LES RENCONTRES DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE
Transcription
LES RENCONTRES DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE
LES RENCONTRES DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CRETEIL « Parce que l’expérience de chacun est le trésor de tous… » Gérard de NERVAL « LA PROTECTION DES MAJEURS VULNERABLES » À L'INITIATIVE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CRÉTEIL ET EN ASSOCIATION LE BARREAU DU VAL-DE-MARNE LE CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L’ACCES AU DROIT ASSOCIATION JUSTICE ET VILLE _________________________________________________________ 19 JUIN 2012 – CRETEIL _________________________________________________________________________________________ LES ACTES TABLE DES MATIERES : OUVERTURE DES TRAVAUX ……………………………………….. Page 3 PRESENTATION GENERALE LA NOTION DE PERSONNE VULNERABLE ...................................... Page 9 ECONOMIE GENERALE DE LA LOI DE 2007 (fichier audio)………… Page 13 LE ROLE DU PARQUET (fichier audio) ………………………………… Page 13 LES MEDECINS EXPERTS (fichier audio) ……………………………... Page 13 LE MANDAT DE PROTECTION FUTURE (fichier audio) ...…………… Page 13 LES DIFFERENTES MESURES DE PROTECTION ET LEUR MISE EN ŒUVRE LA MESURE D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL PERSONNALISE MASP (fichier audio) ……………………………………………………… Page 15 TRAITEMENT DES DOSSIERS PAR LES TRIBUNAUX D’INSTANCE LES DIFFERENTES MESURES DE PROTECTION (fichier audio) ……. Page 15 LES MANDATAIRES JUDICIAIRES A LA PROTECTION DES MAJEURS – MJPM (fichier audio) ……………………………………….. Page 15 ETAT DES LIEUX ET PROSPECTIVE (fichier audio) ………………….. Page 15 SYNTHESE ET CLOTURE DES TRAVAUX DISCOURS DE SYNTHESE …………………………………………… La Protection des Majeurs Vulnérables 2 Page 16 OUVERTURE DES TRAVAUX Monsieur Gilles ROSATI Président du Tribunal de Grande Instance de Créteil Madame Nathalie BECACHE Procureur de la République Maître Véronique DAGONET Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Val de Marne La Protection des Majeurs Vulnérables 3 INTERVENTION DE MONSIEUR GILLES ROSATI Président du Tribunal de Grande Instance de Créteil Madame le Bâtonnier, Mesdames et Messieurs les avocats, Mesdames et Messieurs les représentants des institutions et des associations, conjugales et celui d’aujourd’hui en abordant les majeurs vulnérables, c’est que nous sommes en train de développer l’idée forte selon laquelle le droit (et sa mise en œuvre) est là pour compenser des situations de forces injustes que la nature ou qu’une certaine conception de l’organisation humaine a mis en place. C’était déjà le souci que nous avions eu lors de la rencontre de l’année dernière, c’est encore ce que nous pourrons développer aujourd’hui. Nous aurons encore bien d’autres occasions d’aborder cette question sur d’autres thèmes à l’avenir. Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, Nous allons procéder à l’ouverture de nos travaux en présence de Madame le Procureur et de Madame le bâtonnier. Cette journée d’échanges et de débats porte sur le thème de la protection des majeurs vulnérables. Il me revient en premier lieu de vous présenter le cadre de cette journée, au-delà du cadre géographique d’accueil au sein de la bibliothèque du Barreau du Val de Marne qui illustre toutefois la collaboration que nous menons ensemble pour la bonne réussite de ce concept intitulé « les rencontres du Tribunal de Grande Instance de Créteil ». Vous êtes aujourd’hui amenés à participer au second module de ces rencontres. L’idée qui préside à ces mini-colloques sur un thème juridique est de mettre en présence à la fois des intervenants du monde judiciaire et aussi leurs partenaires institutionnels et associatifs sur des thématiques choisies qui donnent lieu à des échanges et l’on peut imaginer, en fonction des thèmes et des responsabilités de chacun, qu’il soit possible de définir des prospectives et des lignes directrices à suivre. Ce qui m’apparait se mettre en place au fil des mois, si l’on considère le sujet choisi l’année dernière qui était relatif aux violences La Protection des Majeurs Vulnérables 4 Sans anticiper sur l’avenir, je souhaite que les travaux de la journée qui vient de débuter vous permettent d’approfondir encore plus le thème de la protection des majeurs avec les intervenants spécialistes de la question qui se succèderont devant vous. Dans la mesure ou il m’appartiendra, en fin de journée, de procéder à la restitution et à la synthèse de nos travaux, je limiterai mon temps de parole ce matin pour mieux le consacrer cet après-midi à un exposé concret des échanges et des interventions de la journée. Je remercie les deux professionnels de l’animation que sont Madame le bâtonnier Elizabeth MENESGUEN et Monsieur Jacques ROY, secrétaire général du CDAD du Val de Marne qui se succèderont, l’une de matin, l’autre l’après midi dans une fonction au combien importante de « modérateur » des intervenants et des personnes qui prendront l’initiative de poser des questions au cours de cette journée. Il me parait également important de remercier l’association Justice et Ville en la personne de sa directrice, Mme Elise GAUTIER-BAKHOUM, pour l’important travail de préparation réalisé au soutien de cette nouvelle rencontre du TGI de Créteil. Ce dispositif est comparable à un dispositif plus ancien qui concerne les mesures d’assistance éducative. INTERVENTION DE MADAME NATHALIE BECACHE Procureur de la République près le TGI de Créteil Au-delà du plaisir que j’ai à coprésider ce type d’évènement qui est organisé dans notre Tribunal, il m’apparaissait très important que figure en bonne place le Parquet de Créteil au cœur du dispositif de protection des majeurs vulnérables car le rôle du