophonique « Larry » (2012) qui a été jouée en concert dans le même local, à la Chapelle des Carmélites à Saint-Denis. On va aborder cette composition en détail dans le dernier chapitre. Malheureusement, dans le cadre de cette recherche, on ne peut pas traiter plus profondément le sujet des configurations variées. C’est à examiner dans un travail futur. 4. La spatialisation (en résumé) En conclusion, la spatialisation fournit un espace pour faire varier de nombreux paramètres, et ainsi pour produire une variété d’artéfacts rythmiques et de timbre. Surtout on a pu explorer les effets de la phase, un paramètre qui se manifeste rythmiquement par des vides et des renforcements accentués ; les effets des battements monauraux et binauraux ; la génération des polyrythmes et les possibilités de panning. Il reste beaucoup de paramètres à explorer dans le domaine de la spatialisation infrasonore, et particulièrement, à travers d’autres moyens de synthèse. Cependant, cela sera hors de portée de ce travail. Au moins, dans cette section, on a voulu fournir les points de départ pour une exploration plus profonde. 42 II: Partie 2 Caractéristiques particulières de la diffusion vibrotactile La composition tactile est une manière remarquable d’encadrer la diffusion des infrasons et de créer des rapports compositionnels puissants en accompagnement de la musique. Pourtant il y a du potentiel pour développer une composition tactile indépendante d’un tel accompagnement, ici, on s’intéressera à la composition tactile en tant qu’une piste toujours dans un contexte musical sonore. La plupart de cette section est basée sur la recherche de Masters d’Eric Gunther (2001), au Massachussetts Institute of Technology (MIT). Il a crée un costume vibrotactile alimenté d’un patch Max/MSP, qu’il a nommé le système « Skinscape », pour étudier l’espace composable de la vibrotactilité (e.g. la fréquence, l’intensité, le contenu spectral) dans ce contexte vibrotactile. Gunther met l’accent sur le potentiel d’une composition tactile synchronisée pour faire ressortir et renforcer certains aspects d’une composition musicale (lorsque les deux sont synchronisés), voire dans une contexte didactique. Ainsi, on peut exploiter la modalité tactile pour aider à la perception des infrasons diffusés à partir des hautparleurs. Cependant, pour un public, une substitution sensorielle des données infrasonores à la vibrotactile offre une valeur ajoutée au-delà de celle d’un simple renforcement perceptuel. Comme on le verra, on ne peut pas obtenir une traduction parfaite des données sonores à la modalité vibrotactile. Par contre, on peut développer une sorte d’interprétation tactile. Néanmoins, certains paramètres (notamment la spatialisation) deviennent encore plus remarquables avec une combinaison musicale, et parfois provoquent des phénomènes intersensoriels très riches. En outre, l’élément vibrotactile peut servir en tant qu’une piste compositionnelle indépendante en créant un contrepoint intersensoriel avec la partie musicale. Il y a beaucoup à explorer dans la composition infrasonore vibrotactile voire dans la composition vibrotactile en général. Ici, on propose une revue de quelques des indices importants pour commencer une telle exploration, et au dernier chapitre, on traite des explorations personnelles de l’auteur dans son œuvre « Larry ». Dans cette section, on va traiter la perception tactile. Pour la plupart, on va aborder les mécanorécepteurs qui sont des extérnocepteurs et des récepteurs simples. Pour des définitions de ces termes et pour une revue des récepteurs sensoriels, veuillez 43 consulter l’annexe La classification des récepteurs sensoriels, d’après Tortora et Grabowski (2004). Pour des illustrations d’où se trouvent les mécanorécepteurs différents dans la peau, veuillez regarder l’annexe Les mécanorécepteurs de la peau. A. La fréquence 1. La perception de la fréquence La peau détecte la fréquence à partir des mécanorécepteurs. Il y a des mécanorécepteurs optimisés aux spectres fréquentiels divers. Gunther (2001) précise que le système tactile répond principalement aux fréquences entre 20-1000 Hz, à comparer au système auditif (20-20000 Hz). Cependant, il y a des mécanorécepteurs qui répondent potentiellement aux fréquences d'au moins 0,4 Hz : Récepteur Peau Velue, V ou Peau Glabre, G Spectre Corrélation sensorielle probable fréquentiel (Spectre le plus sensible) Les corpuscules de Pacini Les corpuscules de Meissner Les récepteurs du follicule pileux Les corpuscules de Ruffini Les cellules de Merkel Les plaques de toucher G, V 40-800 Hz (200-300 Hz) VIBRATION, CHATOUILLEMENT G 10-200 Hz (20-40 Hz) V inconnu TOUCHER, CHATOUILLEMENT, MOUVEMENT, VIBRATION, BATTEMENT, DES PETITS COUPS TOUCHER, VIBRATION G, V 7 Hz ÉTIREMENT, TENSION G 0.4-100 Hz (7 Hz) inconnu BORD, PRESSION V CISAILLEMENT, inconnu TABLEAU DES MÉCANORÉCEPTEURS : d’après Kaczmarek et al., 1991 (cité dans Gunther, 2001). Dans ce tableau, on voit dans la première colonne les noms de divers mécanorécepteurs. La deuxième colonne classifie les mécanorécepteurs comme étant ceux de la peau velue V, ceux de la peau glabre G ou aux deux. La troisième colonne décrit le spectre fréquentiel auquel les mécanorécepteurs respectifs sont les plus sensibles. La quatrième colonne postule le type de toucher correspondant pour chaque mécanorécepteur. Ce tableau démontre une base biologique pour la perception tactile des 44 infrasons. Concernant la septième colonne, on voit que les corpuscules de Pacini, les corpuscules de Meissner et les récepteurs du follicule pileux sont les mécanorécepteurs les plus adaptés pour capter la vibration. Les corpuscules de Ruffini et des cellules de Merkel ont du potentiel pour détecter une sorte de tension ou de pression, respectivement, qui peuvent être entraînés par de lentes oscillations. Les plaques de toucher restent un inconnu. On remarque que les corpuscules de Meissner ont une sensibilité d’au moins 10 Hz. Les corpuscules de Ruffini répondent de façon optimale à 7 Hz. À propos des cellules de Merkel, le tableau reporte une sensibilité au spectre 0,4-100 Hz, mais ils sont plus sensibles autour de 7 Hz. Concernant les deux types de mécanorécepteurs uniques de la peau velue, il y a des spectres inconnus pour les deux: les récepteurs du follicule pileux (cheveux et poils) et les plaques de toucher (tactile disks). Ainsi, il faut ne pas écarter ces deux types de mécanorécepteurs en tant que récepteurs potentiels aux infrasons. L’« adaptation » Un des intérêts principaux en connaissant ces spectres fréquentiels des différents mécanorécepteurs, est l’organisation compositionnelle de matériel musical selon chaque mécanorécepteur comme une piste. Gunther explique que les types de mécanorécepteurs fonctionnent un peu comme des chaînes; ils permettent aux fréquences d'être filtrées selon le mécanorécepteur auquel elles sont sensibles. Ce paramètre biologique a des applications importantes pour le compositeur en considérant le phénomène de l’«adaptation ». L’« adaptation » se passe après une exposition prolongée à un stimulus ; en effet, on peut temporairement épuiser la sensibilité d’un mécanorécepteur. Cela se manifeste par une diminution de l’intensité sensorielle ou du seuil de détection d’un stimulus. Cet effet est principalement évident au seuil de détection, mais est également notable aux niveaux supérieurs au seuil. Pendant une exposition prolongée, l’intensité de sensation décroit et ensuite, après l’exposition, elle recouvre les niveaux de sensibilité précédant l’adaptation. Selon l’intensité et la durée de cette exposition, la période de récupération peut prendre quelques secondes ou plusieurs minutes. Pour éviter cette « adaptation » ou en attendant que la sensibilité se retrouve, on peut alterner entre les spectres fréquentiels de la musique selon les spectres fréquentiels des mécanorécepteurs différents. Ainsi, les pistes fréquentielles des mécanorécepteurs 45 se fatiguent moins. Concernant les infrasons, on peut noter la sensibilité des récepteurs, selon des spectres donnés: 10-20 Hz pour les corpuscules de Meissner, 7 Hz pour les corpuscules de Ruffini et 0,4-20 Hz pour les cellules de Merkel. Donc, on peut organiser des sections de matériel qui emploient le spectre fréquentiel correspondant aux pistes de ces mécanorécepteurs divers. En outre, Guther insiste qu’on peut aussi manipuler l’adaptation stylistiquement. En faisant tomber du matériel musical en arrière plan pendant que d’autre matériel ressort, et ainsi l’adaptation répond très bien. 2. La discrimination entre les fréquences Gunther (2001) précise que le système tactile n'est pas autant équipé pour discriminer les changements de la hauteur que le système auditif. En général, la peau n'a pas l'acuité suffisante pour remarquer des différences subtiles entre les fréquences, en particulier, lorsque la fréquence est haute (Verrillo et Gescheider, 1995, cité dans Gunther, 2001). Gunther dit que puisque des fréquences inférieures à 100 Hz produisent une sensation de périodicité et de bourdonnement, les fréquences supérieures à 100 Hz provoquent une sensation plus diffuse et douce. Ainsi, les infrasons tombent dans le premier groupe de bourdonnement. En général, la distinction entre les fréquences infrasonores tactiles est plus marquée qu’aux fréquences supérieures à 20 Hz. Selon le chercheur Sherrick (1985, cité dans Gunther, 2001), les humains sont sensibles à environ 3 et 5 niveaux de variation vibratoire entre 2 et 330 pps (pulsations par seconde). Un paramètre ajouté d'intensité augmente cette sensibilité à 5 à 8 niveaux. Par contre, les chercheurs Rovan et Hayward (2000, cité dans Gunther, 2001) prétendent 8 à 10 chiffres dans un spectre de 70 à 800 Hz. Cependant, puisque les infrasons sont rythmiques voire comptables, particulièrement aux fréquences inférieures à 10 Hz, la distinction entre les fréquences infrasonores est plus raffinée qu’aux fréquences supérieures à 10 Hz voire 20 Hz. Selon des expérimentations personnelles, on a vu que les cycles (d'un son pur) inférieurs à 10 Hz sont encore plus comptables s'il y a un repère isochronique auditif, visuel ou un renforcement tactile. Avec la synthèse FM simple, on a également pu parfois détecter des changements de polyrythmes qui suivent les modifications de la fréquence porteuse ou de la fréquence modulante. Cela est particulièrement le cas pour les relations inharmoniques entre la fréquence porteuse et la fréquence modulante, quand la somme de deux chiffres fréquentiels n’est pas supérieure à 6. 46 Enfin, Gunther remarque souvent que le rythme est un des aspects les plus saillants de la composition vibrotactile. Etant donné le potentiel rythmique et le potentiel polyrythmique de la composition infrasonore (dont on a discuté en détail dans la section précédente), le spectre fréquentiel infrasonore a beaucoup à offrir à la composition vibrotactile. Dans des travaux futurs et des compositions à venir, on voudrait explorer plus en détail ces possibilités. B. L’intensité 1. La perception de l'intensité Le spectre d'intensité de la modalité vibrotactile est plus réduit que celui de la modalité auditive. Selon Verrillo et Gescheider (1992, cités dans Gunther, 2001), le spectre d'intensité du système tactile va jusqu'à 55 dB29 au-delà du seuil de détection, à comparer à 120 dB au système auditif (aux fréquences du domaine des hauteurs). 2. La discrimination entre les intensités D’après Geldard (1966, cité dans Gunther 2001), en général, on peut percevoir autour 15 JND (Just Noticable Differences : différences de seuils remarquables) d’intensité entre le seuil de détection et le seuil d’inconfort. Gunther (2001) qualifie l'importance de faire une distinction entre l'intensité d'un stimulus et l'intensité subjective, dont il nomme le dernier l’« intensité sensorielle » (sensory magnitude). Il est possible que deux ondes sinusoïdales de même intensité et de deux fréquences différentes puissent entraîner la perception de deux intensités inégales. Les chercheurs Verrillo et al. (1969, cités dans Gunther, 2001) ont créé le graphique suivant pour illustrer ce phénomène: 29 Avant que les vibrations soient perturbantes ou douloureuses. 47 FIGURE 10: Courbes de l’intensité sensorielle du toucher en fonction de la fréquence (Verrillo et al., 1969, cités en Gunther, 2001). Ce graphique fait penser à la figure d’Altmann (1999) de la section concernant l’intensité des infrasons sonores (voir Figure 8) qui mesure les phones, les niveaux d'intensité subjective du système auditif. Si on compare ces deux graphiques, on peut voir les similarités entre les niveaux de la magnitude sensorielle du système tactile et les phones du système auditif. Dans les deux modalités, il y a la même distinction entre l'intensité mesurable et l'intensité perçue. Également, il faut remarquer comment les courbes de sensation augmentent vers les basses fréquences. Pour les systèmes tactile et auditif, il faut plus d'intensité vers les basses fréquences pour obtenir les mêmes niveaux d'intensité subjective qu'aux plus hautes fréquences. Cependant, dans le graphique sur l’audition d’Altmann, on note que les courbes des phones se rapprochent vers les basses fréquences, particulièrement en dessous de 50 Hz. Dans le graphique vibrotactile d’après Verrillo et al.(1969), on voit aussi que les courbes se rapprochent vers les basses fréquences (pour les fréquences inférieures à 250Hz), mais la réduction d’espace entre les courbes n'est pas aussi remarquable que dans les courbes de phones de l’audition. Concernant l'intensité perçue aux fréquences infrasonores, le graphique vibrotactile ne fournit pas de données en dessous de 25 Hz. On ne sait pas comment le toucher réagit aux fréquences infrasonores. Ainsi, on peut faire des hypothèses basées sur les tendances du graphique vibrotactile et sur les similarités avec le graphique sonore d’après Altmann. À partir d’une telle analyse, on peut estimer que vers les basses fréquences, toutes les courbes de seuil augmentent, en s’approchant du seuil 48 avant l’inconfort. Or, même si les courbes des deux graphiques s'approchent en dessous des 25 Hz, le spectre d’intensité sensorielle du toucher ne se restreindra probablement pas autant que fait le spectre des phones. Également, on peut revenir au tableau des mécanorécepteurs de Kaczmarek et al., (1991) (au début de cette section) afin de nous informer des spectres infrasonores les plus sensibles selon le mécanorécepteur (et par rapport à leur spectre fréquentiel respectif). Les fréquences auxquelles chaque mécanorécepteur est le plus sensible se trouvent dans la troisième colonne entre parenthèses. Malheureusement, ce tableau n’illustre pas comment l'intensité subjective varie ni à travers le spectre fréquentiel complet ni à travers les spectres fréquentiels propres de chaque mécanorécepteur. Jones, cité dans Leventhall, 2003, décrit le seuil des mécanorécepteurs selon la fréquence comme tel: FIGURE 11: Les seuils des récepteurs cutanés (Jones, sans date, cité dans Leventhall, 2003) On constate sur cette figure que les cellules de Merkel ont une sensibilité d’au moins 5 Hz et d’au moins 20 Hz pour les corpuscules de Meissner. Ces chiffres approchent les données du premier tableau d’après Kaczmarek et al., (1991) pour décrire les spectres fréquentiels les plus sensibles. Vers les fréquences infrasonores, on voit que le seuil est moins sensible, ce qui en accord avec notre hypothèse précédente. Cependant, pour les fréquences inférieures à 10 Hz, la courbe de seuil commence à se stabiliser. Un autre aspect de l’intensité sensorielle à noter, est son rapport aux différentes parties du corps : 49 FIGURE 12: L’intensité subjective en fonction de l’amplitude de vibration, pour le doigt (cercles remplis), le thénar 30 (croix) et l’avant-bras (cercles vides) (Verrillo et Chamberlain, 1972, cités dans Gunther, 2001). Ce graphique démontre que lorsque l’amplitude de la vibration est plus forte, l’intensité sensorielle est plus forte. Il illustre aussi des différences entre les parties diverses du corps. Les pentes aiguës indiquent une augmentation plus rapide en intensité perçue. Pour le compositeur, une connaissance de ce rapport entre la partie du corps et la courbe d’intensité sensorielle peut lui servir à choisir où sur le corps le spectateur va recevoir des vibrations (à partir d’un transducteur tactile, par exemple), et en calibrant l’intensité pour la partie du corps choisie. Pour le compositeur vibrotactile infrasonore, il est important de connaitre le rapport de l'intensité perçue selon la fréquence. Il faut anticiper pour fournir assez d'énergie depuis le moyen de diffusion pour faire ressentir les basses fréquences à l'intensité voulue. Il faut aussi un dispositif capable de les produire. Concernant une diffusion vibrotactile par un transducteur tactile, lorsqu’on la compare à une diffusion auditive, on peut aussi trouver des limitations de diffusion audelà son spectre fréquentiel optimal, parfois aux infrasons. Selon des observations personnelles faites avec un transducteur tactile, un Aura Bass Shaker, des nombreux individus, ainsi que l’auteur de ce travail, ressentaient des oscillations vibrotactiles jusqu'à 7 Hz minimum, quoique très faibles. Ce modèle étant conçu pour un emploi 30 Sur la paume de la main, sous le pouce. 