les items de - La Revue du Praticien
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LES ITEMS DE SEPTEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 7 W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R ITEM 9 Certificats médicaux Décès et législation Prélèvements d’organes et législation ITEM 104 ITEM 316 Maladie de Parkinson Lymphomes malins ITEM 55 Maltraitance et enfants en danger TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Les items de larevuedupraticien VOL. 65 n SEPTEMBRE 2015 Items 9 55 104 316 314, Bureaux de la Colline, 92213 Saint-Cloud Cedex Tél. : 01 55 62 68 00 Fax : 01 55 62 68 12 [email protected] www.larevuedupraticien.fr DIRECTION GÉNÉRALE-DIRECTION DES PUBLICATIONS Alain Trébucq (6903) [email protected] DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES RÉDACTEUR EN CHEF Jean Deleuze RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT LES ITEMS DE SEPTEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 7 W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R ITEM 9 Certificats médicaux Décès et législation Prélèvements d’organes et législation ITEM 104 ITEM 316 Maladie de Parkinson Lymphomes malins Marie-Aude Dupuy SECRÉTARIAT DE LA RÉDACTION Patricia Fabre COMITÉ DE LECTURE ET DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot, Jean-François Cordier, Claude-François Degos, Richard Delarue, Jean Deleuze, Olivier Fain, Bernard Gavid, Alexandre Pariente, Alain Tenaillon A COLLABORÉ À CE NUMÉRO Hélène Esvant RELECTEURS ET CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2014-2015 P. Bartolucci, J. Belaisch-Allart, J.-F. Bergmann, P. Bey, O. Bouchaud, B. Cariou, D. Choudat, P. Couratier, N. Danchin, Y. Dauvilliers, X. Deffieux, J.-C. Delchier, J.-R. Delpero, F. Desgrandchamps, F. Doz, I. Durrieu, J.-P. Fermand, M. Ferreri, T. Girard, C. Glorion, O. Gout, C. Gras-Le Guen, P. Guggenbuhl, A. Hartemann, K. Hoang-Xuan, D. Houssin, C. Isnard-Bagnis, X. Jouven, D. Lebeaux, V. Leblond, C. Lepage, O. Lortholary, G. Meyer, J.-F. Nicolas, J. Orgiazzi, P. Parize, É. Pautas, L. Peyrin-Biroulet, P.-F. Plouin, G. de Pouvourville, B. Riou, C. Robert, M. Tauber, C. Tourette-Turgis, P. Yeni COMITÉ D’HONNEUR Dominique Laplane Sommaire ITEM 55 Maltraitance et enfants en danger Item 9 • e3-10 Certificats médicaux Décès et législation Prélèvements d’organes et législation Medical certificates Death and legislation Organ harvesting and Legislation Irène François-Purssell, Alain Tenaillon, Marie-France Mamzer-Bruneel, Walter Vorhauer, Christian Hervé, Jacques Lucas, Philippe Charlier RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE Chantal Trévoux (6806) [email protected] DIRECTRICE ARTISTIQUE Cécile Formel Item 55 • e11-18 SECRÉTAIRES DE RÉDACTION Cristina Hoareau RÉDACTEURS-RÉVISEURS Maltraitance et enfants en danger Virginie Laforest, Jehanne Joly Abuse and children at risk Georges Picherot, Nathalie Vabres, Juliette Fleury, Margaux Lemesle larevuedupraticien® est une publication de GLOBAL MÉDIA SANTÉ SAS Principal actionnaire : ATMED SAS www.globalmediasante.fr Item 104 • e19-26 Maladie de Parkinson Parkinson’s disease Caroline Moreau, Luc Defebvre Capital de 4 289 852 e Durée de 99 ans à compter du 30.03.99 N° de commission paritaire : 0220 W 90254 Item 316 • e27-33 Lymphomes malins Malignant lymphoma Fabrice Jardin FOCUS Item 316 • e34 Le lymphome de Hodgkin Hodgkin lymphoma Fabrice Jardin La revue adhère à la charte de formation médicale continue par l’écrit du Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé (SPEPS) et en respecte les règles. (Charte disponible sur demande). Reproduction interdite de tous les articles sauf accord avec la direction. Les liens d’intérêts des membres du Comité de lecture et de rédaction scientifique sont consultables sur www.larevuedupraticien.fr (Qui sommes-nous ?). Les items de La Revue du Praticien TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN RR Item 9 CERTIFICATS MÉDICAUX DÉCÈS ET LÉGISLATION PRÉLÈVEMENT D’ORGANES ET LÉGISLATION Pr Irène François-Purssell1, 2, Dr Alain Tenaillon3, Pr Marie-France Mamzer-Bruneel1, 4, Dr Walter Vorhauer5, 6, Pr Christian Hervé1, 5, Dr Jacques Lucas7, Dr Philippe Charlier8 1. Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, Paris-Descartes, Sorbonne-Paris-Cité, France 2. Médecine légale, CHU Dijon, France 3. Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, France 4. UF Éthique clinique, Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris, France 5. Mission éthique de l’Hôpital européen Georges-Pompidou, HUPO, AP-HP, Paris, France 6. Anatomopathologiste, Secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des médecins, France 7. Cardiologue, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, France 8. Laboratoire d’anthropologie médicale et médico-légale, UFR des sciences de la santé (UVSQ), hôpital Raymond-Poincaré, AP-HP, Garches, France [email protected] Définition objectifs PRÉCISER les règles générales d’établissement des certificats médicaux et leurs conséquences médico-légales, y compris les certificats de coups et blessures et notions d’ITT. DÉCRIRE l’examen d’un cadavre. CONNAÎTRE les différents types d’autopsie. PRÉCISER les principes de la législation concernant le décès et l’inhumation. PRÉCISER les principes de la législation concernant les prélèvements d’organes. Certificats médicaux Les textes de référence sont : ––l’art. R 4127-76 du Code de la santé publique (CSP) ; ––les art. 226-13 du Code pénal, art. 1110-4 et R 4127-4 du Code de la santé publique, en cas de violation du secret médical ; ––l’art. R 2147-28 du Code de santé publique, en cas de rédaction de faux certificats ou de certificats de complaisance ; ––l’art. 441-7 du Code pénal, pour l’établissement de faux certificats. Le certificat médical est l’attestation écrite des constatations cliniques et paracliniques, positives ou négatives, concernant l’état de santé d’un individu qui a bénéficié d’un examen médical. Le certificat médical est rédigé par un médecin et permet au patient de faire valoir des droits liés à son état de santé. Principes fondamentaux La rédaction d’un certificat est un acte médical réalisé après un examen clinique de la personne concernée, et qui engage les responsabilités civile, pénale et ordinale du médecin. Le demandeur du certificat médical peut être le sujet lui-même, le titulaire de l’autorité parentale pour un mineur, le tuteur pour un majeur sous tutelle, ou une autorité judiciaire : réquisition établie par un officier de police judiciaire sur ordre du procureur de la République, le procureur de la République, ou une commission rogatoire émanant d’un juge d’instruction. Un certificat médical doit être justifié par un motif médical. Il n’est obligatoire que si un texte législatif ou réglementaire l’exige, et seuls les médecins titulaires du diplôme de docteur en médecine et inscrits à l’Ordre des médecins sont en droit de le rédiger et le signer. La licence de remplacement autorise néanmoins la signature de certificats médicaux. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e3 RR Item 9 C E RT IFIC AT S MÉ DIC AU X. DÉ C È S E T L É GISL AT ION. PR É L È VE ME NT D’OR GANE S… Principes généraux de rédaction des certificats médicaux Un certificat est classiquement rédigé sur une ordonnance ou un papier à en-tête, attestant de l’identité et de la qualité du rédacteur. Un médecin ne peut faire état que de ce qu’il a personnellement constaté. Le texte doit être lisible, écrit en français ou traduit. Les mots doivent être précis, de même que le temps des verbes et la ponctuation dont le mauvais usage peut inverser la signification d’une phrase… Les termes doivent être strictement descriptifs, notamment dans les situations conflictuelles (divorce, garde d’enfants, contestation de testament…) et les certificats non exigibles peuvent être refusés (constat de malpropreté d’un enfant qui vient de chez l’autre parent, constat de virginité…). Un certificat médical doit comporter (v. encadré) : ––l’identité complète du patient, connu ou pas (« qui dit être… » ) ; ––les faits rapportés et les doléances exprimées, clairement distingués des constatations effectuées. (« Le patient dit que… ». « Il se plaint de… ») ; ––les faits constatés. (« Je constate que… [décrire les constatations cliniques] » ; ––les traitements (soins, médicaments) nécessaires ; ––les examens complémentaires, et l’arrêt de travail éventuel, en restant très prudent sur le pronostic ; ––la date du jour de sa rédaction et celles des constatations (si différentes). Pour les certificats dits de coups et blessures (y compris agressions sexuelles), il est souhaitable de préciser l’heure des constatations. Il est interdit de postdater ou d’antidater un certificat médical ; ––la signature et le cachet du praticien. Cette signature peut être accompagnée de celle du patient, ce qui atteste de la remise en main propre ; ––la formule « Remis en main propre pour faire valoir ses droits » doit être apposée et rappelle la finalité du certificat. Certificat médical Il doit, quelle qu’en soit la destination : 7 mentionner la date de la rédaction du certificat et celle de l’examen clinique du patient ; 7 identifier le demandeur, le patient et le médecin signataire ; 7 ne comporter que des informations constatées par le médecin signataire qui concernent exclusivement le demandeur, sans jamais mentionner de tiers, de quelque manière que ce soit ; 7 être signé par le médecin (cachet obligatoire) ; 7 comporter la formule « Remis en main propre pour faire valoir ses droits ». e4 Il est important d’informer le patient sur les conséquences possibles de ce certificat et sur le fait qu’en l’utilisant, il rend publique une partie de sa situation médicale, avec des conséquences qui ne sont pas toujours celles espérées. Cas particuliers Certains certificats obligatoires doivent être rédigés sur des formulaires préimprimés. 1.Certificats médicaux et législation sociale L’arrêt de travail : une maladie ne rompt pas le contrat de travail mais en suspend l’exécution. Le malade doit, dans les plus brefs délais, aviser l’employeur de la durée probable de son absence et la justifier par un certificat médical (de même pour la prolongation). L’aptitude : seul le médecin du travail est habilité à se prononcer sur l’aptitude d’une personne à occuper un poste donné, mais le médecin traitant peut rédiger une « note circonstanciée », décrivant l’état de santé du patient qui, remise au patient (informé de son contenu), peut être transmise par son intermédiaire au médecin du travail. Les accidents du travail (v. item 180). Le certificat médical initial doit être rempli de manière très consciencieuse (lisibilité, description précise des lésions). Tous les arrêts de travail en lien avec l’accident seront rédigés sur ce même formulaire. Les maladies professionnelles (art. L 461-1 du code de la Sécurité sociale ; v. item 180). Le médecin traitant doit fournir le certificat au patient, et à lui seul, qui décidera de déclarer ou non sa maladie professionnelle : celle-ci peut entraîner la perte de l’emploi. 2.Certificats médicaux et d’état civil La déclaration de naissance précise, dans ses articles 55 à 57, que « Les déclarations de naissance seront faites dans les trois jours suivant l’accouchement à l’officier de l’état civil du lieu » et que « La naissance sera déclarée par le père ou, à défaut du père, par les docteurs en médecine... ». Certificats de décès (v. infra) 3.Certificats de santé Les modalités de rédaction d’autres certificats de santé spécifiques sont détaillés dans d’autres items, comme les certificats de suivi de la grossesse (v. items 22-23), les certificats d’interruption de grossesse (v. item 36), les certificats de santé de l’enfance (v. item 44), les certificats de vaccination (v. item 143), les certificats en rapport avec la santé mentale (v. item 11), et les certificats en rapport avec la protection des biens (v. item 8). Deux situations non traitées ailleurs doivent être connues. Les certificats de contre-indication ou de non-contre-indication à la pratique sportive : le médecin doit s’informer des contre-indications au sport concerné, et du niveau de pratique envisagé. Le patient doit également être informé des risques que la pratique de certains sports lui fait courir. Pour l’enfant scolarisé, le caractère total ou partiel de la contre-indication est indiqué sur le certificat établi par le médecin traitant avec possibilité d’indications utiles pour l’adaptation de la pratique sportive. La durée de validité doit être mentionnée. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Certificats médicaux Décès et législation Prélèvement d’organes et législation POINTS FORTS À RETENIR La rédaction d’un certificat est un acte médical réalisé après un examen clinique de la personne concernée, et qui engage les responsabilités civile, pénale et ordinale du médecin. Le demandeur du certificat médical peut être le sujet lui-même, le titulaire de l’autorité parentale pour un mineur, le tuteur pour un majeur sous tutelle, ou une autorité judiciaire. Un certificat médical, quelle qu’en soit la destination, doit : – mentionner la date de la rédaction du certificat et celle de l’examen clinique du patient ; – identifier le demandeur, le patient et le médecin signataire ; – ne comporter que des informations constatées par le médecin signataire qui concernent exclusivement le demandeur, sans jamais mentionner de tiers, de quelque manière que ce soit ; – être signé par le médecin (cachet obligatoire) ; – comporter la formule « remis en main propre pour faire valoir ses droits ». La loi (4 mars 2002) prévoit que le médecin pourra donner des informations aux ayants droit, pour connaître les causes de la mort, faire valoir leurs droits, ou pour défendre la mémoire du défunt. Ceci n’est possible que si le patient, de son vivant, ne s'est pas opposé à une telle éventualité. Le certificat médical de décès se fait sur un imprimé dédié, ou par voie électronique. Il comporte deux volets, l’un administratif, l’autre médical. Le volet administratif qui a comme conséquences de définir : – le début du délai de transport du corps sans mise en bière : 48 heures à compter du décès ; – le début du délai pour procéder aux funérailles : au moins 1 jour et au plus 6 jours après le décès ; – le début de la succession pour les ayants droit. Le volet médical est destiné à l’INSERM, à des fins épidémiologiques. Pour les licenciés (ou non) désirant prendre part à une compétition, le certificat médical doit préciser la non-contre-indication à la pratique de l’activité sportive en compétition (peut justifier des investigations spécifiques). Les certificats demandés par les compagnies d’assurances :un médecin traitant ne doit jamais donner directement des renseignements médicaux à un médecin mandaté par une compagnie d’assurances. La mort du malade ne relève pas le médecin du secret professionnel et les héritiers ne peuvent l’en délier. Il appartient à la compagnie d’assurances d’apporter la preuve qu’elle ne peut honorer les termes d’un contrat (ne pas verser les prestations) pour non-respect des clauses de la part du souscripteur. La loi (4 mars 2002) prévoit que le médecin peut donner des informations aux ayants droit pour connaître les causes de la mort, faire valoir leurs droits, ou pour défendre la mémoire du défunt. Cela n’est possible que si le patient, de son vivant, ne s’est pas opposé à une telle éventualité. L’Ordre des médecins recommande de se limiter à attester que la cause du décès entre ou non dans les clauses d’exclusion du contrat d’assurances. 4.Certificats médicaux établis à la demande des autorités judiciaires Ces certificats sont élaborés sur réquisition. Il est obligatoire d’y déférer, sauf en cas de conflit d’intérêts, d’impossibilité manifeste ou d’incompétence. Le patient doit être informé du contenu de la réquisition et doit être examiné dans de bonnes conditions. Le médecin rédige ensuite ses constatations, en ne mentionnant que les informations nécessaires à la réponse aux questions posées. Le certificat est alors remis à « l’autorité requérante » et à elle seule. Les certificats de coups et blessures et l’évaluation d’une ITT (hors violences sexuelles [v. item 10]). Le certificat permet au plaignant d’apporter la preuve de blessures physiques ou psychiques. Il doit comporter une description des blessures constatées : nature (plaie, ecchymose, hématome, fracture…), en précisant pour chacune sa localisation (utiliser les repères anatomiques), sa dimension en centimètres, sa couleur, sa forme. Le retentissement fonctionnel des lésions doit également être décrit. Les éventuels examens complémentaires réalisés doivent être précisés ainsi que leurs résultats. Les traitements et prescriptions reçus doivent être mentionnés. Le certificat doit bien distinguer ce qui est constaté par le médecin de ce qui est dit par le patient. L’auteur désigné ne doit pas être mentionné. La conclusion doit mentionner la détermination de l’incapacité totale de travail (ITT). Il s’agit d’une estimation faite par le médecin de la durée pendant laquelle le sujet sera significativement gêné dans les actes de la vie ordinaire, du fait des blessures ou des soins (par exemple un plâtre). Le retentissement psychologique des faits (prostration, dépression…) doit également être pris en compte en estimant une évolution ultérieure possible. De plus, cette incapacité peut être totale mais non absolue, d’où les ambiguïtés et les aléas de l’interprétation… L’incapacité totale de travail est donc différente de l’arrêt de travail, qui mentionne la période durant laquelle le sujet ne sera pas apte à exercer sa profession. Elle diffère aussi de l’incapacité temporaire de travail, notion utilisée dans le cadre civil, maintenant dénommée déficit fonctionnel temporaire total (DFTT), qui correspond à la période indemnisable pendant laquelle la victime va se trouver empêchée de jouir de ses pleines capacités. L’ITT est en définitive la durée de la gêne réelle et globale éprouvée par la victime pour effectuer les gestes de la vie courante, mais pas forcément tous ces gestes. Au médecin d’en estimer la durée, en s’appuyant sur des données cliniques et médicales. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e5 RR Item 9 C E RT IFIC AT S MÉ DIC AU X. DÉ C È S E T L É GISL AT ION. PR É L È VE ME NT D’OR GANE S… La durée de l’ITT est utilisée par le parquet pour la qualification de l’infraction (tableau 1). Elle a donc une importance judiciaire. C’est pourquoi le médecin doit rester aussi objectif que possible dans sa détermination, et s’en tenir aux constatations médicales. Le médecin décrit les blessures et détermine l’ITT, le magistrat apprécie les circonstances aggravantes et qualifie l’infraction, en tenant compte des circonstances des coups et blessures (volontaires ou non volontaires). Le certificat est remis en main propre à la victime lorsque c’est elle qui le demande (ou à son tuteur légal) et à l’autorité judiciaire lorsque il y a eu réquisition. En cas de mort ou de graves séquelles, le délit peut être qualifié de crime. L’auteur est alors passible de la cour d’assises. Législation concernant le décès et l’inhumation Les textes de référence sont : ––la loi du 19 décembre 2008 ; ––les décrets du 3 août 2010 et du 28 janvier 2011 ; ––le code général des collectivités. Certificat de décès TABLEAU 1 Le médecin a l’obligation de constater et certifier le décès après avoir vérifié que la mort est « réelle et constante ». La certification du décès est obligatoirement rédigée et signée par un médecin après avoir vérifié que la mort est « réelle et constante ». Le certificat médical de décès se fait sur un imprimé dédié, ou par voie électronique (art. R2213-1-2 du code général des collectivités territoriales ; http://sic.certdc.inserm.fr) depuis le décret du 27 juillet 2006 et l’arrêté du 24 novembre 2006. Il comporte deux volets : l’un administratif, l’autre médical. 1.Volet administratif Établi en trois exemplaires et signé par le médecin qui a constaté le décès, il mentionne les nom, prénoms, date de naissance, sexe, adresse du domicile, commune de décès du défunt. La date et l’heure du décès doivent être notées, le cas échéant de manière approximative. Il ne s’agit pas nécessairement de la date du constat. Cet acte a comme conséquences de définir : ––le début du délai de transport du corps sans mise en bière ; 48 heures à compter du décès ; ––le début du délai pour procéder aux funérailles ; au moins 1 jour et au plus 6 jours après le décès ; ––le début de la succession pour les ayants droit. Le volet administratif comporte par ailleurs des rubriques pour lesquelles le médecin doit cocher des cases « oui » ou « non », précisant certaines circonstances (tableau 2). 2.Volet médical Ce volet est destiné à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm, CépiDc) à des fins épidémiologiques. Il est anonyme et confidentiel et fait état des causes de décès : ––la partie I est destinée à décrire la cause immédiate de la mort (maladie terminale, traumatisme ou complication). Le certificat doit mentionner si le décès est dû à un accident, un suicide, un homicide ou si l’intention n’a pas pu être déterminée ; ––la partie II permet de décrire les éventuels états morbides, facteurs ou états physiologiques ayant contribué au décès, sans être directement à l’origine de la cause immédiate du décès. Des informations complémentaires sont indiquées le cas échéant : grossesse, accident... En cas d’autopsie, il faut indiquer si les causes du décès mentionnées ont pris en compte les résultats. Qualification des infractions et ITT Type de coups et blessures Volontaires* Involontaires Durée de l’ITT Infraction Juridiction Sanction ❚❚ 8 jours* ❚❚Contravention* ❚❚Tribunal de police* ❚❚Amende* ❚❚> 8 jours ❚❚Délit ❚❚Tribunal correctionnel ❚❚Amende et prison ❚❚ 3 mois ❚❚Contravention ❚❚Tribunal de police ❚❚Amende ❚❚> 3 mois ❚❚Délit ❚❚Tribunal correctionnel ❚❚Amende et prison ITT : incapacité totale de travail. * En cas de coups et blessures volontaires, la présence de circonstances aggravantes, définies par le Code pénal, entraîne la qualification de délit dès lors qu’une ITT est reconnue, quelle que soit sa durée. Les circonstances aggravantes reconnues sont les suivantes : – violences sur mineur de moins de 15 ans, personne vulnérable, ascendants, agents publics chargés d’une mission d’intérêt public, professions de santé, victime discriminée, etc. ; – violences sur concubins, conjoints, pacsés, etc. ; – violences sexuelles (sauf le viol, qui est un crime) ; – violences en réunion, en état d’ivresse, avec préméditation, avec arme. e6 Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Certificat de décès néonatal Il doit être rempli pour tous les enfants nés vivants et décédés entre la naissance et 27 jours révolus, si l’enfant avait un âge gestationnel d’au moins 22 semaines d’aménorrhée ou pesait au moins 500 g à la naissance. Il ne concerne pas les enfants mort-nés. Cas particuliers des enfants décédés avant la déclaration de naissance ou mort-nés : si l’enfant est né vivant et viable, le médecin doit produire un certificat indiquant que l’enfant est né vivant et viable, et les jours et heures de sa naissance et de son décès. L’enfant est inscrit sur le livret de famille. Si l’enfant est né sans vie, le certificat médical d’accouchement doit mentionner l’heure, le jour et le lieu de l’accouchement ; de même, si l’enfant est mort-né, ou s’il est né vivant mais non viable et décédé avant la déclaration de naissance. L’acte d’enfant sans vie permet aux parents d’inscrire cet enfant sur les registres de l’état civil et sur le livret de famille. Éléments de législation funéraire Le décès étant constaté, il doit être déclaré par un membre de la famille ou un proche du défunt à la mairie du lieu où le défunt est décédé dans les 24 heures suivant le décès (hors weekends et jours fériés). Cette déclaration permet à l’officier d’état civil d’établir l’acte de décès, qui ne mentionne pas la cause de décès. La police des funérailles comme la police des cimetières appartient au maire. Un certain nombre d’opérations suivant le décès sont réglementées et soumises à autorisation administrative. Le transport du corps n’est possible avant mise en bière que dans les 48 heures qui suivent le décès, en l’absence de contre-indications, et sans limitation de temps après. La fermeture du cercueil doit être préalablement autorisée par l’officier d’état civil du lieu de décès ou du lieu de dépôt de corps, en cas de transport avant mise en bière. L’inhumationest possible 24 heures au moins et 6 jours au plus après le décès, hors dimanches et jours fériés. Elle nécessite une autorisation administrative. L’inhumation sans cercueil est interdite en France. La crémation peut être effectuée 24 heures au moins et 6 jours au plus après le décès. L’autorisation est donnée par le maire de la commune de décès ou du lieu de fermeture du cercueil, s’il y a eu transport de corps avant mise en bière. La demande de crémation doit être accompagnée d’un document attestant des dernières volontés du défunt ou d’une demande de la personne qui pourvoit aux funérailles et d’un certificat de décès établi par le médecin ayant constaté le décès. L’exhumation d’un corps ne peut avoir lieu que pour des motifs graves. Elle peut être demandée par le plus proche parent du défunt ou encore à l’initiative du maire, par décision d’un juge, ou à la demande de la Sécurité sociale aux fins d’autopsie d’une personne décédée après à un accident de travail. Certificats médicaux Décès et législation Prélèvement d’organes et législation POINTS FORTS À RETENIR Le terme de « prélèvement d’organe » englobe souvent à la fois le geste technique qui consiste à séparer tout ou partie d’un organe de son corps d’origine et son conditionnement jusqu’à son utilisation définitive (greffe, recherche…). Il est à distinguer du « don d’organes » qui consiste pour une personne à accepter que de son vivant (un organe) ou après son décès (un ou plusieurs organes) soient prélevés pour le bénéfice d’une tierce personne. Ces deux notions sont régies par des textes réglementaires qui diffèrent mais se complètent (lois de bioéthiques de 1994 confirmées et adaptées lors de leurs révisions en 2004 et 2011) et qui mettent en exergue les 6 principes suivants : – le principe de la dignité de la personne inscrite dans la Constitution a été traduite dans le Code Civil qui garantit le respect du corps humain et donc son inviolabilité (art. 16-1) ; – le principe d’indisponibilité du corps humain et de non-patrimonialité interdit de commercialiser le corps humain, ses éléments et ses produits ; – le principe de gratuité, en cas d’utilisation de tout ou partie du corps humain ; – le principe d’anonymat entre le sujet décédé, objet du prélèvement, et le bénéficiaire de l’organe prélevé ; – le principe de sécurité sanitaire doit s’appliquer en toutes circonstances ; – le principe de restauration du corps. Examen d’un cadavre et différents types d’autopsie Tout médecin appelé auprès d’un cadavre doit attester que « la mort est réelle et constante » après avoir procédé à l’examen complet du corps nu. Examen du cadavre Le praticien s’assure alors de l’absence de signes de vie : ––arrêt cardiorespiratoire ; absence de pouls, de respiration, de pression artérielle ; –– arrêt des fonctions neurologiques ; abolition totale de la conscience, perte du tonus musculaire, disparition de toute sensibilité, disparition des réflexes, abolition du réflexe cornéen, mydriase bilatérale aréactive ; ––pâleur et refroidissement. L’examen clinique permet de rechercher des signes de mort spécifiques qui apparaissent dès les premières heures : Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e7 RR Item 9 C E RT IFIC AT S MÉ DIC AU X. DÉ C È S E T L É GISL AT ION. PR É L È VE ME NT D’OR GANE S… ––lividités ; coloration cutanée rouge rosé, souvent violacée, au niveau des zones déclives du cadavre. Les lividités respectent les zones de pression, qui restent à leur couleur initiale. Elles se produisent dans les 3 premières heures après le décès, s’installent en 12 heures et se fixent en 48 heures. Elles donnent une idée de la position du corps après la mort ; ––déshydratation ; yeux excavés, cornée opacifiée, tache noire sclérotique, plaque cutanée parcheminée, le cas échéant fontanelle hypotonique ; ––rigidité cadavérique liée à la contraction des muscles du corps après la mort ; elle commence après 3 heures au niveau des muscles de la face (mandibule et nuque) et diffuse vers le bas du corps, pour atteindre en 6 à 12 heures les membres supérieurs (en flexion) puis inférieurs (en flexion). Au-delà de 48 heures, la rigidité disparaît de la tête vers les pieds ; ––refroidissement progressif du corps, jusqu’à équilibre thermique avec le milieu extérieur (mesurer la température du lieu) ; stable dans les premières heures du décès, la température baisse d’environ 1 °C par heure pour atteindre la température ambiante ; de nombreux facteurs (habillement, ventilation, humidité) peuvent perturber ce refroidissement ; ––décomposition du corps à partir de 48 heures, liée à la lyse cellulaire, au développement et à la fermentation de la flore intestinale qui transforment le corps ; apparition d’une tache verte abdominale, gonflement des tissus, circulation posthume, phlyctènes et décollements cutanés, avec dégagement d’odeur et afflux d’insectes nécrophages. Les destructions tissulaires et la dessiccation vont progressivement ne laisser subsister que le squelette en 12 à 18 mois. Levée de corps La levée de corps est l’examen externe d’un cadavre effectué sur le lieu de sa découverte dans le cadre d’une réquisition judiciaire. Il implique que le praticien soit compétent en médecine légale. Le médecin doit examiner totalement et minutieusement la totalité du corps. Il procède à la description des signes de la mort, à la recherche de lésions anciennes ou récentes, de lésion traumatique de défense et/ou de violence, de tout élément susceptible d’établir les causes de la mort. Il peut être amené à proposer des examens complémentaires (toxicologie, imagerie médicale) ou à recommander une autopsie, qui est alors une autopsie médicolégale. Autopsie judiciaire ou médicolégale Le demandeur est le parquet ou le juge d’instruction. L’objectif est de déterminer si la mort trouve sa cause dans une infraction. L’effecteur est un médecin légiste formé à l’autopsie médicolégale. S’agissant d’un acte dit d’ordre public, le consentement des proches n’est pas requis. Leur information est souhaitable, mais non obligatoire et pas toujours possible dans les délais impartis. e8 Autopsie scientifique, médicale ou hospitalière Le demandeur est la famille ou le médecin. L’objectif est d’obtenir un diagnostic sur les causes du décès (CSP art. 1211-2) ; elle est pratiquée en dehors du cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire. L’effecteur est un anatomopathologiste. L’autopsie n’est possible que si l’intéressé ne s’y est pas opposé de son vivant, en s’inscrivant sur le Registre national des refus. Pour les majeurs sous tutelle et les mineurs, le consentement doit être donné par les représentants légaux. Elle est également possible en cas de nécessité impérieuse pour la santé publique et en l’absence d’autres procédés permettant d’obtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort ; un arrêté du ministre chargé de la Santé précise les pathologies et les situations justifiant la réalisation des autopsies médicales dans ces conditions. Prélèvement d’organes et législation Un organe se définit comme « toute partie du corps qui remplit une fonction ». S’il est habituel de voir derrière ce mot des organes solides (foie, rein, cœur..), la moelle osseuse est aussi considérée comme un organe. Le terme de prélèvement d’organes englobe souvent à la fois le geste technique qui consiste à séparer tout ou partie d’un organe de son corps d’origine et son conditionnement jusqu’à son utilisation définitive (greffe, recherche…). Le prélèvement est à distinguer du « don d’organes » qui consiste pour une personne à accepter que, de son vivant, un organe, ou après son décès, un ou plusieurs organes soi(en)t prélevé(s) pour le bénéfice d’une tierce personne. Ces deux notions sont régies par des textes réglementaires qui diffèrent mais se complètent. Grands principes Ils ont été définis par les lois de bioéthique de 1994 et ont été confirmés et adaptés lors de leurs révisions en 2004 et 2011. Le principe de la dignité de la personne, inscrit dans la Constitution, a été traduit dans le Code civil, et garantit le respect du corps humain et donc son inviolabilité (art. 16-1). Il est donc interdit, sous peine de sanctions, d’intervenir sur le corps d’un sujet vivant en l’absence de visée thérapeutique pour lui-même. Cette interdiction concerne aussi le corps d’une personne décédée. La loi prévoit cependant certaines exceptions, parfaitement définies. Le principe d’indisponibilité du corps humain et de non-patrimonialité interdit de commercialiser le corps humain, ses éléments et ses produits. Inclus dans la loi française depuis 1976, il a été repris sur le plan international dans la convention d’Oviedo. Le principe de gratuité, en cas d’utilisation de tout ou partie du corps humain, découle du principe précédent, ainsi que toute Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN TABLEAU 2 Circonstances à signaler sur le certificat de décès Obstacle médico-légal ❚❚En cas de suicide ou de décès suspect paraissant avoir sa source dans une infraction médicolégale ou dans l’intervention d’un tiers ❚❚Le corps est alors à la disposition de la justice ❚❚Les opérations funéraires sont suspendues jusqu’à autorisation donnée par l’autorité judiciaire Obligation de mise en bière immédiate en cercueil simple ❚❚En cas d’hépatite virale B ou C, d’infection par le VIH, de rage, de maladie de Creutzfeldt-Jakob, de tuberculose active non traitée ou traitée depuis moins d’un mois, ou de mauvais état de conservation du cadavre Obligation de mise en bière immédiate en cercueil hermétique ❚❚En cas de variole ou autres orthopoxviroses, de choléra, de charbon, de peste ou de fièvres hémorragiques virales Obstacle au don du corps ❚❚Possible en l’absence d’obstacle médicolégal ou de maladie contagieuse ❚❚La carte de donateur doit être demandée Prélèvement en vue de rechercher la cause du décès ❚❚Voir autopsie médicale Présence de prothèse ❚❚Toute prothèse renfermant des radioéléments artificiels doit être enlevée avant la mise en bière ❚❚Toute prothèse fonctionnant au moyen d’une pile (stimulateur cardiaque) doit être enlevée avant la crémation ❚❚Faire une attestation précisant les références du dispositif ôté interdiction de publicité visant à favoriser l’utilisation d’un de ses éléments ou produits au profit d’une personne, d’un établissement ou d’un organisme nommément désigné. Il est donc interdit à un sujet (et à ses proches) de percevoir une rétribution directe ou indirecte en compensation d’un prélèvement d’organes de son vivant ou après son décès. Le principe d’anonymat entre le sujet décédé, objet du prélèvement, et celui qui sera amené à bénéficier de l’organe prélevé. La garantie de l’anonymat s’impose à tous les intervenants en relation avec le prélèvement, proches du sujet décédé et soignants. Ce principe repose sur le principe de solidarité qui régit le fonctionnement de notre société et sur celui de non-patrimonialité du corps humain dont il vise à assurer le respect. Le principe de sécurité sanitaire doit s’appliquer en toutes circonstances, en évaluant dans tous les cas le rapport bénéfices/ risques, en fonction des connaissances médicales et scienti- fiques du moment. Cela peut imposer, avant tout prélèvement, la réalisation notamment d’examens de dépistage de certaines maladies transmissibles (infections par le virus de l’immunodéficience humaine, par les virus des hépatites B et C…). Le principe de restauration du corps impose, selon le principe de respect du corps humain, de rendre aux proches un corps dont l’aspect extérieur reste compatible avec l’image qu’ils en avaient. Exceptions au principe d’inviolabilité du corps humain On peut schématiquement distinguer 4 circonstances où la loi autorise, sous conditions, des prélèvements d’organes sans bénéfice direct pour le sujet prélevé : ––les prélèvements, sur sujet vivant ou décédé, à visée thérapeutique pour autrui, c’est-à-dire à visée de greffe pour un receveur ; ––les prélèvements à visée scientifique où l’on distingue deux situations : les prélèvements au cours d’une autopsie pour recherche des causes de la mort d’un sujet décédé de mort naturelle ; les prélèvements pour lesquels l’organe prélevé sera utilisé dans le cadre d’un protocole de recherche ; ––les prélèvements dans le cadre d’une autopsie judiciaire dite aussi médicolégale (v. supra) ; ––les prélèvements réalisés dans le cadre d’une autopsie médicale dite administrative, lorsque la cause du décès (épidémie) peut mettre en jeu la sécurité ou l’ordre public. Il faut rappeler ici le cas du sujet ayant fait « don de son corps à la science ». Ce cas n’entre pas à proprement parler dans ce contexte, car il s’agit littéralement d’un abandon de son corps à la science, en fait à une faculté de médecine ; en effet, le corps, après utilisation pour dissection par les étudiants ou pour chirurgie expérimentale, ne sera pas rendu aux proches. Conditions du prélèvement 1.Prélèvement d’organes sur sujet décédé, à visée de greffe pour autrui Ne peuvent être concernés par le prélèvement que des sujets décédés en état de mort encéphalique dont les critères sont précisés par le décret du 2 décembre 1996 et ceux décédés après un arrêt cardiaque