les items de - La Revue du Praticien

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les items de - La Revue du Praticien
LES ITEMS DE
SEPTEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 7
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
ITEM 9
Certificats médicaux
Décès et législation
Prélèvements d’organes et législation
ITEM 104
ITEM 316
Maladie de Parkinson
Lymphomes malins
ITEM 55
Maltraitance et
enfants en danger
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Les items de
larevuedupraticien
VOL. 65
n
SEPTEMBRE 2015
Items
9
55
104
316
314, Bureaux de la Colline,
92213 Saint-Cloud Cedex
Tél. : 01 55 62 68 00 Fax : 01 55 62 68 12
[email protected]
www.larevuedupraticien.fr
DIRECTION GÉNÉRALE-DIRECTION DES PUBLICATIONS
Alain Trébucq (6903) [email protected]
DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES
RÉDACTEUR EN CHEF
Jean Deleuze
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
LES ITEMS DE
SEPTEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 7
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
ITEM 9
Certificats médicaux
Décès et législation
Prélèvements d’organes et législation
ITEM 104
ITEM 316
Maladie de Parkinson
Lymphomes malins
Marie-Aude Dupuy
SECRÉTARIAT DE LA RÉDACTION
Patricia Fabre
COMITÉ DE LECTURE ET DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE
Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot, Jean-François
Cordier, Claude-François Degos, Richard Delarue, Jean
Deleuze, Olivier Fain, Bernard Gavid, Alexandre Pariente,
Alain Tenaillon
A COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Hélène Esvant
RELECTEURS ET CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2014-2015
P. Bartolucci, J. Belaisch-Allart, J.-F. Bergmann, P. Bey,
O. Bouchaud, B. Cariou, D. Choudat, P. Couratier,
N. Danchin, Y. Dauvilliers, X. Deffieux, J.-C. Delchier,
J.-R. Delpero, F. Desgrandchamps, F. Doz, I. Durrieu,
J.-P. Fermand, M. Ferreri, T. Girard, C. Glorion, O. Gout,
C. Gras-Le Guen, P. Guggenbuhl, A. Hartemann,
K. Hoang-Xuan, D. Houssin, C. Isnard-Bagnis, X. Jouven,
D. Lebeaux, V. Leblond, C. Lepage, O. Lortholary, G. Meyer,
J.-F. Nicolas, J. Orgiazzi, P. Parize, É. Pautas,
L. Peyrin-Biroulet, P.-F. Plouin, G. de Pouvourville,
B. Riou, C. Robert, M. Tauber, C. Tourette-Turgis, P. Yeni
COMITÉ D’HONNEUR
Dominique Laplane
Sommaire
ITEM 55
Maltraitance et
enfants en danger
Item 9 • e3-10
Certificats médicaux
Décès et législation
Prélèvements d’organes et législation
Medical certificates
Death and legislation
Organ harvesting and Legislation
Irène François-Purssell, Alain Tenaillon, Marie-France Mamzer-Bruneel, Walter Vorhauer, Christian Hervé,
Jacques Lucas, Philippe Charlier
RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE
Chantal Trévoux (6806) [email protected]
DIRECTRICE ARTISTIQUE
Cécile Formel
Item 55 • e11-18
SECRÉTAIRES DE RÉDACTION
Cristina Hoareau
RÉDACTEURS-RÉVISEURS
Maltraitance et enfants en danger
Virginie Laforest, Jehanne Joly
Abuse and children at risk
Georges Picherot, Nathalie Vabres, Juliette Fleury, Margaux Lemesle
larevuedupraticien®
est une publication de GLOBAL MÉDIA SANTÉ SAS
Principal actionnaire : ATMED SAS
www.globalmediasante.fr
Item 104 • e19-26
Maladie de Parkinson
Parkinson’s disease
Caroline Moreau, Luc Defebvre
Capital de 4 289 852 e
Durée de 99 ans à compter du 30.03.99
N° de commission paritaire : 0220 W 90254
Item 316 • e27-33
Lymphomes malins
Malignant lymphoma
Fabrice Jardin
FOCUS Item 316 • e34
Le lymphome de Hodgkin
Hodgkin lymphoma
Fabrice Jardin
La revue adhère à la charte de formation médicale
continue par l’écrit du Syndicat de la presse et de l’édition
des professions de santé (SPEPS) et en respecte les règles.
(Charte disponible sur demande).
Reproduction interdite de tous les articles sauf accord avec
la direction.
Les liens d’intérêts des membres du Comité
de lecture et de rédaction scientifique sont
consultables sur www.larevuedupraticien.fr
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Les items de La Revue du Praticien
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 9
CERTIFICATS MÉDICAUX
DÉCÈS ET LÉGISLATION
PRÉLÈVEMENT D’ORGANES
ET LÉGISLATION
Pr Irène François-Purssell1, 2, Dr Alain Tenaillon3, Pr Marie-France Mamzer-Bruneel1, 4,
Dr Walter Vorhauer5, 6, Pr Christian Hervé1, 5, Dr Jacques Lucas7, Dr Philippe Charlier8
1. Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, Paris-Descartes, Sorbonne-Paris-Cité, France
2. Médecine légale, CHU Dijon, France
3. Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, France
4. UF Éthique clinique, Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris, France
5. Mission éthique de l’Hôpital européen Georges-Pompidou, HUPO, AP-HP, Paris, France
6. Anatomopathologiste, Secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des médecins, France
7. Cardiologue, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, France
8. Laboratoire d’anthropologie médicale et médico-légale, UFR des sciences de la santé (UVSQ), hôpital Raymond-Poincaré, AP-HP, Garches, France
[email protected]
Définition
objectifs
PRÉCISER les règles générales d’établissement
des certificats médicaux et leurs conséquences
médico-légales, y compris les certificats de coups
et blessures et notions d’ITT.
DÉCRIRE l’examen d’un cadavre.
CONNAÎTRE les différents types d’autopsie.
PRÉCISER les principes de la législation
concernant le décès et l’inhumation.
PRÉCISER les principes de la législation
concernant les prélèvements d’organes.
Certificats médicaux
Les textes de référence sont :
––l’art. R 4127-76 du Code de la santé publique (CSP) ;
––les art. 226-13 du Code pénal, art. 1110-4 et R 4127-4 du Code
de la santé publique, en cas de violation du secret médical ;
––l’art. R 2147-28 du Code de santé publique, en cas de rédaction de faux certificats ou de certificats de complaisance ;
––l’art. 441-7 du Code pénal, pour l’établissement de faux certificats.
Le certificat médical est l’attestation écrite des constatations
cliniques et paracliniques, positives ou négatives, concernant
l’état de santé d’un individu qui a bénéficié d’un examen médical. Le certificat médical est rédigé par un médecin et permet au
patient de faire valoir des droits liés à son état de santé.
Principes fondamentaux
La rédaction d’un certificat est un acte médical réalisé après
un examen clinique de la personne concernée, et qui engage les
responsabilités civile, pénale et ordinale du médecin.
Le demandeur du certificat médical peut être le sujet lui-même,
le titulaire de l’autorité parentale pour un mineur, le tuteur pour
un majeur sous tutelle, ou une autorité judiciaire : réquisition établie par un officier de police judiciaire sur ordre du procureur de
la République, le procureur de la République, ou une commission rogatoire émanant d’un juge d’instruction.
Un certificat médical doit être justifié par un motif médical. Il
n’est obligatoire que si un texte législatif ou réglementaire l’exige,
et seuls les médecins titulaires du diplôme de docteur en médecine et inscrits à l’Ordre des médecins sont en droit de le rédiger
et le signer. La licence de remplacement autorise néanmoins la
signature de certificats médicaux.
Vol. 65 _ Septembre 2015
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RR Item 9
C E RT IFIC AT S MÉ DIC AU X. DÉ C È S E T L É GISL AT ION. PR É L È VE ME NT D’OR GANE S…
Principes généraux de rédaction
des certificats médicaux
Un certificat est classiquement rédigé sur une ordonnance ou
un papier à en-tête, attestant de l’identité et de la qualité du rédacteur. Un médecin ne peut faire état que de ce qu’il a personnellement constaté.
Le texte doit être lisible, écrit en français ou traduit.
Les mots doivent être précis, de même que le temps des
verbes et la ponctuation dont le mauvais usage peut inverser la
signification d’une phrase… Les termes doivent être strictement
descriptifs, notamment dans les situations conflictuelles (divorce, garde d’enfants, contestation de testament…) et les certificats non exigibles peuvent être refusés (constat de malpropreté d’un enfant qui vient de chez l’autre parent, constat de
virginité…).
Un certificat médical doit comporter (v. encadré) :
––l’identité complète du patient, connu ou pas (« qui dit être… » ) ;
––les faits rapportés et les doléances exprimées, clairement distingués des constatations effectuées. (« Le patient dit que… ».
« Il se plaint de… ») ;
––les faits constatés. (« Je constate que… [décrire les constatations cliniques] » ;
––les traitements (soins, médicaments) nécessaires ;
––les examens complémentaires, et l’arrêt de travail éventuel, en
restant très prudent sur le pronostic ;
––la date du jour de sa rédaction et celles des constatations (si
différentes). Pour les certificats dits de coups et blessures (y
compris agressions sexuelles), il est souhaitable de préciser
l’heure des constatations. Il est interdit de postdater ou d’antidater un certificat médical ;
––la signature et le cachet du praticien. Cette signature peut être
accompagnée de celle du patient, ce qui atteste de la remise
en main propre ;
––la formule « Remis en main propre pour faire valoir ses droits »
doit être apposée et rappelle la finalité du certificat.
Certificat médical
Il doit, quelle qu’en soit la destination :
7 mentionner la date de la rédaction du certificat et celle de
l’examen clinique du patient ;
7 identifier le demandeur, le patient et le médecin signataire ;
7 ne comporter que des informations constatées
par le médecin signataire qui concernent exclusivement le
demandeur, sans jamais mentionner de tiers,
de quelque manière que ce soit ;
7 être signé par le médecin (cachet obligatoire) ;
7 comporter la formule « Remis en main propre pour faire valoir
ses droits ».
e4
Il est important d’informer le patient sur les conséquences
possibles de ce certificat et sur le fait qu’en l’utilisant, il rend
publique une partie de sa situation médicale, avec des conséquences qui ne sont pas toujours celles espérées.
Cas particuliers
Certains certificats obligatoires doivent être rédigés sur des
formulaires préimprimés.
1.Certificats médicaux et législation sociale
L’arrêt de travail : une maladie ne rompt pas le contrat de travail
mais en suspend l’exécution. Le malade doit, dans les plus brefs
délais, aviser l’employeur de la durée probable de son absence et
la justifier par un certificat médical (de même pour la prolongation).
L’aptitude : seul le médecin du travail est habilité à se prononcer
sur l’aptitude d’une personne à occuper un poste donné, mais
le médecin traitant peut rédiger une « note circonstanciée », décrivant l’état de santé du patient qui, remise au patient (informé
de son contenu), peut être transmise par son intermédiaire au
médecin du travail.
Les accidents du travail (v. item 180). Le certificat médical initial
doit être rempli de manière très consciencieuse (lisibilité, description précise des lésions). Tous les arrêts de travail en lien
avec l’accident seront rédigés sur ce même formulaire.
Les maladies professionnelles (art. L 461-1 du code de la Sécurité
sociale ; v. item 180). Le médecin traitant doit fournir le certificat
au patient, et à lui seul, qui décidera de déclarer ou non sa maladie professionnelle : celle-ci peut entraîner la perte de l’emploi.
2.Certificats médicaux et d’état civil
La déclaration de naissance précise, dans ses articles 55 à 57,
que « Les déclarations de naissance seront faites dans les trois
jours suivant l’accouchement à l’officier de l’état civil du lieu » et
que « La naissance sera déclarée par le père ou, à défaut du
père, par les docteurs en médecine... ».
Certificats de décès (v. infra)
3.Certificats de santé
Les modalités de rédaction d’autres certificats de santé spécifiques sont détaillés dans d’autres items, comme les certificats
de suivi de la grossesse (v. items 22-23), les certificats d’interruption de grossesse (v. item 36), les certificats de santé de l’enfance
(v. item 44), les certificats de vaccination (v. item 143), les certificats en rapport avec la santé mentale (v. item 11), et les certificats
en rapport avec la protection des biens (v. item 8).
Deux situations non traitées ailleurs doivent être connues.
Les certificats de contre-indication ou de non-contre-indication à la pratique sportive : le médecin doit s’informer des contre-indications
au sport concerné, et du niveau de pratique envisagé. Le patient
doit également être informé des risques que la pratique de certains sports lui fait courir.
Pour l’enfant scolarisé, le caractère total ou partiel de la
contre-indication est indiqué sur le certificat établi par le médecin traitant avec possibilité d’indications utiles pour l’adaptation
de la pratique sportive. La durée de validité doit être mentionnée.
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Certificats médicaux
Décès et législation Prélèvement d’organes et législation
POINTS FORTS À RETENIR
La rédaction d’un certificat est un acte médical réalisé après
un examen clinique de la personne concernée, et qui engage
les responsabilités civile, pénale et ordinale du médecin. Le
demandeur du certificat médical peut être le sujet lui-même, le
titulaire de l’autorité parentale pour un mineur, le tuteur pour un
majeur sous tutelle, ou une autorité judiciaire.
Un certificat médical, quelle qu’en soit la destination, doit :
– mentionner la date de la rédaction du certificat et celle de
l’examen clinique du patient ;
– identifier le demandeur, le patient et le médecin signataire ;
– ne comporter que des informations constatées par le médecin
signataire qui concernent exclusivement le demandeur, sans
jamais mentionner de tiers, de quelque manière que ce soit ;
– être signé par le médecin (cachet obligatoire) ;
– comporter la formule « remis en main propre pour faire valoir
ses droits ».
La loi (4 mars 2002) prévoit que le médecin pourra donner
des informations aux ayants droit, pour connaître les causes de
la mort, faire valoir leurs droits, ou pour défendre la mémoire du
défunt. Ceci n’est possible que si le patient, de son vivant, ne
s'est pas opposé à une telle éventualité.
Le certificat médical de décès se fait sur un imprimé
dédié, ou par voie électronique. Il comporte deux volets, l’un
administratif, l’autre médical.
Le volet administratif qui a comme conséquences de définir :
– le début du délai de transport du corps sans mise en bière :
48 heures à compter du décès ;
– le début du délai pour procéder aux funérailles : au moins
1 jour et au plus 6 jours après le décès ;
– le début de la succession pour les ayants droit.
Le volet médical est destiné à l’INSERM, à des fins
épidémiologiques.
Pour les licenciés (ou non) désirant prendre part à une compétition, le certificat médical doit préciser la non-contre-indication
à la pratique de l’activité sportive en compétition (peut justifier
des investigations spécifiques).
Les certificats demandés par les compagnies d’assurances :un médecin
traitant ne doit jamais donner directement des renseignements
médicaux à un médecin mandaté par une compagnie d’assurances. La mort du malade ne relève pas le médecin du secret
professionnel et les héritiers ne peuvent l’en délier. Il appartient à
la compagnie d’assurances d’apporter la preuve qu’elle ne peut
honorer les termes d’un contrat (ne pas verser les prestations)
pour non-respect des clauses de la part du souscripteur.
La loi (4 mars 2002) prévoit que le médecin peut donner des
informations aux ayants droit pour connaître les causes de la
mort, faire valoir leurs droits, ou pour défendre la mémoire du
défunt. Cela n’est possible que si le patient, de son vivant, ne
s’est pas opposé à une telle éventualité. L’Ordre des médecins
recommande de se limiter à attester que la cause du décès entre
ou non dans les clauses d’exclusion du contrat d’assurances.
4.Certificats médicaux établis à la demande des autorités judiciaires
Ces certificats sont élaborés sur réquisition. Il est obligatoire
d’y déférer, sauf en cas de conflit d’intérêts, d’impossibilité manifeste ou d’incompétence.
Le patient doit être informé du contenu de la réquisition et doit
être examiné dans de bonnes conditions. Le médecin rédige
ensuite ses constatations, en ne mentionnant que les informations nécessaires à la réponse aux questions posées. Le certificat est alors remis à « l’autorité requérante » et à elle seule.
Les certificats de coups et blessures et l’évaluation d’une ITT (hors violences sexuelles [v. item 10]). Le certificat permet au plaignant
d’apporter la preuve de blessures physiques ou psychiques. Il
doit comporter une description des blessures constatées : nature
(plaie, ecchymose, hématome, fracture…), en précisant pour
chacune sa localisation (utiliser les repères anatomiques), sa dimension en centimètres, sa couleur, sa forme. Le retentissement
fonctionnel des lésions doit également être décrit. Les éventuels
examens complémentaires réalisés doivent être précisés ainsi
que leurs résultats. Les traitements et prescriptions reçus
doivent être mentionnés. Le certificat doit bien distinguer ce qui
est constaté par le médecin de ce qui est dit par le patient.
L’auteur désigné ne doit pas être mentionné.
La conclusion doit mentionner la détermination de l’incapacité
totale de travail (ITT). Il s’agit d’une estimation faite par le médecin de la durée pendant laquelle le sujet sera significativement
gêné dans les actes de la vie ordinaire, du fait des blessures ou
des soins (par exemple un plâtre). Le retentissement psychologique des faits (prostration, dépression…) doit également être
pris en compte en estimant une évolution ultérieure possible. De
plus, cette incapacité peut être totale mais non absolue, d’où les
ambiguïtés et les aléas de l’interprétation…
L’incapacité totale de travail est donc différente de l’arrêt de
travail, qui mentionne la période durant laquelle le sujet ne sera
pas apte à exercer sa profession. Elle diffère aussi de l’incapacité
temporaire de travail, notion utilisée dans le cadre civil, maintenant dénommée déficit fonctionnel temporaire total (DFTT), qui
correspond à la période indemnisable pendant laquelle la victime
va se trouver empêchée de jouir de ses pleines capacités.
