M2 Le potentiel d`infrason final 3ed

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M2 Le potentiel d`infrason final 3ed
LE
POTENTIEL
DE LA
MUSIQUE
INFRASONORE
AVEC QUELQUES APPLICATIONS INTERSENSORIELLES
Alexis Story Crawshaw
Sous la direction d’Anne Sedes
Université de Paris VIII
Master ARTS, Mention Musique
Deuxième année
Parcours Théorie et Recherche
Septembre 2012
ii
TABLE DE MATIÈRES
Introduction -1
CHAPITRE I. L'intérêt des infrasons et leurs particularités - 4
Partie 1. Les impacts de vibration et de résonance des infrasons dans un local ou
chez le spectateur - 5
A. Les impacts sur les structures - 5
1. Les modes propres (« eigen mode ») de résonance d’une salle -5
2. Les salles qui sont des résonateurs d’Helmholtz -7
B. Les impacts sur le corps humain- 10
1. La vibration du corps à partir d’une diffusion vibrotactile- 11
Les deux résonances principales du corps entier à une vibration
verticale en position assise -12
2. La vibration du corps à partir d’une diffusion sonore -15
3. Les impacts sur les yeux et à l’acuité visuelle -18
4. En résumé - 19
Partie 2 : Oscillations rythmiques et leur rapport au corps humain et aux effets
psychosomatiques -20
Partie 3 : Le rapport aux autres sens - 22
A. La distinction entre la multi-modalité, la cross-modalité et
l’intersensorialité aux infrasons -22
B. Les approches pour un art intersensoriel des infrasons - 23
1. Concernant une exploitation des effets cross-modaux -23
2. Le traitement des données concernant une diffusion multi-modale ou
cross-modale -24
3. Les rapports intersensoriels plus complexes à partir d’une
superposition des modalités - 25
C. En résumé -26
iii
CHAPITRE II. Les paramètres musicaux d’infrasons et leur potentiel
en composition -27
Partie 1 : Les paramètres musicaux des infrasons -28
A. Le rythme et le polyrythme : la « hauteur » et l’« harmonie » des infrasons
-28
B. L’intensité -28
C. Le timbre - 31
1. L’enjeu du filtre -32
2. L’enjeu du dispositif pour le timbre -33
3. Le bruit blanc traité -35
D. La durée et les enveloppes d’amplitude -35
E. La spatialisation – 37
1. Les tests avec le premier patch -38
2. Les tests avec le deuxième patch (de la synthèse FM simple) – 40
3. Le panning – 41
4. La spatialisation (en conclusion) - 42
Partie 2. Caractéristiques particulières de la diffusion vibrotactile - 43
A. La fréquence - 44
1. La perception de la fréquence - 44
L’« adaptation » - 45
2. La discrimination entre les fréquences -46
B. L’intensité- 47
1. La perception de l'intensité -47
2. La discrimination entre les intensités -47
C. La durée et les enveloppes d’amplitude des mécanorécepteurs - 51
Le « taux d’adaptation » et l’« adaptation » à la durée -51
D. Le contenu spectral : le timbre de la vibrotactilité - 53
E. La spatialisation -53
1. Les illusions particulières de l’emploi de multiples transducteurs tactiles 54
2. La posture et la spatialisation -55
iv
3. D’autres illusions spatiales -56
F. La composition tactile en résumé – 56
CHAPITRE III. La production des infrasons électroacoustiques et numériques 58
Partie 1 : La création des infrasons avec l'ordinateur
Une revue des outils, des logiciels et des techniques employées -59
A. Synthèse d'échantillonnage -59
L'échantillonnage des infrasons «concrets» -59
1. Avec un microphone adapté à l'enregistrement infrasonore -59
2. Les infrasons créés depuis les échantillons pris par des
microphones «typiques» -61
3. L'échantillonnage des infrasons digitaux -61
B. La synthèse additive -62
C. La synthèse soustractive -62
D. La synthèse granulaire – 63
E. La synthèse FM (modulation de fréquence) simple -63
F. La synthèse par modélisation physique -64
G. La synthèse des sons graphiques -65
H. En conclusion – 66
Partie 2 : Les moyens d’amplification et de diffusion et leurs limitations -67
A. Le caisson de basse ou « subwoofer » - 67
1. Le baffle et comment traiter les ondes hors-phases -67
2. La membrane -68
3. L’enjeu du ressort du haut-parleur -70
4. Des solutions de diffusion -71
a. Des subwoofers rares ou prototypes -71
b. L’enceinte bass-reflex -73
c. D’autres solutions de diffusion - 74
B. Les casques d’écoute -76
v
C. L’emploi d’autres modalités- 77
1. L’emploi de système de substitution sensoriel -77
Les transducteurs tactiles -77
2. L’emploi d’un renforcement intersensoriel -80
a. Techniques de « mapping » : la synesthésie algorithmique -81
b. Le renforcement intersensoriel par l’art cymatique -81
c. Le renforcement intersensoriel par la vibrotactilité - 82
CHAPITRE IV : Des projets travaillant l’infrason -83
Partie 1 : Quelques projets d’autres artistes travaillant l’infrason -84
A. « Inferno » de Yann Robin -84
B. « Bestiole», une création de danse, de musique et de lumière ; la partie
de composition musicale de Kasper T. Toeplitz -86
C. « Infrasound » de RHY Yau et Scott Arford – 88
Partie 2 : Des projets personnels travaillant l’infrason
A. « Larry » -90
1. L’architecture - 90
2. Les thèmes -93
3. L’emploi des modes résonants -93
4. Une analyse de l’œuvre - 95
5. La spatialisation -98
6. En résumé -99
B. Perspectives futurs -99
1. Le vêtement intersensoriel -99
2. La galerie des ondes -104
Conclusion -106
L’ANNEXE -109
A. La classification des récepteurs sensoriels – 110
B. Les mécanorécepteurs à la peau -111
vi
C. Spécifications techniques du Meyer Sound 700-HP -113
D. Spécifications techniques du Meyer Sound 1100 LFC -114
Remerciements -115
Continu du disque joint -116
Bibliographie -117
vii
Introduction
Les infrasons offrent une richesse de possibilités au compositeur contemporain.
Ce mémoire aborde spécifiquement la création infrasonore électroacoustique; il propose
une sélection d'emplois potentiels ainsi qu'une explication des enjeux technologiques
pour sa réalisation. On abordera en détail son potentiel pour une relation entre le lieu du
concert, le corps du spectateur et le jeu avec ses sens.
Ce travail est destiné à
encourager d'autres compositeurs à employer les infrasons dans leur travail, les
infrasons étant une source d'inspiration diverse.
Dans ce mémoire, on montre qu’il est possible de développer un langage
musical infrasonore qui apporte de l'intérêt à la création musicale contemporaine. De
plus, il est possible de développer un langage poétique des associations
psychosomatiques infrasonores. On peut réaliser cela par des vibrations et des
oscillations corporelles que les infrasons peuvent impacter ou imiter respectivement.
Pour cela on peut se sensibiliser aux infrasons par des techniques de composition dans
un contexte employant le domaine des hauteurs1, par des moyens d’amplification sonore
(par les résonances de l'architecture et celles impactant le corps humain) ou par les
« mappings » intersensoriels2.
Dans le cadre de cette recherche, on définit les infrasons en tant que des
oscillations acoustiques qui sont inférieures ou égales à 20 Hz (le seuil entre la hauteur
et le rythme étant entre 16 et 20 Hz), qui souvent se manifestent perceptivement par des
caractéristiques vibrotactiles.
Comme on a précisé dans notre rapport de master «L'infrason en Art» (2011,
Université de Paris 8), complément à cette recherche, on perçoit les infrasons par leur
mélange sensoriel unique (l'audition, la pression et le toucher). Leur influence sur le
toucher sont dues particulièrement à la catégorie vibrotactile (la perception de
vibration), parfois à la proprioception (la perception de l’orientation du corps dans
l’espace) et parfois aux sens viscéraux (la perception interne des viscères). Comme on
1
Dans ce travail, le domaine des hauteurs sera le terme utilisé en référence aux fréquences supérieures à
20 Hz.
2
C’est-à-dire une relation de correspondance entre deux sens (ou plus).
1
va démontrer et développer plus loin, la vision peut aussi être affectée par des effets
infrasonores.
Dans cette étude précédente, on a également traité de l'enjeu du seuil d’audition
des infrasons, construit à partir d'un rapport entre le niveau de pression sonore et la
fréquence. Il faut toujours tenir compte que plus la fréquence est faible, plus le niveau
de pression sonore doit être fort pour la détecter. Un graphique d’après les données de
Winckel, 1967 (cité par Roads, 1996) donne la moyenne du seuil à 75 dB environ à 20
Hz, et à 100 dB environ à 7 Hz pour une oreille humaine. Néanmoins, le seuil de
détection infrasonore entre les individus est particulièrement varié, parfois jusqu'à 29
dB (Robinson et al., 1956, cités par Schust, 2004), et peut être jusqu'à 30-40 dB en
dessous de la moyenne (Salt & Huller, 2010). Il y a également des études menées qui
suggèrent qu'il est possible de se sensibiliser aux infrasons (Salt & Huller, 2010,
Leventhall, 2003).
En tant que compositeur, il faut ainsi comprendre les limitations des moyens de
diffusion pour produire les infrasons à l'intensité exigée pour leur détection. Le
compositeur doit ensuite considérer des techniques de composition, des moyens
d'amplification et des moyens de diffusion (et de modalité sensorielle) qui peuvent lui
servir dans le cas d'une sensibilisation aux infrasons. Toutefois, on démontrera
comment l'enjeu technologique entraîne des solutions qui apportent plus d'intérêt
artistique à un projet. On doit envisager ces limitations en tant qu'une opportunité pour
la créativité et en tant qu'une invitation pour une recherche artistique.
Dans le cadre de la diffusion infrasonore, l'état de la technologie existante pose
pour l'artiste une série d’enjeux:
•
Quelles sont les limitations de la technologie existante et répandue?
En tant qu'artiste, cherche-t-on un moyen pour créer des prototypes conçus pour la
réalisation d'un projet particulier ou cherche-t-on des dispositifs existants mais très
rares?
Si on choisit d'éviter l'utilisation des prototypes, comment peut-on adapter une
composition musicale connaissant les limites des moyens de diffusion d'infrasons
existants?
2
•
Est-ce qu'il est possible de traduire ou renforcer certains éléments infrasonores
en jouant avec la modalité visuelle ou tactile (c'est-à-dire la visualisation
cymatique ou un transducteur tactile)? Quels sont les avantages et les
inconvénients d'une telle traduction ou d’un tel renforcement?
•
Est-ce qu'il y a des solutions d'amplification hors du dispositif dédié? Par
l'emploi des fréquences résonantes dans le local du concert (ou de l'installation)
ou les réactions résonantes dans le corps du spectateur? Quels sont les enjeux
d'une telle diffusion?
Il y a plusieurs moyens de percevoir des infrasons avec notre corps, de composer
les infrasons électroacoustiques avec l’ordinateur et de les diffuser depuis des enceintes
(dédiées) ou d'autres dispositifs, tels que des transducteurs tactiles. Il est possible de les
amplifier à l’aide de l'acoustique d’une architecture et parfois par les réactions de
résonances de nos structures corporelles. Ainsi, on a les moyens pour développer une
musique infrasonore. Également, les qualités intersensorielles des infrasons ouvrent des
pistes d’exploration musicale pour une combinaison entre le domaine des hauteurs, la
composition vibrotactile et l’art visuel.
Le premier chapitre de cette étude dénombre les principaux usages qu’on a
explorés dans notre travail en tant que compositrice ou qu’on a étudiés chez d'autres
artistes.
Le deuxième chapitre décrit les paramètres musicaux des infrasons sur le plan
acoustique et sur le plan vibrotactile.
Le troisième chapitre, divisé en deux parties, discute de la technologie
nécessaire pour réaliser une musique infrasonore. La première partie réexamine une
sélection des modes de synthèse électroacoustique, ainsi que des logiciels adaptés (et
parfois peu adaptés) pour une telle application infrasonore. La deuxième partie concerne
l'enjeu du dispositif de diffusion. Dans cette section, on étudiera les limitations
technologiques imposées au compositeur; néanmoins, on va explorer des solutions
alternatives qui se développent sur le plan artistique.
Enfin, le quatrième chapitre propose une discussion et une réflexion sur les
outils et les techniques de composition infrasonore à travers des exemples de travaux
infrasonores de l’auteur même et d'autres compositeurs.
3
CHAPITRE I
L'intérêt des infrasons et leurs particularités
Lorsqu’on compare les infrasons aux fréquences supérieures à 20 Hz, on trouve
des qualités uniques :
Les infrasons sont des longues ondes qui font résonner des grandes salles. Ce
sont ces mêmes ondes qui provoquent des réactions de résonance entre les structures
d’un système biologique complexe dans notre corps humain. Également, ce sont des
périodicités infrasonores qui ressemblent à nos oscillations corporelles : celles du taux
cardiaque, de la respiration ou des ondes cérébrales. Les infrasons, aux fortes pressions
sonores, sont ressentis en tant que pression et tactilité. En outre, les vibrations que les
infrasons peuvent entraîner dans notre corps peuvent générer des perturbations du
champ visuel périphérique.
Dans un cadre artistique, les infrasons ont la capacité de faire résonner une salle
de concert (ou une installation) et le corps du spectateur. Chez le spectateur, les
infrasons ont le potentiel d’un lien psychosomatique dynamique ; ils représentent des
oscillations reconnaissables comme étant celles de son propre corps. Par leurs
influences sur le toucher et, parfois, sur la vision, les infrasons touchent
l’intersensorialité. Or, par cette intersensorialité, ils rappellent la nature physique et
caractéristique du son, une variation de pression dans l’air et posent la question des
limites d’une définition de la musique en tant qu’art purement sonore. Ainsi, les
infrasons invitent le compositeur à explorer de nouveaux enjeux musicaux.
4
I: Partie 1
Les impacts de vibration et de résonance des infrasons
dans un local ou chez le spectateur
Les infrasons peuvent provoquer des réactions de résonance des structures
d’architecture et du corps humain. Dès qu’une fréquence diffusée correspond à un mode
propre de résonance d’une salle ou à une résonance des structures physiologiques, elle
se renforce en amplitude. En outre, il est possible d’employer le local du concert en tant
que générateur acoustique infrasonore si l’espace a les propriétés d’un résonateur
d’Helmholtz. Donc, le rapport à l’environnement et au spectateur offre au compositeur
l’opportunité de jouer sur la géométrie du local et sur la physiologie du public en tant
que moyens d’amplification, et parfois, du local en tant qu’instrument infrasonore.
A. Les impacts sur les structures
1. Les modes propres (« eigen mode ») de résonance d’une salle
La diffusion d’une fréquence infrasonore dans un espace rectangulaire, dont sa
longueur d’onde correspond à la moitié de la longueur de la salle, excitera un mode
propre de résonance des salles (room mode). Les modes propres sont aussi connus sous
le nom d’« eigen mode ». Lorsqu’un compositeur mesure la longueur d’une salle
rectangulaire et calcule la vitesse du son dans l’air (selon la température), il peut
calibrer la fréquence de résonance par les formules suivantes34 :
1) Le calcul de la vitesse du son dans l’air selon la température s’obtient par la
formule suivante :
c=
"RT
M
où
!
c représente la vitesse du son en m/s.
γ représente le coefficient isentropique5 (γ = 1,4 pour l’air).
R représente la constante des gaz parfaits6 (R = 8,314 J/mol/kg).
3
Candel, S. (1998) A tutorial on acoustics. Cours de l’École Centrale Paris.
On ne prend pas en compte la question de phase.
5
Le coefficient isentropique décrit les échanges de chaleur en thermodynamique.
6
Les gaz parfaits sont des gaz idéaux qui obéissent strictement à des lois mathématiques. L’air est en
général considéré comme tel.
4
5
T représente la température en Kelvin (K°) où T (K°) = 273 + T (C°).
M représente la masse molaire7 (M≅ 0,03 kg/mol pour l’air).
Donc, à 20°C, la vitesse du son dans l’air est égale à 337m/s.
2) Soit une salle rectangulaire de dimensions Lx, Ly et de hauteur Lz , les
fréquences de résonances acoustiques de la salle sont données par cette formule :
f x,y,z =
ny
nz
c nx
2 +
2 +
2 Lx
Ly
Lz 2
où
Lx, Ly, Lz représentent les dimensions d’une salle : la longueur, la largeur, et la hauteur,
!
respectivement.
n représente l’harmonique ; la fréquence fondamentale est n = 1.
En plus, cette formule s’emploie pour rechercher des modes propres tangentiels.
On peut adapter cette formule pour calculer la fréquence fondamentale seule en
fonction de la longueur (nx=1, ny=0, nz=0) de la salle avec la formule suivante :
f =
c
2L
où
!
ƒ représente la fréquence en Hz.
L représente la longueur de la salle (2L donne la longueur de l’onde sonore en
mètres λ).
Au quatrième chapitre, on traitera l’œuvre personnelle « Larry » (2012) de
l’auteur qui a exploité ces formules pour activer les modes propres de la Chapelle des
Carmélites à Saint-Denis. On parlera aussi des artistes tactiles RHY Yau et Scott Arford
qui ont basé leur projet « Infrasound » (2001-présent), une série d’installations, basées
sur les modes propres de divers espaces.
Dans le cadre de ce mémoire, il n’est pas possible de tenir compte de la
complexité des diverses formes géométriques lorsqu’on calcule les « eigen modes » des
salles. Pour le compositeur recherchant des résultats pour des architectures complexes,
il vaut mieux consulter un acousticien professionnel ou employer un logiciel de
modélisation
acoustique
(tel
que
Comsol
Mulitphysics
-
http://www.comsol.com/showroom/gallery/63/)8.
7
Une unité de masse qui décrit une matière indépendamment de ses propriétés atomiques ou
moléculaires.
8
On abordera la modélisation acoustique plus loin dans le deuxième chapitre.
6
2. Les salles qui sont des résonateurs d’Helmholtz
Également, certaines structures peuvent générer des infrasons en tant qu’un
grand résonateur d’Helmholtz. Dans ce cas, on peut aussi considérer que le lieu joue un
rôle en tant qu’instrument acoustique.
Par exemple, une structure architecturelle telle que Maes Howe en Écosse,
constituée d’une grande salle et d’un passage étroit dans lequel le vent passe, fonctionne
ainsi en tant que résonateur d’Helmholtz.
FIGURES 1,2,3 : L’approche de Maes Howe, son entrée et son passage d’entrée (2000-2012). Maes
Howe. Undiscovered Scotland. Extrait le 6 septembre 2012 de
http://www.undiscoveredscotland.co.uk/westmainland/maeshowe/).
Les résonateurs d’Helmholtz ont des applications multiples. Quand on souffle à travers
le goulot d’une bouteille, la résonance obtenue est le résultat du même phénomène. Des
bouteilles remplies d’eau en quantités diverses produisent des hauteurs variées- une
série de telles bouteilles est citée comme instrument dans « The Professional Arranger
Composer » par Russell Garcia (1979).
Un compositeur peut travailler avec un architecte pour développer un espace
dédié pour le concert, dans un esprit similaire aux Polytopes d’Iannis Xenakis en 196719789.
Cependant, il est compliqué d’estimer la fréquence produite par un résonateur
d’Helmholtz car la formule répandue pour décrire les résonances d’Helmholtz est très
approximative. Dans son livre Haut-Parleurs et Enceintes Acoustiques, Brouchier
(2009) propose un autre modèle qui produit des résultats dont les écarts sont au
maximum de 3% par rapport aux résultats expérimentaux10. Pour comprendre sa
9
Centre Pompidou. (2007). Iannis Xenakis : Les Polytopes, 1967-1978. Extrait le 16 août 2012 de
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/3FEBCFE56EED911FC125732100490B16?Open
Document&sessionM=2.10&L=1
10
Il décrit ses formules dans le contexte du fonctionnement d’une enceinte bass-reflex. L’architecture de
l’enceinte bass-reflex est basée sur le principe du résonateur Helmholtz. On peut ainsi, imposer la
fréquence de résonance à partir de la géométrie de l’enceinte. On va traiter les subwoofers bass-reflex
plus loin dans le chapitre III, partie 2.
7
formule, on part de la formule répandue pour illustrer comment il en a déduit la sienne.
Pour commencer, il décrit le résonateur d’Helmholtz comme « une sphère creuse
en laiton percée de deux trous diamétralement opposés. Sur l’un d’eux était soudé un
petit tuyau se mettant dans l’oreille et sur l’autre un tuyau de diamètre [2R2] plus grand
jouant le rôle d’évent » dont une illustration est présentée ci-dessous :
Modèle 1 :
Le tuyau qui sert d’évent
Le tuyau du côté de l’oreille
Ensuite, Brouchier donne la formule répandue de la résonance Helmholtz:
f2 =
c #2
2" Vl2
où
!
∑2 est la section transversale en m2 de l’évent, égale à πR22 (où R2 est le rayon de
l’évent)
V est le volume de l’enceinte en m3 (e.g. de la sphère et des deux tuyaux dans ce
modèle), qui sera précisé plus loin
l2 est la longueur de l’évent.
Pour calculer V selon le volume de notre modèle, on utilise la formule :
où
R1 est le rayon de la sphère.
R2 est le rayon du tuyau qui est l’évent
R3 est le rayon de l’autre petit tuyau
Ainsi, le premier membre de l’équation
décrit le volume d’une sphère,
décrit le volume du grand cylindre (l’évent) et
décrit le volume
du petit cylindre.
Cependant les données ci-dessus ne suffisent pas pour décrire la résonance
effectuée. L’auteur précise que ce modèle est approximatif :
8
« En effet, la valeur trouvée expérimentalement est plus faible que la valeur du modèle, on peut
l’interpréter en disant que la longueur à prendre en compte dans le calcul est plus grande que la
simple longueur géométrique de l’évent. L’une des premières idées est qu’il faut prendre en
compte la masse de
rayonnement de l’évent dans le cas de la sphère
pulsante... Cela revient à ajouter une longueur et que la formule donnant [ƒ] est alors :
ƒ=
2
#2
2" V (l2 + 0,28 # 2 )
Même avec cette correction on a encore un écart entre le modèle et l’expérience ».
!
Ensuite, l’auteur propose un modèle encore plus élaboré. Dans cette formule, il
y a deux nouveaux ajouts :
1) La longueur de l’évent est plus grande : lʹ′0=l0+lR .
La raison pour ce changement est due au fait que « le mouvement de l’air dans le tuyau
entraîne un peu de gaz aux extrémités du tuyau et qu’il faut rajouter une longueur l0 aux
deux longueurs précédentes ».
2) La section transversale de l’évent est plus petite, ∑ʹ′2 .
« Sur la paroi du tuyau le frottement fait que les molécules d’air ont une vitesse nulle. Au centre
la vitesse est maximale, on peut donc admettre que tout se passe comme si on avait une surface
de tuyau plus faible que la surface géométrique. Cela revient à admettre l’existence d’une sorte
de couche limite au voisinage de la paroi [dans laquelle la vitesse de l’air est quasi nulle]. Il faut
donc remplacer la surface géométrique Σ2 par une surface plus petite Σ′2 ».
Modèle 2.1 :
Σ2 où la vitesse d’air est maximale au centre
Modèle 2.2 : Σ′2
Après quelques expérimentations, l’auteur constate que son nouveau modèle est plus
précis :
ƒ=
c
$#2
2" V (l2 + l#0 )
lʹ′0 est décrite par la formule lʹ′0=l0+lR
!
lR est liée au rayon de l’évent, décrite avec la formule :
!
lR =
R2
2
9
l0 est aussi liée à la nouvelle petite section transversale, ∑2ʹ′
∑ʹ′2 est décrite par la formule :
"' 2 = K 2V ( l
2
+l
R
+ l0)
où K2 a les dimensions d’un vecteur d’onde :
!
K2 =
" 22
c2
où ω, décrit la pulsation d’une fréquence en tant que des rotations cyclique. ω et la
fréquence sont reliées par la formule!: " = 2#f
« Dans le calcul du volume de l’enceinte dans chaque cas on a tenu compte de
l’encombrement intérieur du tuyau, cela fait une petite correction ».
!
On constate donc qu’on peut employer un espace en tant que résonateur
d’Helmholtz pour produire un infrason de fréquence inférieure à la fréquence propre
d’une salle du même diamètre.
B. Les impacts sur le corps humain
Les infrasons transmis par la conduction aérienne, en tant qu’ondes sonores, et
par la conduction solide, en tant que vibrations mécaniques, peuvent être perçues par le
corps humain (e.g. Griffin, 1990 ; Leventhall, 2003). Ces ondes et ces vibrations ont
aussi des aspects multimodaux et intersensoriels. Dans une salle, les ondes sonores
peuvent subir des transductions en vibrations mécaniques par le sol ou par les sièges
d’un public, avant d’être transmises et ressenties par le corps humain11. En plus, les
vibrations de la salle peuvent subir une transduction dans l’air, et devenir audibles. Les
vibrations du corps peuvent également être transmises et entendues à l’oreille par la
conduction osseuse (Griffin, 1990). Ainsi, la perception des infrasons se joue entre la
modalité tactile et la modalité sonore.
À part les vibrations ressenties par la peau, que l’on va détailler à la fin de ce
chapitre et dans la deuxième partie du deuxième chapitre, les vibrations du corps
peuvent aussi impacter des « résonances » du corps : des sommets d’amplitude en
réponse vibratoire qui sont parfois produits d’une combinaison des mouvements
interagissant entre des parties du corps (Griffin, 1990). Aux basses fréquences, Griffin
cite l’importance de la vision, du système vestibulaire et du contrôle vestibulaire des
mouvements oculaires dans la perception de la vibration du corps entier. Ainsi, leur
11
D’une correspondance personnelle par email avec Roger Schwenke (29 août 2012).
10
détection est largement intersensorielle.
1. La vibration du corps à partir d’une diffusion vibrotactile
Concernant les vibrations du corps transférées par la conduction solide, les
fréquences auxquelles ces sommets de réponse ont lieu dépendent des facteurs tels que
la posture, la taille et la rigidité du corps ainsi que la partie du corps par laquelle la
vibration entre et la direction de cette vibration. Ainsi, il existe une grande variabilité de
réponse entre des sujets et voire chez un même sujet. En plus, Griffin explique que des
« résonances » peuvent se produire à plusieurs fréquences. Le corps est un système
dynamique très complexe ; il n’a pas qu’une seule fréquence à laquelle il résonne.
En général, les études de la vibration du corps entier concernent des fréquences
entre 0,5 et 100 Hz ainsi que des amplitudes d’accélérations12 entre 0,01 et 10 m.s-2.
Une amplitude d’accélération de 0,01 m.s-2 est le seuil minimum de détection. Il faut
des amplitudes plus fortes pour percevoir la vibration avec les doigts et d’autres parties
précises du corps, aux fréquences inférieures à 1 Hz et aux fréquences supérieures au
spectre fréquentiel infrasonore, à 20 Hz. Ainsi, c’est le spectre fréquentiel infrasonore
de 1-20 Hz qui est la gamme la plus sensible pour ressentir des vibrations du corps
entier. Il faut tenir compte qu’une amplitude d’accélération de 10 m.s-2 est
potentiellement dangereuse à la santé. En outre, des amplitudes d’accélérations de
1 m.s-2 peuvent potentiellement entraîner de la douleur selon la fréquence, la durée et la
direction de la vibration. Ainsi, pour un cadre artistique il faut éviter ces accélérations
qui sont supérieures ou égale à 1 m.s-2.
Selon la fréquence de la vibration du corps entier, on peut faire quelques
observations globales. D’après Griffin (1990), il y a trois spectres fréquentiels ayant des
réponses corporelles distinctes. Aux fréquences inférieures à 1 ou 2 Hz, selon la
direction de la vibration et l’orientation du corps, les forces qui agissent sur le corps
sont plus ou moins proportionnelles aux forces vibratoires qui alimentent le corps.
Autrement dit, le corps répond en tant qu’un système rigide et ces fréquences n’excitent
pas souvent des modes de résonances. En outre, ces vibrations sont transmises à travers
le corps entier d’une manière assez uniforme. La sensation de mal des transports est
l’effet le plus souvent rapporté concernant des fréquences inférieures à 0,5 Hz. À partir
des fréquences juste supérieures à 1-2 Hz, les résonances corporelles variées amplifient
12
Le déplacement mécanique a une accéleration qui est la cause vibratoire.
11
le mouvement. Avec des amplitudes d’accélérations suffisamment fortes, plus la
fréquence est haute13, plus les sensations des diverses parties du corps (e.g. l’abdomen,
l’épaule, le visage) peuvent entraîner de l’inconfort. Enfin, il y a des caractéristiques
typiques pour un troisième spectre fréquentiel. Lorsque la fréquence est encore plus
haute (i.e. au-delà du spectre fréquentiel juste supérieur à 1-2 Hz), la sensation
vibratoire la plus intensément ressentie est localisée autour de son point d’entrée sur le
corps, ailleurs elle est atténuée.
La posture et la direction de la vibration sont des facteurs très intégrateurs dans
la sensation de vibration dans le deuxième spectre fréquentiel, celui de la réponse
maximale. Lorsque le sujet est assis, le mouvement latéral produit une résonance
principale tandis que le mouvement vertical en produit deux. On va détailler ces deux
résonances du mouvement vertical dans le prochain paragraphe. Également, il y a plus
de sensibilité aux accélérations pour la vibration verticale dans une position assise
(parfois le double que la sensibilité aux plus basses fréquences). La masse du corps
influence aussi cette sensibilité à la vibration verticale chez des sujets assis mâles et
femelles. Les sujets les plus massifs sont moins sensibles aux fréquences inférieures à
6,3 Hz et plus sensibles aux plus hautes fréquences. Quant aux autres postures, Griffin
note que de plier les jambes pendant qu’on est debout peut réduire la masse apparente
du corps et ainsi, diminuer sa transmissibilité pour des fréquences supérieures à 3 Hz.
