LA MOBILITE GEOGRAPHIQUE DES JEUNES EN MILIEU RURAL

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LA MOBILITE GEOGRAPHIQUE DES JEUNES EN MILIEU RURAL
CLAUDIA TURMEAU
Rapport de stage pour l’obtention du Diplôme d’Etudes
Supérieures Spécialisées de Psychologie
LA MOBILITE GEOGRAPHIQUE
DES JEUNES EN MILIEU RURAL :
QUELS SONT LES FREINS ?
Responsable de stage : M. DORNIER,
Directeur de la PAIO de CHATEAUBRIANT (44)
Etudiante en D.E.S.S. de psychologie :
PSYCHOLOGIE ENFANCE ET SOCIETE
Encadrée par Mme TOURRETTE et Mme GUIDETTI
POITIERS,
Année universitaire 1999 - 2000
« Restaurer une mobilité possible n’est pas l’imposer. Mais la
mobilité géographique et sociale, est sûrement le signe d’une
dignité retrouvée. »
Jean-Marie DELARUE
Délégué interministériel à la ville
"La vie immobile ou la reconquête de la mobilité"
La lettre de REFLEX N°1
CLAUDIA TURMEAU
REMERCIEMENTS
Le travail présenté dans ce rapport a été effectué au sein de la
PAIO de l’arrondissement de Châteaubriant.
J’adresse mes sincères remerciements à Monsieur Jean-Louis
Dornier, responsable de la PAIO, qui a bien voulu m’accueillir au sein
de sa structure, pour avoir assuré mon encadrement et m’avoir
prodigué de nombreux conseils et suggestions.
Merci à l’ensemble des personnes de la PAIO pour leur aide et
pour l’ambiance chaleureuse dans laquelle ce travail a été accompli.
Je remercie également les responsables des organismes de
formation ainsi que les formateurs qui en acceptant ma venue ont ainsi
contribué à mon travail sur le terrain.
Un grand merci également aux différents intervenants qui
assurent notre formation au sein du D.E.S.S. et plus particulièrement à
Madame Tourrette et Madame Guidetti qui, par leurs actions aussi
diverses soient-elles, ont participé à mon avancée personnelle.
Je tiens par ailleurs à remercier mes parents, mon ami et mes
amis proches qui m’ont soutenue durant cette année de D.E.S.S. et
pendant tout mon cursus universitaire.
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CLAUDIA TURMEAU
INTRODUCTION
J’ai effectué mon stage de fin d’étude à la permanence d’accueil,
d’information et d’orientation (PAIO) de l’arrondissement de Châteaubriant. Cette
association, loi 1901, reçoit des jeunes âgés de 16 à 25 ans, en difficulté d’insertion
sociale et professionnelle, et le plus souvent en perte de repères. Les
professionnels travaillant auprès de ces jeunes les aident à construire un parcours
global d’insertion.
Lors de ce stage, j’ai étudié la mobilité géographique des jeunes en milieu
rural. La demande émane des différents professionnels, qui le plus souvent restent
désarmés face à ces jeunes immobiles. En effet, cette immobilité récurrente peut
entraver le processus d’insertion sociale et professionnelle. J’ai alors étudié les
différents freins qui provoquent cette immobilité géographique des jeunes en
milieu rural.
L’objectif de cette étude est de dégager des profils ; ce qui permet aux
professionnels de la PAIO d’accompagner le jeune, et de l’aider à résoudre ses
difficultés qui le freinent dans sa mobilité.
Cette étude s’articule autour de plusieurs axes : dans un premier temps, je
précise l’analyse et la problématique de stage, puis la méthode qui m’a permis de
réaliser cette étude, enfin les résultats escomptés.
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CLAUDIA TURMEAU
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS --------------------------------- 1
INTRODUCTION ---------------------------------- 2
PARTIE I : L’analyse de la demande et la problématique du
stage ------------------------------------------- 5
1. La mobilité géographique des jeunes en milieu rural --------- 5
2. Analyse de la demande---------------------------------------- 6
a. Les adolescents et les jeunes : parle t’on des mêmes personnes ? Ont-ils
les mêmes caractéristiques ? -----------------------------------------------------------------7
b. Qu’en est-il de leur insertion sociale et professionnelle en général et en
milieu rural plus particulièrement ?----------------------------------------------------- 10
c. Du lien familial…au lien social...--------------------------------------------------- 13
d. Sont-ils précaires financièrement ? ------------------------------------------------ 19
e. Mais alors peuvent-ils être mobiles ? --------------------------------------------- 20
f. Quatre profils de jeunes ayant vécu dans un foyer de jeunes
travailleurs et étant mobiles---------------------------------------------------------------- 21
3. Analyse de la problématique --------------------------------- 23
PARTIE II : La méthode de travail adoptée pour l’étude et
l’analyse des résultats ----------------------------- 25
1. La méthode --------------------------------------------------- 25
a.
b.
c.
Conception de l’enquête -------------------------------------------------------------- 26
Population et échantillon---------------------------------------------------------- 26
L’accès aux interlocuteurs ; les personnes rencontrées ------------------ 29
Plan de l’entretien et guide d’entretien ------------------------------------------ 33
La production des récits.-------------------------------------------------------------- 41
3
CLAUDIA TURMEAU
2. Les résultats et l’analyse ------------------------------------ 43
a.
b.
Type d’analyse choisie----------------------------------------------------------------- 43
Méthode ------------------------------------------------------------------------------------ 44
3. Analyse des résultats ---------------------------------------- 44
a.
b.
c.
d.
e.
f.
g.
h.
i.
j.
k.
La mobilité matérielle------------------------------------------------------------------ 45
La définition de la mobilité ---------------------------------------------------------- 47
Les éléments de trajectoire familiale ---------------------------------------------- 52
Les éléments concernant la santé psychologique----------------------------- 55
Les éléments concernant l’espace résidentiel ---------------------------------- 58
La mobilité liée aux attaches--------------------------------------------------------- 60
Le lien social ------------------------------------------------------------------------------ 63
Les loisirs et les vacances ------------------------------------------------------------- 65
La mobilité dans la tête---------------------------------------------------------------- 68
La mobilité liée à la formation et à l’emploi ------------------------------------ 71
Les freins à la mobilité ----------------------------------------------------------------- 73
PARTIE III : Discussion, préconisation ---------------- 77
1. Discussion ---------------------------------------------------- 77
CONCLUSION ----------------------------------- 81
CONTACTS ------------------------------------- 82
BIBLIOGRAPHIE --------------------------------- 83
LISTE DES FIGURES------------------------------ 85
LISTE DES TABLEAUX ---------------------------- 86
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CLAUDIA TURMEAU
PARTIE I : L’analyse de la demande et la problématique du
stage
1. La mobilité géographique des jeunes en milieu rural
La sédentarité n’est pas sans apporter quelques avantages et, dans toute
société caractérisée par ce genre de vie, le nomadisme n’est pas de bon aloi.
Ce genre de vie sédentaire permet à chacun d’exercer ses activités quotidiennes
dans un cadre géographique dont la dimension varie avec le type d’activité, mais à
l’intérieur duquel se trouve un lieu d’attache où chaque personne revient
inlassablement.
Le sédentaire n’est pourtant pas immobile, il peut se déplacer, mais dans ses
déplacements, il obéit à certaines habitudes, peut être à quelques règles, qui
déterminent un stéréotype du comportement caractérisé par l’existence d’un lieu
d’attache. Souvent, ce lieu d’attache n’est autre que celui de sa résidence.
La sédentarité et la mobilité sont donc compatibles : d’une part, il est
possible de quitter un lieu d’attache et de s’installer dans un autre, d’autre part, il
est possible de ne pas être continuellement présent au même endroit.
Tout changement de lieu d’attache représente un déplacement définitif qui
met en relation deux points d’attaches consécutifs : le lieu d’origine et le lieu
d’accueil.
L’absence momentanée représente un déplacement temporaire qui met en relation
le lieu d’attache et un autre ou plusieurs autres lieux généralement appelé lieu de
fréquentation.
Sur mon lieu de stage, les jeunes rencontrés en entretien, effectuent des
déplacements temporaires que l’on pourrait appeler « navettes ». En effet, dans le
cadre de leur adhésion aux différents dispositifs de formation, ils se déplacent
pour se rendre sur leur lieu de formation chaque jour.
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CLAUDIA TURMEAU
A Châteaubriant, les jeunes peu mobiles ne bénéficient pas de facilités de
déplacements contrairement au milieu urbain. La région de Châteaubriant
manque d’infrastructures adaptées et lorsqu’elles existent, leur accès n’est pas
facilité contrairement aux grandes villes où il y a la possibilité de gratuité de
transport en commun.
De plus, la plupart des jeunes ne connaissent pas les différents moyens de
transport qui existent sur la région.
C’est pourquoi, pendant mon stage, j’ai réalisé une plaquette informative
regroupant les différents moyens de locomotion que l’on peut trouver sur
l’arrondissement de Châteaubriant. Cette plaquette devait être, à l’origine, adaptée
aux jeunes. Seulement son exhaustivité fait qu’elle devient difficile d’accès pour
les jeunes. En effet, tous les moyens de transports sont recensés (des transports en
commun à la location journalière de mobylette), les coûts et bien sûr les
réductions, …
Cette plaquette contenant toutes les informations est assez conséquente. Les
jeunes en difficulté, ayant un faible niveau scolaire, n’iront pas chercher les
informations dans ce document. C’est pourquoi, après discussion avec les
professionnels de la PAIO, nous avons décidé que cette plaquette sera destinée
aux différents acteurs accompagnant des jeunes dans leur démarche d’insertion,
qu’elle soit sociale ou professionnelle.
2. Analyse de la demande
J’ai engagé cette recherche, à la demande de M. Dornier, responsable de la
PAIO.
En effet, M Dornier ainsi que les conseillères en Emploi/Formation ont un besoin
important de comprendre les raisons et les mécanismes de la mobilité ou de
l’immobilité géographique des jeunes résidant dans l’arrondissement de
Châteaubriant.
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CLAUDIA TURMEAU
D’une manière générale, on peut avancer le fait que certains jeunes
"bougent", sont en "mouvement". Ce "mouvement" peut avoir des raisons diverses.
Ainsi, certains jeunes peuvent "bouger" pour des raisons personnelles ; ils ont un
besoin de quitter un type d’environnement ou un milieu géographique.
D’autres peuvent "bouger" pour des raisons familiales ; par exemple un conflit de
génération les conduisant à chercher une solution en dehors de la structure
familiale. D’autres encore peuvent "bouger" pour des raisons professionnelles, ils
sont à la recherche d’un travail ou d’une formation professionnelle ou bien pour
passer d’un bassin économique sinistré à un bassin d’emploi plus prospère.
Parallèlement, il existe plusieurs raisons qui peuvent obliger le jeune à
rester dans son environnement d’origine. Ce peut-être une relation forte avec des
personnes ressources, une mauvaise connaissance des structures spécifiques du
réseau d’action sociale, le sentiment de n’avoir rien à découvrir, la forte pression
de l’environnement social et/ou religieux ou encore, tout simplement, le
sentiment d’équilibre du jeune dans son quotidien.
Dans ce cas, l’immobilité des jeunes serait étroitement liée :
- Aux attaches qu’ils ont à leur pays et/ou plus précisément à leur famille.
Ces attaches peuvent être d’ordre professionnel, affectif ou social.
- A la peur de l’inconnu, de découvrir un autre environnement.
- Au manque de moyen financier, au processus de précarisation.
a. Les adolescents et les jeunes : parle t’on des mêmes
personnes ? Ont-ils les mêmes caractéristiques ?
Dans un premier temps, il me semble important de définir le terme de
"jeune". Ce terme est souvent utilisé, mais que représente-t-il ? Est-ce qu’il s’agit
d’une tranche d’âge, d’un statut reconnu ou encore d’une population en général ?
Le terme "adolescent" et le terme "jeune" désignent-ils la même population ?
Je souhaitais étudier cette notion selon deux points de vue :
- L’un serait psychologique.
- L’autre serait sociologique.
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CLAUDIA TURMEAU
En fait, l’adolescence serait une tranche d’âge pour les sociologues mais un
processus pour les psychologues.