et respiratoire persistant selon des critères définis à la fois par le décret de 1996 et celui du 2 août 2005. Dans ce contexte, seuls les établissements de santé bénéficiant d’une autorisation administrative, délivrée par l’agence régionale de santé (ARS) après avis de l’Agence de la biomédecine, peuvent réaliser des prélèvements d’organes. Cependant, la loi de bioéthique de 2004 a fait du prélèvement et de la greffe une priorité nationale et oblige donc tous les établissements de santé, privés ou publics, à faire partie d’un réseau de prélèvement, centré sur un établissement ayant une autorisation de prélèvement auquel ils sont tenus de signaler tout sujet décédé pouvant être un potentiel donneur d’organes. Pour les prélève- Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e9 RR Item 9 C E RT IFIC AT S MÉ DIC AU X. DÉ C È S E T L É GISL AT ION. PR É L È VE ME NT D’OR GANE S… Message de l'auteur Ce sont principalement des questions de deux ordres principaux qui peuvent tomber : ➥ d’une part des questions sur la (demande de) rédaction d’un certificat médical dont l’opportunité, le contenu et les conséquences sont à apprécier par l’étudiant en fonction des circonstances cliniques ; ➥ d’autre part, des questions sur le don d’organes et les dispositions réglementaires qui s’y appliquent. ments sur sujet décédé après arrêt cardiaque, les établissements, pour pouvoir réaliser ce type de prélèvements, doivent, de plus, signer une convention spécifique avec l’Agence de la biomédecine. Aucune rémunération à l’acte pour cette activité ne peut être prévue en raison de la gratuité du don. Pour éviter tout conflit d’intérêts, la loi impose que l’équipe en charge du patient et qui déclare sa mort soit indépendante de l’équipe chargée du prélèvement et de la greffe. Des règles de bonnes pratiques de prélèvement, publiées sous forme d’un arrêté ministériel, encadrent cette activité et permettent d’assurer la traçabilité des organes et la sécurité sanitaire sous contrôle de l’Agence de la biomédecine qui doit être systématiquement prévenue de tout prélèvement à visée de greffe. Pour que le prélèvement puisse être réalisé, la France ayant choisi, dans ce contexte, le principe du consentement implicite, l’équipe qui en a la charge doit s’assurer par tous les moyens que le défunt avant sa mort ne s’était pas opposé au prélèvement d’organes, soit en ayant prévenu ses proches, qui doivent être entendus, soit en s’inscrivant sur le Registre national des refus (RNR), qui doit être consulté obligatoirement après le décès du sujet, en cas de procédure de prélèvement. Pour les mineurs, l’accord des responsables de l’autorité parentale est indispensable. L’utilisation du prélèvement ne peut être réalisée que sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine qui attribue chaque organe soit à un patient, soit à une équipe, selon des règles de répartition officielles publiées sous forme d’arrêté ministériel ; ces règles doivent assurer l’efficacité du processus et l’équité entre les sujets en attente de greffe. 2.Prélèvement d’organes sur sujet vivant à visée de greffe pour autrui En France, sont concernés par cette procédure essentiellement les prélèvements de rein et dans quelques cas de foie. e10 Le prélèvement ne peut être réalisé que par des équipes hospitalo-universitaires ayant une autorisation administrative de greffe délivrée par l’ARS après avis de l’Agence de la biomédecine. Le prélèvement ne peut avoir lieu qu’après une longue procédure clinico-biologique, éliminant les contre-indications au don en termes de santé du donneur et de qualité du greffon ; après l’avis du tribunal de grande instance du domicile du donneur qui a la charge de confirmer le caractère libre et éclairé du consentement du donneur ainsi que les liens entre donneur et receveur ; après l’expertise d’un comité d’experts indépendants défini par les lois de bioéthique de 2004 et 2011 qui, in fine, donne une autorisation sans laquelle le prélèvement et la greffe ne peuvent avoir lieu sauf si le donneur est le père ou le mère du receveur. Les liens indispensables entre donneur et receveur ont été définis par la loi de bioéthique de 1994 et étendus progressivement par les lois de 2004 et 2011 ; cette dernière ayant de plus autorisé les dons croisés. Les prélèvements d’organes sur un sujet sous tutelle ou sur un sujet mineur en vue de greffe sont interdits, sauf dans le cas de la moelle osseuse pour un mineur, avec une réglementation particulière. 3.Prélèvement à visée scientifique Les autopsies dites médicales (v. supra). Les prélèvements ayant pour finalité une recherche biomédicale sont passés, depuis la loi de bioéthique de 2011, du principe du consentement explicite à celui de consentement implicite, donc sous le même statut que les prélèvements à visée de greffe. Le sujet peut donc, de son vivant, inscrire son refus sur le RNR ; en son absence, la recherche de son opposition au prélèvement est faite auprès de ses proches. Dans tous les cas, le protocole de recherche doit être au préalable soumis à l’Agence de la biomédecine qui doit aussi être informée de la réalisation du prélèvement et de la destination de l’organe prélevé. Dans ces deux circonstances, le principe de la restauration du corps s’applique comme pour les prélèvements à visée de greffe. 4.Prélèvements dans le cadre de dispositions pouvant mettre en jeu l’ordre public Les autopsies judiciaires ou médicolégales (v. supra). Les autopsies médicales dites administratives (v. supra). Conclusion Le principe de dignité de la personne a induit deux conséquences majeures : l’inviolabilité et la non-patrimonialité du corps humain. Ces deux éléments sont eux-mêmes à l’origine d’un encadrement strict des rares situations où, par dérogation, un prélèvement d’organes est autorisé sur un sujet en l’absence de bénéfice thérapeutique direct pour lui-même, et ce même après sa mort.• I. François-Purssell, W. Vorhauer et J. Lucas déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. La déclaration d’A. Tenaillon peut être consultée sur le site www.larevuedupraticien.fr onglet [Qui sommes-nous ?]. M.-F. Mamzer-Bruneel, C. Hervé et P. Charlier n’ont pas fourni de déclaration d’intérêts. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN RR Item 55 MALTRAITANCE ET ENFANTS EN DANGER PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE ➥ Maltraitance et enfants en danger Dr Georges Picherot, Dr Nathalie Vabres, Dr Juliette Fleury, Dr Margaux Lemesle CHU Nantes, service de pédiatrie et unité d’accueil des enfants en danger (UAED) [email protected] objectifs REPÉRER un risque ou une situation de maltraitance chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent. ARGUMENTER la démarche médicale et administrative nécessaire à la protection de la mère et de l’enfant. L es maltraitances des enfants ne doivent pas être considérées comme des situations rares. La formation des médecins à les dépister et à accompagner la démarche de protection est un objectif essentiel souligné par la Haute Autorité de santé (HAS, 2014) et repris récemment par le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM, janvier 2015). Ceci en fait une question de santé publique au caractère interdisciplinaire. Toutes les spécialités médicales qui rencontrent des enfants ou des familles sont concernées. Les deux spécificités sont la difficulté du diagnostic (souvent suspecté sans certitude) et le rôle particulier des médecins, qui doivent s’associer aux services sociaux et judiciaires pour protéger l’enfant dans le respect des lois. Définition et épidémiologie L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la maltraitance comme toute violence ou négligence envers les mineurs de moins de 18 ans. Elle comprend tous les aspects de mauvais traitements physiques, psychologiques, sexuels ou de négligence entraînant un « préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité ». Plusieurs formes de maltraitance existent. La maltraitance physique est la plus anciennement connue et décrite. Elle associe toutes les formes de traumatismes physiques subis et souvent associés : cutanés, osseux, neurologiques, ophtalmologiques, etc. Les violences sexuelles ont été prises en compte plus récemment, souvent à l’occasion de révélations tardives. Leur accompagnement s’est organisé, avec une amélioration du dépistage précoce. Les violences psychologiques accompagnent toutes les formes de maltraitance mais peuvent parfois être isolées, de repérage très difficile et de mauvais pronostic. Les négligences graves font aussi partie des maltraitances. L’épidémiologie des maltraitances de l’enfant est imprécise et comparée par certains à un iceberg tant leur sous-évaluation est importante. Une estimation a été donnée par l’Observatoire décentralisé de l’action sociale (ODAS) relayé par l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) depuis la loi de protection de l’enfance de 2007. Les chiffres supposés sont impressionnants. Chaque année, 19 000 enfants seraient victimes de maltraitance et 44 % sont âgés de moins de 6 ans. L’auteur des violences vit avec l’enfant ou est très connu de l’enfant dans la majorité des cas. Seulement 6 % des situations de maltraitance sont repérées par un médecin. On pense, sans certitude, qu’en France 600 enfants décéderaient chaque année des suites d’une maltraitance non diagnostiquée. Ces chiffres sans doute sous-estimés font de la maltraitance une des pathologies graves de l’enfant les plus fréquentes à intégrer dans les grands problèmes de santé publique. Vulnérabilité et facteurs de risque L’enfant est par nature vulnérable. Plus il est jeune, plus cette vulnérabilité est importante, ce qui explique la répartition des diagnostics (44 % au-dessous de 6 ans). La maltraitance existe aussi chez l’adolescent, victime fréquente d’agressions sexuelles ou de violences psychologiques graves. Des facteurs de risque s’ajoutent à l’âge. Ils sont connus et décrits, mais aucun ne constitue à lui seul un élément diagnostique. Leur connaissance doit inciter le praticien à une vigilance accrue Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e11 RR Item 55 MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R dans ses situations (v. chapitre Prévention de la maltraitance). On distingue deux groupes de facteurs de risque suivant leur relation aux problématiques familiales ou à l’histoire de l’enfant. Ils sont regroupés dans le tableau. Les facteurs économiques sont importants mais ne doivent pas faire oublier que la maltraitance existe dans tous les milieux ; le diagnostic en l’absence de difficulté économique associée est difficile et très sous-estimé. L’association des maltraitances infantiles aux violences conjugales est très fréquente (50 %). Certains facteurs de risque font l’objet d’une prévention active et efficace : diminution des séparations néonatales, amélioration de la prise en charge des familles d’enfant porteur de handicap physique ou de maladie chronique. Diagnostic des maltraitances physiques Ce chapitre regroupe les situations qui impliquent le plus fréquemment les médecins. La plupart des enfants victimes de ce type de maltraitance sont vus dans une situation qui évoque un traumatisme, souvent en urgence. Le diagnostic repose sur l’évocation du caractère infligé. La particularité de cette situation est que « le médecin n’a pas à être certain de la maltraitance ni à en apporter la preuve pour alerter l’autorité compétente, mais il doit fonder sa suspicion sur un faisceau d’arguments ». Plausibilité TABLEAU Il est indispensable de mettre en œuvre une démarche de plausibilité devant tout événement traumatique de l’enfant, particulièrement aux urgences pédiatriques. Elle analyse les explications données et la prise en charge. Elle repose sur 7 items simples. L’analyse des circonstances dans lesquelles se sont produites la ou les lésions, voire la découverte d’une lésion traumatique au cours de l’examen clinique alors que le motif de consultation est tout autre et semble bénin. e12 Facteurs de risque Risques familiaux ❚❚Grossesse précoce et/ou non déclarée ❚❚Addictions : drogues, alcool ❚❚Pathologie psychiatrique familiale ❚❚Maltraitances subies dans l’enfance ❚❚Difficultés économiques, exiguïté des logements ❚❚VIOLENCES CONJUGALES ❚❚ISOLEMENT (familial, social, psychologique) Risques liés à l’histoire de l’enfant ❚❚Prématurité et séparations néonatales ❚❚Handicap physique et maladies chroniques ❚❚Maladies psychiatriques et troubles du comportement La chronologie : le retard à la consultation par rapport à la date supposée de l’événement traumatique doit interroger, surtout s’il existe des lésions de divers types ou d’âge différent. La relation âge de l’enfant-lésion : les ecchymoses et hématomes du tout-petit, les fractures d’os long avant l’âge de la marche ne sont plausibles que dans des circonstances accidentelles identifiables et impossibles dans la traumatologie « domestique » habituelle. L’importance des lésions :elle doit être en relation avec les circonstances décrites. Une chute de la hauteur ne provoque pas de fracture des os longs. La prise en charge de la famille : l’inadéquation doit faire évoquer la négligence souvent associée à la maltraitance. L’évaluation de la douleur : la discordance doit aussi évoquer un traumatisme infligé particulièrement dans des conditions de répétitions. La douleur n’est ni reconnue ni prise en charge dans ces conditions. L’instabilité des explications donnée par les familles peut être également suspecte. La parole de l’enfant ou même de l’adolescent est rarement directe et explicative. Description des lésions 1.Lésions cutanées Quatre éléments permettent une évaluation des lésions : la forme, la gravité, la localisation, l’association en particulier de lésions d’âge différent. Leur reconnaissance exige un examen complet de l’enfant. Les ecchymoses et plaies : les ecchymoses chez le petit enfant sont fréquentes lorsqu’il commence à se déplacer : les localisations siègent surtout sur les zones cutanées externes, exposées en cas de chute ou de choc (les genoux, la face antérieure des jambes, le front). Elles sont cependant exceptionnelles avant 8 mois et elles siègent dans des localisations non plausibles si elles sont infligées (v. fig. 1). Les ecchymoses reproduisant l’empreinte d’un objet ou de doigts adultes (ecchymoses arrondies en cas de forte pression ou lignes parallèles en cas de gifle) sont particulièrement suspectes de traumatisme infligé à l'enfant. Brûlures : les brûlures accidentelles par contact ou par liquide bouillant ont en général des bordures et des profondeurs inégales. Les brûlures à bords nets sans éclaboussures (par exemple en gants par immersion des mains, ou brûlures de cigarette parfaitement rondes) sont suspectes de traumatisme infligé comme celles qui siègent sur des zones habituellement protégées par les vêtements (périnée, fesses). Les brûlures circonférentielles par frottement aux poignets ou aux chevilles ne peuvent pas correspondre au port de chaussettes ou de bracelets trop serrés, mais à une contention par des liens. Morsures : les morsures d’enfants siègent dans les zones découvertes et accessibles ; et l’écart entre les incisives est inférieur à 3 cm. Les morsures de dimension supérieure évoquent une lésion infligée par un adulte. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Arguments de la démarche diagnostique FIGURE 1 Localisations suspectes de lésions infligées en orange, localisations habituelles dans la traumatologie de l’enfant en jaune. 2.Fractures Comme pour les lésions cutanées, les fractures chez un nourrisson qui ne se déplace pas sont très suspectes. La majorité des fractures accidentelles surviennent après l’âge de 5 ans. Certaines fractures sont plus spécifiques des violences physiques par leur type et leur localisation : ––fractures de côtes ; ––fractures et arrachements métaphysaires ; ––os longs et profonds (fémur, vertèbres) ; ––fractures complexes du crâne ; ––décollements épiphysaires : humérus, fémur. Le nom de syndrome de Silverman correspond à la description initiale des lésions osseuses radiologiques multiples d’âge différent. Il est parfois donné par extension aux maltraitances physiques. 3.Lésions neurologiques Elles sont responsables de la mortalité et de la plupart des séquelles. Tous les types de lésions neurologiques traumatiques encéphaliques ou médullaires peuvent être rencontrés. Le syndrome du bébé secoué est un traumatisme crânien infligé qui comporte des saignements intracrâniens (le plus souvent des hématomes sous-duraux) et des hémorragies rétiniennes (v. chapitre Situations particulières) 4.Lésions ophtalmologiques Elles peuvent être directes (plaies et contusion palpébrales et cornéennes) ou secondaires aux secousses (hémorragies rétiniennes). 5.Autres lésions Tous les organes peuvent être concernés lors des traumatismes graves. La particularité du diagnostic est de reposer sur une suspicion sans certitude. Cependant, il est essentiel d’éliminer ce qui n’est pas une maltraitance : « Il faut apprendre à gérer l’incertitude dans un contexte où l’erreur est lourde de conséquences » (J. Labbé). 1.Suspicion en quatre temps Quatre éléments doivent accompagner la démarche : ––la connaissance d’une sémiologie dite non spécifique mais tout de même évocatrice, d’autant qu’il existe plusieurs types de lésions d’âge différent ; ––la suspicion qui est associée au caractère non plausible des lésions ; ––l’histoire qui n’est pas plausible par sa description et sa variabilité ; ––l’existence de facteurs de vulnérabilité familiaux ou personnels. On ajoute à ces quatre éléments la recherche systématique – par l’interrogatoire, par l’examen du carnet de santé, par la consultation des historiques des passages sur les dossiers informatiques hospitaliers – d’autres événements évocateurs de traumatismes infligés à l’enfant passés inaperçus. 2.Bilan nécessaire Il a deux buts : faire une recherche systématique de lésions non visibles et éliminer les diagnostics différentiels. Pour la recherche de lésions osseuses, les radiographies de squelette complet sont l’examen de base, en demandant des clichés par zone (« centrée et collimatée ») et non en totalité sur grande plaque, plus irradiant et moins performant. Cet examen peut être complété par une scintigraphie osseuse utile chez le petit enfant pour un diagnostic précoce. Le scanner crânien est demandé si l’on a une suspicion d’hémorragie intracrânienne. La pratique d’une imagerie à résonance magnétique du corps entier pourrait remplacer les radiographies du squelette, mais elle fait encore l’objet d’une évaluation. L’examen ophtalmologique est systématique en cas de suspicion de maltraitance physique chez l’enfant de moins de 18 mois. Il recherche notamment les hémorragies rétiniennes. Le bilan biologique comporte au minimum un hémogramme avec un bilan complet de coagulation (taux de prothrombine [TP], temps de céphaline activée [TCA] et tous les facteurs de coagulation avec facteur XIII et maladie de von Willebrand). Une recherche de toxiques urinaires est associée. Un bilan métabolique (phosphocalcique, recherche d’amino-acidopathie) peut être utile dans certaines circonstances. 