Les deux résonances principales du corps entier à une vibration verticale en position assise
Kitasaki et Griffin (1998) ont cité les travaux des nombreux chercheurs qui
démontrent une résonance principale entre 4 et 6 Hz concernant la vibration du siège à
la tête (Coermann, 1962; Paddan et Griffin, 1993), du siège à la colonne vertébrale
(Magnusson et al., 1993; Panjabi et al., 1986) et de la réponse de la pression abdominale
(Sandover, 1978; White et al., 1962). Cependant, des études telles que Coermann (1962)
et Fairley et Griffin (1989) ont montré que cette fréquence a tendance à diminuer
lorsqu’un sujet change de sa posture droite à être avachi. Ils ont aussi trouvé une
deuxième résonance principale entre 8 et 12 Hz, or Kitasaki et Griffin expliquent que les
résultats sont moins clairs et constatent des écarts plus grands entre les sujets.
Kitasaki et Griffin ont mené une expérience sur la vibration du corps entier de 8
sujets mâles assis en 3 postures différentes : normale, droite et avachie, sur un siège
rigide sans le support du dos. Les sujets avaient entre 20 et 35 ans, avec une hauteur de
13
Toujours dans ce spectre fréquentiel juste supérieur à 1-2 Hz.
12
1,78 ± 0,07 m et un poids de 74,6 ± 7,8 kg (la moyenne ± l’écart type). Ainsi, on peut
dire que les sujets se ressemblent physiologiquement lorsqu’on les compare à la
population générale. Le but a été d’étudier comment le corps se déforme au long de la
ligne sagittale14 aux basses fréquences, en particulier à ses deux résonances principales
à 4-6 Hz et à 8-12 Hz. Deuxièmement, ils s’intéressaient aux influences de la posture
des sujets sur ces déformations. Les sujets ont été exposés à une vibration verticale
aléatoire, la source de la vibration étant en dessous du siège. La vibration a duré une
minute, à des fréquences entre 0,5 et 35 Hz d’une amplitude de 1,7 m.s-2 r.m.s. (Valeur
efficace, root-mean-square). Les chercheurs ont mesuré les réponses de l’accélération
de la colonne vertébrale, du pelvis, du viscère et de la tête.
Les résultats15 ont montré 8 modes de résonances d’une fréquence inférieure à
10 Hz. À 4,9 Hz, on remarque un mode prononcé du corps entier où la tête, colonne
vertébrale et le pelvis réagissent au mouvement vertical. Ce mouvement était aussi en
phase avec un mode vertical des viscères et un mode de pliage de la colonne vertébrale
thoracique supérieure et cervicale. Ce mode à 4,9 Hz est identifié comme la résonance
principale entre 4-6 Hz. Concernant la deuxième résonance principale entre 8-12 Hz, les
chercheurs ont trouvé trois modes correspondants à 8,1 Hz, 8,7 Hz et 9,3 Hz, pour faire
une moyenne de 8,6 Hz. Les modes à 8,1 Hz et à 8,7 Hz concernaient un mouvement
rotatif du pelvis tandis que 9,3 Hz était le deuxième mode des viscères.
FIGURE 4: Les formes des modes vibratoires étant donné une posture « normale » assise, prises sur une
moyenne de 8 sujets aux fréquences inférieures à 10 Hz (—) et avec la posture d’origine (- - - -). Les
formes inférieures à 10 Hz sont des combinaisons variées des déformations de pliage de la colonne
14
15
Un axe invisible vertical qui divise le corps à partir des hémisphères du cerveau jusqu’entre les pieds.
Selon une moyenne de la masse apparente des 8 sujets.
13
vertébrale, le mouvement vertical des viscères, des déformations du tissu des fesses et du mouvement
rotatif du pelvis et de la tête. Le quatrième mode correspond à la résonance principale. Les sixième,
septième et huitième modes correspondent à la deuxième résonance principale (Kitasaki et Griffin, 1998).
Après avoir étudié la première résonance principale selon ces trois postures
différentes, les chercheurs ont noté des changements intéressants. La fréquence du
mode principal a augmenté à 5,2 Hz selon une posture droite. Étant donné une posture
avachie, le premier mode s’est divisé en deux modes : le mode du corps entier est à
4,0 Hz (le mouvement vertical de la tête, la colonne vertébrale et le pelvis) et les modes
combinés du viscère et le balancement de la colonne vertébrale supérieure sont à
4,9 Hz. Les chercheurs attribuent le changement de résonance au changement de la
fréquence naturelle du corps entier.
FIGURE 5: Les modes de vibration pour la résonance principale de la moyenne de la masse apparente (—)
et selon la posture d’origine (- - - -) : (a) un mode à 5,2 Hz à la posture droite; (b) un mode à 4,0 Hz à la
posture avachie; (c) un mode à 4.9 Hz à la posture avachie.
Dans le graphique suivant, on peut voir clairement comment la fréquence de la
résonance principale diminue selon un changement en posture droite à une posture
avachie :
FIGURE 6: La moyenne des masse apparentes des 8 sujets dans une posture droite (.......), une posture
14
normale (—) et une posture avachie (- - - -).
Pour exploiter ces résonances principales dans un cadre artistique étant donné un
public hétérogène en taille, sexe et proportion graisse/muscle (voire en posture), il faut
prévoir les différences en fréquences qui entraîneraient ces résonances chez chaque
spectateur. Une solution est de faire des balayages entre 4-6 Hz ou entre 8-12 Hz selon
l’effet recherché. Cela assure d’activer des résonances principales à un moment ou un
autre dans une période de temps donnée. Le compositeur peut également penser à
organiser des performances calibrées pour des groupes aux similarités physiologiques,
mais il y aura toujours des petits écarts, un fait illustré par l’étude menée par Kitasaki et
Griffin. En outre, on peut chercher des solutions qui incorporent la participation du
public. Pour approcher une homogénéité du groupe, le compositeur peut donner des
directions de posture à suivre au public pendant la performance, comme une « partition
des poses ». Également, le compositeur peut suggérer certaines positions à adopter pour
la durée de la pièce selon les traits physiologiques de l’individu. Ainsi, l’individu se
calibre pour optimiser sa propre réception aux fréquences.
2. La vibration du corps à partir d’une diffusion sonore
D’une manière générale, la littérature est pauvre en travaux de recherche
empirique sur les vibrations corporelles provoquées par des ondes sonores. Cependant,
comme on a précisé dans le papier « L’infrason en Art » (2011, Université de Paris 8), il
y a des études de chercheurs citées dans Schust (2004) (Slarve et al., 1975; Harris et al.,
1978; Verzini et al., 1999; Landström et al., 1983) qui ont trouvé que la perception
vibratoire des infrasons par la conduction aérienne s’effectue à environ 20 dB au-dessus
du seuil de l'audition pour ces fréquences. D’autres études que l’on peut évoquer sont
citées dans Leventhall, 2003 (Brown, 1976 ; Kyriakides, 1974 ; Leventhall et al., 1977 ;
Takahashi et al., 2002 ; Takahashi et Maeda, 2002)16. Elles ont déterminé que les ondes
infrasonores agissent d’une manière différente des vibrations mécaniques infrasonores
sur le corps. Les ondes aériennes agissent d’une manière plus uniforme sur la surface du
corps entier. Les chercheurs Brown, Kyriakides et Leventhall, ont utilisé un
accéléromètre pour détecter la résonance de certaines parties du corps, soumis à des
ondes acoustiques de fréquence entre 3-100 Hz à 107 dB. La résonance de la poitrine à
16
Cité dans le travail « L’infrason en Art » (2011, Université de Paris 8).
15
30-80 Hz environ a été le résultat le plus prononcé, pourtant il y avait des plus petits
pics d’amplitude aux autres parties du corps. Ils ont fait des essais avec inhalation
d’hélium pour isoler les résultats d’un effet structurel (i.e. la cage thoracique) au lieu
d’un effet des cavités corporelles (i.e. les poumons). Le spectre fréquentiel de cette
réponse varie selon la taille et le sexe du sujet. Comme on peut voir sur cet échantillonci, la réponse de ce sujet commence à partir de 20 Hz environ avec des faibles pics aux
fréquences plus graves :
FIGURE 7: Un échantillon de la courbe de réponse de l’accélération de la poitrine d’un sujet mâle de
68,8 kg, soumis à une vibration de 107 dB (Leventhall, 2003).
Les effets ont été ressentis par les sujets et les vibrations ont même modulé leur voix.
Pour une illustration de cet effet, lors d’une émission télévisée de « Mythbusters »17,
l’animateur a été exposé à plusieurs expériences entre 95-144 dB aux fréquences entre
5-100 Hz. On traitera les autres détails de ces études plus profondément au troisième
chapitre. À 128 dB à 32 Hz, l’animateur fait des vocalisations modulées par l’onde
sonore. La première piste du disque accompagnant ce travail18 est un échantillon sonore
de ce phénomène. Pourtant, ces études citées dans Leventhall (2003) et cette
démonstration de « Mythbusters » concernent des basses fréquences supérieures au
spectre fréquentiel infrasonore, elles démontrent que des ondes aériennes peuvent
entraîner des effets vibratoires perceptibles, voire des résonances, du corps humain.
17
Barlin, M. et Matthews, S. (écrivains), et Rees, P. (créateur). (16 février 2005). Mythbusters. Saison 3,
Émission 25 :Brown Note. Discovery Channel, États-Unis : Beyond Productions.
18
Dans l’échantillon, il y a aussi le bruit d’un guitare électrique qui fait partie de la bande sonore de
l’épisode.
16
Selon la taille du sujet, des résonances de la poitrine peuvent s’effectuer au spectre
fréquentiel infrasonore. En outre, les chercheurs ont trouvé d’autres vibrations ailleurs
sur le corps au spectre fréquentiel infrasonore, mais moins prononcées que la poitrine à
30-80 Hz.
En tous les cas, l’amplitude est un facteur important pour cet effet ; Leventhall
précise que le gain résultant des vibrations de la poitrine, à la résonance, est de 25 dB
environ, et que des vibrations propres au corps masqueront des excitations résultant de
sons inférieurs à 70-80 dB.
En plus des études empiriques, il existe des nombreux témoignages pour attester
des effets corporels vibratoires des basses fréquences. Dans l’édition de juillet 2012 du
journal The Wire, Low Bass Theories, des nombreux contributeurs ont décrit
l’expérience des infrasons comme une sensation physiologique, un engagement tactile
et viscéral. Parmi ces contributeurs, Richard Pinnell parle d’un événement à Londres au
bâtiment Beaconsfield auquel il a assisté en février 2009, Self-Cancellation par Rhodri
Davies et Gustav Metzger. Lors de l’événement, il a écouté à la performance d’un duo
américain Mark et John Bain dans une salle en dessous d’une arche de chemin de fer.
Le duo a employé des capteurs sismiques pour traiter en temps réel des données du
bâtiment Beaconsfield pour les traduire aux fortes basses fréquences sonores. Pinnell
décrit le concert comme un mur et une force psychique de pression qu’il a ressenti sur
sa cage thoracique. Il a également noté que lorsqu’il s’est tourné vers les enceintes, le
son a fait se rider la chair sur ses joues. Pinnell s’identifie comme quelqu’un qui n’a
jamais aimé les fortes basses fréquences, et ainsi, il n’a pas trouvé l’expérience très
agréable. Apparemment, le bâtiment a souffert aussi ; des petits morceaux de la
maçonnerie sont tombés depuis l’arche en brique de chemin de fer qui était au dessus de
l’auteur. L’auteur ne spécifie pas le niveau de pression sonore.
Cette anecdote soulève des discussions importantes dans la provocation des
vibrations corporelles d’origine vibratoire ou sonore. Il y a des individus qui seront
moins réceptifs mentalement que d’autres aux forts infrasons. Ainsi, en tant que
compositeur, il est recommandé de fournir un espace artistique ou une installation
vibrotactile qui laisse facilement sortir le public ou se dégager du dispositif, au cas où
les membres du public en auraient envie. Également, il est fortement conseillé de
vérifier la solidité de l’espace architecturel avant de diffuser des sons forts (i.e.
>110 dB) afin d’éviter des dégâts de l’architecture.
17
3. Les impacts sur les yeux et l’acuité visuelle
On va traiter les impacts vibratoires sur la vision à partir d’une diffusion
vibrotactile et à partir d’une diffusion sonore.
La plupart des études empiriques effectuées concernent des vibrations
transmises aux yeux par la vibration mécanique. En parlant des perturbations vibratoires
sur la vision, Griffin (1990) distingue la vibration de l'observateur et la vibration du
champ visuel. Dans ce travail, on s’intéresse à la vibration de l’observateur.
Griffin définit le seuil d’un impact sur la vision lorsque l’image rétinienne
montre un changement perceptible de l’image d’un objet stationnaire. La différence
perceptible est un déplacement angulaire de ±1 minute d’arc de l’objet à l’œil ; cela
correspond à ±0,15 mm d’une distance de perspective de ± 0,5 m. Des nombreux
facteurs influencent le rapport entre la fréquence de vibration et l’acuité visuelle :
l’adaptation de l’œil à la lumière, l’axe du mouvement de la tête, l’axe de vibration, les
mouvements oculaires compensatoires du système vestibulaire, la distance de l’objectif
visuel et s’il y a quelque chose sur la tête de l’observateur (e.g. un casque, un appuitête) (Griffin, 1990 ; Ohlbaum, 1976).
Suivant une étude de vibration verticale du corps entier, Ohlbaum (1976) a
trouvé que le mouvement oculaire a suivi les mouvements du crâne sauf autour de
18 Hz chez ses sujets. Selon une étude menée par Dennis, (1965, citée dans Ohlbaum,
1976) concernant aussi la vibration verticale du corps entier, Dennis a observé que la
résonance principale du corps entier à 5-7 Hz environ n’a pas d’influence importante sur
l’acuité visuelle. Par contre, il y a des impacts sur l’acuité visuelle par des vibrations
entre 14-27 Hz. Dennis a attribué cette influence aux résonances des tissus sur le visage.
Selon mes propres observations, avec un transducteur tactile Aura AST-2B-4 Pro Bass
Shaker, les fréquences de 15-35 Hz ont eu le plus d’impact sur l’acuité visuelle avec
une position assise sur l’appareil et aussi lorsqu’il est placé sur la poitrine, le
transducteur tenu en place par la main gauche. Garder la tête tournée sur le côté pendant
que le dispositif est couplé à la poitrine a amplifié l’effet.
Le compositeur peut aussi faire porter au public une coiffure pour influencer la
transmission des vibrations au champ visuel. Quant à l’emploi d’un casque, Ohlbaum et
O’Briant (1970, un étude non publiée cité dans Ohlbaum, 1976) ont observé que de
porter un casque aux fréquences entre 3-10 Hz a causé plus de dégradation visuelle que
sans casque. Aux fréquences supérieures à 12 Hz, le casque a contribué à atténuer la
vibration de la tête et ainsi, il a réduit la dégradation visuelle caractéristique à ces
18
fréquences sans casque.
Quant aux perturbations d’une diffusion sonore, il existe de nombreux
témoignages. Sur le plan médiatique, parmi les contributeurs de l’édition de The Wire,
Low Bass Theories, Marcus Boon décrit une expérience dans les années 90 avec un
système audio Aba Shanti-I au carnaval de Notting Hill, à Londres. Les basses
fréquences étaient si puissantes à un moment, qu’elles ont rendu sa vision floue avec
des fortes vibrations. Il dit que le liquide de ses yeux a bougé avec le son. Avec cette
description, on suppose que c’était des fortes basses fréquences qui ont entraîné cet
effet, mais il ne précise pas la ou les fréquence(s) et si la fréquence était dans le spectre
infrasonore. Il faut mener des études empiriques pour mieux comprendre les
circonstances sonores pour provoquer cet effet.
Sur le plan des sciences populaires, l’animateur de l’émission télévisée de
« Mythbusters », évoqué plus haut a aussi commenté son exposition aux ondes
aériennes de 128 dB à 32 Hz, il a constaté que ses yeux ont vibré à cause du son. Avant
l’expérience à 32 Hz, l’animateur a subi un son de ~114 dB à 9 Hz (et aussi des
expériences aux fréquences encore plus graves) mais il n’a pas fait de remarque
similaire concernant les yeux. Malheureusement, ils n’ont pas testé les fréquences entre
9-32 Hz pour chercher d’autres fréquences où cet effet apparaîtrait.
Il y a aussi le témoignage de l’ingénieur Vic Tandy (1998) qui a éprouvé des
perturbations de son champ visuel périphérique suivant une onde stationnaire à 19 Hz
environ sur son lieu de travail et qui ont provoqué l’hallucination d’une figure spectrale.
Les effets de cette dégradation visuelle, étant donné un contexte où il était seul dans le
bâtiment la nuit, ont probablement donné libre cours à son imagination et contribué à la
sensation de peur. La fréquence à laquelle Tandy a perçu des perturbations visuelles
corrobore les conclusions d’Ohlbaum (1976), concernant un contexte vibratoire.
Cependant, cela nécessite plus de recherches pour attribuer 18-19 Hz comme la
résonance oculaire principale.
4. En résumé
En tant que compositeur, l’essentiel est de savoir qu’il est possible de provoquer
des effets vibratoires sur le corps et la vision à partir d’une diffusion vibratoire ou d’une
diffusion sonore. Ensuite, on peut utiliser ces recherches et ces témoignages comme
point de départ pour une recherche plus profonde, pour cadrer un contexte artistique
pour exploiter ces effets corporels et visuels.
19
I: Partie 2
Oscillations rythmiques et leur rapport au corps
humain et aux effets psychosomatiques
Des nombreuses oscillations corporelles ont des taux infrasonores. Comme on a
précisé dans le travail précédent, le taux cardiaque est à environ 1-2 Hz (Colby et al.,
2009) ; le taux de respiration chez les adultes est entre 0,2-0,33 Hz (12-18 respirations
par minute), mais il accélère pendant l’activité physique et il est plus rapide chez les
enfants (University of Iowa Health Care, 1999-2000) ; les ondes neuronales dans le
cerveau ont des spectres infrasonores divers: des ondes theta (>13 Hz), des ondes alpha
(8-13 Hz), des ondes beta (3,5-7,5 Hz) et des ondes delta (≤ 3 Hz) (Sucholeiki, 2010).
Le taux cardiaque s’accélère aussi pendant l’activité physique. On peut estimer le taux
maximum sain en Hz selon l’âge d’individu concerné par l’équation :
220 " l' âge 19
.
60
Ainsi, pour les adultes entre 18-90 ans, ce taux maximum est entre 3,37-2,17 Hz,
respectivement. Dans ce travail, on se limite au taux cardiaque et
! au taux de respiration
car ce sont les oscillations dont on est le plus conscient.
Dans « L’Infrason en Art » on a aussi discuté de l’émotion musicale (qui est
distincte de l’émotion à l’écoute de musique) qui est reconnue d’après un
conditionnement cognitif à la musique occidentale. On a particulièrement évoqué la
recherche de François-Xavier Yvart (2004). Le public occidental a une tendance à
associer la musique tonale majeure ayant un tempo rapide avec des émotions telles que
la joie et la passion. Un tempo lent et plutôt associé au calme. Une musique tonale
mineure ayant un tempo rapide est souvent associée à la colère et à la peur. Un tempo
plus lent est lié souvent à la tristesse. Ces classifications sont très génériques et ne
tiennent pas compte de la musique modale, atonale, d’autres cultures, et cætera.
Cependant, il est important d’évoquer une corrélation entre le tempo et le type
d’émotion auquel elle est affiliée. Un tempo rapide fait penser à des émotions de colère,
de peur, de joie : des émotions typiquement caractérisées par des réactions
psychosomatiques telles qu’un taux cardiaque accéléré ou une respiration plus rapide.
19
Montana State University- Bozeman. (1998). Cardiovascular Factors : Heart Rate During Exercise.
Physiology & Psychology. Extrait le 30 août, 2012 de
http://btc.montana.edu/olympics/physiology/cf02.html
20
Le calme et la tristesse projetés aux tempi lents se manifestent au corps avec un taux
cardiaque plus lent et un taux de respiration relâché. Soit par conditionnement musical
occidental soit par une identification d’un état interne (ou des deux), les rythmes
musicaux réfléchissent des émotions associées aux oscillations corporelles à des
vitesses correspondantes.
Les associations conscientes entre les oscillations infrasonores et les oscillations
corporelles peuvent aussi provoquer une réponse psychosomatique. D’après des
observations personnelles et une correspondance personnelle avec Anne Sedes (le 1er
décembre 2011), une exposition prolongée (de quelques heures au studio) à des rythmes
infrasonores irréguliers qui imitent une arythmie cardiaque peuvent donner à l’auditeur
une sensation physiologique bizarre qui approche du malaise. L’auteur de ce travail a
exploité des oscillations inharmoniques qui suggèrent une arythmie dans son œuvre
« Larry », détaillée au quatrième chapitre. Pour une illustration des effets des
oscillations infrasonores sur le taux de respiration, veuillez consulter le témoignage de
l’auteur du spectacle « Bestioles » (la composition musicale de Kasper T. Toeplitz) au
quatrième chapitre.
21
I: Partie 3
Le rapport aux autres sens
On ne peut pas parler d'une musique infrasonore sans parler d'une musique qui
est crossmodale et aussi intersensorielle20 par nature. Dès le début de cette
exploration, on a indiqué que les infrasons touchent des multiples sens. On les ressent
en tant qu'un mélange d'audition, de pression, et de toucher. Pourtant, il y a aussi des
moyens pour que les infrasons se révèlent et à la modalité visuelle. Certaines de ces
ondes et vibrations infrasonores entraînent des effets de vibration et donc, de
perturbation du champ visuel. En outre, via la cymatique (qu’on traitera plus loin), on
peut dévoiler par la modalité visuelle les trajets et motifs des ondes infrasonores. Donc,
il faut considérer que les infrasons se manifestent parfois par la vision.
Hormis cette identité infrasonore cross-modale et intersensorielle, il y a de
nombreuses façons pour le compositeur d'employer et de manipuler les infrasons d'une
manière multimodale et intersensorielle. Parmi les possibilités, dans ce papier, on
focalise notre étude aux relations concernant les domaines sonore, vibrotactile et visuel.
Pour commencer, on va traiter la multi-modalité, la cross-modalité et l’intersensorialité.
Ensuite, cela entraine une discussion sur les qualités intersensorielles des infrasons et on
évoquera des emplois intersensoriels concernant la vibrotactilité et l'art visuel.
A. La distinction entre la multi-modalité, la cross-modalité et
l’intersensorialité aux infrasons
Pour commencer, on définit et clarifie trois termes importants dans cette
section : la multi-modalité, la cross-modalité et l’intersensorialité.
On parle de la multi-modalité, c’est-à-dire, l’engagement de plusieurs
modalités à la fois. Elle est sur un plan à l’extérieur du corps. La multi-modalité
concerne le dispositif et la présentation de l’information. La projection d’un film sur un
écran pour la modalité visuelle et la diffusion sonore par une enceinte pour l’audition
illustre cela. Au troisième chapitre, dans notre recherche pour des alternatives de
diffusion et d’amplification infrasonores, on discute des solutions multimodales. Par
exemple, on explore les diffusions simultanées d’informations sonores et visuelles avec
l’emploi d’un caisson de basse et un écran (e.g. d’ordinateur). Également, on explore les
20
On va définir ces notions dans la section suivante, 3.A.
22
transferts simultanés d’information sonore et vibrotactile avec l’emploi d’un caisson de
basse et un transducteur tactile.
Également, on parle de la cross-modalité, l’activation des structures corporelles
et des récepteurs sensoriels pour des modalités différentes. Cela se situe sur le plan du
stimulus à l’entrée du corps, mais il y a toujours un sens d’externalisation. Comparé à la
multi-modalité, un seul dispositif peut entraîner un effet cross-modal. Les infrasons sont
cross-modaux car ils peuvent exciter des récepteurs de l’oreille, du système vestibulaire,
de la peau, des yeux et des intérocepteurs aux viscères. On a vu aux sections
précédentes comment les infrasons à partir d’une diffusion sonore ou d’une diffusion
vibrotactile peuvent provoquer une réponse des parties corporelles diverses, liées à des
sens différents. Cependant, on nomme les sensations qui s’effectuent à cause de la
cross-modalité : l’intersensorialité.
Surtout, on traite de l’intersensorialité, c’est-à-dire des influences perceptuelles
qui ont lieu entre deux ou plusieurs modalités sensorielles à la fois. Comme on verra, ce
qui est multimodal ou cross-modal est souvent aussi intersensoriel. Cependant,
l’intersensorialité concerne le plan interne, une construction au niveau du cerveau et de
la perception. Elle réfère ce qu’on éprouve ; comment les sensations des diverses
provenances liées à un événement ou à un objet semblent s'unifier dans une même
expérience. Principalement, il est important de noter que ces sensations s'influencent
entre elles; une modalité peut modifier ou compléter la perception d'une autre.
B. Les approches pour un art intersensoriel des infrasons
1. Concernant une exploitation des effets cross-modaux
Avec les infrasons, le compositeur n'a pas besoin d'adapter lui-même une
approche multi-modale ou cross-modale pour obtenir un résultat intersensoriel chez le
spectateur. Les aspects cross-modaux apparaissent pendant la diffusion infrasonore
(depuis un subwoofer), sans avoir recherché particulièrement un effet cross-modal.
En effet, isoler les éléments sonores des éléments vibrotactiles pour une
diffusion infrasonore exige encore plus de réflexion de la part du compositeur et de
l'ingénieur du son21, comme témoigne Roger Schwenke, scientifique supérieur à Meyer
Sound Laboratories. Il explique qu’ils ont trouvé que la vibration ressentie à travers le
corps est une composante significative dans la perception des basses fréquences. C’est
21
Peut-être à l'exception d'une diffusion au moyen de casques d'écoute.
23
pour cette raison que les strapontins de leur théâtre sont constitués d’estrades en bois
posées sur un isolateur en caoutchouc (plutôt que du béton)22.
Le compositeur doit connaître les effets intersensoriels infrasonores afin de les
contrôler (autant qu'il est possible) et de les exploiter. En vue des applications
infrasonores qu’on a précisé plus tôt, calculer les dimensions d'une salle de concert va
donner des indices sur les fréquences auxquelles la salle va répondre et résonner. Le
compositeur peut ainsi décider à quel moment il veut les activer, et comment les éviter.
On peut aussi faire le même raisonnement concernant les réactions résonantes
corporelles.
2. Le traitement des données concernant une diffusion multi-modale ou crossmodale
Concernant les traitements par logiciel des données électroacoustiques
infrasonores étant donné une diffusion multimodale, on peut employer la tactique de
« mapping », une correspondance sensorielle entre des paramètres des deux modalités.
Les chercheurs Sagiv et al. (2009) utilisent le terme de « synesthésie algorithmique »
(algorithmic synethesia) pour décrire des telles correspondances, pourtant cela peut
connoter qu’on cherche une représentation artistique du phénomène psychologique. En
tout cas, un « mapping » ou une synesthésie algorithmique peuvent lier des modalités
diverses pour provoquer un renforcement intersensoriel ; cela peut contribuer à une
sensibilisation aux infrasons. Le « mapping » guide l’oreille en même temps qu’il sert
en tant qu’exploration artistique réminiscente de la synesthésie. Au troisième chapitre,
on parlera du « mapping » avec des modalités visuelle ou vibrotactile comme moyen
d’amplification intersensorielle pour compléter une diffusion infrasonore faible en
pression sonore. Également, la visualisation des ondes sonores par l’art cymatique, sujet
qu’on abordera aussi au troisième chapitre, peut être un moyen de renforcement et
d’amplification intersensoriel et perceptuel. Cependant, cela se catégorise sous une
exploitation des effets cross-modaux d’infrasons plutôt qu’un traitement des données.
Quant à une traduction des données infrasonores, dans ce travail, on s’intéresse à
une diffusion vibrotactile à partir des transducteurs tactiles. Par définition physique,
c’est principalement le milieu de conduction qui distingue les vibrations mécaniques
22
«We have found that felt vibration through the body is a significant part of the perception of low
frequencies. For this reason the seating risers in our theater are wooden platforms on a rubber isolator (as
opposed to, for instance, concrete)». Correspondance émail personnel, 29 août 2011
24
infrasonores des infrasons aériens. Ainsi, cela est une question de dispositif de diffusion
plutôt d’un traitement « mapping » des données à partir d’un logiciel. Dans cet esprit de
traduction, une telle substitution sensorielle fonctionne en tant que moyen
d'amplification par une autre modalité. Cependant, il faut noter que le transducteur
tactile est un objet cross-modal ; selon son couplage aux autres matériels et les
fréquences qu’il diffuse, il peut produire aussi des aspects sonores. On traitera les
enjeux musicaux et perceptuels d’une diffusion vibrotactile dans le prochain chapitre.
Comme énoncé plus tôt, l’analyse de l’œuvre « Larry » au quatrième chapitre traitera
une piste sonore diffusée par un transducteur tactile parmi d’autres pistes sonores
diffusées par des enceintes.
3. Les rapports intersensoriels plus complexes à partir d’une superposition des
modalités
Selon Sagiv et al., 2009, les données d'une modalité peuvent augmenter,
compléter, voire altérer la perception des données d'une autre modalité, à cause de
l’intersensorialité. Ce sont ces interactions qui offrent au compositeur le potentiel pour
une exploration encore plus riche et complexe. Pour illustrer certaines de ces influences,
il existe de nombreux phénomènes et termes, comme « la valeur ajoutée » d’après
Michel Chion dans son livre L’audiovision et « ventriloquist effect » (l’effet
ventriloque).