Il me semble avant tout indispensable d’éclaircir cette notion d’adolescence dans
un cadre très général, mais il convient de tenir compte de la subjectivité de cette
définition vu le nombre d’auteurs ayant travaillé sur ce concept.
La définition de V. Courtecuisse (1992, p29-30) me paraît appropriée :
« L’adolescence est avant tout un itinéraire, avec comme axe principal celui du
développement, de la métamorphose rapide, impliquant l’un et l’autre des changements
radicaux dans les systèmes biologiques, mais aussi dans les systèmes de dépendances
affectives, psychologiques, sociaux et personnelles dans le sens de la relation à soi-même. A
côté de ses axes il y a les marges (champs d’explorations, d’expérimentations, de risques
aussi, parfois de déviances). C’est également sur ces frontières que se jouent les expériences
ou les accidents de "marginalisation". Au niveau de ces marges se noueront des actes, des
étapes, des moments souvent décisifs, mais parfois destructeurs, et presque toujours mal
perçus ou mal compris, voire ignorés de l’entourage. Ces tentations marginales occuperont
des places très différentes d’un adolescent à l’autre. Parfois véritablement centrales, elles
envahissent le champ de la vie quotidienne et signifient souvent des prises de risques
considérables. Pour d’autres, elles resteront occasionnelles ou limitées. »
L’adolescent
doit
s’adapter
« psychologiquement »
aux
transformations
corporelles, mais il est également confronté à des mutations profondes sur le plan
de ses désirs, de ses possibilités affectives, intellectuelles et à l’élargissement de ses
horizons.
Suite à cela, on peut affirmer que l’adolescence : ce n’est plus l’enfance, mais ce
n’est pas encore la maturité.
C. Tourrette (1998, p139) donne deux définitions différentes de l’adolescence selon
deux critères :
- Critère physiologique (la puberté)
- Critère social (l’insertion professionnelle et création d’une cellule familiale
autonome.)
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CLAUDIA TURMEAU
Ce dernier critère m’amène à vous définir le terme « jeune » d’un point de vue
sociologique. D’une manière générale, l’adolescence et la jeunesse se situent entre
l’enfance et l’âge adulte.
B. Maresca (1995, p 5) donne une définition sociologique de la jeunesse.
L’explication qu’il donne me paraît très intéressante dans le sens où, pour lui, les
transitions qui mènent de l’enfance à l’â ge adulte s’opèrent selon deux trajectoires
de socialisation :
§ Le parcours qui fait passer de la formation scolaire initiale à la vie
professionnelle, marqué par un seuil essentiel, la sortie de la scolarité et l’entrée
dans le travail,
§ Le passage de l’espace familial à un espace matrimonial, scandé par deux
étapes, le départ du domicile parental et la formation d’un couple stable.
Donc, le jeune entamerait son processus d’entrée dans l’âge adulte lorsque : la fin
de sa scolarité entraîne à brève échéance l’entrée dans la vie professionnelle, et
cette dernière déclencherait alors le départ de chez les parents et autoriserait la
fondation d’une nouvelle cellule familiale.
Pourtant, ce n’est pas si simple. En effet le chômage, touchant certains
jeunes, induit un allongement de la période de cohabitation familiale. De plus,
entre la sortie du monde scolaire et l’entrée dans le monde du travail, il existe
souvent un temps de transition, et l’âge d’accès au statut d’actif sur le plan
professionnel n’est pas directement en relation avec l’âge d’accès au statut
d’adulte du point de vue des responsabilités matrimoniales.
La jeunesse se situe entre la sortie de l’adolescence et l’entrée dans la vie
adulte. Entre les deux, la durée s’est amplifiée, la multiplicité des expériences est
acceptée. Ce temps de jeunesse est une période de transition, un temps
d’incertitude dans le sens où il y a parfois un intervalle de plusieurs années
séparant la fin des études et l’accès à un emploi stable. Il en est de même entre le
départ de chez les parents et le mariage.
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CLAUDIA TURMEAU
b. Qu’en est-il de leur insertion sociale et professionnelle en
général et en milieu rural plus particulièrement ?
Accéder à un statut d’actif sur le plan professionnel ou à un emploi stable
n’est pas si simple aujourd’hui. On peut alors parler de difficulté d’insertion
professionnelle.
Pour C Dubar (1998, p 30), l’insertion « d’ordre professionnelle est synonyme de
transition, proche du sens du mot anglais, qui désigne le passage des études à
l’emploi, non plus comme un mécanisme quasi automatique et instantané mais
comme un processus plus ou moins long, complexe et aléatoire. »
Le mot « insertion » est surtout utilisé depuis 1981, suite au rapport Schwartz
intitulé : « L’insertion sociale et professionnelle des jeunes ». Ce rapport fait de
l’insertion des jeunes une priorité nationale et afin de permettre la qualification
pour tous, la formation alternée sera utilisée comme moyen principal. De plus,
l’insertion professionnelle semble être étroitement liée à l’inse rtion sociale des
jeunes. Il s’agit des conditions sociales de l’entrée dans la vie adulte incluant alors
les questions de la santé, du logement et des relations entre les générations.
Il me paraît intéressant de développer et de définir plus précisément la notion
d’insertion sociale. Je vous cite celle qui me semble la plus adaptée à mon travail :
« Action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation
caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement. Résultat de
cette action, qui s’évalue par la nature et la densité des échanges entre un individu
et son environnement. »
Cette définition est tirée du Dictionnaire des personnes âgées, de la retraite et du
vieillissement. Bien que la tranche d’âge à laquelle je m’i ntéresse est
fondamentalement différente, cette notion « d’échanges satisfaisants avec son
environnement » et « la nature et la densité des échanges » me semble adaptée à
ces jeunes adultes ayant des difficultés à accéder à une reconnaissance sociale, en
raison des périodes de chômage auxquelles ils sont confrontés, et les emplois
précaires qu’ils occupent.
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CLAUDIA TURMEAU
Mais lorsque l’on parle d’insertion des jeunes, on parle aussi de dispositifs,
qui vont des structures d’accueil, en passant par les organismes de formation sans
oublier les responsables d’entreprises qui peuvent fournir les premières
expériences de travail grâce aux stages par exemple. Dans les structures d’accueil,
les missions locales et les permanences d’accueil, d’information et d’orientation,
les conseillers en Emploi/Formation construisent avec le jeune accueilli son
parcours d’insertion, et le jeune doit être acteur de sa trajectoire. Comme ce fût
précisé précédemment, l’insertion est alors posée comme une transition, ce qui
pour les jeunes, est évident puisqu’ils quittent l’enfance et au terme d’un parcours,
ils intègrent un statut d’adulte. De plus, la fin de la trajectoire d’insertion est
généralement l’intégration : c’est-à-dire « retrouver une place dans la société en
égalité de droits, de devoirs et d’autonomie active » (J.M. Calvo, 1998, p 205)
Mais existe-t-il une différence entre l’insertion sociale et professionnelle des
jeunes en milieu urbain et en milieu rural ?
Avant de parler de différences fondamentales, il me semble indispensable de
décrire la spécificité du milieu rural en rapport avec l’insertion sociale et
professionnelle des jeunes.
La carence d’emploi en milieu rural est reconnue par tout le monde, il faut
donc repenser l’insertion de façon différente. V. Delafont, secrétaire générale de
l’union nationale des missions locales rurales (1999, ASH), note que le travail des
missions locales rurales ne se limite pas à l’accueil de ceux en difficulté, mais il
repose surtout sur la mise en place de projets qui lient insertion, territoire, et
développement local. Les réponses données aux jeunes doivent donc être adaptées
à leurs besoins et leurs difficultés ainsi qu’aux attentes des milieux économiques
locaux.
Mais, l’activité économique est beaucoup moins dynamique, il y a peu de services
publics, les commerces disparaissent, et les entreprises partent vers des endroits
intéressants comme les abords des villes. De plus, la part des contrats à durée
déterminée, du temps partiel, de l’intérim, des contrats saisonniers et des contrats
emploi solidarité est beaucoup plus élevé en zone rurale. Quoiqu’il en soit, ces
phases d’emploi s’inscrivent dans un parcours et sont assorties d’un
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CLAUDIA TURMEAU
accompagnement individualisé et global. La multiplicité de ces expériences
permet aux jeunes d’accéder à l’autonomisation ; l’emploi demeure un objectif
important, mais il n’est pas le seul. La resocialisation, l’aide au logement, le
soutien psychologique et la santé constituent également des axes importants pour
l’insertion.
D’ailleurs, N. Chesnier (1998, p 241) insiste sur le fait qu’il faille d’abord penser
l’insertion sociale, avant même l’insertion professionnelle. Avant de penser à un
emploi ou même une formation professionnelle, il y a tout ce qui est de l’ordre de
l’insertion sociale dans ce milieu rural.
Cependant, je souhaite revenir sur la première question : comment peut-on
articuler insertion et développement local ? Le frein le plus important concernant
l’accès à l’emploi, ne serait-il pas l’inadéquation des qualifications avec l’économie
locale ? Les jeunes d’un faible niveau scolaire ou sans diplômes recherchent
principalement des emplois d’exécution avec des horaires fixes. Parallèlement, de
plus en plus de chefs d’entreprises ou d’exploitants agricoles recherchent une
main-d’œuvre de plus en
plus spécialisée, voire qualifiée. Il est vrai que les
emplois requièrent polyvalence, autonomie, et motivation. Il faudrait mener une
réflexion pour mettre en place une action d’insertion spécifique au milieu rural.
Mais, comme le souligne M. Bérard (1998, p 229 à 234), dans ce cas, nous sommes
confrontés au problème de l’aménagement du territoire. Il poursuit en affirmant
que partout se pose en premier la question du transport, du déplacement, des
locaux pour pouvoir se rencontrer.
Les P.A.I.O et les missions locales rurales peuvent contribuer à régler certains
problèmes, mais elles n’ont pas toutes les compétences, et s’entourent alors d’un
réseau de partenaires.
Par exemple, avant les jeunes allaient en ville pour trouver du travail. Mais,
devant l’incertitude de trouver du travail aujourd’hui, la sécurité est de rester à la
campagne.
En effet, les jeunes restent dans leur famille d’origine, de ce fait ils
bénéficient encore de l’assistance économique. En fait, il existe une solidarité
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CLAUDIA TURMEAU
familiale qui doit pouvoir jouer un rôle actif dans la lutte contre l’exclusion (S.
Paugam, 1996, p 389 à 404).
Comme je le précisais précédemment, l’allongement des études d’une part
et les difficultés économiques d’autre part, constituent les principales raisons qui
expliquent que le départ des enfants du foyer familial se fait maintenant plus
tardivement. Cette tendance à la prolongation de la cohabitation modifie les
rapports entre les parents et les "grands enfants". Les familles sont alors beaucoup
plus sollicitées. Elles doivent apporter à leurs "grands enfants" un soutien non
seulement financier, mais aussi psychologique, affectif et matériel. Ce qui fait de la
famille, l’auxiliaire des pouvoirs publics dans la prise en charge d’un problème
grave de la société.
c. Du lien familial…au lien social...
Très
peu
de
"grands
adolescents"
peuvent
se
soutenir
seuls,
économiquement parlant. Pourtant, ils se sentent prêts à partir, à vivre leur
indépendance ; l’autonomisation n’est pas encore totale, mais le processus est
présent. Bien qu’ils revendiquent leur indépendance, cela ne veut pas dire que le
lien avec les parents et le reste de la famille doit-être coupé : il va changer (et il
faudra se réadapter), mais il existe toujours.
Actuellement, et de plus en plus, une tendance se dessine : faire cohabiter deux
générations :
- les parents,
- les "grands enfants".
Bien qu’ils ne quittent pas la maison parentale, le jeune doit apprendre à devenir
de plus en plus autonome et indépendant. Il est nécessaire qu’il continue à se
développer et à surmonter le stade de l’adolescence.
13
CLAUDIA TURMEAU
D’ailleurs, je souhaite à ce sujet, développer la théorie de P Blos développé par D.
Marcelli
(1994,
p29-30) concernant le second processus de séparation–
individuation. Ce travail est une des tâches à l’adolescence qui permet de se
détacher de ses parents.
