Extrême-France, les 5 tendances de l`extrême-droite

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Extrême-France, les 5 tendances de l`extrême-droite
Extrême-France,
les 5 tendances de l'extrême-droite
JCG : Dans votre ouvrage, «Extrême France», vous relevez le rideau sur
celle-ci, que tous les Français croient connaître, avec le FN, qui est la
tendance dominante sur le plan représentatif de cette droite radicale,
mais dont l'arbre dissimule la forêt des quatre autres tendances, les
catholiques traditionalistes, les nationaux radicaux, la mouvance
royaliste, et le mouvement provie. D'un point de vue philosophique, on
peut dire que toutes ces tendances sont idéalistes dans le sens où elles
vivent par et pour une Idée de la France, d'une France qui n'existe pas et
qui même n'a jamais existé... Ce que les fondamentalistes d'Al Qaeda
recherchent à leur niveau, l'Islam originel, il y a beaucoup de ces
radicaux qui le recherchent, c'est la France d'avant, la France «pure»,
la France originelle, mais c'est une fiction...
Fiammetta Venner : L'extrême france est une construction, une
"communauté imaginaire" comme toute idée nationale, toute
communauté. Pour unir un groupe de personne, il faut bâtir des liens
entre chaque individu et déterminer des frontières entre un "nous" et "les
autres". On ne peut pas dire que la France dont rêvent les extrémistes n'a
jamais existé. Les croisades, la révolution française, l'algérie française
sont des références communes, néanmoins les extrémistes font leur
marché dans l'histoire de France pour se bâtir leur propre culture. L'idée
de ce livre était de montrer la culture et l'histoire de ses extrémistes.
JCG : La mouvance royaliste (et ne faudrait-il pas la qualifier plus
généralement de mouvance de la noblesse ?), est très active, très
méconnue, même à une époque où un sujet de petite noblesse est
premier ministre. Les Français n'ouvrent pas facilement les yeux làdessus, mais il faut constater que, depuis la Révolution, la réaction
aristocratique a largement réussi, et qu'aujourd'hui, que ce soit au niveau
politique (et je pense particulièrement au Ministère des Affaires
Étrangères), dans les entreprises (à France Télévisions, M6, ...) , les fils
et filles de la noblesse de France occupent les premiers rangs et
travaillent, agissent, pensent dans une logique communautaire, «nos
frères aristocrates d'abord»...
FV : La mouvance royaliste n'a aucun rapport avec la mouvance de la
noblesse. D'ailleurs il y a peu d'aristocrates parmi les royalistes. C'est un
mouvement politique qui utilise la figure du roi comme faisceau final
d'une organisation politique de la société.
JCG : Cette droite radicale n'est pas fondamentalement xénophobe (mais
parfois raciste, ce qui est différent). Vous démontrez, ce que le couple
Pincon-Charlot a fait pour la grande bourgeoisie française, qu'il y a des
réseaux internationaux. Jean-Marie le Pen a plus d'amitié pour un
Allemand comme Franz Shonhuber (ancien SS), que pour un Français
comme moi (mais je veux le rassurer, j'en ai autant pour lui). Quelles
sont les organisations internationales et étrangères avec lesquelles le
Front National est lié ?
FV : Cette droite radicale est parfois raciste et souvent xénophobe. Mais
les sympathisants de l'extrême droite n'ont pas toujours une vision
"ethnique" de la nationalité contrairement aux allemands. Ce qui signifie
que si un français ne leur plaît pas, il leur suffit de le sortir de la
communauté nationale. Cela n'empêche pas l'extreme droite d'avoir des
reseaux internationaux. Le 15 janvier dernier le FN a créé au Parlement
européen un groupe baptisé "Identité, Tradition, Souveraineté"
(ITS). Les sept eurodéputés du Front national seront la première
composante du groupe, devant les cinq élus du parti Grande Roumanie,
puis les trois élus belges du Vlaams Belang. Autres députés attendus
l’ITS Andreas Mölzer, un temps écarté du parti d’extrême droite
autrichien FPÖ pour ses positions trop à droite, deux nationalistes
italiens dont la petite-fille du Duce Alessandra Mussolini, et le
Britannique Ashley Mote. Remarquons aussi le très délicat Bulgare
Dimitar Stoyanov, du parti ultranationaliste Ataka, qui avait provoqué
un scandale en octobre en protestant contre l’attribution à une Hongroise
d’origine Rom de la distinction "meilleure parlementaire 2006". "Dans
mon pays, il y a des dizaines de milliers de filles tziganes plus belles que
cette honorable-là (...) Les meilleures d’entre elles sont chères -jusqu’à
5.000 euros pièce, Wow !"