Chion emploie le premier terme dans le cadre d’un film pour décrire comment le
son ou l’image peuvent changer la manière dont l’observateur perçoit l’autre. Il parle de
cela dans un contexte de la temporalisation du son, où l’image et le son jouent en
contrepoint. On peut aussi étendre cette discussion aux autres rapports sensoriels. Par
exemple, pour l’œuvre « Larry », par l’auteur de ce travail (voir le quatrième chapitre),
on a employé un transducteur tactile pour traduire des données audio en Reaper aux
vibrations mécaniques. D’autres pistes sonores musicales ont aussi été diffusées par des
enceintes, pour accompagner cette piste vibrotactile et créer des rapports intersensoriels
en contrepoint. Cette traduction modale était un choix qu’on a fait en partie pour tester
une façon alternative de diffuser les infrasons, et en partie pour développer ces rapports
de contrepoint intersensoriel sur un plan artistique infrasonore. Quant aux théories de
Chion, spécifiquement, l’auteur a exploité son concept de la vectorisation : étant donné
une modalité assez neutre, c’est l’emploi de l’autre modalité pour exprimer l’idée que le
plan a une trajectoire, qu’il est orienté dans le temps ou qu’il y a un sentiment d’attente.
25
On a réalisé cela par un motif musical vibrotactile des oscillations infrasonores qui
disparaissent et réapparaissent dans une texture sonore autrement statique. Les
changements sur le plan vibrotactile ajoutent du suspense au plan sonore immuable.
L’effet ventriloque se réfère spécifiquement à un préjugé intersensoriel, ou
comment un sens peut influencer le jugement de l’autre. Un exemple simple serait
pendant un film, lorsqu’on attribue les voix diffusées de l’enceinte aux bouches des
personnages sur l’écran (Sagiv et al., 2009). Également, on exploite cet effet dans
« Larry » pour jouer avec l’attente. Pourtant la piste vibrotactile est musicalement
indépendante des pistes sonores, on organise des moments de quasi-synchronie. Vers la
fin de la pièce, il y a un son mécanique caractérisé par des fluctuations infrasonores. La
partie vibrotactile emploie des oscillations infrasonores qui rappellent celles ressenties
d’une machine ou d’une véhicule, avec des petits coups irréguliers qui rappellent des
crépitements. Ainsi, le son manifestement mécanique nous guide pour percevoir la
partie vibrotactile en tant qu’unité avec la partie sonore. Lorsque l’élément sonore
s’arrête entièrement de temps en temps, on est surpris par l’élément vibrotactile qui
continue et, donc, révèle et établit la nature musicale distincte de chaque piste
sensorielle. Ainsi, ces interruptions dévoilent l’illusion créée par l’effet ventriloque.
En outre, quand on traitera au deuxième chapitre d’une exploration des
paramètres musicaux vibrotactiles, et de la spatialisation vibrotactile, on montre qu’on
peut créer de nombreuses illusions intersensorielles.
D’autres rapports en contrepoint seront évoqués lors de l’analyse de « Larry ».
On abordera, le décalage des effets vibrotactiles et infrasonores aériens pouvant donner
l’illusion qu’ils s’influencent. C’est dans ces rapports qu’on peut exploiter la nature
intersensorielle des infrasons dont on est déjà conscient, et jouer avec les anticipations
de ce rapport.
C. En résumé
Les infrasons offrent une richesse intersensorielle par leur nature ou à travers
des superpositions, « mappings » ou traductions imposées aux modalités tactiles et/ou
visuelles. À part leurs impacts et leurs influences sur les structures architecturelles et
corporelles, évoquées dans ce chapitre, il y a une multitude de paramètres et d’effets
musicaux à explorer, soit par la modalité acoustique, soit par la modalité vibrotactile.
Cela sera le sujet du prochain chapitre.
26
CHAPITRE II
Les paramètres musicaux des infrasons et
leur potentiel en composition
27
II: Partie 1
Les paramètres musicaux des infrasons
A.
Le rythme et
le polyrythme :
la
« hauteur »
et
l’« harmonie » des infrasons
La question de la hauteur ne s’applique pas aux infrasons. Par sa définition, les
infrasons marquent le seuil où la hauteur devient le rythme. Donc, on parle des
pulsations. Ainsi, le concept d’une « harmonie » comprise des infrasons existe qu’en
tant qu’une superposition de périodicités. Par une telle définition, les polyrythmes
représentent l’« harmonie » des infrasons.
Ce concept est particulièrement évident à la synthèse additive et à la modulation
de fréquence, comprenant une superposition des signaux infrasonores. On peut
visuellement illustrer ce concept par l’analyse harmonique d’après Fourier. Des
relations inharmoniques entre les signaux ainsi que des décalages de phases entre eux
peuvent contribuer à des polyrythmes encore plus complexes et dynamiques qu’avec les
relations harmoniques synchronisées en phase seules.
De plus, comme on développera plus loin dans la section dédiée au sujet de
spatialisation, des battements monauraux et binauraux, des décalages de phases et
l’emploi d’infrasons d’ondes complexes peuvent aussi créer des tapis de polyrythmes
riches et variants dans le fil du temps.
B. L’intensité
Lorsqu'on compare les infrasons au domaine des hauteurs, on peut également
identifier des variations d’intensité. Cependant, pour développer une échelle d’intensité
des infrasons, il existe quelques enjeux à considérer, principalement des questions liés à
la psychoacoustique et au dispositif de diffusion.
Comme on a précisé dans notre travail de Master 1 «L’infrason en Art », pour
atteindre le seuil de détection aux infrasons, il faut un niveau dB plus élevé que celui
des sons du domaine des hauteurs. Pour illustrer cet effet, voici un graphique des
courbes isosoniques, dans lequel la sensation d’intensité régulière à l’oreille humaine se
mesure en « phons » au lieu des dB :
28
FIGURE 8 : Les courbes isosoniques d’après Altmann, 1999.
Au fur et à mesure que la fréquence diminue, pour des fréquences inférieures à 20 Hz,
la bande qui encadre le seuil de détection et celui de l’inconfort devient de plus en plus
étroite. Par ailleurs, les courbes de niveaux d’intensité se rapprochent. Cela signifie,
pour le compositeur, qu’un auditeur éprouvera des changements perceptibles d’intensité
moindre avec des infrasons qu’avec des sons du domaine des hauteurs.
Cette discussion nous ramène à l’autre enjeu de perception : celui de perception
relative. Établir un spectre universel (selon une échelle de dB) pour encadrer le point de
leur détection jusqu’au point avant l’inconfort s’avérera difficile. Comme on a aussi
précisé dans notre papier « L’infrason en Art » et dans l’introduction de ce travail, la
sensibilité aux infrasons entre les individus varie considérablement. Cette variabilité
s’éclate dans les contextes artistiques tels que l’installation Interactive Infrasonic
Environment (Gupfinger et al., 2009). Cette installation invite les participants à interagir
avec les infrasons ; les artistes ont construit un tuyau d’orgue pour produire des
fréquences infrasonores jusqu’à 15 Hz et ils ont développé un système de suivi en
Max/MSP qui traduit le positionnement des sujets dans l’espace en modulations de
fréquence et de volume. Dans une expérience liée à cette installation, les auteurs ont
invité 10 sujets à participer individuellement à une série d’expositions au dispositif. Ils
ont émis une fréquence continue à 15 Hz et ils ont étudié les réponses aux trois
intensités, spécifiées comme tel: bas, moyen, haut. Les auteurs ne précisent pas les
intensités en niveau dB. Pourtant l’exposition au tuyau a entraîné une sensation de
pulsation, de pression et de vibrations chez tous les sujets, et le seuil d’inconfort a varié
parmi les individus. Deux participants ont éprouvé de l’inconfort au niveau «moyen»
29
tandis que cinq d’autres sujets ont éprouvé l’inconfort au niveau «haut». Les trois sujets
restants n’ont éprouvé aucun inconfort pendant l’exposition. Ainsi, on voit qu’il faut
faire très attention en tant que compositeur, étant donné que son seuil d’inconfort n’est
pas nécessairement le même que celui de son public. Toutefois, quoique les participants
de cette installation ont été exposés aux éléments d’inconfort, ils ont tous rapporté que
le contact au dispositif était agréable. C’est un fait qui pourrait être attribué au sens
d’une participation volontaire dans un contexte d’installation artistique ou au sens de
contrôle que les sujets ont ressenti dans la nature de cet environnement interactif. Pour
le compositeur, laisser la possibilité pour un membre du public de calibrer sa propre
exposition à l’intensité du son, par exemple, simplement en s’éloignant de la source de
diffusion, peut aboutir à une expérience artistique mieux reçue.
Finalement, pour tenir compte du seuil des infrasons, il faut mentionner le
problème lié au dispositif de diffusion. En effet, il faut un moyen de diffuser les
infrasons au niveau dB exigé pour leur détection. La plupart des matériels répandus ne
sont pas appropriés pour une telle diffusion. C’est un des enjeux principaux qu’on traite
en détail dans ce travail, notamment dans la deuxième partie du 3e chapitre. En effet, on
peut employer d’autres moyens pour les amplifier, c’est ce qu’on a proposé plus tôt
dans le premier chapitre: les résonances de l’espace acoustique, les résonances
corporelles, ou un système de substitution sensorielle. Même si on peut assurer un
moyen de diffusion des infrasons perceptibles, atteindre des niveaux d’intensité divers à
toutes les fréquences n’est pas toujours réalisable selon les contraintes du système. À
certaines fréquences, il y aura plus de variabilité dynamique qu’à d’autres. Selon les
expériences infrasonores qu’on a menées avec des casques d’écoute et des subwoofers,
on a entendu plus d’un spectre dynamique d’intensité plutôt autour de 20 Hz qu’aux
fréquences entre 9-12 Hz (9-12 Hz étant les limites de leur capacité pour diffusion).
Pour cette raison, pour composer de la musique infrasonore, il faut bien tester au
préalable et tenir compte des limitations du système de diffusion pour développer les
nuances d’intensité appropriées à la fréquence.
En somme, la possibilité de codifier une gamme d’intensités des infrasons dépend
fortement du moyen de diffusion employé et ses limitations de diffusion. Elle est
également limitée par les seuils individuels de l’inconfort aux infrasons parmi les
membres d’un public. Comme on l’a précisé plus tôt, une solution à la deuxième
contrainte peut être de dédier un espace de mouvement pour le public afin qu’il puisse
se déplacer volontairement et ainsi, calibrer l’intensité selon sa propre sensibilité. Plus
30
tard, dans la deuxième partie de ce chapitre, on traite de l’idée de traduction sensorielle
au vibrotactile et comment on peut élargir un tel spectre d’intensité à une autre
modalité. En effet, la solution à l’enjeu de l’intensité peut fonctionner en tant qu’un
paramètre artistique de soi-même. On offre plusieurs possibilités tout au long du texte,
mais au-delà de cela, c’est au compositeur de chercher ce qui sert le mieux à lui et à son
public.
C. Le timbre
Dans cette section, on va isoler et traiter les formes d'ondes classiques: des ondes
sinusoïdales, triangulaires, en dents de scie et carrées ainsi que du bruit blanc, la bande
fréquentielle du dernier étant contrôlée par un filtre passe-bas. On se limite à ces formes
classiques pour cette approche didactique ; il y a évidemment une infinité de timbres
beaucoup plus riches et dynamiques à explorer. Les synthèses additive et FM
(modulation de fréquence) simple peuvent aussi offrir des timbres complexes,
particulièrement les timbres qui modulent au fil du temps ; ce sont des timbres qui
seront étudiées en partie dans la section de spatialisation et plus loin dans le chapitre
suivant. Toutefois, cette occasion d'expérimentation est utile pour observer les effets de
synthèse soustractive sur ces ondes et donc sur leurs timbres. On emploiera un patch du
logiciel Max/MSP pour générer les oscillateurs de formes d'ondes diverses et aussi pour
étudier les effets des filtres passe-bas (lowpass) résonants de l'objet filtergraph~ et de
l'objet lores~. La pente des bandes transitionnelles (l’espace entre la fréquence de
coupure et la « stopband ») des deux filtres est rendue plus abrupte selon une résonance
(ou Q) plus augmentée, qui isole plus effectivement les fréquences infrasonores de leurs
partiels du domaine des hauteurs.
Tout au long de cette section, il est important de tenir compte du rôle de la
psychoacoutique dans la perception du timbre. Le timbre est une fusion perceptuelle
d’une balance entre des partiels (des relations harmoniques ou non) (Gordon dans
Roads, 1996). On a constaté que, dans nos expériences de timbre et nos expériences de
durée, lorsque la fréquence diminue (en particulier en dessous de 10 Hz), le timbre des
cycles individuels devient perceptible. Ainsi, avec une enveloppe pour faire varier le
timbre au fil du temps (e.g. le paramètre de l’index de modulation de la synthèse FM
simple), des pulsations individuelles d’une fréquence peuvent parfois ressembler aux
notes séparées aux timbres différents.
31
1. L’enjeu du filtre
Le sujet du timbre dans la composition infrasonore pose des enjeux au niveau de
filtrage. En effet, ce sont des partiels qui fournissent les formes d'ondes nonsinusoïdales (telles que les ondes triangulaires, en dents de scie et carrées), or l'emploi
d'un filtre passe-bas, destiné à isoler le spectre des infrasons, enlève dramatiquement les
caractéristiques de timbre de ces ondes, parfois en les réduisant aux ondes sinusoïdales
(lorsque la fréquence de coupure, FC, est inférieure au premier partiel). Ainsi, il faut
choisir comment employer un filtre passe-bas (si on va l'employer) selon les effets
infrasonores et les timbres recherchés. Puisqu'il est possible de développer une musique
purement infrasonore qui joue parmi des permutations de timbre parfois très
subtilement variées, le compositeur étend considérablement sa gamme des timbres
disponibles dès qu'il élargit la zone fréquentielle au-delà du seuil des infrasons pour
incorporer les partiels qui restent hors de ce spectre.
Selon le filtre employé, le paramètre de Q ne détermine pas parfaitement la
fréquence de coupure haute, selon une adaptation de l’équation Q =
f centrale
f hautcutoff " f bascutoff
(Roads, 1996). Cela est probablement dû en partie au fait que cette haute fréquence est
uniquement à un point de - 3 dB de la fréquence de coupure (Filtergraph~ Reference,
!
Max/MSP, 2008), et pour faire entendre les infrasons graves, il faut que l’amplitude soit
maximale. Donc, on amplifie aussi les partiels typiquement atténués après ce point.
Ainsi, avec un paramètre Q modéré (e.g. 1,5 avec une FC à 15 Hz, qui doit fournir une
fréquence de coupure haute à 20 Hz environ), on a toujours l’impression qu’on est dans
le spectre très grave, or on ne perd pas toutes les caractéristiques de timbre des ondes
complexes, même pour les ondes à 19 Hz. Certainement ces ondes approchent une
forme sinusoïdale ; cela s’entend et cela se voit avec un oscilloscope (objet scope ~).
Les signaux montrent des contours plus distincts lorsque la fréquence diminue et le
spectre écoutable encadre encore plus leurs partiels. Cependant, quelques partiels,
même très atténués, contribuent à une perception de timbre et à une distinction entre les
formes d’onde classiques.
En général, ces formes d’ondes deviennent plus marquées aux lentes oscillations
infrasonores. Spécifiquement, étant donné les différents types d’ondes introduits dans le
paragraphe précédent avec les mêmes paramètres de filtre, on peut toujours distinguer la
nature ronde des ondes sinusoïdales, la nature un peu plus rude des ondes triangulaires,
32
la nature accidentée et ronronnante des ondes en dents de scie et la nature assez
accidentée (moindre que celle des ondes en dents de scie), avec une période doublée, de
l’onde carrée. Quand on compare une onde carrée à une fréquence égale à la moitié de
la fréquence d’une onde en dents de scie, on note que l’onde carrée semble toujours plus
douce que celle en dent de scie. Les cycles individuels de l’onde en dents de scie sont
plus prononcés et accentués. En effet, ses contours sont encore plus marqués lorsque la
taille du filtre encadre des plus hautes fréquences.
2. L’enjeu du dispositif pour le timbre
La question du timbre des infrasons est liée à celle du dispositif de diffusion.
D'après des expériences menées depuis un subwoofer MeyerSound UMS-1P, depuis
deux subwoofers APG SB115S et enfin depuis des casques d'écoute DT 770 PRO
BeyerDynamic, on a vu que la coloration, à cause de la saturation des systèmes,
contribue d'une manière considérable à la perception du timbre. Ainsi, on peut
rechercher une telle saturation en tant qu'un élément musical en soi. Également, il faut
remarquer que le déplacement des membranes des haut-parleurs produit un bruit assez
perceptible dans le domaine des hauteurs, un effet qui contribue aussi à la détection des
cycles infrasonores et qui masque parfois d'autres aspects sonores subtils.
Les harmoniques et la distorsion du système contribuent à la perception des
fréquences inférieures au spectre de la réponse en fréquence. À partir des casques
d'écoute DT 770 Beyerdynamic (qui prétend offrir une réponse en fréquence jusqu'à 5
Hz23), on a noté que le seuil de détection d'une onde sinusoïdale était à environ 9-10 Hz.
On définit un tel seuil de détection par une perception de pression aux oreilles qui est
plus ou moins distincte d'une coloration auditive dérivante d'une saturation du système.
Le seuil de diffusion des subwoofers24 est supérieur d’un ou deux Hz (à 11- 12 Hz),
étant donné une distance de l'auditeur depuis l'enceinte supérieure à 2 mètres.
Cependant, on peut entendre des effets sonores à 3 Hz avec des ondes triangulaires, et
même à 0.01 Hz avec les ondes en dents de scie et carrées. On peut attribuer à plusieurs
sources l'audition des formes d'ondes complexes aux fréquences inférieures à celles des
ondes sinusoïdales pures, reproduites avec le même système de diffusion. Il faut
23
www.headphone.com (2012) et selon son emballage (reçu neuf en 2012)
La réponse opérationnelle du subwoofer MeyerSound UMS-1P est 25 Hz – 200 Hz selon ses
spécifications techniques (2000, Meyer Sound Laboratories, Inc.) et les spécifications du haut-parleur
APG SB115 sont 45 Hz -300 Hz selon son spécifications sur www.apg.tm.fr (date non précisée).
24
33
préciser que même si les fréquences fondamentales ne sont pas directement audibles,
d'autres qualités sonores indiquent toujours leur pulsation isochronique et les
harmoniques effectueront
le phénomène psycho-acoustique de la fréquence
fondamentale manquante. Au niveau de la composition, pour rendre évident ce dernier
phénomène, on a remarqué qu'un glissando descendant depuis des fréquences
supérieures, en particulier depuis des fréquences du domaine des hauteurs, est
particulièrement efficace.
En premier lieu, les harmoniques de fréquences supérieures à celle du seuil de
diffusion du système pour les ondes sinusoïdales vont contribuer à l'audition et la
distinction de fréquence de telles oscillations. Dans le cas où on utilise des casques
Beyerdynamic, cela sera des harmoniques supérieurs à 9 Hz.
Deuxièmement, il faut considérer la saturation ou la distorsion du système qui
peut se manifester par un taux oscillatoire du signal ou pulsations isochroniques. Le
bruit de déplacement de la membrane en fait partie. De la même manière, on peut
débattre à quel point les résonances audibles d'objets, placés dans l'espace acoustique,
contribuent à la coloration de timbre. Cela a été particulièrement un enjeu quand une
résonance acoustique a été mise en évidence dans le studio de l’Université de Paris 8 où
des tests du subwoofer MeyerSound on été effectués. Un mode de résonance le long de
l’axe horizontal de la salle a été provoqué par une onde en dents de scie à 16 Hz
environ. La résonance a aussi entraîné des vibrations dans un conduit de climatisation25.
Par ailleurs, cet effet était absent avec les ondes triangulaires et sinusoïdales. L’effet
était perceptible avec des ondes carrées, mais plus atténué. Ainsi, en tenant compte des
dimensions de la salle, on estime qu’une harmonique de l’onde a été responsable de
cette résonance. Néanmoins, ces vibrations à 16 Hz colorent le timbre et, en outre, un
timbre précis. Donc, des vibrations sympathiques peuvent faire partie d’un timbre
infrasonore.
Finalement, concernant l'audition des ondes en dents de scie et carrées, il y a un
aspect des pulsations isochroniques qui peuvent être modulées selon la FC et la
résonance d'un filtre26. Avec un filtre passe-bas, on a observé que ces deux formes
d'ondes rebondissent après la crête des ondes en dent de scie et carrés (ainsi qu'avant
25
Il est également possible que ces vibrations aient été dues à une résonance du tuyau de climatisation
lui-même.
26
Les observations suivantes ont été remarquées à l'oreille, puis confirmées à l'observation d'un
oscilloscope, analysant le signal généré par un oscillateur simple sinusoïdal.
34
aux ondes carrées) en créant une résonance en onde sinusoïdale. Cette perturbation
résonne à la fréquence de coupure FC, à cause de la présence d'une résonance du filtre.
Par exemple, à 0.01 Hz, avec un filtre passe-bas dont la FC est à 20 Hz et le Q est à 17,
une onde en dents de scie rebondit à 20 Hz suivant la pente descendante de la dent.
Ainsi, on peut conclure que les pentes brutales des formes d'ondes en dents de scie et
carrées entraînent des résonances de filtre. En outre, on remarque que lorsque le Q
approche 0, la hauteur de la résonance devient moins déterminée. En l'absence du filtre,
la démarcation entre les cycles est présente et claire, mais sans hauteur précise. Étant
donné une FC inférieure à 11-12 Hz, il n'y a plus de démarcation isochronique entre les
cycles ni en dents de scie ni carrées. On estime que le seuil de 11-12 Hz est lié à la
capacité du système de diffuser des ondes sinusoïdales, car les rebondissements ont lieu
à une amplitude moins forte que l'amplitude requise pour détecter une onde sinusoïdale
pure à 10 Hz avec les casques.
3. Le bruit blanc traité
On a aussi étudié le bruit blanc en tandem avec la synthèse soustractive, utilisant
un filtre passe-bas pour isoler les fréquences infrasonores. Le bruit blanc est un
grondement par nature et peut parfois être granulaire, or il n'est pas très audible aux
casques d'écoute, pour un bruit blanc passé à travers un filtre de FC inférieur à 15 Hz
environ, et un Q élevé. Le bruit aléatoire ou en partie aléatoire peut être un outil
puissant pour faire rappeler au public un phénomène infrasonore répandu. Par exemple
un circuit pour générer des grondements a été construit sur mesure pour le film
SenSurround Earthquake, selon un brevet américain original (l’auteur ne précise pas la
référence), et il a été diffusé dans une vidéo Youtube, Sensurround Earthquake Rumble
on Oscilloscope27. Selon l'auteur, un bruit en partie aléatoire est produit à des
fréquences entre 20-120 Hz avec des éléments résiduels jusqu'à 10 Hz. Ainsi, le bruit
blanc limité aux fréquences graves peut très bien servir pour imiter le bruit des
tremblements de terre ou simplement pour un effet de grondement.
D. La durée et les enveloppes d’amplitude
Pour commencer, il est nécessaire de préciser que les études suivantes ont été
menées sur la durée et l’enveloppe avec l’emploi des casques d’écoute professionnels
27
2008, Extrait le 13 juillet 2012 de http://www.youtube.com/watch?v=DuFdVzDQDUE
35
BeyerDynamic DT 770 PRO. Concernant le logiciel, les tests ont été effectués avec un
patch en Max/MSP. Avec ce matériel, on a pu explorer la relation entre les paramètres
du timbre, la durée et l’enveloppe en tant qu’une fonction de la fréquence. En général,
des fréquences à 3 Hz, 7 Hz, 11 Hz, 15 Hz, 19 Hz et 40 Hz ont été employées pour ces
expériences, ainsi que des formes d’ondes sans filtre qui sont sinusoïdales, triangulaires,
en dents de scie ou carrées.
Pour étudier la durée, il faut la relier mathématiquement à la fréquence. On a
examiné trois groupes de rapports où T est la durée en secondes et ƒ est la fréquence.
Dans
T=
le
premier
groupe,
on
a
employé
des
relations
telles
que :
1
1
1
1
1
,T =
,T =
,T =
,T =
afin de regarder le rapport entre la durée du
f
1,7 f
2f
4f
10 f
cycle et les fractions du cycle. Dans le deuxième groupe, on a employé des relations
!
telles que : T =
1
1,7
2
4
10
,T =
,T = ,T = ,T =
afin de regarder le rapport entre la
f
f
f
f
f
durée du cycle et les multiples du cycle. Enfin, le troisième groupe étudie les relations
telles
! que : T =
f
1,7 f
2f
4f
10 f
,T =
,T =
,T =
,T =
ou plus simplement exprimées
f
f
f
f
f
comme telles : T = 1, T = 1,7, T = 2, T = 4, T = 10. Ce groupe étudie les plus longues
durées, comprenant de nombreuses répétitions des cycles.
!
Pour traiter le sujet d’enveloppe d’amplitude, six fonctions ont été configurées :
1.
Une enveloppe d’une attaque assez raide et d’un décroissement assez
raide avec un palier.
2.
Une enveloppe d’une attaque raide et d’un décroissement doux.
3.
Une enveloppe d’une attaque douce et d’un décroissement raide.
4.
Une enveloppe étroite d’une attaque raide et d’un décroissement raide.
5.
Une enveloppe triangulaire d’une attaque douce et d’un décroissement
doux, mais sans palier.
36
6.
Une enveloppe ronde, plus ou moins gaussienne.
Pour les études de durée des deux premiers groupes des durées (les fractions des
cycles et des petites multiples des cycles), on n’a employé que le premier modèle, que
l’on appellera « l’enveloppe sustain ».
En utilisant une enveloppe sustain, aux fréquences sinusoïdales à 9 Hz, 11 Hz,
15 Hz, 17 Hz, 19 Hz, 23 Hz, 30 Hz et 40Hz, il faut une durée d’au moins un cycle (qui
commence depuis une phase à 0 ou à π pour éviter la distorsion) pour distinguer la
fréquence à l’oreille. Cette caractéristique est distincte des distorsions isochroniques du
système qui sont souvent présentes. Ce seuil d’un cycle s’applique aussi au timbre, à la
distinction d’une forme d’onde complète.
On a vu que lorsque la fréquence est plus basse, une durée plus longue et de
nombreux cycles, aident à la distinction de la courbe d’enveloppe. En outre, une durée
plus longue aux basses fréquences évite la distorsion. On a remarqué que les enveloppes
aux attaques rapides et aux décroissements rapides entraînent de la distorsion. Elles
provoquent encore plus de distorsion quand l’attaque est lancée hors phase étant donné
une durée assez courte. Plus la fréquence est basse et la pente d’amplitude est aiguë,
plus la durée doit être longue pour réduire cette distorsion. Parfois, cela prend quelques
secondes. Cet artéfact est perceptible avec les ondes sinusoïdales, en dents de scie et
carrées. De façon intéressante, l’effet n’est pas si distinct avec des ondes triangulaires
car le timbre de la distorsion s’harmonise bien avec leur timbre.
À part cela, aux durées inférieures d’un cycle de la fréquence, les distorsions
deviennent parfois très percussives et intéressantes. Les bruits et clics ont le potentiel
pour être exploités en tant que paramètre musical en soi.
E. La spatialisation
Pour déterminer les effets de spatialisation aux infrasons, on a mené une série
d’expériences avec l’emploi de deux subwoofers APG SB115S, des casques d’écoute
BeyerDynamic et la sortie audio d’un ordinateur iMac 2006. Les tests des subwoofers
ont été effectués dans l’espace de l’Amphi X du campus de l’Université de Paris VIII.
Selon les conseils de Toole (2008) pour réduire les résonances acoustiques dans les
espaces acoustiques carrés, chaque subwoofer a été placé à une distance approximative
37
de 25% du mur et sur un axe horizontal de l’espace. Même si l’espace de l’Amphi X
n’est pas carré, sans un acousticien professionnel et une connaissance précise des
dimensions, cette configuration peut difficilement être mieux optimisée pour la
diffusion. Cette méthode simple reste la plus facilement réalisable (étant donné les
moyens de cette recherche) pour éviter des résonances indésirables pendant ces
expériences.
Concernant le logiciel, on a employé deux patchs en Max/MSP qui se trouvent
sur le disque accompagnant. Il y a des exemples pre-programmés pour chaque patch. Le
premier était un double oscillateur, chaque oscillateur est basé sur celui présenté cidessus pour examiner le timbre. On pouvait sélectionner la forme de l’onde parmi les
options: sinusoïdale, triangulaire, en dents de scie, ou carrée. Les deux oscillateurs
avaient des filtres filtergraph~ et lores~. L’autre patch était un double oscillateur FM
simple équipé avec un filtre filtergraph~.
Pendant ces tests de spatialisation, on s’intéressait au rapport entre les
battements monauraux et binauraux, les polyrythmes des pulsations isochroniques
conduites par un objet Max metro pour chaque oscillateur, le décalage de phase et de
panning. On a aussi étudié le rôle du timbre, de la synthèse soustractive et parfois
d’enveloppe d’amplitude. Dans cette section, on aborde principalement la spatialisation
stéréo, sauf dans la section de panning, où on parle brièvement d’une configuration
octophonique.
Globalement, la spatialisation permet de créer des polyrythmes très complexes
et dynamiques grâce à certains paramètres. La variation de ces paramètres crée
rapidement une palette d’effets divers et très séduisants pour le compositeur.
1. Les tests avec le premier patch
Un des intérêts principaux de spatialisation est celui de la création des
battements monauraux dans le cas des enceintes et des battements binauraux dans le cas
des casques d’écoute. A priori, peu importe quelle addition des ondes dans le spectre
infrasonore entraînera des battements, car les oscillations au sein du spectre infrasonore
ont une différence qui n’excède pas 20 Hz, une différence fréquentielle de moins de 2630 Hz étant le point de départ pour cet effet28. Également, on a observé qu’aux ondes
complexes (sans filtre), ces battements sont même audibles à partir d’une sortie des
28
Oster, (1973).
38
enceintes d’ordinateur.
Or, après nos expériences, on a vu que ces battements deviennent moins
prononcés dès que l’oscillation est inférieure à 9 ou 10 Hz environ. À ce moment-là, les
cycles distincts de la fréquence et le polyrythme entre les deux signaux commencent à
masquer les battements monauraux et binauraux. Si les battements sont toujours
présents, il est très difficile de les distinguer. Ce seuil divisé par 2 avec des ondes
carrées qui manifeste déjà une période double, et ainsi, un battement doublé. En somme,
les battements servent à provoquer des rythmes entre les infrasons moins rythmiques en
soi. Pour une illustration de cela, veuillez essayer les boutons pre-programmés 1,2 et 3.