Le second processus de séparation – individuation est marqué par :
- La primauté génitale et le rejet des objets parentaux,
- Puis, il y a réactivation du complexe œdipien accompagné du détachement
des premiers objets d’amour. Intervient alors le choix de l’objet sexuel,
l’individualisation s’est opérée grâce au réveil du complexe d’Œdipe et
l’établissement du plaisir préliminaire agissant sur l’organisation du Moi :
- par l’organisation du Moi, se met en place la représentation de Soi,
- enfin, ce travail se terminera lorsque l’adolescent prendra conscience que la
paternité ou la maternité apporte sa contribution à la croissance de la personnalité.
Le second processus de séparation – individuation est donc le désengagement de
l’objet infantile et la maturation du Moi. L’adolescent se dégage des objets
parentaux pour aimer les objets extérieurs et extra-familiaux.
L’adolescent est confronté à une position paradoxale : le besoin vital de séparation
et d’autonomisation d’un côté et la tentation de la dépendance de l’autre.
C’est pourquoi, comme le souligne A. Braconnier (1999) il est important de
responsabiliser le jeune adulte et de l’aider à achever son autonomisation lorsque
la cohabitation parents/"grands enfants" existe.
Pour responsabiliser le jeune, il s’agit de faire en sorte qu’il se sente utile, qu’il soit
rassuré et qu’il prenne un peu conscience des responsabilités de l’adulte et ainsi
du coût de la vie (par exemple, payer une partie des dépenses). Le jeune adulte
doit continuer à se développer, à devenir indépendant et à travailler pour définir
la voie qu’il va suivre dans sa vie d’adulte.
Concernant l’achèvement de l’autonomisation, il convient de laisser une marge
importante de liberté, tout en fixant des limites. Les règles doivent-être clairement
établies, tout en laissant la place au dialogue.
Selon A Braconnier (1999), la difficulté réside dans le sens où la définition "devenir
adulte" a une signification différente pour les "grands enfants" et les parents :
14
CLAUDIA TURMEAU
- Pour les jeunes : cela signifie qu’ils pourront faire ce qu’ils veulent, que les
parents leurs feront confiance et qu’ils les laisseront seuls, ils ne leurs
demanderont plus de justificatifs pour quoi que ce soit,
- Pour les parents : devenir adulte signifie être responsable et prendre les
autres en considération.
Bien sûr, quitter la maison familiale est pour le jeune adulte une façon de se
séparer physiquement de ses parents. Avoir son propre logement est signe
d’indépendance et d’autonomie. Quoi qu’il en soit, la relation parents/enfants
n’est pas rompue, mais elle tend à changer autant dans sa forme que dans son
contenu.
J.H. Déchaux (1996, p 532-535) avance le fait que la parenté assume trois
rôles distincts : soutien domestique, mise en réseau et distribution de revenu.
Cette parenté est présente notamment lors du passage à l’âge adulte. Les échanges
parents – jeune adulte existe et la fonction de ces échanges est d’aider le jeune à
s’insérer dans la société, soit directement en créant du lien social, soit en le libérant
de certains besoins pour qu’il se consacre à d’autres activités sociales.
Le réseau familial a une double fonction : protection – insertion. Cependant, il faut
tenir compte de plusieurs paramètres.
La protection, qui serait nécessaire dans les milieux exposés à des risques de
précarisation, n’est pas toujours possible. Le réseau ne dispose pas de ressources
pour venir en aide à ses membres. La protection dispensée par la parenté est donc
elle-même précaire, dans les milieux défavorisés, lorsque la situation du jeune l’est
aussi.
L’insertion, par J.H Déchaux (1996, p 535) « dépend de l’univers social maîtrisé. » En
fait, la parenté ne peut insérer le jeune que dans le milieu qu’elle constitue ou
auquel elle a accès. Cela entretien alors les clivages sociaux.
De plus, le lien social dans les catégories sociales modestes et dans les catégories
sociales moyennes et supérieures n’a pas la même forme. Dans les premières, le
lien est plus exclusif et le réseau de parenté est plus clos.
Les solidarités familiales présentent des failles et elles ne sont pas en mesure de
corriger les inégalités entre catégories.
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CLAUDIA TURMEAU
Les jeunes vont alors se créer un réseau social, leur réseau social. Ceci me
paraît primordial parce que, pour des jeunes ayant quitté le système scolaire
souvent très tôt, sans qualification ou tout au moins avec une qualification
difficilement négociable sur le marché du travail, la fin de la scolarité correspond
au début d’une période plus ou moins longue faite de stage, d’emplois précaires,
de chômage. Certes, le milieu social et le niveau scolaire ont leur importance. Mais
pour comprendre le processus qui mènent ces jeunes à l’emploi ou non, n’est -il
pas nécessaire de regarder là où ils vivent, comment ils vivent et avec qui ? Existet-il des réseaux locaux d’entraide et comment les jeunes peuvent-ils y accéder ?
Ce réseau local d’entraide doit être un véritable tissu social qui fait
fonctionner plusieurs niveaux de sociabilité (par exemple, le groupe de pairs, la
famille, le voisinage…)
Mais, avant tout, je souhaite définir ce que j’entends par "lien social", et je vais
également m’interroger pour savoir si ce lien social est en crise.
Je ne pense pas qu’il y ait moins de contacts sociaux. Il existe des techniques
modernes qui les facilitent, mais ils n’ont pas le caractère de lien. Actuellement, on
déploie la communication en réduisant la proximité (le téléphone par exemple). Si
auparavant, le lien social était plutôt étouffant, on peut avancer le fait
qu’aujourd’hui il est plutôt en crise.
Pour tenter de résoudre ce problème, on assiste à une création d’emplois
nouveaux qui sont des services, et où il y a cette relation sociale (par exemple, les
emplois jeunes). Cependant, on a tendance à se tourner vers la méca nisation plutôt
que vers la relation sociale. Je vais citer un exemple que chacun d’entre nous
vivons tous les jours : nous préférons utiliser le distributeur de billets plutôt que se
rendre à un guichet bancaire.
Les personnes sans emploi sont aussi confrontées à ce dilemme du lien social. Les
cellules familiales peuvent éclater à l’occasion d’une perte d’emploi. Les personnes
au chômage fuient les contacts sociaux, elles ne tiennent pas à évoquer leur
situation et se replient sur elles-mêmes. Pourtant, lorsque le lien social existe, les
chances de retrouver un emploi sont multipliées.
16
CLAUDIA TURMEAU
On parle de crise du lien social, et celle-ci existe aussi en milieu rural, et ce
qui semble important, selon N. Chesnier (1998, p239-242), c’est de proposer des
lieux de rencontre mais aussi d’action commune. En effet, en milieu urbain,
l’existence des centres sociaux, des régies de quartiers, de micro-groupes
d’habitants ayant des caractéristiques similaires tend à se développer. En milieu
rural, il y a un isolement qui existe, un éclatement. Il faut donner la possibilité aux
jeunes de tisser des liens entre eux, de tisser des liens dans leur milieu, leur
canton.
Mais, pour certains jeunes, ils sont totalement intégrés dans leur commune, dans
le groupe de pairs et d’adultes. Les parents y sont connus (et reconnus), ils sont
eux-mêmes "d’ici". Il y a donc un réseau qui fonctionne, et grâce à cela les jeunes
peuvent trouver un emploi ou au moins acquérir une expérience professionnelle.
Mais s’ils vivent des périodes de chômage ou d’emplois précaires, ils ne perdent
pas confiance. Lorsqu’ils étaient dans ces situations, leur vie sociale ne s’est jamais
cassée et ils n’ont pas perdu leur place dans le groupe. Cette utilisation du réseau
social local présente quelques avantages :
- les emplois qu’ils trouvent sont presque toujours à proximité du domicile
familial,
- ce qui permet au jeune de rester chez ses parents,
- donc de vivre leur nouvelle expérience sans réelle rupture.
Mais, construire ce réseau social local signifie adhérer aux règles de vie
implicites de la commune. Pour les jeunes qui ne désirent pas s’y soumettre, il se
produit un processus d’exclusion. Ils ne peuvent prétendre à une aide vraiment
efficace pour leur insertion.
Chez ces jeunes adultes, B. Maresca (1995) affirme que l’on peut trouver des
problèmes d’ordre psychologique importants et une solitude proche de la
détresse. Ils vivent des périodes de précarité sur un mode anomique et leur
insertion professionnelle est rendue d’autant plus difficile qu’elle ne repose sur
aucune attache locale, tant il est vrai que l’insertion sociale d’un jeune est au
départ une insertion locale.
Il continue son étude en parlant des "jeunes qui ont bougé" (p 150). Lorsqu’il
évoque le déménagement d’un jeune, il parle d’un déménagement familial. De
17
CLAUDIA TURMEAU
plus, ce déménagement marque une rupture dans leur sociabilité. Il est difficile
d’intégrer réellement un groupe, surtout si l’arrivée dans la commune s’effectue
après la fin de la scolarité. Ces jeunes ne bénéficient pas vraiment des réseaux
locaux d’entraide dans leur recherche d’emploi. Mais, à la différence des
précédents, ils se replient sur la cellule familiale qui devient le lieu de référence.
Cependant tout ceci peut paraître paradoxal. En effet, le travail offre du lien
social et il constitue peut-être le lien social le plus stable. Pourtant, comme je le
précisais précédemment, l’insertion sociale et professionnelle est rendue difficile
s’il n’existe pas de réseau social. Pourtant, lorsqu’une personne est en situation
d’exclusion, le retour à l’emploi passe par un travail de remotivation et de lien
social. En fait, c’est surtout le sentiment d’utilité sociale qui, pour chacun, fonde le
sentiment d’appartenance.
Donc ce sentiment d’appartenance, c’est alors bénéficier d’un statut et d’être
socialement reconnu. Mais lorsque les jeunes sont en situation de "chômage
d’insertion" (G Ferréol, 1994, p 393), ils ont le sentiment d’être inutile, il y a la perte
de l’estime de soi et une impression de vide liée au fait qu’il n’y a pas d’action à
entreprendre. Tout cela constitue donc une difficulté à entrer dans le monde du
travail et à trouver un emploi.
Le chômage et la précarité professionnelle ont pour conséquences la prolongation
indéfinie de la dépendance économique par rapport à la fam ille d’origine ou par
rapport au conjoint. Dans ce cas, ne serait-ce pas l’éternisation du statut de
mineur, c’est à dire de personne dépendant économiquement de quelqu’un
d’autre ?
La survie économique est alors liée à la pérennité du lien familial ou du lien
conjugal. En fait, la misère de condition matérielle et morale guette tous ceux pour
lesquels, le lien salarial étant rompu, le lien familial va le devenir aussi ; et c’est
ainsi qu’on devient SDF (G. Mauger, 1998, p255-261).
18
CLAUDIA TURMEAU
d. Sont-ils précaires financièrement ?
Je voudrais maintenant évoquer la précarité financière dans laquelle se
trouvent les jeunes en situation de chômage d’exclusion ; propre aux personnes de
moins de 25 ans.
Pour aider ces jeunes financièrement, les actions menées combinent tout à la fois :
garantie de ressources, politique de formation et mesures d’insertion. Ces
différentes actions sont spécifiques aux populations concernées.
• Les garanties de ressources : il s’agit de lutter contre la pauvreté en créant
un régime de solidarité nationale destiné à accueillir les exclus de l’assurance
chômage. Mais les conditions d’attribution sont telles que les demandeurs
d’emploi n’ayant jamais exercé d’activité professionnelle ne bénéficient pas de ces
prestations et sont donc pénalisés (G. Ferréol, 1994 ,p379-411).
• Les actions de formation et de réinsertion : il s’agit des aides directes à
l’embauche et les stages individualisés. Les aides directes à l’embauche n’ont eu
qu’un impact limité. Les entreprises n’ont pas jugé opportun de répondre
massivement à ces différentes sollicitations ; elles étaient déjà confrontées à une
conjoncture économique difficile.
Donc, l’accent fut mis sur la formation. Ce sont des stages modulables en
fonction des types de publics. L’objectif poursuivit consiste à individualiser les
séquences d’apprentissages. Sa réalisation implique une remise à niveau et un
élargissement des compétences. Un suivi personnalisé accompagne ces actions et
permet de mieux apprécier les rythmes de progressions. D’autres formules, basées
sur l’alternance, sont également expérimentées. Le contact avec le monde du
travail apparaît, en effet, indispensable car il constitue un premier pas vers
l’autonomisation.