L’ITT est en définitive la durée de la gêne réelle et globale
éprouvée par la victime pour effectuer les gestes de la vie courante, mais pas forcément tous ces gestes. Au médecin d’en
estimer la durée, en s’appuyant sur des données cliniques et
médicales.
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TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
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RR Item 9
C E RT IFIC AT S MÉ DIC AU X. DÉ C È S E T L É GISL AT ION. PR É L È VE ME NT D’OR GANE S…
La durée de l’ITT est utilisée par le parquet pour la qualification
de l’infraction (tableau 1). Elle a donc une importance judiciaire.
C’est pourquoi le médecin doit rester aussi objectif que possible
dans sa détermination, et s’en tenir aux constatations médicales.
Le médecin décrit les blessures et détermine l’ITT, le magistrat
apprécie les circonstances aggravantes et qualifie l’infraction, en
tenant compte des circonstances des coups et blessures (volontaires ou non volontaires).
Le certificat est remis en main propre à la victime lorsque c’est
elle qui le demande (ou à son tuteur légal) et à l’autorité judiciaire
lorsque il y a eu réquisition.
En cas de mort ou de graves séquelles, le délit peut être qualifié
de crime. L’auteur est alors passible de la cour d’assises.
Législation concernant le décès et l’inhumation
Les textes de référence sont :
––la loi du 19 décembre 2008 ;
––les décrets du 3 août 2010 et du 28 janvier 2011 ;
––le code général des collectivités.
Certificat de décès
TABLEAU 1
Le médecin a l’obligation de constater et certifier le décès
après avoir vérifié que la mort est « réelle et constante ».
La certification du décès est obligatoirement rédigée et signée
par un médecin après avoir vérifié que la mort est « réelle et
constante ».
Le certificat médical de décès se fait sur un imprimé dédié, ou
par voie électronique (art. R2213-1-2 du code général des collectivités territoriales ; http://sic.certdc.inserm.fr) depuis le décret
du 27 juillet 2006 et l’arrêté du 24 novembre 2006. Il comporte
deux volets : l’un administratif, l’autre médical.
1.Volet administratif
Établi en trois exemplaires et signé par le médecin qui a
constaté le décès, il mentionne les nom, prénoms, date de naissance, sexe, adresse du domicile, commune de décès du défunt.
La date et l’heure du décès doivent être notées, le cas échéant
de manière approximative. Il ne s’agit pas nécessairement de la
date du constat.
Cet acte a comme conséquences de définir :
––le début du délai de transport du corps sans mise en bière ;
48 heures à compter du décès ;
––le début du délai pour procéder aux funérailles ; au moins 1 jour
et au plus 6 jours après le décès ;
––le début de la succession pour les ayants droit.
Le volet administratif comporte par ailleurs des rubriques pour
lesquelles le médecin doit cocher des cases « oui » ou « non »,
précisant certaines circonstances (tableau 2).
2.Volet médical
Ce volet est destiné à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm, CépiDc) à des fins épidémiologiques.
Il est anonyme et confidentiel et fait état des causes de décès :
––la partie I est destinée à décrire la cause immédiate de la mort
(maladie terminale, traumatisme ou complication). Le certificat
doit mentionner si le décès est dû à un accident, un suicide,
un homicide ou si l’intention n’a pas pu être déterminée ;
––la partie II permet de décrire les éventuels états morbides, facteurs ou états physiologiques ayant contribué au décès, sans
être directement à l’origine de la cause immédiate du décès.
Des informations complémentaires sont indiquées le cas
échéant : grossesse, accident... En cas d’autopsie, il faut indiquer si les causes du décès mentionnées ont pris en compte
les résultats.
Qualification des infractions et ITT
Type de coups et blessures
Volontaires*
Involontaires
Durée de l’ITT
Infraction
Juridiction
Sanction
❚❚ 8 jours*
❚❚Contravention*
❚❚Tribunal de police*
❚❚Amende*
❚❚> 8 jours
❚❚Délit
❚❚Tribunal correctionnel
❚❚Amende et prison
❚❚ 3 mois
❚❚Contravention
❚❚Tribunal de police
❚❚Amende
❚❚> 3 mois
❚❚Délit
❚❚Tribunal correctionnel
❚❚Amende et prison
ITT : incapacité totale de travail.
* En cas de coups et blessures volontaires, la présence de circonstances aggravantes, définies par le Code pénal, entraîne la qualification de délit dès lors qu’une ITT est reconnue, quelle que soit sa durée.
Les circonstances aggravantes reconnues sont les suivantes :
– violences sur mineur de moins de 15 ans, personne vulnérable, ascendants, agents publics chargés d’une mission d’intérêt public,
professions de santé, victime discriminée, etc. ;
– violences sur concubins, conjoints, pacsés, etc. ;
– violences sexuelles (sauf le viol, qui est un crime) ;
– violences en réunion, en état d’ivresse, avec préméditation, avec arme.
e6
Vol. 65 _ Septembre 2015
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Certificat de décès néonatal
Il doit être rempli pour tous les enfants nés vivants et décédés
entre la naissance et 27 jours révolus, si l’enfant avait un âge
gestationnel d’au moins 22 semaines d’aménorrhée ou pesait
au moins 500 g à la naissance. Il ne concerne pas les enfants
mort-nés.
Cas particuliers des enfants décédés avant la déclaration de naissance
ou mort-nés : si l’enfant est né vivant et viable, le médecin doit
produire un certificat indiquant que l’enfant est né vivant et
viable, et les jours et heures de sa naissance et de son décès.
L’enfant est inscrit sur le livret de famille. Si l’enfant est né sans
vie, le certificat médical d’accouchement doit mentionner l’heure,
le jour et le lieu de l’accouchement ; de même, si l’enfant est
mort-né, ou s’il est né vivant mais non viable et décédé avant la
déclaration de naissance. L’acte d’enfant sans vie permet aux
parents d’inscrire cet enfant sur les registres de l’état civil et sur
le livret de famille.
Éléments de législation funéraire
Le décès étant constaté, il doit être déclaré par un membre de
la famille ou un proche du défunt à la mairie du lieu où le défunt
est décédé dans les 24 heures suivant le décès (hors weekends et jours fériés). Cette déclaration permet à l’officier d’état
civil d’établir l’acte de décès, qui ne mentionne pas la cause de
décès. La police des funérailles comme la police des cimetières
appartient au maire. Un certain nombre d’opérations suivant
le décès sont réglementées et soumises à autorisation administrative.
Le transport du corps n’est possible avant mise en bière que dans
les 48 heures qui suivent le décès, en l’absence de contre-indications, et sans limitation de temps après.
La fermeture du cercueil doit être préalablement autorisée par
l’officier d’état civil du lieu de décès ou du lieu de dépôt de
corps, en cas de transport avant mise en bière.
L’inhumationest possible 24 heures au moins et 6 jours au plus
après le décès, hors dimanches et jours fériés. Elle nécessite
une autorisation administrative. L’inhumation sans cercueil est
interdite en France.
La crémation peut être effectuée 24 heures au moins et 6 jours
au plus après le décès. L’autorisation est donnée par le maire de
la commune de décès ou du lieu de fermeture du cercueil, s’il y
a eu transport de corps avant mise en bière. La demande de
crémation doit être accompagnée d’un document attestant des
dernières volontés du défunt ou d’une demande de la personne
qui pourvoit aux funérailles et d’un certificat de décès établi par
le médecin ayant constaté le décès.
L’exhumation d’un corps ne peut avoir lieu que pour des motifs
graves. Elle peut être demandée par le plus proche parent du
défunt ou encore à l’initiative du maire, par décision d’un juge,
ou à la demande de la Sécurité sociale aux fins d’autopsie d’une
personne décédée après à un accident de travail.
Certificats médicaux
Décès et législation Prélèvement d’organes et législation
POINTS FORTS À RETENIR
Le terme de « prélèvement d’organe » englobe
souvent à la fois le geste technique qui consiste à séparer
tout ou partie d’un organe de son corps d’origine et son
conditionnement jusqu’à son utilisation définitive
(greffe, recherche…). Il est à distinguer du « don d’organes »
qui consiste pour une personne à accepter que de son vivant
(un organe) ou après son décès (un ou plusieurs organes)
soient prélevés pour le bénéfice d’une tierce personne.
Ces deux notions sont régies par des textes
réglementaires qui diffèrent mais se complètent
(lois de bioéthiques de 1994 confirmées et adaptées
lors de leurs révisions en 2004 et 2011) et qui mettent
en exergue les 6 principes suivants :
– le principe de la dignité de la personne inscrite dans la
Constitution a été traduite dans le Code Civil qui garantit le
respect du corps humain et donc son inviolabilité (art. 16-1) ;
– le principe d’indisponibilité du corps humain
et de non-patrimonialité interdit de commercialiser le corps
humain, ses éléments et ses produits ;
– le principe de gratuité, en cas d’utilisation de tout ou partie
du corps humain ;
– le principe d’anonymat entre le sujet décédé, objet du
prélèvement, et le bénéficiaire de l’organe prélevé ;
– le principe de sécurité sanitaire doit s’appliquer en toutes
circonstances ;
– le principe de restauration du corps.
Examen d’un cadavre et différents
types d’autopsie
Tout médecin appelé auprès d’un cadavre doit attester que
« la mort est réelle et constante » après avoir procédé à l’examen
complet du corps nu.
Examen du cadavre
Le praticien s’assure alors de l’absence de signes de vie :
––arrêt cardiorespiratoire ; absence de pouls, de respiration, de
pression artérielle ;
–– arrêt des fonctions neurologiques ; abolition totale de la conscience,
perte du tonus musculaire, disparition de toute sensibilité, disparition des réflexes, abolition du réflexe cornéen, mydriase
bilatérale aréactive ;
––pâleur et refroidissement.
L’examen clinique permet de rechercher des signes de mort
spécifiques qui apparaissent dès les premières heures :
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e7
RR Item 9
C E RT IFIC AT S MÉ DIC AU X. DÉ C È S E T L É GISL AT ION. PR É L È VE ME NT D’OR GANE S…
––lividités ; coloration cutanée rouge rosé, souvent violacée, au
niveau des zones déclives du cadavre. Les lividités respectent
les zones de pression, qui restent à leur couleur initiale. Elles
se produisent dans les 3 premières heures après le décès,
s’installent en 12 heures et se fixent en 48 heures. Elles
donnent une idée de la position du corps après la mort ;
––déshydratation ; yeux excavés, cornée opacifiée, tache noire
sclérotique, plaque cutanée parcheminée, le cas échéant fontanelle hypotonique ;
––rigidité cadavérique liée à la contraction des muscles du corps
après la mort ; elle commence après 3 heures au niveau des
muscles de la face (mandibule et nuque) et diffuse vers le bas
du corps, pour atteindre en 6 à 12 heures les membres supérieurs (en flexion) puis inférieurs (en flexion). Au-delà de 48 heures,
la rigidité disparaît de la tête vers les pieds ;
––refroidissement progressif du corps, jusqu’à équilibre thermique
avec le milieu extérieur (mesurer la température du lieu) ; stable
dans les premières heures du décès, la température baisse
d’environ 1 °C par heure pour atteindre la température ambiante ; de nombreux facteurs (habillement, ventilation, humidité) peuvent perturber ce refroidissement ;
––décomposition du corps à partir de 48 heures, liée à la lyse
cellulaire, au développement et à la fermentation de la flore
intestinale qui transforment le corps ; apparition d’une tache
verte abdominale, gonflement des tissus, circulation posthume,
phlyctènes et décollements cutanés, avec dégagement d’odeur
et afflux d’insectes nécrophages. Les destructions tissulaires
et la dessiccation vont progressivement ne laisser subsister
que le squelette en 12 à 18 mois.
Levée de corps
La levée de corps est l’examen externe d’un cadavre effectué
sur le lieu de sa découverte dans le cadre d’une réquisition judiciaire. Il implique que le praticien soit compétent en médecine
légale. Le médecin doit examiner totalement et minutieusement
la totalité du corps. Il procède à la description des signes de la
mort, à la recherche de lésions anciennes ou récentes, de lésion
traumatique de défense et/ou de violence, de tout élément susceptible d’établir les causes de la mort. Il peut être amené à
proposer des examens complémentaires (toxicologie, imagerie
médicale) ou à recommander une autopsie, qui est alors une
autopsie médicolégale.
Autopsie judiciaire ou médicolégale
Le demandeur est le parquet ou le juge d’instruction.
L’objectif est de déterminer si la mort trouve sa cause dans
une infraction.
L’effecteur est un médecin légiste formé à l’autopsie médicolégale.
S’agissant d’un acte dit d’ordre public, le consentement des
proches n’est pas requis. Leur information est souhaitable, mais
non obligatoire et pas toujours possible dans les délais impartis.
e8
Autopsie scientifique, médicale ou hospitalière
Le demandeur est la famille ou le médecin.
L’objectif est d’obtenir un diagnostic sur les causes du décès
(CSP art. 1211-2) ; elle est pratiquée en dehors du cadre de
mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire.
L’effecteur est un anatomopathologiste.
L’autopsie n’est possible que si l’intéressé ne s’y est pas opposé de son vivant, en s’inscrivant sur le Registre national des
refus. Pour les majeurs sous tutelle et les mineurs, le consentement doit être donné par les représentants légaux. Elle est également possible en cas de nécessité impérieuse pour la santé
publique et en l’absence d’autres procédés permettant d’obtenir
une certitude diagnostique sur les causes de la mort ; un arrêté
du ministre chargé de la Santé précise les pathologies et les situations justifiant la réalisation des autopsies médicales dans
ces conditions.
Prélèvement d’organes et législation
Un organe se définit comme « toute partie du corps qui remplit
une fonction ». S’il est habituel de voir derrière ce mot des organes
solides (foie, rein, cœur..), la moelle osseuse est aussi considérée
comme un organe.
Le terme de prélèvement d’organes englobe souvent à la fois
le geste technique qui consiste à séparer tout ou partie d’un
organe de son corps d’origine et son conditionnement jusqu’à
son utilisation définitive (greffe, recherche…). Le prélèvement est
à distinguer du « don d’organes » qui consiste pour une personne à accepter que, de son vivant, un organe, ou après son
décès, un ou plusieurs organes soi(en)t prélevé(s) pour le bénéfice d’une tierce personne. Ces deux notions sont régies par des
textes réglementaires qui diffèrent mais se complètent.
Grands principes
Ils ont été définis par les lois de bioéthique de 1994 et ont été
confirmés et adaptés lors de leurs révisions en 2004 et 2011.
Le principe de la dignité de la personne, inscrit dans la Constitution,
a été traduit dans le Code civil, et garantit le respect du corps
humain et donc son inviolabilité (art. 16-1). Il est donc interdit,
sous peine de sanctions, d’intervenir sur le corps d’un sujet vivant en l’absence de visée thérapeutique pour lui-même. Cette
interdiction concerne aussi le corps d’une personne décédée.
La loi prévoit cependant certaines exceptions, parfaitement définies.
Le principe d’indisponibilité du corps humain et de non-patrimonialité
interdit de commercialiser le corps humain, ses éléments et ses
produits. Inclus dans la loi française depuis 1976, il a été repris
sur le plan international dans la convention d’Oviedo.
Le principe de gratuité, en cas d’utilisation de tout ou partie du
corps humain, découle du principe précédent, ainsi que toute
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TABLEAU 2
Circonstances à signaler sur le certificat
de décès
Obstacle
médico-légal
❚❚En cas de suicide ou de décès suspect paraissant
avoir sa source dans une infraction médicolégale
ou dans l’intervention d’un tiers
❚❚Le corps est alors à la disposition de la justice
❚❚Les opérations funéraires sont suspendues jusqu’à
autorisation donnée par l’autorité judiciaire
Obligation de mise
en bière immédiate
en cercueil simple
❚❚En cas d’hépatite virale B ou C, d’infection
par le VIH, de rage, de maladie de Creutzfeldt-Jakob,
de tuberculose active non traitée ou traitée
depuis moins d’un mois, ou de mauvais état
de conservation du cadavre
Obligation de mise
en bière immédiate
en cercueil
hermétique
❚❚En cas de variole ou autres orthopoxviroses,
de choléra, de charbon, de peste ou de fièvres
hémorragiques virales
Obstacle
au don
du corps
❚❚Possible en l’absence d’obstacle médicolégal
ou de maladie contagieuse
❚❚La carte de donateur doit être demandée
Prélèvement en
vue de rechercher
la cause du décès
❚❚Voir autopsie médicale
Présence
de prothèse
❚❚Toute prothèse renfermant des radioéléments
artificiels doit être enlevée avant la mise en bière
❚❚Toute prothèse fonctionnant au moyen
d’une pile (stimulateur cardiaque) doit être enlevée
avant la crémation
❚❚Faire une attestation précisant les références
du dispositif ôté
interdiction de publicité visant à favoriser l’utilisation d’un de ses
éléments ou produits au profit d’une personne, d’un établissement ou d’un organisme nommément désigné. Il est donc interdit à un sujet (et à ses proches) de percevoir une rétribution directe ou indirecte en compensation d’un prélèvement d’organes
de son vivant ou après son décès.
Le principe d’anonymat entre le sujet décédé, objet du prélèvement, et celui qui sera amené à bénéficier de l’organe prélevé.
La garantie de l’anonymat s’impose à tous les intervenants en
relation avec le prélèvement, proches du sujet décédé et soignants. Ce principe repose sur le principe de solidarité qui régit
le fonctionnement de notre société et sur celui de non-patrimonialité du corps humain dont il vise à assurer le respect.
Le principe de sécurité sanitaire doit s’appliquer en toutes circonstances, en évaluant dans tous les cas le rapport bénéfices/
risques, en fonction des connaissances médicales et scienti-
fiques du moment. Cela peut imposer, avant tout prélèvement,
la réalisation notamment d’examens de dépistage de certaines
maladies transmissibles (infections par le virus de l’immunodéficience humaine, par les virus des hépatites B et C…).
