Vélos, motos, boulot : une formule risquée

Transcription

Vélos, motos, boulot : une formule risquée
actu statistiques
Deux-roues et travail
Vélos, motos, boulot : une formule risquée
L’utilisation des deuxroues demeure une
pratique à hauts
risques. Point sur
l’« accidentabilité »
liée à ces modes de
transport avec Laurent
Baron, responsable
du projet transversal
« risques routiers »
à l’INRS.
Travail & Sécurité. L’utilisation
des deux-roues, motorisés
ou non, représente un risque
non négligeable. Pourtant, un
grand nombre de personnes
les utilisent régulièrement,
pour leurs déplacements professionnels ou leurs trajets
domicile-travail. Quels risques
particuliers encourent-ils ?
■ Laurent Baron, responsable
du projet transversal « risques
routiers » à l’INRS. L’avantage
des deux-roues en milieu
urbain, notamment, est de
permettre de se faufiler dans
une circulation dense. Un avantage très dangereux : il expose
les conducteurs de ces engins
à des risques répétés d’accidents avec des véhicules plus
lourds, ou avec des piétons.
Même si le Code de la route
impose à tous les conducteurs
d’engins de rester maîtres de
leur vitesse et de conserver
le contrôle visuel de tout leur
environnement (art. R. 413-17
et R. 316-1 à 6), tout le monde
connaît les angles morts qui
rendent parfois des cyclistes ou
des cyclomotoristes invisibles,
ou trop tardivement visibles.
Trop souvent, les cyclistes, en
particulier, négligent de respecter certains panneaux ou
feux, voire empruntent des
voies de circulation réservées
aux piétons, aux transports en
commun… Ces infractions les
mettent d’autant plus en situation de danger. Les conducteurs
de deux-roues sont beaucoup
plus exposés directement
aux risques de lésions corporelles en cas d’accident. Les
intempéries rendent également la conduite de ces véhicules beaucoup plus délicate
(adhérence réduite, visibilité
5 %
des conducteurs altérée…).
De nouveaux conducteurs de
deux-roues apparaissent dans
les villes depuis une dizaine
d’années sur les trajets domicile-travail : des quadragénaires
ou plus, avec une expérience
ancienne, ou sans expérience,
du maniement de ces engins.
Surtout depuis que le permis
B permet de conduire des vélomoteurs jusqu’à 125 m3 de
cylindrée… Certaines entreprises, enfin, imposent comme
équipement de travail un
deux-roues, motorisé ou non.
On pense évidemment aux
coursiers ou aux livreurs, mais
ils ne sont pas les seuls : dans la
maintenance, par exemple, le
déplacement rapide peut faire
partie des prestations proposées au client. Certaines administrations, comme la Poste
ou la police, utilisent aussi un
grand nombre de véhicules de
ce type.
30 %
A-t-on des chiffres sur l’« accidentabilité » liée à l’utilisation
dans le cadre professionnel de
ces engins en France ?
Accidents de trajet en 2007 : les chiffres
VUL
(moins de 3,5 t)
100 %
15 %
7 %
80 %
25 %
60 %
3 %
3 %
16 %
16 %
10 %
Travail & Sécurité –
­­ Avril 2009
1 %
5 %
5 %
0 %
39 %
Décès
43 %
Nouvelles
IP
Mission
17 %
26 %
1 %
2 %
1 %
2 %
6 %
3 %
55 %
20 %
20
16 %
21 %
12 %
40 %
Autres,
non précisés
Les deux-roues motorisés
représentent, selon l’Insee,
environ 2 % des déplacements
domicile-travail et génèrent
plus du quart de la sinistralité
de ces trajets.
19 %
2 %
13 %
Bicyclettes
24 %
1 %
Camions
(plus de 3,5 t)
Motos, vélomoteurs,
scooters
23 %
50 %
39 %
Journées
d’IT
Décès
Nouvelles
IP
Trajet
44 %
Journées
d’IT
(Source : CNAMTS. Direction des risques professionnels, sept. 2008).