3.Diagnostics différentiels L’étape du diagnostic différentiel est essentielle car l’erreur en excès est dramatique. Trois groupes de diagnostics doivent être éliminés suivant les circonstances du diagnostic. Les traumatismes accidentels non infligés peuvent être à l’origine de lésions cutanées ou osseuses. Leur diagnostic est fondé sur la description, les circonstances, la plausibilité. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e13 RR Item 55 MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R Les maladies de la coagulation acquise ou congénitale sont à l’origine d’hématomes pouvant être d’âges différents. Le diagnostic repose sur le bilan de coagulation. Elles ne sont pas associées à des lésions osseuses. La fragilité osseuse constitutionnelle, ou ostéogenèse imparfaite, est le diagnostic le plus difficile à l’origine de la plupart des erreurs de diagnostic. L’évaluation de l’ostéoporose associée est difficile chez le nourrisson. L’association à la présence d’os wormiens ou de sclérotiques bleutés peut aider. L’expertise d’une équipe spécialisée est fortement recommandée en cas de doute. D’autres diagnostics différentiels sont possibles : rachitisme, maladies métaboliques (acidurie glutarique, maladie de Menkès, etc.) mais exceptionnels. e14 Situations particulières 4.Lésions associées L’examen peut révéler des ecchymoses et hématomes de la paroi thoracique ou des épaules, des fractures de côtes dans les zones de tenue de l’enfant. Toutes les lésions décrites au cours de la maltraitance physique sans spécificité du syndrome de bébé secoué peuvent se rencontrer. Elles doivent être recherchées. 5.Pronostic et prise en charge Le pronostic est très péjoratif. Le décès est possible initialement ou dans l’évolution. Les séquelles sont observées dans 80 % des cas. Elles sont essentiellement neurologiques. La prise en charge se fait souvent en réanimation du fait de la gravité initiale. Il existe une prévention par une information dans le carnet de santé et dans les consultations de prévention autour de la grossesse et après la naissance. Syndrome du bébé secoué Syndrome de Münchhausen par procuration Il s’agit d’un traumatisme crânien infligé grave provoqué par des secousses violentes. Le poids du crâne, la faiblesse du tonus cervical expliquent la survenue des lésions. Il survient le plus souvent chez un enfant de moins de 1 an (âge moyen de 5,4 mois). Le nombre d’enfants atteints en France serait de 180 à 200 par an avec, là aussi, une probable sous-évaluation. Le facteur favorisant le plus important serait la mauvaise tolérance des pleurs du nourrisson. 1.Symptômes La mort inattendue peut être révélatrice. Les signes neurologiques sont les plus évocateurs : ––convulsions ou malaise grave ; ––coma ; ––modifications du tonus : hypotonie axiale ; ––apnées ou troubles du rythme respiratoire ; ––symptômes d’engagement cérébral ; ––symptômes d’hypertension intracrânienne : vomissements, augmentation du périmètre crânien (importance du carnet de santé), bombement de la fontanelle. Les signes peu spécifiques sont à bien connaître : ––modification du comportement : régressions psychomotrices, irritabilité, impressions de douleur ; ––accès de pâleur ; ––vomissements isolés. 2.Lésions intracérébrales Elles sont mises en évidence par le scanner cérébral et précisées par l’IRM. Ce sont principalement les hématomes sous-duraux quasiment spécifiques du syndrome de bébé secoué mais aussi l’œdème cérébral, les hémorragies intraparenchymateuses, les lésions médullaires. 3.Lésions ophtalmologiques Les hémorragies rétiniennes sont présentes dans 80 % des cas, souvent bilatérales, de grande taille, localisées au pôle postérieur et en périphérie. C’est une situation où les parents provoquent des symptômes ou une maladie factice chez leur enfant. Trois mécanismes sont observés : fausse allégation des signes de symptômes ou d’antécédents, falsifications de données cliniques ou biologiques, induction de maladie par différents moyens. Le diagnostic est difficile, souvent fondé sur la disparition des symptômes en l’absence du parent responsable et aussi sur l’improbabilité des situations. Les conséquences peuvent être graves par l’inadaptation des bilans et des traitements mais aussi par la mise en danger de l’enfant, en particulier dans l’induction des maladies (par exemple hypoglycémies factices provoquées par l’injection d’insuline). Sévices sexuels Le diagnostic d’agressions sexuelles est de plus en plus souvent évoqué. Les sévices sexuels (terme préféré à abus) représentent en France le tiers des situations de maltraitance. 1.Circonstances de découverte Elles sont variables selon l’âge. Les déclarations directes des victimes sont rares et souvent retardées par rapport aux faits. Les histoires peuvent être sans parole ou avec une révélation par des signes indirects ou conséquences des agressions. Chez l’enfant, on décrit les signes suivants : ––la peur face à des situations considérées comme similaires ; ––les signes régressifs : refus de séparation des parents, perte d’acquisitions de développement, etc. ; ––les rappels douloureux : refus de change, refus d’examen ; ––les expressions somatiques : douleurs abdominales, anorexie, gêne à la déglutition ; ––les expressions indirectes du traumatisme génital et périnéal : régression de propreté, constipation ou apparition d’encoprésie, troubles mictionnels ; ––les comportements sexualisés à type de masturbation compulsive ; ––les maladies sexuellement transmissibles malgré l’âge. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Maltraitance et enfants en danger POINTS FORTS À RETENIR Épidémiologie imprécise mais 19 000 enfants maltraités et 600 décès présumés Vulnérabilité et facteurs de risque liés à l’enfant et à sa famille Devant une situation suspecte, 7 critères de plausibilité Examen complet du corps de l’enfant Des lésions cutanées et des fractures qui interrogent Gravité neurologique et ophtalmologique du syndrome du bébé secoué Les sévices sexuels souvent révélés par des signes indirects Connaître la différence de définition et de circuit pour les informations préoccupantes et les signalements Ne pas rester seul et connaître les personnes ressources Chez l’adolescent, les tentatives de suicide et les suicides, les fugues, les modifications majeures de comportement peuvent aussi être des signes indirects d’agression. Les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles doivent faire évoquer une possibilité d’agression sexuelle. 2.Examen clinique L’examen clinique dans les circonstances d’abus sexuel est difficile pour l’enfant quel que soit son âge. Son interprétation demande une compétence qui évite d’intolérables répétitions. Les fausses interprétations sont fréquentes, particulièrement chez le petit enfant. Cet examen aboutit rarement à des constats d’anomalies. Il est pourtant très attendu par les services sociaux ou juridiques pour apporter une preuve objective de l’agression sexuelle. Le médecin ne doit jamais examiner seul l’enfant, ce qui impose l’aide d’une équipe ressource. L’urgence de l’examen fait toujours l’objet de discussion. Elle est indiscutable si l’abus date de moins de 72 heures. Entre 3 et 15 jours, l’examen doit être rapide. Au-delà de 15 jours, l’examen peut être différé. Nous ne décrirons pas toutes les lésions qui peuvent être rencontrées. Il paraît préférable de référer l’enfant pour cet examen aux unités spécialisées. 3.Orientation des enfants victimes de sévices sexuels Les conditions d’accueil des enfants victimes d’agressions sexuelles et de leur famille sont primordiales et doivent être adaptées à l’enfant. L’examen clinique est difficile et ne peut se répéter. Ces enfants doivent être orientés vers les unités d’accueil médico-judiciaire (UAMJ) pédiatrique ou permanences d’accueil pluridisciplinaires pédiatriques créées dans la plupart des hôpitaux français. Argumentation de la démarche de protection Soigner et protéger La démarche est avant tout une démarche de soins et de protection. Les lésions et leurs conséquences immédiates doivent être prises en charge : plaies, fractures, troubles de conscience, etc. La prise en charge de la douleur est essentielle et souvent insuffisante ou oubliée. La maltraitance est associée à une mauvaise reconnaissance de la douleur. L’expression douloureuse est différente (souvent niée par le parent responsable), et l’équipe médicale peut être sidérée. La protection est médicale avant d’être juridique et sociale. L’hospitalisation est toujours un recours à utiliser en cas de situation grave mais aussi en cas d’incertitude diagnostique ou de nécessité d’éloignement d’un auteur présumé (éviter la répétition). L’hospitalisation peut également permettre une réflexion d’équipe face à une situation complexe pour rédiger au mieux le signalement. Elle est le plus souvent acceptée par les parents pour l’exploration de signes incompris. Elle peut être imposée après signalement aux autorités judiciaires. Législation Parmi beaucoup d’autres, on peut retenir les cinq articles les plus utiles pour le médecin. L’article 223-6 du Code pénalfait obligation à tout citoyen de signaler la situation d’un enfant en danger. L’article 226-14 du Code pénal autorise le médecin à la levée du secret professionnel en cas de maltraitance aux enfants pour alerter les autorités judiciaires ou administratives. L’article 44 du code de déontologie médicale impose au médecin de protéger le mineur et de signaler les sévices dont il est victime. L’article 226-14 du Code pénal délie le médecin du secret professionnel en cas de maltraitance à enfant et l’autorise à alerter le procureur de la République. L’article 434-3 du Code pénal condamne la non-dénonciation de crimes aux autorités judiciaires ou administratives (privations, mauvais traitements, atteintes sexuelles infligées à un mineur de moins de 15 ans). L’article 226-2-du code de l’action sociale et des familles (CASF) autorise le partage d’information entre professionnels soumis au secret professionnel dans le cadre de la protection de l’enfance. Il est limité à la mission de protection. Les parents sont informés de cet échange d’information sauf intérêt contraire de l’enfant. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e15 RR Item 55 MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R Le signalement et son circuit 1.Les modalités de l’information Depuis la loi de protection de l’enfance de 2007, deux modalités sont possibles. L’information préoccupante (IP) : il s’agit de la transmission de tout élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou en risque de danger et puisse avoir besoin d’aide. Pour le médecin, l’information préoccupante est rédigée comme le signalement sous forme d’un certificat médical (v. infra). L’information préoccupanteest transmise à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Cette cellule est composée d’une équipe pluridisciplinaire qui va analyser l’information, organiser la protection, évaluer la gravité et l’urgence, informer des décisions prises le déclarant, parfois transmettre un signalement aux autorités judiciaires. Elle contribue aussi après anonymisation des données à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance (ODPE). Cette cellule dépend du conseil général qui a la mission de protection de l’enfance. Chaque département comporte une cellule de recueil des informations préoccupantes. Le signalement : le terme signalement est réservé depuis 2007 à l’information judiciaire en matière de maltraitance à enfants. Le signalement est réservé aux formes graves de maltraitance et aux abus sexuels. Il correspond à des demandes de décision de protection en urgence. Il est utilisé aussi en cas d’impossibilité de coopération des familles. Il est transmis au procureur de la République du tribunal dont dépend l’enfant (en référence à son domicile). Le signalement judiciaire est en principe associé systématiquement à l’information de la cellule de recueil des informations préoccupantes. La rédaction des certificats médicaux pour l’information préoccupante ou le signalement répond à des règles identiques aux certificats rédigés en cas de coups et blessures. Le Conseil national de l’Ordre des médecins propose un modèle (fig. 2). Il doit être descriptif et non fondé sur des impressions. Il ne doit pas comporter d’accusation ni désigner de personnes en dehors de l’enfant examiné. Le médecin ne donne pas de jugement. Il décrit les lésions et si besoin cite entre guillemets les dires de l’enfant qu’il a entendus pendant sa consultation et non des informations transmises. Les parents sont informés de la rédaction de ce certificat d’information préoccupante ou de signalement sauf intérêt contraire de l’enfant. « Il ne s’agit pas de dénoncer des adultes mais de protéger des enfants » (Conseil national de l’Ordre des médecins, 2015). Personnes ressources pour le médecin En matière de maltraitance, le médecin ne peut rester seul devant des situations difficiles. Certains personnes ou structures ressources peuvent l’aider dans sa démarche même devant une situation urgente. D’autres organisent la prise en charge de l’enfant et de sa e16 CACHET DU MÉDECIN SIGNALEMENT Je certifie avoir examiné ce jour (en toutes lettres) : Date . . . . . (jour de la semaine et chiffre du mois). Année . . . . . Heure . . . . . L’ENFANT : Nom . . . . . Prénom . . . . . Date de naissance . . . . . (en toutes lettres). Sexe . . . . . Adresse . . . . . Nationalité . . . . . Accompagné de (noter s’il s’agit d’une personne majeure ou mineure, indiquer si possible les coordonnées de la personne et les liens de parenté éventuels avec l’enfant) . . . . .La personne accompagnatrice nous a dit que : « . . . . . ». L’enfant nous a dit que : « . . . . . ». Examen clinique fait en présence de la personne accompagnatrice : Oui ❒ Non ❒ Description du comportement de l’enfant pendant la consultation . . . . . Description des lésions s’il y a lieu (noter le siège et les caractéristiques sans en préjuger l’origine) . . . . . Compte tenu de ce qui précède et conformément à la loi, je vous adresse ce signalement. Signalement adressé au procureur de la République Fait à . . . . . , le . . . . . SIGNATURE DU MÉDECIN AYANT EXAMINÉ L’ENFANT FIGURE 2 Modèle de certificat conseillé par le Conseil national de l’Ordre des médecins (2012). famille. Chaque médecin doit connaître les personnes ou structures ressources qu’il peut contacter dans le secteur où il exerce. 1.Conseil général Il organise la protection de l’enfance, le dépistage de la maltraitance. Il dispose de services sociaux (aide sociale à l’enfance [ASE] : assistants sociaux, éducateurs, psychologues), de la cellule de recueil des informations préoccupantes, des services de protection maternelle et infantile (PMI). Le service de protection maternelle et infantile est une institution créée en 1945. Son rôle fondamental est la protection de la mère et de l’enfant au travers de plusieurs missions : il organise des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des femmes enceintes et des enfants de moins de 6 ans. Il joue également un rôle essentiel en matière d’accueil des jeunes enfants en instruisant les demandes d’agrément des assistantes maternelles et en assurant la formation de celles-ci. Il a la charge de la surveillance médicale des enfants placés dans les établissements et services d’accueil des enfants de moins de 6 ans. Il accompagne sur le plan psychologique et social des femmes enceintes et des jeunes mères de famille en Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Prévention de la maltraitance Elle est un des grands objectifs de santé publique autour de l’enfant. La prévention primaire a pour but d’éviter la maltraitance en informant les parents et l’entourage de l’enfant de sa vulnérabilité et en diminuant les facteurs de risque ; isolement, précarité, etc. Des stratégies spécifiques ont été développées vis-à-vis du syndrome du bébé secoué. La prévention secondaire protège l’enfant en situation de risque ou de danger. La prévention tertiaire concerne la prise en charge de l’enfant maltraité pour diminuer les séquelles physiques et psychologiques et pour éviter les récidives. Le médecin est impliqué dans les trois aspects de cette prévention. L’amélioration des stratégies diagnostiques permet de diminuer la gravité et d’éviter les récidives.• G. Picherot, N. Vabres, J. Fleury et M. Lemesle déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts. + POUR EN SAVOIR ● 651_rdp5_DOSSIER_tursz ursz SIER_t p5_DOS 651_rd 11 10/05/ 17:04 P. 652 653 Page SIER_tursz 651_rdp5_DOS 10/05/11 17:04 652 653 Page P. 10/05/11 17:04 Page 651 Dossier Un phénomène sous-estimé Repérage des signes cliniques évocateurs P. 655 Le syndrome du bébé secoué P. 657 Signes évocateurs d’une agression sexuelle P. 658 Facteurs de risque P. 663 Conséquences à long terme P. 664 Maltraitance : 12 règles d’or pour agir ENFANCE 660 Quelle attitude doit E À LA P.PETITE DOSSIER petite ▼ ▼ Maltraitance à la petite enfance iques nes clin e à la e des sig itancce ltraitan RepéragursMa de maltra fant e que les médecins évocate peenf enanc tit imé chez le Un phénomène sous-est à reconnaître RR IBLE UNE POSS DOSSIER ? ANCE MALTRAIT MALTRAITANC adopter le praticien ? toujours les pratiquement parents en sont grave (engaest précoce, auteurs ; elle vital) et chrosouvent le pronostic bien geant et s’exerce aussi lésions Cette répétition nique. la fratrie, et ation des ance de enfant que dans la constat Cette onnaiss sur lesmême jours, entre à la suivante. non-rec de marque ation ; d’une génération la consult de l’enfant ; peu en charge redoutable conséquence r la prise s sur égard ; la douleu e de la maltraitance, transgénétransmission la violence, rationnelle de les facmontre bien que de la exacte de tions fournie Ils ont psychofréquence – la nature explica Écoutez sur lésion, et teurs de risque à apaiser. 