BULLETIN DE LIAISON N°59 PASTORALE SANTÉ DIOCÈSE DE

Transcription

BULLETIN DE LIAISON N°59 PASTORALE SANTÉ DIOCÈSE DE
BULLETIN
DE
LIAISON
N°59
l
Avril 2015
PASTORALE SANTÉ DIOCÈSE DE NANTES
 Service Évangélique des Malades et personnes âgées 
Sommaire
Page 1 : Editorial
Enjeux du débat actuel sur la fin de vie.
Pages 2-3-4-5 :
Notre regard sur la fin de vie, Conférence
des Évêques de France (Extraits)
Page 6-7 : Audition Mgr d’Ornellas
au Parlement (Extraits)
Page 8: La page du diocèse de …
Le bulletin est rédigé
avec l’équipe de la Province de Rennes
par Mireille Godin-Caillon
et Marie-Annick Decrop
Service Formation Pastorale Santé
du Diocèse de Nantes
Contact:
[email protected]
Editeurs :
Service Pastorale Santé
du diocèse de Nantes
7, rue Cardinal Richard
44322 Nantes Cedex 3

Service SEM44
Diocèse de Nantes
7 rue Cardinal Richard
44322 Nantes Cedex 3
Mail : [email protected]
 06.63.27.95.80
Abonnement : 6,00Euros/an
3 numéros
Chèque à l’ordre de :
« Pastorale Santé diocèse de Nantes »
 Pas de chèque Paroisse
ÉDITORIAL Réjouissons- nous ! Oui, soyons heureux que
l’Eglise ait toute sa place dans le débat de société sur la fin de vie
et la question de l’euthanasie. Elle est aujourd’hui reconnue
comme « experte en humanité », dans son souci du respect et de la
promotion de la dignité de l’homme et des valeurs morales
fondamentales et inaliénables. Elle joue pleinement son rôle de
« veilleur et d’éveilleur », en dialogue et en partenariat avec les
autres confessions et la société civile.
Ainsi, sur ces difficiles questions, quand souvent les débats sont
brouillés par la charge émotionnelle et affective liée à ces
situations humaines toujours dramatiques, par des considérations
de politique politicienne, et même par des contingences d’ordre
économique, la parole de l’Eglise, est et demeure « parole de vie »
offerte à tout homme de bonne volonté (cf. en p.2 Notre relation
avec le monde. Pape François).
Notre devoir d’hommes et de chrétiens est d’éclairer nos
consciences sur ces questions, pour pouvoir, ensuite, à la mesure
de nos moyens, et là où nous sommes, être témoins de l’espérance
qui nous fait vivre. Puisse ce numéro nous y aider, dans la joie de
la nouvelle évangélisation.
J-M Audureau, diacre permanent, Pastorale Santé Rennes
Cette année encore le dimanche de la Santé 2015 ayant pour
thème « vivants et fragiles », a permis aux différents acteurs de la
santé : bénévoles, professionnels, associations, aidants,
malades…de donner leurs témoignages lors des célébrations
dominicales du 8 février 2015. Vous trouverez en dernière page
l’engagement professionnel d’une aide-soignante qui travaille au
CHU de Nantes.
La loi Leonetti-Claeys continue de susciter bon nombre
d’interrogation chez beaucoup d’entre nous.
Les enjeux de cette réflexion sur la fin de vie sont tellement
importants que le bureau diocésain souhaite collaborer et
participer à cette démarche, à travers la mise en place d’un groupe
de travail diocésain élargi à des professionnels de la santé.
A suivre…
Joyeuses fêtes de Pâques à tous !
Régine
1
Les enjeux du débat actuel sur la fin de vie
Notre relation avec le monde
Il est juste de se poser avant tout la question de l’esprit (ou de l’Esprit) qui doit présider au dialogue
des chrétiens avec le monde. De ce fondement de notre participation au débat social dépendra que
notre parole sera entendue, accueillie, ou non. Le PAPE FRANÇOIS nous éclaire sur ce point :
La joie de l’Evangile, N°271 : Il est vrai que, dans notre relation avec le monde, nous sommes invités à
rendre compte de notre espérance, mais non pas comme des ennemis qui montrent du doigt et condamnent.