Ministère Public en matière d’état des personnes est souvent méconnu. Pour autant, le législateur depuis presque une décennie (la loi de 2007 en constitue le parachèvement) a donné au Parquet la mission de saisir le juge et d’agir comme partie désintéressée dans le seul intérêt des personnes les plus vulnérables. Aujourd’hui nous parlerons des majeurs protégés mais le champs des personnes vulnérables concerne également les mineurs, les malades mentaux, les personnes morales en difficulté. Pour chacune de ces personnes en état de vulnérabilité, certes fort différente, le Ministère Public a un rôle fondamental. On décline ce rôle dans la loi de 2007 avec des prérogatives nouvelles : une mission de surveillance générale des mesures de protection avec le juge des tutelles, la suppression de la saisine d’office du juge des tutelles puisqu’il y a désormais des signalements et des requêtes au procureur de la République qui pourra exercer dans ces cas son pouvoir d’opportunité pour saisir le juge des tutelles, l’établissement exclusif de la liste des médecins habilités à établir les certificats médicaux, la mise en œuvre de mesures d’investigation. La Protection des Majeurs Vulnérables 5 Pour lancer le débat sur ce qui ne manque pas pour nous d’être un problème polémique, il faut rappeler que ces missions sont très nobles, mais qu’elles ont été consacrées sans aucune espèce de considération des moyens pour les mettre en œuvre tant au sein du Parquet dont les difficultés sont moins visibles de l’extérieur qu’au niveau des relations avec les partenaires intéressés et notamment avec le Conseil Général. Je pense que tous ces sujets, y compris les plus discutés, seront abordés au cours de cette journée et j’espère que nous pourrons en retirer des arguments et une meilleure connaissance de ce dispositif pour améliorer le travail que nous conduisons tous ensemble dans le seul souci de l’accompagnement et du mieux être des personnes vulnérables. INTERVENTION DE MAITRE VERONIQUE DAGONET Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau du Val de Marne. C’est avec un grand intérêt que le Barreau du Val de Marne s’associe une nouvelle fois aux rencontres du Tribunal de Grande Instance de Créteil sur le thème de la protection des majeurs vulnérables et qui s’inscrit, comme l’a rappelé Monsieur le président du TGI, dans un cadre plus large d’intérêt porté en direction de la personne vulnérable et de l’attachement des avocats et de leur bâtonnier à la défense de ces personnes. Il s’agit d’un sujet sociétal majeur et l’actualité nous rappelle son importance puisque s’ouvre aujourd’hui à la Cour d’Assises du Val de Marne le procès d’un homme qui assistait au quotidien son épouse frappée de la maladie d’Alzheimer, lequel fatigué, excédé et à bout de ressources en est arrivé à maltraiter son épouse au point qu’elle est décédée. Pour ne citer que quelques chiffres, il faut savoir que 6 millions de Français ont plus de 75 ans, 20.000 ont plus de 100 ans, l’allongement de la durée de vie signifie également l’accroissement du nombre des maladies neuro-dégénératives. Pour ne parler que de la maladie d’Alzheimer, il faut savoir qu’un million de personnes sont atteintes de cette maladie et l’on diagnostique chaque année 200.000 nouveaux cas. Le nombre des personnes âgées augmente tout autant que celui des personnes vulnérables et l’on constate que 3% de la population nationale souffre de maladies mentales ce qui vient encore augmenter le nombre de personnes vulnérables et c’est donc une famille sur trois qui est concernée de près ou de loin par la mise en œuvre des mesures de protection. A l’évidence, la loi du 3 janvier 1968 n’était plus adaptée et la terminologie même de cette loi devenait inappropriée puisque l’on y abordait la notion « d’incapable » à la connotation péjorative qui s’y attache alors que désormais on parle, dans le juste sens des mots, de personne vulnérable ou de personne protégée. Du point de vue de l’avocat, on ne peut donc que s’en réjouir puisque la dernière loi est davantage respectueuse des individus puisque les termes de la loi elle-même précise que « seules les personnes atteintes d’une altération de leurs facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté peuvent faire l’objet d’une mesure de protection à l’exclusion (et ce n’était pas le cas auparavant) des personnes en difficulté socio-économiques ». La mesure de protection doit répondre à des principes clairs : principe de nécessité, principe de subsidiarité et principe de proportionnalité. La volonté de la personne vulnérable est davantage prise en compte puisqu’il pèse désormais sur la personne chargée d’exercer la mesure de protection, une obligation d’information vis-à-vis de la personne vulnérable. La loi de 2007 qui s’inscrit dans un vaste mouvement de déjudiciarisation a ainsi renforcé le rôle de l’avocat. Par comparaison l’assistance de l’avocat de concernait que 1% des procédures sous l’ancienne loi. Désormais l’avocat peut intervenir dans le cadre des mesures judiciaires mais aussi dans le contexte des mesures conventionnelles avec le mandat de protection future. Le rôle de l’avocat n’est pas simple puisqu’il lui faut, à la fois, transmettre la parole de la personne protégée ou à protéger tout en lui faisant comprendre l’intérêt de la mesure de protection. A ce jour l’intervention de l’avocat n’est pas obligatoire dans le cadre des mesures judiciaires mais il est toujours recommandé de recourir à l’avocat, mention de cette possibilité devant notamment figurer dans les convocations du greffe du tribunal d’instance. L’intervention de l’avocat se décline à plusieurs stades. Il a accès au dossier dès le début de la procédure et il peut seul en demander