Le principe de restauration du corps impose, selon le principe de
respect du corps humain, de rendre aux proches un corps dont
l’aspect extérieur reste compatible avec l’image qu’ils en avaient.
Exceptions au principe d’inviolabilité
du corps humain
On peut schématiquement distinguer 4 circonstances où la loi
autorise, sous conditions, des prélèvements d’organes sans
bénéfice direct pour le sujet prélevé :
––les prélèvements, sur sujet vivant ou décédé, à visée thérapeutique pour autrui, c’est-à-dire à visée de greffe pour un
receveur ;
––les prélèvements à visée scientifique où l’on distingue deux
situations : les prélèvements au cours d’une autopsie pour recherche des causes de la mort d’un sujet décédé de mort
naturelle ; les prélèvements pour lesquels l’organe prélevé sera
utilisé dans le cadre d’un protocole de recherche ;
––les prélèvements dans le cadre d’une autopsie judiciaire dite
aussi médicolégale (v. supra) ;
––les prélèvements réalisés dans le cadre d’une autopsie médicale
dite administrative, lorsque la cause du décès (épidémie) peut
mettre en jeu la sécurité ou l’ordre public.
Il faut rappeler ici le cas du sujet ayant fait « don de son corps
à la science ». Ce cas n’entre pas à proprement parler dans ce
contexte, car il s’agit littéralement d’un abandon de son corps à
la science, en fait à une faculté de médecine ; en effet, le corps,
après utilisation pour dissection par les étudiants ou pour chirurgie
expérimentale, ne sera pas rendu aux proches.
Conditions du prélèvement
1.Prélèvement d’organes sur sujet décédé, à visée de greffe
pour autrui
Ne peuvent être concernés par le prélèvement que des sujets
décédés en état de mort encéphalique dont les critères sont
précisés par le décret du 2 décembre 1996 et ceux décédés
après un arrêt cardiaque et respiratoire persistant selon des critères définis à la fois par le décret de 1996 et celui du 2 août
2005.
Dans ce contexte, seuls les établissements de santé bénéficiant d’une autorisation administrative, délivrée par l’agence régionale de santé (ARS) après avis de l’Agence de la biomédecine, peuvent réaliser des prélèvements d’organes. Cependant,
la loi de bioéthique de 2004 a fait du prélèvement et de la greffe
une priorité nationale et oblige donc tous les établissements de
santé, privés ou publics, à faire partie d’un réseau de prélèvement, centré sur un établissement ayant une autorisation de
prélèvement auquel ils sont tenus de signaler tout sujet décédé
pouvant être un potentiel donneur d’organes. Pour les prélève-
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RR Item 9
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Message de l'auteur
Ce sont principalement des questions de deux ordres
principaux qui peuvent tomber :
➥ d’une part des questions sur la (demande de) rédaction
d’un certificat médical dont l’opportunité, le contenu
et les conséquences sont à apprécier par l’étudiant en
fonction des circonstances cliniques ;
➥ d’autre part, des questions sur le don d’organes
et les dispositions réglementaires qui s’y appliquent.
ments sur sujet décédé après arrêt cardiaque, les établissements, pour pouvoir réaliser ce type de prélèvements, doivent,
de plus, signer une convention spécifique avec l’Agence de la
biomédecine.
Aucune rémunération à l’acte pour cette activité ne peut être
prévue en raison de la gratuité du don.
Pour éviter tout conflit d’intérêts, la loi impose que l’équipe en
charge du patient et qui déclare sa mort soit indépendante de
l’équipe chargée du prélèvement et de la greffe.
Des règles de bonnes pratiques de prélèvement, publiées
sous forme d’un arrêté ministériel, encadrent cette activité et
permettent d’assurer la traçabilité des organes et la sécurité sanitaire sous contrôle de l’Agence de la biomédecine qui doit être
systématiquement prévenue de tout prélèvement à visée de
greffe.
Pour que le prélèvement puisse être réalisé, la France ayant
choisi, dans ce contexte, le principe du consentement implicite,
l’équipe qui en a la charge doit s’assurer par tous les moyens
que le défunt avant sa mort ne s’était pas opposé au prélèvement d’organes, soit en ayant prévenu ses proches, qui doivent
être entendus, soit en s’inscrivant sur le Registre national des
refus (RNR), qui doit être consulté obligatoirement après le décès du sujet, en cas de procédure de prélèvement. Pour les
mineurs, l’accord des responsables de l’autorité parentale est
indispensable.
L’utilisation du prélèvement ne peut être réalisée que sous le
contrôle de l’Agence de la biomédecine qui attribue chaque organe soit à un patient, soit à une équipe, selon des règles de
répartition officielles publiées sous forme d’arrêté ministériel ;
ces règles doivent assurer l’efficacité du processus et l’équité
entre les sujets en attente de greffe.
2.Prélèvement d’organes sur sujet vivant à visée
de greffe pour autrui
En France, sont concernés par cette procédure essentiellement
les prélèvements de rein et dans quelques cas de foie.
e10
Le prélèvement ne peut être réalisé que par des équipes hospitalo-universitaires ayant une autorisation administrative de greffe
délivrée par l’ARS après avis de l’Agence de la biomédecine.
Le prélèvement ne peut avoir lieu qu’après une longue procédure clinico-biologique, éliminant les contre-indications au don
en termes de santé du donneur et de qualité du greffon ; après
l’avis du tribunal de grande instance du domicile du donneur qui
a la charge de confirmer le caractère libre et éclairé du consentement du donneur ainsi que les liens entre donneur et receveur ;
après l’expertise d’un comité d’experts indépendants défini par
les lois de bioéthique de 2004 et 2011 qui, in fine, donne une
autorisation sans laquelle le prélèvement et la greffe ne peuvent
avoir lieu sauf si le donneur est le père ou le mère du receveur.
Les liens indispensables entre donneur et receveur ont été définis par la loi de bioéthique de 1994 et étendus progressivement
par les lois de 2004 et 2011 ; cette dernière ayant de plus autorisé les dons croisés.
Les prélèvements d’organes sur un sujet sous tutelle ou sur un
sujet mineur en vue de greffe sont interdits, sauf dans le cas de
la moelle osseuse pour un mineur, avec une réglementation particulière.
3.Prélèvement à visée scientifique
Les autopsies dites médicales (v. supra).
Les prélèvements ayant pour finalité une recherche biomédicale sont
passés, depuis la loi de bioéthique de 2011, du principe du
consentement explicite à celui de consentement implicite, donc
sous le même statut que les prélèvements à visée de greffe. Le
sujet peut donc, de son vivant, inscrire son refus sur le RNR ; en
son absence, la recherche de son opposition au prélèvement
est faite auprès de ses proches. Dans tous les cas, le protocole
de recherche doit être au préalable soumis à l’Agence de la biomédecine qui doit aussi être informée de la réalisation du prélèvement et de la destination de l’organe prélevé.
Dans ces deux circonstances, le principe de la restauration du
corps s’applique comme pour les prélèvements à visée de greffe.
4.Prélèvements dans le cadre de dispositions
pouvant mettre en jeu l’ordre public
Les autopsies judiciaires ou médicolégales (v. supra).
Les autopsies médicales dites administratives (v. supra).
Conclusion
Le principe de dignité de la personne a induit deux conséquences
majeures : l’inviolabilité et la non-patrimonialité du corps humain.
Ces deux éléments sont eux-mêmes à l’origine d’un encadrement
strict des rares situations où, par dérogation, un prélèvement
d’organes est autorisé sur un sujet en l’absence de bénéfice
thérapeutique direct pour lui-même, et ce même après sa mort.•
I. François-Purssell, W. Vorhauer et J. Lucas déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
La déclaration d’A. Tenaillon peut être consultée sur le site www.larevuedupraticien.fr
onglet [Qui sommes-nous ?].
M.-F. Mamzer-Bruneel, C. Hervé et P. Charlier n’ont pas fourni de déclaration d’intérêts.
Vol. 65 _ Septembre 2015
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RR
Item 55
MALTRAITANCE ET ENFANTS
EN DANGER
PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE
➥ Maltraitance et enfants en danger
Dr Georges Picherot, Dr Nathalie Vabres, Dr Juliette Fleury, Dr Margaux Lemesle
CHU Nantes, service de pédiatrie et unité d’accueil des enfants en danger (UAED)
[email protected]
objectifs
REPÉRER un risque ou une situation de maltraitance
chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent.
ARGUMENTER la démarche médicale
et administrative nécessaire à la protection
de la mère et de l’enfant.
L
es maltraitances des enfants ne doivent pas être considérées comme des situations rares. La formation des
médecins à les dépister et à accompagner la démarche
de protection est un objectif essentiel souligné par la Haute Autorité de santé (HAS, 2014) et repris récemment par le Conseil
national de l’Ordre des médecins (CNOM, janvier 2015). Ceci en
fait une question de santé publique au caractère interdisciplinaire.
Toutes les spécialités médicales qui rencontrent des enfants ou
des familles sont concernées. Les deux spécificités sont la difficulté
du diagnostic (souvent suspecté sans certitude) et le rôle particulier
des médecins, qui doivent s’associer aux services sociaux et judiciaires pour protéger l’enfant dans le respect des lois.
Définition et épidémiologie
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la maltraitance comme toute violence ou négligence envers les mineurs
de moins de 18 ans. Elle comprend tous les aspects de mauvais
traitements physiques, psychologiques, sexuels ou de négligence entraînant un « préjudice réel ou potentiel pour la santé de
l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité ».
Plusieurs formes de maltraitance existent.
La maltraitance physique est la plus anciennement connue et
décrite. Elle associe toutes les formes de traumatismes physiques subis et souvent associés : cutanés, osseux, neurologiques,
ophtalmologiques, etc.
Les violences sexuelles ont été prises en compte plus récemment, souvent à l’occasion de révélations tardives. Leur accompagnement s’est organisé, avec une amélioration du dépistage
précoce.
Les violences psychologiques accompagnent toutes les formes
de maltraitance mais peuvent parfois être isolées, de repérage
très difficile et de mauvais pronostic.
Les négligences graves font aussi partie des maltraitances.
L’épidémiologie des maltraitances de l’enfant est imprécise et
comparée par certains à un iceberg tant leur sous-évaluation est
importante. Une estimation a été donnée par l’Observatoire décentralisé de l’action sociale (ODAS) relayé par l’Observatoire
national de l’enfance en danger (ONED) depuis la loi de protection de l’enfance de 2007.
Les chiffres supposés sont impressionnants. Chaque année,
19 000 enfants seraient victimes de maltraitance et 44 % sont
âgés de moins de 6 ans. L’auteur des violences vit avec l’enfant
ou est très connu de l’enfant dans la majorité des cas. Seulement 6 % des situations de maltraitance sont repérées par un
médecin. On pense, sans certitude, qu’en France 600 enfants
décéderaient chaque année des suites d’une maltraitance non
diagnostiquée. Ces chiffres sans doute sous-estimés font de la
maltraitance une des pathologies graves de l’enfant les plus fréquentes à intégrer dans les grands problèmes de santé publique.
Vulnérabilité et facteurs de risque
L’enfant est par nature vulnérable. Plus il est jeune, plus cette
vulnérabilité est importante, ce qui explique la répartition des
diagnostics (44 % au-dessous de 6 ans). La maltraitance existe
aussi chez l’adolescent, victime fréquente d’agressions sexuelles
ou de violences psychologiques graves.
Des facteurs de risque s’ajoutent à l’âge. Ils sont connus et
décrits, mais aucun ne constitue à lui seul un élément diagnostique.
Leur connaissance doit inciter le praticien à une vigilance accrue
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e11
RR Item 55
MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R
dans ses situations (v. chapitre Prévention de la maltraitance). On
distingue deux groupes de facteurs de risque suivant leur relation
aux problématiques familiales ou à l’histoire de l’enfant. Ils sont
regroupés dans le tableau. Les facteurs économiques sont importants mais ne doivent pas faire oublier que la maltraitance
existe dans tous les milieux ; le diagnostic en l’absence de difficulté économique associée est difficile et très sous-estimé.
L’association des maltraitances infantiles aux violences conjugales est très fréquente (50 %).
Certains facteurs de risque font l’objet d’une prévention active
et efficace : diminution des séparations néonatales, amélioration
de la prise en charge des familles d’enfant porteur de handicap
physique ou de maladie chronique.
Diagnostic des maltraitances physiques
Ce chapitre regroupe les situations qui impliquent le plus fréquemment les médecins. La plupart des enfants victimes de ce
type de maltraitance sont vus dans une situation qui évoque un
traumatisme, souvent en urgence. Le diagnostic repose sur
l’évocation du caractère infligé. La particularité de cette situation
est que « le médecin n’a pas à être certain de la maltraitance ni
à en apporter la preuve pour alerter l’autorité compétente, mais
il doit fonder sa suspicion sur un faisceau d’arguments ».
Plausibilité
TABLEAU
Il est indispensable de mettre en œuvre une démarche de plausibilité devant tout événement traumatique de l’enfant, particulièrement aux urgences pédiatriques. Elle analyse les explications
données et la prise en charge. Elle repose sur 7 items simples.
L’analyse des circonstances dans lesquelles se sont produites la
ou les lésions, voire la découverte d’une lésion traumatique au
cours de l’examen clinique alors que le motif de consultation est
tout autre et semble bénin.
e12
Facteurs de risque
Risques familiaux
❚❚Grossesse précoce et/ou non déclarée
❚❚Addictions : drogues, alcool
❚❚Pathologie psychiatrique familiale
❚❚Maltraitances subies dans l’enfance
❚❚Difficultés économiques, exiguïté des logements
❚❚VIOLENCES CONJUGALES
❚❚ISOLEMENT (familial, social, psychologique)
Risques liés à l’histoire
de l’enfant
❚❚Prématurité et séparations néonatales
❚❚Handicap physique et maladies chroniques
❚❚Maladies psychiatriques et troubles
du comportement
La chronologie : le retard à la consultation par rapport à la date
supposée de l’événement traumatique doit interroger, surtout
s’il existe des lésions de divers types ou d’âge différent.
La relation âge de l’enfant-lésion : les ecchymoses et hématomes
du tout-petit, les fractures d’os long avant l’âge de la marche ne
sont plausibles que dans des circonstances accidentelles identifiables et impossibles dans la traumatologie « domestique » habituelle.
L’importance des lésions :elle doit être en relation avec les circonstances décrites. Une chute de la hauteur ne provoque pas de
fracture des os longs.
La prise en charge de la famille : l’inadéquation doit faire évoquer
la négligence souvent associée à la maltraitance.
L’évaluation de la douleur : la discordance doit aussi évoquer un
traumatisme infligé particulièrement dans des conditions de répétitions. La douleur n’est ni reconnue ni prise en charge dans
ces conditions.
L’instabilité des explications donnée par les familles peut être également suspecte. La parole de l’enfant ou même de l’adolescent
est rarement directe et explicative.
Description des lésions
1.Lésions cutanées
Quatre éléments permettent une évaluation des lésions : la forme,
la gravité, la localisation, l’association en particulier de lésions
d’âge différent. Leur reconnaissance exige un examen complet
de l’enfant.
Les ecchymoses et plaies : les ecchymoses chez le petit enfant
sont fréquentes lorsqu’il commence à se déplacer : les localisations siègent surtout sur les zones cutanées externes, exposées en cas de chute ou de choc (les genoux, la face antérieure des jambes, le front). Elles sont cependant exceptionnelles
avant 8 mois et elles siègent dans des localisations non plausibles si elles sont infligées (v. fig. 1). Les ecchymoses reproduisant l’empreinte d’un objet ou de doigts adultes (ecchymoses
arrondies en cas de forte pression ou lignes parallèles en cas
de gifle) sont particulièrement suspectes de traumatisme infligé
à l'enfant.
Brûlures : les brûlures accidentelles par contact ou par liquide
bouillant ont en général des bordures et des profondeurs inégales. Les brûlures à bords nets sans éclaboussures (par
exemple en gants par immersion des mains, ou brûlures de cigarette parfaitement rondes) sont suspectes de traumatisme
infligé comme celles qui siègent sur des zones habituellement
protégées par les vêtements (périnée, fesses). Les brûlures circonférentielles par frottement aux poignets ou aux chevilles ne
peuvent pas correspondre au port de chaussettes ou de bracelets trop serrés, mais à une contention par des liens.
Morsures : les morsures d’enfants siègent dans les zones découvertes et accessibles ; et l’écart entre les incisives est inférieur à 3 cm. Les morsures de dimension supérieure évoquent
une lésion infligée par un adulte.
Vol. 65 _ Septembre 2015
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Arguments de la démarche diagnostique
FIGURE 1 Localisations suspectes de lésions infligées en orange, localisations
habituelles dans la traumatologie de l’enfant en jaune.
2.Fractures
Comme pour les lésions cutanées, les fractures chez un nourrisson qui ne se déplace pas sont très suspectes. La majorité
des fractures accidentelles surviennent après l’âge de 5 ans.
Certaines fractures sont plus spécifiques des violences physiques par leur type et leur localisation :
––fractures de côtes ;
––fractures et arrachements métaphysaires ;
––os longs et profonds (fémur, vertèbres) ;
––fractures complexes du crâne ;
––décollements épiphysaires : humérus, fémur.
Le nom de syndrome de Silverman correspond à la description initiale des lésions osseuses radiologiques multiples d’âge
différent. Il est parfois donné par extension aux maltraitances
physiques.
3.Lésions neurologiques
Elles sont responsables de la mortalité et de la plupart des
séquelles. Tous les types de lésions neurologiques traumatiques
encéphaliques ou médullaires peuvent être rencontrés. Le syndrome
du bébé secoué est un traumatisme crânien infligé qui comporte
des saignements intracrâniens (le plus souvent des hématomes
sous-duraux) et des hémorragies rétiniennes (v. chapitre Situations
particulières)
4.Lésions ophtalmologiques
Elles peuvent être directes (plaies et contusion palpébrales et
cornéennes) ou secondaires aux secousses (hémorragies rétiniennes).