Mais, afin d’accroître l’efficacité du dispositif, chaque situation (handicap de santé,
absence de qualification, mobilité géographique réduite…) nécessite une réponse
adaptée. Les réponses en terme d’individualisation sont appelées à se développer.
19
CLAUDIA TURMEAU
Cette précarité financière ne "bloque"-t-elle pas l’accès à l’insertion sociale et
professionnelle ?
Ou plus exactement, les jeunes, en situation de précarité financière, ont-ils les
moyens (financiers) d’être mobile pour trouver du travail, même si ce dernier est
éloigné du domicile familial ?
De plus, le problème de mobilité est-il universel ou existe-t-il seulement en milieu
rural ?
e. Mais alors peuvent-ils être mobiles ?
Il est vrai que la question de la mobilité se pose de plus en plus souvent. Les
acteurs travaillant dans le domaine de l’insertion le savent bien. Que les jeunes
résident dans un bassin économique prospère ou sinistré, le problème ne se situe
pas réellement à ce niveau là. En effet, il s’agit en premier lieu de savoir quelle est
la profession que le jeune veut exercer pour ensuite envisager le fait d’être mobile
ou pas. En fait, selon ce qu’il souhaite et selon l’activité exercée sur le bassin
économique du lieu de résidence, il faut parfois songer à partir. Mais, comme je le
disais précédemment, les raisons pour partir peuvent être multiples, mais les
raisons pour rester le sont aussi.
Quoiqu’il en soit, je souhaite avant tout donner une définition de la mobilité. C’est
effectivement un problème d’actualité, mais qu’entend-on exactement ?
Selon le dictionnaire Larousse, la mobilité signifie :
1. « Facilité à se mouv oir, à être mis en mouvement, à changer, à se
déplacer.
•
Mobilité de la Main-d’œuvre : pour les salariés, passage d’une région
d’emploi à une autre ; changement de profession, de qualification.
•
Mobilité sociale : possibilité pour les individus ou les groupes de
changer de position sur le plan social ou professionnel.
20
CLAUDIA TURMEAU
2. Inconstance, instabilité. Mobilité de caractère »
Concernant mon étude, je vais m’intéresser au premier sens du mot "mobilité" :
c’est à dire « la facilité à se mouvoir, à être mis en mouvement , à changer, à se
déplacer. »
Seulement cette définition, certes très générale, ne semble pas être très appropriée.
Le conseil général de Loire Atlantique, travaillant également sur cette
question de mobilité géographique, a opté pour cette définition : « Capacité et
aptitude des personnes à se déplacer. »
Cette définition met principalement en avant, ce que nous pouvons appeler "la
mobilité dans la tête". Il s’agit de savoir comment l’individu s’y prend pour
organiser et prévoir son déplacement.
Comme le souligne C. Guérin (1998, p 235), la mobilité ne reste pas un problème
exclusif du milieu rural. Certes, c’est une des difficultés importantes qui bloque
tout. Cependant, il existe également de sérieux problèmes de mobilité dans les
villes (par exemple, les jeunes ne circulent pas de banlieues en banlieues). Ce qui
confirme que la mobilité, c’est dans la tête.
f. Quatre profils de jeunes ayant vécu dans un foyer de
jeunes travailleurs et étant mobiles
Il me semble intéressant de développer les quatre profils de mobilité observés
auprès de jeunes résidant dans un F.J.T. Cette étude a été menée par J.P Accarier
(Sepembre 1999, p 7 à 30), directeur d’un FJT.
-
Profil d’hyper mobilité à risques
-
Profil d’hyper mobilité à risques calculés
-
Profil de mobilité adaptée
-
Profil d’immobilité dépendante
ü Profil d’hyper mobilité à risques
: Concernant ces jeunes, leur
instabilité dans leurs attaches et leur précarité d’emploi sont des facteurs de
risques qui peuvent être multipliés par une hyper-mobilité dans leur tête les
21
CLAUDIA TURMEAU
conduisant souvent à des décisions non-maîtrisées. Leur absence de projet
construit et durable peut les inciter à des « passages à l’acte », à partir pour partir
ou pour l’aventure et alors « casser » le peu qu’ils ont déjà mis en place.
ü Profil d’hyper mobilité à risques calculés : leur capacité d’intégration
et le fait d’être dans un projet constructif semblent être liés à plusieurs éléments.
D’une part à l’importance des attaches, notamment aux grands -parents, et à
l’identification au père, comme image porteuse de sens et de référence par rapport
à la valeur travail, et des points de repère affectifs stables dans leur réseau
d’amitié et leur réseau familial. D’autre part quelques diplômes professionnels,
une qualification et un certain niveau de culture assurent leur projet et leur
permettent d’être dans de multi-activités et d’avoir une bonne lucidité par rapport
aux obstacles et contraintes.
Dès lors, leur profil est plus orienté vers un choix de mobilité sociale ascendante.
Ils représentent probablement les jeunes les plus proches de ce auquel prédispose
le contexte économique actuel, avec une mobilité dans la tête et une mobilité par
rapport à l’emploi qui se réalise de façon saine parce qu’elles sont fondées sur une
stabilité des attaches.
ü Profil de mobilité adaptée : pour ces jeunes, leur réussite sociale et
professionnelle est un défi. Il s’agit de réussir à tout prix. Aussi la manière dont ils
conduisent leur vie est adaptée, avec peu d’écarts entre les objectifs poursuivis et
les moyens mis en oeuvre. Leurs projets sont réalistes et modestes. Ce n’est pas
une course à l’emploi qui les motive, mais une capitalisation d’expériences qui
contribuent
à
l’accomplissement
de
soi
et
à
la
réalisation
de
leur
professionnalisation.
En fait, ces jeunes veulent exister socialement et culturellement pour exister
personnellement. Leur mobilité est donc faite de réalisme, d’ajustement, de
modestie, et dès lors elle reflète un profil de jeunes que l’on peut considérer
comme le mieux intégré dans notre système de normes sociales. Ils déboucheront,
semble-t-il, à moyen terme non seulement sur de l’emploi stable, mais aussi vers
une stabilité dans tous les domaines de la vie.
22
CLAUDIA TURMEAU
ü Profil d’immobilité dépendante : ces jeunes cumulent trois conduites
d’instabilité, une instabilité dans la tête se traduisant par de la confusion ou un
manque d’analyse, une instabilité dans les attaches en naviguant entre la
dépendance et la contre dépendance passive, une instabilité dans l’emploi en
s’installant dans une précarité sans aucune perspective. Pour remplir ce vide
affectif, ce vide social, ces jeunes femmes semblent gérer leurs difficultés avec un
aménagement de leur plan de vie : « sortir de la galère en faisant un enfant ». C’est
donc l’installation d’une conduite «d’immobilité » par le choix d’un statut de
mère au foyer et continuer à avoir des enfants. Ce profil correspond aux situations
de jeunes présentant le plus de risques de s’installer dans la précarité. Il concerne
d’autant plus les femmes pour lesquelles le marché de l’emploi est déjà réduit.
3. Analyse de la problématique
La PAIO de l’arrondissement de Châteaubriant m’a demandée d’effectuer
une étude sur la mobilité géographique des jeunes en milieu rural.
Dans le cadre de cette recherche, je me propose d’évaluer les représentations que
les jeunes ont de leur mobilité dans leur milieu. Cette mobilité est étudiée sous
plusieurs angles : passé, présent, futur.
Au début de ma recherche, il me semblait intéressant de « mesurer »
l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en rapport à leur mobilité. En fait,
je voulais d’abord voir si leur insertion sociale et professionnelle était « réussie »
pour ensuite la mettre en relation avec leur conduite de mobilité.
Mais avant de considérer cette insertion sociale et professionnelle, il me
semble important de considérer cette mobilité.
Comme je l’ai précisé précédemment, la mobilité se définit comme une capacité et
une aptitude des personnes à se déplacer.
Il convient alors de demander ce qui fait que les jeunes « bougent » ou ne
« bougent » pas. En effet, la mobilité ne se situe pas seulement par la mise en place
de moyens de transports adaptés, mais elle se situe « dans la tête ».
23
CLAUDIA TURMEAU
A Châteaubriant, il s’avère que les jeunes sont peu mobiles. Il s’agit donc d’étudier
les freins à la mobilité, c’est à dire ce qui empêche les jeunes adultes de se
déplacer.
Deux postulats structurent mon étude :
ü La précarité financière s’oppose à la mobilité
ü Les freins psychologiques provoquent l’immobilité chez les jeunes
adultes issus du milieu rural.
Après vous avoir présenté ma méthode de recueil de données, je vous
présenterai l’analyse des résultats, puis lors d’une discussion nous verrons si les
postulats sont confirmés.
24
CLAUDIA TURMEAU
PARTIE II : La méthode de travail adoptée pour l’étude et
l’analyse des résultats
1. La méthode
A l’origine et par rapport à ma problématique, il me semblait important de
recourir aux entretiens semi-directifs dans un premier temps de façon à explorer le
domaine, puis préparer une enquête par questionnaire.
Après réflexion avec les professionnels de la PAIO et mes professeurs de
psychologie à l’université, l’enquête par questionnaire s’est révélée difficile à
réaliser. En effet, un élément important venait remettre en cause cette méthode :
- les personnes interviewées et leur niveau scolaire. La plupart des
personnes que j’allais rencontrer lors des entretiens, et donc, les personnes qui
auraient pu être interrogées par questionnaire, ont un niveau scolaire relativement
faible. En effet, ils ont acquis au cours de leur scolarité un niveau VI ou V :
- le niveau VI correspond à n’avoir aucun diplôme
- le niveau V correspond à avoir acquis un diplôme de type C.A.P ou
B.E.P.
Grâce à ces précisions, il semble difficile d’interroger des personnes ayant un de
ces niveaux scolaires, en effet leur compréhension peut être altérée. Au niveau
d’un entretien, les conséquences de l’incompréhension sont moindres dans le sens
où l’intervieweur peut préciser et reformuler les questions, mais lors d’un
questionnaire, ceci demeure impossible.
C’est pourquoi, j’ai décidé de changer ma méthode d’enquête.
J’ai utilisé l’enquête par entretien semi-directif, qui paraissait la plus
adaptée. Ce mode de recueil de données m’a donc servi à analyser le problème
posé et à constituer ma s ource d’information principale.
Néanmoins, au début de ma recherche, je fus confrontée à une difficulté : pour
élaborer ma grille d’entretien, les pistes de travail suggérées par mes lectures se
révélaient insuffisantes. De plus, comme je le précisais auparavant, mes entretiens
25
CLAUDIA TURMEAU
semi-directifs constituaient ma source d’information principale. Il fallait donc être
le plus exhaustif possible. Alors, j’ai commencé ma recherche en procédant à
l’utilisation d’un brainstorming (6 personnes étaient présentes, Annexe N 5), puis
à une enquête par entretien à usage exploratoire (5 entretiens.)
Ceci m’a permis de mettre en lumière les aspects du phénomène auxquels je
n’avais pas pensé spontanément et de compléter les pistes de travail suggérées par
mes lectures. Grâce à ce travail préliminaire, j’ai pu affiner ma problématique et
reformuler, de manière plus adéquate, mes postulats. Ce travail m’a également
permis de m’intéresser à des questions nouvelles, de parfaire ma grille d’entretien
pour qu’elle soit la plus adaptée aux personnes rencontrées et qu’elle réponde le
mieux à ma problématique posée.
a. Conception de l’enquête
Je vais définir la population et la sélection de mon échantillon, le mode
d’accès aux interviewés et la planification des entretiens. Ma recherche entre dans
sa phase réellement opératoire.
Ø Population et échantillon
Maintenant que la problématique est formulée et le choix de l’enquête arrêté,
il s’agit de sélectionner les catégories de personnes que je veux interroger, donc les
acteurs dont j’estime qu’ils seront en position de produire des réponses aux
questions que je me pose.
Mais, une partie de la définition de la population est incluse dans la définition de
l’objet de ma recherche. Etant psychologue stagiaire à la PAIO, il convient donc
d’interroger des jeunes ayant entre 16 et 25 ans. Cependant je souhaite poser
quelques limites à la population :
• En ce qui concerne l’âge, comme je l’ai précisé précédemment, l’âge
minimum aurait pu être 16 ans et l’âge maximum 25 ans. J’ai préféré réduire l’âge
minimum à 19 ans. En effet, les jeunes de 16 à 18 ans n’ont pas encore le permis de
26
CLAUDIA TURMEAU
conduire (à part la conduite accompagnée, mais dans ce cas ils sont dépendants
d’un adulte.)