Voitures
particulières
■ L. B. En 2007 en France,
le nombre total de tués sur
la route s’est élevé à 4 838
(contre 4 942 en 2006), et le
nombre de blessés, à 106 709
(contre 105 980 en 2006). Si
l’on s’intéresse à une répartition plus fine, et en particulier
aux deux-roues, les accidents
impliquant des cyclistes ont
reculé de 21,5 % entre les deux
années ; pour les engins motorisés, en revanche, la tendance
s’inverse. Les accidents impliquant des cyclomoteurs ont
progressé de 2,5 %, et de 7,9 %
pour les motocyclettes ( 1),
entre les deux années. La
comparaison entre la part des
motos dans le trafic et la part
des tués sur la route est assez
effrayante : elles représentent
environ 1 % des véhicules, mais
18 % des accidents mortels !
Un sur-risque qui s’explique
tant par les comportements
des automobilistes (pas de
visibilité…) que par ceux des
motocyclistes (vitesses trop
élevées, pas d’équipements
de protection suffisants…) (2).
En ce qui concerne le travail,
les accidents mortels en relation avec le « risque routier »,
qui ont connu une période de
baisse régulière entre 2003
(194 accidents) et 2006 (111),
ont de nouveau augmenté en
2007 (142). Les accidents de
trajet, qui avaient reculé entre
2002 (plus de 89 000) et 2004
(moins de 79 000), ont connu
également une recrudescence
depuis ( jusqu’à 85 442 en
2007). On constate, là encore,
une « sur-accidentabilité » liée
à l’utilisation des deux-roues,
motorisés ou non (cf. graphique ci-contre).
Quelles actions de prévention
s’avèrent réellement efficaces
face aux risques générés par
l’utilisation des deux-roues
pendant le travail, ou pour se
rendre au travail ?
■ L. B. La prévention la plus
efficace en matière d’utilisation
des deux-roues consisterait à…
les utiliser le moins possible !
Quand cela s’avère impossible,
une formation complémentaire à leur utilisation, comprenant au moins des rappels
de conduite en sécurité, est
fortement conseillée ainsi que
l’utilisation d’équipements
de protection quand ceux-ci
ne sont pas déjà obligatoires. Certaines entreprises ou
administrations (notamment
la Poste et la police nationale)
organisent ce type de formations, y compris pour leurs personnels cyclistes. En décembre
2008, la mairie de Paris a organisé une campagne de sensibili­
sation, intitulée « Changeons
de conduite. Partageons Paris »,
dont deux affiches étaient spécifiquement destinées aux utilisateurs de bicyclettes et de
deux-roues motorisés (3). Des
pistes de prévention existent
également chez des entreprises de service, notamment sur
l’organisation du travail et des
tournées de leurs salariés.
1. Vélomoteur : deux-roues à moteurs
dont la cylindrée n’excède pas 49 cm3.
Cyclomoteur : cylindrée de 50 à 125 cm3.
Motocyclette : cylindrée supérieure à
125 cm3.
2. Données de l’Observatoire national
interministériel de sécurité routière
(consultables sur le site
www.securiteroutiere.gouv.fr/infos-ref/
observatoire/index.html).
3. Entre le 1 janvier et le 31 octobre
2008, les victimes d’accidents de la
circulation à Paris étaient : 1 660 piétons ;
1 416 automobilistes ; 556 cyclistes ;
et 4 272 deux-roues. Cf. www.paris.
fr/portail/deplacements/Portal.
lut?page_id=2.
er
Propos recueillis par
Antoine Bondéelle
Revue mensuelle publiée par
l’Institut national de recherche
et de sécurité (INRS) pour
la prévention des accidents
du travail et des maladies
professionnelles.
30, rue Olivier-Noyer
75680 Paris Cedex 14,
Tél. : 01 40 44 30 00,
Fax : 01 40 44 30 41.
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ISSN 0373-1944.
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Gaël Kerbaol, Serge Morillon,
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Travail & Sécurité ­­– Avril 009
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