5.Autres lésions
Tous les organes peuvent être concernés lors des traumatismes
graves.
La particularité du diagnostic est de reposer sur une suspicion
sans certitude. Cependant, il est essentiel d’éliminer ce qui n’est pas
une maltraitance : « Il faut apprendre à gérer l’incertitude dans
un contexte où l’erreur est lourde de conséquences » (J. Labbé).
1.Suspicion en quatre temps
Quatre éléments doivent accompagner la démarche :
––la connaissance d’une sémiologie dite non spécifique mais
tout de même évocatrice, d’autant qu’il existe plusieurs types
de lésions d’âge différent ;
––la suspicion qui est associée au caractère non plausible des
lésions ;
––l’histoire qui n’est pas plausible par sa description et sa variabilité ;
––l’existence de facteurs de vulnérabilité familiaux ou personnels.
On ajoute à ces quatre éléments la recherche systématique –
par l’interrogatoire, par l’examen du carnet de santé, par la
consultation des historiques des passages sur les dossiers informatiques hospitaliers – d’autres événements évocateurs de
traumatismes infligés à l’enfant passés inaperçus.
2.Bilan nécessaire
Il a deux buts : faire une recherche systématique de lésions
non visibles et éliminer les diagnostics différentiels.
Pour la recherche de lésions osseuses, les radiographies de
squelette complet sont l’examen de base, en demandant des
clichés par zone (« centrée et collimatée ») et non en totalité sur
grande plaque, plus irradiant et moins performant. Cet examen
peut être complété par une scintigraphie osseuse utile chez le
petit enfant pour un diagnostic précoce. Le scanner crânien est
demandé si l’on a une suspicion d’hémorragie intracrânienne.
La pratique d’une imagerie à résonance magnétique du corps
entier pourrait remplacer les radiographies du squelette, mais
elle fait encore l’objet d’une évaluation.
L’examen ophtalmologique est systématique en cas de suspicion
de maltraitance physique chez l’enfant de moins de 18 mois. Il
recherche notamment les hémorragies rétiniennes.
Le bilan biologique comporte au minimum un hémogramme
avec un bilan complet de coagulation (taux de prothrombine
[TP], temps de céphaline activée [TCA] et tous les facteurs de
coagulation avec facteur XIII et maladie de von Willebrand). Une
recherche de toxiques urinaires est associée. Un bilan métabolique (phosphocalcique, recherche d’amino-acidopathie) peut
être utile dans certaines circonstances.
3.Diagnostics différentiels
L’étape du diagnostic différentiel est essentielle car l’erreur en
excès est dramatique.
Trois groupes de diagnostics doivent être éliminés suivant les
circonstances du diagnostic.
Les traumatismes accidentels non infligés peuvent être à l’origine
de lésions cutanées ou osseuses. Leur diagnostic est fondé sur
la description, les circonstances, la plausibilité.
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e13
RR Item 55
MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R
Les maladies de la coagulation acquise ou congénitale sont à
l’origine d’hématomes pouvant être d’âges différents. Le diagnostic
repose sur le bilan de coagulation. Elles ne sont pas associées à
des lésions osseuses.
La fragilité osseuse constitutionnelle, ou ostéogenèse imparfaite, est le diagnostic le plus difficile à l’origine de la plupart des
erreurs de diagnostic. L’évaluation de l’ostéoporose associée
est difficile chez le nourrisson. L’association à la présence d’os
wormiens ou de sclérotiques bleutés peut aider. L’expertise
d’une équipe spécialisée est fortement recommandée en cas de
doute.
D’autres diagnostics différentiels sont possibles : rachitisme,
maladies métaboliques (acidurie glutarique, maladie de Menkès,
etc.) mais exceptionnels.
e14
Situations particulières
4.Lésions associées
L’examen peut révéler des ecchymoses et hématomes de la
paroi thoracique ou des épaules, des fractures de côtes dans
les zones de tenue de l’enfant. Toutes les lésions décrites au
cours de la maltraitance physique sans spécificité du syndrome
de bébé secoué peuvent se rencontrer. Elles doivent être recherchées.
5.Pronostic et prise en charge
Le pronostic est très péjoratif. Le décès est possible initialement
ou dans l’évolution. Les séquelles sont observées dans 80 %
des cas. Elles sont essentiellement neurologiques.
La prise en charge se fait souvent en réanimation du fait de la
gravité initiale.
Il existe une prévention par une information dans le carnet de
santé et dans les consultations de prévention autour de la grossesse et après la naissance.
Syndrome du bébé secoué
Syndrome de Münchhausen par procuration
Il s’agit d’un traumatisme crânien infligé grave provoqué par
des secousses violentes. Le poids du crâne, la faiblesse du tonus cervical expliquent la survenue des lésions. Il survient le plus
souvent chez un enfant de moins de 1 an (âge moyen de 5,4 mois).
Le nombre d’enfants atteints en France serait de 180 à 200 par
an avec, là aussi, une probable sous-évaluation. Le facteur favorisant le plus important serait la mauvaise tolérance des pleurs
du nourrisson.
1.Symptômes
La mort inattendue peut être révélatrice.
Les signes neurologiques sont les plus évocateurs :
––convulsions ou malaise grave ;
––coma ;
––modifications du tonus : hypotonie axiale ;
––apnées ou troubles du rythme respiratoire ;
––symptômes d’engagement cérébral ;
––symptômes d’hypertension intracrânienne : vomissements,
augmentation du périmètre crânien (importance du carnet de
santé), bombement de la fontanelle.
Les signes peu spécifiques sont à bien connaître :
––modification du comportement : régressions psychomotrices,
irritabilité, impressions de douleur ;
––accès de pâleur ;
––vomissements isolés.
2.Lésions intracérébrales
Elles sont mises en évidence par le scanner cérébral et précisées
par l’IRM. Ce sont principalement les hématomes sous-duraux
quasiment spécifiques du syndrome de bébé secoué mais aussi
l’œdème cérébral, les hémorragies intraparenchymateuses, les
lésions médullaires.
3.Lésions ophtalmologiques Les hémorragies rétiniennes sont présentes dans 80 % des cas,
souvent bilatérales, de grande taille, localisées au pôle postérieur
et en périphérie.
C’est une situation où les parents provoquent des symptômes
ou une maladie factice chez leur enfant. Trois mécanismes sont
observés : fausse allégation des signes de symptômes ou d’antécédents, falsifications de données cliniques ou biologiques, induction de maladie par différents moyens. Le diagnostic est
difficile, souvent fondé sur la disparition des symptômes en
l’absence du parent responsable et aussi sur l’improbabilité des
situations. Les conséquences peuvent être graves par l’inadaptation des bilans et des traitements mais aussi par la mise en
danger de l’enfant, en particulier dans l’induction des maladies
(par exemple hypoglycémies factices provoquées par l’injection
d’insuline).
Sévices sexuels
Le diagnostic d’agressions sexuelles est de plus en plus souvent
évoqué. Les sévices sexuels (terme préféré à abus) représentent
en France le tiers des situations de maltraitance.
1.Circonstances de découverte
Elles sont variables selon l’âge. Les déclarations directes des
victimes sont rares et souvent retardées par rapport aux faits.
Les histoires peuvent être sans parole ou avec une révélation
par des signes indirects ou conséquences des agressions.
Chez l’enfant, on décrit les signes suivants :
––la peur face à des situations considérées comme similaires ;
––les signes régressifs : refus de séparation des parents, perte
d’acquisitions de développement, etc. ;
––les rappels douloureux : refus de change, refus d’examen ;
––les expressions somatiques : douleurs abdominales, anorexie,
gêne à la déglutition ;
––les expressions indirectes du traumatisme génital et périnéal :
régression de propreté, constipation ou apparition d’encoprésie,
troubles mictionnels ;
––les comportements sexualisés à type de masturbation compulsive ;
––les maladies sexuellement transmissibles malgré l’âge.
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Maltraitance et enfants en danger
POINTS FORTS À RETENIR
Épidémiologie imprécise mais 19 000 enfants maltraités
et 600 décès présumés
Vulnérabilité et facteurs de risque liés à l’enfant
et à sa famille
Devant une situation suspecte, 7 critères de plausibilité
Examen complet du corps de l’enfant
Des lésions cutanées et des fractures qui interrogent
Gravité neurologique et ophtalmologique du syndrome
du bébé secoué
Les sévices sexuels souvent révélés par des signes
indirects
Connaître la différence de définition et de circuit
pour les informations préoccupantes et les signalements
Ne pas rester seul et connaître les personnes ressources
Chez l’adolescent, les tentatives de suicide et les suicides, les
fugues, les modifications majeures de comportement peuvent
aussi être des signes indirects d’agression. Les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles doivent faire
évoquer une possibilité d’agression sexuelle.
2.Examen clinique
L’examen clinique dans les circonstances d’abus sexuel est
difficile pour l’enfant quel que soit son âge. Son interprétation
demande une compétence qui évite d’intolérables répétitions.
Les fausses interprétations sont fréquentes, particulièrement
chez le petit enfant.
Cet examen aboutit rarement à des constats d’anomalies. Il
est pourtant très attendu par les services sociaux ou juridiques
pour apporter une preuve objective de l’agression sexuelle. Le
médecin ne doit jamais examiner seul l’enfant, ce qui impose
l’aide d’une équipe ressource.
L’urgence de l’examen fait toujours l’objet de discussion. Elle
est indiscutable si l’abus date de moins de 72 heures. Entre 3 et
15 jours, l’examen doit être rapide. Au-delà de 15 jours, l’examen
peut être différé. Nous ne décrirons pas toutes les lésions qui
peuvent être rencontrées. Il paraît préférable de référer l’enfant
pour cet examen aux unités spécialisées.
3.Orientation des enfants victimes de sévices sexuels
Les conditions d’accueil des enfants victimes d’agressions
sexuelles et de leur famille sont primordiales et doivent être
adaptées à l’enfant. L’examen clinique est difficile et ne peut se
répéter. Ces enfants doivent être orientés vers les unités d’accueil médico-judiciaire (UAMJ) pédiatrique ou permanences
d’accueil pluridisciplinaires pédiatriques créées dans la plupart
des hôpitaux français.
Argumentation de la démarche de protection
Soigner et protéger
La démarche est avant tout une démarche de soins et de protection. Les lésions et leurs conséquences immédiates doivent
être prises en charge : plaies, fractures, troubles de conscience,
etc.
La prise en charge de la douleur est essentielle et souvent insuffisante ou oubliée. La maltraitance est associée à une mauvaise reconnaissance de la douleur. L’expression douloureuse
est différente (souvent niée par le parent responsable), et l’équipe
médicale peut être sidérée.
La protection est médicale avant d’être juridique et sociale.
L’hospitalisation est toujours un recours à utiliser en cas de situation
grave mais aussi en cas d’incertitude diagnostique ou de nécessité d’éloignement d’un auteur présumé (éviter la répétition).
L’hospitalisation peut également permettre une réflexion d’équipe
face à une situation complexe pour rédiger au mieux le signalement. Elle est le plus souvent acceptée par les parents pour
l’exploration de signes incompris.
Elle peut être imposée après signalement aux autorités judiciaires.
Législation
Parmi beaucoup d’autres, on peut retenir les cinq articles les
plus utiles pour le médecin.
L’article 223-6 du Code pénalfait obligation à tout citoyen de signaler
la situation d’un enfant en danger.
L’article 226-14 du Code pénal autorise le médecin à la levée du
secret professionnel en cas de maltraitance aux enfants pour
alerter les autorités judiciaires ou administratives.
L’article 44 du code de déontologie médicale impose au médecin de
protéger le mineur et de signaler les sévices dont il est victime.
L’article 226-14 du Code pénal délie le médecin du secret professionnel en cas de maltraitance à enfant et l’autorise à alerter le
procureur de la République.
L’article 434-3 du Code pénal condamne la non-dénonciation de
crimes aux autorités judiciaires ou administratives (privations,
mauvais traitements, atteintes sexuelles infligées à un mineur de
moins de 15 ans).
L’article 226-2-du code de l’action sociale et des familles (CASF) autorise le partage d’information entre professionnels soumis au
secret professionnel dans le cadre de la protection de l’enfance. Il est limité à la mission de protection. Les parents sont
informés de cet échange d’information sauf intérêt contraire de
l’enfant.
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e15
RR Item 55
MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R
Le signalement et son circuit
1.Les modalités de l’information
Depuis la loi de protection de l’enfance de 2007, deux modalités sont possibles.
L’information préoccupante (IP) : il s’agit de la transmission de tout
élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser
craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou en
risque de danger et puisse avoir besoin d’aide. Pour le médecin,
l’information préoccupante est rédigée comme le signalement
sous forme d’un certificat médical (v. infra).
L’information préoccupanteest transmise à la cellule de recueil des
informations préoccupantes (CRIP). Cette cellule est composée
d’une équipe pluridisciplinaire qui va analyser l’information, organiser
la protection, évaluer la gravité et l’urgence, informer des décisions
prises le déclarant, parfois transmettre un signalement aux autorités judiciaires. Elle contribue aussi après anonymisation des données
à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance (ODPE).
Cette cellule dépend du conseil général qui a la mission de
protection de l’enfance. Chaque département comporte une
cellule de recueil des informations préoccupantes.
Le signalement : le terme signalement est réservé depuis 2007 à
l’information judiciaire en matière de maltraitance à enfants.
Le signalement est réservé aux formes graves de maltraitance
et aux abus sexuels. Il correspond à des demandes de décision
de protection en urgence. Il est utilisé aussi en cas d’impossibilité
de coopération des familles.
Il est transmis au procureur de la République du tribunal dont
dépend l’enfant (en référence à son domicile).
Le signalement judiciaire est en principe associé systématiquement à l’information de la cellule de recueil des informations
préoccupantes.
La rédaction des certificats médicaux pour l’information préoccupante
ou le signalement répond à des règles identiques aux certificats
rédigés en cas de coups et blessures. Le Conseil national de
l’Ordre des médecins propose un modèle (fig. 2). Il doit être descriptif et non fondé sur des impressions. Il ne doit pas comporter
d’accusation ni désigner de personnes en dehors de l’enfant
examiné. Le médecin ne donne pas de jugement. Il décrit les
lésions et si besoin cite entre guillemets les dires de l’enfant qu’il
a entendus pendant sa consultation et non des informations
transmises. Les parents sont informés de la rédaction de ce certificat d’information préoccupante ou de signalement sauf intérêt contraire de l’enfant. « Il ne s’agit pas de dénoncer des
adultes mais de protéger des enfants » (Conseil national de l’Ordre
des médecins, 2015).
Personnes ressources pour le médecin
En matière de maltraitance, le médecin ne peut rester seul devant
des situations difficiles. Certains personnes ou structures ressources
peuvent l’aider dans sa démarche même devant une situation urgente. D’autres organisent la prise en charge de l’enfant et de sa
e16
CACHET DU MÉDECIN
SIGNALEMENT
Je certifie avoir examiné ce jour (en toutes lettres) :
Date . . . . . (jour de la semaine et chiffre du mois).
Année . . . . . Heure . . . . .
L’ENFANT :
Nom . . . . . Prénom . . . . .
Date de naissance . . . . . (en toutes lettres). Sexe . . . . .
Adresse . . . . . Nationalité . . . . .
Accompagné de (noter s’il s’agit d’une personne majeure
ou mineure, indiquer si possible les coordonnées de la personne
et les liens de parenté éventuels avec l’enfant) . . . . .La
personne accompagnatrice nous a dit que : « . . . . . ».
L’enfant nous a dit que : « . . . . . ».
Examen clinique fait en présence de la personne
accompagnatrice : Oui ❒ Non ❒
Description du comportement de l’enfant pendant la
consultation . . . . .
Description des lésions s’il y a lieu (noter le siège et les
caractéristiques sans en préjuger l’origine) . . . . .
Compte tenu de ce qui précède et conformément à la loi,
je vous adresse ce signalement.
Signalement adressé au procureur de la République
Fait à . . . . . , le . . . . .
SIGNATURE DU MÉDECIN AYANT EXAMINÉ L’ENFANT
FIGURE 2 Modèle de certificat conseillé par le Conseil national de l’Ordre des
médecins (2012).
famille. Chaque médecin doit connaître les personnes ou structures
ressources qu’il peut contacter dans le secteur où il exerce.
1.Conseil général
Il organise la protection de l’enfance, le dépistage de la maltraitance. Il dispose de services sociaux (aide sociale à l’enfance
[ASE] : assistants sociaux, éducateurs, psychologues), de la cellule
de recueil des informations préoccupantes, des services de protection maternelle et infantile (PMI).
Le service de protection maternelle et infantile est une institution créée en 1945. Son rôle fondamental est la protection de la
mère et de l’enfant au travers de plusieurs missions : il organise
des consultations et des actions de prévention médico-sociale
en faveur des femmes enceintes et des enfants de moins de
6 ans. Il joue également un rôle essentiel en matière d’accueil
des jeunes enfants en instruisant les demandes d’agrément des
assistantes maternelles et en assurant la formation de celles-ci.
Il a la charge de la surveillance médicale des enfants placés
dans les établissements et services d’accueil des enfants de
moins de 6 ans. Il accompagne sur le plan psychologique et
social des femmes enceintes et des jeunes mères de famille en
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Prévention de la maltraitance
Elle est un des grands objectifs de santé publique autour de
l’enfant.
La prévention primaire a pour but d’éviter la maltraitance en
informant les parents et l’entourage de l’enfant de sa vulnérabilité et en diminuant les facteurs de risque ; isolement, précarité,
etc. Des stratégies spécifiques ont été développées vis-à-vis du
syndrome du bébé secoué.