• De plus, ils sont plus dépendants à l’égard de leurs parents même si à cett e
période, les adolescents ne les idéalisent plus. Même s’ils revendiquent leur
indépendance face à leurs parents, il me semble difficile d’accorder la même
importance à un jeune de 16 ans qui exprime son indépendance et à un jeune de 25
ans qui exprime cette même idée.
C’est pourquoi, il me semblait pertinent que la limite d’âge de la population
interrogée se situe entre 19 et 25 ans.
Une autre limite a été posée, mais je dois dire qu’elle s’est imposée d’elle-même.
• Je souhaitais rencontrer les personnes quel que soit leur niveau de mobilité.
Cependant, ce fut difficilement réalisable : par exemple comment contacter un
jeune qui est dans un état d’immobilité…pouvant parfois conduire le jeune à des
formes d’enfermement ou d’isolement (comme par exemple, un jeune homme qui
ne peut plus sortir de sa chambre…). J’ai alors décidé d’interroger des jeunes étant
dans une démarche minimale de mobilité (ne serait ce que pour les rencontrer en
entretien). Ces jeunes sont tous en formation. Ils se déplacent régulièrement, voire
quotidiennement pour se rendre sur leur lieu de formation. On peut dire qu’ils ont
une place où ils peuvent exister socialement. Bien que cette limite se soit imposée à
moi, il me semblait important de la citer.
Donc, les jeunes interviewés ont tous entre 19 et 25 ans, sont inscrits à la PAIO
de l’arrondissement de Châteaubriant et, ils sont en formation au moment de
l’enquête. Toutes les personnes interviewées sont dans une démarche minimale de
mobilité.
En ce qui concerne la composition de la population, j’ai retenu l’égalité entre
les sexes. Cette variable me semble intéressante dans le sens où les jeunes hommes
et les jeunes femmes peuvent penser la mobilité de manière différente.
Le nombre de personnes interrogé s’élève à 35. (Cependant, s eulement 30
entretiens ont pu être analysés : cinq jeunes se sont tenus loin du magnétophone
lors de l’entretien, je n’ai donc pas entendu leur discours).
27
CLAUDIA TURMEAU
Je vais vous présenter les différents centres de formation que j’ai contacté, les
formations qu’ils dispensaient, et le nombre de personnes interrogées.
Tableau 1 : Mode d'échantillonnage
Domaine
Intitulé de la Niveau de
d'Intervention
Formation
Formation
Orientation
Remise à Niveau
Action de
préparation à
l'activité
professionnelle
Public
concerné
Organisme
de
Formation
Nombre de
Personnes
interrogées
Orientation et
découverte des
mondes
professionnels
VI à IV
moins de 26
ans
CFP St
Joseph
Brainstorming 6
personnes
Plate forme
d'orientation pour
les jeunes de
Niveau IV
IV
moins de 26
ans
Retravailler
6 personnes
Plate forme d'aide
à l'insertion
professionnelle
VI à IV
moins de 26
ans
GRETA
3 personnes
APP
Tous
Niveaux
plus de 26 ans
GRETA
2 personnes
(moins de 26
ans)
VI
Public
remplissant les
critères PAPIL
et public
remplissant les
critères SIFE
Etude et
chantier
8 personnes
GRETA
4 personnes
Chantier Ecole
Bâtiment
Structures
Métalliques
Qualification
Action de
conduites de
machines
automatisées de
transformations
Dispositif TRACE
Public sorti
de Formation
initiale
Tous Niveaux
depuis plus
de 6 mois
Tous
Niveaux
Public sorti de
Formation
initiale depuis
plus de 6 mois
GRETA
4 personnes
VI
Public à
difficulté
d'insertion
sociale et
professionnelle
Culture et
Liberté
8 personnes
28
CLAUDIA TURMEAU
Ce tableau indique le mode d’échantillonnage. En effet, j’ai bâti un échantillon
diversifié en fonction des variables descriptives générales.
J’ai donc utilisé des variables descriptives classiques de positionnement, tels que le
sexe (égalité entre les hommes et les femmes), les différentes formations suivies
(orientation, remise à niveau, action de préparation à l’activité professionnelle,
qualification), et leur niveau de formation initiale (niveau VI, V, IV).
Ø L’accès aux interlocuteurs ; les personnes rencontrées
Parallèlement à la dé finition de l’échantillon, il faut en prévoir le mode d’accès.
J’ai eu recours au mode d’accès indirect. Je suis donc passé par l’entremise de tiers
institutionnels.
J’ai alors demandé à M. Dornier, directeur de la PAIO, de me fournir la liste des
actions PAPIL, ainsi que le nom des responsables des différents centres de
formation. J’ai alors contacté les différents responsables pour leur expliquer l’objet
de ma recherche.
Cette conversation téléphonique avait également pour but de savoir si je pouvais
me présenter lors d’une formation pour prendre rendez-vous avec les jeunes. Les
responsables, intéressés par ma recherche, me donnèrent leur accord, à condition
que je m’organise avec les formateurs présents sur le stage.
J’ai alors ensuite contacté les formateurs des différentes actions.
Tout d’abord, j’ai rencontré M. Deleurne, formateur à Culture et Liberté,
s’occupant des jeunes intégrés au dispositif TRACE. J’ai donc convenu avec lui
d’un rendez-vous où je viendrais me présenter aux jeunes, leur expliquer le
pourquoi de ma venue, et prendre rendez-vous avec eux pour un entretien
ultérieur.
Tout s’est déroulé comme je l’escomptais jusqu’au jour je devais rencontrer les
jeunes en entretien. Mais, ils ne se sont présentés.
Etait-ce un problème de déplacement, de mobilité ?
29
CLAUDIA TURMEAU
Il est vrai que les entretiens devaient se dérouler à la PAIO de Châteaubriant, et
que je n’avais pas tenu compte de l’étendue du territoire, donc certains jeunes
contactés devaient effectuer plusieurs kilomètres pour s’y rendre.
Quoiqu’il en soit, même les jeunes personnes résidant à Châteaubriant ne s’étaient
pas déplacées. Malgré tout, il ne me paraissait pas pertinent de les rappeler en leur
signalant qu’ils n’étaient pas venus. Je ne voulais pas qu’ils aient l’impression
d’être obligé de répondre à une enquête qui ne les intéressaient (peut être) pas.
Cependant, prenant conscience de ces problèmes de mobilité, je me suis
déplacée à plusieurs reprises dans les communes où résidaient les jeunes de façon
à réduire leurs déplacements, et ce pour deux raisons :
- lorsque l’on parle de mobilité, il me semble important que l’intervieweur
en fasse preuve,
- de plus, les jeunes ont généralement un faible revenu voire aucun, dans ce
cas, comment leur demander de se déplacer en sachant que ce déplacement va leur
occasionner des frais.
Malgré tout, les jeunes oubliaient les rendez-vous fixés, n’avaient pas pensé qu’ils
avaient autre chose de prévu le jour même…
Quoiqu’il en soit, il fallait que je modifie le mode d’accès aux interlocuteurs.
Pour maximiser les chances d’acceptation et accélérer la démarche, j’ai eu recours
aux relais institutionnels.
J’ai pris contact avec les différents formateurs intervenant sur les différents lieux
de stages. Après avoir expliqué l’objet de ma recherche et précisé que le
responsable du centre de formation m’avait donné son accord pour les contacter,
je leur ai demandé s’il était possible de rencontrer les jeunes en entretien pendant
les heures de formation. Les différents formateurs ont accepté ma proposition.
Malgré tout, ce fut assez difficile d’obtenir un rendez-vous rapidement : les
formations sont assez condensées, les jeunes ont des périodes de stages en
entreprise…Il était donc ardu de concilier ma demande et leurs objectifs.
30
CLAUDIA TURMEAU
De plus, comme dans toute enquête, se pose le problème du refus. Ils ne
sont donc pas sans conséquence sur les résultats de l’enquête, et impossibles à
contrôler. Les refus peuvent être liés au thème de l’enquête, à la peur d’être
interviewé ou au fait que certains jeunes aient déjà conn u des parcours marqués
par des interventions institutionnelles et refusent de dire quoi que ce soit au
niveau de leur histoire personnelle.
Prenant conscience de ce problème, et suite à la conversation téléphonique avec le
formateur, il informait les jeunes de ma venue en précisant la date. Puis lorsque
j’allais sur le lieu de formation, pour que les refus ne soient pas liés à la prise de
contact ou la présentation de l’enquête, je veillais à la manière dont j’entrais en
relation avec les jeunes et à la faç on dont j’énonçais les objectifs de l’étude.
D’ailleurs concernant les objectifs, je prenais soin de les préciser et ce, à deux
reprises, une première fois lors de la prise de contact elle-même, et une seconde
fois en tout début d’entretien.
35 personnes, 17 filles et 18 garçons, ont participé à un entretien et j’ai recueilli leur
récit lors des entretiens individuels.
Les interlocuteurs rencontrés ont entre 19 et 25 ans.
Les entretiens ont duré environ une heure. Sur certains lieux de formation, j’ai pu
rencontrer les jeunes
1/2
heure seulement ; en effet, la formation prenait fin et ils
avaient encore beaucoup de travail à effectuer avant leur départ.
Cependant, quatre entretiens se sont déroulés lors de la pause déjeuner, et ces
derniers ont une durée de deux heures chacun.
31
CLAUDIA TURMEAU
PRESENTATION DE L’ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF AUX JEUNES
INTERROGES :
Ce qui va suivre est le discours formulé aux jeunes. Comme je l’ai précisé
précédemment, je veillais à la manière dont j’entrais en relation avec eux afin de
minimiser les refus.
Voici la présentation de la recherche aux personnes rencontrées.
« Bonjour,
Je suis actuellement à la PAIO de Châteaubriant, et je fais une étude sur la mobilité des
jeunes en milieu rural. J’effectue cette recherche dans le cadre de ma dernière année
d’étude. Et dans ce cadre, je réalise des entretiens individuels.
C’est pourquoi, je me déplace sur les lieux de formation. J’aurais pu effectuer ma recherche
à partir de livres, mais il me semble plus intéressant de recueillir le discours des personnes.
Par rapport aux questions que je vais vous poser, n’hésitez pas à me dire tout ce qui vous
passe par la tête. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, dans le sens où ce qui
m’intéresse est ce que vous vivez en terme de mobilité
Votre entretien me servira à voir les difficultés que vous éprouvez ou pas, face à la mobilité.
Puis lors de l’élaboration de mon dossier, grâce à votre entretien et ceux des autres
personnes que je rencontre, j’essaierais de voir les solutions à apporter pour vous aider ou
les solutions que vous avez trouvées, lorsque pour vous, la mobilité n’est pas un problème.
Votre entretien est strictement confidentiel et anonyme. Je ne connais que votre prénom, et
quoi qu’il en soit aucun prénom ne sera inscrit dans mon dossier.
Cela dit, est ce que cela vous ennuie si j’enregistre l’entretien ? Si à un moment donné,
vous désirez que j’arrête l’enregistrement, il n’y pas de problème. »
32
CLAUDIA TURMEAU
b. Plan de l’entretien et guide d’entretien
Parallèlement à la préfiguration de l’éch antillon et du mode d’accès aux
interviewés, il convient de concevoir le plan de l’entretien.
Le plan comprend à la fois l’ensemble organisé des thèmes que l’on
souhaite explorer (le guide d’entretien) ainsi que les stratégies d’intervention de
l’interviewer visant à maximiser l’information obtenue sur chaque thème.
Le guide d’entretien est un ensemble organisé de thèmes qui structure
l’activité d’écoute et d’intervention de l’interviewer. Le degré de formalisation du
guide est fonction de l’objet d’étude, de l’usage de l’enquête et du type d’analyse
que l’on projette de faire.
Pour ma recherche, après avoir utilisé les entretiens à usage exploratoires au début
de l’enquête, je choisis d’utiliser un entretien à structure forte. En effet, je disposais
d’informations plus précises sur le domaine étudié et sur la façon dont ce domaine
est perçu et caractérisé grâce au brainstorming et aux entretiens à usage
exploratoires.