la copie à condition de ne pas le communiquer à des tiers ni même à son client. Lorsque le juge statue, la personne concernée peut être assistée de l’avocat. Ce dernier a la possibilité de demander l’annulation ou la réduction des actes accomplis par le majeur protégé pendant la période suspecte c'est-àdire pendant les deux années qui précèdent la publicité du jugement d’ouverture de la mesure. En matière pénale, la présence de l’avocat aux côtés du majeur protégé est obligatoire et prévue à peine de nullité du jugement notamment devant la Cour d’Assises et le Tribunal pour Enfants. La Protection des Majeurs Vulnérables 7 Pour les professionnels du droit, la principale innovation résulte du mandat de protection future dont Maître LITREM parlera dans le cadre de son intervention. Pour conclure mon propos, on voit clairement que les interventions à la procédure de l’avocat, du médecin, des travailleurs sociaux, du procureur de la République, nous conduisent à rechercher un partage de nos expériences respectives afin de trouver la bonne combinaison de fonctionnement des mesures de protection des majeurs vulnérables. Ceci justifie pleinement l’organisation d’une journée d’échange et de dialogue telle que proposée aujourd’hui. PRESENTATION GENERALE MODERATEUR : Maître Elizabeth MENESGUEN Ancien bâtonnier, Directeur de l’Ecole de Formation du Barreau ressources, leur force ou autres attributs nécessaires pour protéger leurs intérêts propres, peuvent être insuffisants". LA NOTION DE PERSONNE VULNERABLE par Maître François AUDARD Avocat au Barreau du Val de Marne, Membre du conseil de l’Ordre Ce sont les débats parlementaires portants sur la réforme de la protection des majeurs, aboutissant à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, au centre de notre propos aujourd'hui, qui ont introduit la notion de "personne vulnérable". La loi elle même n'utilise pas le terme de personne vulnérable mais de personne protégée. En fait la loi est la réponse aux personnes vulnérables. Elle en fait après son intervention des personnes protégées. Si nous voulons rechercher le contenu et les contours de cette notion, le premier réflexe est d'ouvrir un dictionnaire : Le Petit Robert donne la définition suivante de la "personne vulnérable" : c'est la "personne qui peut être frappée, blessée par un mal physique ou psychique ; personne qui peut facilement être atteinte, qui se défend mal". Le Petit Larousse à l'adjectif vulnérable énonce : "faible, qui donne prise à une attaque, qui est exposé aux atteintes". Sur internet on trouve les définitions suivantes : "personne fragile et faible, soit physiquement, soit psychologiquement ; qui ne peut s'affirmer vis à vis des gens qui l'entourent et de ceux qu'elle sera amenée à rencontrer tout au long de sa vie". L'Organisation mondiale de la santé donne sa définition des personnes vulnérables "celles qui sont relativement ou totalement incapables de protéger leurs propres intérêts. Plus précisément, leur pouvoir, leur intelligence, leur degré d'instruction, leurs On songe donc spontanément aux personnes vulnérables par nature : les enfants, les personnes âgées ; puis les personnes vulnérables par accident corporel ou par accident de la nature : les personnes souffrant de déficiences physiques ou mentales; ou par accident de la vie : les cas sociaux. Mais on voit bien déjà à ce stade que la réponse à ces vulnérabilités ne peut être la même, uniforme pour tous. Fort heureusement le mineur n'est pas toujours en danger, et le majeur âgé peut être en parfaite possession de ses moyens intellectuels et conserver une autonomie physique. Mais à y bien réfléchir la notion de personne vulnérable est beaucoup plus large. Cette notion de "personne vulnérable" ne correspond pas à une catégorie juridique bien définie, et c'est sans doute la première critique que les juristes lui ont faite : sa polyvalence. Si on recherche une approche juridique de la personne vulnérable : La personne vulnérable ce peut être, en matière contractuelle, celle qui est en situation de déséquilibre des forces entre les parties en présence. Le législateur y répond par des lois dites d'Ordre Public de "Protection" : on les trouve en matière de droit de la consommation, droit du logement, droit du travail, qui s'imposent aux parties signataires, pour protéger le plus faible dans la relation contractuelle. On retrouve une réponse du législateur à une forme de vulnérabilité dans certaines autres notions "l'abus de position dominante" ou "la théorie de l'aggravation des risques". C'est bien évidemment sur le plan pénal que la notion de "personne vulnérable" se rapproche le plus de notre préoccupation aujourd'hui : D'ailleurs certains textes du code pénal intègre le mot de "vulnérabilité". La loi pénale répond à la vulnérabilité : elle est soit une circonstance aggravante d'une infraction, soit un élément constitutif de celle-ci. C'est une circonstance aggravante : en matière criminelle : on passe de 30 ans à la perpétuité lorsque le meurtre porte sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable par son âge, une maladie une infirmité une déficience physique ou psychique ou un état de grossesse apparente ou connue (art 221-4 du Code Pénal); circonstance aggravante également pour les actes de barbarie (art 222-3 CP), les coups mortels (art 222-8 CP), les violences ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente (art 222-10 CP), le viol (art 22224 CP). En matière délictuelle : aggravation pour les violences ayant entraîné une incapacité de plus de 8 jours, et pour les agressions sexuelles; double aggravation lorsque l'auteur est le conjoint ou concubin de la victime. C'est un délit spécifique : lorsque les faits de