On a vu que le décalage de phase rajoute un effet rythmique par des annulations
et des renforcements d’onde entre les deux subwoofers. Les boutons 4 et 5 explorent ce
paramètre, 4 en phase, 5 hors phase par 30%. On a également vu qu’on peut intensifier
la complexité des relations phasiques en créant une relation polyrythmique entre les
deux oscillateurs. Utilisant des fréquences supérieures à 10 Hz, on a envoyé des bangs à
une enveloppe (le modèle 1 de la section précédente) à un taux contrôlé par un objet
metro. On a accordé la durée de l’enveloppe d’amplitude avec le taux d’objet metro,
afin que l’enveloppe se relance dès que l’événement sonore est terminé. On a utilisé des
durées entre 0,5- 5 secondes. Ainsi, on a crée des pulsations isochroniques à 0,5- 5 Hz,
chaque pulsation comprenant une fréquence infrasonore entre 10- 20 Hz. On a décalé le
taux des deux oscillateurs afin de produire une relation polyrythmique. Puisqu’il y a un
décalage de phase, ce polyrythme global change la manière dont les phases interagissent
ensemble. En effet, on crée un polyrythme de phase difficile à anticiper à l’oreille.
Ainsi, on a trouvé que le décalage de ces pulsations isochroniques est un paramètre
important pour le compositeur. Veuillez écouter les exemples des boutons 6 et 7.
De plus, ces polyrythmes deviennent plus développés lorsque les ondes sont
complexes, les formes d’onde complexe ne sont pas les mêmes et possèdent un plus
large nombre de partiels (contrôlé par le filtre passe-bas). Au niveau du timbre, on peut
obtenir des résultats variés et riches. Vous pouvez écouter une comparaison entre sans
filtre et avec filtre en utilisant les boutons 8 et 9.
Lorsqu’on a mené ces tests aux fréquences en dessous de 10 Hz, il a fallu
employer uniquement des ondes complexes, car les ondes sinusoïdales seules n’étaient
plus perceptibles, étant donné les spectres fonctionnels des subwoofers et des casques
d’écoute. Avec des paramètres similaires, on a aussi pu obtenir des complexités
rythmiques. Cependant, on n’obtenait pas autant de richesse de timbre et les pulsations
39
isochroniques globales n’étaient pas toujours si distinctes. Pour faire ressortir les
pulsations, on a vu que les paramètres suivants étaient efficaces : une différence faible
entre les fréquences, des enveloppes différentes (e.g. le modèle 1 avec le modèle 2) et
des décalages isochroniques subtils et une relation mathématique non-multiple.
Également, en désignant des durées/des taux isochroniques, il faut tenir compte des
astuces de la dernière section afin d’éviter des distorsions. Un exemple de cet effet est
illustré avec le bouton 10.
Même si on crée un entrelacement rythmique très dynamique par ces
paramètres, en imposant des pulsations isochroniques globales et en modulant la
différence entre eux, on peut obtenir un sens de tempo lent ou rapide, tout en gardant
cette complexité riche. Cet effet en combinaison avec une différence plus proche entre
les fréquences (et ainsi, des battements plus lents) peut contribuer à un tempo plus lent.
2. Les tests avec le deuxième patch (de la synthèse FM simple)
Étant donné les résultats des tests du premier patch, on a imaginé l’intérêt d’un
patch qui a un timbre qui est modulé au fil de temps. Ainsi, on a développé un patch
double de la synthèse FM simple, un pour chaque enceinte (ou chaque oreille). Chaque
piste a la possibilité de décaler la phase, une enveloppe dédiée à l’index de modulation
et une enveloppe d’amplitude. Les durées de ces enveloppes sont liées à un objet metro
(déjà utilisé pour créer des pulsations isochroniques avec premier patch). Cependant, on
a observé des résultats rythmiques et des effets de timbre beaucoup plus intéressants et
moins répétitifs, selon des durées/des taux longs/pas fréquents. Le bouton 1 dans le
patch illustre cela. Ainsi, on a observé qu’il y avait beaucoup moins d’anticipation à
l’oreille des effets polyrythmiques.
On a aussi entendu des influences de phase intéressantes suite à une duplication
exacte des paramètres entre les deux pistes sauf ceux de la phase et de l’enveloppe pour
l’index de modulation. Veuillez écouter le bouton 2 pour une illustration.
On a décidé d’aller encore plus loin en utilisant l’aléatoire; on a altéré la
fréquence modulante de chaque partie du patch, l’une indépendamment de l’autre partie,
à l’aide d’un objet générant l’aléatoire ‘drunk’. De plus, le taux de ces changements
peut varier avec un autre objet metro et un objet random. Voici un exemple des
subpatchs :
40
FIGURE 9: La fréquence modulante du côté gauche. Un patch similaire est du côté droit.
Ainsi, on a pu obtenir un résultat rythmique qui approche les microrythmes, mais qui
parfois établit des battements monauraux (ou binauraux) entre les deux pistes. Les
boutons 3 et 4 correspondent à cet effet. Également le taux de ces battements module
rapidement selon les changements de l’enveloppe de l’index modulant. Pendant que le
premier patch est riche en possibilités sonores, ce deuxième patch, qui offre des
changements de timbre au fil du temps, est plus fonctionnel en tant qu’outil de
composition, ce qui donne un produit musical prêt à utiliser en soi.
3. Le panning
On a observé l’efficacité d’un panning d’échange entre les deux pistes dans
chaque patch, pour faire ressortir ces effets de nouveau. Cela aide à encore animer le
matériau. De plus, cela est particulièrement utile dans le contexte d’un concert à partir
d’une diffusion depuis des subwoofers, où tous les membres de public ne sont pas
toujours orientés au centre.
Également, le transfert de contenu d’une manière rythmique peut rajouter son
propre aspect infrasonore. Dans l’œuvre « Electrified out of the coma » (2011) d'Anne
Sedes, des pulsations sont envoyés pour faire le tour d’une formation octophonique
cyclique des enceintes non-subwoofer. Ces cycles sont parfois effectués à un taux
infrasonore, parfois plus rapide aux fréquences au domaine des hauteurs. L’auteur de ce
présent travail a employé la même idée, l’année suivante, dans sa propre œuvre
41
octophonique « Larry » (2012) qui a été jouée en concert dans le même local, à la
Chapelle des Carmélites à Saint-Denis. On va aborder cette composition en détail dans
le dernier chapitre.
Malheureusement, dans le cadre de cette recherche, on ne peut pas traiter plus
profondément le sujet des configurations variées. C’est à examiner dans un travail futur.
4. La spatialisation (en résumé)
En conclusion, la spatialisation fournit un espace pour faire varier de nombreux
paramètres, et ainsi pour produire une variété d’artéfacts rythmiques et de timbre.
Surtout on a pu explorer les effets de la phase, un paramètre qui se manifeste
rythmiquement par des vides et des renforcements accentués ; les effets des battements
monauraux et binauraux ; la génération des polyrythmes et les possibilités de panning. Il
reste beaucoup de paramètres à explorer dans le domaine de la spatialisation
infrasonore, et particulièrement, à travers d’autres moyens de synthèse. Cependant, cela
sera hors de portée de ce travail. Au moins, dans cette section, on a voulu fournir les
points de départ pour une exploration plus profonde.
42
II: Partie 2
Caractéristiques particulières de la diffusion vibrotactile
La composition tactile est une manière remarquable d’encadrer la diffusion des
infrasons et de créer des rapports compositionnels puissants en accompagnement de la
musique. Pourtant il y a du potentiel pour développer une composition tactile
indépendante d’un tel accompagnement, ici, on s’intéressera à la composition tactile en
tant qu’une piste toujours dans un contexte musical sonore.
La plupart de cette section est basée sur la recherche de Masters d’Eric Gunther
(2001), au Massachussetts Institute of Technology (MIT). Il a crée un costume
vibrotactile alimenté d’un patch Max/MSP, qu’il a nommé le système « Skinscape »,
pour étudier l’espace composable de la vibrotactilité (e.g. la fréquence, l’intensité, le
contenu spectral) dans ce contexte vibrotactile.
Gunther met l’accent sur le potentiel d’une composition tactile synchronisée
pour faire ressortir et renforcer certains aspects d’une composition musicale (lorsque les
deux sont synchronisés), voire dans une contexte didactique. Ainsi, on peut exploiter la
modalité tactile pour aider à la perception des infrasons diffusés à partir des hautparleurs. Cependant, pour un public, une substitution sensorielle des données
infrasonores à la vibrotactile offre une valeur ajoutée au-delà de celle d’un simple
renforcement perceptuel.
Comme on le verra, on ne peut pas obtenir une traduction parfaite des données
sonores à la modalité vibrotactile. Par contre, on peut développer une sorte
d’interprétation tactile. Néanmoins, certains paramètres (notamment la spatialisation)
deviennent encore plus remarquables avec une combinaison musicale, et parfois
provoquent des phénomènes intersensoriels très riches. En outre, l’élément vibrotactile
peut servir en tant qu’une piste compositionnelle indépendante en créant un contrepoint
intersensoriel avec la partie musicale. Il y a beaucoup à explorer dans la composition
infrasonore vibrotactile voire dans la composition vibrotactile en général. Ici, on
propose une revue de quelques des indices importants pour commencer une telle
exploration, et au dernier chapitre, on traite des explorations personnelles de l’auteur
dans son œuvre « Larry ».
Dans cette section, on va traiter la perception tactile. Pour la plupart, on va
aborder les mécanorécepteurs qui sont des extérnocepteurs et des récepteurs simples.
Pour des définitions de ces termes et pour une revue des récepteurs sensoriels, veuillez
43
consulter l’annexe La classification des récepteurs sensoriels, d’après Tortora et
Grabowski (2004). Pour des illustrations d’où se trouvent les mécanorécepteurs
différents dans la peau, veuillez regarder l’annexe Les mécanorécepteurs de la peau.
A. La fréquence
1. La perception de la fréquence
La peau détecte la fréquence à partir des mécanorécepteurs. Il y a des
mécanorécepteurs optimisés aux spectres fréquentiels divers. Gunther (2001) précise
que le système tactile répond principalement aux fréquences entre 20-1000 Hz, à
comparer au système auditif (20-20000 Hz). Cependant, il y a des mécanorécepteurs qui
répondent potentiellement aux fréquences d'au moins 0,4 Hz :
Récepteur
Peau Velue,
V ou Peau
Glabre, G
Spectre
Corrélation sensorielle probable
fréquentiel
(Spectre le plus
sensible)
Les
corpuscules de
Pacini
Les
corpuscules de
Meissner
Les récepteurs
du
follicule
pileux
Les
corpuscules de
Ruffini
Les cellules de
Merkel
Les plaques de
toucher
G, V
40-800 Hz
(200-300 Hz)
VIBRATION,
CHATOUILLEMENT
G
10-200 Hz
(20-40 Hz)
V
inconnu
TOUCHER, CHATOUILLEMENT,
MOUVEMENT,
VIBRATION,
BATTEMENT, DES PETITS COUPS
TOUCHER, VIBRATION
G, V
7 Hz
ÉTIREMENT,
TENSION
G
0.4-100 Hz
(7 Hz)
inconnu
BORD, PRESSION
V
CISAILLEMENT,
inconnu
TABLEAU DES MÉCANORÉCEPTEURS : d’après Kaczmarek et al., 1991 (cité dans Gunther, 2001).
Dans ce tableau, on voit dans la première colonne les noms de divers mécanorécepteurs.
La deuxième colonne classifie les mécanorécepteurs comme étant ceux de la peau velue
V, ceux de la peau glabre G ou aux deux. La troisième colonne décrit le spectre
fréquentiel auquel les mécanorécepteurs respectifs sont les plus sensibles. La quatrième
colonne postule le type de toucher correspondant pour chaque mécanorécepteur.
Ce tableau démontre une base biologique pour la perception tactile des
44
infrasons. Concernant la septième colonne, on voit que les corpuscules de Pacini, les
corpuscules de Meissner et les récepteurs du follicule pileux sont les mécanorécepteurs
les plus adaptés pour capter la vibration. Les corpuscules de Ruffini et des cellules de
Merkel ont du potentiel pour détecter une sorte de tension ou de pression,
respectivement, qui peuvent être entraînés par de lentes oscillations. Les plaques de
toucher restent un inconnu.
On remarque que les corpuscules de Meissner ont une sensibilité d’au moins
10 Hz. Les corpuscules de Ruffini répondent de façon optimale à 7 Hz. À propos des
cellules de Merkel, le tableau reporte une sensibilité au spectre 0,4-100 Hz, mais ils sont
plus sensibles autour de 7 Hz. Concernant les deux types de mécanorécepteurs uniques
de la peau velue, il y a des spectres inconnus pour les deux: les récepteurs du follicule
pileux (cheveux et poils) et les plaques de toucher (tactile disks). Ainsi, il faut ne pas
écarter ces deux types de mécanorécepteurs en tant que récepteurs potentiels aux
infrasons.
L’« adaptation »
Un des intérêts principaux en connaissant ces spectres fréquentiels des différents
mécanorécepteurs, est l’organisation compositionnelle de matériel musical selon chaque
mécanorécepteur comme une piste. Gunther explique que les types de mécanorécepteurs
fonctionnent un peu comme des chaînes; ils permettent aux fréquences d'être filtrées
selon le mécanorécepteur auquel elles sont sensibles. Ce paramètre biologique a des
applications importantes pour le compositeur en considérant le phénomène de
l’«adaptation ».
L’« adaptation » se passe après une exposition prolongée à un stimulus ; en
effet, on peut temporairement épuiser la sensibilité d’un mécanorécepteur. Cela se
manifeste par une diminution de l’intensité sensorielle ou du seuil de détection d’un
stimulus. Cet effet est principalement évident au seuil de détection, mais est également
notable aux niveaux supérieurs au seuil. Pendant une exposition prolongée, l’intensité
de sensation décroit et ensuite, après l’exposition, elle recouvre les niveaux de
sensibilité précédant l’adaptation. Selon l’intensité et la durée de cette exposition, la
période de récupération peut prendre quelques secondes ou plusieurs minutes.
Pour éviter cette « adaptation » ou en attendant que la sensibilité se retrouve, on
peut alterner entre les spectres fréquentiels de la musique selon les spectres fréquentiels
des mécanorécepteurs différents. Ainsi, les pistes fréquentielles des mécanorécepteurs
45
se fatiguent moins. Concernant les infrasons, on peut noter la sensibilité des récepteurs,
selon des spectres donnés: 10-20 Hz pour les corpuscules de Meissner, 7 Hz pour les
corpuscules de Ruffini et 0,4-20 Hz pour les cellules de Merkel. Donc, on peut
organiser des sections de matériel qui emploient le spectre fréquentiel correspondant
aux pistes de ces mécanorécepteurs divers.
En outre, Guther insiste qu’on peut aussi manipuler l’adaptation stylistiquement.
En faisant tomber du matériel musical en arrière plan pendant que d’autre matériel
ressort, et ainsi l’adaptation répond très bien.
2. La discrimination entre les fréquences
Gunther (2001) précise que le système tactile n'est pas autant équipé pour
discriminer les changements de la hauteur que le système auditif. En général, la peau n'a
pas l'acuité suffisante pour remarquer des différences subtiles entre les fréquences, en
particulier, lorsque la fréquence est haute (Verrillo et Gescheider, 1995, cité dans
Gunther, 2001). Gunther dit que puisque des fréquences inférieures à 100 Hz produisent
une sensation de périodicité et de bourdonnement, les fréquences supérieures à 100 Hz
provoquent une sensation plus diffuse et douce. Ainsi, les infrasons tombent dans le
premier groupe de bourdonnement.
En général, la distinction entre les fréquences infrasonores tactiles est plus
marquée qu’aux fréquences supérieures à 20 Hz. Selon le chercheur Sherrick (1985, cité
dans Gunther, 2001), les humains sont sensibles à environ 3 et 5 niveaux de variation
vibratoire entre 2 et 330 pps (pulsations par seconde). Un paramètre ajouté d'intensité
augmente cette sensibilité à 5 à 8 niveaux. Par contre, les chercheurs Rovan et Hayward
(2000, cité dans Gunther, 2001) prétendent 8 à 10 chiffres dans un spectre de 70 à
800 Hz. Cependant, puisque les infrasons sont rythmiques voire comptables,
particulièrement aux fréquences inférieures à 10 Hz, la distinction entre les fréquences
infrasonores est plus raffinée qu’aux fréquences supérieures à 10 Hz voire 20 Hz. Selon
des expérimentations personnelles, on a vu que les cycles (d'un son pur) inférieurs à
10 Hz sont encore plus comptables s'il y a un repère isochronique auditif, visuel ou un
renforcement tactile. Avec la synthèse FM simple, on a également pu parfois détecter
des changements de polyrythmes qui suivent les modifications de la fréquence porteuse
ou de la fréquence modulante. Cela est particulièrement le cas pour les relations
inharmoniques entre la fréquence porteuse et la fréquence modulante, quand la somme
de deux chiffres fréquentiels n’est pas supérieure à 6.
46
Enfin, Gunther remarque souvent que le rythme est un des aspects les plus
saillants de la composition vibrotactile. Etant donné le potentiel rythmique et le
potentiel polyrythmique de la composition infrasonore (dont on a discuté en détail dans
la section précédente), le spectre fréquentiel infrasonore a beaucoup à offrir à la
composition vibrotactile. Dans des travaux futurs et des compositions à venir, on
voudrait explorer plus en détail ces possibilités.
B. L’intensité
1. La perception de l'intensité
Le spectre d'intensité de la modalité vibrotactile est plus réduit que celui de la
modalité auditive. Selon Verrillo et Gescheider (1992, cités dans Gunther, 2001), le
spectre d'intensité du système tactile va jusqu'à 55 dB29 au-delà du seuil de détection, à
comparer à 120 dB au système auditif (aux fréquences du domaine des hauteurs).
2. La discrimination entre les intensités
D’après Geldard (1966, cité dans Gunther 2001), en général, on peut percevoir
autour 15 JND (Just Noticable Differences : différences de seuils remarquables)
d’intensité entre le seuil de détection et le seuil d’inconfort.
Gunther (2001) qualifie l'importance de faire une distinction entre l'intensité
d'un stimulus et l'intensité subjective, dont il nomme le dernier l’« intensité sensorielle »
(sensory magnitude). Il est possible que deux ondes sinusoïdales de même intensité et
de deux fréquences différentes puissent entraîner la perception de deux intensités
inégales. Les chercheurs Verrillo et al. (1969, cités dans Gunther, 2001) ont créé le
graphique suivant pour illustrer ce phénomène:
29
Avant que les vibrations soient perturbantes ou douloureuses.
47
FIGURE 10: Courbes de l’intensité sensorielle du toucher en fonction de la fréquence (Verrillo et al.,
1969, cités en Gunther, 2001).
Ce graphique fait penser à la figure d’Altmann (1999) de la section concernant
l’intensité des infrasons sonores (voir Figure 8) qui mesure les phones, les niveaux
d'intensité subjective du système auditif.
Si on compare ces deux graphiques, on peut voir les similarités entre les niveaux
de la magnitude sensorielle du système tactile et les phones du système auditif. Dans les
deux modalités, il y a la même distinction entre l'intensité mesurable et l'intensité
perçue. Également, il faut remarquer comment les courbes de sensation augmentent vers
les basses fréquences. Pour les systèmes tactile et auditif, il faut plus d'intensité vers les
basses fréquences pour obtenir les mêmes niveaux d'intensité subjective qu'aux plus
hautes fréquences. Cependant, dans le graphique sur l’audition d’Altmann, on note que
les courbes des phones se rapprochent vers les basses fréquences, particulièrement en
dessous de 50 Hz. Dans le graphique vibrotactile d’après Verrillo et al.(1969), on voit
aussi que les courbes se rapprochent vers les basses fréquences (pour les fréquences
inférieures à 250Hz), mais la réduction d’espace entre les courbes n'est pas aussi
remarquable que dans les courbes de phones de l’audition.
Concernant l'intensité perçue aux fréquences infrasonores, le graphique
vibrotactile ne fournit pas de données en dessous de 25 Hz. On ne sait pas comment le
toucher réagit aux fréquences infrasonores. Ainsi, on peut faire des hypothèses basées
sur les tendances du graphique vibrotactile et sur les similarités avec le graphique
sonore d’après Altmann. À partir d’une telle analyse, on peut estimer que vers les
basses fréquences, toutes les courbes de seuil augmentent, en s’approchant du seuil
48
avant l’inconfort. Or, même si les courbes des deux graphiques s'approchent en dessous
des 25 Hz, le spectre d’intensité sensorielle du toucher ne se restreindra probablement
pas autant que fait le spectre des phones.
Également, on peut revenir au tableau des mécanorécepteurs de Kaczmarek et
al., (1991) (au début de cette section) afin de nous informer des spectres infrasonores les
plus sensibles selon le mécanorécepteur (et par rapport à leur spectre fréquentiel
respectif). Les fréquences auxquelles chaque mécanorécepteur est le plus sensible se
trouvent dans la troisième colonne entre parenthèses. Malheureusement, ce tableau
n’illustre pas comment l'intensité subjective varie ni à travers le spectre fréquentiel
complet ni à travers les spectres fréquentiels propres de chaque mécanorécepteur.
Jones, cité dans Leventhall, 2003, décrit le seuil des mécanorécepteurs selon la
fréquence comme tel:
FIGURE 11: Les seuils des récepteurs cutanés (Jones, sans date, cité dans Leventhall, 2003)
On constate sur cette figure que les cellules de Merkel ont une sensibilité d’au moins
5 Hz et d’au moins 20 Hz pour les corpuscules de Meissner. Ces chiffres approchent les
données du premier tableau d’après Kaczmarek et al., (1991) pour décrire les spectres
fréquentiels les plus sensibles. Vers les fréquences infrasonores, on voit que le seuil est
moins sensible, ce qui en accord avec notre hypothèse précédente. Cependant, pour les
fréquences inférieures à 10 Hz, la courbe de seuil commence à se stabiliser.
Un autre aspect de l’intensité sensorielle à noter, est son rapport aux différentes
parties du corps :
49
FIGURE 12: L’intensité subjective en fonction de l’amplitude de vibration, pour le doigt (cercles
remplis), le thénar 30 (croix) et l’avant-bras (cercles vides) (Verrillo et Chamberlain, 1972, cités dans
Gunther, 2001).
Ce graphique démontre que lorsque l’amplitude de la vibration est plus forte, l’intensité
sensorielle est plus forte. Il illustre aussi des différences entre les parties diverses du
corps. Les pentes aiguës indiquent une augmentation plus rapide en intensité perçue.
Pour le compositeur, une connaissance de ce rapport entre la partie du corps et la courbe
d’intensité sensorielle peut lui servir à choisir où sur le corps le spectateur va recevoir
des vibrations (à partir d’un transducteur tactile, par exemple), et en calibrant l’intensité
pour la partie du corps choisie.
Pour le compositeur vibrotactile infrasonore, il est important de connaitre le
rapport de l'intensité perçue selon la fréquence. Il faut anticiper pour fournir assez
d'énergie depuis le moyen de diffusion pour faire ressentir les basses fréquences à
l'intensité voulue. Il faut aussi un dispositif capable de les produire.
Concernant une diffusion vibrotactile par un transducteur tactile, lorsqu’on la
compare à une diffusion auditive, on peut aussi trouver des limitations de diffusion audelà son spectre fréquentiel optimal, parfois aux infrasons. Selon des observations
personnelles faites avec un transducteur tactile, un Aura Bass Shaker, des nombreux
individus, ainsi que l’auteur de ce travail, ressentaient des oscillations vibrotactiles
jusqu'à 7 Hz minimum, quoique très faibles. Ce modèle étant conçu pour un emploi
30
Sur la paume de la main, sous le pouce.
50
entre 20-80 Hz31, il faut plutôt attribuer cette faiblesse aux limitations de diffusion de la
machine avant d’admettre que ces limitations sont dues à un seuil perceptif. On
discutera plus profondément des moyens de diffusion vibrotactile et leurs limitations
dans le prochain chapitre.
C. La durée et les enveloppes d’amplitude des mécanorécepteurs
Gunther explique qu’en général, une diffusion tactile d’une durée de moins de
0.1 secondes est perçue en tant qu’un petit coup contre la peau. Ainsi, on peut estimer
que des cycles individuels des infrasons aux fréquences supérieures à 10 Hz seraient
ressentis comme du staccato tactile. On peut appliquer des enveloppes de sons d’une
plus longue durée pour obtenir une variété des effets. On peut faire des crescendos et
des effets de vibrato. En plus, Gunther décrit des attaques graduelles qui donnent
parfois la sensation que le stimulus pousse de la peau. On traitera ce type d’effets plus
tard, au dernier chapitre, en décrivant l’œuvre « Larry » composée par l’auteur de ce
travail.
Surtout, Gunther cite l’importance de l’attaque et de la durée des événements
vibrotactiles dans la présentation simultanée de deux lignes de matériel. L’emploi des
durées et attaques différentes contribue considérablement à la distinction de matériel.
Selon Geldard (1966) dans une période de 0,1-2 secondes, on peut percevoir
25 JND de durée, dont à moins 4 ou 5 distinctions on peut estimer la durée exactement.
Le « taux d’adaptation » et l’« adaptation » à la durée
Concernant la décroissance et la durée des événements infrasonores
vibrotactiles, il faut aussi considérer la caractéristique du « taux d’adaptation » des
mécanorécepteurs. Cet effet ne doit pas être confondu avec l’«adaptation » vue
précédemment qui fait référence à la faculté de s’adapter à un stimulus constant. Sur la
peau, on a des taux d’adaptation auxquels la plupart des mécanorécepteurs répondent
après des changements de stimulus externes (e.g. la température, la pression). Ces
changements se manifestent à ces mécanorécepteurs par des pulsations de tension
électrique parmi les neurones. Dès qu’un changement s’effectue dans l’environnement,
ces pulsations se produisent. Éventuellement, le taux de pulsation peut revenir à son
31
Comme précise leur site de vente (1996-2012) Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker Tactile Transducer.
Parts Express. Extrait le 11 août 2011 de http://www.partsexpress.com/pe/showdetl.cfm?partnumber=299-028).
51
niveau passif initial. Le taux d’adaptation est le taux pour lequel ces pulsations
reviennent à leur état normal après un changement. Il faut préciser que cette adaptation
ne concerne pas des signaux statiques ; elle concerne uniquement les signaux variables.
Les mécanorécepteurs se divisent en trois classes : ceux qui s’adaptent
rapidement, ceux qui s’adaptent à une vitesse modérée et ceux qui s’adaptent lentement.
Dans le premier groupe, les mécanorécepteurs à l’adaptation rapide (après 0,1
secondes), on ne trouve que des corpuscules de Pacini. En revenant au tableau des
mécanorécepteurs, on voit que ce sont des corpuscules qui sont principalement sensibles
à un spectre fréquentiel d’au moins 40 Hz. Ils sont typiquement employés dans la
détection de la rugosité d’une surface et des vibrations d’intensité subtile des machines.
Ainsi, au niveau de la composition infrasonore, des décroissements rapides, en
particulier aux ondes complexes (qui sont plus rudes) et aux intensités faibles, sont
mieux réalisés en employant des pulsations isochroniques à des fréquences du spectre
40-800 Hz, selon la sensibilité optimale de ces corpuscules.
Parmi les mécanorécepteurs ayant une adaptation d’une vitesse modérée (après
1 seconde environ), on trouve les corpuscules de Meissner et les récepteurs du follicule
pileux. On peut tester la sensitivité du dernier en touchant légèrement sur les poils du
bras. Cette information est pertinente pour une diffusion vibrotactile qui engage les
parties pileuses du corps. Elle serait également utile pour une diffusion auditive à une
amplitude très forte qui déplacerait beaucoup d’air. Or ce type de diffusion n’engage
que les récepteurs du follicule pileux et non pas la peau glabre des bouts des doigts, par
exemple. Par contre, c’est aux bouts des doigts que l’on peut trouver des corpuscules de
Meissner. Ces corpuscules sont sensibles aux fréquences d’au moins 10 Hz. Ils
répondent particulièrement bien au toucher léger. Ainsi, pour un stimulus d’intensité
faible aux doigts ou pour un stimulus de contact avec les poils, il faut anticiper cette
adaptation d’une seconde environ.
Le dernier groupe des mécanorécepteurs à l’adaptation lente contient des
cellules de Merkel, des corpuscules de Ruffini et des plaques tactiles, dont les deux
premiers sont particulièrement pertinents à la composition vibrotactile infrasonore. Le
taux d’adaptation pour ces mécanorécepteurs peut être aussi long que 10-100 secondes
environ. Toutefois, l’auteur suggère que ces particulièrement longues périodes sont
typiquement associées à des taches tactiles liées à la perception de la température ou au
fait de tenir des objets dans la main, plutôt que la perception de vibration.
Concernant la durée, le compositeur vibrotactile doit être également conscient
52
de l’effet d’ « adaptation » vu précédemment. La sensibilité de certains récepteurs
devient « épuisée » après une période prolongée de stimulation, donc il faut faire
attention pour des sons d’une très longue durée.
D. Le contenu spectral : le timbre de la vibrotactilité
De manière générale, Gunther explique que dans la modalité vibrotactile, la
distinction du contenu des formes d’ondes diverses n’est pas autant raffinée que dans la
modalité sonore. Des variations subtiles à l’oreille sont difficilement perçues par la
peau. Cependant, de larges changements, par exemple d’une onde sinusoïdale à une
onde carrée, ont un effet perceptuel saillant ; on ressent les qualités de surface des
ondes. A partir des ondes sinusoïdales, vers les formes d’ondes complexes et vers le
bruit blanc, on suit une transition de douceur à la rudesse.