50 entre 20-80 Hz31, il faut plutôt attribuer cette faiblesse aux limitations de diffusion de la machine avant d’admettre que ces limitations sont dues à un seuil perceptif. On discutera plus profondément des moyens de diffusion vibrotactile et leurs limitations dans le prochain chapitre. C. La durée et les enveloppes d’amplitude des mécanorécepteurs Gunther explique qu’en général, une diffusion tactile d’une durée de moins de 0.1 secondes est perçue en tant qu’un petit coup contre la peau. Ainsi, on peut estimer que des cycles individuels des infrasons aux fréquences supérieures à 10 Hz seraient ressentis comme du staccato tactile. On peut appliquer des enveloppes de sons d’une plus longue durée pour obtenir une variété des effets. On peut faire des crescendos et des effets de vibrato. En plus, Gunther décrit des attaques graduelles qui donnent parfois la sensation que le stimulus pousse de la peau. On traitera ce type d’effets plus tard, au dernier chapitre, en décrivant l’œuvre « Larry » composée par l’auteur de ce travail. Surtout, Gunther cite l’importance de l’attaque et de la durée des événements vibrotactiles dans la présentation simultanée de deux lignes de matériel. L’emploi des durées et attaques différentes contribue considérablement à la distinction de matériel. Selon Geldard (1966) dans une période de 0,1-2 secondes, on peut percevoir 25 JND de durée, dont à moins 4 ou 5 distinctions on peut estimer la durée exactement. Le « taux d’adaptation » et l’« adaptation » à la durée Concernant la décroissance et la durée des événements infrasonores vibrotactiles, il faut aussi considérer la caractéristique du « taux d’adaptation » des mécanorécepteurs. Cet effet ne doit pas être confondu avec l’«adaptation » vue précédemment qui fait référence à la faculté de s’adapter à un stimulus constant. Sur la peau, on a des taux d’adaptation auxquels la plupart des mécanorécepteurs répondent après des changements de stimulus externes (e.g. la température, la pression). Ces changements se manifestent à ces mécanorécepteurs par des pulsations de tension électrique parmi les neurones. Dès qu’un changement s’effectue dans l’environnement, ces pulsations se produisent. Éventuellement, le taux de pulsation peut revenir à son 31 Comme précise leur site de vente (1996-2012) Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker Tactile Transducer. Parts Express. Extrait le 11 août 2011 de http://www.partsexpress.com/pe/showdetl.cfm?partnumber=299-028). 51 niveau passif initial. Le taux d’adaptation est le taux pour lequel ces pulsations reviennent à leur état normal après un changement. Il faut préciser que cette adaptation ne concerne pas des signaux statiques ; elle concerne uniquement les signaux variables. Les mécanorécepteurs se divisent en trois classes : ceux qui s’adaptent rapidement, ceux qui s’adaptent à une vitesse modérée et ceux qui s’adaptent lentement. Dans le premier groupe, les mécanorécepteurs à l’adaptation rapide (après 0,1 secondes), on ne trouve que des corpuscules de Pacini. En revenant au tableau des mécanorécepteurs, on voit que ce sont des corpuscules qui sont principalement sensibles à un spectre fréquentiel d’au moins 40 Hz. Ils sont typiquement employés dans la détection de la rugosité d’une surface et des vibrations d’intensité subtile des machines. Ainsi, au niveau de la composition infrasonore, des décroissements rapides, en particulier aux ondes complexes (qui sont plus rudes) et aux intensités faibles, sont mieux réalisés en employant des pulsations isochroniques à des fréquences du spectre 40-800 Hz, selon la sensibilité optimale de ces corpuscules. Parmi les mécanorécepteurs ayant une adaptation d’une vitesse modérée (après 1 seconde environ), on trouve les corpuscules de Meissner et les récepteurs du follicule pileux. On peut tester la sensitivité du dernier en touchant légèrement sur les poils du bras. Cette information est pertinente pour une diffusion vibrotactile qui engage les parties pileuses du corps. Elle serait également utile pour une diffusion auditive à une amplitude très forte qui déplacerait beaucoup d’air. Or ce type de diffusion n’engage que les récepteurs du follicule pileux et non pas la peau glabre des bouts des doigts, par exemple. Par contre, c’est aux bouts des doigts que l’on peut trouver des corpuscules de Meissner. Ces corpuscules sont sensibles aux fréquences d’au moins 10 Hz. Ils répondent particulièrement bien au toucher léger. Ainsi, pour un stimulus d’intensité faible aux doigts ou pour un stimulus de contact avec les poils, il faut anticiper cette adaptation d’une seconde environ. Le dernier groupe des mécanorécepteurs à l’adaptation lente contient des cellules de Merkel, des corpuscules de Ruffini et des plaques tactiles, dont les deux premiers sont particulièrement pertinents à la composition vibrotactile infrasonore. Le taux d’adaptation pour ces mécanorécepteurs peut être aussi long que 10-100 secondes environ. Toutefois, l’auteur suggère que ces particulièrement longues périodes sont typiquement associées à des taches tactiles liées à la perception de la température ou au fait de tenir des objets dans la main, plutôt que la perception de vibration. Concernant la durée, le compositeur vibrotactile doit être également conscient 52 de l’effet d’ « adaptation » vu précédemment. La sensibilité de certains récepteurs devient « épuisée » après une période prolongée de stimulation, donc il faut faire attention pour des sons d’une très longue durée. D. Le contenu spectral : le timbre de la vibrotactilité De manière générale, Gunther explique que dans la modalité vibrotactile, la distinction du contenu des formes d’ondes diverses n’est pas autant raffinée que dans la modalité sonore. Des variations subtiles à l’oreille sont difficilement perçues par la peau. Cependant, de larges changements, par exemple d’une onde sinusoïdale à une onde carrée, ont un effet perceptuel saillant ; on ressent les qualités de surface des ondes. A partir des ondes sinusoïdales, vers les formes d’ondes complexes et vers le bruit blanc, on suit une transition de douceur à la rudesse. E. La spatialisation Le potentiel pour la spatialisation dans la composition vibrotactile est particulièrement intéressant et puissant grâce à la haute acuité de la peau. D’abord, on peut jouer avec la surface entière du corps comme toile. Ainsi, on peut provoquer des stimuli de n’importe quelle direction. En plus, Gunther montre des nombreux effets psychophysicaux qui peuvent se produire. Pendant ses expériences avec un costume tactile, le système Skinscape, Gunther a choisi le dos comme la localisation des basses fréquences et l’espace le long des bras aux épaules pour placer plusieurs petits transducteurs tactiles V1220 (dédiés aux plus hautes fréquences) : FIGURE 13: La spatialisation des transducteurs tactiles sur le corps pour le système Skinscape. Le transducteur destiné à la production des basses fréquences est posé contre le support d’une chaise (Gunther, 2001). 53 Pour expliquer son choix du bas du dos pour recevoir les basses fréquences, il a cité ses expériences des sensations viscérales provoquées par les basses fréquences de forte intensité sur le torse. En outre, il a choisi le derrière du corps au lieu de l’estomac pour des raisons de design et de confort. Or on n’est pas limité au ventre ou au dos concernant les infrasons. En effet, selon les expériences de l’auteur sur des spectateurs et des participants, on peut aussi ressentir des qualités dynamiques de la composition infrasonore vibrotactile aux mains, aux fesses et aux jambes (pendant une diffusion/conduction par le sol), à la poitrine et aux pieds. 1. Les illusions particulières de l’emploi de multiples transducteurs tactiles Avec l’emploi de multiples transducteurs tactiles, on pourra transférer le matériau d’une partie du corps à une autre. C’est une des prochaines explorations envisagées dans le cadre d’une recherche future. L’usage des multiples transducteurs tactiles nous permet de provoquer des effets psychophysiques intéressants : Premièrement, on peut créer l’illusion de mouvement sur la peau. On peut produire une telle sensation par un intervalle temporel de 75-150 ms entre la stimulation tactile des deux endroits séparés spatialement (Verillo et Gescheider, 1992, cités en Gunther, 2001). Ainsi, les événements ou les cycles d’un taux infrasonore entre 6,7 et 13,3 Hz sont idéaux pour provoquer cet effet. En outre, suivant un train de pulsations entre deux points distaux de la peau, on perçoit un train de sauts continus avançant d’un point à l’autre (Gerdard et Sherrick, 1972, cités en Gunther, 2001). Ce phénomène peut se provoquer avec des intervalles temporels de 25-200 ms et des intervalles entre les transducteurs tactiles espacés de 2-35 cm. On nomme cet effet les sauts sensoriels ou le « lapin cutané » (sensorial saltation, cutaneous rabbit). Dans le cadre des infrasons, on peut créer des oscillations qui voyagent sur le corps, aussi graves que 5 Hz, mais évidemment il y a beaucoup plus à exploiter dans ce domaine. Gunther décrit une expérience qu’il a effectuée pendant une exploration des enveloppes spatiales de signaux sautants. Il a généré un signal tactile qui a varié en intensité lorsqu’il a progressé en montant le bras droit, à travers les épaules et en descendant le bras gauche. Il a accompagné le signal tactile avec un signal sinusoïdal auditif continu ayant une enveloppe d’intensité identique. Gunther a noté que lorsque l’intensité a diminué, il avait la sensation que le signal tactile se creusait sous la peau et en remontait lorsque l’intensité a augmenté. De cet égard, on peut avoir la sensation de 54 spatialisation qui bouge entre l’extérieur et l’intérieur de la peau. On peut aussi créer une illusion « tactilo-cinétique » (haptokinetic), comme l’a montré Bice (année inconnue) qui a attaché six vibrateurs autour du thorax d’un sujet. Les vibrateurs se sont allumés d’une manière successive ; ils ont produit chez le sujet la sensation qu’il était au centre d’un mouvement rotatif intense (Sherrick et Rogers, 1966, cités en Gunther, 2001). 2. La posture et la spatialisation Gunther évoque l’importance de la posture, qui est influencée par la pesanteur. En utilisant le système Skinscape avec des transducteurs le long des bras, Gunther montre que des mouvements perçus entre les transducteurs ne provoquent pas les mêmes sensations quand les bras sont levés au-dessus la tête ou non, ou quand les mouvements perçus suivent la direction de la pesanteur ou non. De plus, il décrit des expériences avec un transducteur tactile dans chaque main avec un stimulus tactile qui alterne entre les deux transducteurs. Une telle configuration donne une sensation de rebondissement qui est modulée selon le placement des mains. Dans une position où les deux mains se tiennent, le rebondissement suit une trajectoire courte et droite entre les mains. Par contre, lorsqu’on lève les bras d’une façon perpendiculaire au corps, la plus longue distance entre les mains donne parfois la sensation d’un rebondissement à travers le corps, le long des bras. Imaginons le potentiel infrasonore d’un tel effet, avec des cycles individuels d’une oscillation qui cousent d’une direction à l’autre à travers le corps. En outre, la posture a une grande influence sur le phénomène perceptuel d’anticipation. Gunther donne un exemple avec Skinscape où le sujet lève ses bras devant lui en touchant les doigts de chaque main ensemble. Ainsi, on peut créer une piste cyclique autour des bras pour un signal sautant. Après avoir établi une anticipation cyclique du signal, on peut aller contre cette attente en alternant le signal juste entre les deux mains, par exemple. Dans la section précédente, on a déjà évoqué la création des infrasons de la rotation des signaux sonores pendant une diffusion spatiale octophonique. Dans un esprit similaire, on peut modeler le comportement de la modalité tactile à partir d’oscillations cycliques et ensuite jouer avec la configuration pour défier des anticipations. 55 3. D’autres illusions spatiales Gunther parle des effets cinétiques de la composition tactile. Un grand nombre de ses sujets ont bougé leurs extrémités en réponse au système Skinscape suite à leur première exposition à la composition tactile. Un sujet particulier a même déplacé les transducteurs tactiles du bras à ses chevilles et a ensuite rapporté une compulsion intense à danser. Gunther crédite ce phénomène à la connexion entre les sens tactile, proprioceptif et cinétique du système physiologique. Ainsi, la composition tactile peut ouvrir des pistes très intéressantes pour combiner les infrasons et la danse, voire une danse participative avec des membres du public. Il y a aussi des effets intersensoriels, particulièrement ceux dus à une diffusion sonore simultanée avec la présentation de stimuli tactiles qui influencent le sens de l’espace. Un effet important est l’effet «ventriloque » (ventriloquist effect), le phénomène du parti pris intersensoriel, dont on a parlé plus tôt au premier chapitre. Le choix d’accompagner la composition tactile avec une piste audio soit par une diffusion à partir de casques d’écoute, soit par une diffusion à partir d’un haut-parleur provoquera des jugements intersensoriels distincts. À l’aide d’une diffusion à partir de casques d’écoute, Gunther a fait des observations personnelles. Une présentation simultanée de stimuli sonore et tactile synchronisés peut entrainer l’impression que les sons proviennent de divers points du corps. Suivant une diffusion à partir de haut-parleurs, il a eu la sensation que les ondes sonores avaient été projetées à lui et qu’elles l’ont frappé à divers points du corps. F. La composition tactile en résumé En sommaire du potentiel de la composition tactile, Gunther nous donne le tableau suivant : 56 TABLEAU : Dimensions psychophysiques des stimuli sonores et tactiles et comment ils s’appliquent à la musique et à la composition tactile (Gunther, 2001). On distingue les différents paramètres compositionnels selon leurs applications sonores (en musique) et tactiles (en composition vibrotactile). Même si ce tableau ne mentionne pas les fréquences infrasonores, il offre une revue succincte de ce qu’on a discuté plus tôt concernant les autres dimensions musicales. Dans la spatialisation, on a vu des nombreux éléments à exploiter, tels que la posture et la pesanteur parmi les autres phénomènes psychophysiques. Après cette section particulière, il est évident qu’une diffusion tactile des données infrasonores ne sert qu’en tant que substitution sensorielle, mais elle offre des paramètres compositionnels riches qui seraient impossibles à obtenir par la modalité sonore seule. Dans ce chapitre, on a exploré les nombreuses possibilités musicales des infrasons. Dans la suite, on traitera de l'enjeu technique de leur réalisation avec l'ordinateur et de leur diffusion. 57 CHAPITRE III La production des infrasons électroacoustiques et numériques 58 III: Partie 1 La création des infrasons avec l'ordinateur Une revue des outils, des logiciels et des techniques employées Il y a de nombreuses façons de produire des infrasons électroacoustiques avec un ordinateur. On présentera plusieurs types de synthèse et leurs applications aux infrasons. On illustrera quelques-unes de ces techniques avec des patchs MAX/MSP que l’on a inclus sur le disque accompagnant ce document. Ensuite, on sélectionnera quelques logiciels dans l'objectif de discuter de leurs potentiels en tant qu'environnement de création infrasonore. A. Synthèse d'échantillonnage La synthèse d'échantillonnage, qui consiste à l'enregistrement d'un son bref, peut servir à la composition infrasonore par trois moyens: • Pour les infrasons «concrets»: 1) La première méthode implique l'enregistrement directement des infrasons déjà existants dans le monde acoustique avec un microphone adapté. 2) La deuxième méthode nécessite de modifier des échantillons pris aux fréquences supérieures à 20 Hz. Le compositeur peut effectuer de telles modifications par l'outil répandu de «pitchshift». Un filtre passe-bas peut aussi servir pour éliminer les plus hautes fréquences non désirées. • Pour les infrasons digitaux : des re-échantillonnages 3) Cette autre méthode aborde le prélèvement depuis une source digitale infrasonore (e.g. d'une bibliothèque des sons, d'une pièce infrasonore) à l’aide d’un ordinateur. L'échantillonnage des infrasons «concrets» 1. Avec un microphone adapté à l'enregistrement infrasonore Pour enregistrer directement des infrasons, il faut un microphone sensible aux basses fréquences et capable d'une captation suffisamment fidèle. La plupart des microphones ne sont pas optimisés pour capturer les fréquences infrasonores, et ceux qui sont optimisées, ne sont pas très répandus et sont parfois très chers. Ce sont des microphones pour mesurer l’atmosphère, les volcans et l’activité sismique; ils peuvent 59 coûter entre 800-2500 USD32. En outre, selon la qualité et le type de microphone employé, il nécessite souvent d’autres équipements infrasonores spécialisés et chers comme des pre-amplificateurs de laboratoire (1082-1275 USD33). Concernant des solutions moins onéreuses pour les compositeurs n’ayant pas accès à ces équipements, des chercheurs volcanologues de l’Université de New Hampshire conseillent des cartouches microphones fabriquées par la compagnie Panasonic : les séries WM-034 (<10 USD) et WM-52B/54B34. Cependant, selon l’ingénieur du son Rountree, ces modèles ont été remplacés par des séries WM-61B, WM-64PN et WM-64PC. Ensuite, avec un microphone adapté, il faut rechercher des sources naturelles (voire artificielles), soit dans l'environnement naturel, soit dans l'environnement urbain, car le monde acoustique contient une richesse de sources infrasonores. On en a déjà souligné plusieurs dans notre papier «L'infrason en art», mais on en rappelle quelquesunes ci-dessous : • Parmi les sources naturelles: des tremblements de terre, des éruptions volcaniques, des cascades, des vagues qui cassent au bord de la mer, du vent et des perturbations atmosphériques, la communication d’animaux divers (e.g. éléphants, baleines, girafes). • Parmi les sources artificielles: les turbines des éoliennes, les moyens de transport (voitures, camions, trains, métro, navires, avions), les structures urbaines (grandes salles, gratte-ciels, ponts, tunnels), les systèmes de climatisation, les machines, les lancements de fusées, les explosions, les enceintes et les tuyaux d'orgue. Certaines de ces sources étant accompagnées par des harmoniques ou d'autres fréquences supérieures à 20 Hz, il est parfois nécessaire d'employer un filtre passe-bas afin d'isoler les infrasons. 