Nous sommes prévenus de manière très évidente : « Que ce soit avec douceur et respect » (1P 3,16),
et « en paix avec tous si possible, autant qu’il dépend de vous » (Rm 12,18). Nous sommes aussi appelés
à essayer de vaincre le « mal par le bien » (Rm 12, 21), sans nous lasser de « faire le bien » (Ga 6, 9) et sans
prétendre être supérieurs, mais considérant plutôt « les autres supérieurs à soi » (Ph 2, 3) /…/ Ce n’est ni
l’opinion d’un Pape, ni une option pastorale parmi d’autres possibilités ; ce sont des indications de la
Parole de Dieu, aussi claires, directes et indiscutables qu’elles n’ont pas besoin d’interprétations qui leur
enlèveraient leur force d’interpellation /…/ Ainsi, nous ferons l’expérience de la joie missionnaire de
partager la vie avec le peuple fidèle à Dieu, en essayant d’allumer le feu au cœur du monde.
N°272 : L’amour pour les gens est une force spirituelle qui permet la rencontre totale avec Dieu, à tel point
que celui qui n’aime pas son frère « marche dans les ténèbres » (1 Jn 2, 11), « demeure dans la mort » (1 Jn
3, 14) et « n’a pas connu Dieu (1 Jn 4, 8).
C’est bien dans cet esprit évangélique que sont intervenus, en janvier 2014, le Département santé de la
Conférence des Evêques de France, qui a produit un « kit pédagogique » et Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du
Havre, président du Conseil Famille et Société, dans un document intitulé « Notre regard sur la fin de vie »,
ainsi que Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, auditionné le 1er octobre 2014, à l’Assemblée
nationale, par les députés Jean Leonetti et Alain Claeys, pour ne citer que les sources présentées dans ce
bulletin.
Notre regard sur la fin de vie (extraits)
Conseil Famille et Société
La question de l’euthanasie revient avec une certaine
régularité dans le débat public. Nous y sommes tous
sensibles parce que concernés à un moment ou un autre de
notre existence, mais plus particulièrement les soignants, les
proches des personnes en fin de vie et celles et ceux qui sont
engagés dans la pastorale de la Santé, dans les Aumôneries
des hôpitaux ou dans la pastorale des personnes
handicapées. Accompagner des personnes en fin de vie et
leurs proches, est une expérience qui fait naître beaucoup de
questions. Dans
des situations concrètes de grande
souffrance, la position de l’Eglise catholique, qui refuse
l’euthanasie et l’assistance au suicide, demande à être
fondée et éclairée pour être reçue et expliquée à d’autres.
La loi du 22 avril 2005, dite « loi Leonetti », venait encadrer la fin de vie et les droits du malade.
2
Les grands principes de la loi Leonetti peuvent être résumés de la façon suivante :
1.
2.
3.
4.
5.
Demeure l'interdit fondamental de donner délibérément la mort.
Elle énonce l'interdiction de l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire l'obstination
déraisonnable (L. 1110-5 CSP alinéa 2) d’administrer des actes « inutiles, disproportionnés
ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. »
Le respect de la volonté du patient s'il est en état d'exprimer sa volonté doit être respectée
pour apprécier le caractère « déraisonnable » de certains actes médicaux. Sinon, c'est le
médecin qui prend la décision, après avoir recherché quelle pouvait être la volonté du
patient (existence de directives anticipées, consultation de la personne de confiance, de la
famille), et avoir respecté une procédure collégiale.
La loi fait obligation au médecin de soulager la douleur, de respecter la dignité du patient et
d'accompagner ses proches. Quand les traitements curatifs cessent, la loi demande qu’on
dispense les soins palliatifs.
La protection des différents acteurs est assurée par la traçabilité des procédures suivie.
Au-delà des clivages politiques, elle avait été votée à l’unanimité, aussi bien à l’Assemblée Nationale
qu’au Sénat. Cette loi condamne donc l’obstination déraisonnable, encadre la limitation et l’arrêt des
traitements, favorise les soins palliatifs et cherche à mieux prendre en considération la volonté de la
personne malade. Elle accepte qu’un traitement destiné à soulager la douleur puisse avoir comme effet
secondaire d’abréger la vie du malade, mais elle maintient l’interdiction de tout acte visant directement à
provoquer la mort.