violences entrainant une incapacité inférieur ou égale à 8 jours portent sur une personne vulnérable ou un mineur (sinon il d’agit d’une simple contravention); vulnérabilité par état de dépendance économique ou psychologique entre victime et auteur violence volontaire (autrement c'est une contravention) ; l'abus de faiblesse art 313-4 CP (état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'un mineur ou d'une personne vulnérable due à l'âge, la maladie, une infirmité, une déficience physique, psychique ou un état de grossesse) ; le délaissement en un lieu quelconque d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique et psychique (art 223-3 CP) ; la prostitution de personnes qui présentent une particulière vulnérabilité (art 225-12-1 CP). Mais la notion de personne vulnérable est un concept large qui englobe la précarité sociale, le handicap, la dépendance. La vulnérabilité emporte dans son périmètre cause et effet de ce qu'elle désigne : par exemple à la fois la prodigalité et le surendettement, l'allongement de l'espérance de vie et la dépendance. Elle fait appel à des catégories sociologiques plus que juridiques. La Protection des Majeurs Vulnérables 10 En fait c'est moins la définition de "personne vulnérable" que la dynamique sociale qu'elle intègre et suscite dans la loi de 2007 qu'il faut mettre en exergue. La volonté du législateur est surtout d'abandonner l'ancienne notion de "personne incapable" figurant dans la loi du 3 janvier 1968. La loi de 1968 marquait déjà un progrès terminologique la notion d'incapable se substituait à l'aliéné ou l'interdit du Code Civil de 1804 et des textes de 1808 qui ne protégeait que les gens internés. La loi de 1968 avait déjà une vocation plus générale. La loi de 2007 marque un changement de paradigme : Auparavant on copiait le droit de la minorité pour l'appliquer au majeur à protéger. On l'infantilisait. Avec la notion de "vulnérabilité" on crée une autonomie et une cohérence conceptuelle affirmée, spécifique au majeur à protéger. Avec la notion antérieure de "personne incapable", on instrumentalisait l'adulte dans ses rapports avec ses biens. Grace au concept de "personne vulnérable" on replace l'individu à protéger au centre de la préoccupation. La vulnérabilité invite à penser plus à la protection des intérêts non patrimoniaux de la personne. Cette nouvelle approche de recentrage de la protection sur la personne vulnérable répond à une évolution de notre société moderne depuis la législation de 1968: - évolutions démographiques et sociales marquées par le vieillissement de la population et par l'augmentation de la précarité et de l'exclusion sociale : Pour la première fois en 2015, les moins de 20 ans seront moins nombreux que les plus de 60 ans, c'est l'arrivée de la génération du baby boom qui arrive à l'âge de la retraite. Statistiquement on a assiste à une explosion du nombre des mesures de protections juridiques et notamment des mises sous tutelle. - en raison de l'augmentation de l'espérance de vie qui ne s'est pas accompagné dans les mêmes proportions d'une augmentation de l'espérance de vie en bonne santé (augmentation du nombre de cas de maladie d'Alzheimer : elle touche 10 % de la population de 65 à 69 ans, 20 % des 85 à 89 ans, 40 % des 90 à 95 ans). balises religieuses et païennes, de l'obscurantisme : c'est ce qui participe de l'évolution des mentalités qui nous fait passer de l'aliéné à l'incapable, de l'incapable au vulnérable... On ne rejette plus ce que l'on comprend. Au moment de la loi de 1968 la protection concernait quelques 70.000 personnes. On est passé de 85.000 personnes en 1975 à 800.000 personnes en 2010, soit 1,2% de la population française. La croissance du nombre de majeurs protégés est de 8 % par an depuis les années 2000. Le seuil du 1.000.000 de personnes sous protection devrait être atteint en 2013. L'Organisation Mondiale de la Santé a fait évoluer sa classification du handicap avec deux thèses en présence : - en raison de l'évolution des pratiques des acteurs mettant en application la loi de 1968 de moins en moins adaptée aux besoins de la société moderne avec son lot de précarisation. Le texte exigeait une altération des facultés du majeur pour ouvrir une mesure de protection, mais les juges tenaient compte de la situation sociale palliant les insuffisances du dispositif d'action sociale. Il s'agissait d'un dévoiement de la loi sur les incapables vers les cas sociaux, qui ne nécessitaient pas de réduction de leurs droits (le cas de prodigalité sans rapport avec l'altération des facultés mentales). Le courant anthropologique : le handicap est la résultante de la confrontation d'un être humain à son environnement : c'est la société qui crée les situations de handicap. Les juges confient de moins en moins les mesures de protection aux familles (en 2006, 41 % des mesures sont confiés à des tiers). Socialement, les familles se nucléarisent et les deux membres du couple travaillent, les familles sont moins sédentaires et s'éparpillent géographiquement : elles sont moins disponibles. - amélioration des connaissances en matière médicale et psychologique en 40 ans : Les avancées de la médecine permettent à la fois de poser un diagnostic sur un comportement, un symptôme ; mais aussi de triompher des préjugés, comme jadis des La Protection des Majeurs Vulnérables 11 - meilleure image sociale du handicap : Le courant médical : le handicap est la conséquence d'un état pathologique. c'est la lésion ou la déficience corporelle qui rend la personne handicapée; L'OMS a introduit des facteurs situationnels et environnementaux dans sa nouvelle classification de mai 2001. Le terme "d'incapable" est désormais perçu comme péjoratif. Il y a une