Suite à la réalisation du guide d’entretien, je souhaitais le pré -tester auprès
de cinq personnes afin de vérifier la validité, de voir si la consigne était
correctement formulée et vérifier si j’abordais les thèmes principaux.
L’entretien structuré suppose donc la formulation d’une consigne, la
constitution d’un guide thématique formalisé et la planification d’écoute et
d’intervention.
L’entretien semi-directif sera présenté avec la consigne initiale et le guide
thématique. Cet entretien peut paraître extrêmement structuré, quoi qu’il en soit,
j’intervenais en fonction du discours de l’interviewé et l’ordre des questions n’a
aucune importance.
Je désirais surtout explorer tous les thèmes prévus au cours de l’entretien.
33
CLAUDIA TURMEAU
Comme on peut le constater, ce guide d’entretien se distingue du
questionnaire dans la mesure où il structure l’interrogation, mais ne dirige pas le
discours. Il a donc pour but de m’aider à élaborer des relances pertinentes sur les
différents énoncés de l’interviewé, au moment même où ils sont abordés. Grâce à
cette technique, j’ai pu obtenir un discours librement formulé par l’interviewé et
un discours répondant aux questions de la recherche.
Lors des entretiens, j’utilisais diverses relances qui permettaient d’approfondir le
discours de la personne. Malgré tout, je laissais volontairement des silences
s’installer, ce qui permet au sujet de mener une réflexion sur les thèmes et de
formuler des sentiments. Néanmoins, lorsque les silences durent, je me dois
d’intervenir. Peut être que le sujet a épuisé le thème proposé et donc n’a plus rien
à dire ?
34
CLAUDIA TURMEAU
ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF
PRESENTATION :
Quel est votre âge ?
Quelle est votre situation personnelle ?
-
Célibataire
-
Vie maritale
-
Marié(e)
-
Séparé(e)
Vous habitez :
-
Seul(e)
-
Chez vos parents
-
En famille d’accueil
-
Avec votre ami(e) ou votre conjoint
-
En foyer (F.J.T, internat…)
-
Avec des amis ou en colocation
Où résidez-vous ?
-
Dans quelle ville ou quelle commune ?
-
En campagne ou dans le bourg ?
Possédez-vous le permis de conduire ?
Quels sont le(s) moyen(s) de locomotion que vous utilisez habituellement pour
vous déplacer ?
Quel moyen de locomotion avez-vous en votre possession ?
35
CLAUDIA TURMEAU
CONSIGNE :
Vous êtes actuellement en formation, vous vous déplacez régulièrement pour
vous rendre à votre formation.
Dans ce cas, si je vous dis le mot « mobilité », à quoi pensez-vous ?
LES FAITS, LES EXPERIENCES DE MOBILITE :
D’après vous, jusqu’où pouvez-vous vous déplacer ?
Quelles sont, jusqu’à maintenant, vos expériences au niveau des déplacements?
Ø Déménagements,(avez-vous des difficultés à vous intégrer suite à votre
déménagement ? Combien d’années se sont écoulées depuis votre
déménagement ?)
Ø Vacances,
Ø Loisirs,
Ø Activités avec les amis
Pensez-vous être assez renseigné sur tous les moyens de transports qui
existent ?
Si oui, quel est celui que vous utilisez le plus souvent ?
LES OPINIONS PAR RAPPORT A LA MOBILITE :
D’après vous, êtes-vous une personne mobile ?
-
Oui : pourquoi ?
-
Non : pourquoi ?
Qu’est ce qui vous empêche (ou pourrait vous empêcher) d’être mobile, de vous
éloigner de votre commune ?
36
CLAUDIA TURMEAU
Est-ce que le fait de changer de cadre de vie, de vous déplacer, provoque chez
vous de l’ennui ou de la peur ?
D’après vous, est-ce que le manque de mobilité peut être un « frein » ?
-
Pour quelles activités ?
-
Pourquoi ?
LES
REACTIONS,
LES
COMPORTEMENTS
FACE
A
UN
DEPLACEMENT :
Pour trouver un travail, est-ce que vous êtes prêt(e) à déménager ?
-
Oui : jusqu’à quelle distance ?
-
Non : pourquoi ?
Lorsque vous voulez vous déplacer et que vous n’avez pas de moyens de
transport, à qui demandez-vous ?
Situation numéro 1 : Préférez-vous un emploi près de chez vous, même s’il ne
vous intéresse pas ou préférez-vous un emploi « à l’autre bout de la France »
mais qui réponde à vos attentes ?
Situation numéro 2 : Votre employeur est très satisfait de votre travail, et il
vous propose une promotion à condition de reprendre une formation.
Vous acceptez sa proposition ou vous refusez ?
Ø Pourquoi ?
Situation numéro 3 : Votre employeur vous propose un poste très intéressant
et bien payé à une seule condition, que vous partiez travailler en dehors de la
région.
Vous acceptez la mutation ou vous refusez ?
Ø Pourquoi ?
37
CLAUDIA TURMEAU
LES MOTIVATIONS POUR PARTIR OU NE PAS BOUGER : LES
OPINIONS PAR RAPPORT A LEUR « PAYS » :
Vous habitez à … :
-
Est-ce que votre région vous plaît ?
-
Est-ce que vous y trouvez tout ce que vous désirez ?
Pouvez vous me donner 4 mots qui pourraient définir votre ville ?
Quels sont les avantages que vous attribuez :
-
A la ville
-
A la campagne
ORIGINES SOCIO-CULTURELLES DES JEUNES :
Votre famille se déplace t’elle souvent ?
-
Dans quelles circonstances ?
-
Pour faire quoi
Si vous dites à vos parents que vous déménagez demain, que vont-ils vous
dire ?
CONCLUSION :
Est-ce que vous avez des idées pour mettre en place des actions qui
faciliteraient votre mobilité ?
38
CLAUDIA TURMEAU
Description et explication des différents thèmes abordés :
Le premier thème porte sur les faits et expériences de mobilité que les
jeunes ont effectué dans leur enfance et jusqu’au jour de l’entretien. Les différentes
expériences qu’ils ont eues jusqu’à maintenant, me semble importantes à
développer si on met en avant que la capacité de mouvement et de mobilité
géographique s’inscrit dans un apprentissage social et culturel et ce dès leur plus
jeune âge.
Mais, ces expériences de mobilité ou le fait d’être mobile, ne pourra s’effectuer que
si les jeunes connaissent les moyens de transports existants sur le territoire.
Ces faits et ces expériences de mobilité, jusqu’à maintenant, influencent -ils le
comportement ultérieur des jeunes interrogés ?
Le deuxième thème aborde les opinions qu’ils éprouvent par rapport à la
mobilité. Comme j’ai eu l’occasion de le mentionner, nombre d’institutionnels
supposent que les jeunes, en milieu rural, sont peu mobiles. Malgré tout, est-ce
que les jeunes interrogés se considèrent comme étant mobiles, indépendamment
du sentiment des professionnels. De plus, par rapport à ce qu’ils ressentent, quels
seraient les évènements, les personnes ou les causes qui pourraient freiner le fait
de se déplacer ?
On peut supposer que les jeunes mobiles n’aient pas de freins majeurs, mais à
l’opposé, plus les jeunes sont "immobiles", plus les freins sont importants. A moins
que ce ne soient les freins qui provoquent cette immobilité.
Le troisième thème tente, quant à lui, de cerner les réactions et les
comportements face à un déplacement.
Il me semblait pertinent, après une discussion sur ce qu’ils avaient déjà vécu
comme déplacement, de les placer en situation de choix. En effet, la façon dont ils
se projettent dans l’avenir est très intéressante face à ce thème de mobilité. C’est
pourquoi, j’ai choisi de mettre en relation la mobilité géographique avec la
mobilité sectorielle (situation 1, 2 et 3) et d’analyser leur réaction face à ces
situations de mobilité géographique.
39
CLAUDIA TURMEAU
Le quatrième thème donne l’occasion aux jeunes de parler du degré
d’attachement à leur pays. Il s’agit d’amener les jeunes à porter, en premier lieu,
un "jugement" sur la commune où ils résident, de citer ce qui leur plait ou leur
déplait.
Ainsi, en second lieu, ils ont un regard différent pour attribuer les avantages et les
inconvénients, que ce soit par rapport à la ville ou par rapport à la campagne.
Enfin, il leur est demandé de décrire les relations qu’ils entretiennent avec les
personnes de leur entourage (hormis la famille), ceci afin de dégager le lien social.
Ici, je souhaite savoir si le fait de porter un jugement positif ou négatif sur la
commune peut inciter les jeunes à quitter leur environnement ou pas. De plus, le
lien social a-t-il une influence sur le comportement des jeunes ; c’est-à-dire partir
ou rester dans leur commune.
Le cinquième thème, et le dernier, aborde l’origine socioculturelle des
jeunes interviewés.
En fait, il s’agit pour les jeunes d’évoquer "l’ambiance" familiale face à la mobilité,
ainsi que le lien affectif les unissant à leur famille.
40
CLAUDIA TURMEAU
c. La production des récits.
Plusieurs paramètres interviennent dans l’élaboration et le déroulement de
la situation d’entretien, trois niveaux sont déterminés : l’environnement, le cadre
contractuel de la communication et les interventions de l’interviewer (ce dernier
ne sera pas abordé, ce thème est très théorique. Par rapport à cela, je tiens juste à
préciser que l’entretien semi-directif demande une maîtrise de l’écoute
psychologique de façon à adapter les relances au type de discours).
L’entretien, c’est la prise en compte de cette triple dimension qui dicte ces
principes de fonctionnement. « C’est dans cette superposition que réside la
difficulté de l’entretien puisque l’on doit simultanément soutenir une relation
sociale dialogique et une interrogation sur le fond » (A. Blanchet et A.
Gotman,1992, p 69).
L’environnement :
Le cadre extérieur peut commander en partie le
déroulement de l’entretien. Il existe de nombreux paramètres de l’environnement :
« la programmation temporelle (unité de temps), la scène (unité de lieu), la
distribution des acteurs (unité d’action) » (A. Blanchet et A. Gotman,1992, p 69).
La programmation temporelle définit la tranche horaire de l’entretien et
notamment la façon dont il s’inscrit dans la séquence des actions quotidiennes des
interviewés. Cela peut considérablement influencer le discours du sujet.
Ainsi, il aurait été préférable que mes sujets soient interrogés le matin lorsqu’ils
arrivaient sur leur lieu de formation ou le soir juste avant qu’ils quittent ce même
lieu. Cependant, je n’ai pas eu la possibilité de prendre en compte ce paramètre
étant donné que je dépendais totalement des actions de formation, et les tranches
horaires pendant lesquelles se déroulaient les entretiens étaient préétablies à
l’avance.
41
CLAUDIA TURMEAU
La scène est caractérisée par la définition des lieux (le décor et ses significations
sociales) et la configuration des places (les positions occupées par l’interviewé et
par l’interviewer).
Mes entretiens se déroulaient sur le lieu même de la formation, dans un bureau
annexe. Ce lieu n’était pas totalement inconnu aux jeunes (ce qui était préférable, à
mon avis).
La place des interlocuteurs est particulièrement importante. Généralement, je
proposais aux jeunes que nous soyons face à face (mais, il n’y avai t pas de bureau
qui nous séparaient ; je ne voulais pas que cet entretien prenne des « allures »
d’entretien thérapeutique ou de conseils par exemple).
La distribution des acteurs joue un rôle non négligeable. Il s’agit ici de l’influence
du sexe, de l’âge, de la catégorie socioprofessionnelle, de la référence culturelle…
des partenaires pouvant influencer la situation de l’entretien.
Il ne me semble pas que ses variables aient eu un impact considérable sur la
production du discours des jeunes.
Le cadre contractuel de la communication :
Plusieurs paramètres sont à prendre en considération comme :
Ø L’objectif de l’entretien, il s’agit de savoir ce que représente la mobilité pour
le jeune. Il est important, dès le début, que le jeune sache pourquoi il est
avec moi.
Ø Le choix de l’interviewé, il me semble important de lui dire pourquoi je l’ai
choisi, lui et pas un autre.