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Face éveiller alerter, ents de ou son entretien, demand tion avoir L’anamn tot consult peut toutes les classes système pas signalement versentl’on de mouvem qui une trauma ts qui doivent ; tion. complexité dupleure en la les faite que que elles viennen gie de l’enfant être maltraité les parents à l’absenc en charge enfant vic-els ne ou prises que des élémen ; tout desmême décès dans à ces difficultés, en à fait inhabitu puis de suivi violence n’a pas Cette patholo graves : enfants maltraités on l’exami dues un enfant – les de l’enfance es : ences vécue dans la sont tout nationallorsqu’ les se physiques,sond’abus ou encoreenfance faire l’Observatoire retrait 1er janvier 2004, une personnalité de violences du nourris des conséqu séquelles physiqu de lesquel ,dans timebrûlures, es, logie psychologique créé au e des soins, anormalement à ; permis dee construire tances ; (ONED), pratiqu de violence les plus enclins cas extrêm es graves (fractu sexuels, t stase laisse les de la blessur lésionsdanger circonsconséquencohérence sereine seront mettre enqui – les pemen la ou les solidelaetdouayant deses s lourdes pas encore putrop sage 2 son âge et n’a; absence des blessur s du dévelop négligences produit la famille e de t phyes sources.de maltraitants eux-mêmes. sont oteur, trouble sur son devenir aissanc variabl développemen des diverses tions de passent un au regard et chiffres inquiétions res), trouble et psychom reconn public, maltraités explica ent ces3 graves ns, pour le grand enfants ce de explica – les ndéral issages. soins et estlaégalem Tous les l’absen Finalement, ation ou 2007 1 des questio turo-po et psychologique. apprent le système de sique s doivent professionnels, oude nombreux la famille d’explic ou l’autre par ls et des par en fonction même frère loi du 5 mars que les pour leurscientifiques en Annejour ns clinique se poser important grand avec le texte de la le temps Dossier sensorie consiste les conseils du Dr Tursz, iques Inserm U988, SitesiCNRS, 94801 Villejuif Cedex. [email protected] leélaboré il est à ts domest les enfants dans de l’enfance, rs situatio médecin Dans ; les enverstante tion d’un âgemaltraitance ; peu acciden c’est pourquoi Plusieu à reconnaître e le accusa rapportés ents: ; bas tismes maltraila protection réformant plus divers en apprennent délai faits voire : conduir elle de n’existe sa et sœur médecins ses maltraité de trauma – les antécéd éventu terme d’enfant une juxtaposition t de alerter menteude risque de la maltraitance, reste entouest rs par la famille elle (notion (enfan n d’une d’une grande ailleurs, nouvelle médica de évoquée, notamment plusieu facteurs En France, lapar maltraitance envers les jeunes enfants estrisque souvent dans les médias, • répétés en charge les médias. Par urs une notion tabou. la questio le nourris son en , voire et decations revanche, la prise évocate de déni et ses conséquences. préoccu–information s de d’intoxi heures chez sémiologie atmosphère rssans clairs, facteur n préqu’on dispose autant d’un corpus de données épidémiologiques fiables, tant sur l’ampleur du problème d’un rée d’unepour Les signesapparue tance : celle d’« de montrent plusieu alisatio telles), récentes font l’objet synde 2 ans). p) un simple signaledes études acciden et lien (hospit Pourtant,de moins le conduisant à que surduses facteurs risque et grande sur gie ses permettant d’asseoir et d’évaluer des politiques ampleur, duconséquences, n sexuelle conflit d’intérêts. pante que », elle, handica a une n’avoir aucun à la différence patholo A. Tursz déclareles, le phénomène en 657). que d’une agressio ue, de même ion matern administratif, le Lancet de prévention et de prise en charge. es conjuga ment et justidépress publiés par spécifiq (v. p. 655 (violenc », situation grave encadré une série d’articles coce, % en bilité secoué à 10 « danger avéré anie). vulnéra de la Répula fréquence du bébé de fixé RÉFÉRENCES a toxicom procureur ou es , en du Tous les enfants maltraités passent un jour ou l’autre par le système de santé, notamment dans les services protection drome 2009 occidenréformant la fiant la saisine « pays nt familial et osseus d’enfant en du 5 mars 2007 plusieurs isoleme 2007. Il est donc essentiel Loi n° 2007-293 , ondonc la notion d’urgence 1. nature C’est hôpitauxdans et les cabinets du médecin ou du pédiatre libéral. cutanées doit être généraliste web qui desmoyenne n° 55 du 6 mars 3 chiffre blique. l’enfant entre la de l’enfance, parue au JO Enfants maltraités. Les e de Lésions revenus ». Le la et c’est ce danger P. deprime taux à hauts laisse qui Gerbouin-Rérolle que ces professionnels apprennent àtibilité reconnaître lesA,lésions et comportements suspects, à identifier d’un dangerlle incompale n.fr du soinFrance, toute blessurn essentie Paris, Lavoisier 2. Tursz de l’enfant Unecomme repérage, praticie juridique en France. Devant faire et l’âge même ordre en les sur questio doit faire l’objet d’un doit chiffres et leur base et dedu revuedu lésion lale facteurs risqueueetduà déclencher processus de protection, en se faisant aider si la solitude est trop charge enles poser la étude dedel’Inserm ons fournies D, Webb E, doit se éd., 2008. Dans www.la supposer une enfant,d’une prise électroniq le nombre sme infligé. signalement, les explicati enledanCS, Browne K, Fergusson n petit lité. ouque montre sommaire ndations quicomplexes. pesante dans recomma ces situations fait, la mise 3. Gilbert R, Widom lorsqu’u Burden and plausibi 1 an un traumati un trau- De Retrouver sur la les infanticides Maltreatment 1. d’uneaprévention. et devers souvent évoquer avant Janson S. Child SOFOP. de ces homicides in high-income les liens Le plus de la nt un bébé,de la moyen annuel santé, de la sécurité (chifof child maltreatment consul17 numéro deLa Gazette que ger 2007, consequences lièreme plutôt 250 parents la loi et 4 par 2009;373:68-81. VOL. 61 la et particu de la HAS tel, les moralité,n condamnée ou un doit être d’environ countries. Lancet en France et par LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 61 DU PRATICIEN maltraie acciden officielles de mortalité). Enfants maltraités Mai 2011 t un médecidansbien unau registre de la LA REVUE matism 4. Tursz A. Les oubliés. fre des statistiques Mai 2011 atemen t appartient éd., 2010. s de la maltraitance de la malFrance. Paris, Seuil définition large tent immédi ce, souvenvoire les Les caractéristique de culles tance, longtemps : , et cette d’urgen dans depuis service celle employée té majeure sont connues traitance est e d’anxié et scandinaves. context pays anglophones Juliette 1. centrée apprendr t thie à son Nantes Cedex pations doivent d’empa s Pichero , 44093 ate ; préoccu ; Villejuif Cedex. [email protected] son Fleury, George pédiatrique, HME-CHU inadéqu Site CNRS, 94801 me, incomdes adultes médicaleTursz, Inserm U988, Anne s, les besoins la lésion elle-mê clinique Vabres, en danger, des enfants fr u-nantes. Unité d’accueil abres@ch Nathalie.v Nathalie L E Maltraitance à la petite enfance 653 652 LA REVUE DU PRATICIEN Mai 2011 BSIP situation de précarité. Il organise des actions de prévention et de dépistage des handicaps des enfants de moins de 6 ans ainsi que de conseil aux familles pour la prise en charge de ces handicaps. Il est au centre de l’organisation médicale de la prévention et du dépistage de la maltraitance et, en ce sens, il est l’interlocuteur privilégié des médecins confrontés à ces situations. 2.Services hospitaliers de pédiatrie et unités d’accueil médico-judiciaires pédiatriques Les urgences pédiatriques et les services de pédiatrie médicaux ou chirurgicaux sont des passages obligés pour les enfants victimes de formes graves de maltraitance. Ces services sont des acteurs importants du repérage et aussi du conseil des médecins. La plupart ont organisé, avec la participation des services de médecine légale, des unités d’accueil des enfants maltraités souvent avec des lieux d’audition filmée permettant aux enquêteurs de recueillir les déclarations des mineurs victimes. Ils sont multidisciplinaires, avec des stratégies d’évaluation médico-psycho-sociale très adaptées au diagnostic de la maltraitance. 3.Services juridiques et d’enquête Les médecins ne sont pas des auxiliaires de justice mais ils sont amenés à connaître les services d’enquête (police et gendarmerie) ou les magistrats chargés de la justice des mineurs (procureur chargé des mineurs, juges des enfants). Les collaborations se font dans le but de la protection des enfants et dans le respect des règles déontologiques. C’est le procureur qui reçoit le signalement dans les situations graves et qui va décider de la mesure de protection pour l’enfant (placement ou surveillance éducative). Le médecin n’a aucun pouvoir de placement, aucun rôle de jugement. 4.Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) Le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger peut être contacté au 119 même par les médecins ! Ce service peut donner des conseils utiles sur l’évaluation et l’orientation d’une situation. Rev Prat 2011; 61(5):651-66 651 VOL. 61 Maltraitance des enfants : « Ouvrir l’œil et intervenir ». Bulletin de l’Ordre national des médecins n° 38 (janvier-février-mars 2015):16-22. Samson B. À qui transmettre ses inquiétudes? Rôle de la CRIP. Entretiens de Bichat 2014 (pédiatrie et puériculture):14-8. Labbé J, Vabres N. Les violences physiques faites aux enfants. Gazette de la SOFOP n° 31, novembre 2010 (numéro spécial). Pronostic Il est globalement mauvais lorsque la maltraitance est déclarée. Les enfants peuvent décéder après des actes de maltraitance grave. Le nombre de décès est incertain, probablement autour de 600 par an. Le pronostic physique est dominé par les séquelles neurologiques et ophtalmologiques principalement dans le cadre des traumatismes crâniens infligés (particulièrement le syndrome du bébé secoué). Les séquelles psychologiques sont constantes. Leur sévérité dépend des protections rapides possibles particulièrement par un parent non maltraitant et vigilant. L’accompagnement psychologique est essentiel. Les mesures d’éloignement familial diminuent les risques de récidives mais sont également traumatisantes. Rey Salmon C, Adamsbaum C. Maltraitance chez l’enfant. Paris, Éditions Lavoisier, 2013. Picherot G, Vabres N, Fleury J. Repérage des signes cliniques évocateurs de maltraitance chez le petit enfant. La Revue du Praticien 2011;61(5):653-5. Launay E et al. Trente feux rouges en pédiatrie. La Revue du Praticien 2013;27:22-3. Labbé J. Letter to my younger collaegues: child maltreatment and you. Pediatr Child Health 2013;18:403-5. HAS 2011. Repérage et signalement de maltraitances sexuelles intrafamiliales chez les mineurs. www.has-sante.fr HAS 2011. Syndrome du bébé secoué. Recommandations de la commission d’audition. www.has-sante.fr HAS 2014. Maltraitance à enfant. Repérage et conduite à tenir www.has-sante.fr Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e17 RR Item 55 MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R Message de l'auteur CAS CLINIQUE Un enfant de 2 ans est amené pour une boiterie survenue depuis 48 heures avec une impossibilité progressive de marcher et de poser la jambe droite. Il est accompagné de ses grands-parents qui le gardent depuis le matin. Les parents ne semblaient pas inquiets en leur confiant l’enfant. Il n’y a aucune notion de traumatisme. L’enfant n’est pas fébrile. L’interrogatoire des grands-parents ne révèle rien de particulier. Ils n’ont pas le carnet de santé de l’enfant. Ils disent que l’enfant n’est pas douloureux. FIGURE Radiographie du membre inférieur droit de l'enfant. Vous pratiquez une radiographie du membre inférieur droit. Elle montre une fracture transversale du col du fémur. Les questions que l’on peut poser autour de ce cas sont les suivantes. QUESTION 1 QUESTION 4 QUESTION 7 Peut-on admettre un diagnostic de traumatisme passé inaperçu ? Mettez-vous en place un traitement antalgique malgré l’absence de douleur apparente ? Qu’est-ce qu’une information préoccupante ? Vers qui doit-elle être dirigée ? Est-elle indiquée dans ce cas ? QUESTION 2 QUESTION 5 Sur quels éléments fondez-vous votre suspicion d’un traumatisme infligé ? Quel bilan complémentaire demandez-vous ? QUESTION 3 QUESTION 6 Quels éléments supplémentaires recherchezvous dans l’anamnèse ? Pourquoi et par quel moyen allez-vous le protéger ? QUESTION 8 Donnez la définition du signalement. Vers qui doit-il être dirigé ? Est-il indiqué dans ce cas ? Retrouvez toutes les réponses et les commentaires sur www.etudiants.larevuedupraticien.fr e18 Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN RR Item 104 MALADIE DE PARKINSON Dr Caroline Moreau, Pr Luc Defebvre Faculté de médecine, unité Insem 1171, Université de Lille. Service de neurologie et pathologie du mouvement, Centre expert Parkinson, hôpital Roger-Salengro, 59037 CHRU Lille, France [email protected] ; [email protected] objectifs DIAGNOSTIQUER une maladie de Parkinson. ARGUMENTER l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. DÉCRIRE les principes de la prise en charge au long cours. Épidémiologie La maladie de Parkinson est la cause la plus fréquente de syndrome parkinsonien, elle est la deuxième maladie neurodégénérative après la maladie d’Alzheimer. La prévalence (nombre de sujets malades dans une population à un moment donné) est estimée à 827 pour 100 000 habitants (2005), soit environ 150 000 malades, avec un sex-ratio supérieur à 1. La maladie de Parkinson est la deuxième cause de handicap moteur d’origine neurologique chez le sujet âgé (après les accidents vasculaires cérébraux). Le diagnostic de certitude de la maladie de Parkinson est histologique et ne peut se faire du vivant du patient. Le diagnostic actuel repose sur des données cliniques, même si différentes techniques, en particulier d’imagerie fonctionnelle, commencent à améliorer sa fiabilité et sa probabilité. atteint 60 % (1er stade symptomatique). Le mésocortex et d’autres noyaux sous-corticaux (nucleus basalis de Meynert) dégénèrent également ; ––stades 5 et 6 : après de nombreuses années, le néocortex, aires primaire, secondaire et associative, dégénère, à l’origine de troubles moteurs, cognitifs et comportementaux résistants au traitement dopaminergique. La lésion neuropathologique caractéristique est le corps de Lewy, inclusion éosinophile intraneuronale retrouvée dans les régions affectées par le processus dégénératif (fig. 1). Les facteurs étiologiques principaux sont : ––environnementaux, après la découverte d’un syndrome parkinsonien chez des toxicomanes à la suite d'une injection d’un produit chimique, le MPTP, toxique pour les neurones dopa minergiques. Les insecticides (roténone) et les herbicides (paraquat) ont une structure chimique proche du MPTP. La prévalence de la maladie est plus élevée dans les régions industrialisées (chimie, pesticides) et dans les zones rurales (usage intensif d’insecticides). Si une origine toxique exogène constitue un facteur causal potentiel, il est probable qu’il existe une susceptibilité individuelle génétique, à ces toxiques ; Physiopathologie Les lésions pathologiques évoluent en aspect et en sévérité de façon continue et avec une séquence de modifications prévisibles en 6 stades neuropathologiques : ––stades présymptomatiques 1 et 2 qui pourraient durer jusqu’à 10 ans : les lésions concernent le tractus olfactif, le noyau dorsal du vague et les neurones du système digestif, et le locus cœruleus ; ––stades 3 et 4 : les signes moteurs apparaissent lorsque la perte progressive des neurones dopaminergiques de la pars compacta du locus niger à l’origine de la voie nigrostriatale FIGURE 1 Plusieurs corps de Lewy (flèches noires) sont observés dans des neurones dopaminergiques de la substance noire compacte chez ce patient atteint de maladie de Parkinson. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e19 RR Item 104 MA LA D IE D E PAR KINSON ––une relation inverse entre la consommation de tabac et la survenue d’une maladie de Parkinson semble bien établie ; elle pourrait être liée à un éventuel rôle neuroprotecteur du tabac ou serait le témoin d’une personnalité prémorbide ; ––la consommation de café semble également réduire le risque de maladie de Parkinson ; ––l’existence d’un facteur génétique est corroborée par le fait que 15 à 20 % des patients rapportent l’atteinte d’un autre membre de la famille (le risque relatif des apparentés au premier degré de patients est 3 à 4 fois supérieur à celui des apparentés de témoins). Dans la majorité des cas, la maladie de Parkinson est sporadique et vraisemblablement d’origine multifactorielle, avec l’implication de facteurs génétiques et environnementaux. Manifestations cliniques Symptomatologie initiale Les éléments de la triade parkinsonienne constituent les signes initiaux les plus fréquents. 1.Tremblement de repos Dans 70 % des cas, c’est le signe initial. Décrit d’abord comme une sensation de vibration interne, puis visible, il se majore ou apparaît à l’émotion et à l’épreuve du calcul mental. Il est unilatéral ou très asymétrique. Il débute classiquement aux membres supérieurs, mais intéresse parfois de façon isolée le pied. Il peut aussi concerner les lèvres, la mâchoire, et très rarement le chef. Il est présent au repos, il disparaît lors du mouvement. Il est lent (fréquence de 4-6 Hz). Dans 5 à 10 % des cas, le tremblement est d’abord postural. 2.Syndrome akinéto-hypertonique Plus insidieux dans 20 à 30 % des cas, il peut être diagnostiqué avec retard. Il se traduit selon les cas par une perte du balancement d’un bras à la marche, une gêne segmentaire limitée au niveau d’un membre supérieur (gestes répétitifs tels que se raser, battre des œufs, lenteur gestuelle, gêne à l’écriture avec micrographie progressive) ou d’un membre inférieur, parfois par une simple fatigabilité ou raideur à la marche avec l’impression d’un pied qui traîne, enfin sous forme d’une micrographie isolée. De topographie initialement unilatérale, il peut être bilatéral d’emblée mais asymétrique. 3.Troubles de la marche et de la posture Ils sont rarement constatés au stade initial de la maladie, sauf lorsque l’akinésie prédomine aux membres inférieurs. Ils sont plus fréquents et plus précoces chez les sujets âgés. Leur apparition isolée doit faire rechercher une autre cause que la maladie de Parkinson (v. Diagnostic différentiel). 4.Chez le sujet jeune de moins de 40 ans La maladie de Parkinson débute volontiers par une dystonie focalisée : crampe de l’écrivain en l’absence de micrographie, e20 ou dystonie du pied en varus équin ou en extension du gros orteil. Il existe alors souvent un discret syndrome akinéto-rigide associé. 5.Formes de début trompeuses Elles sont le plus souvent associées à un syndrome akinéto-rigide. Il peut exister un syndrome dépressif isolé avec une apathie sans facteur déclenchant, des douleurs de l’épaule associées à une raideur. D’autres formes de début ont été rapportées : déficit de l’odorat par atteinte du noyau du nerf olfactif, troubles du comportement en sommeil paradoxal (rêves animés parfois responsables d’actes auto- ou hétéro-agressifs). Ces symptômes peuvent précéder les troubles moteurs de plusieurs années. Diagnostic 1.