E. La spatialisation
Le potentiel pour la spatialisation dans la composition vibrotactile est
particulièrement intéressant et puissant grâce à la haute acuité de la peau. D’abord, on
peut jouer avec la surface entière du corps comme toile. Ainsi, on peut provoquer des
stimuli de n’importe quelle direction. En plus, Gunther montre des nombreux effets
psychophysicaux qui peuvent se produire.
Pendant ses expériences avec un costume tactile, le système Skinscape, Gunther
a choisi le dos comme la localisation des basses fréquences et l’espace le long des bras
aux épaules pour placer plusieurs petits transducteurs tactiles V1220 (dédiés aux plus
hautes fréquences) :
FIGURE 13: La spatialisation des transducteurs tactiles sur le corps pour le système Skinscape. Le
transducteur destiné à la production des basses fréquences est posé contre le support d’une chaise
(Gunther, 2001).
53
Pour expliquer son choix du bas du dos pour recevoir les basses fréquences, il a cité ses
expériences des sensations viscérales provoquées par les basses fréquences de forte
intensité sur le torse. En outre, il a choisi le derrière du corps au lieu de l’estomac pour
des raisons de design et de confort. Or on n’est pas limité au ventre ou au dos
concernant les infrasons. En effet, selon les expériences de l’auteur sur des spectateurs
et des participants, on peut aussi ressentir des qualités dynamiques de la composition
infrasonore vibrotactile aux mains, aux fesses et aux jambes (pendant une
diffusion/conduction par le sol), à la poitrine et aux pieds.
1. Les illusions particulières de l’emploi de multiples transducteurs tactiles
Avec l’emploi de multiples transducteurs tactiles, on pourra transférer le
matériau d’une partie du corps à une autre. C’est une des prochaines explorations
envisagées dans le cadre d’une recherche future. L’usage des multiples transducteurs
tactiles nous permet de provoquer des effets psychophysiques intéressants :
Premièrement, on peut créer l’illusion de mouvement sur la peau. On peut
produire une telle sensation par un intervalle temporel de 75-150 ms entre la stimulation
tactile des deux endroits séparés spatialement (Verillo et Gescheider, 1992, cités en
Gunther, 2001). Ainsi, les événements ou les cycles d’un taux infrasonore entre 6,7 et
13,3 Hz sont idéaux pour provoquer cet effet. En outre, suivant un train de pulsations
entre deux points distaux de la peau, on perçoit un train de sauts continus avançant d’un
point à l’autre (Gerdard et Sherrick, 1972, cités en Gunther, 2001). Ce phénomène peut
se provoquer avec des intervalles temporels de 25-200 ms et des intervalles entre les
transducteurs tactiles espacés de 2-35 cm. On nomme cet effet les sauts sensoriels ou le
« lapin cutané » (sensorial saltation, cutaneous rabbit). Dans le cadre des infrasons, on
peut créer des oscillations qui voyagent sur le corps, aussi graves que 5 Hz, mais
évidemment il y a beaucoup plus à exploiter dans ce domaine.
Gunther décrit une expérience qu’il a effectuée pendant une exploration des
enveloppes spatiales de signaux sautants. Il a généré un signal tactile qui a varié en
intensité lorsqu’il a progressé en montant le bras droit, à travers les épaules et en
descendant le bras gauche. Il a accompagné le signal tactile avec un signal sinusoïdal
auditif continu ayant une enveloppe d’intensité identique. Gunther a noté que lorsque
l’intensité a diminué, il avait la sensation que le signal tactile se creusait sous la peau et
en remontait lorsque l’intensité a augmenté. De cet égard, on peut avoir la sensation de
54
spatialisation qui bouge entre l’extérieur et l’intérieur de la peau.
On peut aussi créer une illusion « tactilo-cinétique » (haptokinetic), comme l’a
montré Bice (année inconnue) qui a attaché six vibrateurs autour du thorax d’un sujet.
Les vibrateurs se sont allumés d’une manière successive ; ils ont produit chez le sujet la
sensation qu’il était au centre d’un mouvement rotatif intense (Sherrick et Rogers, 1966,
cités en Gunther, 2001).
2. La posture et la spatialisation
Gunther évoque l’importance de la posture, qui est influencée par la pesanteur.
En utilisant le système Skinscape avec des transducteurs le long des bras, Gunther
montre que des mouvements perçus entre les transducteurs ne provoquent pas les
mêmes sensations quand les bras sont levés au-dessus la tête ou non, ou quand les
mouvements perçus suivent la direction de la pesanteur ou non.
De plus, il décrit des expériences avec un transducteur tactile dans chaque main
avec un stimulus tactile qui alterne entre les deux transducteurs. Une telle configuration
donne une sensation de rebondissement qui est modulée selon le placement des mains.
Dans une position où les deux mains se tiennent, le rebondissement suit une trajectoire
courte et droite entre les mains. Par contre, lorsqu’on lève les bras d’une façon
perpendiculaire au corps, la plus longue distance entre les mains donne parfois la
sensation d’un rebondissement à travers le corps, le long des bras. Imaginons le
potentiel infrasonore d’un tel effet, avec des cycles individuels d’une oscillation qui
cousent d’une direction à l’autre à travers le corps.
En outre, la posture a une grande influence sur le phénomène perceptuel
d’anticipation. Gunther donne un exemple avec Skinscape où le sujet lève ses bras
devant lui en touchant les doigts de chaque main ensemble. Ainsi, on peut créer une
piste cyclique autour des bras pour un signal sautant. Après avoir établi une anticipation
cyclique du signal, on peut aller contre cette attente en alternant le signal juste entre les
deux mains, par exemple. Dans la section précédente, on a déjà évoqué la création des
infrasons de la rotation des signaux sonores pendant une diffusion spatiale
octophonique. Dans un esprit similaire, on peut modeler le comportement de la modalité
tactile à partir d’oscillations cycliques et ensuite jouer avec la configuration pour défier
des anticipations.
55
3. D’autres illusions spatiales
Gunther parle des effets cinétiques de la composition tactile. Un grand nombre
de ses sujets ont bougé leurs extrémités en réponse au système Skinscape suite à leur
première exposition à la composition tactile. Un sujet particulier a même déplacé les
transducteurs tactiles du bras à ses chevilles et a ensuite rapporté une compulsion
intense à danser. Gunther crédite ce phénomène à la connexion entre les sens tactile,
proprioceptif et cinétique du système physiologique. Ainsi, la composition tactile peut
ouvrir des pistes très intéressantes pour combiner les infrasons et la danse, voire une
danse participative avec des membres du public.
Il y a aussi des effets intersensoriels, particulièrement ceux dus à une diffusion
sonore simultanée avec la présentation de stimuli tactiles qui influencent le sens de
l’espace. Un effet important est l’effet «ventriloque »
(ventriloquist effect), le
phénomène du parti pris intersensoriel, dont on a parlé plus tôt au premier chapitre. Le
choix d’accompagner la composition tactile avec une piste audio soit par une diffusion à
partir de casques d’écoute, soit par une diffusion à partir d’un haut-parleur provoquera
des jugements intersensoriels distincts. À l’aide d’une diffusion à partir de casques
d’écoute, Gunther a fait des observations personnelles. Une présentation simultanée de
stimuli sonore et tactile synchronisés peut entrainer l’impression que les sons
proviennent de divers points du corps. Suivant une diffusion à partir de haut-parleurs, il
a eu la sensation que les ondes sonores avaient été projetées à lui et qu’elles l’ont frappé
à divers points du corps.
F. La composition tactile en résumé
En sommaire du potentiel de la composition tactile, Gunther nous donne le
tableau suivant :
56
TABLEAU : Dimensions psychophysiques des stimuli sonores et tactiles et comment ils s’appliquent à la
musique et à la composition tactile (Gunther, 2001).
On distingue les différents paramètres compositionnels selon leurs applications sonores
(en musique) et tactiles (en composition vibrotactile). Même si ce tableau ne mentionne
pas les fréquences infrasonores, il offre une revue succincte de ce qu’on a discuté plus
tôt concernant les autres dimensions musicales.
Dans la spatialisation, on a vu des nombreux éléments à exploiter, tels que la
posture et la pesanteur parmi les autres phénomènes psychophysiques. Après cette
section particulière, il est évident qu’une diffusion tactile des données infrasonores ne
sert qu’en tant que substitution sensorielle, mais elle offre des paramètres
compositionnels riches qui seraient impossibles à obtenir par la modalité sonore seule.
Dans ce chapitre, on a exploré les nombreuses possibilités musicales des
infrasons. Dans la suite, on traitera de l'enjeu technique de leur réalisation avec
l'ordinateur et de leur diffusion.
57
CHAPITRE III
La production des infrasons électroacoustiques et
numériques
58
III: Partie 1
La création des infrasons avec l'ordinateur
Une revue des outils, des logiciels et des techniques employées
Il y a de nombreuses façons de produire des infrasons électroacoustiques avec
un ordinateur. On présentera plusieurs types de synthèse et leurs applications aux
infrasons. On illustrera quelques-unes de ces techniques avec des patchs MAX/MSP
que l’on a inclus sur le disque accompagnant ce document. Ensuite, on sélectionnera
quelques logiciels dans l'objectif de discuter de leurs potentiels en tant
qu'environnement de création infrasonore.
A. Synthèse d'échantillonnage
La synthèse d'échantillonnage, qui consiste à l'enregistrement d'un son bref, peut
servir à la composition infrasonore par trois moyens:
•
Pour les infrasons «concrets»:
1) La première méthode implique l'enregistrement directement des infrasons déjà
existants dans le monde acoustique avec un microphone adapté.
2) La deuxième méthode nécessite de modifier des échantillons pris aux fréquences
supérieures à 20 Hz. Le compositeur peut effectuer de telles modifications par l'outil
répandu de «pitchshift». Un filtre passe-bas peut aussi servir pour éliminer les plus
hautes fréquences non désirées.
•
Pour les infrasons digitaux : des re-échantillonnages
3) Cette autre méthode aborde le prélèvement depuis une source digitale infrasonore
(e.g. d'une bibliothèque des sons, d'une pièce infrasonore) à l’aide d’un ordinateur.
L'échantillonnage des infrasons «concrets»
1. Avec un microphone adapté à l'enregistrement infrasonore
Pour enregistrer directement des infrasons, il faut un microphone sensible aux
basses fréquences et capable d'une captation suffisamment fidèle. La plupart des
microphones ne sont pas optimisés pour capturer les fréquences infrasonores, et ceux
qui sont optimisées, ne sont pas très répandus et sont parfois très chers. Ce sont des
microphones pour mesurer l’atmosphère, les volcans et l’activité sismique; ils peuvent
59
coûter entre 800-2500 USD32. En outre, selon la qualité et le type de microphone
employé, il nécessite souvent d’autres équipements infrasonores spécialisés et chers
comme des pre-amplificateurs de laboratoire (1082-1275 USD33). Concernant des
solutions moins onéreuses pour les compositeurs n’ayant pas accès à ces équipements,
des chercheurs volcanologues de l’Université de New Hampshire conseillent des
cartouches microphones fabriquées par la compagnie Panasonic : les séries WM-034
(<10 USD) et WM-52B/54B34. Cependant, selon l’ingénieur du son Rountree, ces
modèles ont été remplacés par des séries WM-61B, WM-64PN et WM-64PC.
Ensuite, avec un microphone adapté, il faut rechercher des sources naturelles
(voire artificielles), soit dans l'environnement naturel, soit dans l'environnement urbain,
car le monde acoustique contient une richesse de sources infrasonores. On en a déjà
souligné plusieurs dans notre papier «L'infrason en art», mais on en rappelle quelquesunes ci-dessous :
•
Parmi les sources naturelles: des tremblements de terre, des éruptions
volcaniques, des cascades, des vagues qui cassent au bord de la mer, du vent et
des perturbations atmosphériques, la communication d’animaux divers (e.g.
éléphants, baleines, girafes).
•
Parmi les sources artificielles: les turbines des éoliennes, les moyens de
transport (voitures, camions, trains, métro, navires, avions), les
structures
urbaines (grandes salles, gratte-ciels, ponts, tunnels), les systèmes de
climatisation, les machines, les lancements de fusées, les explosions, les
enceintes et les tuyaux d'orgue.
Certaines de ces sources étant accompagnées par des harmoniques ou d'autres
fréquences supérieures à 20 Hz, il est parfois nécessaire d'employer un filtre passe-bas
afin d'isoler les infrasons.
32
Pour les microphones G.R.A.S. Sound and Vibration Type 40AN et Earthworks Omni M50,
respectivement (le dernier a une réponse fréquentielle jusqu’à 3Hz, mais il est efficace jusqu’à 1Hz au
plus grave) (Rountree, D. (2004). Infra sound. Scientific Paranormal Investigative Research Information
and Technology. Extrait le 2 septembre 2012 de http://www.spinvestigations.org/Infra_Sound.pdf).
33
Pour les pre-amplicateurs GRAS 26AG et Earthworks 1021 Zero Distortion Technology,
respectivement (Rountree, D. (2004). Infra sound. Scientific Paranormal Investigative Research
Information and Technology. Extrait le 2 septembre 2012 de
http://www.spinvestigations.org/Infra_Sound.pdf).
34
Proussevitch, A. (2007). Infrasonic Microphones.Volanology Research, University of New Hampshire.
Extrait le 2 septembre 2012 de
http://volcanomodels.sr.unh.edu/jbj/MICROPHONES/microphone_list.html
60
2. Les infrasons créés depuis les échantillons pris par des microphones «typiques»
Sans un microphone spécialisé, le compositeur peut toujours créer des
échantillons infrasonores depuis des échantillons de sons de plus hautes fréquences. Le
compositeur peut employer un microphone plus commun pour enregistrer des sons aux
fréquences dans la capacité du dispositif. Ensuite, pour transformer les échantillons
dans spectre infrasonore, le compositeur peut les modifier avec un outil «pitchshift»
avec un ordinateur. L'outil de «pitchshift», en tandem avec un microphone répandu,
offre donc une solution moins onéreuse. Cependant, bien que cette méthode résout le
problème d’utiliser un microphone spécialisé, le compositeur qui désire capter des vrais
infrasons depuis des sources véritablement infrasonores peut chercher sa solution dans
la troisième méthode.
3. L'échantillonnage des infrasons digitaux
Il est également possible d'employer un échantillon déjà numérisé, un
échantillon déjà obtenu par la première méthode, i.e. avec l'équipement nécessaire. Ce
dernier type d'échantillonnage infrasonore, évite au compositeur d’utiliser un
microphone. Ces échantillons peuvent être retirés des bibliothèques des échantillons
infrasonores, telles que celle d'ISLA (l’Infrasound Laboratory de l'Université de
Hawaii), nommée l'«Infrasound Zoo»35. Également, on peut retirer des échantillons
d'autres œuvres infrasonores, à partir de sources déjà numérisées. Par exemple, il y a
une telle œuvre sur le site d'ISLA, intitulée ItrTtistc (Impossible To Reverse/Time That
Is Still To Come), de l'artiste sonore Martin Aaserud.
On utilise les mêmes moyens de prélèvements pour les échantillonnages
digitaux infrasonores comme on peut le faire pour le domaine des hauteurs:
1) Soit on obtient le fichier en le téléchargeant depuis l’internet, un disque dur, etc.
2) Soit, en l’absence d’un fichier prêt à télécharger, on prélève la source sonore depuis
un logiciel de routage audio, tel que Soundflower, ou on en enregistre un fichier avec un
logiciel qui enregistre l'audio-out interne d'un ordinateur, tel que Wire Tap Pro. Ainsi, le
compositeur crée des échantillons électroacoustiques directement depuis son ordinateur.
35
Il faut noter que la plupart des échantillons sur leur site de web
http://www.isla.hawaii.edu/sounds/sounds.shtml sont aux fréquences supérieures de 20 Hz, et déjà traités
avec des outils de «pitchshift». Utiliser un «pitchshift» une deuxième fois pour rendre encore plus les
fichiers infrasonores peut entraîner des artéfacts. Ainsi, pour diminuer ce risque, il est recommandé de
contacter l'ISLA directement pour obtenir les fichiers originaux.
61
B. La synthèse additive
La synthèse additive est un moyen de produire des ondes complexes par
l'addition d’oscillateurs indépendants.
En ajoutant ensemble des ondes ayant des relations harmoniques, on peut
renforcer une fréquence fondamentale qui est peut-être moins audible (un effet qui est
dû au phénomène psychoacoustique de la fréquence fondamentale manquante). Cela est
particulièrement pertinent pour les infrasons, où, à cause des limitations de diffusion
aux fréquences très graves, la fondamentale infrasonore risque d’être la moins audible.
Les relations inharmoniques aux infrasons entraînent parfois des polyrythmes et
d’autres artéfacts rythmiques, qui sont particulièrement distincts lorsque les deux
fréquences sont inférieures à 10 Hz.
En outre, étant donné une diffusion en stéréo, l’addition des signaux aux
fréquences infrasonores résulte dans les battements monauraux et binauraux.
La production des timbres complexes est facilitée par l’addition de données déjà
complexes en soi. Dans le chapitre précédent, pendant les tests de spatialisation, on a vu
comment l’addition des deux ondes complexes différentes (e.g. en dents de scie et
carrées) peut contribuer à un timbre plus riche. La même richesse a été trouvée suite à
l’addition des deux oscillateurs FM simple.
Ainsi, la synthèse additive aux infrasonores peut fournir des qualités de timbre
et rythmiques intéressantes.
C. La synthèse soustractive
La synthèse soustractive est une méthode très intégrale pour le compositeur
infrasonore. L'emploi de cette synthèse en tant que filtre passe-bas sert à éliminer des
fréquences non désirées dans les échantillons, en particulier celles supérieures à 20 Hz,
lorsque le but est d'obtenir un extrait purement infrasonore. Cependant, pour une
isolation totale du spectre infrasonore, il faut être conscient des répercussions sur le
timbre ainsi que la pente aiguë nécessaire pour atténuer complètement les fréquences
hors du spectre voulu.
En outre, il y a des effets à explorer avec un filtre passe-bas résonant et un filtre
résonant. Comme on a noté au chapitre précédent, dans la section de timbre, un haut Q
dans un filtre passe-bas résonant déterminera la fréquence des pulsations isochroniques
des ondes complexes. Toutefois, comme aux fréquences du domaine des hauteurs, le
62
compositeur peut également manipuler le filtre des deux cotés du spectre avec un filtre
résonant simple. Ainsi, le compositeur peut isoler des spectres très étroits. Ce moulage
d'une bande passante est utile pour cibler une résonance infrasonore précise par
exemple. Il en résulte une onde quasi sinusoïdale, ce qui lui affectera un timbre
particulier.
D. La synthèse granulaire
La synthèse granulaire, en créant des grains de sons, peut également contribuer à
la création
d'une musique
infrasonore.
La synthèse
granulaire asynchrone
(asynchronous granular synthesis ou AGS) est particulièrement adaptée pour une
granulation infrasonore, avec sa capacité de désigner une bande passante dans la
création des grains. Ainsi, le compositeur peut facilement limiter la création des grains
au spectre infrasonore sans le besoin d'un filtre passe-bas supplémentaire.
Néanmoins, il faut faire attention à la taille des grains selon la fréquence. En
général, les grains durent entre 1-100 ms, 1 ms étant le seuil approximatif de
discrimination de la fréquence, de l'amplitude et de la durée (Roads, 1996). Ainsi, en
tenant compte des conseils pour la durée infrasonore (énoncés au deuxième chapitre), si
on veut préserver une perception de la fréquence des grains, aux fréquences inférieures
à 10 Hz, il faut un grain ayant la durée d’un cycle, c’est-à-dire de plus de 100 ms. Ainsi,
il faut dépasser la durée habituelle des grains. À notre connaissance, il n'est pas interdit
de franchir 100 ms. En revanche, à 9 Hz, chaque cycle dure 111 ms, 10% de plus du
spectre de durée granulaire typique. À 8 Hz, les cycles sont de 125 ms, soit 25% de plus
du spectre. Cela ferait d’assez gros grains. Il faut considérer que selon un emploi des
fréquences inférieures à 10 Hz, on sort de l’esprit des nuages de grains fins. Un tel
emploi guide l’esthétique granulaire dans une nouvelle direction.
E. La synthèse FM (modulation de fréquence) simple
La synthèse FM simple, où un oscillateur modulant module la fréquence d’un
oscillateur porteur, offre de nombreux résultats de timbre et des effets rythmiques
intéressants pour le compositeur. Pour une revue plus complète de ces effets, veuillez
voir le chapitre concernant la section de la spatialisation.
Selon l’explication de Roads (1996), lorsque la fréquence modulante monte au
domaine des hauteurs, des produits perceptibles des bandes latérales commencent à
63
apparaître. Une fréquence modulante dans le spectre infrasonore entraîne typiquement
des effets de tremolo et de vibrato. La diffusion stéréo qu’on a décrite dans le chapitre
précédent a provoqué des battements prononcés entre ces effets. Cependant, il faut
préciser que lorsqu’on augmente l’index de modulation, on peut élargir le nombre de
ces bandes suffisamment jusqu’à ce qu’ils atteignent le spectre >20 Hz, malgré une
fréquence porteuse et une fréquence modulante comprises dans le spectre infrasonore.
Afin de rester dans le spectre infrasonore ou non, on peut calculer les fréquences
des bandes latérales selon la fréquence porteuse et la fréquence modulante. Ces
fréquences sont fournies par les combinaisons suivantes : C, C + M, C – M, C + 2M, C
– 2M, C + 3M, C – 3M, et cetera (où C est la fréquence porteuse et M est la fréquence
modulante). Le nombre de ces bandes latérales dépend de l’index de modulation. Si les
valeurs de C et M, sont des nombres entiers, le résultat donnera un spectre harmonique,
tandis que dans le cas contraire, un nombre non entier produira un spectre
inharmonique.
Le paramètre de l’index de modulation I, décrit la largeur de la bande de spectre.
On détermine la bande de spectre par l’équation suivante:
BandeFM " 2(D + M)
où D est la quantité de déviation (en Hz) ou la profondeur, de la fréquence porteuse.
!
M est la fréquence modulante (en Hz).
D et M ont une relation à I décrite par l’équation suivante : I =
D
.
M
Ainsi, en tenant compte de ces équations, on peut décrire une bande infrasonore
ou une bande qui contient certaines harmoniques/inharmoniques au spectre très grave,
!
sans utiliser un filtre passe-bas.
Dans un patch Max/MSP, on peut créer une enveloppe du paramètre I, afin de
moduler ce spectre au fil de temps. Cela en fait un outil de timbre très puissant pour la
production d’infrasons.
F. La synthèse par modélisation physique
Selon Roads (1996), la synthèse par modélisation physique emploie des
algorithmes comme point de départ pour décrire des objets acoustiques imaginaires.
Ainsi, on peut simuler le comportement mécanique et acoustique des objets qui seront,
autrement, impossibles ou difficiles à construire (par exemple la résonance des câbles
d’un pont suspendu). Cela est particulièrement intéressant pour le compositeur
64
infrasonore, car la construction des instruments infrasonores comprend des modèles
d’une assez large échelle, et donc, la fabrication de ces objets peut coûter cher. Par la
modélisation physique, on peut décrire les dimensions, le matériau, et la fréquence
résonance d’un objet percussif, cordé ou à vent en quelques gestes, comme c’est le cas
avec l’interface du logiciel Tassman 4.
En outre, on peut moduler ses dimensions ou changer sa matière (e.g. bois,
métal, verre) au fil de temps, ce qui est difficile ou impossible à faire dans la réalité. Le
changement de la nature d’un matériau se réalise très facilement avec un logiciel tel que
Tassman, où il faut simplement tourner un bouton virtuel à son interface. Ces altérations
virtuelles peuvent créer une grande variété de fréquences infrasonores et de timbres,
tout en imitant un aspect de réalité acoustique à l’oreille.
G. La synthèse des sons graphiques
La synthèse des sons graphiques traduit des dessins ou d’autres données
graphiques aux sons. Roads (1996) décrit cette approche en tant que sculpture sonore.
Un exemple analogique notable de cette technique a été fait par le réalisateur
canadien, Norman McLaren, dans sa création sonore de court-métrage, « Dots » (1940).
Pour créer la bande sonore, il a dessiné les formes d’ondes directement sur la pellicule,
en tandem avec des images.
Dans le domaine digital, des logiciels tels que l’UPIC (Unité Polyagogique
Informatique de CEMAMu), conçu par Iannis Xenakis possèdent une interface
graphique qui facilite pour le compositeur une réalisation visuelle et ensuite, sonore,
d’une pièce musicale. Avec cette méthode, le compositeur a un contrôle graphique des
fréquences ; il peut dessiner des oscillations plus larges ou plus serrées pour les
moduler. Ainsi, on peut créer des infrasons par des oscillations bien étendues. Roads
précise que l’inconvénient principal de ce logiciel est la difficulté de prédire le son
résultant à partir de l’image de l’onde seule.
On peut aussi atteindre une approche similaire, sans dessiner les formes d’ondes,
en utilisant l’outil à dessiner dans le logiciel d’analyse spectrale SPEAR. L’espace
horizontal décrit le temps et l’espace vertical de l’interface désigne le spectre
fréquentiel. Dans cet espace, une ligne horizontale produira une onde sinusoïdale de
fréquence correspondante à son ordonnée. Le compositeur est capable de créer des
figures telles que les glissandi par des courbes à l’intérieur du spectre fréquentiel voulu.
65
En réalisant des maquettes avec ce logiciel, on a constaté que de tels gestes de glissandi
entre le domaine des hauteurs et le spectre infrasonore sont particulièrement efficaces
pour sensibiliser l’oreille de l’auditeur aux infrasons sinusoïdaux. La sensibilisation aux
infrasons est encore plus efficace si on regarde la partition graphique en même temps,
les dessins servant de repère visuel. Un inconvénient important est l’imprécision de cet
outil. Son interface n’est pas très adaptée pour une manipulation détaillée. De plus, les
résultats « infrasonores » de ce logiciel ont besoin d’être passés à travers un filtre passebas car le signal contient quelques artéfacts harmoniques.
En somme, ces logiciels offrent une approche intéressante, mais il manque
parfois les éléments de précision et d’anticipation. L’attraction principale de cette
méthode pour le compositeur infrasonore est son aspect visuel, mais uniquement dans le
cas où la présentation de l’élément graphique est inclus dans la performance.
Lorsqu’une performance sonore est couplée avec sa partition graphique, cette
représentation visuelle sert en tant qu’aide visuelle. Donc, elle est un moyen de
sensibilisation aux composants infrasonores. Ainsi, la synthèse des sons graphiques a
du potentiel en tant que moyen d’amplification sonore par la modalité visuelle.
H. En conclusion
Les moyens de synthèse numérique offrent de nombreuses possibilités pour la
création infrasonore. La variété des approches donne au compositeur une palette
dynamique. En effet, il y aurait de nombreux moyens de synthèse à examiner, mais une
telle discussion serait au-delà de la portée de cette recherche de Master 2. On verra que
la difficulté actuelle n'est pas la création des infrasons, mais plutôt la diffusion.
66
III: Partie 2
Les moyens d’amplification et de diffusion et leurs limitations
Souvent, la diffusion infrasonore exige du matériel différent de celui qui est
requis pour une diffusion de musique plus « standard», du domaine des hauteurs. La
diffusion et la perception d’infrasons nécessitent de maîtriser l’espace acoustique, ainsi
que d’employer du matériel informatique auditif adapté (e.g. des amplificateurs sans
filtre au spectre fréquentiel infrasonore).
Dans cette section, on traitera la diffusion infrasonore à partir des caissons de
basse et brièvement des casques d’écoute, et ensuite la diffusion infrasonore vibrotactile
à partir des transducteurs tactiles. Ensuite, on abordera l’amplification par un
renforcement intersensoriel, en considérant les modalités de toucher et de vision.
A. Le caisson de basse ou « subwoofer »
Afin d’étudier le potentiel musical des infrasons, il faut des dispositifs capables
d’en produire. En ce qui concerne la diffusion des infrasons électroacoustiques depuis
un haut-parleur, la plupart des modèles de subwoofers (des caissons de basse) ne sont
pas conçus pour cette tâche. La conception réussie d’un subwoofer capable de produire
des infrasons avec le minimum de distorsion et à l’intensité exigée va dépendre de tous
les éléments de l’ingénierie du dispositif : les dimensions et la rigidité de la membrane
(s’il y a une membrane), les dimensions et la masse du ressort du haut-parleur,
l’acoustique du cabinet d’enceinte ou l’acoustique d’un espace dédié dans le cas d’un
baffle « infini ». Egalement, des filtres dans une des sources d’amplification, en
particulier les filtres actifs dans l’enceinte elle-même, peuvent limiter le spectre
fréquentiel aux fréquences infrasonores. Il faut vérifier que l’amplificateur employé (qui
alimente l’enceinte ou qui est compris dans l’enceinte) ne filtre pas ces fréquences
infrasonores. On va également étudier quelques modifications et solutions que l’on peut
effectuer à partir d’enceintes déjà fabriquées pour gagner en amplitude aux fréquences
infrasonores.
1. Le baffle et comment traiter les ondes hors-phases
Dans une enceinte, le baffle se réfère à un espace enfermé derrière le hautparleur. Un tel espace clos évite la propagation des ondes hors-phases qui se produisent
67
à cause du mouvement inverse de la membrane. Avec un haut-parleur ouvert, ces ondes
peuvent se diffracter autour de la membrane et ainsi s’annuler. Pour un haut-parleur au
cabinet fermé, aux basses fréquences, les longues ondes dépassent la taille du cabinet et
peuvent aussi s’annuler (Nave, 2012)36.
Ainsi, il existe une solution dans l’emploi d’un baffle « infini ». Cela consiste en
un grand espace isolé devant la membrane, utilisé en tant que cabinet, comme pour une
salle ajointe dans une maison par exemple. Le baffle « infini » est typique pour des
installations de subwoofers rotatifs qui sont parfois optimisés pour la production des
infrasons. Cependant, pour des baffles « infinis », il faut toujours tenir compte de la
formule des modes propres, énoncée au premier chapitre. Etant donné une vitesse de
son de 340 m/s, il vaut mieux un baffle « infini » d’une longueur d’au moins 8,5 m à
20 Hz, 17 m à 10 Hz et 34 m à 5 Hz. Ainsi, pour éviter la distorsion aux fréquences
inférieures à 10 Hz, l’emploi d’un large bâtiment (e.g. une église) pour un baffle
« infini » peut être la solution.