Reconnaître l’importance et les limites de la loi
La question de la fin de vie est complexe et fait apparaître de graves divergences de vues sur le sens de la
vie elle-même. Certains considèrent que le médecin respecte la dignité du patient en fin de vie
lorsqu’il lui administre une injection létale ; d’autres pensent que le respect de la dignité de la
personne passe par la mise en œuvre de soins palliatifs. Dans cette diversité d’approches, se jouent les
choix éthiques déchirants entre la responsabilité sociale du corps médical et la demande de la personne en
fin de vie. Des divergences profondes apparaissent dans la façon de considérer la personne dans sa dignité
et ses droits. Divergences d’autant plus insurmontables que la question de la fin de vie touche l’émotion
de chacun devant la souffrance, - la sienne ou celle de l’autre -, face à l’épreuve de la dégradation
physique et le sentiment de ne pouvoir rien faire. Une émotion qui vient parfois perturber le jugement
éthique.
Nous croyons que la foi chrétienne est porteuse d’une vision de l’homme et d’un sens de l’existence
qui peuvent être partagés avec d’autres. L’expérience suscitée par la foi contribue à révéler le sens de ce
qu’est vivre, souffrir et mourir.
Maintenir les relations jusqu’au bout
La solitude devant la mort est source d’angoisse. La solitude des mourants est, selon l’expression du
sociologue Norbert Elias, un des signes majeurs de la « froideur culturelle occidentale ». Froideur des fins
de vie médicalisées où la technicité peut se révéler « sans âme ». Froideur des fins de vie vécues
dans l’isolement quand la structure familiale fragilisée et éclatée ne peut plus prendre en charge les
malades, les handicapés et les personnes âgées. Notre société individualiste a du mal à imaginer la manière
d’être présent dans ces derniers moments de la vie, souvent expulsés de la cité. S’il n’existe pas
3
nécessairement une manière de bien mourir, le vrai respect de la dignité humaine exige de mourir en
sachant qu’on demeure relié aux autres. Une partie des demandes d’euthanasie pourrait s’inscrire dans
cette peur – qui n’est pas dénuée de fondements – de ne pas demeurer jusqu’au bout relié au monde des
vivants.
Pour le chrétien, quand bien même la personne serait atteinte d’une maladie ou d’un handicap altérant ses
capacités cognitives et relationnelles, il ne serait pas possible de la déclarer « morte socialement ». La
foi chrétienne nourrit la conviction que la valeur de la personne n’est pas attachée à son utilité ni à une
liste de qualités physiques, intellectuelles qui lui permettent d’entrer en relation. Mais ce n’est pas là une
conviction particulière aux chrétiens ; ces mêmes principes fondent la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme ainsi que la déontologie médicale. Les uns et les autres, nous attestons une fraternité en
humanité qui demeure, y compris en fin de vie, lorsqu’une personne est entièrement remise entre les mains
d’autrui.
Entendre et situer les souffrances
La demande actuelle d’un droit de hâter la mort et de bénéficier de l’assistance au suicide se fait entendre à
différents niveaux. Il faut distinguer la demande sociale ou collective et la demande concrète d’une
personne en fin de vie.
Une demande sociale d’en terminer avec la souffrance :
La demande présente dans les
sondages, souvent orchestrée, est une revendication sociale dont l’un des arguments principaux
tient au sentiment d’impuissance et de révolte devant les douleurs mal soulagées de certaines
fins de vie. Les concepts d’euthanasie ou d’assistance au suicide servent à exprimer le geste
d’abréger volontairement et directement la vie quand celle-ci est jugée intolérable ou inutile. La
question de la fin de vie devient le révélateur d’une société qui n’arrive plus à se situer devant la
souffrance.
La demande d’un sujet ou de son entourage : Beaucoup de personnes en fin de vie affirment
que leurs souffrances ne sont pas contrôlées, qu’elles ne participent pas aux décisions médicales
qui les concernent et se sentent ainsi abandonnées. La supplication d’en finir est alors celle d’une
personne singulière à un moment donné de son histoire où elle se prononce sur une qualité de vie et
sur le sens d’une existence.