Ø L’enregistrement ou non de l’entretien à l’aide d’un magnétophone,
l’entretien prend alors une dimension d’exception si l’interviewé est
enregistré. 4 personnes sur 35 ont refusé d’être enregistré, j’ai donc pris des
notes pendant l’entretien et procédé ensuite à une reconstitution la plus
exhaustive possible.
(Ces trois thèmes sont déjà détaillés page 58)
42
CLAUDIA TURMEAU
Ø Le thème de l’entretien qui met en jeu l’expertise ou la non-expertise de
l’interviewé, le thème est il familier à l’interviewé ou pas. Si tel est le cas, le
discours du sujet sera alors différent.
Ø Le type d’acte demandé, pendant la passation d’entretien ; je suis la garante
du cadre contractuel de l’entretien.
La passation d’entretien a été très agréable, du moins pour ma part.
Certains jeunes m’ont affirmé à la fin de l’entretien, que « ça » leur avait « fait du
bien de parler librement de leurs soucis. »
Cependant, je pense qu’il faut rester prudent par rapport aux entretiens. En effet, il
y a certaines variables que je n’ai pu contrôler, me concernant, comme la fatigue
ou le stress. De plus, le fait que je sois la seule enquêtrice pose problème : les
hommes se confient beaucoup moins facilement que les femmes.
2. Les résultats et l’analyse
a. Type d’analyse choisie
Pour l’analyse de mes entretiens, l’analyse thématique me semblait la plus
appropriée. Cette méthode défait en quelque sorte la singularité du discours et
découpe transversalement ce qui, d’un entretien à l’autre, se réfère au même
thème. Il est vrai que l’on ignore la singularité de l’entretien et que l’on cherche
une cohérence thématique inter-entretiens.
En fait, la manipulation thématique consiste à « jeter » l’ensemble des
signifiants correspondant à un thème, ce qui détruit définitivement l’architecture
cognitive et affective des personnes. L’analyse thématique est donc cohérente avec
la mise en œuvre de modèles explicatifs de pratiques ou de représentations.
43
CLAUDIA TURMEAU
L’analyse thématique que j’ai effectué est « horizontale ». En effet, j’ai
étudié les différentes formes sous lesquelles le même thème apparaissait d’un sujet
à l’autre.
b. Méthode
Pour établir les thèmes et construire la grille d’analyse, il a été nécessaire de
s’imprégner du corpus, c’est à dire de lire les entretiens un à un.
L’identification des thèmes et la construction de la grille d’analyse peuvent
s’effectuer à partir des hypothèses descriptives de la recherche, éventuellement
après avoir été reformulées à la suite de la lecture des différents entretiens.
La grille d’analyse est alors un outil explicatif, visant la production de
résultats. Elle n’en est donc nullement le décalque mais une version plus logifiée.
Lorsque la grille est construite, il s’agit alors de découper les éléments
correspondants et les classer dans les rubriques. Ces énoncés sont variables
(membres de phrase, paragraphes…).
3. Analyse des résultats
Dans cette partie, je propose d’évaluer les représentations des jeunes vis à vis de
leur mobilité dans leur milieu rural. Pour ce faire, j’ai effectué des entretiens semidirectifs auprès de 30 jeunes. Après la lecture du corpus, différents thèmes sont
ressortis :
a. La mobilité matérielle : les moyens matériels et financiers
b. La définition de la mobilité
c. Les éléments de trajectoire familiale
d. Les éléments concernant la santé psychologique
e. Les éléments concernant l’espace résidentiel
44
CLAUDIA TURMEAU
f. La mobilité liée aux attaches : la capacité à vivre des situations de rupture
g. Le lien social
h. Les loisirs et les vacances
i. La mobilité dans la tête : la capacité à élaborer des conduites de mobilité
j.
La mobilité liée à la formation et à l’emploi : la capacité à mettre en place
des conduites pour gérer son itinéraire social et professionnel
k. Les freins à la mobilité
Avant de commencer l’analyse descriptive des résultats, il me semble important
de vous présenter la répartition par sexe et par âge ces sujets interrogés.
14%
12%
10%
8%
hommes
6%
femmes
4%
2%
an
s
25
an
s
24
an
s
23
an
s
22
an
s
21
an
s
20
19
an
s
0%
Figure 1 : Répartition par âge et par sexe
a. La mobilité matérielle
Les moyens matériels et financiers des jeunes.
45
CLAUDIA TURMEAU
Pour cette analyse descriptive, il me paraît pertinent de l’expliquer grâce à
quelques graphiques.
HOMMES
33%
54%
13%
POSSEDE LE PERMIS
PREND ACTUELLEMENT DES COURS
NE POSSEDE PAS LE PERMIS
Figure 2 : Possession du permis de conduire (Hommes)
FEMMES
27%
47%
26%
POSSEDE LE PERMIS
PREND ACTUELLEMENT DES COURS
NE POSSEDE PAS LE PERMIS
Figure 3 : Possession du permis de conduire (Femmes)
46
CLAUDIA TURMEAU
30%
25%
20%
HOMMES
15%
FEMMES
10%
5%
0%
NIVEAU VI
NIVEAU V
NIVEAU IV
Figure 4 : Niveau de formation des jeunes rencontrés
Je tiens à préciser que ces jeunes sont en précarité financière. Il est courant dans le
milieu des décideurs de politique sociale d’affirmer que trop d’assistance
individuelle aux jeunes, détruit la solidarité familiale. De plus, cela pourrait
évincer la responsabilité des parents. Cependant, certaines familles ne peuvent
aider financièrement leurs "grands enfants" ; elles sont également en grande
précarité financière. Ce manque de moyens, cette précarité posent problème tant
du point de vue de la mobilité (qui occasionne des frais) que du point de vue
qualité de vie (loisirs, habitat…)
b. La définition de la mobilité
Le premier thème que je vais aborder concerne la définition de la mobilité,
ce qui me permettra d’évaluer par la suite, et de manière précise, les
représentations que les jeunes ont de leur mobilité en milieu rural.
47
CLAUDIA TURMEAU
Au cours des entretiens, les jeunes interrogés ont bien voulu me livrer leurs
représentations initiales de ce qu’ils entendaient par mobilité.
En analysant le contenu de mes entretiens, j’ai pu constater que même si la
majorité des jeunes "ne s’étaient jamais posés la question", ils en avaient une idée,
après quelques minutes de réflexion. Ainsi, plusieurs dimensions sont apparues ;
elles sont au nombre de quatre :
ü Première dimension : 5 jeunes ne savent pas ce que signifie la mobilité au
sens strict du terme. Devant leur embarras ou leur non-sens, je pose la même
question en utilisant la phrase "être capable de se déplacer" : Ils n’arrivent pas à
faire le rapprochement entre les deux, ne voient pas le lien et deviennent muets.
Cela concerne 16,5% des jeunes interrogés.
Néanmoins, il me semble important de préciser que pour ces 5 jeunes personnes,
qui n’arrivaient pas à définir la mobilité, cela n’a pas eu de conséquence sur la
suite de l’entretien. En effet, je reformulais mes questions de façon à ce qu’ils les
comprennent.
ü Deuxième dimension : 5 jeunes définissent la mobilité en tant qu’expérience
enrichissante. C’est une façon de s’évader, de voyager, d’être libre. Ces jeunes sont
prêts à aller n’i mporte où, à partir du moment où la région leur plait et qu’au
niveau culturel "ça bouge". Ils affirment qu’ils trouvent toujours des solutions
pour aller là où ils le désirent, même s’ils font des concessions.
Tous ces jeunes mettent en avant le fait d’être libre et de s’amuser. Au regard de
leur histoire, ils ont vécu une période de chômage longue et douloureuse et ils
semblent prêts à tout pour ne pas revivre cette expérience.
16,5% des jeunes définissent la notion de mobilité en terme d’expérience
enrichissante.
ü Troisième dimension : 9 jeunes, soit 30%, citent les moyens de transport, de
locomotion qui existent (avion, marche à pied…)
Pour eux, il existe un lien très fort entre "déplacement" et "mobilité", d’ailleurs ils
ne font pas la différence.
48
CLAUDIA TURMEAU
Aucun critère de distance n’entre en jeu, 4 jeunes sur 9 disent que la mobilité "c’est
rester dans la même ville, en bougeant". Dans ce cadre, le fait de "bouger" est le
fait de se promener dans leur ville sans utiliser les moyens de transport. En effet,
ces 4 jeunes disent être renfermés ou éprouvent de l’inquiétude à organiser leurs
déplacements et préfèrent rester chez eux ou se promener dans leur commune.
ü Quatrième dimension : 11 jeunes, soit 37%, parlent de capacité à se déplacer
quand c’est nécessaire et sans problème.
Lorsque je leur demande d’approfondir le terme "nécessaire", 7 d’entre eux
mettent en avant le fait de travailler. Pour eux, lorsqu’il s’agit de sorties, de loisirs,
les amis sont présents et les accompagnent. Alors que le travail, c’est individuel,
"chacun se débrouille".
Lorsqu’il s’agit du terme "sans problème", plusieurs idées sont évoquées : le fait
d’être ponctuel (4 jeunes parmi 11), ne pas avoir à demander à quelqu’un de
l’entourage (7 parmi 11), avoir des revenus financiers suffisants (5 jeunes parmi
11).
Il me semble important de détailler ces différentes idées :
- Le fait d’être ponctuel : les jeunes ayant évoqués cette idée sont des
personnes ne possédant pas le permis de conduire et qui « galèrent à faire du
stop » ou qui utilisent les transports en commun alors que les horaires ne sont pas
adaptés et ne leur correspondent pas.
- Ne pas avoir à demander à quelqu’un de l’entourage : ces jeunes disposent
d’un véhicule depuis peu. Avant leur acquisition, ils n’avaient pas les moyens
financiers pour utiliser les transports en commun ou voulaient économiser. Ils
étaient alors tributaires d’une personne proche qui les emmenaient là où ils le
désiraient (« Mais des fois, c’est donner pour recevoir, et moi, je ne pouvais rien
donner en échange. »)
- Avoir des revenus financiers suffisants : les jeunes mettent en avant le fait
d’avoir une voiture de mauvaise qualité et qu’elle consomme beaucoup d’essence.
De ce fait, selon l’importance des distances à parcourir, ils auront plus ou moins la
possibilité de se déplacer.
49
CLAUDIA TURMEAU
Ces différentes idées seront reprises par la suite, dans le sens où elles sont
plus détaillées dans d’autres thèmes (par exemple, le fait de ne pas avoir à
demander à quelqu’un de l’entourage est repris dans le thème "lien social").
Ce qui me semble important, malgré la diversité des réponses, c’est que
86,5% des jeunes (soit 26 parmi 30) estiment être des personnes mobiles et 13,5%
(soit 4 parmi 30) disent qu’ils ne sont pas mobiles.
50
CLAUDIA TURMEAU
1er Dimension
Non-sens.
2ème Dimension 3ème Dimension
4è me Dimension
Expériences
Moyens de
Capacité à se déplacer
enrichissantes.
locomotion qui
quand c’est nécessaire
existe.
et sans problème.
5 personnes
5 personnes
9 personnes
11 personnes
Mobile :
-« J’adore les
voyages » (4)
-« Connaître des
gens nouveaux » (2)
-« Etre prêt à quitter
son petit patelin »
(2)
-« Aller dans tous
les pays d’Europe et
même plus loin » (2)
-« Aller où ça bouge
au niveau culturel »
(2)
-« Etre libre » (4)
- Mobylette, vélo (3)
- Car, train (3)
- Mouvements (3)
- Moyens de
locomotion (5)
- Marche à pied ( 4)
- « Pouvoir aller partout
quand c’est nécessaire »
(8)
- « Pas galérer à faire du
Stop » (4)
- « Capacité à bouger » (2)
- « Pas compter sur qui
que ce soit pour se
déplacer » (7)
- « Avoir de l’argent pour
se bouger, rentrer dans ses
frais » (5)
- « Pouvoir se déplacer
dans n’importe quelle
situation de travail ou de
formation » (7)
-« C’est travailler avec
mes mains et tout…
être à fond dans mon
boulot » (1)
-« De chez moi à ici,
c’est de la mobilisation,
oui je suis mobilisé »
(1)
-« Pendant mon stage,
je
transportais
des
personnes âgées » (1)
-« Je sais pas quoi
répondre » (1)
- « Bah…la maison »
(1)
26 jeunes estiment être mobiles.