32 Pour les microphones G.R.A.S. Sound and Vibration Type 40AN et Earthworks Omni M50, respectivement (le dernier a une réponse fréquentielle jusqu’à 3Hz, mais il est efficace jusqu’à 1Hz au plus grave) (Rountree, D. (2004). Infra sound. Scientific Paranormal Investigative Research Information and Technology. Extrait le 2 septembre 2012 de http://www.spinvestigations.org/Infra_Sound.pdf). 33 Pour les pre-amplicateurs GRAS 26AG et Earthworks 1021 Zero Distortion Technology, respectivement (Rountree, D. (2004). Infra sound. Scientific Paranormal Investigative Research Information and Technology. Extrait le 2 septembre 2012 de http://www.spinvestigations.org/Infra_Sound.pdf). 34 Proussevitch, A. (2007). Infrasonic Microphones.Volanology Research, University of New Hampshire. Extrait le 2 septembre 2012 de http://volcanomodels.sr.unh.edu/jbj/MICROPHONES/microphone_list.html 60 2. Les infrasons créés depuis les échantillons pris par des microphones «typiques» Sans un microphone spécialisé, le compositeur peut toujours créer des échantillons infrasonores depuis des échantillons de sons de plus hautes fréquences. Le compositeur peut employer un microphone plus commun pour enregistrer des sons aux fréquences dans la capacité du dispositif. Ensuite, pour transformer les échantillons dans spectre infrasonore, le compositeur peut les modifier avec un outil «pitchshift» avec un ordinateur. L'outil de «pitchshift», en tandem avec un microphone répandu, offre donc une solution moins onéreuse. Cependant, bien que cette méthode résout le problème d’utiliser un microphone spécialisé, le compositeur qui désire capter des vrais infrasons depuis des sources véritablement infrasonores peut chercher sa solution dans la troisième méthode. 3. L'échantillonnage des infrasons digitaux Il est également possible d'employer un échantillon déjà numérisé, un échantillon déjà obtenu par la première méthode, i.e. avec l'équipement nécessaire. Ce dernier type d'échantillonnage infrasonore, évite au compositeur d’utiliser un microphone. Ces échantillons peuvent être retirés des bibliothèques des échantillons infrasonores, telles que celle d'ISLA (l’Infrasound Laboratory de l'Université de Hawaii), nommée l'«Infrasound Zoo»35. Également, on peut retirer des échantillons d'autres œuvres infrasonores, à partir de sources déjà numérisées. Par exemple, il y a une telle œuvre sur le site d'ISLA, intitulée ItrTtistc (Impossible To Reverse/Time That Is Still To Come), de l'artiste sonore Martin Aaserud. On utilise les mêmes moyens de prélèvements pour les échantillonnages digitaux infrasonores comme on peut le faire pour le domaine des hauteurs: 1) Soit on obtient le fichier en le téléchargeant depuis l’internet, un disque dur, etc. 2) Soit, en l’absence d’un fichier prêt à télécharger, on prélève la source sonore depuis un logiciel de routage audio, tel que Soundflower, ou on en enregistre un fichier avec un logiciel qui enregistre l'audio-out interne d'un ordinateur, tel que Wire Tap Pro. Ainsi, le compositeur crée des échantillons électroacoustiques directement depuis son ordinateur. 35 Il faut noter que la plupart des échantillons sur leur site de web http://www.isla.hawaii.edu/sounds/sounds.shtml sont aux fréquences supérieures de 20 Hz, et déjà traités avec des outils de «pitchshift». Utiliser un «pitchshift» une deuxième fois pour rendre encore plus les fichiers infrasonores peut entraîner des artéfacts. Ainsi, pour diminuer ce risque, il est recommandé de contacter l'ISLA directement pour obtenir les fichiers originaux. 61 B. La synthèse additive La synthèse additive est un moyen de produire des ondes complexes par l'addition d’oscillateurs indépendants. En ajoutant ensemble des ondes ayant des relations harmoniques, on peut renforcer une fréquence fondamentale qui est peut-être moins audible (un effet qui est dû au phénomène psychoacoustique de la fréquence fondamentale manquante). Cela est particulièrement pertinent pour les infrasons, où, à cause des limitations de diffusion aux fréquences très graves, la fondamentale infrasonore risque d’être la moins audible. Les relations inharmoniques aux infrasons entraînent parfois des polyrythmes et d’autres artéfacts rythmiques, qui sont particulièrement distincts lorsque les deux fréquences sont inférieures à 10 Hz. En outre, étant donné une diffusion en stéréo, l’addition des signaux aux fréquences infrasonores résulte dans les battements monauraux et binauraux. La production des timbres complexes est facilitée par l’addition de données déjà complexes en soi. Dans le chapitre précédent, pendant les tests de spatialisation, on a vu comment l’addition des deux ondes complexes différentes (e.g. en dents de scie et carrées) peut contribuer à un timbre plus riche. La même richesse a été trouvée suite à l’addition des deux oscillateurs FM simple. Ainsi, la synthèse additive aux infrasonores peut fournir des qualités de timbre et rythmiques intéressantes. C. La synthèse soustractive La synthèse soustractive est une méthode très intégrale pour le compositeur infrasonore. L'emploi de cette synthèse en tant que filtre passe-bas sert à éliminer des fréquences non désirées dans les échantillons, en particulier celles supérieures à 20 Hz, lorsque le but est d'obtenir un extrait purement infrasonore. Cependant, pour une isolation totale du spectre infrasonore, il faut être conscient des répercussions sur le timbre ainsi que la pente aiguë nécessaire pour atténuer complètement les fréquences hors du spectre voulu. En outre, il y a des effets à explorer avec un filtre passe-bas résonant et un filtre résonant. Comme on a noté au chapitre précédent, dans la section de timbre, un haut Q dans un filtre passe-bas résonant déterminera la fréquence des pulsations isochroniques des ondes complexes. Toutefois, comme aux fréquences du domaine des hauteurs, le 62 compositeur peut également manipuler le filtre des deux cotés du spectre avec un filtre résonant simple. Ainsi, le compositeur peut isoler des spectres très étroits. Ce moulage d'une bande passante est utile pour cibler une résonance infrasonore précise par exemple. Il en résulte une onde quasi sinusoïdale, ce qui lui affectera un timbre particulier. D. La synthèse granulaire La synthèse granulaire, en créant des grains de sons, peut également contribuer à la création d'une musique infrasonore. La synthèse granulaire asynchrone (asynchronous granular synthesis ou AGS) est particulièrement adaptée pour une granulation infrasonore, avec sa capacité de désigner une bande passante dans la création des grains. Ainsi, le compositeur peut facilement limiter la création des grains au spectre infrasonore sans le besoin d'un filtre passe-bas supplémentaire. Néanmoins, il faut faire attention à la taille des grains selon la fréquence. En général, les grains durent entre 1-100 ms, 1 ms étant le seuil approximatif de discrimination de la fréquence, de l'amplitude et de la durée (Roads, 1996). Ainsi, en tenant compte des conseils pour la durée infrasonore (énoncés au deuxième chapitre), si on veut préserver une perception de la fréquence des grains, aux fréquences inférieures à 10 Hz, il faut un grain ayant la durée d’un cycle, c’est-à-dire de plus de 100 ms. Ainsi, il faut dépasser la durée habituelle des grains. À notre connaissance, il n'est pas interdit de franchir 100 ms. En revanche, à 9 Hz, chaque cycle dure 111 ms, 10% de plus du spectre de durée granulaire typique. À 8 Hz, les cycles sont de 125 ms, soit 25% de plus du spectre. Cela ferait d’assez gros grains. Il faut considérer que selon un emploi des fréquences inférieures à 10 Hz, on sort de l’esprit des nuages de grains fins. Un tel emploi guide l’esthétique granulaire dans une nouvelle direction. E. La synthèse FM (modulation de fréquence) simple La synthèse FM simple, où un oscillateur modulant module la fréquence d’un oscillateur porteur, offre de nombreux résultats de timbre et des effets rythmiques intéressants pour le compositeur. Pour une revue plus complète de ces effets, veuillez voir le chapitre concernant la section de la spatialisation. Selon l’explication de Roads (1996), lorsque la fréquence modulante monte au domaine des hauteurs, des produits perceptibles des bandes latérales commencent à 63 apparaître. Une fréquence modulante dans le spectre infrasonore entraîne typiquement des effets de tremolo et de vibrato. La diffusion stéréo qu’on a décrite dans le chapitre précédent a provoqué des battements prononcés entre ces effets. Cependant, il faut préciser que lorsqu’on augmente l’index de modulation, on peut élargir le nombre de ces bandes suffisamment jusqu’à ce qu’ils atteignent le spectre >20 Hz, malgré une fréquence porteuse et une fréquence modulante comprises dans le spectre infrasonore. Afin de rester dans le spectre infrasonore ou non, on peut calculer les fréquences des bandes latérales selon la fréquence porteuse et la fréquence modulante. Ces fréquences sont fournies par les combinaisons suivantes : C, C + M, C – M, C + 2M, C – 2M, C + 3M, C – 3M, et cetera (où C est la fréquence porteuse et M est la fréquence modulante). Le nombre de ces bandes latérales dépend de l’index de modulation. Si les valeurs de C et M, sont des nombres entiers, le résultat donnera un spectre harmonique, tandis que dans le cas contraire, un nombre non entier produira un spectre inharmonique. Le paramètre de l’index de modulation I, décrit la largeur de la bande de spectre. On détermine la bande de spectre par l’équation suivante: BandeFM " 2(D + M) où D est la quantité de déviation (en Hz) ou la profondeur, de la fréquence porteuse. ! M est la fréquence modulante (en Hz). D et M ont une relation à I décrite par l’équation suivante : I = D . M Ainsi, en tenant compte de ces équations, on peut décrire une bande infrasonore ou une bande qui contient certaines harmoniques/inharmoniques au spectre très grave, ! sans utiliser un filtre passe-bas. Dans un patch Max/MSP, on peut créer une enveloppe du paramètre I, afin de moduler ce spectre au fil de temps. Cela en fait un outil de timbre très puissant pour la production d’infrasons. F. La synthèse par modélisation physique Selon Roads (1996), la synthèse par modélisation physique emploie des algorithmes comme point de départ pour décrire des objets acoustiques imaginaires. Ainsi, on peut simuler le comportement mécanique et acoustique des objets qui seront, autrement, impossibles ou difficiles à construire (par exemple la résonance des câbles d’un pont suspendu). Cela est particulièrement intéressant pour le compositeur 64 infrasonore, car la construction des instruments infrasonores comprend des modèles d’une assez large échelle, et donc, la fabrication de ces objets peut coûter cher. Par la modélisation physique, on peut décrire les dimensions, le matériau, et la fréquence résonance d’un objet percussif, cordé ou à vent en quelques gestes, comme c’est le cas avec l’interface du logiciel Tassman 4. En outre, on peut moduler ses dimensions ou changer sa matière (e.g. bois, métal, verre) au fil de temps, ce qui est difficile ou impossible à faire dans la réalité. Le changement de la nature d’un matériau se réalise très facilement avec un logiciel tel que Tassman, où il faut simplement tourner un bouton virtuel à son interface. Ces altérations virtuelles peuvent créer une grande variété de fréquences infrasonores et de timbres, tout en imitant un aspect de réalité acoustique à l’oreille. G. La synthèse des sons graphiques La synthèse des sons graphiques traduit des dessins ou d’autres données graphiques aux sons. Roads (1996) décrit cette approche en tant que sculpture sonore. Un exemple analogique notable de cette technique a été fait par le réalisateur canadien, Norman McLaren, dans sa création sonore de court-métrage, « Dots » (1940). Pour créer la bande sonore, il a dessiné les formes d’ondes directement sur la pellicule, en tandem avec des images. Dans le domaine digital, des logiciels tels que l’UPIC (Unité Polyagogique Informatique de CEMAMu), conçu par Iannis Xenakis possèdent une interface graphique qui facilite pour le compositeur une réalisation visuelle et ensuite, sonore, d’une pièce musicale. Avec cette méthode, le compositeur a un contrôle graphique des fréquences ; il peut dessiner des oscillations plus larges ou plus serrées pour les moduler. Ainsi, on peut créer des infrasons par des oscillations bien étendues. Roads précise que l’inconvénient principal de ce logiciel est la difficulté de prédire le son résultant à partir de l’image de l’onde seule. On peut aussi atteindre une approche similaire, sans dessiner les formes d’ondes, en utilisant l’outil à dessiner dans le logiciel d’analyse spectrale SPEAR. L’espace horizontal décrit le temps et l’espace vertical de l’interface désigne le spectre fréquentiel. Dans cet espace, une ligne horizontale produira une onde sinusoïdale de fréquence correspondante à son ordonnée. Le compositeur est capable de créer des figures telles que les glissandi par des courbes à l’intérieur du spectre fréquentiel voulu. 65 En réalisant des maquettes avec ce logiciel, on a constaté que de tels gestes de glissandi entre le domaine des hauteurs et le spectre infrasonore sont particulièrement efficaces pour sensibiliser l’oreille de l’auditeur aux infrasons sinusoïdaux. La sensibilisation aux infrasons est encore plus efficace si on regarde la partition graphique en même temps, les dessins servant de repère visuel. Un inconvénient important est l’imprécision de cet outil. Son interface n’est pas très adaptée pour une manipulation détaillée. De plus, les résultats « infrasonores » de ce logiciel ont besoin d’être passés à travers un filtre passebas car le signal contient quelques artéfacts harmoniques. En somme, ces logiciels offrent une approche intéressante, mais il manque parfois les éléments de précision et d’anticipation. L’attraction principale de cette méthode pour le compositeur infrasonore est son aspect visuel, mais uniquement dans le cas où la présentation de l’élément graphique est inclus dans la performance. Lorsqu’une performance sonore est couplée avec sa partition graphique, cette représentation visuelle sert en tant qu’aide visuelle. Donc, elle est un moyen de sensibilisation aux composants infrasonores. Ainsi, la synthèse des sons graphiques a du potentiel en tant que moyen d’amplification sonore par la modalité visuelle. H. En conclusion Les moyens de synthèse numérique offrent de nombreuses possibilités pour la création infrasonore. La variété des approches donne au compositeur une palette dynamique. En effet, il y aurait de nombreux moyens de synthèse à examiner, mais une telle discussion serait au-delà de la portée de cette recherche de Master 2. On verra que la difficulté actuelle n'est pas la création des infrasons, mais plutôt la diffusion. 66 III: Partie 2 Les moyens d’amplification et de diffusion et leurs limitations Souvent, la diffusion infrasonore exige du matériel différent de celui qui est requis pour une diffusion de musique plus « standard», du domaine des hauteurs. La diffusion et la perception d’infrasons nécessitent de maîtriser l’espace acoustique, ainsi que d’employer du matériel informatique auditif adapté (e.g. des amplificateurs sans filtre au spectre fréquentiel infrasonore). Dans cette section, on traitera la diffusion infrasonore à partir des caissons de basse et brièvement des casques d’écoute, et ensuite la diffusion infrasonore vibrotactile à partir des transducteurs tactiles. Ensuite, on abordera l’amplification par un renforcement intersensoriel, en considérant les modalités de toucher et de vision. A. Le caisson de basse ou « subwoofer » Afin d’étudier le potentiel musical des infrasons, il faut des dispositifs capables d’en produire. En ce qui concerne la diffusion des infrasons électroacoustiques depuis un haut-parleur, la plupart des modèles de subwoofers (des caissons de basse) ne sont pas conçus pour cette tâche. La conception réussie d’un subwoofer capable de produire des infrasons avec le minimum de distorsion et à l’intensité exigée va dépendre de tous les éléments de l’ingénierie du dispositif : les dimensions et la rigidité de la membrane (s’il y a une membrane), les dimensions et la masse du ressort du haut-parleur, l’acoustique du cabinet d’enceinte ou l’acoustique d’un espace dédié dans le cas d’un baffle « infini ». Egalement, des filtres dans une des sources d’amplification, en particulier les filtres actifs dans l’enceinte elle-même, peuvent limiter le spectre fréquentiel aux fréquences infrasonores. Il faut vérifier que l’amplificateur employé (qui alimente l’enceinte ou qui est compris dans l’enceinte) ne filtre pas ces fréquences infrasonores. On va également étudier quelques modifications et solutions que l’on peut effectuer à partir d’enceintes déjà fabriquées pour gagner en amplitude aux fréquences infrasonores. 1. Le baffle et comment traiter les ondes hors-phases Dans une enceinte, le baffle se réfère à un espace enfermé derrière le hautparleur. Un tel espace clos évite la propagation des ondes hors-phases qui se produisent 67 à cause du mouvement inverse de la membrane. Avec un haut-parleur ouvert, ces ondes peuvent se diffracter autour de la membrane et ainsi s’annuler. Pour un haut-parleur au cabinet fermé, aux basses fréquences, les longues ondes dépassent la taille du cabinet et peuvent aussi s’annuler (Nave, 2012)36. Ainsi, il existe une solution dans l’emploi d’un baffle « infini ». Cela consiste en un grand espace isolé devant la membrane, utilisé en tant que cabinet, comme pour une salle ajointe dans une maison par exemple. Le baffle « infini » est typique pour des installations de subwoofers rotatifs qui sont parfois optimisés pour la production des infrasons. Cependant, pour des baffles « infinis », il faut toujours tenir compte de la formule des modes propres, énoncée au premier chapitre. Etant donné une vitesse de son de 340 m/s, il vaut mieux un baffle « infini » d’une longueur d’au moins 8,5 m à 20 Hz, 17 m à 10 Hz et 34 m à 5 Hz. Ainsi, pour éviter la distorsion aux fréquences inférieures à 10 Hz, l’emploi d’un large bâtiment (e.g. une église) pour un baffle « infini » peut être la solution. Une autre solution est l’utilisation d’une enceinte bass-reflex que l’on traitera plus loin. 2. La membrane Harry F. Olson, dans son livre « Elements of Acoustical Engineering », explique que l’efficacité aux basses fréquences est limitée en grande partie à cause de la résistance mécanique de radiation. Parmi les paramètres qui peuvent corriger ce problème, il suggère une membrane plus large. La pression que l’on peut produire aux fréquences infrasonores est directement proportionnelle au volume cubique d’air qu’on peut déplacer par seconde. Ainsi, plus grande est la superficie de la membrane, plus grande est la profondeur (l’excursion) de ce mouvement, et plus grande est la pression qu’on peut obtenir à ces basses fréquences37. Pour illustrer la relation du diamètre et de la masse de la membrane et l’efficacité aux basses fréquences, voici trois graphiques pour trois membranes différentes, dont la première a une membrane d’un diamètre de 40,64 cm (16”) et une masse de 40 g, la deuxième a une membrane d’un diamètre de 10,16 cm (4”) et une 36 Nave, C.R. HyperPhysics. Department of Physics and Astronomy, Georgia State University. Extrait le 10 août 2012 de http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu/hbase/audio/spk2.html#c1 37 D’une correspondance personnelle par email avec Roger Schwenke (9 Août 2012). 