Cette révolte devant la douleur de la personne en fin de vie, concerne aussi le groupe qui accompagne
l’agonisant. Il suffit d’écouter ceux qui accompagnent des personnes très proches dans leur agonie pour
percevoir l’intensité douloureuse du partage émotionnel, de l’affrontement au délabrement corporel et à la
demande affective, parfois importante, du mourant. La souffrance en jeu dans les demandes d’euthanasie
n’est donc pas seulement la douleur du mourant. Elle doit être resituée dans un jeu de relations où le sujet
en fin de vie affecte ceux qui l’entourent.
Quelles que puissent être les évolutions législatives, aucune loi ne pourra lever nos appréhensions devant la
mort ou instituer des rites sociaux pour affronter le deuil. Elle ne viendra pas apaiser notre angoisse
devant la solitude ou nous dire comment maintenir les liens avec ceux qui sont en fin de vie. Elle ne pourra
pas davantage supprimer nos souffrances lors de la maladie ou la perte d’un être cher.
Peser les arguments présents dans le débat
Dans les arguments exprimés en faveur de l’euthanasie ou de l’assistance au suicide revient fréquemment
le suivant : si la société s’autorise à prolonger la vie grâce aux interventions d’une médecine de pointe,
pourquoi n’aurait-elle pas le pouvoir de hâter la mort ? On considère alors que le geste technique de hâter
la mort serait le mode inversé de la culture et de la logique de l’acharnement thérapeutique qui révèle
une médecine incapable de reconnaître la mort comme inhérente à la vie humaine.
4
Les objectifs de la médecine : Il convient de s’entendre sur les objectifs de la médecine au
sein de la société. Si on envisageait de hâter la mort d’un patient en fin de vie, ce serait un
professionnel de santé qui poserait le geste et en porterait la responsabilité. Son geste ne serait
pas privé mais public, au sein d’une société qui délimiterait le consentement éclairé du patient et
la déontologie du corps médical. En demandant à la loi d’autoriser l’euthanasie ou l’assistance au
suicide, on demanderait à la collectivité d’acquiescer à la mort de la personne en fin de vie et de
conférer aux soignants le pouvoir de donner la mort. Cela n’est pas neutre.
Un respect de la conscience et de la liberté : Un autre argument en faveur de l’euthanasie
présente celle-ci comme relevant de la liberté et de l’autonomie d’une personne qui fait son choix
en toute lucidité, et hors de toute influence. Cette décision se réclame d’une conscience éclairée
qui s’opposerait aux vieux tabous judéo-chrétiens du refus de l’euthanasie. Nous sommes en
droit de nous interroger pour savoir si, dans les circonstances données, la conscience n’est pas
émoussée par la souffrance. Car, bien souvent, la demande d’un patient d’en finir avec la vie
intervient dans le contexte d’une douleur estimée insupportable. Il arrive aussi qu’elle soit
suscitée par le refus d’une dégradation corporelle ressentie comme une perte de dignité. Les
proches eux- mêmes sont épuisés, en ces fins de vie qui s’éternisent parfois en raison des progrès
médicaux : ils peinent à endurer jusqu’au bout la souffrance de ceux qu’ils aiment. Si la loi
laissait apparaître l’euthanasie et l’assistance au suicide comme une possibilité d’épargner à la
famille la charge de leur proche, elle renforcerait chez cette personne le sentiment de rejet social et
le désir de mourir, affectant ainsi sa liberté.
Un respect de la dignité : L’argument le plus employé pour revendiquer la légalisation de
l’euthanasie et de l’assistance médicale au suicide est celui du respect de la dignité humaine. Les
associations qui militent pour cela depuis une quarantaine d’années, disent le faire au nom d’une «
mort digne » alors que les initiateurs des soins palliatifs revendiquent aussi le respect de la dignité
de la personne en fin de vie. C’est dire que si tous sont d’accord pour reconnaître que toute
personne humaine mérite le respect, la façon de l’honorer est plurielle dans le cas des
grands souffrants en fin de vie. Deux normes de comportements opposées pourraient ainsi être
légitimées dans notre société pluraliste au nom du respect de la dignité de la personne : l’euthanasie
et les soins palliatifs. On comprend donc que la dignité humaine ne signifie pas la même chose
pour tous.
Or, pour nous, chrétiens, en celui qui n’a pas encore accédé au langage ou celui qui l’a perdu, en celui
dont la liberté est entravée ou diminuée par une cause psychique ou physiologique, tout homme est invité à
reconnaître malgré tout un frère en humanité qui doit être respecté sans condition.
