Epidémiologie des rhumatismes de l`enfant et de l`adolescent
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Epidémiologie des rhumatismes de l`enfant et de l`adolescent
Fortbildung und Informationen für Fachleute 2 | 2012 Schwerpunkt Kinderrheumatologie Epidémiologie des rhumatismes de l’enfant et de l’adolescent PD Dr. Michaël Hofer Lausanne Unité Romande de Rhumatologie Pédiatrique Départements de Pédiatrie, CHUV Université de Lausanne et HUG, Genève Les rhumatismes, qu’ils soient d’origine inflammatoires ou non-inflammatoires, représentent une des principales causes de maladie chronique à l’âge pédiatrique. Ce sont des maladies qui peuvent apparaître à tout âge et toucher toutes les différentes parties du système locomoteur. Chez l’enfant, les maladies inflammatoires, auto-immunes et auto-inflammatoires, représentent la majorité des pa- tients atteints. Depuis 2004, nous conduisons un registre suisse des maladies rhumatismales de l’enfant et de l’adolescent dans lequel sont inclus tous les patients vus dans une des consultations spécialisées de rhumatologie pédiatrique de notre pays (www.childrheum.ch). Les maladies inflammatoires rhumatismales L’arthrite juvénile idiopathique (AJI) est la principale cause de rhumatisme inflammatoire en pédiatrie. Cette maladie, qui sera décrite en détail dans un autre article, regroupe l’ensemble des arthrites chroniques qui débutent avant l’âge de 16 ans et pour lesquelles aucune étiologie spécifique n’a pu être mise en évidence. Les données de la littérature rapportent des taux de prévalence et d’incidence très variables selon les pays. La prévalence de l’AJI varie entre 30 et 400 cas pour 100 000 enfants. Cette variation est à mettre en lien avec le type d’étude: la collecte de cas directement dans la population pédiatrique (école ou médecins de premier recours) permet de comptabiliser davantage de patients que des études centrées sur des consultations spécialisées. Le système de santé va également influencer ces taux qui sont les plus élevés dans les pays scandinaves où la prise en charge des malades chroniques est concentrée dans des centres spécialisés. Les données de notre registre nous permettent d’estimer la prévalence de l’AJI à environ 1 cas pour 1 000 enfants. L’incidence, à savoir le nombre 8 de nouveaux cas par an avec arthrite juvénile, varie entre 2.6 en Espagne et 21.7 en Estonie pour 100 000 enfants. L’incidence en Suisse varie entre 4 et 26 cas par an pour 100 000 enfants, selon les cantons. Les incidences les plus basses ont été retrouvées dans les cantons qui sont relativement éloignés d’une consultation multidisciplinaire de rhumatologie pédiatrique. Parmi les 7 formes d’AJI décrites, l’oligo-arthrite est la plus fréquente, avec plus de la moitié des patients, suivis par les formes poly-articulaires facteur rhumatoïde négatif, et les AJI enthésiques. Comme chez l’adulte, on retrouve une prédominance féminine, excepté pour les AJI enthésiques, qui correspondent au spondylarthropathies, où les garçons sont plus prévalent. L’âge médian au diagnostic est plus bas dans les formes oligo-articulaires et poly-articulaires, facteur rhumatoïde négatif, que dans les spondylarthropathies. Il semble y avoir une différence ethnique pour la prévalence de l’AJI qui plus faible dans les populations noires et asiatiques que chez les caucasiens. Cependant, les formes plus sévères, comme la forme polyarticulaire, sont plus fréquentes chez les noirs que chez les caucasiens. Parmi les autres maladies inflammatoires rhumatismales pédiatriques, on retrouve les arthrites para-infectieuses et en particulier l’arthrite post-streptococcique qu’il faut distinguer du rhumatisme articulaire aigu. Ce dernier est pratiquement inexistant dans notre pays, alors que l’arthrite post-streptococcique peut se retrouver chez des enfants 1 à 3 semaines après une angine et est souvent accompagnée d’antistreptolysines-O très élevées, qui vont diminuer avec l’évolution favorable de l’arthrite. En lien avec le HLAB27, on retrouve également des arthrites réactives, mais qui sont beaucoup plus rares que les arthrites juvéniles. Dans le diagnostic différentiel, on doit citer l’arthrite de Lyme qui est le principal diagnostic différentiel de l’arthrite juvénile. Parmi les maladies auto-immunes, le lupus érythémateux systémique juvénile et la dermatomyosite juvénile sont les plus fréquentes avec une incidence de 2.5 à 4 nouveau cas par million enfants/année. Les connectivites mixtes et le syndrome de Sjögren se retrouvent également en pédiatrie, mais sont encore plus rares. Parmi les vasculites, le syndrome de Schoenlein-Henoch et la maladie de Kawasaki sont les plus fréquents, mais conduisent Fortbildung und Informationen für Fachleute 2 | 2012 Schwerpunkt Kinderrheumatologie rarement à une consultation en rhumatologie pédiatrique en raison de la résolution rapide de l’inflammation. Les vasculites post-infectieuses