68 masse de 1 g et la troisième a une membrane d’un diamètre de 2,54 cm (1”) et une masse de 0,015 g. Il est également important de mentionner les masses des ressorts : 4 g, 0,35 g et 0,015 g, respectivement. FIGURE 14: Les réponses fréquentielles pour trois enceintes avec une membrane d’un diamètre de 40,64 cm (16’’) et une masse de 40 g, d’un diamètre de 10,16 cm (4’’) et une masse de 1 g et d’un diamètre de 2,54 cm (1’’) et une masse de 0,015 g, respectivement (Olson, 1957). Ainsi, il faut une large membrane pour diffuser des fréquences infrasonores d’une manière efficace. La relation entre la masse de la membrane, la masse du ressort et la masse de l’air à déplacer est aussi importante : FIGURE 15: La perte d’efficacité suit la relation de m1 mD + mA où m1 est la masse du ressort, mD est la masse de la membrane et mA est la masse de l’air à!déplacer. L’efficacité maximale est arbitrairement à 0 dB (Olson, 1957). 69 Ce graphique indique que l’efficacité maximale a lieu lorsque la masse du ressort est égale à la masse de la membrane plus la masse de l’air à déplacer. Cependant, il n’est pas toujours pratique pour le fabriquant d’avoir un ressort de la même masse que la membrane. Il est également possible de gagner en efficacité en utilisant une plus grande membrane mais d’un matériel plus léger. Ainsi, la plupart des haut-parleurs commerciaux exploitent ce rapport. Cependant, un matériel plus léger peut parfois entraîner de la distorsion. 3. L’enjeu du ressort du haut-parleur La mécanique du ressort est aussi une des limitations des haut-parleurs pour la production des fréquences graves. Le ressort doit rester suffisamment élastique pour produire des mouvements aux plus hautes fréquences. Parfois les plus hautes fréquences sont filtrées par un filtre « crossover » et diffusées par un « tweeter » (un haut-parleur optimisé pour les hautes fréquences). Néanmoins, le ressort aura toujours plus de facilité d’agir, ainsi de reprendre sa position de base, lorsqu’il répond aux fréquences supérieures à sa fréquence de résonance. Aux plus basses fréquences en dessous du seuil de résonance du ressort, la machine doit consacrer plus d´énergie pour faire agir le ressort. Pour illustrer ce concept physique, le technicien Colin Miller38 décrit l’enjeu en poussant une balançoire : lorsqu’on pousse un enfant à 1/20 Hz, (c’est-à-dire, on pousse en avant et on tire en arrière en tenant l’enfant, jusqu’au point d’équilibre pendant 10 secondes et ensuite on le tire en arrière et on le pousse en avant pendant 10 secondes pour compléter le cycle), on exercera beaucoup plus d’effort qu’un cas où on le pousse à 2 Hz pendant 20 secondes, 2 Hz étant supérieur à la fréquence résonante du système balançoire. Dans cet exemple à 1/20 Hz, la difficulté est de tenir le poids contre la force de la balançoire qui veut se remettre en position d’équilibre. Pousser la balançoire au-dessus de sa résonance permet d’exercer une force qui est facilitée par l'élan déjà généré par la force au retour. De plus, pousser la balançoire à sa fréquence résonante minimise l'amortissement et maximise l'énergie potentielle entre les poussées; l'élan restituera l'énergie potentielle de la balançoire toute seule, et sans la résistance de l'air, il pourra la renforcer indéfiniment. Pour conclure, la force pour conserver un objet en mouvement au-dessus de la fréquence de résonance du système (et préférablement à 38 Miller, C. (1998-2001). How A Hole-In-The-Box Works. Secrets of Home Theater and High Fidelity, Extrait le 18 mai 2012 de http://www.hometheaterhifi.com/volume_5_2/cmilleressayporting.html. 70 la fréquence résonante) économisera plus d'énergie, que pour maintenir un objet en mouvement en dessous de cette résonance, qui s'avérera plus gourmande en énergie. Si on revient au sujet des haut-parleurs, on rencontre une autre impasse. Plus il y a d’énergie qui est apportée à un ressort, plus le ressort produira de la chaleur. Ensuite plus le ressort est chauffé, plus il sera résistant et donc, encore moins efficace au niveau énergétique. En raison de l'énergie qu'il faut employer pour produire des infrasons depuis un ressort qui doit fonctionner considérablement en dessous de sa fréquence résonante, on comprend pourquoi la plupart des fabricants cherchent à filtrer ces fréquences pour conserver la puissance aux basses fréquences dans le spectre plus utilisé. En outre, il faut tenir compte du seuil d'audition humain aux infrasons; en effet il faut un niveau sonore assez puissant pour atteindre le seuil de leur détection (et encore plus pour faire ressentir des degrés d’intensité). Produire les infrasons au niveau sonore nécessaire pour les détecter exige trop d'énergie du ressort du subwoofer traditionnel. 4. Des solutions de diffusion a. Des subwoofers rares ou prototypes Pour corriger ces nombreuses pertes d’efficacité aux basses fréquences, il existe plusieurs solutions. Une possibilité est la construction d'un subwoofer avec un hautparleur ayant un ressort dédié à la production des infrasons (sans l'élasticité pour produire les basses fréquences du domaine des hauteurs). Un tel subwoofer sera, évidemment, fabriqué sur-mesure ou rare. Cependant, en juin 2012, la compagnie Meyer Sound vient de sortir avec le 1100 LFC, un « élément de contrôle de basse fréquence » (low frequency control element) porté39 ayant deux membranes de 18’’ et haute-excursion. La compagnie évite l’appellation de subwoofer, car elle veut distinguer la linéarité améliorée de sa réponse fréquentielle très grave de la connotation à d’autres caissons de basse. On peut espérer que la conception et la distribution dans le commerce de ce type d’enceintes par les compagnies spécialisées est une tendance à la hausse. On peut citer aussi la conception d’un subwoofer rotatif, par la compagnie Eminent Technology, qui produit le subwoofer TRW-17. Celui-ci emploie un ressort entouré d’un champ électromagnétique avec un moteur qui fait tourner des lames du dispositif. Les lames tournent à une vitesse constante pour créer une onde de pression ; 39 Avec une entrée bass-reflex. 71 c’est l’amplificateur qui contrôle que le ressort et ainsi, les fréquences. Ils sont typiquement installés dans une cave ou un grenier pour créer un baffle « infini ». Eminent Technology prétend que l’ingénierie du dispositif offre une adaptation d’impédances meilleure que n’importe quel caisson de basse avec une membrane. L’angle de lames rotatives permet pour un couplage plus direct avec l’air ; donc, cela déplace plus d’air40. Voici une comparaison issue de leur site internet qui décrit les réponses fréquentielles de quelques modèles de caissons de basse concurrents (ni les marques ni les modèles sont précisés). La ligne verte-brune décrit le seuil d’audition typique. FIGURE 16: Comparaison du subwoofer rotatif TRW-17 aux caissons de basse à une membrane et le seuil d’audition comme une fonction de fréquence (Eminent Technology. (2005-2011). Woofer Comparison. Eminent Technology, Inc. Planar Magnetic Loudspeakers and Audio Technology. Extrait le 5 septembre 2012 de http://www.eminent-tech.com/woofercomparison.html). Un autre avantage est que l’ingénierie des lames rend le dispositif très efficace en termes de consommation d’énergie. L’inconvénient principal est certainement son prix : 21.950-25.950 USD ! Ainsi, un subwoofer rotatif ne sera pas une solution facile d’accès à la diffusion infrasonore pour la plupart des compositeurs jusqu’à ce qu’il y ait des modèles plus bons marchés qui soient créés. 40 Eminent Technology. (2005-2011). How Eminent Technology’s Thigpen Rotary Woofer Works. Eminent Technology, Inc. Planar Magnetic Loudspeakers and Audio Technology. Extrait le 5 septembre 2012 de http://www.rotarywoofer.com/howitworks.htm 72 b. L’enceinte bass-reflex Une autre solution existe parfois dans la conception de l’enceinte bass-reflex. L’enceinte bass-reflex introduit une entrée souvent en forme d’un parallélépipède rectangle ou d’un tuyau, conjuguée à la cavité du cabinet, qui fonctionne comme un résonateur d’Helmholtz (Brouchier, 2009). Sa conception permet de gagner de la puissance à un spectre fréquentiel plus élargi. On peut étendre sa puissance au spectre fréquentiel grave par une terce d’octave ou plus (Miller, 1998-2001). Cependant, un inconvénient au-delà ce point est sa pente raide de coupure. Ainsi, lorsqu’on veut augmenter l’efficacité des fréquences plus graves que ce point, il est mieux de boucher les entrées41. Un autre avantage de ce modèle est qu’on peut économiser de l’espace grâce au concept du résonateur d’Helmholtz lui-même. Selon la formule d’après Brouchier (2009) dont on a discuté au premier chapitre, on voit qu’un résonateur d’Helmholtz peut produire une basse fréquence dans un volume d’air plus compact que l’espace requis pour renforcer une onde stationnaire à la même fréquence, dans un baffle « infini » par exemple. Cependant, pour l’enceinte bass-reflex, l’annulation par des ondes hors-phases pourrait poser un problème comme pour des haut-parleurs sans cabinet. Pour éviter ce problème, on peut calibrer l’entrée afin de produire la même fréquence résonante que la fréquence résonante du haut-parleur, étant donné une résonance libre de la membrane (Nave, 2012)42 : FIGURE 17: Une enceinte bass-reflex avec une entrée accordée à la fréquence résonante du haut-parleur, étant donné une résonance libre de la membrane (Nave, 2012). Avec une telle enceinte bass-reflex, on peut comparer ses effets de résonance aux autres types des enceintes : 41 42 D’une correspondance personnelle par email avec Roger Schwenke (9 Août 2012). http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu/hbase/audio/basref.html 73 FIGURE 18: La résonance des enceintes bass-reflex, des enceintes aux baffles « infinis » et des enceintes aux cabinets fermés selon la fréquence résonante de la membrane libre dans l’espace ƒ0 (Nave, 2012, d’après Rossing, 1990). Ce graphique illustre l’avantage de l’enceinte bass-reflex et du baffle « infini » aux basses fréquences par rapport à l’enceinte fermée. Pour l’enceinte bass-reflex, on voit que l’amplitude augmente aux fréquences justes inférieures à la fréquence résonante ƒ0 vers f0 , mais elle s’attenue ensuite plus rapidement que la résonance du baffle 2 « infini ». ! Ainsi, l’emploi de l’enceinte bass-reflex est plus favorable pour un contexte où le compositeur cherche des fréquences infrasonores au spectre fréquentiel juste inférieur à la fréquence résonante de l’entrée. Pour obtenir des fréquences encore plus graves, il vaut mieux boucher l’entrée. c. D’autres solutions de diffusion Les filtres « crossover » actifs, qui sont présents dans des nombreux modèles de subwoofers, ciblent et atténuent les fréquences infrasonores afin d’optimiser la puissance vers le domaine des hauteurs. Les subwoofers aux filtres actifs incluent des subwoofers répandus et hauts de gamme tels que ceux de la gamme HP, « HighPower », de la marque Meyer Sound (comme le 700-HP et le 600-HP). Lorsqu’on modifie les filtres à l’intérieur du 700-HP, ces subwoofers puissants sont capables de produire des infrasons43. En outre, concernant des subwoofers avec une entrée, comme ceux de la gamme HP de Meyer Sound, on peut les boucher pour gagner un peu de puissance au spectre infrasonore. Pendant que des entrées rendent les subwoofers plus efficaces aux basses 43 D’une correspondance personnelle avec Roger Schwenke par téléphone (Novembre, 2011). 74 fréquences juste inférieures à la résonance de la membrane, elles font perdre de l’efficacité aux fréquences considérablement inférieures à cette résonance. Un autre moyen pour obtenir plus d’amplitude aux fréquences infrasonores est d’ajouter un plus grand nombre de subwoofers à l’enceinte : L’entreprise Meyer Sound a modifié 12 de ses subwoofers 700-HP pour une série télévisée « Mythbusters ». L’objectif de l’épisode a été de tester le mythe du « brown note », une fréquence infrasonore hypothétique qui fait perdre le contrôle des entrailles. Un sujet est resté débout entre quatre murs d’enceinte, faits de ces subwoofers, pendant que les techniciens du son ont appliqué des basses fréquences de forte intensité. Les subwoofers ont été alimentés en 25000 Watt de puissance. Ils ont modifié les filtres actifs à l’intérieur des enceintes pour laisser passer les fréquences infrasonores, et ils ont bouché les entrées avec de la mousse. Suite à ces modifications, l’entreprise Meyer Sound a pu achevé des moyennes de 95 dB à 5 Hz, 100 dB à 10 Hz et 105 dB à 20 Hz. Pendant l’expérience, ils ont obtenu 108 dB à 5 Hz, 114 dB à 7 Hz, à 9 Hz (le niveau de pression sonore (dB) n’est pas précisé, donc on suppose qu’il reste à 114 dB), 128 dB à 32 Hz, et un balayage entre 20 Hz et 100 Hz à 144 dB. Ce balayage a été effectué sans boucher les entrées. En ajoutant encore plus de subwoofers, Schwenke explique qu’on peut possiblement obtenir 6 ou 12 dB d’amplitude en plus, avant d’être limité par le nombre de subwoofers qu’on peut mettre à une courte distance d’un point donné. Schwenke pense qu’avec une diffusion à partir leur modèle de haut-parleur de basse fréquence récent, le 1100 LFC, il peut atteindre cette même augmentation d’amplitude. Ainsi, l’emploi du 1100 LFC serait évidemment plus efficace en terme d’espace (en étant un caisson de basse plus compact), et plus facile à transporter et à manipuler que plus de 12 subwoofers qui nécessiteraient une modification supplémentaire des filtres. Les spécifications techniques des deux modèles sont incluses en annexes C et D pour comparer. Enfin, de telles modifications peuvent résoudre le problème de diffusion infrasonore, cependant elles ne sont pas toujours sans conséquence négative. Le filtre actif est présent aussi pour protéger la machine selon ses capacités, étant donné les dimensions du ressort, de la membrane, et cetera. À cause des très fortes intensités générées aux basses fréquences hors des limites de conception du dispositif, une des enceintes a été cassée. Ainsi, il faut faire très attention en tentant ces modifications car les inconvénients générés peuvent endommager les machines ou les rendre moins 75 efficace que prévu. Quand il est possible, il semble plus pratique de louer ou acheter un modèle adapté comme le 1100LFC ou un subwoofer rotatif. B. Les casques d’écoute Plus tôt au deuxième chapitre, on a détaillé des tests qu'on a mené avec des caissons de basse et avec des casques d'écoute, précisément du modèle Beyerdynamic DT770 PRO 250 ohm qui prétend une réponse fréquentielle aussi grave que 5 Hz. Pourtant, d’après nos propres tests, on a pu percevoir des sons jusqu'à 9 Hz minimum avec cet appareil (avec une onde sinusoïdale). Malgré tout, 9 Hz est toujours plus grave que 12 Hz, la plus basse fréquence qu'on a pu percevoir avec des caissons de basse de haute qualité. Comment cela est possible après tout ce dont on a discuté dans ce chapitre concernant le rapport entre la taille et la production des basses fréquences? Les casques d'écoute diffèrent des caissons de basse (et d'autres enceintes) principalement par leurs chemins acoustiques; les casques d'écoute sont couplés plus ou moins directement à l'oreille tandis que les sons à partir des enceintes doivent se propager dans l'espace ambiant avant d'arriver aux oreilles. Avec un son diffusé à partir des enceintes, il y a des pertes sonores à cause de la distance de propagation et des annulations des ondes hors-phases. Cependant, les problèmes liés à la diffusion à partir des casques d'écoute sont différents; la plupart des pertes qui s'effectuent avec des casques d'écoute sont des réfractions dues aux mauvaises adaptations d'impédances. À ce propos, les matériels employés dans leur fabrication sont des facteurs importants dans la qualité des casques d'écoute. En général, la question de l'adaptation d'impédances est un sujet trop vaste pour la portée de cette recherche; donc, ici on peut seulement évoquer l'essentiel. On a vu plus tôt le rapport entre la taille du haut-parleur et sa production des basses fréquences. Aux longues ondes infrasonores, il faut un grand caisson de basse pour déplacer l'air dans une salle autant que pour faire bouger le tympan d'une oreille. En outre, les basses fréquences diffusées des caissons de basse sont très vites attenuées; les haut-parleurs ne rayonnent les basses fréquences que sur une courte distance. Les casques d'écoute, bien étanches aux oreilles, ne laisse pas d'espace pour les ondes de s’échapper, même aux fréquences infrasonores. Il y a relativement peu d'air à déplacer entre la membrane des casques d'écoute et l'oreille. Ainsi, la pression aux oreilles varie plus ou moins avec le mouvement de la membrane. En bref, c'est pour ces 76 raisons que certains casques d'écoute peuvent avoir une meilleure réponse fréquentielle aux infrasons que des caissons de basse de haute gamme44. C. L’emploi d’autres modalités Des limitations et des solutions de diffusion peuvent devenir des paramètres artistiques. Dans cette section, on va traiter des sujets d’un système de substitution sensorielle et du renforcement intersensoriel dans le cadre des modalités vibrotactile ou visuelle. Ces concepts sont véritablement entre la diffusion, l'amplification et l'exploration artistique. 