Établir le diagnostic d’un syndrome parkinsonien Il se définit par la présence d’une akinésie associée à au moins un des symptômes suivants : tremblement de repos, rigidité extrapyramidale, instabilité posturale. Le tremblement prédomine au niveau de l’hémicorps où il a débuté ; dans les formes sévères, le maintien d’attitude et le mouvement volontaire ne suppriment pas totalement le tremblement et peuvent parfois en augmenter la fréquence. Des signes d’akinésie (ralentissement à l’initiation), de bradykinésie (ralentissement à l’exécution des mouvements) ou d’hypokinésie (réduction d’amplitude des mouvements) se caractérisent par un faciès inexpressif et figé, avec une hypomimie et une rareté du clignement palpébral, un ralentissement lors de la réalisation des gestes alternatifs rapides (opposition pouce-index, fermeture-ouverture de la main, marionnette), une perte du ballant du bras lors de la marche, une micrographie, aux membres inférieurs par une gêne aux mouvements alternatifs (battre la mesure), une démarche lente, une voix moins bien articulée, monocorde et monotone avec parfois une accélération paradoxale du débit verbal (tachyphémie). La rigidité plastique (sensibilisation par la manœuvre de Froment) cède en tuyau de plomb ou par à-coups (phénomène de « roue dentée »), prédomine sur les muscles fléchisseurs, se majore à la fatigue, au froid, et s’atténue au cours du sommeil. Elle rend compte des déformations posturales et des douleurs, et joue un rôle dans l’attitude en flexion des segments de membres, du cou et du tronc. Les troubles de la marche sont modérés au début de la maladie. Progressivement, elle se fait à petits pas. Les difficultés sont majorées au démarrage (retard d’initiation à la marche), au demi-tour ou lors de franchissement d’obstacles ou du passage d’une porte. À un stade plus tardif, le malade a tendance à courir après son centre de gravité en accélérant le pas (festination) ; les enrayages cinétiques (blocages ou freezing) peuvent durer plusieurs secondes et céder lorsque l’on demande au patient d’enjamber un obstacle. L’instabilité posturale apparaît à un stade évolué de la maladie. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Maladie de Parkinson POINTS FORTS À RETENIR La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neurodégénérative, plus fréquente dans les pays industrialisés. Elle pourrait être liée à des facteurs environnementaux (pesticides++). Les formes génétiques représentent environ 10 % des cas. Elle est liée à un déficit dopaminergique en lien avec une dégénérescence du locus niger ; les symptômes apparaissent lorsque celui-ci est détruit à 50-70 %. Avant cela, on parle de phase présymptomatique. La symptomatologie clinique associe : akinésie + rigidité + tremblement de repos (inconstant) et troubles de la marche. Trois phases de la maladie sont décrites : « la lune de miel », les fluctuations motrices et non motrices, et la phase de déclin. À chaque phase son traitement spécifique (agonistes, L-dopa, techniques de stimulation dopaminergique continue, anticholinestérasiques et clozapine) en associant également la rééducation et l’orthophonie. Dans un futur proche, les nouveaux traitements ne seront plus uniquement symptomatiques, mais pourraient également ralentir le processus neurodégénératif : on parle du concept de neuroprotection. 2.Vérifier l’absence de critères d’exclusion de la maladie de Parkinson Il faut rechercher systématiquement des signes cliniques dont l'association précoce au syndrome parkinsonien va à l'encontre du diagnostic de maladie de Parkinson. Cependant, certains de ces symptômes pourront être présents à un stade plus tardif de la maladie (par exemple, les troubles sphinctériens, l’instabilité posturale, la démence). 3.Réponse à la L-dopa Une franche amélioration de la symptomatologie lors de la mise en route du traitement dopaminergique constitue également un critère diagnostique essentiel (la dopasensibilité dure plus de 5 ans) avec l’apparition dans un second temps de dyskinésies (v. infra). Signes associés dits signes non moteurs Les signes cardinaux peuvent être associés à d’autres symptômes apparaissant à des degrés variables au cours de l’évolution de la maladie ou même parfois au stade initial, entraînant progressivement une majoration du handicap fonctionnel. 1.Signes neurovégétatifs Ce sont : ––l’hypersialorrhée précoce, l’hyperséborrhée qui donne un aspect de visage pommadé ; ––les troubles digestifs : constipation, motricité gastrique et œsophagienne ralentie, entraînant une symptomatologie à type de hernie hiatale avec hoquet ; ––l’hypotension artérielle orthostatique souvent tardive ; ––les troubles vésico-sphinctériens (impériosités mictionnelles) ; ––les troubles vasomoteurs avec froideur des extrémités. 2.Troubles sensitifs Ils sont très variables d’un sujet à l’autre : crampes, engourdissement, picotements, sensation de chaleur ou de froid des extrémités, localisés du côté où la symptomatologie extrapyramidale prédomine. Il y a 4 principales localisations : la cheville, le poignet, l’épaule, le rachis cervical et lombaire. 3.Troubles du sommeil et de la vigilance Le sommeil peut être perturbé par les troubles sphinctériens (pollakiurie), des difficultés motrices nocturnes (renforcement du syndrome parkinsonien) et des troubles du comportement en sommeil paradoxal (cauchemars). L’insomnie est initiale ou en seconde partie de nuit. La somnolence diurne est parfois favorisée par les traitements, surtout les agonistes dopaminergiques. Principales étapes évolutives Après la phase diagnostique, plusieurs étapes sont classiquement distinguées. L’instauration d’un traitement substitutif permet un contrôle satisfaisant des symptômes pendant plusieurs années : « période de lune de miel ». Même au cours de cette première étape, la maladie est susceptible de s’aggraver au décours de phénomènes intercurrents (infection, par exemple). Au cours de la deuxième période, les complications motrices liées aux traitements commencent à apparaître : fluctuations et dyskinésies. On constate ensuite progressivement l’émergence de signes moteurs axiaux tardifs dans le cours évolutif. C’est à ce stade que les troubles intellectuels et psychiques sont susceptibles d’être observés. On parle de déclin moteur et cognitif. Au dernier stade, la marche peut devenir impossible, le patient a perdu son autonomie et doit être aidé pour les différentes activités de la vie quotidienne. Paraclinique Lorsque le tableau clinique est incomplet, ou s’il y a des signes évocateurs d’une possible autre maladie, ou d’une affection mixte, les tests diagnostiques suivants peuvent être utilisés. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e21 RR Item 104 MA LA D IE D E PAR KINSON Le DaTscan détecte une perte de terminaisons neuronales dopaminergiques fonctionnelles dans le striatum chez les patients ayant un syndrome parkinsonien cliniquement douteux. Il est anormal dans la maladie de Parkinson et dans d’autres syndromes parkinsoniens dégénératifs, et est normal en cas de tremblement essentiel, de syndrome parkinsonien d’origine médicamenteuse et de tremblement dystonique. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est utilisée chez les patients chez qui il est cliniquement utile d’identifier : le degré de maladie cérébrovasculaire (diagnostic différentiel entre maladie de Parkinson idiopathique et syndrome parkinsonien vasculaire) et le degré et la localisation de l’atrophie corticale (suspicion d’un autre syndrome parkinsonien dégénératif). Il n’est pas recommandé d’utiliser la tomodensitométrie ou l’IRM dans le diagnostic de routine de la maladie de Parkinson, de même que l’échographie transcrânienne ou les tests olfactifs. Complications motrices liées au traitement dopaminergique Fluctuations d’efficacité Elles se caractérisent par une résurgence des signes parkinsoniens, prévisibles et rythmés par les prises médicamenteuses ou imprévisibles. Plus de 50 % des patients présentent des fluctuations en moyenne après 5 ans de traitement par L-dopa. Elles s’expliquent essentiellement par le fait que les médicaments dopaminergiques ont une demi-vie plasmatique brève et qu’avec l’évolution le cerveau perd progressivement ses capacités de stockage de la dopamine. Ce sont surtout les signes moteurs qui se majorent au cours de ces fluctuations : ––akinésie de fin de dose avec un raccourcissement progressif de l’effet de chaque prise de L-dopa, la symptomatologie extrapyramidale réapparaissant avant la prise suivante ; ––akinésie matinale, akinésie nocturne, akinésie nycthémérale survenant à horaires réguliers, souvent l’après-midi ; ––puis la réapparition de la symptomatologie parkinsonienne est plus anarchique (phénomène « on-off ») avec passages assez brutaux d’un état non parkinsonien à un état parkinsonien sévère. Des fluctuations non motrices sont possibles : dérèglements végétatifs (nausées, douleurs abdominales, dysphagie, mictions impérieuses, sueurs, modification de la température), douleurs, paresthésies d’allure radiculaire intéressant la racine des membres ou les extrémités, sensation de blocage de la respiration. Des épisodes dépressifs aigus ou d’attaques de panique sont également signalés. Mouvements involontaires ou dyskinésies Des mouvements anormaux involontaires apparaissent avec les fluctuations ou dans un second temps. Ils sont préférentiellement observés chez des patients débutant à un âge relativement précoce leur maladie (moins de 60 ans). e22 On distingue : ––les dyskinésies de milieu de dose contemporaines de taux sériques élevés de L-dopa (stimulation dopaminergique excessive) qui se caractérisent par des mouvements choréiques ou choréoathétosiques des membres, du tronc ou de la région cervicale ; ––les dyskinésies biphasiques : en début de dose, elles annoncent l’efficacité thérapeutique et sont volontiers caractérisées par des mouvements balliques ou des mouvements alternatifs répétitifs des membres inférieurs ; en fin de dose, elles annoncent le retour à l’état parkinsonien, il s’agit alors de postures dystoniques douloureuses des membres inférieurs ; ––des mouvements dystoniques (pied en varus équin, extension spontanée du gros orteil) sont également observés au cours des périodes de blocage ou le matin au réveil avant la première prise médicamenteuse. Fluctuations et mouvements involontaires peuvent s’associer au cours de périodes on-off : le patient peut passer en quelques secondes d’un état normal (période on) avec ou sans mouvement involontaire choréique à un état parkinsonien (période off) caractérisé par une recrudescence majeure des troubles moteurs. Signes tardifs Ils sont liés à la survenue de lésions non dopaminergiques. Signes moteurs axiaux Ils sont tardifs mais souvent diagnostiqués avec retard : la dysarthrie, les troubles de la déglutition et des troubles de la marche occasionnant fausses routes et chutes ; les épisodes d’enrayages cinétiques (blocages ou freezing) et de festination associés à une instabilité posturale peuvent être spontanés ou favorisés par certaines circonstances (passage étroit, obstacle), le malade est déséquilibré vers l’avant ou l’arrière. Progressivement, l’attitude générale du patient est en flexion. Les déformations du rachis accentuent également l’altération du contrôle postural, avec dans certains cas une camptocormie, qui est une forme extrême d’antéflexion réductible du tronc. Détérioration cognitive Les déficits cognitifs sont spécifiques et concernent le traitement des informations visuo-spatiales, la mémoire, l’attention et les fonctions exécutives (déficit des fonctions frontales) qui peuvent évoluer vers une démence (80 % des cas après 15 ans d’évolution). Troubles psychiques La dépression et l’anxiété sont fréquentes (40 %). Le traitement dopaminergique peut provoquer des hallucinations élémentaires parfois critiquées (hallucinoses) mais aussi de véritables délires correspondant à une psychose dopaminergique (de type hallucinatoire ou paranoïaque). La survenue de ces complications peut être l’indicateur d’une évolution de la maladie vers un état démentiel associé. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN TABLEAU Le risque de survenue de ces troubles psychiques augmente avec l’âge, la sévérité des troubles moteurs, des signes dépressifs et des troubles cognitifs. Comment distinguer tremblement essentiel et maladie de Parkinson débutante ? Diagnostic différentiel Tremblement dans la maladie de Parkinson Tremblement essentiel Deux situations doivent être distinguées : soit le diagnostic de syndrome parkinsonien est évoqué à tort, soit il s’agit bien d’un syndrome parkinsonien mais qui n’est pas lié à une maladie de Parkinson. Âge de début > 50 ans (le plus souvent) Deux pics de fréquence à 15 et 50 ans Ce qui n’est pas un syndrome parkinsonien Prévalence Absent dans 30 % des cas en début de maladie de Parkinson Cause la plus fréquente de tremblement chez l’adulte Antécédents familiaux 10 % des cas > 50 % des cas Symétrie Généralement unilatéral ou Bilatéral et symétrique Dans les formes tremblantes, le tremblement essentiel constitue un diagnostic différentiel classique. Il se caractérise par un tremblement d’attitude de l’extrémité distale des membres supérieurs, parfois également de la tête et de la voix (timbre chevrotant). Ce tremblement évolue de façon sporadique ou dans un contexte familial (transmission autosomique dominante). Chez le sujet âgé, les troubles de la marche à petits pas peuvent être consécutifs à une hydrocéphalie chronique (importante instabilité posturale, tendance à la rétropulsion, élargissement du polygone de sustentation, troubles sphinctériens, détérioration intellectuelle) mais aussi à des lésions ischémiques multiples des noyaux gris centraux. très asymétrique en début de maladie Fréquence Lent : 4-6 Hz Plus rapide : 6-10 Hz Composante prédominante Repos, diminue pendant Tremblement d’action à prédominance posturale, sans composante de repos (sauf tardivement) Topographie Affecte les parties distales des membres : main, pouce, poignet, pied, menton, mâchoire inférieure Implique tête, cou, voix (chevrotante) ainsi que les membres Tremblement contrôlé par L-dopa Bêtabloquant et alcool Autres syndromes parkinsoniens 1.Syndrome parkinsonien induit par les neuroleptiques Ces médicaments doivent être recherchés systématiquement devant tout syndrome parkinsonien, notamment la prise de neuroleptiques cachés (Primperan, Theralene…). Au moindre doute il faut consulter le dictionnaire Vidal. 2.Autres syndromes parkinsoniens dégénératifs Ils se distinguent de la maladie de Parkinson par la faible réactivité ou l’absence de réactivité au traitement dopaminergique résultant de lésions post-synaptiques et par l’existence de signes neurologiques associés. L’atrophie multisystématisée comporte un syndrome parkinsonien peu dopa-sensible s’accompagnant de signes axiaux, une dys arthrie et des troubles posturaux précoces, un syndrome cérébelleux (essentiellement statique), un syndrome dysautonomique précoce et constant au cours de l’évolution (hypotension ortho statique, troubles génito-sphinctériens, troubles vasomoteurs), un syndrome pyramidal. La paralysie supranucléaire progressive se caractérise par un syndrome parkinsonien symétrique à prédominance axiale, dopa-résistant avec troubles posturaux précoces (chutes en rétropulsion), une paralysie supranucléaire de l’oculomotricité verticale, un syndrome pseudobulbaire et une démence précoce. Le syndrome de dégénérescence cortico-basale est beaucoup plus rare, associant un syndrome parkinsonien très asymétrique avec dystonie, apraxie, syndrome pyramidal et syndrome frontal. le sommeil et se majore lors des émotions. La composante posturale est plus tardive Dans la démence à corps de Lewy, la symptomatologie parkinsonienne s’associe précocement à une démence avec hallucinations et troubles fluctuants de la vigilance. 3.Maladie de Wilson C’est une maladie familiale autosomique récessive responsable d’une accumulation de cuivre à l’origine de lésions du système nerveux et du foie, liée à un déficit d’excrétion par anomalie de transport du cuivre vers la bile, associée à un déficit du transport plasmatique du cuivre (déficit de la cœruléoplasmine). Le cuivre accumulé dans l’organisme a tendance à se concentrer dans le foie et dans le système nerveux central (les noyaux gris centraux : striatum, globus pallidus). 4.Autres causes Il faut penser à une intoxication à l’oxyde de carbone et aux syndromes parkinsoniens vasculaires. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e23 RR Item 104 MA LA D IE D E PAR KINSON Symptômes parkinsoniens sans gêne fonctionnelle Pas de traitement jusqu’à ce qu’une gêne apparaisse Symptôme avec gêne fonctionnelle IMAO B ✗ Sujet jeune avec gêne modérée FIGURE 2 AGONISTES DOPAMINERGIQUES ✗ Sujet âgé < 65 ans ✗ Dépistage des troubles comportementaux (addictions) LÉVODOPA ✗ Sujet âgé > 70 ans ✗ Contre-indication ou inefficacité des agonistes Traitement initial de la maladie de Parkinson. Augmenter le nombre de prises de lévodopa Réduire l’intervalle de temps entre les prises à moins de 4 heures Augmenter les doses individuelles de lévodopa Ajouter un agoniste dopaminergique Ajouter un ICOMT Ajouter un IMAO B En cas d’échec des associations : STIMULATION CÉRÉBRALE OU POMPES Apomorphine sous-cutanée FIGURE 3 e24 Stimulation cérébrale profonde Administration entérale lévodopa-carbidopa Traitement médicamenteux des troubles moteurs au stade des fluctuations motrices. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Prise en charge thérapeutique (fig. 2 et 3) Classes médicamenteuses Le traitement de la maladie de Parkinson reste symptomatique et repose principalement sur l’utilisation de médicaments dopaminergiques qui n’agissent ni sur la cause ni sur la progression de la maladie. Les médicaments utilisés ont pour but de restaurer la transmission dopaminergique striatale selon trois modes d’action différents. 1.Majoration des taux de dopamine : administration de son précurseur, la L-dopa, associée à un inhibiteur de la dopa-décarboxylase périphérique Au niveau cérébral, la L-dopa est transformée en dopamine par la dopa-décarboxylase (DDC) présente aussi en dehors du système nerveux central ; il est adjoint à la L-dopa un inhibiteur de la dopa-décarboxylase qui ne passe pas la barrière hémato-encéphalique dans les formes commerciales de ce médicament (Modopar, Sinemet). La dopathérapie est le traitement le plus efficace sur la symptomatologie parkinsonienne et le mieux toléré. 2.Stimulation directe des récepteurs dopaminergiques par les agonistes dopaminergiques Il en existe plusieurs spécialités commerciales (per os formes retard : Trivastal, Requip, Sifrol, en patch Neupro) et une forme injectable, l’apomorphine (Apokinon stylo injectable). Les formes orales ont une action moins puissante que la dopa et peuvent entraîner des effets indésirables dans 20 % des cas (addictions comportementales au jeu, hypersexualité, troubles des conduites alimentaires, conduites à risque nommées « troubles du contrôle des impulsions ») mais aussi somnolence, œdème des membres inférieurs, prise de poids, hallucinations. Leur utilisation en début de maladie semble pouvoir retarder l’apparition des fluctuations motrices et des dyskinésies. 