La prévention secondaire protège l’enfant en situation de
risque ou de danger.
La prévention tertiaire concerne la prise en charge de l’enfant
maltraité pour diminuer les séquelles physiques et psychologiques et pour éviter les récidives.
Le médecin est impliqué dans les trois aspects de cette prévention. L’amélioration des stratégies diagnostiques permet de
diminuer la gravité et d’éviter les récidives.•
G. Picherot, N. Vabres, J. Fleury et M. Lemesle déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
+
POUR EN SAVOIR ●
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Dossier
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Le syndrome du bébé
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Signes évocateurs
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LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 61
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652
LA REVUE DU PRATICIEN
Mai 2011
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situation de précarité. Il organise des actions de prévention et de
dépistage des handicaps des enfants de moins de 6 ans ainsi
que de conseil aux familles pour la prise en charge de ces handicaps. Il est au centre de l’organisation médicale de la prévention et du dépistage de la maltraitance et, en ce sens, il est l’interlocuteur privilégié des médecins confrontés à ces situations.
2.Services hospitaliers de pédiatrie et unités d’accueil
médico-judiciaires pédiatriques
Les urgences pédiatriques et les services de pédiatrie médicaux
ou chirurgicaux sont des passages obligés pour les enfants victimes de formes graves de maltraitance. Ces services sont des
acteurs importants du repérage et aussi du conseil des médecins.
La plupart ont organisé, avec la participation des services de
médecine légale, des unités d’accueil des enfants maltraités
souvent avec des lieux d’audition filmée permettant aux enquêteurs de recueillir les déclarations des mineurs victimes. Ils sont
multidisciplinaires, avec des stratégies d’évaluation médico-psycho-sociale très adaptées au diagnostic de la maltraitance.
3.Services juridiques et d’enquête
Les médecins ne sont pas des auxiliaires de justice mais ils sont
amenés à connaître les services d’enquête (police et gendarmerie)
ou les magistrats chargés de la justice des mineurs (procureur
chargé des mineurs, juges des enfants). Les collaborations se
font dans le but de la protection des enfants et dans le respect
des règles déontologiques. C’est le procureur qui reçoit le signalement dans les situations graves et qui va décider de la mesure
de protection pour l’enfant (placement ou surveillance éducative).
Le médecin n’a aucun pouvoir de placement, aucun rôle de jugement.
4.Service national d’accueil téléphonique de l’enfance
en danger (SNATED)
Le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en
danger peut être contacté au 119 même par les médecins ! Ce
service peut donner des conseils utiles sur l’évaluation et l’orientation d’une situation.
Rev Prat 2011;
61(5):651-66
651
VOL. 61
Maltraitance des enfants : « Ouvrir l’œil et intervenir ». Bulletin de l’Ordre
national des médecins n° 38 (janvier-février-mars 2015):16-22.
Samson B. À qui transmettre ses inquiétudes? Rôle de la CRIP.
Entretiens de Bichat 2014 (pédiatrie et puériculture):14-8.
Labbé J, Vabres N. Les violences physiques faites aux enfants.
Gazette de la SOFOP n° 31, novembre 2010 (numéro spécial).
Pronostic
Il est globalement mauvais lorsque la maltraitance est déclarée.
Les enfants peuvent décéder après des actes de maltraitance
grave. Le nombre de décès est incertain, probablement autour
de 600 par an.
Le pronostic physique est dominé par les séquelles neurologiques et ophtalmologiques principalement dans le cadre des
traumatismes crâniens infligés (particulièrement le syndrome du
bébé secoué).
Les séquelles psychologiques sont constantes. Leur sévérité
dépend des protections rapides possibles particulièrement par
un parent non maltraitant et vigilant. L’accompagnement psychologique est essentiel. Les mesures d’éloignement familial
diminuent les risques de récidives mais sont également traumatisantes.
Rey Salmon C, Adamsbaum C. Maltraitance chez l’enfant. Paris, Éditions
Lavoisier, 2013.
Picherot G, Vabres N, Fleury J. Repérage des signes cliniques évocateurs de
maltraitance chez le petit enfant. La Revue du Praticien 2011;61(5):653-5.
Launay E et al. Trente feux rouges en pédiatrie. La Revue du Praticien
2013;27:22-3. Labbé J. Letter to my younger collaegues: child maltreatment and you.
Pediatr Child Health 2013;18:403-5.
HAS 2011. Repérage et signalement de maltraitances sexuelles
intrafamiliales chez les mineurs. www.has-sante.fr
HAS 2011. Syndrome du bébé secoué. Recommandations de la commission
d’audition. www.has-sante.fr
HAS 2014. Maltraitance à enfant. Repérage et conduite à tenir www.has-sante.fr
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e17
RR Item 55
MA LT R A ITA N C E E T E NFANT S E N DANGE R
Message de l'auteur
CAS CLINIQUE
Un enfant de 2 ans est amené pour une boiterie survenue depuis 48 heures avec une impossibilité
progressive de marcher et de poser la jambe droite.
Il est accompagné de ses grands-parents qui le gardent depuis le matin. Les parents ne semblaient
pas inquiets en leur confiant l’enfant.
Il n’y a aucune notion de traumatisme. L’enfant n’est pas fébrile.
L’interrogatoire des grands-parents ne révèle rien de particulier. Ils n’ont pas le carnet de santé de l’enfant.
Ils disent que l’enfant n’est pas douloureux.
FIGURE
Radiographie
du membre
inférieur droit
de l'enfant.
Vous pratiquez une radiographie du membre inférieur droit. Elle montre une fracture transversale
du col du fémur.
Les questions que l’on peut poser autour de ce cas sont les suivantes.
QUESTION 1
QUESTION 4
QUESTION 7
Peut-on admettre un diagnostic de
traumatisme passé inaperçu ?
Mettez-vous en place un traitement
antalgique malgré l’absence de douleur
apparente ?
Qu’est-ce qu’une information
préoccupante ?
Vers qui doit-elle être dirigée ?
Est-elle indiquée dans ce cas ?
QUESTION 2
QUESTION 5
Sur quels éléments fondez-vous votre
suspicion d’un traumatisme infligé ?
Quel bilan complémentaire demandez-vous ?
QUESTION 3
QUESTION 6
Quels éléments supplémentaires recherchezvous dans l’anamnèse ?
Pourquoi et par quel moyen allez-vous le
protéger ?
QUESTION 8
Donnez la définition
du signalement.
Vers qui doit-il être dirigé ?
Est-il indiqué dans ce cas ?
Retrouvez toutes les réponses et les commentaires sur www.etudiants.larevuedupraticien.fr
e18
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 104
MALADIE DE PARKINSON
Dr Caroline Moreau, Pr Luc Defebvre
Faculté de médecine, unité Insem 1171, Université de Lille. Service de neurologie et pathologie du mouvement,
Centre expert Parkinson, hôpital Roger-Salengro, 59037 CHRU Lille, France
[email protected] ; [email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER une maladie de Parkinson.
ARGUMENTER l’attitude thérapeutique et planifier
le suivi du patient.
DÉCRIRE les principes de la prise en charge
au long cours.
Épidémiologie
La maladie de Parkinson est la cause la plus fréquente de syndrome parkinsonien, elle est la deuxième maladie neurodégénérative après la maladie d’Alzheimer.
La prévalence (nombre de sujets malades dans une population à un moment donné) est estimée à 827 pour 100 000 habitants (2005), soit environ 150 000 malades, avec un sex-ratio
supérieur à 1.
La maladie de Parkinson est la deuxième cause de handicap
moteur d’origine neurologique chez le sujet âgé (après les accidents vasculaires cérébraux).
Le diagnostic de certitude de la maladie de Parkinson est histologique et ne peut se faire du vivant du patient. Le diagnostic
actuel repose sur des données cliniques, même si différentes
techniques, en particulier d’imagerie fonctionnelle, commencent
à améliorer sa fiabilité et sa probabilité.
atteint 60 % (1er stade symptomatique). Le mésocortex et
d’autres noyaux sous-corticaux (nucleus basalis de Meynert)
dégénèrent également ;
––stades 5 et 6 : après de nombreuses années, le néocortex,
aires primaire, secondaire et associative, dégénère, à l’origine
de troubles moteurs, cognitifs et comportementaux résistants
au traitement dopaminergique.
La lésion neuropathologique caractéristique est le corps de
Lewy, inclusion éosinophile intraneuronale retrouvée dans les régions affectées par le processus dégénératif (fig. 1).
Les facteurs étiologiques principaux sont :
––environnementaux, après la découverte d’un syndrome parkinsonien chez des toxicomanes à la suite d'une injection d’un
produit chimique, le MPTP, toxique pour les neurones dopa­
minergiques. Les insecticides (roténone) et les herbicides
(paraquat) ont une structure chimique proche du MPTP. La
prévalence de la maladie est plus élevée dans les régions industrialisées (chimie, pesticides) et dans les zones rurales
(usage intensif d’insecticides). Si une origine toxique exogène
constitue un facteur causal potentiel, il est probable qu’il existe
une susceptibilité individuelle génétique, à ces toxiques ;
Physiopathologie
Les lésions pathologiques évoluent en aspect et en sévérité de
façon continue et avec une séquence de modifications prévisibles en 6 stades neuropathologiques :
––stades présymptomatiques 1 et 2 qui pourraient durer jusqu’à
10 ans : les lésions concernent le tractus olfactif, le noyau dorsal du vague et les neurones du système digestif, et le locus
cœruleus ;
––stades 3 et 4 : les signes moteurs apparaissent lorsque la
perte progressive des neurones dopaminergiques de la pars
compacta du locus niger à l’origine de la voie nigrostriatale
FIGURE 1 Plusieurs corps de Lewy (flèches noires) sont observés dans des
neurones dopaminergiques de la substance noire compacte chez ce patient atteint
de maladie de Parkinson.
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e19
RR Item 104
MA LA D IE D E PAR KINSON
––une relation inverse entre la consommation de tabac et la survenue d’une maladie de Parkinson semble bien établie ; elle
pourrait être liée à un éventuel rôle neuroprotecteur du tabac
ou serait le témoin d’une personnalité prémorbide ;
––la consommation de café semble également réduire le risque
de maladie de Parkinson ;
––l’existence d’un facteur génétique est corroborée par le fait
que 15 à 20 % des patients rapportent l’atteinte d’un autre
membre de la famille (le risque relatif des apparentés au premier
degré de patients est 3 à 4 fois supérieur à celui des apparentés
de témoins).
Dans la majorité des cas, la maladie de Parkinson est sporadique et vraisemblablement d’origine multifactorielle, avec l’implication de facteurs génétiques et environnementaux.
Manifestations cliniques
Symptomatologie initiale
Les éléments de la triade parkinsonienne constituent les signes
initiaux les plus fréquents.
1.Tremblement de repos
Dans 70 % des cas, c’est le signe initial.
Décrit d’abord comme une sensation de vibration interne, puis
visible, il se majore ou apparaît à l’émotion et à l’épreuve du calcul
mental. Il est unilatéral ou très asymétrique.
Il débute classiquement aux membres supérieurs, mais intéresse parfois de façon isolée le pied. Il peut aussi concerner les
lèvres, la mâchoire, et très rarement le chef.
Il est présent au repos, il disparaît lors du mouvement.
Il est lent (fréquence de 4-6 Hz).
Dans 5 à 10 % des cas, le tremblement est d’abord postural.
2.Syndrome akinéto-hypertonique
Plus insidieux dans 20 à 30 % des cas, il peut être diagnostiqué
avec retard.
Il se traduit selon les cas par une perte du balancement d’un
bras à la marche, une gêne segmentaire limitée au niveau d’un
membre supérieur (gestes répétitifs tels que se raser, battre des
œufs, lenteur gestuelle, gêne à l’écriture avec micrographie progressive) ou d’un membre inférieur, parfois par une simple fatigabilité ou raideur à la marche avec l’impression d’un pied qui
traîne, enfin sous forme d’une micrographie isolée.
De topographie initialement unilatérale, il peut être bilatéral
d’emblée mais asymétrique.
3.Troubles de la marche et de la posture
Ils sont rarement constatés au stade initial de la maladie, sauf
lorsque l’akinésie prédomine aux membres inférieurs.
Ils sont plus fréquents et plus précoces chez les sujets âgés.
Leur apparition isolée doit faire rechercher une autre cause
que la maladie de Parkinson (v. Diagnostic différentiel).
4.Chez le sujet jeune de moins de 40 ans
La maladie de Parkinson débute volontiers par une dystonie
focalisée : crampe de l’écrivain en l’absence de micrographie,
e20
ou dystonie du pied en varus équin ou en extension du gros orteil.
Il existe alors souvent un discret syndrome akinéto-rigide associé.
5.Formes de début trompeuses
Elles sont le plus souvent associées à un syndrome akinéto-rigide.
Il peut exister un syndrome dépressif isolé avec une apathie
sans facteur déclenchant, des douleurs de l’épaule associées à
une raideur.
D’autres formes de début ont été rapportées : déficit de l’odorat par atteinte du noyau du nerf olfactif, troubles du comportement en sommeil paradoxal (rêves animés parfois responsables
d’actes auto- ou hétéro-agressifs). Ces symptômes peuvent
précéder les troubles moteurs de plusieurs années.
Diagnostic
1.Établir le diagnostic d’un syndrome parkinsonien
Il se définit par la présence d’une akinésie associée à au moins
un des symptômes suivants : tremblement de repos, rigidité extrapyramidale, instabilité posturale.
Le tremblement prédomine au niveau de l’hémicorps où il a
débuté ; dans les formes sévères, le maintien d’attitude et le
mouvement volontaire ne suppriment pas totalement le tremblement et peuvent parfois en augmenter la fréquence.
Des signes d’akinésie (ralentissement à l’initiation), de
bradykinésie (ralentissement à l’exécution des mouvements) ou
d’hypokinésie (réduction d’amplitude des mouvements) se caractérisent par un faciès inexpressif et figé, avec une hypomimie
et une rareté du clignement palpébral, un ralentissement lors de
la réalisation des gestes alternatifs rapides (opposition pouce-index, fermeture-ouverture de la main, marionnette), une perte du
ballant du bras lors de la marche, une micrographie, aux
membres inférieurs par une gêne aux mouvements alternatifs
(battre la mesure), une démarche lente, une voix moins bien articulée, monocorde et monotone avec parfois une accélération
paradoxale du débit verbal (tachyphémie).
La rigidité plastique (sensibilisation par la manœuvre de Froment) cède en tuyau de plomb ou par à-coups (phénomène de
« roue dentée »), prédomine sur les muscles fléchisseurs, se majore à la fatigue, au froid, et s’atténue au cours du sommeil. Elle
rend compte des déformations posturales et des douleurs, et
joue un rôle dans l’attitude en flexion des segments de membres,
du cou et du tronc.
Les troubles de la marche sont modérés au début de la maladie. Progressivement, elle se fait à petits pas. Les difficultés sont
majorées au démarrage (retard d’initiation à la marche), au demi-tour ou lors de franchissement d’obstacles ou du passage
d’une porte.
À un stade plus tardif, le malade a tendance à courir après son
centre de gravité en accélérant le pas (festination) ; les enrayages
cinétiques (blocages ou freezing) peuvent durer plusieurs secondes et céder lorsque l’on demande au patient d’enjamber un
obstacle. L’instabilité posturale apparaît à un stade évolué de la
maladie.
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Maladie de Parkinson
POINTS FORTS À RETENIR
La maladie de Parkinson est la deuxième maladie
neurodégénérative, plus fréquente dans les pays industrialisés.
Elle pourrait être liée à des facteurs environnementaux
(pesticides++). Les formes génétiques représentent environ
10 % des cas.
Elle est liée à un déficit dopaminergique en lien avec une
dégénérescence du locus niger ; les symptômes apparaissent
lorsque celui-ci est détruit à 50-70 %. Avant cela, on parle
de phase présymptomatique.
La symptomatologie clinique associe : akinésie + rigidité +
tremblement de repos (inconstant) et troubles de la marche.
Trois phases de la maladie sont décrites : « la lune de
miel », les fluctuations motrices et non motrices, et la phase de
déclin. À chaque phase son traitement spécifique (agonistes,
L-dopa, techniques de stimulation dopaminergique continue,
anticholinestérasiques et clozapine) en associant également la
rééducation et l’orthophonie.
Dans un futur proche, les nouveaux traitements ne seront
plus uniquement symptomatiques, mais pourraient également
ralentir le processus neurodégénératif : on parle du concept de
neuroprotection.
2.Vérifier l’absence de critères d’exclusion de la maladie
de Parkinson
Il faut rechercher systématiquement des signes cliniques dont
l'association précoce au syndrome parkinsonien va à l'encontre
du diagnostic de maladie de Parkinson. Cependant, certains de
ces symptômes pourront être présents à un stade plus tardif de
la maladie (par exemple, les troubles sphinctériens, l’instabilité
posturale, la démence).
3.Réponse à la L-dopa
Une franche amélioration de la symptomatologie lors de la
mise en route du traitement dopaminergique constitue également un critère diagnostique essentiel (la dopasensibilité dure
plus de 5 ans) avec l’apparition dans un second temps de
dyskinésies (v. infra).
Signes associés dits signes non moteurs
Les signes cardinaux peuvent être associés à d’autres symptômes apparaissant à des degrés variables au cours de l’évolution de la maladie ou même parfois au stade initial, entraînant
progressivement une majoration du handicap fonctionnel.
1.Signes neurovégétatifs
Ce sont :
––l’hypersialorrhée précoce, l’hyperséborrhée qui donne un aspect de visage pommadé ;
––les troubles digestifs : constipation, motricité gastrique et
œsophagienne ralentie, entraînant une symptomatologie à
type de hernie hiatale avec hoquet ;
––l’hypotension artérielle orthostatique souvent tardive ;
––les troubles vésico-sphinctériens (impériosités mictionnelles) ;
––les troubles vasomoteurs avec froideur des extrémités.