volonté de rétablir sa dignité à la personne vulnérable. A notre échelle, il y a une nette volonté de réinsertion et de visibilité du handicap (droits nouveaux et prestations nouvelles liées au handicap et à la dépendance) : les places de stationnement réservées, la législation sur les lieux recevant du public etc... En fait, on revient à la notion étymologique du handicap : hand-in-cap "la main dans le chapeau" : au commencement c'est un jeu anglais où un arbitre imposait à celui des joueurs, qui avait un avantage financier, de mettre la différence de valeur dans un chapeau avant de débuter le jeu, pour rétablir une égalité de chance. On retrouve cette notion dans le domaine hippique. C'est bien un vrai retour à l'égalité sociale des chances dont il est question aujourd'hui. risques opposés : le délaissement de la personne protégée ou une trop grande appropriation de celle-ci et/ ou de ses biens. - l'amateurisme a fait son temps : pour le philosophe Fred POCHE en 1968, nous étions portés par des utopies et notamment celle que l'histoire était porteuse de la certitude qu'on allait vers le progrès. L'éducateur se voyait alors comme un partenaire de ce mouvement social et politique progressiste. Mais la trajectoire est brisée, les travailleurs sociaux et les acteurs associatifs avaient l'impression de gérer la misère d'un système en surchauffe, au bout de ses capacités. Dans une société qui valorise le pouvoir et la réussite individuelle et qui participe ainsi à la fragilisation de certain de ses membres qui ne peuvent pas participer à cette règle du jeu social toujours plus exigeant et tyrannique, le sursaut et la prise de conscience de la nécessité de protéger les plus faibles sont capitaux. Les bonnes volontés ne suffisent plus. L'augmentation des domaines d'intervention nécessite une meilleure cohésion des intervenants un véritable statut de professionnel, permettant d'éviter les deux La Protection des Majeurs Vulnérables 12 Pour paraphraser Madame Myriam QUEMENER magistrat du bureau de la justice pénale et des libertés individuelles au Ministère de la Justice : C'est sans doute en fonction des réponses apportées par une société pour protéger les plus faibles de ses membres que l'on juge son niveau de civilisation. ECONOMIE GENERALE DE LA LOI DE 2007 Par Madame Aïda CHOUK Vice-présidente chargée de l’administration du tribunal d’Instance de Nogent sur Marne Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/1 LE ROLE DU PARQUET Par Madame Christiane DUPLOUYE Vice-procureur chargée de la Division des Affaires Civiles et des Personnes Protégées Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/2 LES MEDECINS EXPERTS Par Madame Véronique LEFEBVRE des NOUETTES Psychiatre à l’Hôpital Gérontologique Emile Roux de Limeil Brevannes Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/3 LE MANDAT DE PROTECTION FUTURE Par Maître Didier LITREM Notaire, Membre de la Conférence des Notaires du Val de Marne Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/4 ECHANGES AVEC LA SALLE Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/5 LES DIFFERENTES MESURES DE PROTECTION ET LEUR MISE EN OEUVRE MODERATEUR : Monsieur Jacques ROY Secrétaire Général du Conseil Départemental de l’Accès au Droit du Val de Marne La Protection des Majeurs Vulnérables 14 LA MESURE D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL PERSONNALISE Par Madame Laurence GUILLOT Chargée de mission MASP à la Direction de l’Action sociale du Conseil Général du Val de Marne Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/6 LE TRAITEMENT DES DOSSIERS PAR LES TRIBUNAUX D’INSTANCE ET LES DIFFERENTES MESURES DE PROTECTION Par Madame Annie SIMON Magistrate au Tribunal d’Instance de Nogent sur Marne Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/7 LES MANDATAIRES JUDICIAIRES A LA PROTECTION DES MAJEURS (MJPM) Par Madame Isabelle VIAL Directrice du pôle Protection Juridique des Majeurs de l’UDAF du Val de Marne Et par Madame Betty TUFFERY Mandataire Judiciaire Privé Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/8 ETAT DES LIEUX ET PROSPECTIVE Par Madame Anne CARON-DEGLISE Magistrate à la Cour d’Appel de Paris, chargée de la protection des majeurs Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/9 ECHANGES AVEC LA SALLE Ecouter le fichier audio : http://www.cdad-valdemarne.justice.fr/audio/index/file/10 La Protection des Majeurs Vulnérables 15 CLOTURE DES TRAVAUX Par Monsieur Gilles ROSATI Président du Tribunal de Grande Instance de Créteil Le second volet des rencontres du TGI de Créteil s’achève aujourd’hui sur la thématique des majeurs vulnérables et je souhaite vivement que nous puissions organiser d’autres évènements de ce type à l’avenir tant le contenu est riche d’information et tant les échanges avec les professionnels participants (intervenants et public) permet de pousser la réflexion dans l’intérêt des justiciables et dans la perspective d’un meilleur fonctionnement de la Justice et des liens qui se tissent ainsi avec ses partenaires. Mon travail de synthèse qui je l’espère évitera la paraphrase des intervenants de qualité que nous avons rencontré aura pour objectif de montrer comment ce concept de la protection des majeurs vulnérables s’affine. Il ne faut pas oublier que ce concept est intimement lié à l’évolution de la société et notamment au rapport que l’homme entretien avec son semblable. Avec la loi de 2007, il s’agit d’une évolution législative ambitieuse et généreuse et comme nous l’avons vu, d’application plus délicate. Elle met en présence, vous en êtes les témoins, de nombreux acteurs qui se sont exprimés aujourd’hui. La protection des personnes vulnérables, c’est le rôle même de la loi mais en même temps, il y a