JCG : La situation actuelle du FN n'est-elle pas intensément paradoxale
et contradictoire ? Car son aura médiatico-sociale, son niveau
d'influence sur les consciences, paraissent toujours élevés mais le Parti
n'a aucun pouvoir démocratique institutionnel, et les rares expériences
de pouvoir des Frontistes ont été des échecs. Jean-Marie Le Pen tire ses
dernières cartouches, et sans l'homme du verbe... Comment analysezvous la situation du FN ?
FV : Des le milieu des années 80, il y a eu une déconnection entre la
réalité du FN et son soutien populaire. Lors de la première fête des BBR,
le trésorier du FN pensait mettre la clef sous la porte et ils ont vu arriver
des gens dont ils ne soupçonnaient pas l'existence. Nous sommes dans
une société ou l'expertise et devenu un défaut, l'engagement empreint de
suspicion et l'expérience, une faute. Dans ce contexte, le Front national
se porte très bien.
JCG : Vous évoquez la prolétarisation du FN, mais cette intégration des
pauvres et des ouvriers dans le parti d'extrême-droite n'était-elle, n'estelle pas un objectif majeur pour ce parti de la grande bourgeoisie ? Tant
que les salariés modestes se divisent entre nationaux, nationaux et
étrangers, les pouvoirs économiques peuvent dormir sur leurs deux
oreilles ?
FV : Il ne s'agit pas d'une prolétarisation du FN mais de sa popularité au
sein des couches populaires. C'est en effet en contradiction avec son
programme de départ. Mais visiblement, cette contradiction ne dérange
pas ses électeurs.
JCG : L'une de ces mouvances, provie, est fondée sur des convictions et
des croyances qui proviennent directement du catholicisme. Celui-ci ne
fait-il pas le lien entre toutes les mouvances ?
FV : Pas tout a fait. Le mouvement provie vient d'une vision du
catholicisme traditionaliste mais a réussi très vite à s'en émanciper.
Aujourd'hui les provie sont majoritairement protestants (États-Unis).
Une des futures étapes du mouvement provie est son extension juive,
musulmane et hindoue. Petit à petit, les provie perdent leur vernis
catholique.
JCG : Dans la deuxième partie de votre ouvrage, vous interrogez la
problématique «Comment constituer un «nous» ?». Avec ces mouvances
d'extrême-droite, la question est importante, car ce qui est très étonnant,
enfin, quand nous sommes naïfs, c'est que celles et ceux qui font la
propagande de l'individu-roi, et notamment en économie, sont obsédés
par la communauté une et unie, mais là encore, on peut y déceler une
trace de la rhétorique catholique qui parle de la communauté des
croyants. Vous traitez de la musique identitaire. Parce qu'il y a de la
musique «vraiment» française, qui sent bon l'ail et le cochon ?
FV : La musique identitaire est le terme par lequel se désignent un
certain nombre de groupes. Il s'agit le plus souvent de mouvement
violents qui plus d'une identité nationale rêvent d'une identité ethnique.
JCG : Dans le chapitre qui clôt votre ouvrage, intitulé «Le recours à la
violence», vous parlez du «choc de la rencontre avec les «Autres». Si
ces mouvements prétendent être identitaires, c'est que ceux qui en sont
membres sont certains de ce qu'ils sont, blancs, français, et qu'ils ont le
culte des clones, comme d'ailleurs les activistes d'Al Qaeda portent la
barbe, usent des mêmes signes vestimentaires. En général, pour qu'il y
ait de la violence, il faut que, comme pour ces terroristes, ils soient en
meute, et plus nombreux que leurs «adversaires», et même s'il y a des
exceptions (je pense à l'assassinat de Karim Zaiter qui faisait du quad
près de Limoges, par un membre du FN). Est-ce que ces accès et ces
actes de violence ne sont pas rares parce que la justice française a été
tout de même assez ferme avec les auteurs d'agressions ?
FV : Dans les cas de recours à la violence, les protagonistes se justifient
systématiquement en prétendant avoir été agressés. C'est le cas de
l'assassinat de Karim, le meurtrier présumé ayant été "agressé" par le
bruit...
L'action Littéraire – Janvier 2007
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