1. L’emploi de système de substitution sensoriel Cette section aborde la traduction d'infrasons à une modalité vibrotactile. Selon les chercheurs Kaczmarek et al. (1991, cités en Gunther, 2001), ce type de traduction calque des attributs d'un système de substitution sensorielle (sensory substitution system). Comme on l'a évoqué au premier chapitre, un tel système communique les données d'une modalité par un canal sensoriel que n'est pas principalement employé pour traiter de telles données. Dans cette recherche, on s’intéresse au potentiel d’une substitution tactile sonore par l’emploi d’un transducteur tactile. La facilité de cette traduction par ce seul mode de diffusion est due au rapport physique entre les vibrations mécaniques et les ondes sonores; elles sont nées du même phénomène physique, à part les différences en conduction et en modalité principale de perception. On a parlé du potentiel musical d’une telle traduction dans la deuxième partie du deuxième chapitre, et maintenant on aborde les aspects d’ingénierie pour la réaliser. Les transducteurs tactiles Pour une diffusion des données musicales à la modalité vibrotactile, les transducteurs tactiles sont assez pratiques et idéals. Les transducteurs tactiles fonctionnent un peu comme un haut-parleur sans enceinte, optimisés pour une diffusion vibrotactile. D'après des sites de vente, leurs usages varient entre des jeux vidéo, des 44 Tout de l’information dans cette section sur les casques d’écoutes dérivent des réponses d’utilisateurs scientifiques et ingénieurs sur les deux forums sur reddit.com askscience et askengineers, extraits le 3 septembre 2012 de http://www.reddit.com/r/askscience/comments/z8cc4/how_can_certain_headphones_produce_lower/ et de http://www.reddit.com/r/AskEngineers/comments/z8fam/how_can_certain_headphones_produce_lower/. 77 cinémas personnels, des attractions dans les parcs de divertissement et pour donner un support vibrotactile aux basses fréquences dans une voiture45. En plus, ils se trouvent parfois à des prix raisonnables pour le compositeur curieux. Concernant leur ingénierie, les transducteurs tactiles consistent en une masse amortie mise en mouvement par une force oscillatoire, via un ressort qui résiste au champ électromagnétique comme pour des haut-parleurs. Le ressort exerce une force sur la masse et aussi sur le corps du dispositif par un couplage direct entre le ressort et l'appareil. Pour des haut-parleurs, il y a un rapport entre la taille et le spectre fréquentiel; plus il y a de la masse, plus forte est l'amplitude et plus basses sont les fréquences que le dispositif peut diffuser. De la même manière, pour augmenter l'amplitude, on peut penser soit ajouter un plus grand nombre de transducteurs, soit un plus grand le fera. Il faut aussi tenir compte que les transducteurs tactiles sont alimentés à partir d’amplificateurs séparés. Ainsi, il faut vérifier que l'amplificateur n'impose pas de filtres supplémentaires aux basses fréquences. Un inconvénient de l'ingénierie des transducteurs tactiles est le fait qu'ils sont moins efficaces que les caissons de basse, concernant le pouvoir électrique consommé par 1 W d'énergie46. Les transducteurs tactiles suivant sont disponibles : • Les explorations personnelles de l'auteur de ce travail ont été menées avec un Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker. Selon leur site de vente, ces transducteurs tactiles se basent sur le concept que des basses fréquences sont ressenties plutôt qu'entendues. Ces machines ont une réponse fréquentielle à 40 Hz et un spectre fréquentiel utilisable entre 20-80 Hz. Cependant, comme on l'a précisé dans les autres sections, selon des tests personnels, des vibrations aussi graves que 7 Hz ont été ressenties. FIGURE 19: L'Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker (Olson, E. (2000) Tactile Transducer Comparison. Baudline. Extrait le 24 août, 2012 de http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html). 45 Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker Tactile Transducer. Parts Express. Extrait le 27 août, 2012 de http://www.parts-express.com/pe/showdetl.cfm?partnumber=299-028 46 Olson, E. (2000) The Tactile Transducer FAQ v1.7. Baudline. Extrait le 24 mai, 2012 de http://www.baudline.com-erik/bass/tactile_faq.html 78 FIGURE 20: La réponse fréquentielle de l'Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker (Olson, E. (2000) Tactile Transducer Comparison. Baudline. Extrait le 24 août, 2012 de http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html). • Aussi par la compagnie Aura, on trouve le gilet Aura Interactor (Aura Interactor Vest). On va détailler ce produit plus tard dans la section Perspectives Personnelles du quatrième chapitre. On peut mentionner que ce produit, destiné à l'origine pour l'emploi avec des jeux vidéos (e.g. pour ressentir des coups de poignets), n'a pas eu beaucoup de réussite dans ce marché, et ainsi, il est vendu à un prix modique autour de 20 USD par quelques sites. Par contre, il a trouvé un peu de réussite parmi des individus sourds dans leurs cinémas personnels (à domicile), pour ressentir des effets dans les films47. FIGURE 21: L'Aura Interactor Vest (Olson, E. (2000) Tactile Transducer Comparison. Baudline. Extrait 47 Olson, E. (2000) Tactile Transducer Comparison. Baudline. Extrait le 24 août, 2012 de http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html). 79 le 24 août, 2012 de http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html). Pour produire des infrasons vibrotactiles aux très fortes pressions et pour une exploration artistique sur une grande échelle, il existe des transducteurs tactiles très puissants créés dans un cadre industriel pour faire des essais vibratoires. Ces machines sont typiquement attachées à la charpente d’un gratte-ciel afin de chercher des modes de vibrations du bâtiment excitées pendant des tremblements de terre et des forts vents, selon Olson (2000). Un tel transducteur tactile qui pèse 68 kg environ est alimenté d’un amplificateur à 1000 W et à une réponse fréquentielle de 0,5-500 Hz. Olson suppose que l’appareil est probablement sans amortissement et donc, est très résonant. Ce dispositif est un exemple des possibilités les plus extrêmes d’une diffusion vibrotactile infrasonore. On peut trouver d’autres transducteurs industriels encore plus puissants de la corporation Unholtz-Dickie sur leur site48. Avec un peu d’imagination et beaucoup de prudence, un compositeur peut obtenir un tel transducteur tactile et l’accrocher directement à une escalade de strapontins dans une salle de concert. Également, en exerçant la même prudence, un compositeur peut concevoir une structure pour servir de salle de concert qui serait conçue pour un emploi avec ce dispositif. Il peut chercher une collaboration avec un architecte pour construire une structure simple et durable avec des modes de résonances diverses. Ainsi, on peut engager la vibrotactilité et la proprioception– l’orientation du corps dans l’espace– chez le spectateur pour un événement artistique très unique. 2. L’emploi d’un renforcement intersensoriel Pour aborder le problème de diffusion aux fréquences infrasonores où l’amplitude reste autour du seuil de détection, on peut guider, voire sensibiliser, les oreilles aux infrasons par un doublage des données dans une autre modalité. Cela peut se faire par le « mapping » des données (e.g. la synesthésie algorithmique d’après Sagiv et al., 2009), par une exploitation ingénieuse des qualités intersensorielles (on va aborder par la suite l’art cymatique) ou par l’emploi d’un système de substitution qui diffuse des données traduites en accompagnement d’une diffusion des données sonores originales. 48 http://www.udco.com/shaker.shtml. 80 a. Techniques de « mapping » : la synesthésie algorithmique Dans le domaine de la création électroacoustique, il est possible de créer une «synesthésie algorithmique», un terme employé des chercheurs Noam Sagiv et RT Dean (The Oxford Handbook of Computer Music, 2009). La synesthésie algorithmique décrit les œuvres multimédias qui lient l'image et le son soit d'un processus informatique, soit de la même source de données. Un tel processus peut générer les continus sonore et visuel ou travailler des continus déjà existants. La méthode suggère aussi une représentation artistique de la synesthésie. Avec l’aide des logiciels comme Max/MSP/Jitter, il est relativement facile d’accrocher des paramètres sonores de base à certains paramètres visuels de base, e.g. la fréquence à la couleur, la durée d’un événement sonore à la durée d’un événement visuelle, l’amplitude du positionnement de l’événement visuel,… Également, on peut évidemment créer des rapports et des manipulations d’images très complexes pour une exploration artistique plus profonde. Dans un projet futur, on propose de développer un patch simple en Max/MSP utilisant la synthèse AM pour explorer les fréquences 020 Hz. Chaque oscillateur produira des points (ou d’autres événements visuels) pour marquer chaque cycle d’oscillation. La fréquence modulerait la couleur. Par exemple, on peut créer un rapport selon le spectre fréquentiel et le spectre de couleur ; 0-20 Hz = rouge à violet. Ainsi, on pourrait trier par couleur les cycles des ondes différentes dans les polyrythmes. b. Le renforcement intersensoriel par l’art cymatique L'art cymatique a été établi par des études du physicien Hans Jenny. Il est un art de transduction qui est basé sur la création des visualisations formées dans les grains, le liquide, et d'autres matériaux, en réponse aux oscillations sonores (ou vibratoires)49. D'après son modèle, on peut monter un moyen de diffusion sonore au milieu d'une table sur laquelle des grains sont dispersés. Le déplacement des grains en motifs s'effectuera selon les trajectoires des ondes sonores. Ainsi, on peut percevoir par la modalité visuelle la présence d’ondes infrasonores. Parmi des explorations artistiques cymatiques concernant les basses fréquences, le compositeur Marc Billon et l’artiste visuelle Aurélia Jaubert ont collaboré sur le projet Sonovise dans le cadre de la Semaine des Arts à l’Université de Paris 8 en 2011. 49 Perry, F. (2002). Cymatics : Visual sound. Extrait le 15 septembre 2012 de http://www.frankperry.co.uk/Cymatics.htm 81 Ils ont diffusé des basses fréquences en dessous des deux petites structures, une qui contenait de la terre, une qui contenait de l’eau liquide. Les perturbations à la surface de chaque structure ont été projetées par vidéo à un écran derrière des structures. Ainsi, les basses fréquences étaient amplifiées par la modalité visuelle et on a pu voir comment chaque matériel a réagi d’une manière différente aux données sonores/vibratoires. FIGURE 22: Le projet Sonovise par Marc Billon et Aurélia Jaubert (2011, Extrait le 5 septembre 2012 de http://www.aureliajaubert.com/2011/04/sonovise-project-est-une-experience.html). c. Le renforcement intersensoriel par la vibrotactilité Sagiv et Dean abordent le sujet de la synesthésie algorithmique dans le domaine audio-visuel, mais on peut facilement élargir l'esprit de cette pratique au domaine vibrotactile par la diffusion des données aux deux modalités. Lorsqu'on compare une traduction audio-vibrotactile (avec l'emploi d'un transducteur tactile) aux rapports audio-visuels (avec l’accrochage des paramètres dans un logiciel), on voit que le travail de programmation est simplifié pour le compositeur. Il n’y a pas besoin d’un accrochage supplémentaire des données. Comme on l’a expliqué plus tôt, l’ingénierie d’un transducteur tactile fonctionne similairement à un caisson de basse. À partir de l'amplificateur, il suffit de diviser le même signal sonore aux deux chaînes, une qui alimente un caisson de basse et l'autre alimentant le transducteur vibrotactile. Ainsi, le signal sonore se transforme directement en une vibration mécanique sans traitement des données au logiciel. 82 CHAPITRE IV Des projets travaillant l’infrason 83 IV: Partie 1 Quelques projets d’autres artistes travaillant l’infrason Cette section est un regard sur les travaux infrasonores d’autres artistes. Principalement, on va discuter de leur manière d’exploiter les caractéristiques infrasonores et comment ils ont abordé les limitations de diffusion et de perception dont on a discuté aux chapitres précédents. La section suivante s’intéressera à des projets personnels de l’auteur de ce travail. A. « Inferno » de Yann Robin « Inferno » est une composition de Yann Robin (Robin, 2012), qui « entreprend une descente infinie vers le noir, une perturbation concertée de la perception »50. Cette œuvre, écrite pour un grand orchestre symphonique et électronique en temps réel, est basée sur l’œuvre écrite de Dante du même titre. Issue d’une commande de l’Ircam (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique) et de Radio France, l’œuvre a été jouée le 13 juin, 2012 à la Cité de la Musique par l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Jean Deroyer. La réalisation informatique musicale, qui concerne l’élément infrasonore, a été réalisée par Robin Meier (Meier) de l’Ircam. D’après le discours du compositeur, le matériau musical de l’œuvre consiste en 3 couches, dont la première est la musique purement instrumentale de l’orchestre. La deuxième couche est un traitement électroacoustique des sons d’orchestre réalisé en temps réel et, ensuite, re-mixé. Le niveau final est le niveau structurant de l’œuvre : une trame d’infrasons électroacoustiques ; cette trame est faite de grands glissandi des fréquences infrasonores. Selon les notes de programme, (Szpirglas, Manifeste de l'Ircam, 2012) : « L’idée originelle, qui a généré toute la partition, est l’utilisation des infrasons comme un objet musical – et non pas un simple gadget pour dynamiser le son de l’orchestre. Les infrasons deviennent un matériau signifiant – et structurant, en l’occurrence : ils jouent le rôle de soubassement musical, de trame dramaturgique souterraine, qui me permet de souligner d’intenses moments dramatiques. » 50 Selon la description donnée pour le documentaire 2012, Image d’une œuvre n°14 : « Inferno » de Yann Robin, réalisé par Pierre Rigaudière et Christian Bahier. http://www.dailymotion.com/video/xrie2r_images-d-une-yuvre-n-14-inferno-de-yann-robin_creation . 84 Robin explique que l’esprit de l’emploi des infrasons est métaphorique ; il veut représenter à la fois la descente en enfer de Dante et le centre d’univers. Chez lui, les infrasons représentent le noir, l’abysse. Il utilise également leurs qualités vibrotactiles ; un son qui est « présent et omniprésent », c’est-à-dire un son qu’on n’entend pas et qu’on ressent physiquement. Les infrasons employés sont diffusés à partir de caissons de basse, et ressentis en tant que vibrations qui passent sur la scène et le métal dans la salle de concert. Or, Robin traite les infrasons selon la croyance erronée qu’ils sont imperceptibles à l’oreille humaine. Simplement, d’après sa description, on peut conclure que ses infrasons sont diffusés à une intensité qui n’est pas suffisante pour leur détection à l’oreille, mais, assez intense pour qu’ils aient un impact vibratoire sur les structures de la salle. Concernant le moyen de diffusion, il est clair que son réseau de caissons de basse manque de puissance aux fréquences infrasonores. Alors, afin de créer les infrasons voulus, il utilise des pulsations isochroniques, perceptibles par le bruit de déplacement fait par les membranes des caissons. En plus, il parle principalement d’un emploi de battements, de tons différentiels, créés à partir des fréquences graves ou du domaine des hauteurs. Cet emploi de battements est également rendu possible grâce à la présence de multiples caissons, étant donné que cet effet nécessite au moins une configuration stéréo. « Le choix de Yann Robin et de son réalisateur en informatique musicale, Robin Meier, aidés de l’ingénieur du son Julien Aléonard, s’est porté sur un dispositif de subwoofers, vaste réseau de caissons de graves qui occupe tout l’espace de la salle de concert. Si chacun de ces caissons ne peut véritablement produire des infrasons (à 15 Hz, les membranes se décollent et le haut-parleur grille), l’oreille peut toutefois être sensible à la dimension « rythmique » de la fréquence (on peut ainsi générer 15 impulsions par seconde pour donner l’impression d’un 15 Hz) et percevoir les phénomènes de « battements » nés des interférences des ondes sonores dans l’air. En plaçant deux haut-parleurs générant des fréquences proches à une distance relative bien particulière, on récupère deux fréquences issues de la rencontre des deux ondes : l’une «additionnelle», qui correspond à la somme des deux fréquences de départ, et l’autre «différentielle», à leur différence...C’est avec cette trame de quatre fréquences que le compositeur va pouvoir construire son espace infrasonore, sous la forme d’un immense glissando de 45 minutes apparaissant et disparaissant en fonction des nécessités dramaturgiques de la pièce » (Ircam, 2012). Robin parle aussi de l’influence des infrasons sur les sons du domaine des 85 hauteurs, en comparant leur effet à celui du soleil à la peinture. Plus graves sont les fréquences infrasonores, « le plus quelque part les fréquences aiguës résonnent et rayonnent...le bas révèle le haut». En partie, cela doit se référer à son exploitation du phénomène de la fréquence fondamentale manquante. En traitant l’enjeu du manque de la directionnalité des infrasons, Robin orchestre leurs partiels dans l’esprit de la musique spectrale. « L’autre problème « musical » des infrasons, c’est de les faire vivre. Un son extrêmement grave est, en effet, indéfini et adirectionnel, comme un fantôme sonore rôdant autour de l’auditeur. Pour les faire vivre, les faire bouger, il s’agit donc de les « orchestrer », de les perturber, en les orchestrant avec des partiels plus aiguës qui leur donnent un sentiment de mouvement » (Ircam, 2012). Pour lui, la musique résultante crée « des profils de morphologie de masse et de densité ». Il est également intéressant de noter comment Robin parle de sa méthode de création sonore : Robin discute d’un besoin de ressentir la musique physiquement avant de l’écrire. Son processus charnel rappelle la multi-modalité des infrasons ainsi que la synesthésie. B. « Bestiole», une création de danse, de musique et de lumière ; la partie de composition musicale de Kasper T. Toeplitz « Bestiole» est une dance chorégraphiée de Myriam Gourfink, accompagnée de musique électroacoustique, créé par Kasper T. Toeplitz. Séverine Rième a également réalisé une création de lumière intégrée à l’œuvre. Le spectacle s’est déroulé entre les 18-20 janvier, 2012, dans la Grande Salle du Centre Pompidou, à Paris. L’information dans cette section est issue des deux entretiens personnels, après le concert le jeudi 19 janvier 2012, avec le compositeur lui-même et l’ingénieur du son, Zakariyya Cammoun. Le matériau est aussi issu des notes du programme et des observations personnelles de l’auteur de ce travail en tant que membre du public. Avant de continuer, on va aborder les moyens de diffusion et de production avec l’ordinateur. Concernant le matériau de diffusion des fréquences graves, 4 caissons de basse de la série HP de MeyerSound ont été employés dans une configuration quadriphonique- avec deux caissons devant le public à gauche et à droite de l’estrade 86 par terre, et deux caissons en arrière à gauche et à droite vers les coins de la salle. Ces deux derniers ont été montés sur l’estrade en pente des strapontins. Il faut mentionner que ce couplage des caissons aux sièges a provoqué des effets vibratoires corporels très prononcés pendant l’œuvre, dont l’intensité a varié selon le positionnement du spectateur dans la salle. Comme ces caissons de basse ont des limitations de diffusion au spectre fréquentiel infrasonore, Toeplitz, dans son travail des sons graves, a conçu sa composition en tenant compte de ces paramètres de diffusion. Toeplitz a créé la musique à partir de quelques oscillateurs dans un patch à partir d’un logiciel à langage graphique. Il a employé les oscillations d’au moins 19 Hz (donc, autour du seuil infrasonore) et il a exploité l’emploi des multiples caissons de basse pour créer des battements au spectre fréquentiel infrasonore à partir des basses fréquences. Ainsi, en utilisant des fréquences de 30-80 Hz51 ou plus graves qui ont produit des battements monauraux aux intensités fortes aux taux infrasonores, il obtient un résultat très tactile et très puissant, qui a donné lieu à des observations détaillées cidessous. Gourfink recherche la lenteur dans la danse. En général, l’œuvre consiste en une danse des mouvements très lents, suspendus dans le temps, les danseurs semblent presque immobiles. Or, au fur et à mesure des pulsations lentes de la musique et ainsi d’une configuration circulaire des lumières, on voit une mutation progressive des gestes. Les notes de programme informent le spectateur de l’inspiration du titre ; un titre dérivé de la nouvelle de Kafka qui est intitulée « La Métamorphose » au sujet d’un homme qui est devenu bestiole. Toutefois, les formes adaptées des danseurs pendant la durée de la pièce ne sont pas nécessairement celles d’une bestiole ; ils sont « soit l’humain, l’animal voire le végétal ou le minéral ». À ajouter aux mouvements cycliques des danseurs et des lumières, « le dernier cercle, le plus vaste, englobant danse et public, est celui d’un son de graves quasiment imperceptibles, dont seuls se donnent à entendre les différentiels et les battements, vibrations qui provoquent le réveil des souffles lumineux d’un feu souterrain »52. Ces aspects infrasonores et vibrotactiles ont saturé le public dans cet 51 Ce spectre est une estimation basée sur les informations du compositeur et basée sur le fait que les ondes ont fait vibrer la poitrine, un effet qui manifeste autour 30-80 Hz selon l’étude citée au premier chapitre. 52 Centre Pompidou. (2012). Bestiole. Extrait le 1 août 2012 de http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/A22DB8C583C79736C12578E20032486E?Open Document. 87 univers multi-modal; l’expérience était un véritable bain de son, où les fréquences différentes ont entraîné des vibrations corporelles diverses. Les vibrations ont été ressenties par la peau, dans la poitrine, par la tête et les yeux, celles qui ont engagé la poitrine, étant probablement autour de 30-80 Hz49. Les battements infrasonores ont donné l’impression de subtiles interruptions dans la vibration corporelle autrement continue. Selon les observations personnelles de l’auteur, ces battements infrasonores ont surtout provoqué des réactions psychosomatiques, le taux de respiration étant le plus notable des effets. Le couplage des battements lents (pour la plupart, plus rapides que le taux de respiration) avec des vibrations à la poitrine a semblé provoquer cette sensation. En tout cas, on a trouvé que la pensée du spectateur était très facilement guidée par les mouvements de respiration dus à la localisation de vibration. Le taux de battement de 15 Hz, plus élevé que le taux de respiration du corps assis (de 0,2-0,33 Hz environ), a entraîné un sentiment d’excitation voire d’étourdissement, peut-être en associant ces battements avec des sentiments aux taux de respirations plus accélérés. Le spectacle était une réussite intersensorielle. L’aspect musical a saturé le corps avec des effets vibratoires. Les lumières pulsantes se sont ajoutées à l’expérience pulsante et intersensorielle fournie par la musique. Les mouvements suspendus de la danse et les oscillations lentes des composants visuels, musicaux et vibratoires ont contribué à la sensation de temps ralentie. « Bestiole » est une démonstration de comment exploiter les infrasons, étant donné l’état actuel technologique, pour créer une expression artistique engageante et mémorable selon le point de vue de l’auteur. C. « Infrasound » de RHY Yau et Scott Arford « Infrasound » est une série de plus de 25 installations créées par les artistes tactiles San Franciscains RHY Yau et Scott Arford. Le contributeur Jim Haynes dans l’édition « Low End Theories » de The Wire (juillet 2012) détaille leur projet dans l’article « The brown note ». Ces artistes cherchent des espaces différents, qui varient acoustiquement, pour recevoir leur projet, dont le premier était l’espace artistique 7 Hz d’Arford en 2001. Les deux s’intéressent à une présentation physique des infrasons ainsi que leurs effets psycho-physiques auprès des membres d’un public. Pendant leurs installations, Yau et Arford provoquent les fréquences résonantes et des reflets acoustiques des espaces pour produire des ondes stationnaires ainsi qu’une 88 relation directe entre l’architecture et le corps humain. Parmi toutes leurs performances, le contenu musical consiste à des crescendos lents des oscillations infrasonores qui grandissent aux forces de pression supérieures à 120 dB. Ensuite, ils saturent les infrasons avec du bruit blanc. Haynes insiste que dû au spectre fréquentiel employé, il n’a pas ressenti à ses oreilles un vrai besoin d’utiliser des protections auditives ; les effets corporels étaient beaucoup plus remarqués. Selon les caractéristiques acoustiques de chaque espace, le produit artistique varie. Les artistes passent du temps dans l’espace de chaque salle pour calibrer leurs effets. L’auteur Haynes raconte trois performances diverses à différents endroits de San Francisco. Il décrit le contenu de celle de 2002 comme un « baume calmant » (lulling salve) qui a provoqué un état euphorique chez lui. Une autre plus récente, à The Lab, s’est entrechoquée sur les murs et le sol comme un marteau-piqueur pour un effet plus jurant. Il a assisté à une autre performance récente à Southern Exposure. Haynes décrit les surfaces du bâtiment comme « acoustiquement propres » qui permettent pour les ondes stationnaires d’être bien définies dans l’espace ainsi que la création des murs de pression sonores. Ainsi, on voit l’impact de l’architecture sur les résultats musicaux infrasonores. C’est l’espace qui définit une large partie de l’expérience. Cette manifestation intersensorielle des caractéristiques acoustiques par les infrasons est une idée simple et puissante. On espère développer ce concept plus tard dans d’autres projets. 89 IV: Partie 2 Des projets personnels travaillant l’infrason A. « Larry » Cette pièce électroacoustique a été composée pour un concert qui a eu lieu à la Chapelle des Carmélites à Saint Denis le 29 mars 2012, diffusée en configuration circulaire octophonique avec une neuvième piste vibrotactile émise à partir d’un transducteur tactile et d’un caisson de basse dédié à la diffusion des basses fréquences sonores (des huit pistes). Après quelques discussions, il a été choisi de poser le transducteur vibrotactile par terre, car le sol était en bois et il pourrait mieux transmettre les vibrations aux membres du public assis par terre. 1. L’architecture Cette œuvre a été spécialement conçue pour l’architecture de la salle du concert. Étant donné la nature réverbérante particulière de l’espace, avec une décroissance sonore 8 secondes environ, mais de 4 secondes perçues53, les compositions du concert ont été une réflexion de cette caractéristique en tant qu’un traitement post-diffusion. En outre, la forme unique et relativement simple de l’architecture, en forme de croix carrée selon la longueur et la largueur, avec des coupoles qui constituent le toit, a permis de mesurer les dimensions de la salle pour calibrer des ondes qui pourraient provoquer ses modes de résonances. Les dimensions au sol de la salle ont été soigneusement mesurées. Ensuite, on a estimé la hauteur à partir de celle d’un échafaudage qui s’arrêtait ~1 m en dessous du niveau des coupoles, et selon des estimations du rayon des demi coupoles et de la grande coupole prises par les calculs au sol. Ainsi, on est arrivé à une hauteur estimée à 8,47 m avant les coupoles, à 12,62 m au niveau entre la demi et la grande coupole et à 17,28 m au centre de la grande coupole. Étant donné la vitesse du son dans l’air de 340 m/s, cela correspond aux fréquences résonantes à 20,07 Hz, 13,47 Hz et 9,838 Hz, respectivement, selon l’équation au premier chapitre : 53 Communication personnelle, Anne Sedes, le 30 août 2012. 90 FIGURES 23, 24, 25 : De gauche à droite : l’échafaudage contre le mur face à l’entrée, une des demicoupoles, la grande coupole (mars 2012). En outre, on a pu défini deux largeurs car il y avait différents niveaux de profondeur à chaque mur : FIGURES 26, 27, 28 : De gauche à droite : Mur 1, Mur 2, Plan de la chapelle (mars 2012). On a mesuré 18,95 m pour la largeur maximale et 16,91 m pour la largeur minimale. Selon une vitesse de son dans l’air de 340 m/s, les résonances correspondantes sont à 8,97 Hz et 10,05 Hz, respectivement. Finalement, on a trouvé la longueur à 21, 8 m avec une résonance estimée à 7,798 Hz. 91 Voici nos calculs ainsi qu’un plan de la chapelle : DESSIN : Le plan de la Chapelle, ses dimensions et des calculs de la hauteur (dessiné par Fdida et Crawshaw, mars 2012) 92 2. Les thèmes L’inspiration pour la composition a été de faire une juxtaposition des sons apparemment corporels et des sons évoquant des machines. Également inspiré par la configuration octophonique circulaire des enceintes, le concept pour les sons mécaniques était d’évoquer une machine à laver avec ses différents cycles de lavage, de rinçage, et cetera. Pour créer cet effet, il y a des événements du domaine des hauteurs créés par la synthèse « waveshapping », à partir des fréquences porteuses infrasonores. D’un événement à l’autre, on a essayé de changer la fréquence d’origine ainsi que les paramètres de timbre pour donner l’impression de ses cycles changeants. L’aspect vibrotactile a parfois rappelé des grondements de moteur. Pour exprimer un élément corporel, on a employé des oscillations infrasonores évocatrices des battements cardiaques. Les battements ont été diffusés acoustiquement, par le caisson de basse, et sous la forme de vibrations, par le transducteur vibrotactile. Cela est évident à 3:07 avec la piste du transducteur tactile; on a particulièrement la sensation qu'on ressent un cœur battant. L’effet est encore plus puissant lorsqu’on prend le dispositif dans les mains. En outre, les battements ont eu une relation polyrythmique et parfois inharmonique qui était suggestive d’une arythmie. Ces oscillations ont été principalement créées avec Tassman, en employant des oscillateurs de basses fréquences pour faire taper des instruments infrasonores, des produits de la synthèse de modélisation physique dans le logiciel. Il y a aussi dans la pièce des bruits dans le domaine des hauteurs de soufflement dont le timbre est entre celui des respirations et celui des sifflements mécaniques. À 2 :10, un tel soufflement est très proéminent dans la texture. On a créé la plupart de ces sons en utilisant le logiciel Cosmos ƒ avec des effets granulaires. L’œuvre est aussi une expression poétique de la psychosomatique, ainsi que de l’interaction humaine avec des machines. Pour illustrer cela, les oscillations des événements divers et leurs irrégularités s’influencent et se décalent. Également, certains logiciels comme Tassman (employé en version démo), ont calé les sons dans des intervalles réguliers. Étant donné l’esprit de la pièce, on les a exploité en tant que contrainte créative pour contribuer à un motif des interruptions et pour provoquer des changements de différents matériels. Un exemple de cela est à partir de 3:07 où les battements cardiaques tactiles commencent. 3. L’emploi des modes résonants Au début et à la fin de l'œuvre, on a essayé de provoquer des modes de 93 résonance de la salle selon les dimensions calculées de la longueur, de la largeur et de la hauteur. Au début, on a superposé des ondes sinusoïdales de 7,789 Hz (selon la longueur) et de 8,97 Hz (selon la largeur) diffusés par le caisson de basse. En plus, on a ajouté un balayage ascendant entre 10-20 Hz pour entraîner une résonance de la hauteur selon la courbure la grande coupole. À partir du transducteur tactile, on a diffusé une onde sinusoïdale plus ou moins constante en fréquence à 9,838 Hz, selon la plus grande estimation de la hauteur (c’est-à-dire celle de la grande coupole). À la fin du morceau, à partir du caisson de basse, on a superposé trois ondes sinusoïdales à 7,789 Hz (selon la longueur), de 8,97 Hz (selon la plus grande largeur) et 9,838 Hz (selon la plus grande hauteur). Depuis le transducteur tactile on a diffusé un balayage descendant de 20-10 Hz, et ensuite de 10-2 Hz. La distinction principale entre le début et la fin est le balayage ascendant depuis le caisson de basse et ensuite le balayage descendant depuis le transducteur tactile. A chaque fois, on a fait le choix de diffuser le matériau destiné à activer des modes de résonance de la hauteur de la salle avec le transducteur tactile, le dispositif étant au sol, au centre de la salle, sous le centre de la plus grande coupole. Selon des astuces de Toole (2008) dans son livre Sound Reproduction, un placement du dispositif de diffusion contre le mur (ou dans ce cas, sur le sol) est optimal pour provoquer les modes résonants d’une salle carrée54. On a essayé de suivre l’esprit des ces conseils pour la forme de salle. Vers la fin, on a aussi essayé de nouveau de provoquer des résonances de la salle. À partir de 5:38, le matériau sonore s'arrête, et le transducteur tactile est le seul moyen de diffusion pendant quelques secondes. Le matériau sonore se relance et s'arrête avant de rejoindre encore l'élément tactile à 5:45. Pendant cette période, le transducteur tactile produit un balayage selon les dimensions de largeur plus étroites et plus larges, entre 10,05-8,97 Hz. Finalement, il était difficile de qualifier la réussite de ces résonances, particulièrement celles selon la hauteur. Cela est dû au fait qu’on a diffusé l’œuvre que trois fois dans l’espace et que pendant la répétition, avant le concert, on a dû baisser le volume du caisson de basse presque immédiatement. En effet, le jour du concert, on a découvert qu’il y avait une exposition de peinture imprévue. Les résonances selon la largeur et la longueur étaient si efficaces qu’elles ont fait vibrer les toiles suspendues. On avait peur que le son les abîmerait ou pire, les ferait tomber. Ainsi, 54 On n’abordera pas la phase dans ce texte. 94 malheureusement, on a dû réduire considérablement l’amplitude des éléments graves. 