des contraintes qui demeurent particulièrement dans l’approche budgétaire qui est liée à la mise en œuvre de ces dispositions. Mais comme l’on doit toujours rester dans l’espérance au-delà du bilan qui peut être dressé, il y a un certain nombre de piste à suivre. L’intitulé de la journée « la protection des majeurs vulnérables » contient tous les ingrédients de La Protection des Majeurs Vulnérables 16 la démarche. La protection, c’est le rôle même du droit, c’est la fonction de la loi que de protéger et je rappellerai à ce titre la citation de Lacordaire « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui protège ». C’est bien cette philosophie qui imprègne le mouvement qui a abouti à la création de la loi de 2007 et il me plait de le rappeler. Dans une brillante intervention, Maître AUDARD a expliqué ce que l’on peut mettre autour de la notion de personne vulnérable, et j’en ai finalement retenu cette progression qui va de l’appellation d’aliéné, puis d’incapable puis de personne vulnérable. On voit dans cette dernière dénomination tout le cheminement de l’esprit humain dans sa réflexion par rapport à autrui mais aussi l’évolution générale de notre société qui a permis cette progression. De nombreux auteurs ont rappelé cette notion notamment avec Michel FOUCAULT qui a rappelé que l’on sort de la conception, à l’époque classique, que l’on avait des formes les plus extrêmes de la folie (la Nef des Fous) jusqu’à parvenir aux prises en charge que l’on connait actuellement. De la même manière et dans le cadre de la protection, nous n’appréhendons plus seulement la protection des biens mais aussi, et parfois de manière dissociée, la protection de la personne. Enfin, tout ce qui a été dit autour de la notion de handicap doit être signalé en développant la notion de « rétablissement d’une chance ». C’est au final redonner une dignité à la personne, on sort ainsi de la commisération pour redonner simplement des droits dans un souci d’égalité. Cette dimension éthique de la protection des plus faibles, il faut la rappeler comme un élément de stimulation de notre pratique qui permet dans certains moments où l’on est débordé par l’ampleur de la tâche ou désespéré par le manque de moyens de se dire finalement par mon activité, je m’engage dans une action qui participe de cet état d’esprit. Il faut s’emparer de ce concept qui reste, au demeurant, extrêmement fragile car l’évolution historique nous le montre, à travers les évènements qui se sont produits au milieu du 20ème siècle et dans certaines dictatures, avec le traitement des personnes vulnérables de manière totalement différente des conceptions que nous avons aujourd’hui développées. Cette ambiguïté demeure car si cette interrogation est légitime, le regard que l’on porte sur la personne vulnérable participe un peu de ces deux conceptions. Par exemple dans un cadre concret des conflits de voisinage, on aurait le souci de lui apporter une aide et en même temps on se trouvera agacé par son comportement avec la volonté de trouver des solutions, dont notamment celle de l’éloignement. C’est le quotidien des travailleurs sociaux que d’être confronté dans ce jugement que la société pose sur la personne vulnérable. Rappelons la complexité de la démarche en ce que la protection de la personne vulnérable s’intercale par moment entre des situations qui justifient une hospitalisation sous contrainte et le niveau en dessous qui concerne le simple traitement de difficultés sociales de la personne avec le croisement , à certains moments, de ces deux niveaux d’intervention en brouillant parfois les messages. Il est nécessaire de légiférer de façon spécifique pour permettre à la personne d’être remise dans ses droits dans un contexte particulier de protection et non de déresponsabilisation en gardant même une capacité d’agir voire même d’agir en amont avec la nouvelle disposition qu’est le mandat de protection future. Ce contexte de la loi de 2007 c’est une conjonction de facteurs qui en alimente le contenu et le sens. C’est un certain nombre de définitions données en 2002 par l’OMS notamment sur la notion de personne vulnérable, c’est également, comme Madame CHOUK l’a rappelé, la nécessaire application des normes européennes aux personnes protégées, c’est aussi différents mouvements de pensée avec une approche juridique : la La Protection des Majeurs Vulnérables 17 vulnérabilité en matière contractuelle avec un contenu légal beaucoup plus clair en matière pénale par rapport à la notion d’abus de faiblesse d’où un terreau favorable à la conceptualisation de ces intérêts à protéger la personne vulnérable qui va construire les fondements de cette nouvelle législation de 2007. Il faut également constater que cette loi constitue une forme d’anticipation par rapport au constat de l’augmentation du nombre des personnes dépendantes du fait de leur âge ce qui laisse à penser qu’il était tout à fait naturel que le législateur s’engage sur cette question. Un mot sur le mandat de protection future présenté par l’intervention de maître LITREM. On sent aussi dans quel état d’esprit cette mesure a été prise, en ce sens qu’il est un moyen d’apporter une certaine sérénité sur la préparation d’un avenir qui pourrait s’avérer plus sombre. C’est une façon d’être maître de son destin en pensant que les choses pourront nous échapper à un moment donné. Ceci participe de cette même conception que la personne est encore titulaire de droits et que pour lui permettre de les exercer le mieux possible, la loi lui permet alors d’ouvrir une fenêtre pour organiser ellemême les choses en gardant la main, par anticipation, sur son avenir. En même temps, cette loi construit un cadre qui finalement protège le majeur concerné