3.Inhibiteurs enzymatiques La rasagiline, un inhibiteur sélectif de la mono-amino-oxydase B (IMAO B), aurait une action neuroprotectrice et peut être prescrit (Azilect) dès le début des symptômes. Des inhibiteurs de la catéchol-O-méthyltransférase (ICOMT) comme Comtan réduisent la dégradation de L-dopa en périphérie, et Tasmar a une action périphérique et centrale, augmentant la biodisponiblité et la durée d’action de la L-dopa. Stalevo associe un ICOMT à la L-dopa et à l’inhibiteur de la dopa-décarboxylase périphérique. Principes de prescription Plusieurs facteurs doivent être pris en compte avant la mise en route d’un traitement antiparkinsonien : le type de symptômes, l’ampleur du handicap, l’âge, l’état cognitif et psychique, enfin le risque de survenue d’effets indésirables à court terme (par exemple, troubles psychiques induits par les agonistes) et à moyen terme (mouvements involontaires induits par la dopa thérapie). Dans les formes à début précoce (< à 65 ans), le traitement repose sur un agoniste dopaminergique seul, sa posologie est très progressivement augmentée (dose minimale efficace et bien tolérée). En fonction de l’efficacité, du handicap moteur et d’éventuels effets secondaires invalidants, ce traitement sera associé à de la L-dopa (dose minimale efficace). Dans les formes à début tardif (> 70 ans), la L-dopa est prescrite seule (augmentation progressive jusqu’à la posologie minimale efficace). Entre 65 et 70 ans, une stratégie possible consiste à associer secondairement à un agoniste dopaminergique de petites doses de L-dopa afin de combiner l’effet de ces deux thérapeutiques tout en limitant le risque d’effets indésirables par rapport à la prise en monothérapie de l’un ou l’autre de ces deux traitements (fig. 2). Pour améliorer la tolérance digestive à l’initiation thérapeutique, la prescription de dompéridone (Motilium, Peridys) est justifiée pendant quelques jours (pas de prescription prolongée car risque cardiaque), après contrôle de l’ECG. L’absence de réponse thérapeutique peut orienter vers une cause autre qu’une maladie de Parkinson, justifiant alors un avis spécialisé. Prise en charge thérapeutique des complications (fig. 3) Pour contrôler les fluctuations d’efficacité, plusieurs solutions sont possibles : fractionnement (rapprochement des prises médicamenteuses) et/ou majoration du traitement, utilisation d’un agoniste en cas de monothérapie par L-dopa, renforcement des doses d’agoniste en cas de bonne tolérance, prescription des formes à libération prolongée, prescription d’un ICOMT associé à la L-dopa. Pour les troubles psychiques de psychose parkinsonienne (confusion, hallucinations, délire), il est nécessaire d’arrêter les anticholinergiques, les agonistes dopaminergiques et les inhibiteurs enzymatiques et de maintenir une monothérapie par L-dopa à posologie réduite. Cette limitation du traitement qui majore le handicap moteur peut être évitée avec l’utilisation de la clozapine (Leponex), neuroleptique atypique, justifiant une surveillance régulière de l’hémogramme en raison des risques d’agranulocytose. En cas de syndrome confusionnel, la première étape (comme face à tout syndrome confusionnel) est la recherche d’arguments cliniques et paracliniques en faveur d’une maladie générale (trouble métabolique, infection, hématome sous-dural). La possibilité d’un facteur iatrogène doit aussi être évoquée : changements thérapeutiques récents. La dépression, les troubles du sommeil et les troubles sphinctériens (constipation, mictions impérieuses) justifieront une prise en charge spécifique. En cas de démence, un inhibiteur de l’acétylcholinestérase peut être prescrit, sous forme de patch : la rivastigmine (Exelon). Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e25 RR Item 104 MA LA D IE D E PAR KINSON Traitements de recours : stimulation cérébrale et pompes FIGURE 4 Stimulation cérébrale profonde. À gauche : tête du patient dans le cadre de stéréotaxie pendant la procédure d’implantation des électrodes dans le noyau subthalamique. Au centre : électrodes de neurostimulation. À droite : télécommande de réglages. Ils justifient l’avis d’un centre expert. Trois techniques peuvent être proposées lorsque les fluctuations motrices invalidantes ne sont plus contrôlées par un traitement médicamenteux optimisé alors que la dopasensibilité des symptômes est encore observée (souvent avec des dyskinésies sévères) : ––la stimulation électrique chronique à haute fréquence ( 130 Hz) des noyaux subthalamiques par des électrodes implantées par chirurgie stéréotaxique et reliées à des stimulateurs placés en région pectorale peut être proposée chez des sujets relativement jeunes (moins de 70 ans), en l’absence de troubles sévères cognitifs ou du comportement (fig. 4) ; ––la pompe à apomorphine, pompe sous-cutanée délivrant pendant 12 heures ou 24 heures une dose continue d’apomorphine (agoniste dopaminergique) [fig. 5] ; ––la Duodopa : infusion intra-duodéno-jéjunale d’un gel de L-dopa + inhibiteur de la dopadécarboxylase, après pose de gastro stomie (fig. 6). Autres mesures thérapeutiques FIGURE 5 Pompe à apomorphine. À gauche : dispositif en place en sous-cutané. À droite : ensemble du matériel. FIGURE 6 Duodopa. Pompe reliée à un orifice de gastrostomie permettant l’instillation continue de gel de lévodopa. e26 L’éducation thérapeutique peut être proposée au patient dès le début de la maladie. La prise en charge en kinésithérapie intensive au début de la maladie, puis axée sur les signes axiaux (renforcement musculaire des membres inférieurs, lutte contre l’instabilité posturale et les enrayages cinétiques) est nécessaire tout au long de la maladie. Une activité physique régulière est recommandée dès le début de la maladie. La prise en charge des troubles de la parole et de la déglutition par une orthophoniste, selon la méthode LSVT (Lee Silverman Voice Treatment), est recommandée dès le début de la maladie. Le suivi nutritionnel est adapté aux besoins du patient. La prise en charge des troubles vésico-sphinctériens et dysautonomiques par des spécialistes concernés (urologue, médecin rééducateur et cardiologue) annuelle est recommandée. La prise en charge à 100 % (ALD) doit être réalisée par le médecin traitant. Le renforcement des aides à domicile sera effectué après évaluation des besoins auprès de l’assistante sociale. Un suivi neuropsychologique (dépistage des troubles cognitifs) et psychiatrique est parfois nécessaire. Les associations de malades fournissent soutien et informations au patient et à son entourage.• C. Moreau déclare avoir des liens durables (contrat de travail ) avec l’entreprise Abbvie et avoir été prise en charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de déplacement pour congrès, par Abbvie et Orkyn. L. Defebvre déclare avoir des liens (contrat de travail, rémunération) avec l’entreprise Abbvie, participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles (activités de conseil, colloques, activités de formation) pour les entreprises Abbvie, Aguettant, Novartis et avoir été pris en charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de déplacement pour congrès par Abbvie. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN RR Item 316 LYMPHOMES MALINS Pr Fabrice Jardin Département d’hématologie clinique et Inserm U918, centre Henri-Becquerel, Rouen, France [email protected] objectifs DIAGNOSTIQUER un lymphome malin Introduction – Épidémiologie Sous le vocable « lymphomes malins » on rassemble un groupe hétérogène d’hémopathies malignes comprenant deux grandes entités : les lymphomes dits « non hodgkiniens » (LNH) et le lymphome de Hodgkin (LH) anciennement dénommé maladie de Hodgkin. Ces deux entités ont en commun d’être la conséquence d’une prolifération maligne se développant aux dépens du tissu lymphoïde (lymphocytes B matures, plus rarement lymphocytes T), de se révéler habituellement par un syndrome tumoral ganglionnaire et des manifestations systémiques. Si la démarche diagnostique est identique, en revanche, les caractéristiques épidémiologiques, histopathologiques, l’évolution naturelle et la prise en charge thérapeutique diffèrent largement et expliquent cette distinction fondamentale. Le lymphome non hodgkinien (LNH) est actuellement l’hémopathie maligne la plus fréquente et se situe au 8e rang des cancers les plus fréquents dans l’Union européenne. L’âge médian au diagnostic est de 60 ans, avec une légère prédominance masculine (sex-ratio 1,5/1). Les lymphomes non hodgkiniens sont décrits dans la classification de l’OMS des hémopathies et comprennent plus d’une vingtaine d’entités divergeant par leur aspect histologique, leurs caractéristiques génétiques et leur évolution. Parmi les facteurs de risque identifiés on peut retenir actuellement une susceptibilité génétique (risque × par 1,5 lorsqu’il existe un cas d’hémopathie lymphoïde dans les collatéraux du premier degré), l’obésité, l’existence d’une maladie auto-immune sous-jacente (lupus, polyarthrite, syndrome de Gougerot-Sjögren, maladie cœliaque, thyroïdite), l’exposition à certains toxiques exogènes (dioxine, probablement les pesticides), des infections chroniques (HCV, HBV), à l’origine d’une immunodépression (VIH) ou survenant dans un contexte d’immunodépression post-transplantation d’organe (EBV). Dans la majorité des cas, aucune explication étiologique n’est retrouvée. Le lymphome de Hodgkin (LH), dans sa forme dite « classique », se définit par la présence de cellules de Reed-Sternberg (RS) qui représentent la cellule tumorale. Historiquement, c’est le premier syndrome lympho-prolifératif bien individualisé (description princeps par Thomas Hodgkin en 1832). Le lymphome de Hodgkin survient majoritairement chez le sujet jeune, entre 16 et 30 ans, mais peut être observé à tout âge avec un second pic d’incidence après 60 ans. Parmi les facteurs de risque identifiés on retrouve la notion d’infection récente au virus d’Epstein-Barr (EBV) et l’infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). S’il est nécessaire de connaître le contexte épidémiologique des lymphomes non hodgkiniens et hodgkiniens, la démarche diagnostique demeure identique, doit être rigoureuse, car un diagnostic erroné ou incomplet constitue une importante perte de chance pour le patient. La démarche diagnostique comporte trois temps : le diagnostic positif proprement dit, le bilan d’extension et le bilan pré-thérapeutique, permettant d’évaluer la faisabilité du traitement. Première étape : le diagnostic positif Symptômes révélateurs Deux types de symptômes sont susceptibles de révéler un lymphome non hodgkinien ou hodgkinien. Ceux liés à l’apparition d’un syndrome tumoral, d’une part, et les manifestations systémiques (signes généraux ou immunologiques), d’autre part. Dans la majorité des cas il s’agit de la découverte d’une adénopathie superficielle : axillaire, inguinale, cervicale… Plus rarement les adénopathies sont uniquement profondes et découvertes lors d’une échographie, d’un scanner ou d’une radiographie pulmonaire (gros médiastin). Les lymphomes peuvent également se révéler par un syndrome tumoral extra-ganglionnaire. Tous les organes peuvent être atteints, sans exception, et donner lieu à une symptomatologie qui leur est propre : cerveau (déficit moteur, aphasie, confusion…), peau, plèvre, foie, muqueuses, infiltration des vaisseaux, rein, testicule… Ceci explique le pléomorphisme clinique important de ces tumeurs et que tout médecin, quelle que soit sa spécialité, peut être confronté au diagnostic d’un lymphome. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e27 RR Item 316 LY MP H O ME S M AL INS 1 : altération minime Biopsie ganglionnaire 2 : altération de l’état général avec alitement de moins de 50 % du temps La pierre angulaire du diagnostic d’un lymphome est l’analyse histopathologique d’une biopsie d’un ganglion ou de l’organe atteint (en l’absence d’adénopathie biopsiable). La biopsie doit être envisagée devant toute adénopathie persistante de plus d’un mois et qui n’a pas fait sa preuve étiologique (infectieuse, inflammatoire…, v. item 216). La taille de la biopsie doit être suffisante pour permettre : ––une étude anatomo-pathologique avec l’analyse morphologique et immuno-histochimique ; ––des analyses complémentaires génétiques (cytogénétique, biologie moléculaire) ; ––une congélation avec conservation dans une tumorothèque pour des analyses ultérieures de biomarqueurs. Le pathologiste évalue l’architecture globale de la lésion (folliculaire ou diffuse), l’aspect des cellules (taille, mitose ou non, aspect centrocytique ou centroblastique, nucléole, cytoplasme…) et complète l’analyse par des marquages avec anticorps (immunohistochimie) ciblant les lymphocytes B (CD20), les lymphocytes T (CD3, CD5) ; des immuno-marquages complémentaires sont en général réalisés pour déterminer l’agressivité du lymphome (expression des oncogènes MYC et BCL2, p. ex.). Le diagnostic est difficile et nécessite souvent une relecture par un spécialiste en hématopathologie. Si la présence de cellules de Reed-Sternberg est indispensable au diagnostic de lymphome de Hodgkin, leur présence n’est pas absolument pathognomonique car elles peuvent être observées dans des adénites infectieuses liés à l’EBV et dans certains cas de lymphomes non hodgkiniens. Le phénotype classique de la cellule de Reed-Sternberg est CD20 négatif, CD15+ et CD30+. TABLEAU 0 : pas d’altération Les signes généraux sont fréquents mais inconstants, en partie liés au sous-type histologique : les symptômes les plus fréquents observés dans le lymphome non hodgkinien sont les sueurs profuses, l’amaigrissement, l’anorexie (tableau). Ces symptômes sont non spécifiques mais orientent le médecin vers une pathologie cancéreuse. Le lymphome de Hodgkin se présente volontiers avec des signes généraux : sueurs profuses, fièvre hectique, amaigrissement. Le prurit est très évocateur du lymphome de Hodgkin, même s’il peut être également observé dans les lymphomes non hodgkiniens. Les signes immunologiques sont plus difficiles à appréhender : la prolifération conduit souvent à un dysfonctionnement immu nitaire à l’origine d’infections (lymphopénie fréquente dans le lymphomes de Hodgkins) et des manifestations auto-immunes parfois révélatrices (anémie hémolytique auto-immune, thrombo pénie immunologique, vascularite…). La classification clinique des lymphomes est importante à connaître en permettant de classer les différents types de lymphome non hodgkinien en fonction de l’agressivité clinique et donc d’apprécier le degré d’urgence de la prise en charge (v. Focus, p. 34) Classification et scores utilisés pour la prise en charge des lymphomes A. Définition des stades des lymphomes (selon la classification d’Ann Arbor) Stade I Atteinte ganglionnaire unique ou d’un seul organe extra-ganglionnaire Stade IE Atteinte d’un organe par contiguïté Stade II atteinte de plusieurs aires ganglionnaires du même côté du diaphragme (sus ou sous-diaphragmatique) Stade II atteinte de plusieurs aires ganglionnaires du même côté du diaphragme (sus- ou sous-diaphragmatique) Stade III atteinte de part et d’autre du diaphragme Stade IV atteinte extra-ganglionnaire non contiguë B. Échelle ECOG/OMS d’activité utilisée pour la prise en charge des lymphomes 3 : altération de l’état général avec confinement au lit plus de 50 % du temps 4 : confiné au lit C. Signes généraux considérés comme significatifs dans les lymphomes Fièvre : > 38° C pendant plus d’une semaine Sueurs : conduit le patient à se changer Amaigrissement : perte de poids de plus de 10 % du poids du corps dans les 6 mois D. Index pronostique international (IPI) (score de 0 à 5) Âge > 60 ans (+1) LDH > normal (+1) Stade III ou IV (+1) ECOG ≥ 2 (+1) Deux atteintes ganglionnaires ou plus (+1) Ce score définit 4 groupes pronostiques : ➥ les risques faibles = 0-1 ; ➥ les risques faibles intermédiaires = 2 ; ➥ les risques forts intermédiaires = 3 ; ➥ les risques forts élevés = 4-5. L’ index pronostique international (IPI) ajusté à l’âge (IPIaa) est également utilisé couramment et ne comprend comme facteurs que le stade, les LDH et l’ECOG. e28 Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Zone du manteau Centre germinatif Lymphocyte B naïf Centre sombre Plasmocyte Centre clair 3 Cellule apoptotique 1 5 T Lymphocyte B activé B 4 B 2 T Centroblastes B Centrocytes Lymphocyte B mémoire Pré-centre germinatif Lymphome lymphocytique (leucémie lymphoïde chronique) Lymphome du manteau Post-centre germinatif Centre germinatif Lymphome folliculaire Lymphome diffus à grandes cellules B Lymphome de Burkitt Lymphome des zones marginales Lymphome lymphoplasmocytaire (Waldenström) Lymphome diffus à grandes cellules B Lymphome du MALT FIGURE 1 Origine cellulaire des principaux sous-types histologiques des lymphomes B. Le lymphocyte B provenant de la moelle osseuse va poursuivre sa maturation après rencontre avec un antigène et former un centre germinatif dans les ganglions lymphatiques (1) ; les cellules ne participant à la réaction immunologique sont en périphérie, formant la zone du manteau. Le lymphocyte B présente l’antigène sous forme de peptides aux lymphocytes T auxiliaires. Les cellules dans la zone sombre se divisent (centroblastes) dans une étape de prolifération clonale (2). Les mutations somatiques des gènes d’immunoglobulines vont améliorer l’affinité de la cellule B (centrocytes) pour l’antigène. En l’absence d’affinité la cellule meurt par apoptose (3). La maturation se poursuit au contact des cellules dendritiques (avec l’aide des lymphocytes T) en présentant aux cellules B les peptidiques antigéniques (4). Les cellules sélectionnées pour leur meilleure affinité poursuivent leur différenciation en plasmocytes sécréteurs d’immunoglobulines ou en lymphocytes B mémoire (5). Chacune de ces étapes peut être le point de départ d’une prolifération maligne (lymphome). La classification actuelle des lymphomes fait correspondre à la cellule tumorale lymphomateuse sa contrepartie cellulaire normale, individualisée dans le tissu lymphoïde normal d’un ganglion (fig. 1). Parfois, une biopsie guidée sous échographie ou scanner est possible lorsqu’un geste chirurgical est contre-indiqué ou trop risqué. La ponction cytologique n’a aucune place dans le diagnostic positif d’un lymphome, ne faisant que retarder la prise en charge. Exemples d’entité anatomo-clinique Quelques formes anatomo-cliniques sont à connaître, du fait de leur grande fréquence et de leur présentation clinique souvent typique : Le lymphome folliculaire : il est caractérisé par une anomalie génétique quasi constante, la translocation t(14;18) (q32,q21) conduisant à déréguler l’expression du gène BCL2, inhibiteur de l’apoptose. La maladie est souvent disséminée avec atteinte de la moelle osseuse, longtemps