Une autre solution est l’utilisation d’une enceinte bass-reflex que l’on traitera
plus loin.
2. La membrane
Harry F. Olson, dans son livre « Elements of Acoustical Engineering », explique
que l’efficacité aux basses fréquences est limitée en grande partie à cause de la
résistance mécanique de radiation. Parmi les paramètres qui peuvent corriger ce
problème, il suggère une membrane plus large.
La pression que l’on peut produire aux fréquences infrasonores est directement
proportionnelle au volume cubique d’air qu’on peut déplacer par seconde. Ainsi, plus
grande est la superficie de la membrane, plus grande est la profondeur (l’excursion) de
ce mouvement, et plus grande est la pression qu’on peut obtenir à ces basses
fréquences37.
Pour illustrer la relation du diamètre et de la masse de la membrane et
l’efficacité aux basses fréquences, voici trois graphiques pour trois membranes
différentes, dont la première a une membrane d’un diamètre de 40,64 cm (16”) et une
masse de 40 g, la deuxième a une membrane d’un diamètre de 10,16 cm (4”) et une
36
Nave, C.R. HyperPhysics. Department of Physics and Astronomy, Georgia State University. Extrait le
10 août 2012 de http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu/hbase/audio/spk2.html#c1
37
D’une correspondance personnelle par email avec Roger Schwenke (9 Août 2012).
68
masse de 1 g et la troisième a une membrane d’un diamètre de 2,54 cm (1”) et une
masse de 0,015 g. Il est également important de mentionner les masses des ressorts :
4 g, 0,35 g et 0,015 g, respectivement.
FIGURE 14: Les réponses fréquentielles pour trois enceintes avec une membrane d’un diamètre de 40,64
cm (16’’) et une masse de 40 g, d’un diamètre de 10,16 cm (4’’) et une masse de 1 g et d’un diamètre de
2,54 cm (1’’) et une masse de 0,015 g, respectivement (Olson, 1957).
Ainsi, il faut une large membrane pour diffuser des fréquences infrasonores d’une
manière efficace.
La relation entre la masse de la membrane, la masse du ressort et la masse de
l’air à déplacer est aussi importante :
FIGURE 15: La perte d’efficacité suit la relation de
m1
mD + mA
où m1 est la masse du ressort,
mD est la masse de la membrane
et mA est la masse de l’air à!déplacer.
L’efficacité maximale est arbitrairement à 0 dB (Olson, 1957).
69
Ce graphique indique que l’efficacité maximale a lieu lorsque la masse du ressort est
égale à la masse de la membrane plus la masse de l’air à déplacer. Cependant, il n’est
pas toujours pratique pour le fabriquant d’avoir un ressort de la même masse que la
membrane. Il est également possible de gagner en efficacité en utilisant une plus grande
membrane mais d’un matériel plus léger. Ainsi, la plupart des haut-parleurs
commerciaux exploitent ce rapport. Cependant, un matériel plus léger peut parfois
entraîner de la distorsion.
3. L’enjeu du ressort du haut-parleur
La mécanique du ressort est aussi une des limitations des haut-parleurs pour la
production des fréquences graves. Le ressort doit rester suffisamment élastique pour
produire des mouvements aux plus hautes fréquences. Parfois les plus hautes fréquences
sont filtrées par un filtre « crossover » et diffusées par un « tweeter » (un haut-parleur
optimisé pour les hautes fréquences). Néanmoins, le ressort aura toujours plus de
facilité d’agir, ainsi de reprendre sa position de base, lorsqu’il répond aux fréquences
supérieures à sa fréquence de résonance. Aux plus basses fréquences en dessous du
seuil de résonance du ressort, la machine doit consacrer plus d´énergie pour faire agir le
ressort.
Pour illustrer ce concept physique, le technicien Colin Miller38 décrit l’enjeu en
poussant une balançoire : lorsqu’on pousse un enfant à 1/20 Hz, (c’est-à-dire, on
pousse en avant et on tire en arrière en tenant l’enfant, jusqu’au point d’équilibre
pendant 10 secondes et ensuite on le tire en arrière et on le pousse en avant pendant 10
secondes pour compléter le cycle), on exercera beaucoup plus d’effort qu’un cas où on
le pousse à 2 Hz pendant 20 secondes, 2 Hz étant supérieur à la fréquence résonante du
système balançoire. Dans cet exemple à 1/20 Hz, la difficulté est de tenir le poids contre
la force de la balançoire qui veut se remettre en position d’équilibre. Pousser la
balançoire au-dessus de sa résonance permet d’exercer une force qui est facilitée par
l'élan déjà généré par la force au retour. De plus, pousser la balançoire à sa fréquence
résonante minimise l'amortissement et maximise l'énergie potentielle entre les poussées;
l'élan restituera l'énergie potentielle de la balançoire toute seule, et sans la résistance de
l'air, il pourra la renforcer indéfiniment. Pour conclure, la force pour conserver un objet
en mouvement au-dessus de la fréquence de résonance du système (et préférablement à
38
Miller, C. (1998-2001). How A Hole-In-The-Box Works. Secrets of Home Theater and High Fidelity,
Extrait le 18 mai 2012 de http://www.hometheaterhifi.com/volume_5_2/cmilleressayporting.html.
70
la fréquence résonante) économisera plus d'énergie, que pour maintenir un objet en
mouvement en dessous de cette résonance, qui s'avérera plus gourmande en énergie.
Si on revient au sujet des haut-parleurs, on rencontre une autre impasse. Plus il y
a d’énergie qui est apportée à un ressort, plus le ressort produira de la chaleur. Ensuite
plus le ressort est chauffé, plus il sera résistant et donc, encore moins efficace au niveau
énergétique.
En raison de l'énergie qu'il faut employer pour produire des infrasons depuis un
ressort qui doit fonctionner considérablement en dessous de sa fréquence résonante, on
comprend pourquoi la plupart des fabricants cherchent à filtrer ces fréquences pour
conserver la puissance aux basses fréquences dans le spectre plus utilisé. En outre, il
faut tenir compte du seuil d'audition humain aux infrasons; en effet il faut un niveau
sonore assez puissant pour atteindre le seuil de leur détection (et encore plus pour faire
ressentir des degrés d’intensité). Produire les infrasons au niveau sonore nécessaire pour
les détecter exige trop d'énergie du ressort du subwoofer traditionnel.
4. Des solutions de diffusion
a. Des subwoofers rares ou prototypes
Pour corriger ces nombreuses pertes d’efficacité aux basses fréquences, il existe
plusieurs solutions. Une possibilité est la construction d'un subwoofer avec un hautparleur ayant un ressort dédié à la production des infrasons (sans l'élasticité pour
produire les basses fréquences du domaine des hauteurs). Un tel subwoofer sera,
évidemment, fabriqué sur-mesure ou rare. Cependant, en juin 2012, la compagnie
Meyer Sound vient de sortir avec le 1100 LFC, un « élément de contrôle de basse
fréquence » (low frequency control element) porté39 ayant deux membranes de 18’’ et
haute-excursion. La compagnie évite l’appellation de subwoofer, car elle veut distinguer
la linéarité améliorée de sa réponse fréquentielle très grave de la connotation à d’autres
caissons de basse. On peut espérer que la conception et la distribution dans le commerce
de ce type d’enceintes par les compagnies spécialisées est une tendance à la hausse.
On peut citer aussi la conception d’un subwoofer rotatif, par la compagnie
Eminent Technology, qui produit le subwoofer TRW-17. Celui-ci emploie un ressort
entouré d’un champ électromagnétique avec un moteur qui fait tourner des lames du
dispositif. Les lames tournent à une vitesse constante pour créer une onde de pression ;
39
Avec une entrée bass-reflex.
71
c’est l’amplificateur qui contrôle que le ressort et ainsi, les fréquences. Ils sont
typiquement installés dans une cave ou un grenier pour créer un baffle « infini ».
Eminent Technology prétend que l’ingénierie du dispositif offre une adaptation
d’impédances meilleure que n’importe quel caisson de basse avec une membrane.
L’angle de lames rotatives permet pour un couplage plus direct avec l’air ; donc, cela
déplace plus d’air40. Voici une comparaison issue de leur site internet qui décrit les
réponses fréquentielles de quelques modèles de caissons de basse concurrents (ni les
marques ni les modèles sont précisés). La ligne verte-brune décrit le seuil d’audition
typique.
FIGURE 16: Comparaison du subwoofer rotatif TRW-17 aux caissons de basse à une membrane
et le seuil d’audition comme une fonction de fréquence (Eminent Technology. (2005-2011). Woofer
Comparison. Eminent Technology, Inc. Planar Magnetic Loudspeakers and Audio Technology. Extrait le
5 septembre 2012 de http://www.eminent-tech.com/woofercomparison.html).
Un autre avantage est que l’ingénierie des lames rend le dispositif très efficace
en termes de consommation d’énergie. L’inconvénient principal est certainement son
prix : 21.950-25.950 USD ! Ainsi, un subwoofer rotatif ne sera pas une solution facile
d’accès à la diffusion infrasonore pour la plupart des compositeurs jusqu’à ce qu’il y ait
des modèles plus bons marchés qui soient créés.
40
Eminent Technology. (2005-2011). How Eminent Technology’s Thigpen Rotary Woofer Works.
Eminent Technology, Inc. Planar Magnetic Loudspeakers and Audio Technology. Extrait le 5 septembre
2012 de http://www.rotarywoofer.com/howitworks.htm
72
b. L’enceinte bass-reflex
Une autre solution existe parfois dans la conception de l’enceinte bass-reflex.
L’enceinte bass-reflex introduit une entrée souvent en forme d’un parallélépipède
rectangle ou d’un tuyau, conjuguée à la cavité du cabinet, qui fonctionne comme un
résonateur d’Helmholtz (Brouchier, 2009). Sa conception permet de gagner de la
puissance à un spectre fréquentiel plus élargi. On peut étendre sa puissance au spectre
fréquentiel grave par une terce d’octave ou plus (Miller, 1998-2001). Cependant, un
inconvénient au-delà ce point est sa pente raide de coupure. Ainsi, lorsqu’on veut
augmenter l’efficacité des fréquences plus graves que ce point, il est mieux de boucher
les entrées41.
Un autre avantage de ce modèle est qu’on peut économiser de l’espace grâce au
concept du résonateur d’Helmholtz lui-même. Selon la formule d’après Brouchier
(2009) dont on a discuté au premier chapitre, on voit qu’un résonateur d’Helmholtz peut
produire une basse fréquence dans un volume d’air plus compact que l’espace requis
pour renforcer une onde stationnaire à la même fréquence, dans un baffle « infini » par
exemple. Cependant, pour l’enceinte bass-reflex, l’annulation par des ondes hors-phases
pourrait poser un problème comme pour des haut-parleurs sans cabinet. Pour éviter ce
problème, on peut calibrer l’entrée afin de produire la même fréquence résonante que la
fréquence résonante du haut-parleur, étant donné une résonance libre de la membrane
(Nave, 2012)42 :
FIGURE 17: Une enceinte bass-reflex avec une entrée accordée à la fréquence résonante du haut-parleur,
étant donné une résonance libre de la membrane (Nave, 2012).
Avec une telle enceinte bass-reflex, on peut comparer ses effets de résonance
aux autres types des enceintes :
41
42
D’une correspondance personnelle par email avec Roger Schwenke (9 Août 2012).
http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu/hbase/audio/basref.html
73
FIGURE 18: La résonance des enceintes bass-reflex, des enceintes aux baffles « infinis » et des enceintes
aux cabinets fermés selon la fréquence résonante de la membrane libre dans l’espace ƒ0 (Nave, 2012,
d’après Rossing, 1990).
Ce graphique illustre l’avantage de l’enceinte bass-reflex et du baffle « infini » aux
basses fréquences par rapport à l’enceinte fermée. Pour l’enceinte bass-reflex, on voit
que l’amplitude augmente aux fréquences justes inférieures à la fréquence résonante ƒ0
vers
f0
, mais elle s’attenue ensuite plus rapidement que la résonance du baffle
2
« infini ».
!
Ainsi, l’emploi de l’enceinte bass-reflex est plus favorable pour un contexte où
le compositeur cherche des fréquences infrasonores au spectre fréquentiel juste inférieur
à la fréquence résonante de l’entrée. Pour obtenir des fréquences encore plus graves, il
vaut mieux boucher l’entrée.
c. D’autres solutions de diffusion
Les filtres « crossover » actifs, qui sont présents dans des nombreux modèles de
subwoofers, ciblent et atténuent les fréquences infrasonores afin d’optimiser la
puissance vers le domaine des hauteurs. Les subwoofers aux filtres actifs incluent des
subwoofers répandus et hauts de gamme tels que ceux de la gamme HP, « HighPower », de la marque Meyer Sound (comme le 700-HP et le 600-HP). Lorsqu’on
modifie les filtres à l’intérieur du 700-HP, ces subwoofers puissants sont capables de
produire des infrasons43.
En outre, concernant des subwoofers avec une entrée, comme ceux de la gamme
HP de Meyer Sound, on peut les boucher pour gagner un peu de puissance au spectre
infrasonore. Pendant que des entrées rendent les subwoofers plus efficaces aux basses
43
D’une correspondance personnelle avec Roger Schwenke par téléphone (Novembre, 2011).
74
fréquences juste inférieures à la résonance de la membrane, elles font perdre de
l’efficacité aux fréquences considérablement inférieures à cette résonance.
Un autre moyen pour obtenir plus d’amplitude aux fréquences infrasonores est
d’ajouter un plus grand nombre de subwoofers à l’enceinte :
L’entreprise Meyer Sound a modifié 12 de ses subwoofers 700-HP pour une
série télévisée « Mythbusters ». L’objectif de l’épisode a été de tester le mythe du
« brown note », une fréquence infrasonore hypothétique qui fait perdre le contrôle des
entrailles. Un sujet est resté débout entre quatre murs d’enceinte, faits de ces
subwoofers, pendant que les techniciens du son ont appliqué des basses fréquences de
forte intensité. Les subwoofers ont été alimentés en 25000 Watt de puissance. Ils ont
modifié les filtres actifs à l’intérieur des enceintes pour laisser passer les fréquences
infrasonores, et ils ont bouché les entrées avec de la mousse. Suite à ces modifications,
l’entreprise Meyer Sound a pu achevé des moyennes de 95 dB à 5 Hz, 100 dB à 10 Hz
et 105 dB à 20 Hz. Pendant l’expérience, ils ont obtenu 108 dB à 5 Hz, 114 dB à 7 Hz, à
9 Hz (le niveau de pression sonore (dB) n’est pas précisé, donc on suppose qu’il reste à
114 dB), 128 dB à 32 Hz, et un balayage entre 20 Hz et 100 Hz à 144 dB. Ce balayage a
été effectué sans boucher les entrées.
En ajoutant encore plus de subwoofers, Schwenke explique qu’on peut
possiblement obtenir 6 ou 12 dB d’amplitude en plus, avant d’être limité par le nombre
de subwoofers qu’on peut mettre à une courte distance d’un point donné. Schwenke
pense qu’avec une diffusion à partir leur modèle de haut-parleur de basse fréquence
récent, le 1100 LFC, il peut atteindre cette même augmentation d’amplitude. Ainsi,
l’emploi du 1100 LFC serait évidemment plus efficace en terme d’espace (en étant un
caisson de basse plus compact), et plus facile à transporter et à manipuler que plus de 12
subwoofers qui nécessiteraient une modification supplémentaire des filtres. Les
spécifications techniques des deux modèles sont incluses en annexes C et D pour
comparer.
Enfin, de telles modifications peuvent résoudre le problème de diffusion
infrasonore, cependant elles ne sont pas toujours sans conséquence négative. Le filtre
actif est présent aussi pour protéger la machine selon ses capacités, étant donné les
dimensions du ressort, de la membrane, et cetera. À cause des très fortes intensités
générées aux basses fréquences hors des limites de conception du dispositif, une des
enceintes a été cassée. Ainsi, il faut faire très attention en tentant ces modifications car
les inconvénients générés peuvent endommager les machines ou les rendre moins
75
efficace que prévu. Quand il est possible, il semble plus pratique de louer ou acheter un
modèle adapté comme le 1100LFC ou un subwoofer rotatif.
B. Les casques d’écoute
Plus tôt au deuxième chapitre, on a détaillé des tests qu'on a mené avec des
caissons de basse et avec des casques d'écoute, précisément du modèle Beyerdynamic
DT770 PRO 250 ohm qui prétend une réponse fréquentielle aussi grave que 5 Hz.
Pourtant, d’après nos propres tests, on a pu percevoir des sons jusqu'à 9 Hz minimum
avec cet appareil (avec une onde sinusoïdale). Malgré tout, 9 Hz est toujours plus grave
que 12 Hz, la plus basse fréquence qu'on a pu percevoir avec des caissons de basse de
haute qualité. Comment cela est possible après tout ce dont on a discuté dans ce chapitre
concernant le rapport entre la taille et la production des basses fréquences?
Les casques d'écoute diffèrent des caissons de basse (et d'autres enceintes)
principalement par leurs chemins acoustiques; les casques d'écoute sont couplés plus ou
moins directement à l'oreille tandis que les sons à partir des enceintes doivent se
propager dans l'espace ambiant avant d'arriver aux oreilles. Avec un son diffusé à partir
des enceintes, il y a des pertes sonores à cause de la distance de propagation et des
annulations des ondes hors-phases. Cependant, les problèmes liés à la diffusion à partir
des casques d'écoute sont différents; la plupart des pertes qui s'effectuent avec des
casques d'écoute sont des réfractions dues aux mauvaises adaptations d'impédances. À
ce propos, les matériels employés dans leur fabrication sont des facteurs importants
dans la qualité des casques d'écoute.
En général, la question de l'adaptation d'impédances est un sujet trop vaste pour
la portée de cette recherche; donc, ici on peut seulement évoquer l'essentiel. On a vu
plus tôt le rapport entre la taille du haut-parleur et sa production des basses fréquences.
Aux longues ondes infrasonores, il faut un grand caisson de basse pour déplacer l'air
dans une salle autant que pour faire bouger le tympan d'une oreille.
En outre, les basses fréquences diffusées des caissons de basse sont très vites
attenuées; les haut-parleurs ne rayonnent les basses fréquences que sur une courte
distance. Les casques d'écoute, bien étanches aux oreilles, ne laisse pas d'espace pour
les ondes de s’échapper, même aux fréquences infrasonores. Il y a relativement peu d'air
à déplacer entre la membrane des casques d'écoute et l'oreille. Ainsi, la pression aux
oreilles varie plus ou moins avec le mouvement de la membrane. En bref, c'est pour ces
76
raisons que certains casques d'écoute peuvent avoir une meilleure réponse fréquentielle
aux infrasons que des caissons de basse de haute gamme44.
C. L’emploi d’autres modalités
Des limitations et des solutions de diffusion peuvent devenir des paramètres
artistiques. Dans cette section, on va traiter des sujets d’un système de substitution
sensorielle et du renforcement intersensoriel dans le cadre des modalités vibrotactile ou
visuelle. Ces concepts sont véritablement entre la diffusion, l'amplification et
l'exploration artistique.
1. L’emploi de système de substitution sensoriel
Cette section aborde la traduction d'infrasons à une modalité vibrotactile. Selon
les chercheurs Kaczmarek et al. (1991, cités en Gunther, 2001), ce type de traduction
calque des attributs d'un système de substitution sensorielle (sensory substitution
system). Comme on l'a évoqué au premier chapitre, un tel système communique les
données d'une modalité par un canal sensoriel que n'est pas principalement employé
pour traiter de telles données. Dans cette recherche, on s’intéresse au potentiel d’une
substitution tactile sonore par l’emploi d’un transducteur tactile. La facilité de cette
traduction par ce seul mode de diffusion est due au rapport physique entre les vibrations
mécaniques et les ondes sonores; elles sont nées du même phénomène physique, à part
les différences en conduction et en modalité principale de perception. On a parlé du
potentiel musical d’une telle traduction dans la deuxième partie du deuxième chapitre,
et maintenant on aborde les aspects d’ingénierie pour la réaliser.
Les transducteurs tactiles
Pour une diffusion des données musicales à la modalité vibrotactile, les
transducteurs tactiles sont assez pratiques et idéals. Les transducteurs tactiles
fonctionnent un peu comme un haut-parleur sans enceinte, optimisés pour une diffusion
vibrotactile. D'après des sites de vente, leurs usages varient entre des jeux vidéo, des
44
Tout de l’information dans cette section sur les casques d’écoutes dérivent des réponses d’utilisateurs
scientifiques et ingénieurs sur les deux forums sur reddit.com askscience et askengineers, extraits le 3
septembre 2012 de
http://www.reddit.com/r/askscience/comments/z8cc4/how_can_certain_headphones_produce_lower/ et
de
http://www.reddit.com/r/AskEngineers/comments/z8fam/how_can_certain_headphones_produce_lower/.
77
cinémas personnels, des attractions dans les parcs de divertissement et pour donner un
support vibrotactile aux basses fréquences dans une voiture45. En plus, ils se trouvent
parfois à des prix raisonnables pour le compositeur curieux.
Concernant leur ingénierie, les transducteurs tactiles consistent en une masse
amortie mise en mouvement par une force oscillatoire, via un ressort qui résiste au
champ électromagnétique comme pour des haut-parleurs. Le ressort exerce une force
sur la masse et aussi sur le corps du dispositif par un couplage direct entre le ressort et
l'appareil. Pour des haut-parleurs, il y a un rapport entre la taille et le spectre
fréquentiel; plus il y a de la masse, plus forte est l'amplitude et plus basses sont les
fréquences que le dispositif peut diffuser. De la même manière, pour augmenter
l'amplitude, on peut penser soit ajouter un plus grand nombre de transducteurs, soit un
plus grand le fera. Il faut aussi tenir compte que les transducteurs tactiles sont alimentés
à partir d’amplificateurs séparés. Ainsi, il faut vérifier que l'amplificateur n'impose pas
de filtres supplémentaires aux basses fréquences. Un inconvénient de l'ingénierie des
transducteurs tactiles est le fait qu'ils sont moins efficaces que les caissons de basse,
concernant le pouvoir électrique consommé par 1 W d'énergie46.
Les transducteurs tactiles suivant sont disponibles :
•
Les explorations personnelles de l'auteur de ce travail ont été menées
avec un Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker. Selon leur site de vente, ces
transducteurs tactiles se basent sur le concept que des basses fréquences
sont ressenties plutôt qu'entendues. Ces machines ont une réponse
fréquentielle à 40 Hz et un spectre fréquentiel utilisable entre 20-80 Hz.
Cependant, comme on l'a précisé dans les autres sections, selon des tests
personnels, des vibrations aussi graves que 7 Hz ont été ressenties.
FIGURE 19: L'Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker (Olson, E. (2000) Tactile Transducer Comparison.
Baudline. Extrait le 24 août, 2012 de http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html).
45
Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker Tactile Transducer. Parts Express. Extrait le 27 août, 2012 de
http://www.parts-express.com/pe/showdetl.cfm?partnumber=299-028
46
Olson, E. (2000) The Tactile Transducer FAQ v1.7. Baudline. Extrait le 24 mai, 2012 de
http://www.baudline.com-erik/bass/tactile_faq.html
78
FIGURE 20: La réponse fréquentielle de l'Aura AST-2B-4 Pro Bass Shaker (Olson, E. (2000) Tactile
Transducer Comparison. Baudline. Extrait le 24 août, 2012 de
http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html).
•
Aussi par la compagnie Aura, on trouve le gilet Aura Interactor (Aura
Interactor Vest). On va détailler ce produit plus tard dans la section
Perspectives Personnelles du quatrième chapitre. On peut mentionner
que ce produit, destiné à l'origine pour l'emploi avec des jeux vidéos
(e.g. pour ressentir des coups de poignets), n'a pas eu beaucoup de
réussite dans ce marché, et ainsi, il est vendu à un prix modique autour
de 20 USD par quelques sites. Par contre, il a trouvé un peu de réussite
parmi des individus sourds dans leurs cinémas personnels (à domicile),
pour ressentir des effets dans les films47.
FIGURE 21: L'Aura Interactor Vest (Olson, E. (2000) Tactile Transducer Comparison. Baudline. Extrait
47
Olson, E. (2000) Tactile Transducer Comparison. Baudline. Extrait le 24 août, 2012 de
http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html).
79
le 24 août, 2012 de http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html).
Pour produire des infrasons vibrotactiles aux très fortes pressions et pour une
exploration artistique sur une grande échelle, il existe des transducteurs tactiles très
puissants créés dans un cadre industriel pour faire des essais vibratoires. Ces machines
sont typiquement attachées à la charpente d’un gratte-ciel afin de chercher des modes de
vibrations du bâtiment excitées pendant des tremblements de terre et des forts vents,
selon Olson (2000). Un tel transducteur tactile qui pèse 68 kg environ est alimenté d’un
amplificateur à 1000 W et à une réponse fréquentielle de 0,5-500 Hz. Olson suppose
que l’appareil est probablement sans amortissement et donc, est très résonant. Ce
dispositif est un exemple des possibilités les plus extrêmes d’une diffusion vibrotactile
infrasonore. On peut trouver d’autres transducteurs industriels encore plus puissants de
la corporation Unholtz-Dickie sur leur site48. Avec un peu d’imagination et beaucoup de
prudence, un compositeur peut obtenir un tel transducteur tactile et l’accrocher
directement à une escalade de strapontins dans une salle de concert. Également, en
exerçant la même prudence, un compositeur peut concevoir une structure pour servir de
salle de concert qui serait conçue pour un emploi avec ce dispositif. Il peut chercher une
collaboration avec un architecte pour construire une structure simple et durable avec des
modes de résonances diverses. Ainsi, on peut engager la vibrotactilité et la
proprioception– l’orientation du corps dans l’espace– chez le spectateur pour un
événement artistique très unique.
2. L’emploi d’un renforcement intersensoriel
Pour aborder le problème de diffusion aux fréquences infrasonores où
l’amplitude reste autour du seuil de détection, on peut guider, voire sensibiliser, les
oreilles aux infrasons par un doublage des données dans une autre modalité. Cela peut
se faire par le « mapping » des données (e.g. la synesthésie algorithmique d’après Sagiv
et al., 2009), par une exploitation ingénieuse des qualités intersensorielles (on va
aborder par la suite l’art cymatique) ou par l’emploi d’un système de substitution qui
diffuse des données traduites en accompagnement d’une diffusion des données sonores
originales.
48
http://www.udco.com/shaker.shtml.
80
a. Techniques de « mapping » : la synesthésie algorithmique
Dans le domaine de la création électroacoustique, il est possible de créer une
«synesthésie algorithmique», un terme employé des chercheurs Noam Sagiv et RT Dean
(The Oxford Handbook of Computer Music, 2009). La synesthésie algorithmique décrit
les œuvres multimédias qui lient l'image et le son soit d'un processus informatique, soit
de la même source de données. Un tel processus peut générer les continus sonore et
visuel ou travailler des continus déjà existants. La méthode suggère aussi une
représentation artistique de la synesthésie.
Avec l’aide des logiciels comme Max/MSP/Jitter, il est relativement facile
d’accrocher des paramètres sonores de base à certains paramètres visuels de base, e.g. la
fréquence à la couleur, la durée d’un événement sonore à la durée d’un événement
visuelle, l’amplitude du positionnement de l’événement visuel,… Également, on peut
évidemment créer des rapports et des manipulations d’images très complexes pour une
exploration artistique plus profonde. Dans un projet futur, on propose de développer un
patch simple en Max/MSP utilisant la synthèse AM pour explorer les fréquences 020 Hz. Chaque oscillateur produira des points (ou d’autres événements visuels) pour
marquer chaque cycle d’oscillation. La fréquence modulerait la couleur. Par exemple,
on peut créer un rapport selon le spectre fréquentiel et le spectre de couleur ; 0-20 Hz =
rouge à violet. Ainsi, on pourrait trier par couleur les cycles des ondes différentes dans
les polyrythmes.
b. Le renforcement intersensoriel par l’art cymatique
L'art cymatique a été établi par des études du physicien Hans Jenny. Il est un art
de transduction qui est basé sur la création des visualisations formées dans les grains, le
liquide, et d'autres matériaux, en réponse aux oscillations sonores (ou vibratoires)49.
D'après son modèle, on peut monter un moyen de diffusion sonore au milieu d'une table
sur laquelle des grains sont dispersés. Le déplacement des grains en motifs s'effectuera
selon les trajectoires des ondes sonores. Ainsi, on peut percevoir par la modalité
visuelle la présence d’ondes infrasonores.
Parmi des explorations artistiques cymatiques concernant les basses fréquences,
le compositeur Marc Billon et l’artiste visuelle Aurélia Jaubert ont collaboré sur le
projet Sonovise dans le cadre de la Semaine des Arts à l’Université de Paris 8 en 2011.
49
Perry, F. (2002). Cymatics : Visual sound. Extrait le 15 septembre 2012 de
http://www.frankperry.co.uk/Cymatics.htm
81
Ils ont diffusé des basses fréquences en dessous des deux petites structures, une qui
contenait de la terre, une qui contenait de l’eau liquide. Les perturbations à la surface de
chaque structure ont été projetées par vidéo à un écran derrière des structures. Ainsi, les
basses fréquences étaient amplifiées par la modalité visuelle et on a pu voir comment
chaque matériel a réagi d’une manière différente aux données sonores/vibratoires.
FIGURE 22: Le projet Sonovise par Marc Billon et Aurélia Jaubert (2011, Extrait le 5 septembre 2012 de
http://www.aureliajaubert.com/2011/04/sonovise-project-est-une-experience.html).
c. Le renforcement intersensoriel par la vibrotactilité
Sagiv et Dean abordent le sujet de la synesthésie algorithmique dans le domaine
audio-visuel, mais on peut facilement élargir l'esprit de cette pratique au domaine
vibrotactile par la diffusion des données aux deux modalités. Lorsqu'on compare une
traduction audio-vibrotactile (avec l'emploi d'un transducteur tactile) aux rapports
audio-visuels (avec l’accrochage des paramètres dans un logiciel), on voit que le travail
de programmation est simplifié pour le compositeur. Il n’y a pas besoin d’un
accrochage supplémentaire des données. Comme on l’a expliqué plus tôt, l’ingénierie
d’un transducteur tactile fonctionne similairement à un caisson de basse. À partir de
l'amplificateur, il suffit de diviser le même signal sonore aux deux chaînes, une qui
alimente un caisson de basse et l'autre alimentant le transducteur vibrotactile. Ainsi, le
signal sonore se transforme directement en une vibration mécanique sans traitement des
données au logiciel.
82
CHAPITRE IV
Des projets travaillant l’infrason
83
IV: Partie 1
Quelques projets d’autres artistes travaillant l’infrason
Cette section est un regard sur les travaux infrasonores d’autres artistes.
Principalement, on va discuter de leur manière d’exploiter les caractéristiques
infrasonores et comment ils ont abordé les limitations de diffusion et de perception dont
on a discuté aux chapitres précédents. La section suivante s’intéressera à des projets
personnels de l’auteur de ce travail.
A. « Inferno » de Yann Robin
« Inferno » est une composition de Yann Robin (Robin, 2012), qui « entreprend
une descente infinie vers le noir, une perturbation concertée de la perception »50. Cette
œuvre, écrite pour un grand orchestre symphonique et électronique en temps réel, est
basée sur l’œuvre écrite de Dante du même titre. Issue d’une commande de l’Ircam
(Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique) et de Radio France,
l’œuvre a été jouée le 13 juin, 2012 à la Cité de la Musique par l’Orchestre
Philharmonique de Radio France sous la direction de Jean Deroyer. La réalisation
informatique musicale, qui concerne l’élément infrasonore, a été réalisée par Robin
Meier (Meier) de l’Ircam.
D’après le discours du compositeur, le matériau musical de l’œuvre consiste en
3 couches, dont la première est la musique purement instrumentale de l’orchestre. La
deuxième couche est un traitement électroacoustique des sons d’orchestre réalisé en
temps réel et, ensuite, re-mixé. Le niveau final est le niveau structurant de l’œuvre : une
trame d’infrasons électroacoustiques ; cette trame est faite de grands glissandi des
fréquences infrasonores. Selon les notes de programme, (Szpirglas, Manifeste de
l'Ircam, 2012) :
« L’idée originelle, qui a généré toute la partition, est l’utilisation des infrasons comme un objet
musical – et non pas un simple gadget pour dynamiser le son de l’orchestre. Les infrasons
deviennent un matériau signifiant – et structurant, en l’occurrence : ils jouent le rôle de
soubassement musical, de trame dramaturgique souterraine, qui me permet de souligner
d’intenses moments dramatiques. »
50
Selon la description donnée pour le documentaire 2012, Image d’une œuvre n°14 : « Inferno » de Yann
Robin, réalisé par Pierre Rigaudière et Christian Bahier.
http://www.dailymotion.com/video/xrie2r_images-d-une-yuvre-n-14-inferno-de-yann-robin_creation .
84
Robin explique que l’esprit de l’emploi des infrasons est métaphorique ; il veut
représenter à la fois la descente en enfer de Dante et le centre d’univers. Chez lui, les
infrasons représentent le noir, l’abysse.
Il utilise également leurs qualités vibrotactiles ; un son qui est « présent et
omniprésent », c’est-à-dire un son qu’on n’entend pas et qu’on ressent physiquement.
Les infrasons employés sont diffusés à partir de caissons de basse, et ressentis en tant
que vibrations qui passent sur la scène et le métal dans la salle de concert. Or, Robin
traite les infrasons selon la croyance erronée qu’ils sont imperceptibles à l’oreille
humaine. Simplement, d’après sa description, on peut conclure que ses infrasons sont
diffusés à une intensité qui n’est pas suffisante pour leur détection à l’oreille, mais,
assez intense pour qu’ils aient un impact vibratoire sur les structures de la salle.
Concernant le moyen de diffusion, il est clair que son réseau de caissons de
basse manque de puissance aux fréquences infrasonores. Alors, afin de créer les
infrasons voulus, il utilise des pulsations isochroniques, perceptibles par le bruit de
déplacement fait par les membranes des caissons. En plus, il parle principalement d’un
emploi de battements, de tons différentiels, créés à partir des fréquences graves ou du
domaine des hauteurs. Cet emploi de battements est également rendu possible grâce à la
présence de multiples caissons, étant donné que cet effet nécessite au moins une
configuration stéréo.
« Le choix de Yann Robin et de son réalisateur en informatique musicale, Robin Meier, aidés de
l’ingénieur du son Julien Aléonard, s’est porté sur un dispositif de subwoofers, vaste réseau de
caissons de graves qui occupe tout l’espace de la salle de concert. Si chacun de ces caissons ne
peut véritablement produire des infrasons (à 15 Hz, les membranes se décollent et le haut-parleur
grille), l’oreille peut toutefois être sensible à la dimension « rythmique » de la fréquence (on
peut ainsi générer 15 impulsions par seconde pour donner l’impression d’un 15 Hz) et percevoir
les phénomènes de « battements » nés des interférences des ondes sonores dans l’air. En plaçant
deux haut-parleurs générant des fréquences proches à une distance relative bien particulière, on
récupère deux fréquences issues de la rencontre des deux ondes : l’une «additionnelle», qui
correspond à la somme des deux fréquences de départ, et l’autre «différentielle», à leur
différence...C’est avec cette trame de quatre fréquences que le compositeur va pouvoir construire
son espace infrasonore, sous la forme d’un immense glissando de 45 minutes apparaissant et
disparaissant en fonction des nécessités dramaturgiques de la pièce » (Ircam, 2012).
Robin parle aussi de l’influence des infrasons sur les sons du domaine des
85
hauteurs, en comparant leur effet à celui du soleil à la peinture. Plus graves sont les
fréquences infrasonores, « le plus quelque part les fréquences aiguës résonnent et
rayonnent...le bas révèle le haut». En partie, cela doit se référer à son exploitation du
phénomène de la fréquence fondamentale manquante. En traitant l’enjeu du manque de
la directionnalité des infrasons, Robin orchestre leurs partiels dans l’esprit de la
musique spectrale.
« L’autre problème « musical » des infrasons, c’est de les faire vivre. Un son extrêmement grave
est, en effet, indéfini et adirectionnel, comme un fantôme sonore rôdant autour de l’auditeur.
Pour les faire vivre, les faire bouger, il s’agit donc de les « orchestrer », de les perturber, en les
orchestrant avec des partiels plus aiguës qui leur donnent un sentiment de mouvement » (Ircam,
2012).
Pour lui, la musique résultante crée « des profils de morphologie de masse et de
densité ».
Il est également intéressant de noter comment Robin parle de sa méthode de
création sonore : Robin discute d’un besoin de ressentir la musique physiquement avant
de l’écrire. Son processus charnel rappelle la multi-modalité des infrasons ainsi que la
synesthésie.
B. « Bestiole», une création de danse, de musique et de lumière ; la
partie de composition musicale de Kasper T. Toeplitz
« Bestiole» est une dance chorégraphiée de Myriam Gourfink, accompagnée de
musique électroacoustique, créé par Kasper T. Toeplitz. Séverine Rième a également
réalisé une création de lumière intégrée à l’œuvre. Le spectacle s’est déroulé entre les
18-20 janvier, 2012, dans la Grande Salle du Centre Pompidou, à Paris.
L’information dans cette section est issue des deux entretiens personnels, après
le concert le jeudi 19 janvier 2012, avec le compositeur lui-même et l’ingénieur du son,
Zakariyya Cammoun. Le matériau est aussi issu des notes du programme et des
observations personnelles de l’auteur de ce travail en tant que membre du public.
Avant de continuer, on va aborder les moyens de diffusion et de production avec
l’ordinateur. Concernant le matériau de diffusion des fréquences graves, 4 caissons de
basse de la série HP de MeyerSound ont été employés dans une configuration
quadriphonique- avec deux caissons devant le public à gauche et à droite de l’estrade
86
par terre, et deux caissons en arrière à gauche et à droite vers les coins de la salle. Ces
deux derniers ont été montés sur l’estrade en pente des strapontins. Il faut mentionner
que ce couplage des caissons aux sièges a provoqué des effets vibratoires corporels très
prononcés pendant l’œuvre, dont l’intensité a varié selon le positionnement du
spectateur dans la salle. Comme ces caissons de basse ont des limitations de diffusion
au spectre fréquentiel infrasonore, Toeplitz, dans son travail des sons graves, a conçu sa
composition en tenant compte de ces paramètres de diffusion.
Toeplitz a créé la musique à partir de quelques oscillateurs dans un patch à partir
d’un logiciel à langage graphique. Il a employé les oscillations d’au moins 19 Hz (donc,
autour du seuil infrasonore) et il a exploité l’emploi des multiples caissons de basse
pour créer des battements au spectre fréquentiel infrasonore à partir des basses
fréquences. Ainsi, en utilisant des fréquences de 30-80 Hz51 ou plus graves qui ont
produit des battements monauraux aux intensités fortes aux taux infrasonores, il obtient
un résultat très tactile et très puissant, qui a donné lieu à des observations détaillées cidessous.
Gourfink recherche la lenteur dans la danse. En général, l’œuvre consiste en une
danse des mouvements très lents, suspendus dans le temps, les danseurs semblent
presque immobiles. Or, au fur et à mesure des pulsations lentes de la musique et ainsi
d’une configuration circulaire des lumières, on voit une mutation progressive des
gestes. Les notes de programme informent le spectateur de l’inspiration du titre ; un titre
dérivé de la nouvelle de Kafka qui est intitulée « La Métamorphose » au sujet d’un
homme qui est devenu bestiole. Toutefois, les formes adaptées des danseurs pendant la
durée de la pièce ne sont pas nécessairement celles d’une bestiole ; ils sont « soit
l’humain, l’animal voire le végétal ou le minéral ». À ajouter aux mouvements
cycliques des danseurs et des lumières, « le dernier cercle, le plus vaste, englobant
danse et public, est celui d’un son de graves quasiment imperceptibles, dont seuls se
donnent à entendre les différentiels et les battements, vibrations qui provoquent le réveil
des souffles lumineux d’un feu souterrain »52.
Ces aspects infrasonores et vibrotactiles ont saturé le public dans cet
51
Ce spectre est une estimation basée sur les informations du compositeur et basée sur le fait que les
ondes ont fait vibrer la poitrine, un effet qui manifeste autour 30-80 Hz selon l’étude citée au premier
chapitre.
52
Centre Pompidou. (2012). Bestiole. Extrait le 1 août 2012 de
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/A22DB8C583C79736C12578E20032486E?Open
Document.
87
univers multi-modal; l’expérience était un véritable bain de son, où les fréquences
différentes ont entraîné des vibrations corporelles diverses. Les vibrations ont été
ressenties par la peau, dans la poitrine, par la tête et les yeux, celles qui ont engagé la
poitrine, étant probablement autour de 30-80 Hz49. Les battements infrasonores ont
donné l’impression de subtiles interruptions dans la vibration corporelle autrement
continue.
Selon les observations personnelles de l’auteur, ces battements infrasonores ont
surtout provoqué des réactions psychosomatiques, le taux de respiration étant le plus
notable des effets. Le couplage des battements lents (pour la plupart, plus rapides que le
taux de respiration) avec des vibrations à la poitrine a semblé provoquer cette sensation.
En tout cas, on a trouvé que la pensée du spectateur était très facilement guidée par les
mouvements de respiration dus à la localisation de vibration. Le taux de battement de 15 Hz, plus élevé que le taux de respiration du corps assis (de 0,2-0,33 Hz environ), a
entraîné un sentiment d’excitation voire d’étourdissement, peut-être en associant ces
battements avec des sentiments aux taux de respirations plus accélérés.
Le spectacle était une réussite intersensorielle. L’aspect musical a saturé le corps
avec des effets vibratoires. Les lumières pulsantes se sont ajoutées à l’expérience
pulsante et intersensorielle fournie par la musique. Les mouvements suspendus de la
danse et les oscillations lentes des composants visuels, musicaux et vibratoires ont
contribué à la sensation de temps ralentie. « Bestiole » est une démonstration de
comment exploiter les infrasons, étant donné l’état actuel technologique, pour créer une
expression artistique engageante et mémorable selon le point de vue de l’auteur.
C. « Infrasound » de RHY Yau et Scott Arford
« Infrasound » est une série de plus de 25 installations créées par les artistes
tactiles San Franciscains RHY Yau et Scott Arford. Le contributeur Jim Haynes dans
l’édition « Low End Theories » de The Wire (juillet 2012) détaille leur projet dans
l’article « The brown note ». Ces artistes cherchent des espaces différents, qui varient
acoustiquement, pour recevoir leur projet, dont le premier était l’espace artistique 7 Hz
d’Arford en 2001. Les deux s’intéressent à une présentation physique des infrasons
ainsi que leurs effets psycho-physiques auprès des membres d’un public.
Pendant leurs installations, Yau et Arford provoquent les fréquences résonantes
et des reflets acoustiques des espaces pour produire des ondes stationnaires ainsi qu’une
88
relation directe entre l’architecture et le corps humain. Parmi toutes leurs performances,
le contenu musical consiste à des crescendos lents des oscillations infrasonores qui
grandissent aux forces de pression supérieures à 120 dB. Ensuite, ils saturent les
infrasons avec du bruit blanc. Haynes insiste que dû au spectre fréquentiel employé, il
n’a pas ressenti à ses oreilles un vrai besoin d’utiliser des protections auditives ; les
effets corporels étaient beaucoup plus remarqués.
Selon les caractéristiques acoustiques de chaque espace, le produit artistique
varie. Les artistes passent du temps dans l’espace de chaque salle pour calibrer leurs
effets. L’auteur Haynes raconte trois performances diverses à différents endroits de San
Francisco. Il décrit le contenu de celle de 2002 comme un « baume calmant » (lulling
salve) qui a provoqué un état euphorique chez lui. Une autre plus récente, à The Lab,
s’est entrechoquée sur les murs et le sol comme un marteau-piqueur pour un effet plus
jurant. Il a assisté à une autre performance récente à Southern Exposure. Haynes décrit
les surfaces du bâtiment comme « acoustiquement propres » qui permettent pour les
ondes stationnaires d’être bien définies dans l’espace ainsi que la création des murs de
pression sonores.
Ainsi, on voit l’impact de l’architecture sur les résultats musicaux infrasonores.
C’est l’espace qui définit une large partie de l’expérience. Cette manifestation
intersensorielle des caractéristiques acoustiques par les infrasons est une idée simple et
puissante. On espère développer ce concept plus tard dans d’autres projets.
89
IV: Partie 2
Des projets personnels travaillant l’infrason
A. « Larry »
Cette pièce électroacoustique a été composée pour un concert qui a eu lieu à la
Chapelle des Carmélites à Saint Denis le 29 mars 2012, diffusée en configuration
circulaire octophonique avec une neuvième piste vibrotactile émise à partir d’un
transducteur tactile et d’un caisson de basse dédié à la diffusion des basses fréquences
sonores (des huit pistes). Après quelques discussions, il a été choisi de poser le
transducteur vibrotactile par terre, car le sol était en bois et il pourrait mieux transmettre
les vibrations aux membres du public assis par terre.
1. L’architecture
Cette œuvre a été spécialement conçue pour l’architecture de la salle du concert.
Étant donné la nature réverbérante particulière de l’espace, avec une décroissance
sonore 8 secondes environ, mais de 4 secondes perçues53, les compositions du concert
ont été une réflexion de cette caractéristique en tant qu’un traitement post-diffusion.
En outre, la forme unique et relativement simple de l’architecture, en forme de
croix carrée selon la longueur et la largueur, avec des coupoles qui constituent le toit, a
permis de mesurer les dimensions de la salle pour calibrer des ondes qui pourraient
provoquer ses modes de résonances. Les dimensions au sol de la salle ont été
soigneusement mesurées. Ensuite, on a estimé la hauteur à partir de celle d’un
échafaudage qui s’arrêtait ~1 m en dessous du niveau des coupoles, et selon des
estimations du rayon des demi coupoles et de la grande coupole prises par les calculs au
sol. Ainsi, on est arrivé à une hauteur estimée à 8,47 m avant les coupoles, à 12,62 m au
niveau entre la demi et la grande coupole et à 17,28 m au centre de la grande coupole.
Étant donné la vitesse du son dans l’air de 340 m/s, cela correspond aux fréquences
résonantes à 20,07 Hz, 13,47 Hz et 9,838 Hz, respectivement, selon l’équation au
premier chapitre :
53
Communication personnelle, Anne Sedes, le 30 août 2012.
90
FIGURES 23, 24, 25 : De gauche à droite : l’échafaudage contre le mur face à l’entrée, une des demicoupoles, la grande coupole (mars 2012).
En outre, on a pu défini deux largeurs car il y avait différents niveaux de profondeur à
chaque
mur :
FIGURES 26, 27, 28 : De gauche à droite : Mur 1, Mur 2, Plan de la chapelle (mars 2012).
On a mesuré 18,95 m pour la largeur maximale et 16,91 m pour la largeur minimale.
Selon une vitesse de son dans l’air de 340 m/s, les résonances correspondantes sont à
8,97 Hz et 10,05 Hz, respectivement. Finalement, on a trouvé la longueur à 21, 8 m
avec une résonance estimée à 7,798 Hz.
91
Voici nos calculs ainsi qu’un plan de la chapelle :
DESSIN : Le plan de la Chapelle, ses dimensions et des calculs de la hauteur (dessiné par Fdida et
Crawshaw, mars 2012)
92
2. Les thèmes
L’inspiration pour la composition a été de faire une juxtaposition des sons
apparemment corporels et des sons évoquant des machines. Également inspiré par la
configuration octophonique circulaire des enceintes, le concept pour les sons
mécaniques était d’évoquer une machine à laver avec ses différents cycles de lavage, de
rinçage, et cetera. Pour créer cet effet, il y a des événements du domaine des hauteurs
créés par la synthèse « waveshapping », à partir des fréquences porteuses infrasonores.
D’un événement à l’autre, on a essayé de changer la fréquence d’origine ainsi que les
paramètres de timbre pour donner l’impression de ses cycles changeants. L’aspect
vibrotactile a parfois rappelé des grondements de moteur. Pour exprimer un élément
corporel, on a employé des oscillations infrasonores évocatrices des battements
cardiaques. Les battements ont été diffusés acoustiquement, par le caisson de basse, et
sous la forme de vibrations, par le transducteur vibrotactile. Cela est évident à 3:07 avec
la piste du transducteur tactile; on a particulièrement la sensation qu'on ressent un cœur
battant. L’effet est encore plus puissant lorsqu’on prend le dispositif dans les mains. En
outre, les battements ont eu une relation polyrythmique et parfois inharmonique qui
était suggestive d’une arythmie. Ces oscillations ont été principalement créées avec
Tassman, en employant des oscillateurs de basses fréquences pour faire taper des
instruments infrasonores, des produits de la synthèse de modélisation physique dans le
logiciel. Il y a aussi dans la pièce des bruits dans le domaine des hauteurs de
soufflement dont le timbre est entre celui des respirations et celui des sifflements
mécaniques. À 2 :10, un tel soufflement est très proéminent dans la texture. On a créé la
plupart de ces sons en utilisant le logiciel Cosmos ƒ avec des effets granulaires.
L’œuvre est aussi une expression poétique de la psychosomatique, ainsi que de
l’interaction humaine avec des machines. Pour illustrer cela, les oscillations des
événements divers et leurs irrégularités s’influencent et se décalent. Également, certains
logiciels comme Tassman (employé en version démo), ont calé les sons dans des
intervalles réguliers. Étant donné l’esprit de la pièce, on les a exploité en tant que
contrainte créative pour contribuer à un motif des interruptions et pour provoquer des
changements de différents matériels. Un exemple de cela est à partir de 3:07 où les
battements cardiaques tactiles commencent.
3. L’emploi des modes résonants
Au début et à la fin de l'œuvre, on a essayé de provoquer des modes de
93
résonance de la salle selon les dimensions calculées de la longueur, de la largeur et de la
hauteur. Au début, on a superposé des ondes sinusoïdales de 7,789 Hz (selon la
longueur) et de 8,97 Hz (selon la largeur) diffusés par le caisson de basse. En plus, on a
ajouté un balayage ascendant entre 10-20 Hz pour entraîner une résonance de la hauteur
selon la courbure la grande coupole. À partir du transducteur tactile, on a diffusé une
onde sinusoïdale plus ou moins constante en fréquence à 9,838 Hz, selon la plus grande
estimation de la hauteur (c’est-à-dire celle de la grande coupole).
À la fin du morceau, à partir du caisson de basse, on a superposé trois ondes
sinusoïdales à 7,789 Hz (selon la longueur), de 8,97 Hz (selon la plus grande largeur) et
9,838 Hz (selon la plus grande hauteur). Depuis le transducteur tactile on a diffusé un
balayage descendant de 20-10 Hz, et ensuite de 10-2 Hz. La distinction principale entre
le début et la fin est le balayage ascendant depuis le caisson de basse et ensuite le
balayage descendant depuis le transducteur tactile. A chaque fois, on a fait le choix de
diffuser le matériau destiné à activer des modes de résonance de la hauteur de la salle
avec le transducteur tactile, le dispositif étant au sol, au centre de la salle, sous le centre
de la plus grande coupole. Selon des astuces de Toole (2008) dans son livre Sound
Reproduction, un placement du dispositif de diffusion contre le mur (ou dans ce cas, sur
le sol) est optimal pour provoquer les modes résonants d’une salle carrée54. On a essayé
de suivre l’esprit des ces conseils pour la forme de salle.
Vers la fin, on a aussi essayé de nouveau de provoquer des résonances de la
salle. À partir de 5:38, le matériau sonore s'arrête, et le transducteur tactile est le seul
moyen de diffusion pendant quelques secondes. Le matériau sonore se relance et s'arrête
avant de rejoindre encore l'élément tactile à 5:45. Pendant cette période, le transducteur
tactile produit un balayage selon les dimensions de largeur plus étroites et plus larges,
entre 10,05-8,97 Hz.
Finalement, il était difficile de qualifier la réussite de ces résonances,
particulièrement celles selon la hauteur. Cela est dû au fait qu’on a diffusé l’œuvre que
trois fois dans l’espace et que pendant la répétition, avant le concert, on a dû baisser le
volume du caisson de basse presque immédiatement. En effet, le jour du concert, on a
découvert qu’il y avait une exposition de peinture imprévue. Les résonances selon la
largeur et la longueur étaient si efficaces qu’elles ont fait vibrer les toiles suspendues.
On avait peur que le son les abîmerait ou pire, les ferait tomber. Ainsi,
54
On n’abordera pas la phase dans ce texte.
94
malheureusement, on a dû réduire considérablement l’amplitude des éléments graves.
4. Une analyse de l’œuvre55
L’emploi d’un transducteur tactile en tant que moyen de diffusion était un aspect
unique de cette composition par rapport aux autres œuvres de ce concert. On a conçu la
piste vibrotactile comme piste musicalement indépendante des 8 autres pistes sonores.
Dans à la piste vibrotactile, on trouve des points de synchronisation ainsi qu’un
contrepoint qui maintient une relation réagissant au matériau sonore.
PISTE 3 :
0 :38
Après l'oscillation correspondante à la hauteur de la salle au début, le premier
élément tactile qu'on ressent est à 0:40, en synchronie avec un tambourinement. À 0:48,
suivant un coup de cymbale, on trouve des pulsations tactiles crescendo à partir son
décroissement. Chaque pulsation devient de plus en plus longue et rebondissante, et
l'amplitude est amortie avant qu'un tambourinement acoustique produit par le
transducteur tactile56 coupe la phrase musicale tactile. Ce matériau est perceptiblement
indépendant du matériau sonore. Ainsi, à partir de 0:48, l'élément tactile s'établit comme
sa propre piste musicale distincte. Puis jusqu'à 1:58 environ, le paysage musical est
largement caractérisé par les tambourinements sur des cymbales ayant des longues
décroissances et d'autres résonances. Des pulsations infrasonores tactiles, qui font des
crescendos et décroissent jusqu'à elles disparaissent dans la musique étendue, ajoute
d'une vectorisation du paysage dans l'esprit de Michel Chion. La juxtaposition de
l'acoustique suspendue et des entrées sorties tactiles pulsantes et surprenantes crée un
contrepoint intersensoriel et un sens d'anticipation.
PISTE 4 :
2 :00
À 2:10, il y a un son soufflant qui semble déstabiliser les pulsations tactiles jusqu'à ce
qu’elles se dématérialisent jusqu’à un ronronnement.
Également, il y a un transfert de matériau d’une modalité à l’autre. À 2:31,
suivant un retour des éléments sonores du début, des longs tambourinements résonants
de grosse caisse, diffusés avec le transducteur vibrotactile commencent. Ils deviennent
de plus en plus réguliers, un chaque seconde environ. À 2:52 les tambourinements
transférés à la modalité acoustique et à la vibrotactile sont des pulsations douces et plus
55
Pour cette section, on décrit où, dans la piste 2 (la version complète et non-interrompue), on peut
chercher des événements précis. En plus, on affiche les numéros d’autres pistes pour sauter aux sections
reliées à certains paragraphes.
56
Il ne faut pas oublier que les transducteurs tactiles peuvent reproduire quelques hautes fréquences aussi.
95
rapides.
PISTE 5 :
3 : 07
Depuis une diffusion à partir du transducteur tactile, on a aussi trouvé qu'on
pouvait effectivement superposer des idées et des phrases tactiles. Par exemple, autour
de 3:07 on a créé un motif de battements comme ceux d'un cœur. Ces battements sont
une superposition des plusieurs cycles infrasonores ayant une relation inharmonique l'un
à l'autre. Ainsi, les battements avaient la caractéristique d'une arythmie et d’une
syncopation, comme on l’a expliqué plus tôt. Ensuite, on a pris un échantillon d'un coup
de grosse caisse. On a traité l'échantillon avec un pitch-shift pour le mettre dans les
fréquences très graves. À partir de 3:43, on a poivré les battements avec des attaques de
grosse caisse. On a inversé certaines des copies de l'échantillon, et à travers les
battements cardiaques on peut ressentir des rebondissements qui surgissent et
grandissent en puissance jusqu'au sommet de l'attaque où ils se relâchent avec un coup
sec de silence tactile. À 4:43, on a doublé l'échantillon inversé pour créer une crête de
vague particulièrement puissante. Le vide après l'attaque est accompagné par une
coupure de tous les éléments sonores et tactiles. Cela constitue un des événements les
plus structurants dans la pièce.
Avant qu’on aborde ce qui se passe pendant ce vide, on peut détailler le rapport
entre l’élément tactile et l’élément sonore dans la section à partir de 3 :07. Ici, la partie
sonore est caractérisée par des fluctuations faites par la synthèse waveshapping. Entre
les deux modalités, il y a des moments de quasi synchronie sensorielle, mais les
battements sont plus secs que des fluctuations langoureuses. Pourtant, on a toujours un
sens de correspondance rythmique entre les deux éléments, un sens des concessions de
part et d'autre, comme s'ils essaient de se calibrer l'un l'autre. Cependant, à 3:22, les
fluctuations accélèrent vers 3 Hz environ, et dans la partie tactile les battements tactiles
calent, comme s’ils ont été déroutés par ce changement soudain. Les battements
recommencent lorsque les fluctuations accélérées sont suffisamment diminuées.
PISTE 6 :
4 :40
On revient à 4:43 et au vide sensoriel qui suit. C’est à ce moment-là qu’on réduit
la texture au seul transducteur tactile et au caisson de basse. Ce duo souligne les idées
d’influence et de décalage psychosomatiques. D’abord, on étend un battement cardiaque
irrégulier avec le caisson de basse et ensuite des battements tactiles commencent. La
partie tactile est décalée de l’élément acoustique et elle fait trois types de polyrythme
96
avant de devenir un grondement oscillatoire plus rapide à 5:03. Ici, la partie acoustique
du caisson de basse s’arrête temporairement. Le caisson de basse rejoint la texture avec
des battements cardiaques. La partie tactile change avec des fortes pulsations à 3 Hz et
avec un peu de polyrythme. Après un des battements du caisson, à partir de 5:17, les
pulsations puissantes du transducteur sont réduites à 1 Hz alors que le dispositif double
les battements cardiaques du caisson. À 5:22, le tambourinement acoustique d’une
grosse caisse remplace une des pulsations puissantes tactiles et les deux pistes s’arrêtent
jusqu’au silence.
PISTE 7 :
5 :24
À 5:25 les matériaux sonores et tactiles reprennent. Jusqu’à la fin, il y a un jeu
avec la perception de synchronie entre les parties tactiles et acoustiques. Le matériau
tactile consiste à des oscillations infrasonores crées en Tassman avec des superpositions
des coups de grosse caisse. Les sensations résultantes ressemblent à des grondements et
aux crépitements d'un moteur. On a conçu le matériau sonore aussi avec la synthèse
waveshapping pour ressembler aux bruits d'une machine à laver. Ainsi, les éléments
musicaux et tactiles paraissent provenir du même phénomène intersensoriel, comme
s'ils forment ensemble une grande machine. Le matériau sonore s’arrête parfois pendant
que les éléments tactiles continuent. Le divorce des deux modalités pendant ces instants
semble un peu jurer après qu’on a établi cet ensemble intersensoriel : l'élément tactile
doit s'arrêter aussi. L'élément tactile change à partir de 5:38 en un balayage sinusoïdal
qui doit provoquer des résonances selon la largeur de la salle. Les oscillations entre
10,05-8,97 Hz ont toujours le même esprit de machine et de moteur, avec des coups de
grosse caisse pour fournir une sensation de crépitements. Ce même balayage continue
presque jusqu'à la fin, en s'arrêtant brusquement (avec l'aide d'un coup de tambour
inversé et tactilisé) à 6:22. À partir de 5:45, le matériau sonore rejoint le matériau tactile
pour former l'impression d'une machine, mais entre 5:51-5:58, il devient clair que
l'enveloppe d'amplitude du transducteur tactile ne suit pas les crescendos et
décroissances du matériau sonore mécanique. La synchronie intersensorielle temporaire
se révèle encore comme une illusion.
PISTE 8 :
6 :20
À 6:22 il y a un silence bref et ensuite une activation des modes de résonance de
la salle. Juste en suivant cette activation, le matériau sonore (aux fréquences de la
hauteur de la salle) fait une rentrée rythmique (par rapport au matériau tactile) et les
deux éléments décroissent ensemble. Pendant cet amortissement, les sons oscillatoires
97
dans le matériau sonore (qui est granulé) commencent à s'aligner aux oscillations
tactiles pour encore créer une illusion de synchronie jusqu’à la fin.
5. La spatialisation
On a également joué avec des cycles infrasonores de spatialisation étant donné
la configuration circulaire octophonique57 des enceintes. En restant sur l'idée d'une
machine à laver, on a essayé de produire des sons mécaniques avec leur propre motif de
spatialisation unique, comme des changements de cycle. Vers 2:00, le premier son
mécanique reconnaissable apparaît. Il suit une trajectoire cyclique d'une périodicité
<1 Hz, sur une piste en mono. Sa trajectoire est dans le sens contraire des aiguilles d'une
montre. Le deuxième son mécanique, une sorte de soufflement, entre à 2:10 environ. En
accord avec son rythme irrégulier, il ne garde pas une trajectoire cyclique régulière non
plus. Il fait des changements imprévisibles avec des allers-retours aux vitesses diverses:
entre 0,25-1 Hz environ. À 2:32, un son mécanique plus subtil, produit d'une synthèse
waveshapping, remplace le premier son mécanique, mais il reprend la même trajectoire
que le précédent aux cycles >1 Hz et qui ralentissent à 1 Hz éventuellement. À 3:08, un
nouveau son arrive, avec un glissando ascendant et descendant à 1 Hz. Il suit une
trajectoire plus lente à 0,5 Hz environ dans le sens des aiguilles d'une montre. Chaque
demi-tour de la configuration octophonique essaie de correspondre plus ou moins avec
les cycles de la fréquence porteuse du waveshapping. Également, l'arrivée de ce son à
3:08 est juste après les premiers battements cardiaques au dispositif tactile à 3:07. À
3:44, des nouvelles fluctuations mécaniques arrivent, caractérisées par des fluctuations à
1 Hz et des cycles spatiaux à 1 Hz. Éventuellement ces fluctuations s'accélèrent, mais
les cycles spatiaux restent constants, en créant un décalage entre les deux paramètres. À
4:12, un son mécanique tournant surgit de la texture. Sur une piste en stéréo, les canaux
se suivent parfois, et à un moment ils sont déphasés de 180° entre eux. Ils pivotent à une
plus lente vitesse, de 0,12 à 0,25 Hz environ, parfois un canal va plus vite que l'autre.
Après la partie duo du transducteur tactile et du caisson de basse, un son mécanique
reprend à 5:26, en stéréo. Les deux canaux suivent des sens différents, un dans le sens
des aiguilles d'une montre et l'autre contraire. Les deux canaux sont approximativement
57
Car toutes les spatialisations ont été faites à la main (pour garder un esprit de l'humain dans la
machine), les cycles spatiaux en Hz sont des approximations.
98
à la même vitesse de 1/6 Hz (0,17 Hz). Le son mécanique à 6:08 suit une trajectoire
dans le sens des aiguilles d'une montre à 1/8 Hz environ. Le dernier son mécanique
après le silence va dans le sens contraire des aiguilles d'une montre à une vitesse encore
plus lente à 1/24 Hz environ.
6. En résumé
En partie, cette œuvre représente une exploration du transducteur tactile en tant
qu’une moyenne alternative et viable pour diffuser des infrasons. Elle étudie l’espace
composable d’infrasons vibrotactiles ainsi que le contrepoint intersensoriel entre les
modalités sonore et tactile. Pour le public, on a surtout cherché à créer une expérience
dynamique et optimisée pour le lieu de concert : par les vibrations à travers le sol,
l’exploitation de la configuration octophonique et les modes de résonance de la salle.
Par l’exécution de cette composition, on a cherché à prouver le potentiel artistique des
infrasons, qui constitue l’objectif principal de ce travail.
B. Perspectives futurs
1. Le vêtement intersensoriel
Pour l'année à venir, on a prévu une collaboration avec un couturier indépendant
américain à Paris, Edward Tung. Essentiellement, on veut créer des vestes (ou des
combinaisons-pantalons) qui diffusent une composition qui est à la fois musicale,
vibrotactile et visuelle. Le contexte artistique sera entre celui d'une installation d'art et
celui d'une boîte de nuit. Surtout, il sera participatif; ce sont des membres du public qui
vont porter le dispositif. Également, on veut que la veste soit confortable et flexible
pour inviter un rapport cinétique au matériau compositionnel. On veut que la veste
donne envie de bouger, voire danser.
La veste aura un moyen de diffuser de la musique (qui sera électroacoustique)
par des casques d'écoute et un moyen de diffuser une piste vibrotactile par des
transducteurs tactiles qui feront partie du vêtement. Le porteur de la veste serait occupé
visuellement par d'autres vestes portées d'autres individus.
Concernant l'aspect visuel, on joue avec l'idée de composer une piste visuelle
pour des petites lumières électriques clignotantes qui seraient brodées à la veste. On n'a
pas encore décidé si le matériel visuel serait en synchronie ou en contrepoint aux pistes
musicales et vibrotactile. On a également pensé de peut-être créer deux versions de la
99
veste. Chaque type de veste aurait sa propre composition musicale et vibrotactile et un
motif visuel qui renforce les événements musicaux ou vibrotactiles. Dans l'éventualité
d'une installation avec deux participants, le matériel visuel pour chacun serait forcement
en contrepoint rythmique des matériaux musical et vibrotactile perçus; selon leur
perception, les participants vont principalement s’observer l'un l'autre et ne regarderont
pas autant leurs propres vestes. Dans une installation à plusieurs participants, la moitié
du matériel correspondra à celui de l'observant, et donc les lumières seront en
synchronie, et l'autre moitié sera en contrepoint.
Autrement, si on n'arrive pas à gérer un motif avec des lumières électriques, on
va broder des motifs complexes en tissu, voire des illusions optiques, qui varient selon
le mouvement du porteur de la veste.
En tous les cas, l'aspect visuel à moins sera modulé temporellement par des
vibrations des transducteurs tactiles. On va placer un ou deux transducteurs proches de
la tête pour perturber l'acuité du champ visuel aux moments donnés.
L'inspiration de ce projet est en trois parties. Le système Skinscape d'Eric
Gunther dont on a discuté au deuxième chapitre et particulièrement la deuxième version
de ce système a apporté le plus d'influence. Pour la première version, il a créé un
système vibrotactile avec douze transducteurs tactiles V1220 sur les manches, dédiés à
la diffusion des hautes fréquences, et un coussin Aura Interactor (Aura Interactor
Cushion) placé contre le support d'une chaise, dédié aux basses fréquences. Pour la
deuxième version, Gunther a créé une combinaison-pantalon en utilisant 12
transducteurs tactiles qui sont des prédécesseurs au transducteur V1220 et qui ont un
moyen pour diminuer sa fréquence résonante. Il a également employé un gilet Aura
Interactor (Aura Interactor Vest) disposé au bas du dos (Gunther et Modhrain, 2002), un
produit conçu à l'origine pour un emploi avec des jeux vidéos58.
58
http://www.baudline.com/erik/bass/tactile_report.html
100
FIGURE 29: Le placement des transducteurs le long du corps pour la deuxième version du système
Skinscape. Les petits points représentent les transducteurs tactiles dédiés à la diffusion des hautes
fréquences et le grand point représente le gilet Aura Interactor, dédié à la diffusion des basses fréquences
(Gunther et Modhrain, 2002).
FIGURE 30: La combinaison-pantalon vibrotactile de la deuxième version du système Skinscape
(Gunther et Modhrain, 2002).
Ainsi, dans l'esprit de Gunther, notre veste sera construite à partir d'un gilet Aura
Interactor, placé dans le dos. On peut étudier la possibilité de mettre un autre gilet
contre la poitrine ou de mettre d'autres transducteurs tactiles autour du thorax afin de
provoquer un effet tactilo-cinétique de mouvement rotatif, à la manière de Bice (dont on
a discuté dans le deuxième chapitre). En suivant le modèle de Gunther, on pourrait
ajouter d'autres petits transducteurs sur les manches, ou sur des pantalons, pour créer
une combinaison-pantalon. On voudrait surtout attacher un transducteur tactile près de
101
la tête voire sur la tête pour transmettre des vibrations qui influenceront le champ
visuel. Pour cette tache, on peut aussi employer une sorte de chapeau ou des casques
d'écoute ayant un transducteur tactile comme celles-ci:
FIGURE 31: Panasonic Brain Shaker Extreme, casques d'écoute avec un transducteur tactile
(http://prodcat.panasonic.com).
Deuxièmement, en s’inspirant de l'idée du disco silencieux (silent disco), un
phénomène culturel propagé par des compagnies qui fournissent des casques d'écoute
sans fils aux boîtes de nuit ou à d'autres organisateurs d'événements, d’une part pour
éviter la pollution sonore mais aussi pour une expérience artistique unique59. Parfois ces
boîtes invitent deux DJs et les clients peuvent choisir entre deux chaînes, une dédiée à
chaque DJ, pour choisir qui ils veulent écouter. Lors de ces événements, selon leurs
choix, une petite lumière colorée sur les casques d'écoute indique qui ils écoutent (e.g.
rouge pour un DJ et bleu pour l'autre)60. Un journaliste de Curiosity a commenté sa
propre expérience, en exprimant un sens de connexion indescriptible entre les individus
ayant des casques d'écoute d’une même couleur. Avec notre proposition des lumières
électriques en deux versions, une qui renforce les rythmes et l'autre qui enrichit le
rythme en contrepoint, on veut adapter l'idée du disco silencieux avec deux chaînes, en
étendant ce sens de communauté à tous les individus qui entourent et observent les
porteurs de combinaison. Ainsi, au lieu de deux couleurs, on crée deux types des
rapports, les deux artistiquement viables à l'autre.
Enfin, on pourrait aussi s’inspirer du jean REDWIRE™ DLX de la compagnie
américain Levi's®, conçu pour l'utilisation avec le lecteur mp3 iPod d'Apple Inc. Le
jean a des écouteurs rétractables, une station d'accueil, une poche briquet amovible pour
contenir l'iPod, ainsi qu'une télécommande pour le contrôler à partir du vêtement
59
Silent Disco by 433fm (2002-2012). Sevices & Products. Extrait le 19 août 2012 de
http://silentdisco.com/v2/services-products/.
60
Silent Frisco. (2011). Press : Curiosity: «96 Hours at SXSW». Extrait le 19 août 2012 de
http://www.silentfrisco.com/media/press/.
102
même61. Ce produit pousse l'idée du vêtement portable en tant que dispositif musical.
FIGURE 32: Le jean REDWIRE™ DLX de Levi's® 61
Concernant la composition en général, on aimerait explorer le mouvement rotatif et
cyclique, en employant des lentes oscillations infrasonores avec une spatialisation
sonore en stéréo qui imite une spatialisation rotative octophonique. Selon le placement
des transducteurs tactiles, on aimerait aussi organiser une spatialisation cyclique
vibrotactile, avec des oscillations tactiles en décalage non-harmonique aux oscillations
sonores (e.g. un cycle spatial sonore à 1 Hz et un cycle spatial vibrotactile à 1,7 Hz).
L'autre grand thème est évidemment l'intersensorialité. On veut que les rythmes
visuels et vibrotactiles influencent et enrichissent le rythme musical. On veut créer des
rapports causals en exploitant l'effet ventriloque avec des illusions spatiales, détaillées
au deuxième chapitre; on voudrait synchroniser plusieurs fréquences infrasonores
vibrotactiles diffusées dans le dos avec des fréquences infrasonores dans les casques
d'écoute pour donner l'impression que les sensations tactiles semblent résonner depuis
l'intérieur du corps. Également, comme on l'a expliqué plus tôt, on voudrait perturber le
champ visuel rythmiquement par les vibrations. On pourrait synchroniser parfois ces
perturbations avec des événements sonores pour un effet ventriloque encore plus
intersensoriel.
L'emploi de ces trois sens, avec une invitation aux mouvements de la part des
participants, donnerait du potentiel pour une expérience intersensorielle très riche et
stimulante. On espère que ce projet pourra lancer de la motivation chez d'autres
compositeurs pour créer pour un tel dispositif dans un tel contexte d’installation/danse.
61
Tiwari, A.S. (2006-2010) Wear your music with Levi's Jeans. Aha Cafe LLC. Extrait le 19 août 2012
de http://inventorspot.com/articles/carry_your_music_levis_21322.
103
C. La galerie des ondes
On a prévu un autre événement de collaboration à Paris pour l'année à venir avec
Bob Lamp, un artiste américain et enseignant d'art au Monterey Peninsula College en
Californie. On voudrait réaliser une installation intersensorielle qui serait à la fois une
installation sonore et une galerie d'art.
Lamp voudrait créer une série des pièces visuelles, pour la plupart en dessin et
en sculpture, à exposer dans une salle, en présentant les œuvres comme dans une galerie
d'art. On voudrait ensuite créer une composition musicale qui s’approcherait d’une
sculpture sonore; l'œuvre musicale serait acoustiquement taillée à la salle choisie pour
l'exposition, en provoquant les modes de résonance de la salle. Dans cet esprit, l'aspect
musical ressemblera au projet «Infrasound» de RHY Yau et Scott Arford, dont on a
discuté plus tôt. Les pièces visuelles seront affichées aux murs, arrangées ou suspendues
dans la salle selon les nœuds et les ventres de pression des ondes. Le placement des
objets visuels pourrait être organisé afin d'influencer le rebondissement des ondes
sonores. En outre, certains objets pourraient transformer les ondes sonores en vibrations
mécaniques, et ainsi, la vibration résultante produira une sonorité particulière.
Idéalement, concernant la composition musicale, on compte employer deux
caissons de basse afin d'exploiter des effets spatiaux, détaillés au deuxième chapitre,
notamment des polyrythmes complexes dus à une combinaison de battements
monauraux, des décalages de phase, et cetera. Après une prise des dimensions du lieu,
on cherchera à provoquer les modes de résonance de la salle, aux fréquences
fondamentales. Ainsi, il faut des caissons de basse capables de reproduire des ondes
sinusoïdales jusqu'à la basse fréquence requise.
Les pièces de Lamp seront réalisées probablement avec ses deux moyens
préférés: les dessins en stylo Sharpie® et de sculptures en cuivre. Toujours en accord
avec l'esprit de ce projet, le style de ses dessins en Sharpie® emploie parfois les motifs
de propagation ondulante. Les nouvelles qu'il créera seront une réflexion de cela, et
ainsi, elles serviront en tant que représentations visuelles des éléments sonores. Les
sculptures vont être conçues pour créer leurs propres résonances et pour dévier les
ondes diffusées. On a aussi discuté ensemble de la possibilité d’employer des prismes
avec miroirs et des lasers faibles; on dirigerait les trajets des lasers à travers des
prismes, en essayant d'isoler les trajets diffractés vers le plafond. On organiserait des
lasers, des miroirs et des prismes pour recevoir la force des ondes sonores pour vibrer
en réponse, en produisant des variations visuelles sur le plafond.
104
En bref, l'aspect visuel va constamment chercher à établir des rapports
intersensoriels avec le matériau sonore. On espère que le positionnement des objets d'art
selon les nœuds et ventre de pression encouragera un mouvement du spectateur à
travers l'espace et ainsi, invitera une perception variée des objets selon des perspectives
différentes. Surtout, on cherchera à travers cette collaboration un échange sonore et
visuel qui serait riche et dynamique, et qui provoquerait pour le spectateur une réflexion
de l'espace de la salle et du point de vue (voire du point d’écoute!).
105
Conclusion
En résumé, après avoir étudié les compositions et les installations travaillant
l’infrason au quatrième chapitre, on peut mieux apprécier le potentiel compositionnel de
ces lentes oscillations à travers un nombre d’emplois divers. Sur le plan artistique, ces
projets soulignent les techniques précisées aux trois premiers chapitres.
Au premier chapitre, en étudiant les particularités des infrasons, on a montré que
ces derniers valent plus qu’un simple effet compositionnel. Au contraire, ce sont des
outils ayant une multitude d’applications musicales. Ils sont porteurs des longues ondes
correspondant aux résonances des larges espaces et des structures corporelles. À travers
le projet « Infrasound », les artistes Yau et Arford ont démontré la variabilité musicale
de ces impacts architecturaux selon l’espace employé. De la même manière, il y a une
variabilité des résonances corporelles. La posture et le point d’entrée chez le spectateur
sont parmi les paramètres qui influencent la fréquence à laquelle il y a un impact et à
partir de quelle structure corporelle on la ressent. Pour les perspectives futures de ce
travail, on propose des idées pour créer des contextes interactifs et participatifs dans
lesquels le spectateur peut explorer (à travers le mouvement libre) les résonances de son
propre corps ou de l’architecture, par des vibrations infrasonores ou par des infrasons
aériens.
Les infrasons sont aussi porteurs des périodicités qui rappellent nos rythmes
physiologiques ; ce sont des oscillations infrasonores proches et connues par chaque
être humain. Ainsi, les infrasons possèdent une connexion à la vie dont le pouvoir
compositionnel peut-être exploité. « Bestiole » a illustré la puissance de ces
associations. Les battements monauraux ont modulé notre perception de la résonance de
la poitrine, et en étant plus rapides que le taux de respiration au repos, chez certains
spectateurs ils ont produit une réponse psychosomatique très prononcée.
Les infrasons sont des objets cross-modaux ; leurs effets intersensoriels chez le
spectateur ouvrent de nombreuses voies d’exploration et d’exploitation. Avec « Larry » on
a vu qu’on peut profiter des illusions intersensorielles telles que l’effet ventriloque, étant
donné une diffusion multimodale : le compositeur peut imiter les caractéristiques
intersensorielles naturelles des infrasons et ensuite aller à l’encontre des accords
106
perceptuels pour jouer avec l’attente du spectateur. En outre, comme la technologie
actuelle ne propose pas beaucoup de moyens pour diffuser les infrasons aux amplitudes
qu’ils nécessitent pour être facilement détectés, on peut exploiter cette limitation en tant
que contrainte créative. On peut les renforcer par d’autres modes pour aider à leur
perception, voire les traduire à la modalité vibrotacile. Cela ouvre des possibilités pour les
relations complexes en contrepoint intersensoriel.
Surtout, les idées présentes dans le premier chapitre invitent le spectateur à
prendre conscience de son espace, de son propre corps et de sa construction
perceptuelle de ses sens. On voit comment les traits caractéristiques des infrasons
fournissent un vaisseau musical idéal pour une telle exploration.
Au deuxième chapitre, on a présenté les paramètres musicaux des infrasons sur
le plan sonore et sur le plan vibrotactile. On fournit des conseils pour générer le continu
principal d’une œuvre musicale avec des infrasons ou en interaction avec des
fréquences du domaine des hauteurs.
Acoustiquement, les deux patchs Max/MSP illustrent les paramètres musicaux
infrasonores tels que des polyrythmes complexes, des variations d’intensité (selon le
dispositif de diffusion), des timbres distincts et de la spatialisation qui permettent un jeu
sophistiqué des battements et de phase. En outre, en ajoutant leurs partiels du domaine
des hauteurs, les harmoniques et spécialement les inharmoniques, on peut créer des
timbres plus variés et des influences polyrythmiques encore plus riches et musicalement
captivantes.
Les infrasons à travers la modalité vibrotactile possèdent leurs propres
paramètres musicaux. Le rythme et la spatialisation sont, en général, parmi les
paramètres musicaux les plus saillants dans la musique vibrotactile selon
Gunther (2001). Avec l’emploi de multiples transducteurs tactiles, la composition
vibrotactile ouvre les possibilités pour une spatialisation à travers la surface du corps.
En plus, les trajets de spatialisation selon la posture, la pesanteur et le placement des
transducteurs sur le corps offrent la possibilité de créer des illusions physiques
perceptuelles uniques. Les infrasons avec leur potentiel rythmique, et plus
particulièrement les infrasons entre 6,67-13,33 Hz qui sont à des taux idéaux pour
donner les illusions de mouvement, sont bien adaptés pour une traduction sensorielle à
la modalité vibrotactile. Notre perspective future du « Vêtement Intersensoriel » a
l’intention d’exploiter ces deux paramètres et explorer ses effets cinétiques dans un
107
contexte qui encouragera une danse en interaction avec le dispositif.
Au troisième chapitre, on a traité la création et la diffusion électroacoustiques
des infrasons. En analysant différents modes de synthèse sonore, la première partie a
discuté de plusieurs approches pour une création spécifique à l’infrasonore. Les deux
patchs en Max/MSP démontrent les possibilités compositionnelles de la synthèse AM et
des synthèses AM et FM simple ensemble, respectivement. Surtout, cette section
explique qu’il y a des nombreuses façons de créer des infrasons musicalement viables.
À travers la deuxième section, on a abordé le problème de diffusion infrasonore
étant donné la conception répandue des caissons de basse. Mais on a proposé des
solutions techniques qui contournent les limitations des dispositifs existants. En outre,
quelques produits ont été déjà fabriqués, et avec l’introduction du 1100 LFC de Meyer
Sound, on espère que la vente en commerce de ces enceintes permettra le
développement de ce type de dispositif adapté aux infrasons. Au-delà de la question des
caissons de basse, il y a des solutions intersensorielles. « Larry » est un exemple ; on a
employé un transducteur tactile pour une traduction sensorielle d’une des pistes
musicales, qui a diffusé des infrasons jusqu’à 7 Hz avec succès. Cependant, on attend
plus des projets qui explorent la sensibilisation aux infrasons par des renforcements
perceptuels intersensoriels.
Enfin, cette étude a montré le travail de quelques artistes innovants qui ont
commencé à intégrer et construire leurs œuvres musicales avec des infrasons. Nous
même avons crée le point de départ vers une exploration compositionnelle infrasonore,
particulièrement avec la composition de « Larry ».
Puisque la technologie évolue et rend les fréquences infrasonores plus
perceptibles pour le public, de plus en plus de compositeurs vont élargir l’espace
composable des infrasons. Dans cette étude, on a proposé quelques moyens de diffusion
et d’amplification viables existants pour composer avec des infrasons. Ainsi, on peut en
profiter maintenant pour lancer des projets.
Dans ce travail modeste, on n’a pu fournir que des premiers pas vers une
recherche artistique plus profonde. On espère que le dernier chapitre a prouvé que déjà,
la composition infrasonore peut aboutir à des fruits artistiques tentants aux autres
compositeurs. Ainsi, on espère que ces projets inspireront la suite de cette exploration
infrasonore.
108
ANNEXE
109
A. La classification des récepteurs sensoriels
D’après Tortora et Grabowski (2004), on codifie les récepteurs sensoriels selon
leur emplacement dans le corps, selon le type de stimulus auquel ils répondent et selon
leur degré de complexité.
La première catégorie consiste à des extérocepteurs, des intérocepteurs et des
propriocepteurs :
• Les extérocepteurs se trouvent sur ou près de la surface du corps (e.g. la peau) et
nous informent de l’environnement externe. Ces récepteurs sont dédiés à la
perception de l’ouïe, de la vision, de l’odorat, du toucher, de la pression, de la
température et de la douleur.
• Les intérocepteurs se trouvent dans les vaisseaux et dans les viscères et nous
informent de l’environnement interne. Ils sont implicites dans la perception des
sensations dérivant du corps telles que la douleur, la fatigue, la faim, la soif et la
nausée.
Les propriocepteurs se trouvent dans les muscles, les tendons, les articulations et
l’oreille interne. Ils nous informent de l’orientation du corps dans l’espace et du
mouvement. Ainsi, ces récepteurs perçoivent de la tension musculaire, la tension
et la position des articulations et l’équilibre.
La deuxième catégorie inclue les mécanorécepteurs, qui perçoivent la pression et
de l’étirement. Les mécanorécepteurs perçoivent le toucher, la pression, la
proprioception, l’ouïe, la balance et la tension artérielle. Aussi dans cette catégorie sont
des thermorécepteurs, implicites dans la perception de température; des nocicepteurs,
implicites dans la perception de la douleur comme produit des lésions physiques ou
chimiques aux tissus ; les photorécepteurs, implicites dans la perception de la lumière à
l’œil, et les chémorécepteurs, implicites dans le goût et l’odorat ainsi que la détection
des produits chimiques dans les fluides corporels (e.g. l’eau, l’oxygène).
Concernant la troisième distinction des récepteurs sensoriels, les récepteurs sont
divisés en deux catégories : les récepteurs simples et les récepteurs complexes. Les
récepteurs simples contribuent à la perception des sens généraux qui incluent les sens
somatiques tels que la proprioception et le toucher (e.g. la pression et la vibration) et les
sens viscéraux. Par contre, les récepteurs complexes contribuent à la perception des sens
spéciaux tels que l’odorat, le goût, la vision, l’ouïe et la balance.
110
B. Les mécanorécepteurs de la peau
On présente deux figures des sections transversales de la peau pour montrer où
se trouvent des mécanorécepteurs divers. La première figure est de la peau glabre et la
deuxième de la peau velue.
FIGURE : Une coupe transversale de la peau glabre. La région 1 est l’épiderme et la région 2 est le
derme. Légende : A. un thermorécepteur, B. un nocicepteur, C. un conduit de sueur, D. une cellule de
Merkel, E. une corpuscule de Meissner, F. le plexus sous-papillaire, G. une corpuscule de Ruffini, H. une
corpuscule de Panici, I. le plexus dermique, J. le plexus sous-cutané (Griffin, 1990).
111
FIGURE : Une coupe transversale de la peau velue (Tortora et Grabowski, 2004).
112
C. Spécifications techniques du Meyer Sound 700-HP :
113
D. Spécifications techniques du Meyer Sound 1100 LFC :
114
REMERCIEMENTS
D'abord, je voudrais remercier ma directrice Anne Sedes d’avoir accepté de diriger mon mémoire et de
m'avoir guidé ces deux dernières années. Elle m'a donné de nombreuses opportunités d'utiliser les studios
de la Maison de Sciences de l'Homme Paris Nord et de Paris 8 pour ce projet. Elle a aussi organisé des
tests à l'Amphi X de Paris 8. Elle était généreuse de m’avoir laissé plus de temps pour la finition de ce
document et d'avoir consacré du temps à sa correction. Je la remercie aussi pour nos nombreuses
discussions qui m’ont poussé à être une meilleure chercheuse et une meilleure compositrice.
Également, je voudrais particulièrement remercier Nicolas Fdida. Il a consacré de nombreuses heures
voire des jours de son temps pour corriger mon travail. En tant que Docteur en Physique, il m'a aidé
considérablement concernant les aspects physiques: pour les explications et pour la terminologie. En
outre, il m'a aidé à prendre les dimensions de la Chapelle des Carmélites à Saint-Denis pour la
composition de «Larry». Il m'a enseigné comment mieux travailler en Word pour faciliter la rédaction.
Surtout, il m’a beaucoup encouragé dans ma recherche, sa patience et sa compagnie m’ont aidé à rester
saine d'esprit pendant les longues heures de rédaction.
Je remercie ma famille (mon père Todd, ma mère Helene, ma sœur Brittany) et mes amis (notamment
Hannah Berthelot) pour leur soutien, leur encouragement, leur amitié et leur amour.
Je voudrais remercier aussi les familles pour qui je travaille: les D'Ailhaud de Brisis, les Naouri et les
Foltzer. Elles ont été très patientes et très compréhensives pendant la rédaction de ce travail. En plus,
elles m’ont gracieusement laissé le temps pour le finir.
Je remercie l'ingénieur du son Cédric Namian qui a dédié son temps pour superviser les tests à
l’Amphi X à Paris 8.
Je remercie Roger Schwenke, chef scientifique à Meyer Sound, pour ses emails et nos échanges
téléphoniques très fructueux sur l’ingénierie des haut-parleurs.
Je remercie mes professeurs et mes camarades de classe de Paris 8, particulièrement Yi-chun Ko pour les
d’échanges d’emails sur les infrasons.
Je remercie Eric Gunther qui m'a recommandé d'acheter un Aura Bass Shaker pour ma recherche.
Je remercie le compositeur Scott Cazan qui m’a introduit aux papiers de Vic Tandy et donc, aux
infrasons.
Enfin, je remercie toutes les autres personnes qui m’ont aidé mais qui sont omises ici.
115
CONTINU DU DISQUE JOINT
Pistes Audio :
- 1 : La modulation vocale provoquée par la résonance de la poitrine
- 2 : « Larry », enregistrement « live », l’œuvre entière
- 3 : « Larry », 0 :38
- 4 : « Larry », 2 :00
- 5 : « Larry », 3 :07
- 6 : « Larry », 4 :40
- 7 : « Larry », 5 :24
- 8 : « Larry », 6 :20
Patchs Max/MSP :
- 1 : « formes d’ondes double lab 1 »
- 2 : « simple FM double lab 2 »
Version PDF de ce document « Le Potentiel de la Musique Infrasonore »
116
BIBLIOGRAPHIE
Altmann, J. (1999). Acoustic Weapons: A Prospective Assessment: Sources,
Propagation, and Effects of Strong Sound. Dortmund, Germany: Universität Dortmund.
Source:
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Mythbusters. Saison 3, Émission 25 :Brown Note. Discovery Channel, États-Unis :
Beyond Productions. Source : http://www.youtube.com/watch?v=_lIK_gi3fBM&f
Boon, M. (2012, juillet). Aba Shanti-I. Low Bass Theories. The Wire, 341, pg. 31.
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