2.Troubles sensitifs
Ils sont très variables d’un sujet à l’autre : crampes, engourdissement, picotements, sensation de chaleur ou de froid des extrémités, localisés du côté où la symptomatologie extrapyramidale prédomine.
Il y a 4 principales localisations : la cheville, le poignet, l’épaule,
le rachis cervical et lombaire.
3.Troubles du sommeil et de la vigilance
Le sommeil peut être perturbé par les troubles sphinctériens
(pollakiurie), des difficultés motrices nocturnes (renforcement du
syndrome parkinsonien) et des troubles du comportement en
sommeil paradoxal (cauchemars).
L’insomnie est initiale ou en seconde partie de nuit.
La somnolence diurne est parfois favorisée par les traitements,
surtout les agonistes dopaminergiques.
Principales étapes évolutives
Après la phase diagnostique, plusieurs étapes sont classiquement distinguées.
L’instauration d’un traitement substitutif permet un contrôle
satisfaisant des symptômes pendant plusieurs années : « période de lune de miel ». Même au cours de cette première étape,
la maladie est susceptible de s’aggraver au décours de phénomènes intercurrents (infection, par exemple).
Au cours de la deuxième période, les complications motrices
liées aux traitements commencent à apparaître : fluctuations et
dyskinésies.
On constate ensuite progressivement l’émergence de signes
moteurs axiaux tardifs dans le cours évolutif. C’est à ce stade
que les troubles intellectuels et psychiques sont susceptibles
d’être observés. On parle de déclin moteur et cognitif.
Au dernier stade, la marche peut devenir impossible, le patient
a perdu son autonomie et doit être aidé pour les différentes activités de la vie quotidienne.
Paraclinique
Lorsque le tableau clinique est incomplet, ou s’il y a des
signes évocateurs d’une possible autre maladie, ou d’une affection mixte, les tests diagnostiques suivants peuvent être
utilisés.
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e21
RR Item 104
MA LA D IE D E PAR KINSON
Le DaTscan détecte une perte de terminaisons neuronales dopaminergiques fonctionnelles dans le striatum chez les patients
ayant un syndrome parkinsonien cliniquement douteux. Il est
anormal dans la maladie de Parkinson et dans d’autres syndromes parkinsoniens dégénératifs, et est normal en cas de
tremblement essentiel, de syndrome parkinsonien d’origine médicamenteuse et de tremblement dystonique.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est utilisée chez les patients chez qui il est cliniquement utile d’identifier : le degré de
maladie cérébrovasculaire (diagnostic différentiel entre maladie
de Parkinson idiopathique et syndrome parkinsonien vasculaire)
et le degré et la localisation de l’atrophie corticale (suspicion
d’un autre syndrome parkinsonien dégénératif).
Il n’est pas recommandé d’utiliser la tomodensitométrie ou
l’IRM dans le diagnostic de routine de la maladie de Parkinson,
de même que l’échographie transcrânienne ou les tests olfactifs.
Complications motrices liées au traitement
dopaminergique
Fluctuations d’efficacité
Elles se caractérisent par une résurgence des signes parkinsoniens, prévisibles et rythmés par les prises médicamenteuses
ou imprévisibles.
Plus de 50 % des patients présentent des fluctuations en
moyenne après 5 ans de traitement par L-dopa.
Elles s’expliquent essentiellement par le fait que les médicaments dopaminergiques ont une demi-vie plasmatique brève et
qu’avec l’évolution le cerveau perd progressivement ses capacités de stockage de la dopamine. Ce sont surtout les signes moteurs qui se majorent au cours de ces fluctuations :
––akinésie de fin de dose avec un raccourcissement progressif
de l’effet de chaque prise de L-dopa, la symptomatologie extrapyramidale réapparaissant avant la prise suivante ;
––akinésie matinale, akinésie nocturne, akinésie nycthémérale
survenant à horaires réguliers, souvent l’après-midi ;
––puis la réapparition de la symptomatologie parkinsonienne est
plus anarchique (phénomène « on-off ») avec passages assez
brutaux d’un état non parkinsonien à un état parkinsonien sévère.
Des fluctuations non motrices sont possibles : dérèglements
végétatifs (nausées, douleurs abdominales, dysphagie, mictions
impérieuses, sueurs, modification de la température), douleurs,
paresthésies d’allure radiculaire intéressant la racine des membres
ou les extrémités, sensation de blocage de la respiration. Des
épisodes dépressifs aigus ou d’attaques de panique sont également signalés.
Mouvements involontaires ou dyskinésies
Des mouvements anormaux involontaires apparaissent avec
les fluctuations ou dans un second temps.
Ils sont préférentiellement observés chez des patients débutant
à un âge relativement précoce leur maladie (moins de 60 ans).
e22
On distingue :
––les dyskinésies de milieu de dose contemporaines de taux sériques élevés de L-dopa (stimulation dopaminergique excessive)
qui se caractérisent par des mouvements choréiques ou choréoathétosiques des membres, du tronc ou de la région cervicale ;
––les dyskinésies biphasiques : en début de dose, elles annoncent
l’efficacité thérapeutique et sont volontiers caractérisées par
des mouvements balliques ou des mouvements alternatifs répétitifs des membres inférieurs ; en fin de dose, elles annoncent
le retour à l’état parkinsonien, il s’agit alors de postures dystoniques douloureuses des membres inférieurs ;
––des mouvements dystoniques (pied en varus équin, extension
spontanée du gros orteil) sont également observés au cours
des périodes de blocage ou le matin au réveil avant la première
prise médicamenteuse.
Fluctuations et mouvements involontaires peuvent s’associer
au cours de périodes on-off : le patient peut passer en quelques
secondes d’un état normal (période on) avec ou sans mouvement involontaire choréique à un état parkinsonien (période off)
caractérisé par une recrudescence majeure des troubles moteurs.
Signes tardifs
Ils sont liés à la survenue de lésions non dopaminergiques.
Signes moteurs axiaux
Ils sont tardifs mais souvent diagnostiqués avec retard : la dysarthrie, les troubles de la déglutition et des troubles de la
marche occasionnant fausses routes et chutes ; les épisodes
d’enrayages cinétiques (blocages ou freezing) et de festination
associés à une instabilité posturale peuvent être spontanés ou
favorisés par certaines circonstances (passage étroit, obstacle),
le malade est déséquilibré vers l’avant ou l’arrière.
Progressivement, l’attitude générale du patient est en flexion.
Les déformations du rachis accentuent également l’altération du
contrôle postural, avec dans certains cas une camptocormie, qui
est une forme extrême d’antéflexion réductible du tronc.
Détérioration cognitive
Les déficits cognitifs sont spécifiques et concernent le traitement
des informations visuo-spatiales, la mémoire, l’attention et les
fonctions exécutives (déficit des fonctions frontales) qui peuvent évoluer
vers une démence (80 % des cas après 15 ans d’évolution).
Troubles psychiques
La dépression et l’anxiété sont fréquentes (40 %).
Le traitement dopaminergique peut provoquer des hallucinations élémentaires parfois critiquées (hallucinoses) mais aussi de
véritables délires correspondant à une psychose dopaminergique (de type hallucinatoire ou paranoïaque). La survenue de
ces complications peut être l’indicateur d’une évolution de la
maladie vers un état démentiel associé.
Vol. 65 _ Septembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
TABLEAU
Le risque de survenue de ces troubles psychiques augmente
avec l’âge, la sévérité des troubles moteurs, des signes dépressifs et des troubles cognitifs.
Comment distinguer tremblement essentiel
et maladie de Parkinson débutante ?
Diagnostic différentiel
Tremblement
dans la maladie
de Parkinson
Tremblement essentiel
Deux situations doivent être distinguées : soit le diagnostic de
syndrome parkinsonien est évoqué à tort, soit il s’agit bien d’un
syndrome parkinsonien mais qui n’est pas lié à une maladie de
Parkinson.
Âge de début
> 50 ans (le plus souvent)
Deux pics de fréquence
à 15 et 50 ans
Ce qui n’est pas un syndrome parkinsonien
Prévalence
Absent dans 30 % des cas
en début de maladie de
Parkinson
Cause la plus fréquente
de tremblement
chez l’adulte
Antécédents
familiaux
10 % des cas
> 50 % des cas
Symétrie
Généralement unilatéral ou
Bilatéral et symétrique
Dans les formes tremblantes, le tremblement essentiel constitue un diagnostic différentiel classique. Il se caractérise par un
tremblement d’attitude de l’extrémité distale des membres supérieurs, parfois également de la tête et de la voix (timbre chevrotant). Ce tremblement évolue de façon sporadique ou dans
un contexte familial (transmission autosomique dominante).
Chez le sujet âgé, les troubles de la marche à petits pas
peuvent être consécutifs à une hydrocéphalie chronique (importante instabilité posturale, tendance à la rétropulsion, élargissement du polygone de sustentation, troubles sphinctériens, détérioration intellectuelle) mais aussi à des lésions ischémiques
multiples des noyaux gris centraux.
très asymétrique
en début de maladie
Fréquence
Lent : 4-6 Hz
Plus rapide : 6-10 Hz
Composante
prédominante
Repos, diminue pendant
Tremblement d’action
à prédominance
posturale,
sans composante de repos
(sauf tardivement)
Topographie
Affecte les parties distales
des membres : main, pouce,
poignet, pied, menton,
mâchoire inférieure
Implique tête, cou,
voix (chevrotante)
ainsi que les membres
Tremblement
contrôlé par
L-dopa
Bêtabloquant et alcool
Autres syndromes parkinsoniens
1.Syndrome parkinsonien induit par les neuroleptiques
Ces médicaments doivent être recherchés systématiquement
devant tout syndrome parkinsonien, notamment la prise de neuroleptiques cachés (Primperan, Theralene…). Au moindre doute il
faut consulter le dictionnaire Vidal.
2.Autres syndromes parkinsoniens dégénératifs
Ils se distinguent de la maladie de Parkinson par la faible réactivité ou l’absence de réactivité au traitement dopaminergique
résultant de lésions post-synaptiques et par l’existence de
signes neurologiques associés.
L’atrophie multisystématisée comporte un syndrome parkinsonien
peu dopa-sensible s’accompagnant de signes axiaux, une dys­
arthrie et des troubles posturaux précoces, un syndrome cérébelleux (essentiellement statique), un syndrome dysautonomique
précoce et constant au cours de l’évolution (hypotension ortho­
statique, troubles génito-sphinctériens, troubles vasomoteurs),
un syndrome pyramidal.
La paralysie supranucléaire progressive se caractérise par un
syndrome parkinsonien symétrique à prédominance axiale,
dopa-résistant avec troubles posturaux précoces (chutes en
rétropulsion), une paralysie supranucléaire de l’oculomotricité
verticale, un syndrome pseudobulbaire et une démence précoce.
Le syndrome de dégénérescence cortico-basale est beaucoup plus
rare, associant un syndrome parkinsonien très asymétrique avec
dystonie, apraxie, syndrome pyramidal et syndrome frontal.
le sommeil et se majore
lors des émotions. La
composante posturale est
plus tardive
Dans la démence à corps de Lewy, la symptomatologie parkinsonienne s’associe précocement à une démence avec hallucinations et troubles fluctuants de la vigilance.
3.Maladie de Wilson
C’est une maladie familiale autosomique récessive responsable
d’une accumulation de cuivre à l’origine de lésions du système
nerveux et du foie, liée à un déficit d’excrétion par anomalie de
transport du cuivre vers la bile, associée à un déficit du transport
plasmatique du cuivre (déficit de la cœruléoplasmine). Le cuivre
accumulé dans l’organisme a tendance à se concentrer dans le
foie et dans le système nerveux central (les noyaux gris centraux :
striatum, globus pallidus).
4.Autres causes
Il faut penser à une intoxication à l’oxyde de carbone et aux
syndromes parkinsoniens vasculaires.
Vol. 65 _ Septembre 2015
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e23
RR Item 104
MA LA D IE D E PAR KINSON
Symptômes parkinsoniens sans gêne fonctionnelle
Pas de traitement jusqu’à ce qu’une gêne apparaisse
Symptôme avec gêne fonctionnelle
IMAO B
✗ Sujet jeune avec gêne modérée
FIGURE 2
AGONISTES
DOPAMINERGIQUES
✗ Sujet âgé < 65 ans
✗ Dépistage des troubles
comportementaux (addictions)
LÉVODOPA
✗ Sujet âgé > 70 ans
✗ Contre-indication ou inefficacité
des agonistes
Traitement initial de la maladie de Parkinson.
Augmenter le nombre de prises de lévodopa
Réduire l’intervalle de temps entre les prises à moins de 4 heures
Augmenter les doses individuelles de lévodopa
Ajouter un agoniste
dopaminergique
Ajouter
un ICOMT
Ajouter
un IMAO B
En cas d’échec des associations : STIMULATION CÉRÉBRALE OU POMPES
Apomorphine
sous-cutanée
FIGURE 3
e24
Stimulation cérébrale
profonde
Administration entérale
lévodopa-carbidopa
Traitement médicamenteux des troubles moteurs au stade des fluctuations motrices.
Vol. 65 _ Septembre 2015
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Prise en charge thérapeutique (fig. 2 et 3)
Classes médicamenteuses
Le traitement de la maladie de Parkinson reste symptomatique
et repose principalement sur l’utilisation de médicaments dopaminergiques qui n’agissent ni sur la cause ni sur la progression
de la maladie.
Les médicaments utilisés ont pour but de restaurer la transmission dopaminergique striatale selon trois modes d’action différents.
1.Majoration des taux de dopamine : administration de son précurseur,
la L-dopa, associée à un inhibiteur de la dopa-décarboxylase périphérique
Au niveau cérébral, la L-dopa est transformée en dopamine par
la dopa-décarboxylase (DDC) présente aussi en dehors du système
nerveux central ; il est adjoint à la L-dopa un inhibiteur de la dopa-décarboxylase qui ne passe pas la barrière hémato-encéphalique
dans les formes commerciales de ce médicament (Modopar,
Sinemet).
La dopathérapie est le traitement le plus efficace sur la symptomatologie parkinsonienne et le mieux toléré.
2.Stimulation directe des récepteurs dopaminergiques
par les agonistes dopaminergiques
Il en existe plusieurs spécialités commerciales (per os formes retard : Trivastal, Requip, Sifrol, en patch Neupro) et une forme injectable, l’apomorphine (Apokinon stylo injectable). Les formes orales
ont une action moins puissante que la dopa et peuvent entraîner
des effets indésirables dans 20 % des cas (addictions comportementales au jeu, hypersexualité, troubles des conduites alimentaires, conduites à risque nommées « troubles du contrôle des impulsions ») mais aussi somnolence, œdème des membres inférieurs,
prise de poids, hallucinations. Leur utilisation en début de maladie
semble pouvoir retarder l’apparition des fluctuations motrices et des
dyskinésies.
3.Inhibiteurs enzymatiques
La rasagiline, un inhibiteur sélectif de la mono-amino-oxydase B
(IMAO B), aurait une action neuroprotectrice et peut être prescrit
(Azilect) dès le début des symptômes.
Des inhibiteurs de la catéchol-O-méthyltransférase (ICOMT)
comme Comtan réduisent la dégradation de L-dopa en périphérie,
et Tasmar a une action périphérique et centrale, augmentant la
biodisponiblité et la durée d’action de la L-dopa.
Stalevo associe un ICOMT à la L-dopa et à l’inhibiteur de la
dopa-décarboxylase périphérique.
Principes de prescription
Plusieurs facteurs doivent être pris en compte avant la mise en
route d’un traitement antiparkinsonien : le type de symptômes,
l’ampleur du handicap, l’âge, l’état cognitif et psychique, enfin
le risque de survenue d’effets indésirables à court terme (par
exemple, troubles psychiques induits par les agonistes) et à
moyen terme (mouvements involontaires induits par la dopa­
thérapie).
Dans les formes à début précoce (< à 65 ans), le traitement repose
sur un agoniste dopaminergique seul, sa posologie est très progressivement augmentée (dose minimale efficace et bien tolérée).
En fonction de l’efficacité, du handicap moteur et d’éventuels
effets secondaires invalidants, ce traitement sera associé à de la
L-dopa (dose minimale efficace).
Dans les formes à début tardif (> 70 ans), la L-dopa est prescrite
seule (augmentation progressive jusqu’à la posologie minimale
efficace).
Entre 65 et 70 ans, une stratégie possible consiste à associer
secondairement à un agoniste dopaminergique de petites doses
de L-dopa afin de combiner l’effet de ces deux thérapeutiques
tout en limitant le risque d’effets indésirables par rapport à la
prise en monothérapie de l’un ou l’autre de ces deux traitements
(fig. 2).
Pour améliorer la tolérance digestive à l’initiation thérapeutique,
la prescription de dompéridone (Motilium, Peridys) est justifiée
pendant quelques jours (pas de prescription prolongée car
risque cardiaque), après contrôle de l’ECG.
L’absence de réponse thérapeutique peut orienter vers une
cause autre qu’une maladie de Parkinson, justifiant alors un avis
spécialisé.
Prise en charge thérapeutique
des complications (fig. 3)
Pour contrôler les fluctuations d’efficacité, plusieurs solutions
sont possibles : fractionnement (rapprochement des prises médicamenteuses) et/ou majoration du traitement, utilisation d’un
agoniste en cas de monothérapie par L-dopa, renforcement des
doses d’agoniste en cas de bonne tolérance, prescription des
formes à libération prolongée, prescription d’un ICOMT associé
à la L-dopa.
Pour les troubles psychiques de psychose parkinsonienne
(confusion, hallucinations, délire), il est nécessaire d’arrêter les
anticholinergiques, les agonistes dopaminergiques et les inhibiteurs
enzymatiques et de maintenir une monothérapie par L-dopa à
posologie réduite. Cette limitation du traitement qui majore le
handicap moteur peut être évitée avec l’utilisation de la clozapine (Leponex), neuroleptique atypique, justifiant une surveillance régulière de l’hémogramme en raison des risques d’agranulocytose.