4. Une analyse de l’œuvre55 L’emploi d’un transducteur tactile en tant que moyen de diffusion était un aspect unique de cette composition par rapport aux autres œuvres de ce concert. On a conçu la piste vibrotactile comme piste musicalement indépendante des 8 autres pistes sonores. Dans à la piste vibrotactile, on trouve des points de synchronisation ainsi qu’un contrepoint qui maintient une relation réagissant au matériau sonore. PISTE 3 : 0 :38 Après l'oscillation correspondante à la hauteur de la salle au début, le premier élément tactile qu'on ressent est à 0:40, en synchronie avec un tambourinement. À 0:48, suivant un coup de cymbale, on trouve des pulsations tactiles crescendo à partir son décroissement. Chaque pulsation devient de plus en plus longue et rebondissante, et l'amplitude est amortie avant qu'un tambourinement acoustique produit par le transducteur tactile56 coupe la phrase musicale tactile. Ce matériau est perceptiblement indépendant du matériau sonore. Ainsi, à partir de 0:48, l'élément tactile s'établit comme sa propre piste musicale distincte. Puis jusqu'à 1:58 environ, le paysage musical est largement caractérisé par les tambourinements sur des cymbales ayant des longues décroissances et d'autres résonances. Des pulsations infrasonores tactiles, qui font des crescendos et décroissent jusqu'à elles disparaissent dans la musique étendue, ajoute d'une vectorisation du paysage dans l'esprit de Michel Chion. La juxtaposition de l'acoustique suspendue et des entrées sorties tactiles pulsantes et surprenantes crée un contrepoint intersensoriel et un sens d'anticipation. PISTE 4 : 2 :00 À 2:10, il y a un son soufflant qui semble déstabiliser les pulsations tactiles jusqu'à ce qu’elles se dématérialisent jusqu’à un ronronnement. Également, il y a un transfert de matériau d’une modalité à l’autre. À 2:31, suivant un retour des éléments sonores du début, des longs tambourinements résonants de grosse caisse, diffusés avec le transducteur vibrotactile commencent. Ils deviennent de plus en plus réguliers, un chaque seconde environ. À 2:52 les tambourinements transférés à la modalité acoustique et à la vibrotactile sont des pulsations douces et plus 55 Pour cette section, on décrit où, dans la piste 2 (la version complète et non-interrompue), on peut chercher des événements précis. En plus, on affiche les numéros d’autres pistes pour sauter aux sections reliées à certains paragraphes. 56 Il ne faut pas oublier que les transducteurs tactiles peuvent reproduire quelques hautes fréquences aussi. 95 rapides. PISTE 5 : 3 : 07 Depuis une diffusion à partir du transducteur tactile, on a aussi trouvé qu'on pouvait effectivement superposer des idées et des phrases tactiles. Par exemple, autour de 3:07 on a créé un motif de battements comme ceux d'un cœur. Ces battements sont une superposition des plusieurs cycles infrasonores ayant une relation inharmonique l'un à l'autre. Ainsi, les battements avaient la caractéristique d'une arythmie et d’une syncopation, comme on l’a expliqué plus tôt. Ensuite, on a pris un échantillon d'un coup de grosse caisse. On a traité l'échantillon avec un pitch-shift pour le mettre dans les fréquences très graves. À partir de 3:43, on a poivré les battements avec des attaques de grosse caisse. On a inversé certaines des copies de l'échantillon, et à travers les battements cardiaques on peut ressentir des rebondissements qui surgissent et grandissent en puissance jusqu'au sommet de l'attaque où ils se relâchent avec un coup sec de silence tactile. À 4:43, on a doublé l'échantillon inversé pour créer une crête de vague particulièrement puissante. Le vide après l'attaque est accompagné par une coupure de tous les éléments sonores et tactiles. Cela constitue un des événements les plus structurants dans la pièce. Avant qu’on aborde ce qui se passe pendant ce vide, on peut détailler le rapport entre l’élément tactile et l’élément sonore dans la section à partir de 3 :07. Ici, la partie sonore est caractérisée par des fluctuations faites par la synthèse waveshapping. Entre les deux modalités, il y a des moments de quasi synchronie sensorielle, mais les battements sont plus secs que des fluctuations langoureuses. Pourtant, on a toujours un sens de correspondance rythmique entre les deux éléments, un sens des concessions de part et d'autre, comme s'ils essaient de se calibrer l'un l'autre. Cependant, à 3:22, les fluctuations accélèrent vers 3 Hz environ, et dans la partie tactile les battements tactiles calent, comme s’ils ont été déroutés par ce changement soudain. Les battements recommencent lorsque les fluctuations accélérées sont suffisamment diminuées. PISTE 6 : 4 :40 On revient à 4:43 et au vide sensoriel qui suit. C’est à ce moment-là qu’on réduit la texture au seul transducteur tactile et au caisson de basse. Ce duo souligne les idées d’influence et de décalage psychosomatiques. D’abord, on étend un battement cardiaque irrégulier avec le caisson de basse et ensuite des battements tactiles commencent. La partie tactile est décalée de l’élément acoustique et elle fait trois types de polyrythme 96 avant de devenir un grondement oscillatoire plus rapide à 5:03. Ici, la partie acoustique du caisson de basse s’arrête temporairement. Le caisson de basse rejoint la texture avec des battements cardiaques. La partie tactile change avec des fortes pulsations à 3 Hz et avec un peu de polyrythme. Après un des battements du caisson, à partir de 5:17, les pulsations puissantes du transducteur sont réduites à 1 Hz alors que le dispositif double les battements cardiaques du caisson. À 5:22, le tambourinement acoustique d’une grosse caisse remplace une des pulsations puissantes tactiles et les deux pistes s’arrêtent jusqu’au silence. PISTE 7 : 5 :24 À 5:25 les matériaux sonores et tactiles reprennent. Jusqu’à la fin, il y a un jeu avec la perception de synchronie entre les parties tactiles et acoustiques. Le matériau tactile consiste à des oscillations infrasonores crées en Tassman avec des superpositions des coups de grosse caisse. Les sensations résultantes ressemblent à des grondements et aux crépitements d'un moteur. On a conçu le matériau sonore aussi avec la synthèse waveshapping pour ressembler aux bruits d'une machine à laver. Ainsi, les éléments musicaux et tactiles paraissent provenir du même phénomène intersensoriel, comme s'ils forment ensemble une grande machine. Le matériau sonore s’arrête parfois pendant que les éléments tactiles continuent. Le divorce des deux modalités pendant ces instants semble un peu jurer après qu’on a établi cet ensemble intersensoriel : l'élément tactile doit s'arrêter aussi. L'élément tactile change à partir de 5:38 en un balayage sinusoïdal qui doit provoquer des résonances selon la largeur de la salle. Les oscillations entre 10,05-8,97 Hz ont toujours le même esprit de machine et de moteur, avec des coups de grosse caisse pour fournir une sensation de crépitements. Ce même balayage continue presque jusqu'à la fin, en s'arrêtant brusquement (avec l'aide d'un coup de tambour inversé et tactilisé) à 6:22. À partir de 5:45, le matériau sonore rejoint le matériau tactile pour former l'impression d'une machine, mais entre 5:51-5:58, il devient clair que l'enveloppe d'amplitude du transducteur tactile ne suit pas les crescendos et décroissances du matériau sonore mécanique. La synchronie intersensorielle temporaire se révèle encore comme une illusion. PISTE 8 : 6 :20 À 6:22 il y a un silence bref et ensuite une activation des modes de résonance de la salle. Juste en suivant cette activation, le matériau sonore (aux fréquences de la hauteur de la salle) fait une rentrée rythmique (par rapport au matériau tactile) et les deux éléments décroissent ensemble. Pendant cet amortissement, les sons oscillatoires 97 dans le matériau sonore (qui est granulé) commencent à s'aligner aux oscillations tactiles pour encore créer une illusion de synchronie jusqu’à la fin. 5. La spatialisation On a également joué avec des cycles infrasonores de spatialisation étant donné la configuration circulaire octophonique57 des enceintes. En restant sur l'idée d'une machine à laver, on a essayé de produire des sons mécaniques avec leur propre motif de spatialisation unique, comme des changements de cycle. Vers 2:00, le premier son mécanique reconnaissable apparaît. Il suit une trajectoire cyclique d'une périodicité <1 Hz, sur une piste en mono. Sa trajectoire est dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Le deuxième son mécanique, une sorte de soufflement, entre à 2:10 environ. En accord avec son rythme irrégulier, il ne garde pas une trajectoire cyclique régulière non plus. Il fait des changements imprévisibles avec des allers-retours aux vitesses diverses: entre 0,25-1 Hz environ. À 2:32, un son mécanique plus subtil, produit d'une synthèse waveshapping, remplace le premier son mécanique, mais il reprend la même trajectoire que le précédent aux cycles >1 Hz et qui ralentissent à 1 Hz éventuellement. À 3:08, un nouveau son arrive, avec un glissando ascendant et descendant à 1 Hz. Il suit une trajectoire plus lente à 0,5 Hz environ dans le sens des aiguilles d'une montre. Chaque demi-tour de la configuration octophonique essaie de correspondre plus ou moins avec les cycles de la fréquence porteuse du waveshapping. Également, l'arrivée de ce son à 3:08 est juste après les premiers battements cardiaques au dispositif tactile à 3:07. À 3:44, des nouvelles fluctuations mécaniques arrivent, caractérisées par des fluctuations à 1 Hz et des cycles spatiaux à 1 Hz. Éventuellement ces fluctuations s'accélèrent, mais les cycles spatiaux restent constants, en créant un décalage entre les deux paramètres. À 4:12, un son mécanique tournant surgit de la texture. Sur une piste en stéréo, les canaux se suivent parfois, et à un moment ils sont déphasés de 180° entre eux. Ils pivotent à une plus lente vitesse, de 0,12 à 0,25 Hz environ, parfois un canal va plus vite que l'autre. Après la partie duo du transducteur tactile et du caisson de basse, un son mécanique reprend à 5:26, en stéréo. Les deux canaux suivent des sens différents, un dans le sens des aiguilles d'une montre et l'autre contraire. Les deux canaux sont approximativement 57 Car toutes les spatialisations ont été faites à la main (pour garder un esprit de l'humain dans la machine), les cycles spatiaux en Hz sont des approximations. 98 à la même vitesse de 1/6 Hz (0,17 Hz). Le son mécanique à 6:08 suit une trajectoire dans le sens des aiguilles d'une montre à 1/8 Hz environ. Le dernier son mécanique après le silence va dans le sens contraire des aiguilles d'une montre à une vitesse encore plus lente à 1/24 Hz environ. 6. En résumé En partie, cette œuvre représente une exploration du transducteur tactile en tant qu’une moyenne alternative et viable pour diffuser des infrasons. Elle étudie l’espace composable d’infrasons vibrotactiles ainsi que le contrepoint intersensoriel entre les modalités sonore et tactile. Pour le public, on a surtout cherché à créer une expérience dynamique et optimisée pour le lieu de concert : par les vibrations à travers le sol, l’exploitation de la configuration octophonique et les modes de résonance de la salle. Par l’exécution de cette composition, on a cherché à prouver le potentiel artistique des infrasons, qui constitue l’objectif principal de ce travail. B. Perspectives futurs 1. Le vêtement intersensoriel Pour l'année à venir, on a prévu une collaboration avec un couturier indépendant américain à Paris, Edward Tung. Essentiellement, on veut créer des vestes (ou des combinaisons-pantalons) qui diffusent une composition qui est à la fois musicale, vibrotactile et visuelle. Le contexte artistique sera entre celui d'une installation d'art et celui d'une boîte de nuit. Surtout, il sera participatif; ce sont des membres du public qui vont porter le dispositif. Également, on veut que la veste soit confortable et flexible pour inviter un rapport cinétique au matériau compositionnel. On veut que la veste donne envie de bouger, voire danser. La veste aura un moyen de diffuser de la musique (qui sera électroacoustique) par des casques d'écoute et un moyen de diffuser une piste vibrotactile par des transducteurs tactiles qui feront partie du vêtement. Le porteur de la veste serait occupé visuellement par d'autres vestes portées d'autres individus. Concernant l'aspect visuel, on joue avec l'idée de composer une piste visuelle pour des petites lumières électriques clignotantes qui seraient brodées à la veste. On n'a pas encore décidé si le matériel visuel serait en synchronie ou en contrepoint aux pistes musicales et vibrotactile. On a également pensé de peut-être créer deux versions de la 99 veste. Chaque type de veste aurait sa propre composition musicale et vibrotactile et un motif visuel qui renforce les événements musicaux ou vibrotactiles. Dans l'éventualité d'une installation avec deux participants, le matériel visuel pour chacun serait forcement en contrepoint rythmique des matériaux musical et vibrotactile perçus; selon leur perception, les participants vont principalement s’observer l'un l'autre et ne regarderont pas autant leurs propres vestes. Dans une installation à plusieurs participants, la moitié du matériel correspondra à celui de l'observant, et donc les lumières seront en synchronie, et l'autre moitié sera en contrepoint. Autrement, si on n'arrive pas à gérer un motif avec des lumières électriques, on va broder des motifs complexes en tissu, voire des illusions optiques, qui varient selon le mouvement du porteur de la veste. En tous les cas, l'aspect visuel à moins sera modulé temporellement par des vibrations des transducteurs tactiles. On va placer un ou deux transducteurs proches de la tête pour perturber l'acuité du champ visuel aux moments donnés. L'inspiration de ce projet est en trois parties. Le système Skinscape d'Eric Gunther dont on a discuté au deuxième chapitre et particulièrement la deuxième version de ce système a apporté le plus d'influence. Pour la première version, il a créé un système vibrotactile avec douze transducteurs tactiles V1220 sur les manches, dédiés à la diffusion des hautes fréquences, et un coussin Aura Interactor (Aura Interactor Cushion) placé contre le support d'une chaise, dédié aux basses fréquences. Pour la deuxième version, Gunther a créé une combinaison-pantalon en utilisant 12 transducteurs tactiles qui sont des prédécesseurs au transducteur V1220 et qui ont un moyen pour diminuer sa fréquence résonante. Il a également employé un gilet Aura Interactor (Aura Interactor Vest) disposé au bas du dos (Gunther et Modhrain, 2002), un produit conçu à l'origine pour un emploi avec des jeux vidéos58. 58 http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html 100 FIGURE 29: Le placement des transducteurs le long du corps pour la deuxième version du système Skinscape. Les petits points représentent les transducteurs tactiles dédiés à la diffusion des hautes fréquences et le grand point représente le gilet Aura Interactor, dédié à la diffusion des basses fréquences (Gunther et Modhrain, 2002). FIGURE 30: La combinaison-pantalon vibrotactile de la deuxième version du système Skinscape (Gunther et Modhrain, 2002). Ainsi, dans l'esprit de Gunther, notre veste sera construite à partir d'un gilet Aura Interactor, placé dans le dos. On peut étudier la possibilité de mettre un autre gilet contre la poitrine ou de mettre d'autres transducteurs tactiles autour du thorax afin de provoquer un effet tactilo-cinétique de mouvement rotatif, à la manière de Bice (dont on a discuté dans le deuxième chapitre). En suivant le modèle de Gunther, on pourrait ajouter d'autres petits transducteurs sur les manches, ou sur des pantalons, pour créer une combinaison-pantalon. On voudrait surtout attacher un transducteur tactile près de 101 la tête voire sur la tête pour transmettre des vibrations qui influenceront le champ visuel. Pour cette tache, on peut aussi employer une sorte de chapeau ou des casques d'écoute ayant un transducteur tactile comme celles-ci: FIGURE 31: Panasonic Brain Shaker Extreme, casques d'écoute avec un transducteur tactile (http://prodcat.panasonic.com). Deuxièmement, en s’inspirant de l'idée du disco silencieux (silent disco), un phénomène culturel propagé par des compagnies qui fournissent des casques d'écoute sans fils aux boîtes de nuit ou à d'autres organisateurs d'événements, d’une part pour éviter la pollution sonore mais aussi pour une expérience artistique unique59. Parfois ces boîtes invitent deux DJs et les clients peuvent choisir entre deux chaînes, une dédiée à chaque DJ, pour choisir qui ils veulent écouter. Lors de ces événements, selon leurs choix, une petite lumière colorée sur les casques d'écoute indique qui ils écoutent (e.g. rouge pour un DJ et bleu pour l'autre)60. Un journaliste de Curiosity a commenté sa propre expérience, en exprimant un sens de connexion indescriptible entre les individus ayant des casques d'écoute d’une même couleur. Avec notre proposition des lumières électriques en deux versions, une qui renforce les rythmes et l'autre qui enrichit le rythme en contrepoint, on veut adapter l'idée du disco silencieux avec deux chaînes, en étendant ce sens de communauté à tous les individus qui entourent et observent les porteurs de combinaison. Ainsi, au lieu de deux couleurs, on crée deux types des rapports, les deux artistiquement viables à l'autre. Enfin, on pourrait aussi s’inspirer du jean REDWIRE™ DLX de la compagnie américain Levi's®, conçu pour l'utilisation avec le lecteur mp3 iPod d'Apple Inc. Le jean a des écouteurs rétractables, une station d'accueil, une poche briquet amovible pour contenir l'iPod, ainsi qu'une télécommande pour le contrôler à partir du vêtement 59 Silent Disco by 433fm (2002-2012). Sevices & Products. Extrait le 19 août 2012 de http://silentdisco.com/v2/services-products/. 60 Silent Frisco. (2011). Press : Curiosity: «96 Hours at SXSW». Extrait le 19 août 2012 de http://www.silentfrisco.com/media/press/. 102 même61. Ce produit pousse l'idée du vêtement portable en tant que dispositif musical. FIGURE 32: Le jean REDWIRE™ DLX de Levi's® 61 Concernant la composition en général, on aimerait explorer le mouvement rotatif et cyclique, en employant des lentes oscillations infrasonores avec une spatialisation sonore en stéréo qui imite une spatialisation rotative octophonique. Selon le placement des transducteurs tactiles, on aimerait aussi organiser une spatialisation cyclique vibrotactile, avec des oscillations tactiles en décalage non-harmonique aux oscillations sonores (e.g. un cycle spatial sonore à 1 Hz et un cycle spatial vibrotactile à 1,7 Hz). L'autre grand thème est évidemment l'intersensorialité. On veut que les rythmes visuels et vibrotactiles influencent et enrichissent le rythme musical. On veut créer des rapports causals en exploitant l'effet ventriloque avec des illusions spatiales, détaillées au deuxième chapitre; on voudrait synchroniser plusieurs fréquences infrasonores vibrotactiles diffusées dans le dos avec des fréquences infrasonores dans les casques d'écoute pour donner l'impression que les sensations tactiles semblent résonner depuis l'intérieur du corps. Également, comme on l'a expliqué plus tôt, on voudrait perturber le champ visuel rythmiquement par les vibrations. On pourrait synchroniser parfois ces perturbations avec des événements sonores pour un effet ventriloque encore plus intersensoriel. L'emploi de ces trois sens, avec une invitation aux mouvements de la part des participants, donnerait du potentiel pour une expérience intersensorielle très riche et stimulante. On espère que ce projet pourra lancer de la motivation chez d'autres compositeurs pour créer pour un tel dispositif dans un tel contexte d’installation/danse. 