En conclusion : le devoir d’accompagner les plus vulnérables
Respecter l’être le plus vulnérable, ne pas faire peser sur lui un sentiment de culpabilité d’être encore-là
malgré le prix des soins, se rendre présent à l’autre abandonné, se vouloir frère en humanité, faire tout
pour soulager les souffrances de la fin de vie, telles sont des attitudes qui appartiennent à notre
tradition et qui nous amènent à pousser plus loin le questionnement sur la solution que représenterait
l’assistance au suicide. L’expérience des soins palliatifs est éclairante. Par-delà le contrôle de la douleur,
ils remettent au sein d’un réseau de véritable compassion la personne qui vivait l’abandon ou l’humiliation
de sa condition et permettent à la vie de mûrir quand la fin se fait toute proche. L’expérience du mourir
se trouve ainsi intégrée comme moment sensé de l’existence qui demeure inscrite jusqu’au bout dans un
lien social, en solidarité avec des compagnons d’humanité. Légiférer sur la fin de vie nécessite de
sauvegarder cette ambition politique de solidarité.
5
Audition de Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes
1er octobre 2014, par les députés Jean Leonetti et Alain Claeys, (extraits)
En commençant, je tiens à rendre hommage à tous ceux et toutes celles qui accompagnent leurs frères et
sœurs en humanité, fragilisés et en fin de vie, de telle sorte qu’ils soient « dans le confort ». Les
situations qu’ils rencontrent les tiennent de façon modeste face et avec ces personnes en fin de vie.
L’accompagnement qu’ils réussissent à mener en équipe les renforce dans leur conviction que leur tâche
est belle et qu’il vaut la peine qu’elle soit davantage connue et reconnue.
A –Trois considérations générales
1 - Choisir entre violence et douceur : face à l’être humain, l’humanité a progressivement laissé
émerger une attitude qui s’exprime par « tu ne tueras pas ». Celle-ci est présente dans le serment
d’Hippocrate.
De quel guide ont besoin les techniques médicales pour que la relation aux personnes en fin de vie ne
devienne pas un propagateur silencieux de violence et de peur dans notre société ?
« Tu ne tueras pas » est un interdit fondateur (Levinas). Il indique la ligne en dessous de laquelle la dignité
humaine est toujours violée, et la fraternité inhérente à la condition humaine, blessée
Devant la fragilité de l’être humain, l’humanité s’est forgé une autre attitude qui s’exprime par « tu
aimeras ». Cette attitude est la réponse positive à l’interdit du meurtre. Aimer est ici une attitude qui tout
à la fois respecte, aide, accompagne et protège la personne vulnérable. Cette attitude génère douceur et
sérénité. Elle est un impératif en toute conscience humaine, car tous, nous qui sommes des « êtres en
relation », nous ne vivons bien qu’en étant personnellement aimés, jusqu’au bout.
Aimer avec justesse n’est possible que par la qualité du regard porté par une personne sur la personne
fragile.
Cette qualité du regard sur la personne se traduit dans l’art médical de l’accompagnement des personnes
en fin de vie. Un tel art engendre de la douceur dans notre société.
2 - Le déni ou la relation juste : toute fragilité, et celle de notre condition mortelle en particulier,
provoque d’abord le déni pour éviter de la regarder en face. Quand cette fragilité est posée devant nous
parce que nous sommes face à la personne en fin de vie, celle-ci nous révèle notre propre fragilité et
nous sommes tentés de l’esquiver.
Cependant, ce déni empêche d’écouter la personne en situation de fragilité, de la voir en vérité comme
une personne, de poser sur elle un regard qui la respecte, qui prend du temps, et qui la comprend grâce à ce
qu’elle exprime ou voudrait exprimer.
C’est pourquoi l’enseignement de l’attitude soignante adéquate pour le bien d’une personne en fin de
vie est essentiel. Le savoir-faire, qui est aussi un savoir-être, est la condition nécessaire pour ne pas
demeurer dans le déni qui engendre violence, alors que l’attitude juste est source de douceur et de paix.
L’enseignement de la médecine palliative est donc indispensable.
3 - Faire émerger une culture palliative : il s’agit de promouvoir une culture du prendre soin global
de la personne afin de prendre en compte toutes les dimensions de la personne, y compris religieuse.
Une telle culture est génératrice de paix et de douceur…
o
o
o
o
o
Nous avons tous besoin d’apprendre que le juste soin existe.
Nous avons tous besoin d’apprendre à résister à la tyrannie de l’émotionnel et à la pression sociale en
en comprenant les ressorts non-dits qui sont souvent ceux de l’ignorance.
Nous avons tous besoin d’apprendre que la mort « naturelle » est le dernier instant normal de vie sur
notre terre, qui survient parce que l’organisme humain est parvenu au bout de son chemin, sans
obstination déraisonnable, ni précipitation délibérée du décès.
Nous avons tous besoin d’apprendre qu’il n’y a pas de « mort sociale ». Par cette expression, on
prétend qu’il existe, à côté de la mort cérébrale, une autre forme de mort quand la personne est
tellement diminuée qu’elle ne peut plus participer à la vie sociale.
Nous avons tous besoin d’apprendre ce qui se cache derrière les demandes de « bonne mort »,
souvent identifiée avec la liberté d’en finir.
6
o
o
Nous avons tous besoin d’apprendre à attendre la mort, à respecter le temps encore à vivre, à ne pas
être désarmé face à l’imminence de la mort. Apprendre à ne pas voler ce temps parce qu’il n’est pas
stérile et qu’il est parfois une étape décisive dans une vie d’homme ou de femme. Apprendre
aussi l’accompagnement de la famille ou des proches pendant ce temps qui leur est douloureux, et
qui peut susciter chez eux de l’impatience devant cette durée jugée inutile et génératrice d’angoisse.
Nous avons tous besoin d’apprendre que l’utilitarisme n’appartient pas à la grammaire du respect de la
personne fragile. Le désir de supprimer le temps de la fin de la vie est souvent l’indice que la valeur
utile de la personne est considérée, et non la personne elle-même.
B –Trois points particuliers
1 – L’intention au cœur des soins palliatifs : L’euthanasie, qui est toujours un acte de mort, est une
transgression lourde. Elle ne laisse pas la conscience indemne, même si on peut finir par « s’habituer »
à un tel geste lorsque le législateur « protège » par des procédures cette transgression de l’acte de soin.
Elle brise la confiance dans la relation de soin, confiance qui est essentielle à la paix d’une société.
Le débat n’oppose pas les partisans des soins palliatifs et ceux de l’euthanasie. Il sépare ceux qui
considèrent que l’euthanasie « complète » les soins palliatifs et ceux qui estiment au contraire, qu’elle
les contredit et les ruine de l’intérieur puisqu’elle devient une « option » parmi d’autres, proposée «
légalement ».
Au cœur des soins palliatifs, il y a l’intention clairement et collégialement délibérée de soulager toute
douleur, et de prendre les moyens appropriés pour y arriver. L’intention, pour être sincère, doit donc
s’accompagner de l’acquisition de compétences dans les moyens mis en œuvre. Une telle intention du
personnel soignant suffit pour agir de telle sorte que la personne en fin de vie ne souffre pas et vive le
temps qu’elle a à vivre jusqu’à son décès.
L’intention pour un juste accompagnement demeure la volonté de soulager la douleur même si la
conséquence est connue – affaiblissement de l’organisme qui ira plus rapidement au terme de sa vie
sous l’effet de la maladie – mais non voulue. On ne peut donc pas parler d’euthanasie lorsque le décès
survient après l’administration de thérapeutiques dont l’intention droite était le soulagement de la douleur.
Il s’agît alors d’une « sédation en phase terminale » et non d’une « sédation terminale ».
Promouvoir la culture palliative dans notre société et interdire l’euthanasie, c’est promouvoir une certaine
conception de l’éthique digne de l’homme, et de la fraternité qui nous relie les uns aux autres, c’est
traduire les valeurs d’une société qui est guidée par une éthique de la vulnérabilité et de la solidarité,
sans laquelle il ne peut y avoir d’éthique de l’autonomie, car nous sommes reliés par la fraternité. C’est
contribuer à une culture du prendre soin global de la personne, culture de paix et de douceur.
2 - La question des directives anticipées : selon la loi actuelle, « les directives anticipées indiquent les
souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de
traitement. » Le corps médical doit simplement « en tenir compte ».