En cas de syndrome confusionnel, la première étape (comme
face à tout syndrome confusionnel) est la recherche d’arguments cliniques et paracliniques en faveur d’une maladie générale (trouble métabolique, infection, hématome sous-dural). La
possibilité d’un facteur iatrogène doit aussi être évoquée : changements thérapeutiques récents.
La dépression, les troubles du sommeil et les troubles sphinctériens (constipation, mictions impérieuses) justifieront une prise
en charge spécifique. En cas de démence, un inhibiteur de
l’acétylcholinestérase peut être prescrit, sous forme de patch : la
rivastigmine (Exelon).
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e25
RR Item 104
MA LA D IE D E PAR KINSON
Traitements de recours : stimulation cérébrale
et pompes
FIGURE 4 Stimulation cérébrale profonde.
À gauche : tête du patient dans le cadre de stéréotaxie pendant la procédure
d’implantation des électrodes dans le noyau subthalamique. Au centre : électrodes
de neurostimulation. À droite : télécommande de réglages.
Ils justifient l’avis d’un centre expert. Trois techniques peuvent
être proposées lorsque les fluctuations motrices invalidantes ne
sont plus contrôlées par un traitement médicamenteux optimisé
alors que la dopasensibilité des symptômes est encore observée (souvent avec des dyskinésies sévères) :
––la stimulation électrique chronique à haute fréquence ( 130 Hz)
des noyaux subthalamiques par des électrodes implantées par
chirurgie stéréotaxique et reliées à des stimulateurs placés en
région pectorale peut être proposée chez des sujets relativement
jeunes (moins de 70 ans), en l’absence de troubles sévères
cognitifs ou du comportement (fig. 4) ;
––la pompe à apomorphine, pompe sous-cutanée délivrant pendant 12 heures ou 24 heures une dose continue d’apomorphine
(agoniste dopaminergique) [fig. 5] ;
––la Duodopa : infusion intra-duodéno-jéjunale d’un gel de L-dopa + inhibiteur de la dopadécarboxylase, après pose de gastro­
stomie (fig. 6).
Autres mesures thérapeutiques
FIGURE 5 Pompe à apomorphine.
À gauche : dispositif en place en sous-cutané. À droite : ensemble du matériel.
FIGURE 6 Duodopa.
Pompe reliée à un orifice de gastrostomie permettant l’instillation continue de gel
de lévodopa.
e26
L’éducation thérapeutique peut être proposée au patient dès
le début de la maladie.
La prise en charge en kinésithérapie intensive au début de la
maladie, puis axée sur les signes axiaux (renforcement musculaire des membres inférieurs, lutte contre l’instabilité posturale et
les enrayages cinétiques) est nécessaire tout au long de la maladie. Une activité physique régulière est recommandée dès le
début de la maladie.
La prise en charge des troubles de la parole et de la déglutition
par une orthophoniste, selon la méthode LSVT (Lee Silverman
Voice Treatment), est recommandée dès le début de la maladie.
Le suivi nutritionnel est adapté aux besoins du patient.
La prise en charge des troubles vésico-sphinctériens et dysautonomiques par des spécialistes concernés (urologue, médecin
rééducateur et cardiologue) annuelle est recommandée.
La prise en charge à 100 % (ALD) doit être réalisée par le médecin traitant. Le renforcement des aides à domicile sera effectué après évaluation des besoins auprès de l’assistante sociale.
Un suivi neuropsychologique (dépistage des troubles cognitifs)
et psychiatrique est parfois nécessaire.
Les associations de malades fournissent soutien et informations
au patient et à son entourage.•
C. Moreau déclare avoir des liens durables (contrat de travail ) avec l’entreprise Abbvie et
avoir été prise en charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de déplacement pour congrès,
par Abbvie et Orkyn.
L. Defebvre déclare avoir des liens (contrat de travail, rémunération) avec l’entreprise Abbvie,
participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles (activités de conseil, colloques,
activités de formation) pour les entreprises Abbvie, Aguettant, Novartis et avoir été pris en
charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de déplacement pour congrès par Abbvie.
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RR
Item 316
LYMPHOMES MALINS
Pr Fabrice Jardin
Département d’hématologie clinique et Inserm U918, centre Henri-Becquerel, Rouen, France
[email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER un lymphome malin
Introduction – Épidémiologie
Sous le vocable « lymphomes malins » on rassemble un groupe
hétérogène d’hémopathies malignes comprenant deux grandes
entités : les lymphomes dits « non hodgkiniens » (LNH) et le lymphome de Hodgkin (LH) anciennement dénommé maladie de
Hodgkin. Ces deux entités ont en commun d’être la conséquence d’une prolifération maligne se développant aux dépens
du tissu lymphoïde (lymphocytes B matures, plus rarement
lymphocytes T), de se révéler habituellement par un syndrome
tumoral ganglionnaire et des manifestations systémiques. Si la
démarche diagnostique est identique, en revanche, les caractéristiques épidémiologiques, histopathologiques, l’évolution naturelle et la prise en charge thérapeutique diffèrent largement et
expliquent cette distinction fondamentale.
Le lymphome non hodgkinien (LNH) est actuellement l’hémopathie maligne la plus fréquente et se situe au 8e rang des cancers les plus fréquents dans l’Union européenne. L’âge médian
au diagnostic est de 60 ans, avec une légère prédominance
masculine (sex-ratio 1,5/1). Les lymphomes non hodgkiniens
sont décrits dans la classification de l’OMS des hémopathies et
comprennent plus d’une vingtaine d’entités divergeant par leur
aspect histologique, leurs caractéristiques génétiques et leur
évolution. Parmi les facteurs de risque identifiés on peut retenir
actuellement une susceptibilité génétique (risque × par 1,5 lorsqu’il existe un cas d’hémopathie lymphoïde dans les collatéraux
du premier degré), l’obésité, l’existence d’une maladie auto-immune
sous-jacente (lupus, polyarthrite, syndrome de Gougerot-Sjögren,
maladie cœliaque, thyroïdite), l’exposition à certains toxiques
exogènes (dioxine, probablement les pesticides), des infections
chroniques (HCV, HBV), à l’origine d’une immunodépression
(VIH) ou survenant dans un contexte d’immunodépression
post-transplantation d’organe (EBV). Dans la majorité des cas,
aucune explication étiologique n’est retrouvée.
Le lymphome de Hodgkin (LH), dans sa forme dite « classique »,
se définit par la présence de cellules de Reed-Sternberg (RS) qui
représentent la cellule tumorale. Historiquement, c’est le premier
syndrome lympho-prolifératif bien individualisé (description princeps
par Thomas Hodgkin en 1832). Le lymphome de Hodgkin survient
majoritairement chez le sujet jeune, entre 16 et 30 ans, mais peut
être observé à tout âge avec un second pic d’incidence après
60 ans. Parmi les facteurs de risque identifiés on retrouve la notion
d’infection récente au virus d’Epstein-Barr (EBV) et l’infection par
le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
S’il est nécessaire de connaître le contexte épidémiologique
des lymphomes non hodgkiniens et hodgkiniens, la démarche
diagnostique demeure identique, doit être rigoureuse, car un
diagnostic erroné ou incomplet constitue une importante perte
de chance pour le patient.
La démarche diagnostique comporte trois temps : le diagnostic
positif proprement dit, le bilan d’extension et le bilan pré-thérapeutique, permettant d’évaluer la faisabilité du traitement.
Première étape : le diagnostic positif
Symptômes révélateurs
Deux types de symptômes sont susceptibles de révéler un
lymphome non hodgkinien ou hodgkinien. Ceux liés à l’apparition d’un syndrome tumoral, d’une part, et les manifestations
systémiques (signes généraux ou immunologiques), d’autre
part. Dans la majorité des cas il s’agit de la découverte d’une
adénopathie superficielle : axillaire, inguinale, cervicale… Plus
rarement les adénopathies sont uniquement profondes et découvertes lors d’une échographie, d’un scanner ou d’une radiographie pulmonaire (gros médiastin). Les lymphomes peuvent
également se révéler par un syndrome tumoral extra-ganglionnaire. Tous les organes peuvent être atteints, sans exception, et
donner lieu à une symptomatologie qui leur est propre : cerveau
(déficit moteur, aphasie, confusion…), peau, plèvre, foie, muqueuses, infiltration des vaisseaux, rein, testicule… Ceci explique le pléomorphisme clinique important de ces tumeurs et
que tout médecin, quelle que soit sa spécialité, peut être
confronté au diagnostic d’un lymphome.
Vol. 65 _ Septembre 2015
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e27
RR Item 316
LY MP H O ME S M AL INS
1 : altération minime
Biopsie ganglionnaire
2 : altération de l’état général avec alitement de moins de 50 % du temps
La pierre angulaire du diagnostic d’un lymphome est l’analyse
histopathologique d’une biopsie d’un ganglion ou de l’organe
atteint (en l’absence d’adénopathie biopsiable). La biopsie doit
être envisagée devant toute adénopathie persistante de plus
d’un mois et qui n’a pas fait sa preuve étiologique (infectieuse,
inflammatoire…, v. item 216). La taille de la biopsie doit être suffisante pour permettre :
––une étude anatomo-pathologique avec l’analyse morphologique et immuno-histochimique ;
––des analyses complémentaires génétiques (cytogénétique,
biologie moléculaire) ;
––une congélation avec conservation dans une tumorothèque
pour des analyses ultérieures de biomarqueurs.
Le pathologiste évalue l’architecture globale de la lésion (folliculaire ou diffuse), l’aspect des cellules (taille, mitose ou non,
aspect centrocytique ou centroblastique, nucléole, cytoplasme…)
et complète l’analyse par des marquages avec anticorps (immunohistochimie) ciblant les lymphocytes B (CD20), les lymphocytes T
(CD3, CD5) ; des immuno-marquages complémentaires sont en
général réalisés pour déterminer l’agressivité du lymphome (expression des oncogènes MYC et BCL2, p. ex.). Le diagnostic
est difficile et nécessite souvent une relecture par un spécialiste
en hématopathologie.
Si la présence de cellules de Reed-Sternberg est indispensable
au diagnostic de lymphome de Hodgkin, leur présence n’est pas
absolument pathognomonique car elles peuvent être observées
dans des adénites infectieuses liés à l’EBV et dans certains cas
de lymphomes non hodgkiniens. Le phénotype classique de la
cellule de Reed-Sternberg est CD20 négatif, CD15+ et CD30+.
TABLEAU
0 : pas d’altération
Les signes généraux sont fréquents mais inconstants, en partie
liés au sous-type histologique : les symptômes les plus fréquents
observés dans le lymphome non hodgkinien sont les sueurs
profuses, l’amaigrissement, l’anorexie (tableau). Ces symptômes
sont non spécifiques mais orientent le médecin vers une pathologie cancéreuse. Le lymphome de Hodgkin se présente volontiers
avec des signes généraux : sueurs profuses, fièvre hectique,
amaigrissement. Le prurit est très évocateur du lymphome de
Hodgkin, même s’il peut être également observé dans les lymphomes non hodgkiniens.
Les signes immunologiques sont plus difficiles à appréhender :
la prolifération conduit souvent à un dysfonctionnement immu­
nitaire à l’origine d’infections (lymphopénie fréquente dans le
lymphomes de Hodgkins) et des manifestations auto-immunes
parfois révélatrices (anémie hémolytique auto-immune, thrombo­
pénie immunologique, vascularite…).
La classification clinique des lymphomes est importante à
connaître en permettant de classer les différents types de lymphome non hodgkinien en fonction de l’agressivité clinique et
donc d’apprécier le degré d’urgence de la prise en charge
(v. Focus, p. 34)
Classification et scores utilisés pour la prise
en charge des lymphomes
A. Définition des stades des lymphomes (selon la classification
d’Ann Arbor)
Stade I
Atteinte ganglionnaire unique ou d’un seul organe extra-ganglionnaire
Stade IE
Atteinte d’un organe par contiguïté
Stade II
atteinte de plusieurs aires ganglionnaires du même côté
du diaphragme (sus ou sous-diaphragmatique)
Stade II
atteinte de plusieurs aires ganglionnaires du même côté
du diaphragme (sus- ou sous-diaphragmatique)
Stade III
atteinte de part et d’autre du diaphragme
Stade IV
atteinte extra-ganglionnaire non contiguë
B. Échelle ECOG/OMS d’activité utilisée pour la prise en charge
des lymphomes
3 : altération de l’état général avec confinement au lit plus de 50 % du temps
4 : confiné au lit
C. Signes généraux considérés comme significatifs dans les
lymphomes
Fièvre : > 38° C pendant plus d’une semaine
Sueurs : conduit le patient à se changer
Amaigrissement : perte de poids de plus de 10 % du poids du corps
dans les 6 mois
D. Index pronostique international (IPI) (score de 0 à 5)
Âge > 60 ans (+1)
LDH > normal (+1)
Stade III ou IV (+1)
ECOG ≥ 2 (+1)
Deux atteintes ganglionnaires ou plus (+1)
Ce score définit 4 groupes pronostiques :
➥ les risques faibles = 0-1 ;
➥ les risques faibles intermédiaires = 2 ;
➥ les risques forts intermédiaires = 3 ;
➥ les risques forts élevés = 4-5.
L’ index pronostique international (IPI) ajusté à l’âge (IPIaa) est également utilisé
couramment et ne comprend comme facteurs que le stade, les LDH et l’ECOG.
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Vol. 65 _ Septembre 2015
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Zone du manteau
Centre germinatif
Lymphocyte B naïf
Centre sombre
Plasmocyte
Centre clair
3
Cellule apoptotique
1
5
T
Lymphocyte B activé
B
4
B
2
T
Centroblastes
B
Centrocytes
Lymphocyte B mémoire
Pré-centre germinatif
Lymphome lymphocytique
(leucémie lymphoïde chronique)
Lymphome du manteau
Post-centre germinatif
Centre germinatif
Lymphome folliculaire
Lymphome diffus à grandes cellules B
Lymphome de Burkitt
Lymphome des zones marginales
Lymphome lymphoplasmocytaire
(Waldenström)
Lymphome diffus à grandes cellules B
Lymphome du MALT
FIGURE 1 Origine cellulaire des principaux sous-types histologiques des lymphomes B.
Le lymphocyte B provenant de la moelle osseuse va poursuivre sa maturation après rencontre avec un antigène et former un centre germinatif dans les ganglions
lymphatiques (1) ; les cellules ne participant à la réaction immunologique sont en périphérie, formant la zone du manteau. Le lymphocyte B présente l’antigène sous
forme de peptides aux lymphocytes T auxiliaires. Les cellules dans la zone sombre se divisent (centroblastes) dans une étape de prolifération clonale (2). Les mutations
somatiques des gènes d’immunoglobulines vont améliorer l’affinité de la cellule B (centrocytes) pour l’antigène. En l’absence d’affinité la cellule meurt par apoptose (3).
La maturation se poursuit au contact des cellules dendritiques (avec l’aide des lymphocytes T) en présentant aux cellules B les peptidiques antigéniques (4). Les cellules
sélectionnées pour leur meilleure affinité poursuivent leur différenciation en plasmocytes sécréteurs d’immunoglobulines ou en lymphocytes B mémoire (5). Chacune de ces
étapes peut être le point de départ d’une prolifération maligne (lymphome).
La classification actuelle des lymphomes fait correspondre à la cellule tumorale lymphomateuse sa contrepartie cellulaire normale,
individualisée dans le tissu lymphoïde normal d’un ganglion (fig. 1).
Parfois, une biopsie guidée sous échographie ou scanner est
possible lorsqu’un geste chirurgical est contre-indiqué ou trop risqué.
La ponction cytologique n’a aucune place dans le diagnostic
positif d’un lymphome, ne faisant que retarder la prise en charge.
Exemples d’entité anatomo-clinique
Quelques formes anatomo-cliniques sont à connaître, du fait de
leur grande fréquence et de leur présentation clinique souvent
typique :
Le lymphome folliculaire : il est caractérisé par une anomalie génétique quasi constante, la translocation t(14;18) (q32,q21)
conduisant à déréguler l’expression du gène BCL2, inhibiteur de
l’apoptose. La maladie est souvent disséminée avec atteinte de
la moelle osseuse, longtemps asymptomatique. C’est le lymphome
indolent le plus fréquent et son évolution est caractérisée par
des rechutes fréquentes.
Le lymphome à cellules du manteau : il est caractérisé par une
translocation t(11 ;14)(q13 ; q32) dérégulant l’expression d’une
protéine, la cycline D1, contrôlant le cycle cellulaire. La présence
de cellules tumorales circulantes dans le sang périphérique est
fréquente, de même que l’atteinte médullaire. On note une prédominance masculine.
Le lymphome de Burkitt : il est caractérisé par une translocation
constante du gène MYC, puissant oncogène à l’origine d’une
dérégulation du cycle cellulaire. Toutes les cellules tumorales
Vol. 65 _ Septembre 2015
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RR Item 316
LY MP H O ME S M AL INS
sont en cycle expliquant la croissance tumorale rapide. La forme
dite « endémique » est vue essentiellement en Afrique de l’Est
avec infection constante des cellules tumorales par l’EBV. La
forme dite « sporadique », vue en Occident, n’est pas associée
à l’EBV (sauf en cas de co-infection avec le VIH) et constitue le
lymphome le plus fréquent chez l’enfant.
Le lymphome diffus à grandes cellules : c’est le sous-type histologique de lymphome non hodgkinien le plus fréquent et qui met
en jeu de multiples oncogènes (BCL2, MYC, BCL6 notamment) ;
les atteintes extra-ganglionnaires sont fréquentes.