asymptomatique. C’est le lymphome indolent le plus fréquent et son évolution est caractérisée par des rechutes fréquentes. Le lymphome à cellules du manteau : il est caractérisé par une translocation t(11 ;14)(q13 ; q32) dérégulant l’expression d’une protéine, la cycline D1, contrôlant le cycle cellulaire. La présence de cellules tumorales circulantes dans le sang périphérique est fréquente, de même que l’atteinte médullaire. On note une prédominance masculine. Le lymphome de Burkitt : il est caractérisé par une translocation constante du gène MYC, puissant oncogène à l’origine d’une dérégulation du cycle cellulaire. Toutes les cellules tumorales Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e29 RR Item 316 LY MP H O ME S M AL INS sont en cycle expliquant la croissance tumorale rapide. La forme dite « endémique » est vue essentiellement en Afrique de l’Est avec infection constante des cellules tumorales par l’EBV. La forme dite « sporadique », vue en Occident, n’est pas associée à l’EBV (sauf en cas de co-infection avec le VIH) et constitue le lymphome le plus fréquent chez l’enfant. Le lymphome diffus à grandes cellules : c’est le sous-type histologique de lymphome non hodgkinien le plus fréquent et qui met en jeu de multiples oncogènes (BCL2, MYC, BCL6 notamment) ; les atteintes extra-ganglionnaires sont fréquentes. Le lymphome du MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) : ces lymphomes ont pour point de départ le tissu lymphoïde localisé dans les muqueuses de manière physiologique ou pathologique suite à une inflammation chronique. La muqueuse gastrique en est le siège le plus fréquent, associé dans ce cas à une infection chronique à Helicobacter pylori. Deuxième étape : le bilan d’extension du lymphome Des examens complémentaires sont demandés après un examen clinique rigoureux comportant : ––la cartographie et la mesure des adénopathies superficielles (à faire figurer sur un schéma) ; ––la recherche d’une hépato-splénomégalie ; ––l’examen de la cavité buccale et de la sphère ORL (anneau de Waldeyer) : un avis spécialisé avec examen au miroir est parfois nécessaire ; ––l’examen des testicules ; ––l’examen de la peau et des muqueuses ; ––un examen neurologique. Examens biologiques L’hémogramme : il peut révéler des cytopénies et évoquer une infiltration médullaire par le lymphome ; certaines formes de lymphome ont volontiers des cellules anormales circulantes dans le sang périphérique (lymphome à cellules du manteau, lymphome folliculaire) et peuvent être détectées par étude du frottis sanguin ou de manière plus sensible par immuno-phénotypage des lymphocytes circulants. La mesure du taux de LDH sérique : c’est un reflet de la masse tumorale, facteur pronostique majeur. La mesure de la β2 microglobuline : c’est également un reflet de la masse tumorale. Elle est utilisée surtout dans les lymphomes indolents. L’électrophorèse des protides : elle peut mettre en évidence un pic monoclonal (fréquent dans les hémopathies lymphoïdes B matures) ou une hypo-albuminémie (facteur pronostique péjoratif témoignant de l’inflammation et de la dénutrition). Le bilan hépatique (transaminases, gamma GT, phosphatases alcalines) : il peut orienter vers une atteinte hépatique spécifique. La vitesse de sédimentation à la 1re heure (VS) : elle est utile comme facteur pronostique dans le lymphome de Hodgkin. e30 Lymphomes malins POINTS FORTS À RETENIR Les symptômes révélant un lymphome hodgkinien ou non hodgkinien sont pléomorphes, mais associent le plus souvent un syndrome tumoral ganglionnaire et des signes généraux. Le diagnostic positif repose sur une biopsie chirurgicale d’un ganglion ou d’un organe atteint, permettant de classer le lymphome parmi les multiples sous-types histologiques et d’envisager un traitement adapté. Les deux sous-types de lymphomes non hodgkiniens les plus fréquents sont le lymphome diffus à grandes cellules B et le lymphome folliculaire, archétypes respectivement des lymphomes agressifs et indolents. L’index pronostique international (IPI) est un score pronostique prédictif utilisé dans les lymphomes diffus à grandes cellules comprenant les 5 items suivants : âge, taux de LDH, stade, état général et nombre d’atteintes extra-ganglionnaires. Ponction lombaire Elle est réalisée en cas de symptômes neurologiques et dans tous les cas de lymphomes diffus à grandes cellules B et de lymphome de Burkitt, sous-types histologiques pour lesquels le risque d’atteinte méningée d’emblée ou lors d’une rechute est important. Biopsie ostéo-médullaire Elle est réalisée habituellement sous anesthésie locale par une ponction à l’aide d’un trocart au niveau d’une épine iliaque postérieure. Elle permet de rechercher une infiltration de la moelle osseuse, très fréquente notamment dans les lymphomes à cellules du manteau et les lymphomes indolents. Les troubles de la coagulation contre-indiquent ce geste. Dans le même temps, un myélogramme est prélevé en complément de la biopsie. Imagerie Elle comprend : ––un scanner (TDM) avec injection d’iode (après vérification des contre-indications) réalisé selon une technique standardisée : coupes jointives de 10 mm allant des aires ganglionnaires cervicales inférieures à la symphyse pubienne. Il permet d’estimer l’extension ganglionnaire et viscérale du lymphome ; Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN TEP-scan, examen clé pour le bilan d’extension des LNH et LH C et examen scintigraphique est basé sur l’injection d’un radiotraceur (18 FDG) contenant du glucose (et non de l’iode), émetteur de positons ; c’est une imagerie fonctionnelle qui se superpose à l’imagerie anatomique donnée par le scanner. Le diabète ne constitue pas une contreindication mais doit être équilibré au moment de l’examen pour une interprétation fiable des images. De même, les perfusions de glucose sont prohibées 12 heures avant l’examen. Il permet de détecter des atteintes non visibles sur imagerie conventionnelle : atteinte de l’os, de la moelle osseuse, d'autres organes extra-lymphatiques. Son niveau de résolution est de 5 à 10 mm. L’avidité des cellules pour le glucose marqué varie en fonction du type histologique et du nombre de cellules en cycle (index mitotique). Cet examen sera utile dans le suivi des patients sous traitement et permet de faire la distinction entre une masse résiduelle non active et une maladie résiduelle active. Des phénomènes inflammatoires (infections) peuvent être à l’origine de faux positifs. Les frissons, le stress peuvent également conduire à modifier la distribution du glucose vers des régions riches en graisse brune (cou). L’utilisation de bêtabloquants avant l’examen peut limiter ce phénomène. Scanner TEP-scan A B FIGURE Exemple d’un patient atteint d’un lymphome diffus à grandes cellules. A. Coupe sagittale de scanner. B. L’image scintigraphique (TEP-scan) est superposée. Elle montre un hypermétabolisme intense (accumulation de 18 FDG) au niveau d’une masse ganglionnaire de l’hypochondre gauche, de la rate, de ganglions intra-mésentériques, d’une volumineuse coulée ganglionnaire cœliaque et rétro-péritonéale engainant les grands vaisseaux ainsi qu'iliaque externe et interne bilatérale, et inguinale bilatérale. On note également un hypermétabolisme intense au niveau de formations ganglionnaires jugulocarotidiennes gauches. À noter que le cerveau, le cœur sont avides de glucose et que l’élimination rénale du 18 FDG est visible (vessie, bassinets, uretères). Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e31 RR Item 316 LY MP H O ME S M AL INS Syndrome tumoral (ganglionnaire ou extra-ganglionnaire) Biopsie ganglionnaire ou d’organe Analyse cytologique, morphologique et immuno-histochimie Clonalité : cytogénétique, FISH, biologie moléculaire Infiltration diffuse de grandes cellules CD20+ Structure folliculaire Cellules petites/moyennes CD20+ Cellule de Reed-Sternberg CD15+ CD30+ CD20- Lymphome diffus à grandes cellules B Lymphome folliculaire, lymphome des zones marginales Lymphome de Hodgkin Structure diffuse Petites cellules CD20+ CD5+ Structure folliculaire ou diffuse Cellules CD20-CD3+ Lymphome à cellules du manteau, lymphome lymphocytique LNH-T Bilan d’extension : NFS, TDM cervico-thoraco-abdo-pelvien, TEP-scan, biopsie ostéo-médullaire, ponction lombaire (lymphome diffus à grandes cellules B ou selon clinique) et selon manifestations cliniques; calcul de l’IPI Bilan pré-thérapeutique : sérologies VIH, hépatites B et C, fraction d’éjection ventriculaire systolique, épreuves fonctionnelles respiratoires, conservation des gamètes, pose dispositif intraveineux central FIGURE 2 Démarche diagnostique face à un lymphome et principales caractéristiques histopathologiques des lymphomes. NFS : numération formule sanguine ; TDM : tomodensitométrie ; FISH : : fluorescence in situ hybridisation ; IPI : index pronostique international ; LNH : lymphome non hodgkinien. ––une imagerie par émission de positons (TEP-scanner ou TEPscan). C’est maintenant un examen standard pour le bilan initial des lymphomes non hodgkiniens et du lymphome de Hodgkin ; il complète les données TDM et peut être réalisé sur le même appareil (la plupart des modèles actuels de TEP-scan comportent un scanner permettant la réalisation simultanée des deux examens). Cet examen est obligatoire pour prendre en charge au diagnostic initial le lymphome de Hodgkin et les lymphomes diffus à grandes cellules, fortement conseillé pour toutes les autres histologies (v. encadré) ; ––la radiographie pulmonaire de face : elle est réalisée systématiquement et permet de mesurer la largeur du médiastin lorsqu’il est envahi, facteur pronostique dans le lymphome de Hodgkin. Elle est facilement renouvelée sous traitement pour évaluer la réponse au traitement. e32 Synthèse À l’issue de l’examen clinique et du bilan d’extension, il est nécessaire d’en faire une synthèse qui permet d’apprécier le pronostic. Le stade est apprécié en fonction du nombre d’atteintes ganglionnaires, de leur localisation (régions sus- et sous-diaphragmatiques) et de l’existence d’une atteinte extraganglionnaire (classification d’Ann Arbor). Dans les lymphomes non hodgkiniens comme pour le lymphome de Hodgkin, il constitue l’un des éléments clés du pronostic. Dans les lymphomes diffus à grandes cellules, il s’intègre dans un score avec d’autres facteurs clinico-biologiques (index pronostique international, IPI) [tableau]. Des scores spécifiques ont été créés pour les autres histologies. Dans le lymphome de Hodgkin, des facteurs pronostiques distincts sont retenus en fonction du stade localisé (I/II) ou disséminé (III/IV) de la maladie. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN Troisième étape : le bilan pré-thérapeutique Il vise à s’assurer de la tolérance des drogues envisagées pour le traitement, à conserver les gamètes pour les patients en âge de procréer, et à s’assurer de la possibilité de mettre en place un dispositif intraveineux central. Explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) Elles sont indispensables avant l’utilisation de la bléomycine, drogue pneumo-toxique ; elles sont parfois répétées en cours ou fin de traitement. Mesure de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) La méthode de mesure par radio-isotope (scintigraphie) est la méthode de référence et s’assure de l’absence de contre-indication aux anthracyclines, famille de drogues cardiotoxiques ; une fraction d’éjection < 50 % constitue une contre-indication à l’utilisation de cette catégorie de drogues. Sérologies HVB, HCV, HIV Outre leur intérêt étiologique, la positivité de l’une de ses sérologies peut conduire à modifier la stratégie thérapeutique. En cas de positivité, une mesure de la charge virale (ADN ou ARN circulant) doit être effectuée. Bilan d’hémostase Il s’assure de l’absence de contre-indication à certains gestes (biopsies, pose de voie veineuse centrale essentiellement). Conservation des gamètes La majorité des traitements dans ce contexte conduisent à un risque de stérilité (principalement lié à l’utilisation des alkylants). Chez l’homme, une cryoconservation des spermatozoïdes doit être proposée ; chez la femme, la contraception orale est proposée ainsi qu’une conservation du tissu ovarien, en vue d’une réimplantation ultérieure. Message de l'auteur ✓ Un lymphome révélateur d’une infection par le VIH. C’est un mode d’entrée fréquent dans la maladie, les lymphomes peuvent être de tout type, mais le tableau le plus classique est celui de lymphome de Burkitt. Dans ce cas, le sujet dans le cadre d’un dossier progressif peut comporter la prise en charge d’un syndrome de lyse, d’une insuffisance rénale obstructive, du diagnostic d’une masse abdominale. Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique. ✓ La prise en charge d’un lymphome du diagnostic initial (diagnostic positif, bilan d’extension et bilan pré-thérapeutique) à l’inclusion dans un essai clinique (quelles conditions sont nécessaires pour inclure votre patient dans un essai clinique ? Décrire les spécificités de l’essai clinique proposé, etc.). ✓ Le calcul de l’IPI doit être su et peut faire l’objet d’une question. ✓ L’imagerie joue un rôle important dans la prise en charge d’un lymphome : des images TDM ou TEPscan peuvent faire l’objet de questions spécifiques et conduire à proposer une classification selon Ann Arbor. ✓ Si les traitements du lymphome ne sont pas à connaître, un dossier progressif peut dérouler la phase initiale (symptômes révélateurs, diagnostic positif), le bilan initial et la gestion des complications post-chimiothérapie : support transfusionnel, facteurs de croissance, aplasie fébrile (choc septique)… Conclusion Si la présentation clinique d’un lymphome malin est très hétérogène, la démarche diagnostique face à une suspicion de lymphome doit être rigoureuse et systématique (fig. 2). Obtenir une histologie précise est le point clé du diagnostic positif. Le bilan d’extension moderne comprend maintenant le TEP-scan dans la plupart des situations, en complément du scanner standard. La démarche diagnostique est similaire pour les lymphomes non hodgkiniens et les lymphomes de Hodgkin, mais ne doit pas faire oublier leurs spécificités cliniques, histopathologiques et évolutives.• F. Jardin déclare avoir été pris en charge, à l’occasion de déplacement pour congrès, par Roche, Celgène, MundiPharma. + POUR EN SAVOIR ● C Gisselbrecht. Les lymphomes non hodgkiniens. John Libbey Eurotext, collection FMC/SFH, 2008. Société française d’hématologie. Hématologie. Elsevier Masson, 2011. Bruno Varet. Hématologie. Le livre de l’interne. Flammarion MédecineSciences, 2e édition, 2003. Référentiel de la Société française d’hématologie. http://www.hematologie. net/hematolo/UserFiles/File/REFERENTIEL Pauline Brice, Philippe Collin. Le lymphome de Hodgkin. John Libbey Eurotext, collection FMC/SFH. 2004. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN e33 RR FOCUS Item 316 Voir l’item complet sur larevuedupraticien.fr Le lymphome de Hodgkin Ce FOCUS attire votre attention sur des points importants. Pr Fabrice Jardin Département d’hématologie clinique et Inserm U918, centre Henri-Becquerel, Rouen, France [email protected] L e lymphome de Hodgkin (LH) dans sa forme classique est caractérisé par la présence de la cellule de Reed-Sternberg (RS), cellule clonale associée à ce lymphome. Elle a pour origine un lymphocyte B mature ayant transité dans le centre germinatif mais n’exprime pas deux marqueurs habituels de ces cellules : une immunoglobuline de surface et le CD20. En revanche, la cellule de Reed-Sternberg est dans la majorité des cas CD30+, CD15+ et constitue un contingent cellulaire minoritaire au sein d’un tissu réactionnel abondant (expliquant qu’une simple ponction cytologique ne conduit pas au diagnostic) comportant des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, des lymphocytes T, des macrophages, souvent au sein d’une sclérose, et pouvant constituer une architecture granulomateuse. La cellule de Reed-Sternberg est typiquement de grande taille, avec un cytoplasme abondant et basophile, binucléé avec un nucléole proéminent. On distingue également une forme « non classique », dénommé LH à prédominance lymphocytaire nodulaire (également appelée paragranulome de Poppema-Lennert) relevant d’une autre origine cellulaire et d’une prise en charge distincte. Dans la forme classique, 4 sous-types sont distingués : sclérosant nodulaire, à cellularité mixte, riche en lymphocyte, à déplétion lymphocytaire.• F. Jardin déclare avoir été pris en charge, à l’occasion de déplacement pour congrès, par Roche, Celgène, MundiPharma. Classification clinique des lymphomes non hodgkiniens e34 Lymphomes indolents Lymphomes agressifs Lymphomes très agressifs Ces lymphomes sont caractérisés par une Ils sont caractérisés par une croissance Ils comprennent le lymphome de Burkitt croissance tumorale lente, sur plusieurs tumorale rapide, le patient devenant et le lymphome lymphoblastique et constituent années ; leur découverte est souvent symptomatique en quelques mois. Les signes des urgences diagnostiques et thérapeutiques, fortuite, par le patient lui-même (lors de la généraux sont habituels (sueurs, amaigrissement, au même titre qu’une leucémie aiguë. toilette, par exemple) ; habituellement asthénie) et conduisent à une consultation La croissance tumorale est extrêmement rapide, il y a peu de signes généraux et l’état général rapide. Le lymphome agressif le plus fréquent conduisant à des douleurs ou des signes reste longtemps conservé. est le lymphome diffus à grandes cellules B de compression (par exemple compression Cette présentation conduit souvent (LGCB), mais d’autres (lymphomes à cellules du urétérale avec insuffisance rénale anurique). à un diagnostic tardif, avec une maladie manteau, lymphomes T) peuvent être classés Le lymphome de Burkitt de l’adulte avancée (stade IV). L’archétype en est le dans cette catégorie clinique. Le taux de LDH est souvent de localisation abdominale. lymphome folliculaire. Une simple surveillance est souvent élevé et des localisations extra- Le lymphome lymphoblastique se présente est parfois possible, mais à terme un traitement ganglionnaires peuvent être observées pour généralement sous forme d’atteinte est le plus souvent nécessaire. tous les organes (cerveau, testicule, poumon). médiastinale compressive et relève de la même Malgré l’obtention de rémission, la rechute Des guérisons définitives peuvent être obtenues prise en charge qu’une leucémie aiguë est la règle. Ces lymphomes indolents avec une probabilité corrélée à l’IPI. lymphoblastique. Le risque de syndrome ont pour risque évolutif la transformation En cas de rechute (le plus souvent dans de lyse spontanée ou lors de l’initiation en un lymphome agressif. les 2 ans), le pronostic reste sombre. du traitement est majeur. Vol. 65 _ Septembre 2015 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN