BULLETIN DE LIAISON N°59 PASTORALE SANTÉ DIOCÈSE DE
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BULLETIN DE LIAISON N°59 PASTORALE SANTÉ DIOCÈSE DE
BULLETIN DE LIAISON N°59 l Avril 2015 PASTORALE SANTÉ DIOCÈSE DE NANTES Service Évangélique des Malades et personnes âgées Sommaire Page 1 : Editorial Enjeux du débat actuel sur la fin de vie. Pages 2-3-4-5 : Notre regard sur la fin de vie, Conférence des Évêques de France (Extraits) Page 6-7 : Audition Mgr d’Ornellas au Parlement (Extraits) Page 8: La page du diocèse de … Le bulletin est rédigé avec l’équipe de la Province de Rennes par Mireille Godin-Caillon et Marie-Annick Decrop Service Formation Pastorale Santé du Diocèse de Nantes Contact: [email protected] Editeurs : Service Pastorale Santé du diocèse de Nantes 7, rue Cardinal Richard 44322 Nantes Cedex 3 Service SEM44 Diocèse de Nantes 7 rue Cardinal Richard 44322 Nantes Cedex 3 Mail : [email protected] 06.63.27.95.80 Abonnement : 6,00Euros/an 3 numéros Chèque à l’ordre de : « Pastorale Santé diocèse de Nantes » Pas de chèque Paroisse ÉDITORIAL Réjouissons- nous ! Oui, soyons heureux que l’Eglise ait toute sa place dans le débat de société sur la fin de vie et la question de l’euthanasie. Elle est aujourd’hui reconnue comme « experte en humanité », dans son souci du respect et de la promotion de la dignité de l’homme et des valeurs morales fondamentales et inaliénables. Elle joue pleinement son rôle de « veilleur et d’éveilleur », en dialogue et en partenariat avec les autres confessions et la société civile. Ainsi, sur ces difficiles questions, quand souvent les débats sont brouillés par la charge émotionnelle et affective liée à ces situations humaines toujours dramatiques, par des considérations de politique politicienne, et même par des contingences d’ordre économique, la parole de l’Eglise, est et demeure « parole de vie » offerte à tout homme de bonne volonté (cf. en p.2 Notre relation avec le monde. Pape François). Notre devoir d’hommes et de chrétiens est d’éclairer nos consciences sur ces questions, pour pouvoir, ensuite, à la mesure de nos moyens, et là où nous sommes, être témoins de l’espérance qui nous fait vivre. Puisse ce numéro nous y aider, dans la joie de la nouvelle évangélisation. J-M Audureau, diacre permanent, Pastorale Santé Rennes Cette année encore le dimanche de la Santé 2015 ayant pour thème « vivants et fragiles », a permis aux différents acteurs de la santé : bénévoles, professionnels, associations, aidants, malades…de donner leurs témoignages lors des célébrations dominicales du 8 février 2015. Vous trouverez en dernière page l’engagement professionnel d’une aide-soignante qui travaille au CHU de Nantes. La loi Leonetti-Claeys continue de susciter bon nombre d’interrogation chez beaucoup d’entre nous. Les enjeux de cette réflexion sur la fin de vie sont tellement importants que le bureau diocésain souhaite collaborer et participer à cette démarche, à travers la mise en place d’un groupe de travail diocésain élargi à des professionnels de la santé. A suivre… Joyeuses fêtes de Pâques à tous ! Régine 1 Les enjeux du débat actuel sur la fin de vie Notre relation avec le monde Il est juste de se poser avant tout la question de l’esprit (ou de l’Esprit) qui doit présider au dialogue des chrétiens avec le monde. De ce fondement de notre participation au débat social dépendra que notre parole sera entendue, accueillie, ou non. Le PAPE FRANÇOIS nous éclaire sur ce point : La joie de l’Evangile, N°271 : Il est vrai que, dans notre relation avec le monde, nous sommes invités à rendre compte de notre espérance, mais non pas comme des ennemis qui montrent du doigt et condamnent. Nous sommes prévenus de manière très évidente : « Que ce soit avec douceur et respect » (1P 3,16), et « en paix avec tous si possible, autant qu’il dépend de vous » (Rm 12,18). Nous sommes aussi appelés à essayer de vaincre le « mal par le bien » (Rm 12, 21), sans nous lasser de « faire le bien » (Ga 6, 9) et sans prétendre être supérieurs, mais considérant plutôt « les autres supérieurs à soi » (Ph 2, 3) /…/ Ce n’est ni l’opinion d’un Pape, ni une option pastorale parmi d’autres possibilités ; ce sont des indications de la Parole de Dieu, aussi claires, directes et indiscutables qu’elles n’ont pas besoin d’interprétations qui leur enlèveraient leur force d’interpellation /…/ Ainsi, nous ferons l’expérience de la joie missionnaire de partager la vie avec le peuple fidèle à Dieu, en essayant d’allumer le feu au cœur du monde. N°272 : L’amour pour les gens est une force spirituelle qui permet la rencontre totale avec Dieu, à tel point que celui qui n’aime pas son frère « marche dans les ténèbres » (1 Jn 2, 11), « demeure dans la mort » (1 Jn 3, 14) et « n’a pas connu Dieu (1 Jn 4, 8). C’est bien dans cet esprit évangélique que sont intervenus, en janvier 2014, le Département santé de la Conférence des Evêques de France, qui a produit un « kit pédagogique » et Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, président du Conseil Famille et Société, dans un document intitulé « Notre regard sur la fin de vie », ainsi que Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, auditionné le 1er octobre 2014, à l’Assemblée nationale, par les députés Jean Leonetti et Alain Claeys, pour ne citer que les sources présentées dans ce bulletin. Notre regard sur la fin de vie (extraits) Conseil Famille et Société La question de l’euthanasie revient avec une certaine régularité dans le débat public. Nous y sommes tous sensibles parce que concernés à un moment ou un autre de notre existence, mais plus particulièrement les soignants, les proches des personnes en fin de vie et celles et ceux qui sont engagés dans la pastorale de la Santé, dans les Aumôneries des hôpitaux ou dans la pastorale des personnes handicapées. Accompagner des personnes en fin de vie et leurs proches, est une expérience qui fait naître beaucoup de questions. Dans des situations concrètes de grande souffrance, la position de l’Eglise catholique, qui refuse l’euthanasie et l’assistance au suicide, demande à être fondée et éclairée pour être reçue et expliquée à d’autres. La loi du 22 avril 2005, dite « loi Leonetti », venait encadrer la fin de vie et les droits du malade. 2 Les grands principes de la loi Leonetti peuvent être résumés de la façon suivante : 1. 2. 3. 4. 5. Demeure l'interdit fondamental de donner délibérément la mort. Elle énonce l'interdiction de l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire l'obstination déraisonnable (L. 1110-5 CSP alinéa 2) d’administrer des actes « inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. » Le respect de la volonté du patient s'il est en état d'exprimer sa volonté doit être respectée pour apprécier le caractère « déraisonnable » de certains actes médicaux. Sinon, c'est le médecin qui prend la décision, après avoir recherché quelle pouvait être la volonté du patient (existence de directives anticipées, consultation de la personne de confiance, de la famille), et avoir respecté une procédure collégiale. La loi fait obligation au médecin de soulager la douleur, de respecter la dignité du patient et d'accompagner ses proches. Quand les traitements curatifs cessent, la loi demande qu’on dispense les soins palliatifs. La protection des différents acteurs est assurée par la traçabilité des procédures suivie. Au-delà des clivages politiques, elle avait été votée à l’unanimité, aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat. Cette loi condamne donc l’obstination déraisonnable, encadre la limitation et l’arrêt des traitements, favorise les soins palliatifs et cherche à mieux prendre en considération la volonté de la personne malade. Elle accepte qu’un traitement destiné à soulager la douleur puisse avoir comme effet secondaire d’abréger la vie du malade, mais elle maintient l’interdiction de tout acte visant directement à provoquer la mort. Reconnaître l’importance et les limites de la loi La question de la fin de vie est complexe et fait apparaître de graves divergences de vues sur le sens de la vie elle-même. Certains considèrent que le médecin respecte la dignité du patient en fin de vie lorsqu’il lui administre une injection létale ; d’autres pensent que le respect de la dignité de la personne passe par la mise en œuvre de soins palliatifs. Dans cette diversité d’approches, se jouent les choix éthiques déchirants entre la responsabilité sociale du corps médical et la demande de la personne en fin de vie. Des divergences profondes apparaissent dans la façon de considérer la personne dans sa dignité et ses droits. Divergences d’autant plus insurmontables que la question de la fin de vie touche l’émotion de chacun devant la souffrance, - la sienne ou celle de l’autre -, face à l’épreuve de la dégradation physique et le sentiment de ne pouvoir rien faire. Une émotion qui vient parfois perturber le jugement éthique. Nous croyons que la foi chrétienne est porteuse d’une vision de l’homme et d’un sens de l’existence qui peuvent être partagés avec d’autres. L’expérience suscitée par la foi contribue à révéler le sens de ce qu’est vivre, souffrir et mourir. Maintenir les relations jusqu’au bout La solitude devant la mort est source d’angoisse. La solitude des mourants est, selon l’expression du sociologue Norbert Elias, un des signes majeurs de la « froideur culturelle occidentale ». Froideur des fins de vie médicalisées où la technicité peut se révéler « sans âme ». Froideur des fins de vie vécues dans l’isolement quand la structure familiale fragilisée et éclatée ne peut plus prendre en charge les malades, les handicapés et les personnes âgées. Notre société individualiste a du mal à imaginer la manière d’être présent dans ces derniers moments de la vie, souvent expulsés de la cité. S’il n’existe pas 3 nécessairement une manière de bien mourir, le vrai respect de la dignité humaine exige de mourir en sachant qu’on demeure relié aux autres. Une partie des demandes d’euthanasie pourrait s’inscrire dans cette peur – qui n’est pas dénuée de fondements – de ne pas demeurer jusqu’au bout relié au monde des vivants. Pour le chrétien, quand bien même la personne serait atteinte d’une maladie ou d’un handicap altérant ses capacités cognitives et relationnelles, il ne serait pas possible de la déclarer « morte socialement ». La foi chrétienne nourrit la conviction que la valeur de la personne n’est pas attachée à son utilité ni à une liste de qualités physiques, intellectuelles qui lui permettent d’entrer en relation. Mais ce n’est pas là une conviction particulière aux chrétiens ; ces mêmes principes fondent la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi que la déontologie médicale. Les uns et les autres, nous attestons une fraternité en humanité qui demeure, y compris en fin de vie, lorsqu’une personne est entièrement remise entre les mains d’autrui. Entendre et situer les souffrances La demande actuelle d’un droit de hâter la mort et de bénéficier de l’assistance au suicide se fait entendre à différents niveaux. Il faut distinguer la demande sociale ou collective et la demande concrète d’une personne en fin de vie. Une demande sociale d’en terminer avec la souffrance : La demande présente dans les sondages, souvent orchestrée, est une revendication sociale dont l’un des arguments principaux tient au sentiment d’impuissance et de révolte devant les douleurs mal soulagées de certaines fins de vie. Les concepts d’euthanasie ou d’assistance au suicide servent à exprimer le geste d’abréger volontairement et directement la vie quand celle-ci est jugée intolérable ou inutile. La question de la fin de vie devient le révélateur d’une société qui n’arrive plus à se situer devant la souffrance. La demande d’un sujet ou de son entourage : Beaucoup de personnes en fin de vie affirment que leurs souffrances ne sont pas contrôlées, qu’elles ne participent pas aux décisions médicales qui les concernent et se sentent ainsi abandonnées. La supplication d’en finir est alors celle d’une personne singulière à un moment donné de son histoire où elle se prononce sur une qualité de vie et sur le sens d’une existence. Cette révolte devant la douleur de la personne en fin de vie, concerne aussi le groupe qui accompagne l’agonisant. Il suffit d’écouter ceux qui accompagnent des personnes très proches dans leur agonie pour percevoir l’intensité douloureuse du partage émotionnel, de l’affrontement au délabrement corporel et à la demande affective, parfois importante, du mourant. La souffrance en jeu dans les demandes d’euthanasie n’est donc pas seulement la douleur du mourant. Elle doit être resituée dans un jeu de relations où le sujet en fin de vie affecte ceux qui l’entourent. Quelles que puissent être les évolutions législatives, aucune loi ne pourra lever nos appréhensions devant la mort ou instituer des rites sociaux pour affronter le deuil. Elle ne viendra pas apaiser notre angoisse devant la solitude ou nous dire comment maintenir les liens avec ceux qui sont en fin de vie. Elle ne pourra pas davantage supprimer nos souffrances lors de la maladie ou la perte d’un être cher. Peser les arguments présents dans le débat Dans les arguments exprimés en faveur de l’euthanasie ou de l’assistance au suicide revient fréquemment le suivant : si la société s’autorise à prolonger la vie grâce aux interventions d’une médecine de pointe, pourquoi n’aurait-elle pas le pouvoir de hâter la mort ? On considère alors que le geste technique de hâter la mort serait le mode inversé de la culture et de la logique de l’acharnement thérapeutique qui révèle une médecine incapable de reconnaître la mort comme inhérente à la vie humaine. 4 Les objectifs de la médecine : Il convient de s’entendre sur les objectifs de la médecine au sein de la société. Si on envisageait de hâter la mort d’un patient en fin de vie, ce serait un professionnel de santé qui poserait le geste et en porterait la responsabilité. Son geste ne serait pas privé mais public, au sein d’une société qui délimiterait le consentement éclairé du patient et la déontologie du corps médical. En demandant à la loi d’autoriser l’euthanasie ou l’assistance au suicide, on demanderait à la collectivité d’acquiescer à la mort de la personne en fin de vie et de conférer aux soignants le pouvoir de donner la mort. Cela n’est pas neutre. Un respect de la conscience et de la liberté : Un autre argument en faveur de l’euthanasie présente celle-ci comme relevant de la liberté et de l’autonomie d’une personne qui fait son choix en toute lucidité, et hors de toute influence. Cette décision se réclame d’une conscience éclairée qui s’opposerait aux vieux tabous judéo-chrétiens du refus de l’euthanasie. Nous sommes en droit de nous interroger pour savoir si, dans les circonstances données, la conscience n’est pas émoussée par la souffrance. Car, bien souvent, la demande d’un patient d’en finir avec la vie intervient dans le contexte d’une douleur estimée insupportable. Il arrive aussi qu’elle soit suscitée par le refus d’une dégradation corporelle ressentie comme une perte de dignité. Les proches eux- mêmes sont épuisés, en ces fins de vie qui s’éternisent parfois en raison des progrès médicaux : ils peinent à endurer jusqu’au bout la souffrance de ceux qu’ils aiment. Si la loi laissait apparaître l’euthanasie et l’assistance au suicide comme une possibilité d’épargner à la famille la charge de leur proche, elle renforcerait chez cette personne le sentiment de rejet social et le désir de mourir, affectant ainsi sa liberté. Un respect de la dignité : L’argument le plus employé pour revendiquer la légalisation de l’euthanasie et de l’assistance médicale au suicide est celui du respect de la dignité humaine. Les associations qui militent pour cela depuis une quarantaine d’années, disent le faire au nom d’une « mort digne » alors que les initiateurs des soins palliatifs revendiquent aussi le respect de la dignité de la personne en fin de vie. C’est dire que si tous sont d’accord pour reconnaître que toute personne humaine mérite le respect, la façon de l’honorer est plurielle dans le cas des grands souffrants en fin de vie. Deux normes de comportements opposées pourraient ainsi être légitimées dans notre société pluraliste au nom du respect de la dignité de la personne : l’euthanasie et les soins palliatifs. On comprend donc que la dignité humaine ne signifie pas la même chose pour tous. Or, pour nous, chrétiens, en celui qui n’a pas encore accédé au langage ou celui qui l’a perdu, en celui dont la liberté est entravée ou diminuée par une cause psychique ou physiologique, tout homme est invité à reconnaître malgré tout un frère en humanité qui doit être respecté sans condition. En conclusion : le devoir d’accompagner les plus vulnérables Respecter l’être le plus vulnérable, ne pas faire peser sur lui un sentiment de culpabilité d’être encore-là malgré le prix des soins, se rendre présent à l’autre abandonné, se vouloir frère en humanité, faire tout pour soulager les souffrances de la fin de vie, telles sont des attitudes qui appartiennent à notre tradition et qui nous amènent à pousser plus loin le questionnement sur la solution que représenterait l’assistance au suicide. L’expérience des soins palliatifs est éclairante. Par-delà le contrôle de la douleur, ils remettent au sein d’un réseau de véritable compassion la personne qui vivait l’abandon ou l’humiliation de sa condition et permettent à la vie de mûrir quand la fin se fait toute proche. L’expérience du mourir se trouve ainsi intégrée comme moment sensé de l’existence qui demeure inscrite jusqu’au bout dans un lien social, en solidarité avec des compagnons d’humanité. Légiférer sur la fin de vie nécessite de sauvegarder cette ambition politique de solidarité. 5 Audition de Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes 1er octobre 2014, par les députés Jean Leonetti et Alain Claeys, (extraits) En commençant, je tiens à rendre hommage à tous ceux et toutes celles qui accompagnent leurs frères et sœurs en humanité, fragilisés et en fin de vie, de telle sorte qu’ils soient « dans le confort ». Les situations qu’ils rencontrent les tiennent de façon modeste face et avec ces personnes en fin de vie. L’accompagnement qu’ils réussissent à mener en équipe les renforce dans leur conviction que leur tâche est belle et qu’il vaut la peine qu’elle soit davantage connue et reconnue. A –Trois considérations générales 1 - Choisir entre violence et douceur : face à l’être humain, l’humanité a progressivement laissé émerger une attitude qui s’exprime par « tu ne tueras pas ». Celle-ci est présente dans le serment d’Hippocrate. De quel guide ont besoin les techniques médicales pour que la relation aux personnes en fin de vie ne devienne pas un propagateur silencieux de violence et de peur dans notre société ? « Tu ne tueras pas » est un interdit fondateur (Levinas). Il indique la ligne en dessous de laquelle la dignité humaine est toujours violée, et la fraternité inhérente à la condition humaine, blessée Devant la fragilité de l’être humain, l’humanité s’est forgé une autre attitude qui s’exprime par « tu aimeras ». Cette attitude est la réponse positive à l’interdit du meurtre. Aimer est ici une attitude qui tout à la fois respecte, aide, accompagne et protège la personne vulnérable. Cette attitude génère douceur et sérénité. Elle est un impératif en toute conscience humaine, car tous, nous qui sommes des « êtres en relation », nous ne vivons bien qu’en étant personnellement aimés, jusqu’au bout. Aimer avec justesse n’est possible que par la qualité du regard porté par une personne sur la personne fragile. Cette qualité du regard sur la personne se traduit dans l’art médical de l’accompagnement des personnes en fin de vie. Un tel art engendre de la douceur dans notre société. 2 - Le déni ou la relation juste : toute fragilité, et celle de notre condition mortelle en particulier, provoque d’abord le déni pour éviter de la regarder en face. Quand cette fragilité est posée devant nous parce que nous sommes face à la personne en fin de vie, celle-ci nous révèle notre propre fragilité et nous sommes tentés de l’esquiver. Cependant, ce déni empêche d’écouter la personne en situation de fragilité, de la voir en vérité comme une personne, de poser sur elle un regard qui la respecte, qui prend du temps, et qui la comprend grâce à ce qu’elle exprime ou voudrait exprimer. C’est pourquoi l’enseignement de l’attitude soignante adéquate pour le bien d’une personne en fin de vie est essentiel. Le savoir-faire, qui est aussi un savoir-être, est la condition nécessaire pour ne pas demeurer dans le déni qui engendre violence, alors que l’attitude juste est source de douceur et de paix. L’enseignement de la médecine palliative est donc indispensable. 3 - Faire émerger une culture palliative : il s’agit de promouvoir une culture du prendre soin global de la personne afin de prendre en compte toutes les dimensions de la personne, y compris religieuse. Une telle culture est génératrice de paix et de douceur… o o o o o Nous avons tous besoin d’apprendre que le juste soin existe. Nous avons tous besoin d’apprendre à résister à la tyrannie de l’émotionnel et à la pression sociale en en comprenant les ressorts non-dits qui sont souvent ceux de l’ignorance. Nous avons tous besoin d’apprendre que la mort « naturelle » est le dernier instant normal de vie sur notre terre, qui survient parce que l’organisme humain est parvenu au bout de son chemin, sans obstination déraisonnable, ni précipitation délibérée du décès. Nous avons tous besoin d’apprendre qu’il n’y a pas de « mort sociale ». Par cette expression, on prétend qu’il existe, à côté de la mort cérébrale, une autre forme de mort quand la personne est tellement diminuée qu’elle ne peut plus participer à la vie sociale. Nous avons tous besoin d’apprendre ce qui se cache derrière les demandes de « bonne mort », souvent identifiée avec la liberté d’en finir. 6 o o Nous avons tous besoin d’apprendre à attendre la mort, à respecter le temps encore à vivre, à ne pas être désarmé face à l’imminence de la mort. Apprendre à ne pas voler ce temps parce qu’il n’est pas stérile et qu’il est parfois une étape décisive dans une vie d’homme ou de femme. Apprendre aussi l’accompagnement de la famille ou des proches pendant ce temps qui leur est douloureux, et qui peut susciter chez eux de l’impatience devant cette durée jugée inutile et génératrice d’angoisse. Nous avons tous besoin d’apprendre que l’utilitarisme n’appartient pas à la grammaire du respect de la personne fragile. Le désir de supprimer le temps de la fin de la vie est souvent l’indice que la valeur utile de la personne est considérée, et non la personne elle-même. B –Trois points particuliers 1 – L’intention au cœur des soins palliatifs : L’euthanasie, qui est toujours un acte de mort, est une transgression lourde. Elle ne laisse pas la conscience indemne, même si on peut finir par « s’habituer » à un tel geste lorsque le législateur « protège » par des procédures cette transgression de l’acte de soin. Elle brise la confiance dans la relation de soin, confiance qui est essentielle à la paix d’une société. Le débat n’oppose pas les partisans des soins palliatifs et ceux de l’euthanasie. Il sépare ceux qui considèrent que l’euthanasie « complète » les soins palliatifs et ceux qui estiment au contraire, qu’elle les contredit et les ruine de l’intérieur puisqu’elle devient une « option » parmi d’autres, proposée « légalement ». Au cœur des soins palliatifs, il y a l’intention clairement et collégialement délibérée de soulager toute douleur, et de prendre les moyens appropriés pour y arriver. L’intention, pour être sincère, doit donc s’accompagner de l’acquisition de compétences dans les moyens mis en œuvre. Une telle intention du personnel soignant suffit pour agir de telle sorte que la personne en fin de vie ne souffre pas et vive le temps qu’elle a à vivre jusqu’à son décès. L’intention pour un juste accompagnement demeure la volonté de soulager la douleur même si la conséquence est connue – affaiblissement de l’organisme qui ira plus rapidement au terme de sa vie sous l’effet de la maladie – mais non voulue. On ne peut donc pas parler d’euthanasie lorsque le décès survient après l’administration de thérapeutiques dont l’intention droite était le soulagement de la douleur. Il s’agît alors d’une « sédation en phase terminale » et non d’une « sédation terminale ». Promouvoir la culture palliative dans notre société et interdire l’euthanasie, c’est promouvoir une certaine conception de l’éthique digne de l’homme, et de la fraternité qui nous relie les uns aux autres, c’est traduire les valeurs d’une société qui est guidée par une éthique de la vulnérabilité et de la solidarité, sans laquelle il ne peut y avoir d’éthique de l’autonomie, car nous sommes reliés par la fraternité. C’est contribuer à une culture du prendre soin global de la personne, culture de paix et de douceur. 2 - La question des directives anticipées : selon la loi actuelle, « les directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. » Le corps médical doit simplement « en tenir compte ». Par respect pour la personne soignée et accompagnée, il est envisagé de les rendre plus contraignantes. Cela est juste. Mais de quelle manière ? Pour élaborer la juste pratique juridique, il faut certainement tenir compte : o du droit du patient à être pleinement éclairé, o du respect de sa volonté quand elle est exprimée, o de sa liberté à changer d’avis quand il le souhaite, o et de pouvoir le faire facilement sans en être entravé par la difficulté de la procédure. Mais il est nécessaire aussi de considérer la personne soignante et le respect de sa compétence et de sa conscience. 3 - L’assistance médicale au suicide peut-elle être considérée comme un droit ? L’euthanasie n’est pas un geste de soin, mais un échec de l’accompagnement médical. Il en est de même pour l’assistance médicale au suicide : il transforme la fraternité, grâce à laquelle on accompagne dans la vie, en une solidarité pour la mort. Réclamer le suicide assisté, c’est engager l’autre dans une décision mortelle pour soi-même. C’est en définitive engendrer de la violence. La légalisation de l’assistance médicale au suicide serait un échec du législateur qui enverrait un message extrêmement troublant sur la valeur éthique de la vie humaine. La culture palliative, qui a besoin de moyens, fait émerger d’autres choix plus heureux tant pour la personne que pour la société, car ils sont générateurs de paix et de douceur pour tous. 7 Échos Dimanche De la Santé 2015 Jeudi 28 Mai 2015 à ST JULIEN de CONCELLES Pour tous les acteurs de la santé de 9 h 15 à 17 h00 Je m’appelle José, je travaille à temps plein à l’Hôtel Dieu en tant qu’aide soignante. Je suis souvent confrontée à la fragilité en tant que référente en soins palliatifs au sein de mon service. Dans les derniers instants de la vie…la vie est là ! Souvent le malade doit prouver aux soignants, à son entourage familial qu’il est encore là. Une fois la porte fermée le soir, le malade se retrouve seul avec sa perte d’autonomie, son angoisse, ses larmes…il puise encore des forces pour vivre son extrême fragilité… Alors un regard, un sourire un geste de compréhension qui accompagne, aident à porter ces instants. Dans la fragilité le malade porte encore plus d’attention à tout ce qui l’entoure…et il veut protéger sa famille, il porte une attention particulière au personnel soignant allant jusqu’à s’intéresser à notre vie personnelle… Pour les soignants, les considérer dans tous les petits détails de la vie quotidienne comme toujours vivants c’est donner de la valeur à cette vie. La fragilité, je l’accompagne aussi au sein d’associations qui accueillent les enfants du monde entier pour être soignés en France. Ils arrivent sans leurs parents dans des familles qu’ils ne connaissent pas et qui ne parle pas leur langue maternelle. Chaque enfant arrive faible, très fragile. Dès leur arrivée, leur regard me donne des messages de confiance. Face à tout cela j’ai appris beaucoup de choses en tant que référente culturelle (je suis malgache), figure maternelle, confidente et complice. Je suis en même temps là pour simplifier la relation et la communication entre les soignants et les familles qui les entourent ici et celles qui sont restés dans le pays d’origine. Je me sens très petite, fragile face à cette force psychologique que les enfants savent déployer en toute simplicité. Comme les adultes, ils nous donnent des leçons, ils nous transmettent un message qu’il nous faut saisir. « Nous sommes fragiles et vivants ». Paroisse Bienheureux Marcel Callo - Nantes L’équipe, point d’appui majeur Intervenante Sr Élisabeth DIDIER Médecin Sœur de Ste Ursule Fin de vie : Les diocèses se mobilisent À l’invitation de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo, président du Groupe de travail de la Conférence des évêques de France sur la fin de vie, des correspondants diocésains « fin de vie » ont été désignés. 85 personnes ont participé, samedi 7 février, à une journée de formation sur l’ensemble des sujets en débat pour modifier la future loi Leonetti/ Claeys. Dans l’esprit de « dialogue qui est la manière d’être de l’Église », a précisé Mgr d’Ornellas, quatre exposés furent suivis de débats avec les 85 participants (médecins, infirmier(e)s, aumôniers d’hôpitaux, visiteurs bénévoles…), venus de 68 diocèses. Le Dr Jean-François Richard, chef de service à la Maison Jeanne Garnier, à Paris, a dressé un état des lieux sur le développement de la médecine et de la culture palliatives, la formation des professionnels de santé et l’information des citoyens. Le Pr Jacques Ricot, agrégé en philosophie, a plaidé pour l’alliance de la liberté et de l’autodétermination avec la solidarité et la fraternité. Le Dr Marie-Sylvie Richard, chef de service à Jeanne Garnier, xavière, a aidé à discerner les frontières entre sédation temporaire et sédation définitive. Enfin le Pr Jean-Michel Boles, chef du service de réanimation au CHRU de Brest, a expliqué comment mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées. http://www.findevie.catholique.ddr 8 ANNEXE Document proposé par le Département santé, janvier 2014 Quelques définitions : L’euthanasie consiste à administrer un produit létal à un malade incurable. Dans tous les cas, il s’agit d’un moyen utilisé pour « faire mourir » le malade. (Vincent Leclercq) Euthanasie : étymologiquement le terme signifie « bonne mort ». Actuellement le mot ne désigne plus les qualités de la mort (douce, bonne) mais l’acte qui consiste à mettre fin délibérément et instantanément à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable. L’euthanasie est assimilée à un homicide et expose aux poursuites prévues par le code pénal. Trois pays ont dépénalisé l’euthanasie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Le mot « euthanasie » désigne donc l’euthanasie active. Le « laisser mourir » et le fiat de « débrancher » un patient en réanimation, que l’on qualifie parfois d’ « euthanasie passive », ne sont pas considérés comme en faisant partie. (Marie de Hennezel) Le refus de l’obstination déraisonnable, autrefois qualifié « d’euthanasie passive », puis de refus de l’acharnement thérapeutique,, est l’attitude qui consiste à ne pas entreprendre ou poursuivre des actes médicaux « lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Cette notion permet, par exemple, de débrancher un respirateur artificiel. Il s’agit non plus de « faire mourir », mais de « laisser mourir ». (Vincent Leclercq) Le suicide médicalement assisté est l’acte consistant, pour un malade, à mettre fin à ses jours avec l’aide d’un médecin, qui lui fournit les moyens de le faire. C’est ce que demande Chantal Sébire. (Vincent Leclercq) Suicide assisté : Contrairement à l’euthanasie où un personne tierce réalise le geste qui conduit à la mort, dans le suicide assisté c’est le patient lui-même qui s’auto administre la potion mortelle fournie par un tiers. En France, le suicide assisté n’est pas puni, mais l’incitation au suicide et la non-assistance à personne en danger peuvent entraîner des poursuites. Le suicide médicalement assisté est légal en Suisse (où il est réalisé par des associations comme Exit ou Dignitas) et dans quelques Etats américains (l’Oregon, l’Etat de Washington et le Montana), mais les associations qui le promeuvent sont interdites. (Marie de Hennezel) La sédation est un sommeil artificiel induit par un médicament hypnotique. Cette méthode est utilisée en dernier recours en soins palliatifs, lorsque le malade présente des douleurs rebelles à tout antalgique et/ou une angoisse envahissante, ou lorsqu’il est épuisé. Elle n’abrège pas la vie du patient. (Vincent Leclercq) Sédation terminale : La sédation est un procédé médicamenteux par lequel un patient est endormi, plongé dans un coma artificiel, pour être soulagé de douleurs physiques réfractaires ou d’une souffrance psychique intolérable. Il existe des sédations légères et courtes (appelées le « stop et encore »), fréquemment utilisées en réanimation ou en soins palliatifs, et des sédations profondes quand on plonge le patient en phase terminale d’une maladie dans l’inconscience jusqu’à sa mort. Selon le dosage, le patient peut mourir rapidement ou au contraire dormir très longtemps. La loi Leonetti permet cette sédation terminale sous certaines conditions et après décision collégiale. . (Marie de Hennezel). 9