et les vasculites cutanées sont plus fréquentes que la maladie de Wegener, la périartérite noueuse ou le syndrome de Churg-Strauss. Un autre chapitre important des rhumatismes inflammatoires, sont les maladies auto-inflammatoires et en particulier les maladies fébriles récurrentes. Pour quatre d’entre elles une origine génétique a été retrouvée ces dernières années: la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), le TNF-receptor associated periodic syndrome (TRAPS), le syndrome Hyper-IgD (HIDS), et le Cryopyrine Associated Periodic Syndrome (CAPS). Excepté la FMF que l’on retrouve dans les populations migrantes, les trois autres maladies sont très rares et il y a probablement seulement quelques dizaines de cas en Suisse. Les rhumatismes non inflammatoires Environ un tiers des enfants et des adolescents est référés à une consultation spécialisée de rhumatologie pédiatrique avec une pathologie non-inflammatoire. Il s’agit principalement de patients envoyés pour des plaintes ostéo-articulaire d’origine mécanique ou orthopédique, qui entrent dans le diagnostic différentiel des rhumatismes pédiatriques. Un autre groupe important est formé par des enfants et des adolescents avec des douleurs localisées ou diffuses sans évidence pour une atteinte organique. Il s’agit des syndromes d’amplification de la douleur qui se présentent sous forme de polyarthralgies fonctionnelles ou de manifestations rappelant une algoneurodystrophie. En pédiatrie, nous n’aimons pas poser le diagnostic de fibromyalgie pour éviter de coller à un si jeune âge une étiquette qui risque de rester sur le long terme. Des douleurs vespérales ou nocturnes des membres inférieurs sans atteinte fonctionnelle ni anomalie dans les examens complémentaires doivent faire penser à des douleurs bénignes nocturnes de l’enfant ou douleurs de croissance; celle-ci sont rapportées chez 10 –20 % des enfants, mais conduisent rarement à une consultation spécialisée. Il existe également de très nombreux diagnostics rares, en particulier des maladies génétiques affectant les os et les articulations. Le syndrome CACP en est un exemple et fait partie du diagnostic différentiel de la polyarthrite. Le CACP se présente avec une atteinte articulaire qui ressemble à une arthrite et atteignant surtout les grosses articulations. Il y a un épanchement articulaire, mais celui-ci est non inflammatoire et l’analyse histologique montre une hyperplasie prononcée de la synoviale, sans évidence d’inflammation. Le diagnostic différentiel est important en vue du traitement qui est non pharmacologique dans le CACP. Registre suisse des maladies rhumatismales de l’enfant et de l’adolescent Depuis 2004, les consultations spécialisées de rhumatologie pédiatriques incluent tous leurs cas dans notre registre suisse. Il s’agit d’une récolte de données online, dont le but est une évaluation épidémiologique de ces pathologies à l’âge pédiatrique. Les données récoltées sur 7 ans nous montrent déjà une photographie intéressante de la prévalence, de l’incidence et de la répartition diagnostique des pathologies rhumatismales pédiatriques. Le questionnaire online permet également d’évaluer la sévérité de l’atteinte au moment de l’inclusion. En collaboration avec le SCQM (Suisse Clinical Quality Management), nous sommes en train de développer une cohorte de patients pédiatriques avec maladie inflammatoire rhumatologique qui puissent être suivis sur le long terme. La collaboration avec nos collègues adultes, permettra un suivi au-delà de l’âge de la transition, ce qui est essentiel pour évaluer les conséquences à long terme des maladies que nous prenons en charge et de leurs traitements. En effet, l’introduction des biothérapies a révolutionné la prise en charge de nos malades, mais leur tolérance à long terme n’est pas connue. En particulier, des données récentes laissent suspecter une augmentation du développement de certains cancers dans la population de patients traités par immunosuppresseurs et par biothérapie. Pour pouvoir évaluer ce risque, de larges cohortes de patients sont nécessaires et une initiative au niveau européen (Pharmachild) met sur pied une cohorte de malades avec AJI. Les données de notre cohorte pourront également être incluses dans cet effort au niveau européen. Notre projet de cohorte sera développé en particulier grâce à l’obtention de l’Aquira Award en 2011. «Les maladies rhumatismales sont fréquentes à l’âge pédiatrique avec une prévalence qui dépasse un enfant sur 1000» Les maladies rhumatismales sont fréquentes à l’âge pédiatrique avec une prévalence qui dépasse un enfant sur 1 000. Ces maladies sont constituées d’un nombre important de diagnostics, dont certains sont extrêmement rares. Ces maladies peuvent se présenter à tout âge et auront un impact sur la croissance et le développement de l’enfant, ainsi que sur son environnement, nécessitant une prise en charge pédiatrique spécialisée. 9