Le lymphome du MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) :
ces lymphomes ont pour point de départ le tissu lymphoïde localisé dans les muqueuses de manière physiologique ou pathologique suite à une inflammation chronique. La muqueuse
gastrique en est le siège le plus fréquent, associé dans ce cas à
une infection chronique à Helicobacter pylori.
Deuxième étape : le bilan d’extension du lymphome
Des examens complémentaires sont demandés après un examen clinique rigoureux comportant :
––la cartographie et la mesure des adénopathies superficielles (à
faire figurer sur un schéma) ;
––la recherche d’une hépato-splénomégalie ;
––l’examen de la cavité buccale et de la sphère ORL (anneau de
Waldeyer) : un avis spécialisé avec examen au miroir est parfois nécessaire ;
––l’examen des testicules ;
––l’examen de la peau et des muqueuses ;
––un examen neurologique.
Examens biologiques
L’hémogramme : il peut révéler des cytopénies et évoquer une
infiltration médullaire par le lymphome ; certaines formes de lymphome ont volontiers des cellules anormales circulantes dans le
sang périphérique (lymphome à cellules du manteau, lymphome
folliculaire) et peuvent être détectées par étude du frottis sanguin
ou de manière plus sensible par immuno-phénotypage des lymphocytes circulants.
La mesure du taux de LDH sérique : c’est un reflet de la masse tumorale, facteur pronostique majeur.
La mesure de la β2 microglobuline : c’est également un reflet de la
masse tumorale. Elle est utilisée surtout dans les lymphomes
indolents.
L’électrophorèse des protides : elle peut mettre en évidence un pic
monoclonal (fréquent dans les hémopathies lymphoïdes B matures) ou une hypo-albuminémie (facteur pronostique péjoratif
témoignant de l’inflammation et de la dénutrition).
Le bilan hépatique (transaminases, gamma GT, phosphatases
alcalines) : il peut orienter vers une atteinte hépatique spécifique.
La vitesse de sédimentation à la 1re heure (VS) : elle est utile comme
facteur pronostique dans le lymphome de Hodgkin.
e30
Lymphomes malins
POINTS FORTS À RETENIR
Les symptômes révélant un lymphome hodgkinien
ou non hodgkinien sont pléomorphes, mais associent
le plus souvent un syndrome tumoral ganglionnaire
et des signes généraux.
Le diagnostic positif repose sur une biopsie chirurgicale
d’un ganglion ou d’un organe atteint, permettant de classer
le lymphome parmi les multiples sous-types histologiques et
d’envisager un traitement adapté.
Les deux sous-types de lymphomes non hodgkiniens
les plus fréquents sont le lymphome diffus à grandes cellules B
et le lymphome folliculaire, archétypes respectivement
des lymphomes agressifs et indolents.
L’index pronostique international (IPI) est un score
pronostique prédictif utilisé dans les lymphomes diffus
à grandes cellules comprenant les 5 items suivants :
âge, taux de LDH, stade, état général et nombre d’atteintes
extra-ganglionnaires.
Ponction lombaire Elle est réalisée en cas de symptômes neurologiques et dans
tous les cas de lymphomes diffus à grandes cellules B et de
lymphome de Burkitt, sous-types histologiques pour lesquels le
risque d’atteinte méningée d’emblée ou lors d’une rechute est
important.
Biopsie ostéo-médullaire
Elle est réalisée habituellement sous anesthésie locale par
une ponction à l’aide d’un trocart au niveau d’une épine iliaque
postérieure. Elle permet de rechercher une infiltration de la
moelle osseuse, très fréquente notamment dans les lymphomes à cellules du manteau et les lymphomes indolents.
Les troubles de la coagulation contre-indiquent ce geste. Dans
le même temps, un myélogramme est prélevé en complément
de la biopsie.
Imagerie
Elle comprend :
––un scanner (TDM) avec injection d’iode (après vérification des
contre-indications) réalisé selon une technique standardisée :
coupes jointives de 10 mm allant des aires ganglionnaires cervicales inférieures à la symphyse pubienne. Il permet d’estimer
l’extension ganglionnaire et viscérale du lymphome ;
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TEP-scan, examen clé pour le bilan
d’extension des LNH et LH
C
et examen scintigraphique
est basé sur l’injection
d’un radiotraceur (18 FDG) contenant
du glucose (et non de l’iode), émetteur
de positons ; c’est une imagerie
fonctionnelle qui se superpose
à l’imagerie anatomique donnée
par le scanner.
Le diabète ne constitue pas une contreindication mais doit être équilibré
au moment de l’examen pour une
interprétation fiable des images.
De même, les perfusions de glucose
sont prohibées 12 heures avant
l’examen. Il permet de détecter des
atteintes non visibles sur imagerie
conventionnelle : atteinte de l’os,
de la moelle osseuse, d'autres organes
extra-lymphatiques. Son niveau de
résolution est de 5 à 10 mm. L’avidité
des cellules pour le glucose marqué
varie en fonction du type histologique
et du nombre de cellules en cycle
(index mitotique). Cet examen sera utile
dans le suivi des patients sous
traitement et permet de faire la
distinction entre une masse résiduelle
non active et une maladie résiduelle
active. Des phénomènes inflammatoires
(infections) peuvent être à l’origine de
faux positifs. Les frissons, le stress
peuvent également conduire à modifier
la distribution du glucose vers des
régions riches en graisse brune (cou).
L’utilisation de bêtabloquants avant
l’examen peut limiter ce phénomène.
Scanner
TEP-scan
A
B
FIGURE Exemple d’un patient atteint d’un lymphome diffus à grandes cellules.
A. Coupe sagittale de scanner.
B. L’image scintigraphique (TEP-scan) est superposée. Elle montre un hypermétabolisme intense
(accumulation de 18 FDG) au niveau d’une masse ganglionnaire de l’hypochondre gauche, de la rate,
de ganglions intra-mésentériques, d’une volumineuse coulée ganglionnaire cœliaque et rétro-péritonéale
engainant les grands vaisseaux ainsi qu'iliaque externe et interne bilatérale, et inguinale bilatérale.
On note également un hypermétabolisme intense au niveau de formations ganglionnaires jugulocarotidiennes gauches. À noter que le cerveau, le cœur sont avides de glucose et que l’élimination rénale
du 18 FDG est visible (vessie, bassinets, uretères).
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e31
RR Item 316
LY MP H O ME S M AL INS
Syndrome tumoral
(ganglionnaire ou extra-ganglionnaire)
Biopsie ganglionnaire ou d’organe
Analyse cytologique, morphologique et immuno-histochimie
Clonalité : cytogénétique, FISH, biologie moléculaire
Infiltration diffuse de grandes cellules
CD20+
Structure folliculaire
Cellules petites/moyennes CD20+
Cellule de Reed-Sternberg
CD15+ CD30+ CD20-
Lymphome diffus à grandes
cellules B
Lymphome folliculaire, lymphome des zones
marginales
Lymphome de Hodgkin
Structure diffuse
Petites cellules CD20+ CD5+
Structure folliculaire ou diffuse
Cellules CD20-CD3+
Lymphome à cellules du manteau,
lymphome lymphocytique
LNH-T
Bilan d’extension : NFS, TDM cervico-thoraco-abdo-pelvien,
TEP-scan, biopsie ostéo-médullaire, ponction lombaire
(lymphome diffus à grandes cellules B ou selon clinique)
et selon manifestations cliniques; calcul de l’IPI
Bilan pré-thérapeutique : sérologies VIH, hépatites B et C,
fraction d’éjection ventriculaire systolique, épreuves
fonctionnelles respiratoires, conservation des gamètes,
pose dispositif intraveineux central
FIGURE 2 Démarche diagnostique face à un lymphome et principales caractéristiques histopathologiques des lymphomes. NFS : numération formule sanguine ;
TDM : tomodensitométrie ; FISH : : fluorescence in situ hybridisation ; IPI : index pronostique international ; LNH : lymphome non hodgkinien.
––une imagerie par émission de positons (TEP-scanner ou TEPscan). C’est maintenant un examen standard pour le bilan initial des lymphomes non hodgkiniens et du lymphome de
Hodgkin ; il complète les données TDM et peut être réalisé sur
le même appareil (la plupart des modèles actuels de TEP-scan
comportent un scanner permettant la réalisation simultanée
des deux examens). Cet examen est obligatoire pour prendre
en charge au diagnostic initial le lymphome de Hodgkin et les
lymphomes diffus à grandes cellules, fortement conseillé pour
toutes les autres histologies (v. encadré) ;
––la radiographie pulmonaire de face : elle est réalisée systématiquement et permet de mesurer la largeur du médiastin lorsqu’il est envahi, facteur pronostique dans le lymphome de
Hodgkin. Elle est facilement renouvelée sous traitement pour
évaluer la réponse au traitement.
e32
Synthèse
À l’issue de l’examen clinique et du bilan d’extension, il est
nécessaire d’en faire une synthèse qui permet d’apprécier le
pronostic. Le stade est apprécié en fonction du nombre d’atteintes ganglionnaires, de leur localisation (régions sus- et
sous-diaphragmatiques) et de l’existence d’une atteinte extraganglionnaire (classification d’Ann Arbor). Dans les lymphomes non hodgkiniens comme pour le lymphome de Hodgkin, il constitue l’un des éléments clés du pronostic. Dans les
lymphomes diffus à grandes cellules, il s’intègre dans un score
avec d’autres facteurs clinico-biologiques (index pronostique
international, IPI) [tableau]. Des scores spécifiques ont été
créés pour les autres histologies. Dans le lymphome de Hodgkin, des facteurs pronostiques distincts sont retenus en fonction du stade localisé (I/II) ou disséminé (III/IV) de la maladie.
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Troisième étape : le bilan pré-thérapeutique
Il vise à s’assurer de la tolérance des drogues envisagées pour
le traitement, à conserver les gamètes pour les patients en âge
de procréer, et à s’assurer de la possibilité de mettre en place un
dispositif intraveineux central.
Explorations fonctionnelles respiratoires (EFR)
Elles sont indispensables avant l’utilisation de la bléomycine,
drogue pneumo-toxique ; elles sont parfois répétées en cours
ou fin de traitement.
Mesure de la fraction d’éjection du ventricule
gauche (FEVG)
La méthode de mesure par radio-isotope (scintigraphie) est la
méthode de référence et s’assure de l’absence de contre-indication aux anthracyclines, famille de drogues cardiotoxiques ;
une fraction d’éjection < 50 % constitue une contre-indication à
l’utilisation de cette catégorie de drogues.
Sérologies HVB, HCV, HIV Outre leur intérêt étiologique, la positivité de l’une de ses sérologies peut conduire à modifier la stratégie thérapeutique. En
cas de positivité, une mesure de la charge virale (ADN ou ARN
circulant) doit être effectuée.
Bilan d’hémostase
Il s’assure de l’absence de contre-indication à certains gestes
(biopsies, pose de voie veineuse centrale essentiellement).
Conservation des gamètes
La majorité des traitements dans ce contexte conduisent à un
risque de stérilité (principalement lié à l’utilisation des alkylants).
Chez l’homme, une cryoconservation des spermatozoïdes doit
être proposée ; chez la femme, la contraception orale est proposée ainsi qu’une conservation du tissu ovarien, en vue d’une
réimplantation ultérieure.
Message de l'auteur
✓ Un lymphome révélateur d’une infection par le VIH.
C’est un mode d’entrée fréquent dans la maladie,
les lymphomes peuvent être de tout type, mais
le tableau le plus classique est celui de lymphome
de Burkitt. Dans ce cas, le sujet dans le cadre d’un
dossier progressif peut comporter la prise en charge
d’un syndrome de lyse, d’une insuffisance rénale
obstructive, du diagnostic d’une masse abdominale.
Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique.
✓ La prise en charge d’un lymphome du diagnostic
initial (diagnostic positif, bilan d’extension et bilan
pré-thérapeutique) à l’inclusion dans un essai clinique
(quelles conditions sont nécessaires pour inclure votre
patient dans un essai clinique ? Décrire les spécificités
de l’essai clinique proposé, etc.).
✓ Le calcul de l’IPI doit être su et peut faire l’objet
d’une question.
✓ L’imagerie joue un rôle important dans la prise
en charge d’un lymphome : des images TDM ou TEPscan peuvent faire l’objet de questions spécifiques et
conduire à proposer une classification selon Ann Arbor.
✓ Si les traitements du lymphome ne sont pas
à connaître, un dossier progressif peut dérouler
la phase initiale (symptômes révélateurs, diagnostic
positif), le bilan initial et la gestion des complications
post-chimiothérapie : support transfusionnel, facteurs
de croissance, aplasie fébrile (choc septique)…
Conclusion
Si la présentation clinique d’un lymphome malin est très hétérogène, la démarche diagnostique face à une suspicion de lymphome
doit être rigoureuse et systématique (fig. 2). Obtenir une histologie
précise est le point clé du diagnostic positif. Le bilan d’extension
moderne comprend maintenant le TEP-scan dans la plupart des
situations, en complément du scanner standard. La démarche
diagnostique est similaire pour les lymphomes non hodgkiniens
et les lymphomes de Hodgkin, mais ne doit pas faire oublier
leurs spécificités cliniques, histopathologiques et évolutives.•
F. Jardin déclare avoir été pris en charge, à l’occasion de déplacement pour congrès,
par Roche, Celgène, MundiPharma.
+
POUR EN SAVOIR ●
C Gisselbrecht. Les lymphomes non hodgkiniens. John Libbey Eurotext,
collection FMC/SFH, 2008.
Société française d’hématologie. Hématologie. Elsevier Masson, 2011.
Bruno Varet. Hématologie. Le livre de l’interne. Flammarion MédecineSciences, 2e édition, 2003.
Référentiel de la Société française d’hématologie. http://www.hematologie.
net/hematolo/UserFiles/File/REFERENTIEL
Pauline Brice, Philippe Collin. Le lymphome de Hodgkin. John Libbey
Eurotext, collection FMC/SFH. 2004.
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e33
RR
FOCUS
Item 316
Voir l’item complet sur
larevuedupraticien.fr
Le lymphome de Hodgkin
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Pr Fabrice Jardin
Département d’hématologie clinique et Inserm U918, centre Henri-Becquerel, Rouen, France
[email protected]
L
e lymphome de Hodgkin (LH) dans sa forme classique est
caractérisé par la présence de la cellule de Reed-Sternberg
(RS), cellule clonale associée à ce lymphome. Elle a pour origine
un lymphocyte B mature ayant transité dans le centre germinatif
mais n’exprime pas deux marqueurs habituels de ces cellules :
une immunoglobuline de surface et le CD20. En revanche, la
cellule de Reed-Sternberg est dans la majorité des cas CD30+,
CD15+ et constitue un contingent cellulaire minoritaire au sein
d’un tissu réactionnel abondant (expliquant qu’une simple ponction cytologique ne conduit pas au diagnostic) comportant des
polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, des lymphocytes T,
des macrophages, souvent au sein d’une sclérose, et pouvant
constituer une architecture granulomateuse. La cellule de
Reed-Sternberg est typiquement de grande taille, avec un
cytoplasme abondant et basophile, binucléé avec un nucléole
proéminent. On distingue également une forme « non classique », dénommé LH à prédominance lymphocytaire nodulaire
(également appelée paragranulome de Poppema-Lennert) relevant d’une autre origine cellulaire et d’une prise en charge distincte. Dans la forme classique, 4 sous-types sont distingués :
sclérosant nodulaire, à cellularité mixte, riche en lymphocyte, à
déplétion lymphocytaire.•
F. Jardin déclare avoir été pris en charge, à l’occasion de déplacement pour congrès,
par Roche, Celgène, MundiPharma.
Classification clinique des lymphomes non hodgkiniens
e34
Lymphomes indolents
Lymphomes agressifs
Lymphomes très agressifs
Ces lymphomes sont caractérisés par une
Ils sont caractérisés par une croissance
Ils comprennent le lymphome de Burkitt
croissance tumorale lente, sur plusieurs
tumorale rapide, le patient devenant
et le lymphome lymphoblastique et constituent
années ; leur découverte est souvent
symptomatique en quelques mois. Les signes
des urgences diagnostiques et thérapeutiques,
fortuite, par le patient lui-même (lors de la
généraux sont habituels (sueurs, amaigrissement,
au même titre qu’une leucémie aiguë.
toilette, par exemple) ; habituellement
asthénie) et conduisent à une consultation
La croissance tumorale est extrêmement rapide,
il y a peu de signes généraux et l’état général
rapide. Le lymphome agressif le plus fréquent
conduisant à des douleurs ou des signes
reste longtemps conservé.
est le lymphome diffus à grandes cellules B
de compression (par exemple compression
Cette présentation conduit souvent
(LGCB), mais d’autres (lymphomes à cellules du
urétérale avec insuffisance rénale anurique).
à un diagnostic tardif, avec une maladie
manteau, lymphomes T) peuvent être classés
Le lymphome de Burkitt de l’adulte
avancée (stade IV). L’archétype en est le
dans cette catégorie clinique. Le taux de LDH
est souvent de localisation abdominale.
lymphome folliculaire. Une simple surveillance
est souvent élevé et des localisations extra-
Le lymphome lymphoblastique se présente
est parfois possible, mais à terme un traitement
ganglionnaires peuvent être observées pour
généralement sous forme d’atteinte
est le plus souvent nécessaire.
tous les organes (cerveau, testicule, poumon).
médiastinale compressive et relève de la même
Malgré l’obtention de rémission, la rechute
Des guérisons définitives peuvent être obtenues
prise en charge qu’une leucémie aiguë
est la règle. Ces lymphomes indolents
avec une probabilité corrélée à l’IPI.
lymphoblastique. Le risque de syndrome
ont pour risque évolutif la transformation
En cas de rechute (le plus souvent dans
de lyse spontanée ou lors de l’initiation
en un lymphome agressif.
les 2 ans), le pronostic reste sombre.
du traitement est majeur.
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