Par respect pour la personne soignée et accompagnée, il est envisagé de les rendre plus
contraignantes. Cela est juste. Mais de quelle manière ? Pour élaborer la juste pratique juridique, il faut
certainement tenir compte :
o
du droit du patient à être pleinement éclairé,
o
du respect de sa volonté quand elle est exprimée,
o
de sa liberté à changer d’avis quand il le souhaite,
o
et de pouvoir le faire facilement sans en être entravé par la difficulté de la procédure.
Mais il est nécessaire aussi de considérer la personne soignante et le respect de sa compétence et de sa
conscience.
3 - L’assistance médicale au suicide peut-elle être considérée comme un droit ? L’euthanasie n’est
pas un geste de soin, mais un échec de l’accompagnement médical. Il en est de même pour l’assistance
médicale au suicide : il transforme la fraternité, grâce à laquelle on accompagne dans la vie, en une
solidarité pour la mort. Réclamer le suicide assisté, c’est engager l’autre dans une décision mortelle
pour soi-même. C’est en définitive engendrer de la violence.
La légalisation de l’assistance médicale au suicide serait un échec du législateur qui enverrait un message
extrêmement troublant sur la valeur éthique de la vie humaine.
La culture palliative, qui a besoin de moyens, fait émerger d’autres choix plus heureux tant pour la
personne que pour la société, car ils sont générateurs de paix et de douceur pour tous.
7
Échos
Dimanche
De la Santé
2015
Jeudi 28 Mai 2015
à ST JULIEN de CONCELLES
Pour tous les acteurs de la santé
de 9 h 15 à 17 h00
Je m’appelle José, je travaille à temps plein à l’Hôtel Dieu
en tant qu’aide soignante. Je suis souvent confrontée à la
fragilité en tant que référente en soins palliatifs au sein de
mon service. Dans les derniers instants de la vie…la vie est
là ! Souvent le malade doit prouver aux soignants, à son
entourage familial qu’il est encore là. Une fois la porte
fermée le soir, le malade se retrouve seul avec sa perte
d’autonomie, son angoisse, ses larmes…il puise encore des
forces pour vivre son extrême fragilité… Alors un regard,
un sourire un geste de compréhension qui accompagne,
aident à porter ces instants.
Dans la fragilité le malade porte encore plus d’attention à
tout ce qui l’entoure…et il veut protéger sa famille, il porte
une attention particulière au personnel soignant allant
jusqu’à s’intéresser à notre vie personnelle…
Pour les soignants, les considérer dans tous les petits détails
de la vie quotidienne comme toujours vivants c’est donner
de la valeur à cette vie.
La fragilité, je l’accompagne aussi au sein d’associations
qui accueillent les enfants du monde entier pour être
soignés en France. Ils arrivent sans leurs parents dans des
familles qu’ils ne connaissent pas et qui ne parle pas leur
langue maternelle. Chaque enfant arrive faible, très fragile.
Dès leur arrivée, leur regard me donne des messages de
confiance.
Face à tout cela j’ai appris beaucoup de choses en tant que
référente culturelle (je suis malgache), figure maternelle,
confidente et complice. Je suis en même temps là pour
simplifier la relation et la communication entre les
soignants et les familles qui les entourent ici et celles qui
sont restés dans le pays d’origine.
Je me sens très petite, fragile face à cette force
psychologique que les enfants savent déployer en toute
simplicité. Comme les adultes, ils nous donnent des leçons,
ils nous transmettent un message qu’il nous faut saisir.
« Nous sommes fragiles et vivants ».
Paroisse Bienheureux Marcel Callo - Nantes
L’équipe, point d’appui majeur
Intervenante
Sr Élisabeth DIDIER
Médecin
Sœur de Ste Ursule
Fin de vie : Les diocèses se mobilisent
À l’invitation de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de
Rennes, Dol et Saint-Malo, président du Groupe de
travail de la Conférence des évêques de France sur la
fin de vie, des correspondants diocésains « fin de vie »
ont été désignés. 85 personnes ont participé, samedi 7
février, à une journée de formation sur l’ensemble des
sujets en débat pour modifier la future loi Leonetti/
Claeys.
Dans l’esprit de « dialogue qui est la manière d’être de
l’Église », a précisé Mgr d’Ornellas, quatre exposés
furent suivis de débats avec les 85 participants
(médecins, infirmier(e)s, aumôniers d’hôpitaux,
visiteurs bénévoles…), venus de 68 diocèses. Le Dr
Jean-François Richard, chef de service à la Maison
Jeanne Garnier, à Paris, a dressé un état des lieux sur le
développement de la médecine et de la culture
palliatives, la formation des professionnels de santé et
l’information des citoyens. Le Pr Jacques Ricot, agrégé
en philosophie, a plaidé pour l’alliance de la liberté et
de l’autodétermination avec la solidarité et la fraternité.
Le Dr Marie-Sylvie Richard, chef de service à Jeanne
Garnier, xavière, a aidé à discerner les frontières entre
sédation temporaire et sédation définitive. Enfin le Pr
Jean-Michel Boles, chef du service de réanimation au
CHRU de Brest, a expliqué comment mieux organiser
le recueil et la prise en compte des directives anticipées.
http://www.findevie.catholique.ddr
8
ANNEXE
Document proposé par le Département santé, janvier 2014
Quelques définitions :
L’euthanasie consiste à administrer un produit létal à un malade incurable. Dans tous les cas, il s’agit d’un
moyen utilisé pour « faire mourir » le malade. (Vincent Leclercq)
Euthanasie : étymologiquement le terme signifie « bonne mort ». Actuellement le mot ne désigne plus les
qualités de la mort (douce, bonne) mais l’acte qui consiste à mettre fin délibérément et instantanément à la
vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable. L’euthanasie est assimilée à un homicide et
expose aux poursuites prévues par le code pénal. Trois pays ont dépénalisé l’euthanasie, la Belgique, le
Luxembourg et les Pays-Bas.
Le mot « euthanasie » désigne donc l’euthanasie active. Le « laisser mourir » et le fiat de « débrancher » un
patient en réanimation, que l’on qualifie parfois d’ « euthanasie passive », ne sont pas considérés comme en
faisant partie. (Marie de Hennezel)
Le refus de l’obstination déraisonnable, autrefois qualifié « d’euthanasie passive », puis de refus de
l’acharnement thérapeutique,, est l’attitude qui consiste à ne pas entreprendre ou poursuivre des actes
médicaux « lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien
artificiel de la vie ». Cette notion permet, par exemple, de débrancher un respirateur artificiel. Il s’agit non
plus de « faire mourir », mais de « laisser mourir ». (Vincent Leclercq)
Le suicide médicalement assisté est l’acte consistant, pour un malade, à mettre fin à ses jours avec l’aide
d’un médecin, qui lui fournit les moyens de le faire. C’est ce que demande Chantal Sébire. (Vincent
Leclercq)
Suicide assisté : Contrairement à l’euthanasie où un personne tierce réalise le geste qui conduit à la mort,
dans le suicide assisté c’est le patient lui-même qui s’auto administre la potion mortelle fournie par un tiers.
En France, le suicide assisté n’est pas puni, mais l’incitation au suicide et la non-assistance à personne en
danger peuvent entraîner des poursuites.
Le suicide médicalement assisté est légal en Suisse (où il est réalisé par des associations comme Exit ou
Dignitas) et dans quelques Etats américains (l’Oregon, l’Etat de Washington et le Montana), mais les
associations qui le promeuvent sont interdites. (Marie de Hennezel)
La sédation est un sommeil artificiel induit par un médicament hypnotique. Cette méthode est utilisée en
dernier recours en soins palliatifs, lorsque le malade présente des douleurs rebelles à tout antalgique et/ou
une angoisse envahissante, ou lorsqu’il est épuisé. Elle n’abrège pas la vie du patient. (Vincent Leclercq)
Sédation terminale : La sédation est un procédé médicamenteux par lequel un patient est endormi, plongé
dans un coma artificiel, pour être soulagé de douleurs physiques réfractaires ou d’une souffrance psychique
intolérable. Il existe des sédations légères et courtes (appelées le « stop et encore »), fréquemment utilisées
en réanimation ou en soins palliatifs, et des sédations profondes quand on plonge le patient en phase
terminale d’une maladie dans l’inconscience jusqu’à sa mort. Selon le dosage, le patient peut mourir
rapidement ou au contraire dormir très longtemps.
La loi Leonetti permet cette sédation terminale sous certaines conditions et après décision collégiale. .
(Marie de Hennezel).
9

Documents pareils