des dispositions de la loi elle-même. La limitation de la mesure dans le temps est, en effet, une façon de se protéger contre les excès de cette législation. Sur le plan pratique, la mise en application de la loi de 2007 fait intervenir de nombreux acteurs sur lesquels, on l’a vu au cours de cette journée, pèsent un certain nombre de contraintes. L’acteur majeur, il faut le reconnaître, c’est le juge qui est amené à prendre la décision d’ouverture de la mesure. Le juge prendra évidemment sa décision après l’action de nombreux acteurs en amont et d’autres en aval et c’était là le sens des interventions de Madame CHOUK, de Madame SIMON et, pour le second degré de juridiction, de Madame CARON DEGLISE qui a rejoint cette présentation. On retrouve bien là le rôle classique du juge qui doit peser si la mesure de protection, qui comporte de fait une atteinte à la liberté d’agir et de contracter, est justifiée dans le cadre légal mais aussi à travers les spécificités du cas qui lui est soumis. En même temps ce qui donne un caractère humain, un peu comme en matière d’assistance éducative, c’est de mettre en avant l’intérêt, autant que faire se peut, de rechercher l’adhésion de la personne concernée au titre des mesures qui doivent être prises. On est là dans un cadre judiciaire avec ses garanties et notamment la présence de l’avocat et la possibilité de faire appel. Le rôle du juge sera alors de peser si l’altération des facultés personnelles autorise ou non le recours à cette mesure de protection qui ne saurait être en aucun cas systématique. Pour anticiper sur les contraintes qui ont été évoquées, il faut rappeler que le juge des tutelles est un magistrat du Tribunal d’Instance qui a aussi de nombreuses autres activités au sein de sa juridiction. N’oublions pas également la présence du greffier et les tâches spécifiques qui sont les siennes dans le cadre de la préparation et du suivi de l’audience puis du dossier. Il faut également souligner l’importance du travail réalisé par le greffier en chef en matière de contrôle des comptes de gestion. L’image du « carton à chaussures contenant des facturettes » comme l’avait cité Monsieur ROY donne la mesure des difficultés rencontrées dans ce domaine. C’est une question qui n’a d’ailleurs pas véritablement été tranchée dans le cadre de la loi puisqu’il fut envisagé un moment de donner compétence aux juges de proximité en cette matière, ce qui n’a finalement pas été retenu et actuellement les greffiers en chef des tribunaux d’instance peinent à dégager le temps nécessaire pour effectuer un contrôle efficace des comptes de gestion des mesures de protection existantes. Auparavant, il nous a été expliqué le cheminement des signalements par les services du Conseil Général et évidemment le transfert de ces signalements au Parquet avec, à ce moment là, une véritable articulation de La Protection des Majeurs Vulnérables 18 la protection avec les autres missions du Parquet, comme l’a décrit Madame DUPLOUYE, avec l’établissement de la liste des médecins agréés, l’évaluation des signalements, la recherche d’un avis médical ou un complément d’information et, bien évidemment, des orientations vers un suivi social ou une saisine du juge. Il a été déploré, au titre des contraintes, la longueur des délais importants d’instruction des signalements qui peuvent s’expliquer par la nature des dossiers mais aussi par la lourdeur des charges qui s’imposent à chacun des intervenants. Une interrogation importante nous a été soulevée par Madame LEFEBVRE des NOUETTES sur la répercussion envers la personne vulnérable des modalités de la prise en charge institutionnelle. Dès lors qu’une institution intervient pour protéger les personnes, elle ne peut pas le faire sur ce simple agrément de protection. Elle doit réfléchir à ses propres modes de fonctionnement et d’accueil des personnes vulnérables pour ne pas être elle-même involontairement maltraitante. A ce titre, l’audition peut, dans certains cas, entrainer la réactivation de l’épisode psychotique ; l’obligation de réactiver la mesure et de convoquer tous les 5 ans, nécessite une préparation en ce sens qu’elle est parfois difficilement perçue par certains patients et leur famille. Autre exemple, l’utilisation de certains imprimés avec des cases à cocher, qui est probablement justifié par la facilitation du traitement de ce contentieux de masse, exige en contrepartie le doigté que l’on devrait avoir lorsque l’on touche à l’élément humain. La question de l’accueil téléphonique reste un sujet délicat puisque les juridictions me sollicitent pour limiter les plages téléphoniques d’accueil afin de permettre le traitement administratif des procédures. C’est une doléance justifiée mais il faut comprendre que la situation actuelle nécessite, pour les personnels judiciaires, de mener de front de multiples tâches entrainant une sorte de rationalisation dans l’organisation des services des tribunaux d’instance qui conduit à fermer l’accueil téléphonique à certains moments. Autre expression qui s’est révélée et qu’il faut pointer aujourd’hui, c’est la complexité de certains dossiers notamment en matière financière qui nécessite un niveau de compétence actuellement manquant sur l’analyse financière de certains dossiers. En résumé, la principale difficulté et Madame CARON DEGLISE l’a rappelé, c’est le manque de moyens associés à cette réforme. Les exemples se succèdent malheureusement aux cours des dernières années et dans un domaine tout à fait proche qui est celui de l’hospitalisation sous contrainte il a fallu travailler à moyens constants. Le prix à payer de ce manque de moyens ce sera dans un avenir proche (échéance au 31 décembre 2013) le renouvellement de 30% des