Question : en quoi cette tirade est-elle un récit expressif

Transcription

Question : en quoi cette tirade est-elle un récit expressif
Séquence 4 : Pierre Corneille, Le Cid
Comment l’amour et l’honneur font agir héros et héroïne ?
Lecture analytique 4 : Acte IV, scène 3 (v. 1273-1300):
Question : en quoi cette tirade est-elle un récit expressif et épique ?
Introduction
- Présentation de l’auteur et de l’œuvre :
- Situation du passage : Rodrigue vient de se couvrir de gloire : envoyé par son père au combat, il a arrêté les
Maures qui menaçaient la ville. Il a été nommé « Cid » et il est reçu en triomphe à la cour. Auprès du roi, il fait
le récit de la bataille.
- Lecture
- Reprise de la quetion et annonce du plan : Cet extrait de la longue tirade de Rodrigue où le héros raconte ses
exploits comporte les caractéristiques du texte épique. Nous analyserons tout d’abord la narration qui fait de ce
récit une scène vivante, une hypotypose, puis la manière dont la manière dont ce récit fait de Rodrique un
héros épique.
I – l’hypotypose
Le récit de Rodrigue doit permettre de se représenter les actions héroïques et leur cadre de la manière la plus
suggestive possible.
a) le cadre : il est introduit avec splendeur, écrin naturel des exploits guerriers, par l’oxymore « l’obscure clarté
qui tombe des étoiles », nuit étoilée donc où s’opposent ombre et lumière dans une ville fantôme « Point de
soldats au port, point aux murs de la ville » v. 1278.
Les lieux sont évoqués, correspondant aux positions des ennemis : la terre pour les Espagnols, l’eau pour les
Mores, placé pour l’un à la césure, pour l’autre à la rime : « Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur
terre », contraste qui se prolonge dans l’énumération : « Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port » v.
1299.
D’autres éléemnts du décor permettent de visualiser la scène : la synecdoque « trente voiles » v. 1274, « nos
vaisseaux » v. 1285, « murs de la ville » v.1278.
b) un tableau destiné à impressionner
- le lexique des sensations est très présent :
•
la vue par les références au sang dans la métaphore hyperbolique « des ruisseaux de leur sang » v.
1291 ou dans l’hyperbole « de notre sang au leur font d’horribles mémalnges » v. 1298.
•
Bruit et silence s’opposent selon le moment du conflit,
du « profond silence » v. 1279 de la ruse
première aux « mille cris éclatants » v. 1284 du moment de l’attaque surprise.
- le vocabualire de la violence et de la guerre parcourt le texte : « pillage » et « guerre » à la césure et à la
rime du vers 1289, dénotant la violence du combat ; les réfernces aux armes : « armés » v. 1286, « leurs
alfanges » v. 1297 ; les termes exprimant la violence et la confusion du combat : « Poussons jusques au ciel
mille cris éclatants » v. 1284, « se condondent » v. 1286, l’anaphore de « nous les pressons » v. 1290,
« l’épouvante » v. 1287, « leur désordre » v. 1296. Le dernier vers, par la métaphore et la personnification,
accentue l’image de la violence : « des champs de carnage où triomphe la mort » v. 1300
c ) un tableau vivant
- les verbes d’action sont extrêment nombreux et le présent de narration donnent encore plus de vie au récit:
•
Énumération du vers 1280 : « ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent »
•
Succession des actions entre le vers 1283 et 1285 : « nous nous levons », « poussons », répondent »
•
Répétition au vers 1290 : « nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre »
- les moments du combat sont explicitement donnés : l’arrivée des assaillants : « enfin » v. 1274 ; l’attaque
des Espagnols: « alors », « en même temps » v. 1283, et la déroute des Mores : « avant que de combattre » v.
1288, « avant qu’aucun résite » v. 1292 ; le sursaut des Mores : « Mais bientôt » v. 1290.
➜ l’hypotypose permet de visualiser la scène à laquelle le spectateur n’a pu assister et dans laquelle Rodrigue
se conduit en héros épique.
II- Un récit épique
a) Une action collective
Le récit met en scène des actions guerrières opposant deux camps : on ne distigue pas pas d’individualités,
mais l’expression du grand nombre revient fréquement :
- les pronoms opposent le « nous » des Espagnols conduits par Rodrigue tandis que les Mores sont désignés par
« ils »
- les termes collectifs et les pluriels désignent les uns et les autres : « Les Mores » v. 1276 et 1286, « leur
sang » v. 1291, « leurs princes » v. 1293, « leurs terreurs » v. 1294, « leurs alfanges » v. 1297 … ou « aux
mains qui les attendent » v. 1283, « mille cris éclatants » v. 1284.
b) le registre épique : il est dominant par différents procédés
- les hyperboles « mille cris éclatants » v. 1284, « des ruisseaux de leur sang » v. 1291, ‘horribles mélanges »
v. 1298, « champs de carnage » v. 1300
- les répétitions : « Point de soldats au port, point aux murs de la ville » v. 1278 ; « Nous les pressons sur
l’eau, nous les pressons sur terre » v. 1290
- les énumérations : « ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent, / Et courent » v. 1281-1282 ; « Et le
terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port » v. 1299
- les parallélismes : « Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre » v. 1289, « Leur courage renaît, et
leurs terreurs s’oublient » v. 1294
- l’amplification du rythme : enjambements des vers 1281-1283 ou 1299-1300 « Et la ter/re, et le fleu/ve et la
flot/te et le port (3/3/3/3) / Sont des champs de carnage /où triomphe la mort »(6/6)
c) Rodrigue, héros épique
Dans ce passage, le jeune guerrier s’efface et ne se désigne jamais individuellement : le « nous » et une fois
« on » désignent les Espagnols. Il ne reprendra le pronom « je » que quelques vers plus loin ; « J’allais de tout
côté » v. 1305. Mais il ne faut pas oublier que c’est Rodrigue qui mène ces guerriers qu’il a trouvés assemblés
chez son père, c’est lui qui a imaginé la ruse fatale aux Mores.
En chef de guerre, il sait ainsi, en ne se démarquant pas, rendre hommage au courage et à l’ardeur de ses
soldats. D’autre part, la grande unité du groupe montre que tous lui ont obéi.
Enfin, en peignant des ennemis redoutables et la fureur du combat, il met en valeur le comportement valeureux
des Espagnols et de leur chef, c’est-à-dire lui-même.
➜ ainsi par son action et son talent de narrateur, Rodrigue ne peut qu’être apprécié du Roi. Devenu « le Cid »,
il devient le défenseur du royaume, sa vie est nécessaire à la protection du pays.
Conclusion :
- le récit au théâtre a comme fonction de représenter au spectateur ce qu’il n’a pu voir : c’est ce que permet
l’hypotypose qui rend le récit vivant, coloré, animé.
- le récit de Rodrigue est des passages les plus connus de cette pièce : il correspond à une nouvelle étape dans
l’ascension du jeune homme. Le registre épique de ce passage met en évidence la valeur guerrière du jeune
homme, désormais utile au royaume et auréolé de gloire.
- À ce moment de la pièce, nul doute que la valeur de Rodrigue empêche que le Roi le punisse de la mort du
comte. On peut se demander quelle sera la réaction de Chimène.