61 Tiwari, A.S. (2006-2010) Wear your music with Levi's Jeans. Aha Cafe LLC. Extrait le 19 août 2012 de http://inventorspot.com/articles/carry_your_music_levis_21322. 103 C. La galerie des ondes On a prévu un autre événement de collaboration à Paris pour l'année à venir avec Bob Lamp, un artiste américain et enseignant d'art au Monterey Peninsula College en Californie. On voudrait réaliser une installation intersensorielle qui serait à la fois une installation sonore et une galerie d'art. Lamp voudrait créer une série des pièces visuelles, pour la plupart en dessin et en sculpture, à exposer dans une salle, en présentant les œuvres comme dans une galerie d'art. On voudrait ensuite créer une composition musicale qui s’approcherait d’une sculpture sonore; l'œuvre musicale serait acoustiquement taillée à la salle choisie pour l'exposition, en provoquant les modes de résonance de la salle. Dans cet esprit, l'aspect musical ressemblera au projet «Infrasound» de RHY Yau et Scott Arford, dont on a discuté plus tôt. Les pièces visuelles seront affichées aux murs, arrangées ou suspendues dans la salle selon les nœuds et les ventres de pression des ondes. Le placement des objets visuels pourrait être organisé afin d'influencer le rebondissement des ondes sonores. En outre, certains objets pourraient transformer les ondes sonores en vibrations mécaniques, et ainsi, la vibration résultante produira une sonorité particulière. Idéalement, concernant la composition musicale, on compte employer deux caissons de basse afin d'exploiter des effets spatiaux, détaillés au deuxième chapitre, notamment des polyrythmes complexes dus à une combinaison de battements monauraux, des décalages de phase, et cetera. Après une prise des dimensions du lieu, on cherchera à provoquer les modes de résonance de la salle, aux fréquences fondamentales. Ainsi, il faut des caissons de basse capables de reproduire des ondes sinusoïdales jusqu'à la basse fréquence requise. Les pièces de Lamp seront réalisées probablement avec ses deux moyens préférés: les dessins en stylo Sharpie® et de sculptures en cuivre. Toujours en accord avec l'esprit de ce projet, le style de ses dessins en Sharpie® emploie parfois les motifs de propagation ondulante. Les nouvelles qu'il créera seront une réflexion de cela, et ainsi, elles serviront en tant que représentations visuelles des éléments sonores. Les sculptures vont être conçues pour créer leurs propres résonances et pour dévier les ondes diffusées. On a aussi discuté ensemble de la possibilité d’employer des prismes avec miroirs et des lasers faibles; on dirigerait les trajets des lasers à travers des prismes, en essayant d'isoler les trajets diffractés vers le plafond. On organiserait des lasers, des miroirs et des prismes pour recevoir la force des ondes sonores pour vibrer en réponse, en produisant des variations visuelles sur le plafond. 104 En bref, l'aspect visuel va constamment chercher à établir des rapports intersensoriels avec le matériau sonore. On espère que le positionnement des objets d'art selon les nœuds et ventre de pression encouragera un mouvement du spectateur à travers l'espace et ainsi, invitera une perception variée des objets selon des perspectives différentes. Surtout, on cherchera à travers cette collaboration un échange sonore et visuel qui serait riche et dynamique, et qui provoquerait pour le spectateur une réflexion de l'espace de la salle et du point de vue (voire du point d’écoute!). 105 Conclusion En résumé, après avoir étudié les compositions et les installations travaillant l’infrason au quatrième chapitre, on peut mieux apprécier le potentiel compositionnel de ces lentes oscillations à travers un nombre d’emplois divers. Sur le plan artistique, ces projets soulignent les techniques précisées aux trois premiers chapitres. Au premier chapitre, en étudiant les particularités des infrasons, on a montré que ces derniers valent plus qu’un simple effet compositionnel. Au contraire, ce sont des outils ayant une multitude d’applications musicales. Ils sont porteurs des longues ondes correspondant aux résonances des larges espaces et des structures corporelles. À travers le projet « Infrasound », les artistes Yau et Arford ont démontré la variabilité musicale de ces impacts architecturaux selon l’espace employé. De la même manière, il y a une variabilité des résonances corporelles. La posture et le point d’entrée chez le spectateur sont parmi les paramètres qui influencent la fréquence à laquelle il y a un impact et à partir de quelle structure corporelle on la ressent. Pour les perspectives futures de ce travail, on propose des idées pour créer des contextes interactifs et participatifs dans lesquels le spectateur peut explorer (à travers le mouvement libre) les résonances de son propre corps ou de l’architecture, par des vibrations infrasonores ou par des infrasons aériens. Les infrasons sont aussi porteurs des périodicités qui rappellent nos rythmes physiologiques ; ce sont des oscillations infrasonores proches et connues par chaque être humain. Ainsi, les infrasons possèdent une connexion à la vie dont le pouvoir compositionnel peut-être exploité. « Bestiole » a illustré la puissance de ces associations. Les battements monauraux ont modulé notre perception de la résonance de la poitrine, et en étant plus rapides que le taux de respiration au repos, chez certains spectateurs ils ont produit une réponse psychosomatique très prononcée. Les infrasons sont des objets cross-modaux ; leurs effets intersensoriels chez le spectateur ouvrent de nombreuses voies d’exploration et d’exploitation. Avec « Larry » on a vu qu’on peut profiter des illusions intersensorielles telles que l’effet ventriloque, étant donné une diffusion multimodale : le compositeur peut imiter les caractéristiques intersensorielles naturelles des infrasons et ensuite aller à l’encontre des accords 106 perceptuels pour jouer avec l’attente du spectateur. En outre, comme la technologie actuelle ne propose pas beaucoup de moyens pour diffuser les infrasons aux amplitudes qu’ils nécessitent pour être facilement détectés, on peut exploiter cette limitation en tant que contrainte créative. On peut les renforcer par d’autres modes pour aider à leur perception, voire les traduire à la modalité vibrotacile. Cela ouvre des possibilités pour les relations complexes en contrepoint intersensoriel. Surtout, les idées présentes dans le premier chapitre invitent le spectateur à prendre conscience de son espace, de son propre corps et de sa construction perceptuelle de ses sens. On voit comment les traits caractéristiques des infrasons fournissent un vaisseau musical idéal pour une telle exploration. Au deuxième chapitre, on a présenté les paramètres musicaux des infrasons sur le plan sonore et sur le plan vibrotactile. On fournit des conseils pour générer le continu principal d’une œuvre musicale avec des infrasons ou en interaction avec des fréquences du domaine des hauteurs. Acoustiquement, les deux patchs Max/MSP illustrent les paramètres musicaux infrasonores tels que des polyrythmes complexes, des variations d’intensité (selon le dispositif de diffusion), des timbres distincts et de la spatialisation qui permettent un jeu sophistiqué des battements et de phase. En outre, en ajoutant leurs partiels du domaine des hauteurs, les harmoniques et spécialement les inharmoniques, on peut créer des timbres plus variés et des influences polyrythmiques encore plus riches et musicalement captivantes. Les infrasons à travers la modalité vibrotactile possèdent leurs propres paramètres musicaux. Le rythme et la spatialisation sont, en général, parmi les paramètres musicaux les plus saillants dans la musique vibrotactile selon Gunther (2001). Avec l’emploi de multiples transducteurs tactiles, la composition vibrotactile ouvre les possibilités pour une spatialisation à travers la surface du corps. En plus, les trajets de spatialisation selon la posture, la pesanteur et le placement des transducteurs sur le corps offrent la possibilité de créer des illusions physiques perceptuelles uniques. Les infrasons avec leur potentiel rythmique, et plus particulièrement les infrasons entre 6,67-13,33 Hz qui sont à des taux idéaux pour donner les illusions de mouvement, sont bien adaptés pour une traduction sensorielle à la modalité vibrotactile. Notre perspective future du « Vêtement Intersensoriel » a l’intention d’exploiter ces deux paramètres et explorer ses effets cinétiques dans un 107 contexte qui encouragera une danse en interaction avec le dispositif. Au troisième chapitre, on a traité la création et la diffusion électroacoustiques des infrasons. En analysant différents modes de synthèse sonore, la première partie a discuté de plusieurs approches pour une création spécifique à l’infrasonore. Les deux patchs en Max/MSP démontrent les possibilités compositionnelles de la synthèse AM et des synthèses AM et FM simple ensemble, respectivement. Surtout, cette section explique qu’il y a des nombreuses façons de créer des infrasons musicalement viables. À travers la deuxième section, on a abordé le problème de diffusion infrasonore étant donné la conception répandue des caissons de basse. Mais on a proposé des solutions techniques qui contournent les limitations des dispositifs existants. En outre, quelques produits ont été déjà fabriqués, et avec l’introduction du 1100 LFC de Meyer Sound, on espère que la vente en commerce de ces enceintes permettra le développement de ce type de dispositif adapté aux infrasons. Au-delà de la question des caissons de basse, il y a des solutions intersensorielles. « Larry » est un exemple ; on a employé un transducteur tactile pour une traduction sensorielle d’une des pistes musicales, qui a diffusé des infrasons jusqu’à 7 Hz avec succès. Cependant, on attend plus des projets qui explorent la sensibilisation aux infrasons par des renforcements perceptuels intersensoriels. Enfin, cette étude a montré le travail de quelques artistes innovants qui ont commencé à intégrer et construire leurs œuvres musicales avec des infrasons. Nous même avons crée le point de départ vers une exploration compositionnelle infrasonore, particulièrement avec la composition de « Larry ». Puisque la technologie évolue et rend les fréquences infrasonores plus perceptibles pour le public, de plus en plus de compositeurs vont élargir l’espace composable des infrasons. Dans cette étude, on a proposé quelques moyens de diffusion et d’amplification viables existants pour composer avec des infrasons. Ainsi, on peut en profiter maintenant pour lancer des projets. Dans ce travail modeste, on n’a pu fournir que des premiers pas vers une recherche artistique plus profonde. On espère que le dernier chapitre a prouvé que déjà, la composition infrasonore peut aboutir à des fruits artistiques tentants aux autres compositeurs. Ainsi, on espère que ces projets inspireront la suite de cette exploration infrasonore. 108 ANNEXE 109 A. La classification des récepteurs sensoriels D’après Tortora et Grabowski (2004), on codifie les récepteurs sensoriels selon leur emplacement dans le corps, selon le type de stimulus auquel ils répondent et selon leur degré de complexité. La première catégorie consiste à des extérocepteurs, des intérocepteurs et des propriocepteurs : • Les extérocepteurs se trouvent sur ou près de la surface du corps (e.g. la peau) et nous informent de l’environnement externe. Ces récepteurs sont dédiés à la perception de l’ouïe, de la vision, de l’odorat, du toucher, de la pression, de la température et de la douleur. • Les intérocepteurs se trouvent dans les vaisseaux et dans les viscères et nous informent de l’environnement interne. Ils sont implicites dans la perception des sensations dérivant du corps telles que la douleur, la fatigue, la faim, la soif et la nausée. Les propriocepteurs se trouvent dans les muscles, les tendons, les articulations et l’oreille interne. Ils nous informent de l’orientation du corps dans l’espace et du mouvement. Ainsi, ces récepteurs perçoivent de la tension musculaire, la tension et la position des articulations et l’équilibre. La deuxième catégorie inclue les mécanorécepteurs, qui perçoivent la pression et de l’étirement. Les mécanorécepteurs perçoivent le toucher, la pression, la proprioception, l’ouïe, la balance et la tension artérielle. Aussi dans cette catégorie sont des thermorécepteurs, implicites dans la perception de température; des nocicepteurs, implicites dans la perception de la douleur comme produit des lésions physiques ou chimiques aux tissus ; les photorécepteurs, implicites dans la perception de la lumière à l’œil, et les chémorécepteurs, implicites dans le goût et l’odorat ainsi que la détection des produits chimiques dans les fluides corporels (e.g. l’eau, l’oxygène). Concernant la troisième distinction des récepteurs sensoriels, les récepteurs sont divisés en deux catégories : les récepteurs simples et les récepteurs complexes. Les récepteurs simples contribuent à la perception des sens généraux qui incluent les sens somatiques tels que la proprioception et le toucher (e.g. la pression et la vibration) et les sens viscéraux. Par contre, les récepteurs complexes contribuent à la perception des sens spéciaux tels que l’odorat, le goût, la vision, l’ouïe et la balance. 110 B. Les mécanorécepteurs de la peau On présente deux figures des sections transversales de la peau pour montrer où se trouvent des mécanorécepteurs divers. La première figure est de la peau glabre et la deuxième de la peau velue. FIGURE : Une coupe transversale de la peau glabre. La région 1 est l’épiderme et la région 2 est le derme. Légende : A. un thermorécepteur, B. un nocicepteur, C. un conduit de sueur, D. une cellule de Merkel, E. une corpuscule de Meissner, F. le plexus sous-papillaire, G. une corpuscule de Ruffini, H. une corpuscule de Panici, I. le plexus dermique, J. le plexus sous-cutané (Griffin, 1990). 111 FIGURE : Une coupe transversale de la peau velue (Tortora et Grabowski, 2004). 112 C. Spécifications techniques du Meyer Sound 700-HP : 113 D. Spécifications techniques du Meyer Sound 1100 LFC : 114 REMERCIEMENTS D'abord, je voudrais remercier ma directrice Anne Sedes d’avoir accepté de diriger mon mémoire et de m'avoir guidé ces deux dernières années. Elle m'a donné de nombreuses opportunités d'utiliser les studios de la Maison de Sciences de l'Homme Paris Nord et de Paris 8 pour ce projet. Elle a aussi organisé des tests à l'Amphi X de Paris 8. Elle était généreuse de m’avoir laissé plus de temps pour la finition de ce document et d'avoir consacré du temps à sa correction. Je la remercie aussi pour nos nombreuses discussions qui m’ont poussé à être une meilleure chercheuse et une meilleure compositrice. Également, je voudrais particulièrement remercier Nicolas Fdida. Il a consacré de nombreuses heures voire des jours de son temps pour corriger mon travail. En tant que Docteur en Physique, il m'a aidé considérablement concernant les aspects physiques: pour les explications et pour la terminologie. En outre, il m'a aidé à prendre les dimensions de la Chapelle des Carmélites à Saint-Denis pour la composition de «Larry». Il m'a enseigné comment mieux travailler en Word pour faciliter la rédaction. Surtout, il m’a beaucoup encouragé dans ma recherche, sa patience et sa compagnie m’ont aidé à rester saine d'esprit pendant les longues heures de rédaction. Je remercie ma famille (mon père Todd, ma mère Helene, ma sœur Brittany) et mes amis (notamment Hannah Berthelot) pour leur soutien, leur encouragement, leur amitié et leur amour. Je voudrais remercier aussi les familles pour qui je travaille: les D'Ailhaud de Brisis, les Naouri et les Foltzer. Elles ont été très patientes et très compréhensives pendant la rédaction de ce travail. En plus, elles m’ont gracieusement laissé le temps pour le finir. Je remercie l'ingénieur du son Cédric Namian qui a dédié son temps pour superviser les tests à l’Amphi X à Paris 8. Je remercie Roger Schwenke, chef scientifique à Meyer Sound, pour ses emails et nos échanges téléphoniques très fructueux sur l’ingénierie des haut-parleurs. Je remercie mes professeurs et mes camarades de classe de Paris 8, particulièrement Yi-chun Ko pour les d’échanges d’emails sur les infrasons. Je remercie Eric Gunther qui m'a recommandé d'acheter un Aura Bass Shaker pour ma recherche. Je remercie le compositeur Scott Cazan qui m’a introduit aux papiers de Vic Tandy et donc, aux infrasons. Enfin, je remercie toutes les autres personnes qui m’ont aidé mais qui sont omises ici. 115 CONTINU DU DISQUE JOINT Pistes Audio : - 1 : La modulation vocale provoquée par la résonance de la poitrine - 2 : « Larry », enregistrement « live », l’œuvre entière - 3 : « Larry », 0 :38 - 4 : « Larry », 2 :00 - 5 : « Larry », 3 :07 - 6 : « Larry », 4 :40 - 7 : « Larry », 5 :24 - 8 : « Larry », 6 :20 Patchs Max/MSP : - 1 : « formes d’ondes double lab 1 » - 2 : « simple FM double lab 2 » Version PDF de ce document « Le Potentiel de la Musique Infrasonore » 116 BIBLIOGRAPHIE Altmann, J. (1999). Acoustic Weapons: A Prospective Assessment: Sources, Propagation, and Effects of Strong Sound. Dortmund, Germany: Universität Dortmund. Source: http://peaceprogram.einaudi.cornell.edu/publications/occasional_papers/occasionalpaper22.pdf Barlin, M. et Matthews, S. (écrivains), et Rees, P. (créateur). (16 février 2005). Mythbusters. Saison 3, Émission 25 :Brown Note. 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