mesures de tutelles et les conséquences juridiques et de responsabilité qu’entraine la caducité des mesures alors que l’on sait très bien que les demandes d’ouvertures de mesures nouvelles sont en constante augmentation et qu’il faut s’attendre à une explosion des saisines du juge cours des prochaines années. On est dans une logique de surencombrement des juridictions et des services de leurs partenaires qui ont pour effet d’altérer la qualité et qui compromet un traitement plus attentif et humain des dossiers et des personnes même si l’on demeure dans le traitement de masse. Effectivement la limitation des mesures voulue par le législateur ne s’opère pas et c’est plutôt l’inverse qui se produit. Je ferai un petit aparté sur le mandat de protection future dont on a évoqué l’intérêt intellectuel et qui semble-t-il ne démarre pas. Cela véhicule le sentiment d’une sorte d’incapacité de l’être humain à se projeter dans un avenir qui lui paraitra plus sombre ; une vraie question d’actualité ! Ceci ne remet toutefois pas en question la pertinence et l’intérêt de cette nouvelle disposition. La Protection des Majeurs Vulnérables 19 Enfin, la présence des mandataires ont permis avec Mesdames VIAL et TUFFERY de mettre en évidence les contraintes de celles et ceux qui sont, de manière continue, au contact direct des personnes vulnérables par comparaison aux autres partenaires qui sont acteurs, à un moment donné, de la procédure. On est bien là sur le vécu de la mesure au quotidien, de la récupération des moyens de paiement, de ce qui peut s’apparenter à une inspection des lieux de vie de la personne, ce qui en fait un travail extrêmement délicat sur lequel deux plans se superposent : les difficultés de la personne et, bien souvent, une grande misère sociale. Quel bilan, quelle prospective : Cette journée, bien modestement, en fait partie sur le simple constat qu’il est utile et nécessaire de se réunir pour avoir un apport théorique de formation continue et si possible créer des liens pour continuer à mieux travailler ensemble. Il y a eu aujourd’hui de nombreuses questions ayant, pour la plupart, apporté des réponses dans un relatif équilibre entre les interventions théoriques, d’une part, et les débats pratiques, d’autre part. Sur les acquis de la loi, il faut mettre en avant la professionnalisation des acteurs et l’expression de leur solidarité et d’un certain niveau d’engagement, malgré les contraintes professionnelles, pour faire vivre la loi de 2007 dans l’intérêt de personnes qui y ont recours. A travers la vision des mandataires judiciaires et mandataires privés on a retrouvé cette exigence de formation croisée et la communauté de points de vue dans l’intérêt d’un meilleur suivi des personnes vulnérables. On constate ce même niveau d’engagement chez les médecins agréés avec une recherche de qualité de la relation médecin / patient et aussi une recherche d’harmonisation des trames des certificats médicaux préalables afin d’en valoriser les contenus. Le conseil général est de son côté attaché au renforcement du travail local de partenariat sur l’organisation des signalements, la nécessité de poursuivre ce travail en passant notamment des protocoles avec les juridictions de manière à éviter les effets nocifs du changement des pratiques qui sont encore trop « intuitu personae ». Cette démarche montre bien à quel point il faut entreprendre un processus avec la volonté de le rendre durable au fil de la participation des acteurs qui pourront se succéder dans le suivi de la mesure de protection. Il faut poursuivre ce travail à l’image de ce qui existe ou se constitue en matière d’outil de formation, d’Intranet, de fiches pratiques et autres éléments utiles. Il appartiendra aussi aux praticiens de faire remonter les difficultés rencontrées à la fois sur le plan des moyens mais aussi dans la déclinaison pratique de la mise en application de la loi de 2007 et des contradictions qu’elle peut produire. Même si je n’avais pas vraiment d’inquiétude, je suis rassuré sur l’existence du dialogue qui existe entre les deux degrés de juridiction imagé par l’interprétation des décisions en elles même mais au-delà sur le souhait d’échanger dès lors que, pour chaque département, des magistrats référents pourront s’exprimer au nom de l’ensemble. Restant confiant dans l’avenir, nous espérons un déploiement de moyens absolument indispensables et je vous révèle aujourd’hui un assez bon signe donné par le Ministère de la Justice sur le gel des citoyens assesseurs devant le tribunal correctionnel. La Protection des Majeurs Vulnérables 20 Ceci ne constitue pas une réaction corporatiste des magistrats visant à écarter le citoyen du fonctionnement de la Justice mais le simple constat que la durée très allongée des audiences par cette présence entrainerait une véritable asphyxie des tribunaux dans leur fonctionnement. Quel que soit le bien fondé d’une réforme, il y a un moment où il faut s’arrêter et je pense que le message reçu pour la première fois et consistant à dire que l’on ne va pas plus loin dans la réforme parce que les moyens ne sont pas réunis permettra de se retourner vers l’existant et de porter la réflexion sur la consolidation des textes en vigueur et les moyens de fonctionnement nécessaires à leur mise en œuvre, ce qui constitue un projet intéressant. Bien entendu, la mise en place de l’observatoire départemental des personnes vulnérables sera un élément déterminant. Merci de votre attention et de votre participation active aux débats, merci à tous les intervenants pour la qualité de leur message et à bientôt je l’espère pour une nouvelle édition des « Rencontres du Tribunal de Grande Instance de Créteil » avant la fin de l’année 2012.