4 jeunes estiment être non mobiles.
On peut se demander de quelle mobilité géographique les jeunes parlent-ils ?
51
CLAUDIA TURMEAU
Les formes de mobilités géographiques sont innombrables. Entre ceux qui
développent des modes de vie de plus en plus mobiles, et de ce fait, entretiennent
des rapports avec des lieux multiples et ceux qui, pour des raisons très variées
sont rivés à un seul territoire, les pratiques et les attitudes et donc, les
représentations ne peuvent-être que différentes.
Il apparaît, à travers cette première analyse, une grande diversité dans les
réponses.
c. Les éléments de trajectoire familiale
Les jeunes interrogés, pour la plupart (93%), vivent chez leurs parents. Les
éléments de trajectoire familiale sont vécus différemment par les jeunes.
Ce thème regroupe la constitution de la famille, les relations existantes au sein de
cette cellule familiale, ainsi que la prise de distance du jeune par rapport à sa
famille (par exemple : est-il considéré comme quelqu’un d’autonome, est-ce que
ses parents sont d’accord pour qu’il prenne son indépendance… ?)
La constitution de la famille
Celle-ci est très diverse selon les sujets. Quatre différents types sont apparus lors
de l’analyse :
ü
Famille unie : 53,5% (16 jeunes sur 30) vivent chez leurs parents. Les
deux parents sont présents.
Les relations familiales, bien quelles soient en général harmonieuses, sont parfois
difficiles à supporter par les jeunes. En effet, le décès d’un proche (frère, sœur,
oncle) ou le départ prématuré d’un frère ou d’une sœur (parti à l’étranger, par
exemple) fait que les parents adoptent un comportement ambivalent. D’un côté, ils
disent à leurs "grands enfants" que ces derniers ne peuvent prendre leur
indépendance et qu’il est préférable qu’ils restent à la maison. D’un autre côté, ils
52
CLAUDIA TURMEAU
les valorisent en leur demandant d’effectuer divers travaux à la maison, et en
affirmant que les parents ont besoin d’eux.
De ce fait, peu de jeunes se sentent prêts à partir : 8 jeunes sur 15 disent que les
parents « ont fait l’effort de m’élever, maintenant, c’est à moi de les aider, je suis
redevable. »
3 jeunes filles, sans affirmer que leurs relations soient conflictuelles,
désirent quitter le milieu familial, mais sont dans l’impossibilité de le faire.
Pour l’une d’entre elle, son père est d’origine tunisienne ; pour l’autre, son père est
d’origine turque ; pour la troisième, son père est d’origine yougoslave. Dans ces
familles, les relations avec le père sont parfois difficiles et les filles n’ont pas le
droit de quitter la maison. Si elles désirent sortir, elles doivent en informer le père.
5 jeunes affirment ne pas avoir de problèmes familiaux et que leurs parents
seraient contents qu’ils partent. Ce départ signifierait, pour les parents, que leur
enfant a trouvé un emploi stable et donc qu’il serait indépendant financièrement.
ü
Famille éclatée : 5 jeunes sont concernés (16,5%)
Les familles "éclatées" sont généralement en conflit. Ces 5 jeunes vivent chez leur
mère. Le père, parti, est représenté comme une personne qui harcèle et menace la
famille (4 jeunes sont concernés), un père est parti en prison à la suite de violences
sexuelles sur ses 3 filles.
Les séparations, les divorces ont toujours été vécus douloureusement, et là encore,
les enfants refusent de partir car leurs mères ont besoin d’eux ainsi que la fratrie,
plus jeune, restée au foyer (« je dois protéger ma famille »).
- Famille "éclatée" à la suite d’un décès d’un des parents (4 jeunes sont
concernés, 2 jeunes femmes, 2 jeunes hommes.)
Lorsque l’un des deux parents décède, l’autre abandonne.
Pour les 2 jeunes filles, les mamans sont décédées. Il apparaît qu’elles prennent en
charge les tâches ménagères, s’occupent des enfants plus jeunes…En fait, elles
gèrent le foyer comme le faisait leur mère. Les pères sont très exigeants face à elles,
et d’un autre côté, ils démissionnent totalement.
Pour les 2 jeunes hommes, le père est décédé. Ils se sentent alors responsables de
la famille. A la lecture de ces entretiens, il ressort très clairement que, malgré tout,
53
CLAUDIA TURMEAU
le travail de deuil n’est pas effectué. Ces jeunes infantilisent généralement le
parent avec lequel ils vivent. Certains disent qu’il est irresponsable mais « ça se
comprend avec ce qu’il/elle a vécu. Si je ne suis pas là pour tout faire, qui va le
faire ? » (jeune homme de 19 ans).
Ce sont donc les jeunes qui occupent la place de « chef de famille » et prennent
soin de la fratrie : « Je peux pas partir, ce mec peut faire n’importe quoi. Je sais
qu’il a peur de moi, et il sait que je lui résiste. Si je pars, qui va s’occuper de mon
frère (14 ans) et de ma petite sœur (8 ans)
? Personne n’est capable sauf
moi »(jeune femme de 23 ans).
- Pas de Famille (3 jeunes sont concernés : 2 hommes et 1 femme)
Concernant les 2 hommes : un a vécu en famille d’accueil, foyer, internat…un
autre s’est fait renvoyer du domicile familial par son père.
La jeune femme habite chez son oncle et sa tante.
Ces jeunes expriment une haine et un dégoût face à leurs parents, « qui n’ont
jamais rien fait » pour eux. Ils ne veulent plus en entendre parler, pour eux, « tout
est fini ».
En même temps, lorsqu’ils parlent de la famille qu’ils désirent fonder, ils insistent
sur le fait que rien ne pourra les séparer, que les enfants vivront dans un climat
d’amour et seront choyés.
- Vie maritale (2 jeunes sont concernés : 1 femme et 1 homme)
Ces 2 jeunes vivent maritalement.
La jeune femme a un petit garçon de 14 mois et elle a fuit l’environnement familial
parce que son père la « traumatisait »
Le jeune homme habite avec son amie depuis trois mois et a juste ajouté : « Mes
parents étaient contents que je parte. Je prenais la maison pour un hôtel, donc ils
étaient contents que je m’en aille. De toute façon, ils savaient que ça arriverait un
jour ou l’autre. »
D’une manière générale, les relations avec la fratrie sont "normales" et ne posent
pas de réels problèmes. Même si les conflits sont fréquents, ils sont sans
importance.
54
CLAUDIA TURMEAU
En conclusion, certains jeunes, même s’ils réclament avec vigueur leur autonomie
et leur individualité, restent néanmoins quelque peu dépendants du cadre
familial. Certes différentes raisons personnelles, qui leur sont propres, les y
obligent. Quoiqu’il en soit, la place des relations familiales, de la structure
familiale, de la personnalité des parents apparaissent comme des facteurs
importants dans l’histoire de ces jeunes.
Il me paraît pertinent de développer à la suite de ce thème, celui des évènements
concernant la santé psychologique. En effet, à la lecture du corpus d’entretien, je
me suis aperçue du lien fort entre les deux.
d. Les éléments concernant la santé psychologique
Je tiens à signaler que je n’avais pas de questions précises sur ce thème, mais que
tous ou presque, l’ont abordé. Ceux (8 jeunes sur 30) qui n’ont rien exprimé d’euxmêmes ont rétorqué lorsque je leur ai posé la question, qu’ils n’avaient aucun
problème de santé d’ordre psychologique.
Les souffrances d’ordre psychologique sont multiples.
Celle, qui revient le plus souvent dans le discours des sujets, est la tendance
dépressive évoqué par 73,5% des jeunes interrogés (22 personnes sur 30) et
concerne principalement les jeunes femmes (13 femmes sur 15 contre 11 hommes
sur 15).
Les causes de cette tendance dépressive sont liées à deux facteurs différents selon
les sujets :
- Les éléments de trajectoire familiale (17 jeunes)
- Les différentes périodes de chômage (5).
ü Les différentes périodes de chômage sont vécues de manière très difficile.
L’état de chômage se trouve à la base de sentiments très violents et très
déstabilisateurs : humiliation, culpabilité, perte de l’estime de soi, remise en cause
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CLAUDIA TURMEAU
de certaines valeurs de base (comme la virilité pour les hommes, le sentiment
d’inutilité), la perte de lien social (5 jeunes sur 17).
Cette jeune femme de 22 ans a vécu une période de chômage de 1 an : « Pendant
ma période de chômage, j’étais déstabilisée. On sent pas la reconnaissance, de
toute façon, il n’y en a pas. Quand j’étais au chômage, j’allais même pas à la PAIO,
parce que j’avais plus le goût à rien, je ne voulais pas que l’on me voit et me
demande ce que je faisais, comme je faisais rien ! »
Jeune homme de 21 ans : « Bah ! C’était…parce que j’étais…bah ! J’étais à moitié
déprimé…enfin c’était…enfin ça faisait longtemps que ça me tenait avec des hauts
et des bas…enfin, à l’époque, j’étais pas du tout bien dans ma tête…et puis c’était
aussi…ouais, ça allait pas quoi !…J’arrivais pas à me booster. On a pas de boulot,
personne n’en propose, alors qu’est-ce qu’on fait ? Bah ! on déprime »
Ces jeunes se sentent complètement inutiles et honteux ; ils se renferment sur euxmêmes.
Ces problèmes dépressifs liés au chômage peuvent-être renforcés, voire provoqués
par l’environnement familial.
Jeune femme de 21 ans : « De toute façon, mon père me dit que je n’arriverai
jamais à travailler…et puis, à chaque fois que je fais quelque chose, il va passer
derrière moi, me dire que c’est mal fait, qu’il faut que je recommence. Alors tout ce
que je fais, c’est nul ? Donc j’ai peur, j’ai peur de commencer à travailler»
La famille qui doit rester une base pour le jeune, à chaque fois qu’il vit une
déception, ne remplit pas son rôle.
ü C’est pourquoi, l’environnement familial tient une place prépondérante
chez le jeune adulte en perte de repère (17 jeunes sur 22).
Les problèmes, à tendance dépressive, font suite ou sont concomitants au
problème familial.
Jeune femme de 23 ans, qui protège sa famille de son père parti du domicile
familial, mais les harcèle sans cesse : « C’est dur de voir les choses en bien, vu ce
que je vis. J’ai une baisse de motivation, je ne sais plus quoi faire, ce que je peux
faire, par quoi commencer. Je pense toujours, toujours, toujours à ces problèmes.
J’ai plus envie de sortir, de toute façon, même si je sors, je n’arrive plus à
m’amuser (…) Mes problèmes familiaux agissent sur mon moral »
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CLAUDIA TURMEAU
Cette jeune femme de 23 ans, violée par son père : « Mon père est en prison, il a
fait du mal sur nous. On est 3 filles. C’est pour ça que je suis surmenée en ce
moment, il faut toujours que je pense. Je peux plus, j’ai peur. Des fois, je craque ;
des fois, je veux passer à l’acte »
Ce jeune homme de 19 ans, dont son père est décédé il y a enviro n 4 ans « à la
suite d’un accident brutal » : « Si je l’avais écouté ce jour là, il aurait été moins
énervé et il aurait pas eu cet accident. En fait, c’était encore de ma faute »
Ce jeune homme se désintéresse absolument de tout, tellement il se sent coupable
de la mort de son père.
On remarque que les problèmes dépressifs ont des origines diverses. En règle
générale, l’altération de l’estime de soi est souvent fréquente. Il existe parfois un
écart entre ce qu’ils sont et ce qu’ils voudraient être. Ces problèmes, à tendance
dépressive, peuvent également être à l’origine du sentiment de honte.
Dans ce cadre, je voudrais citer une jeune femme de 24 ans, qui vit chez son oncle
et sa tante : « Avant, j’habitais chez mes parents, comme tout le monde, mais ma
mère est décédée et mon père n’est pas décédé…mais c’est tout comme. Alors à 6
ans, on m’a envoyée chez mon oncle et ma tante. A l’école, on se moquait de moi,
par rapport au physique et puis beaucoup de choses…A l’âge de 6 ans, j’étais pas
propre, et pis les problèmes pour aller aux toilettes parce que je ne pouvais pas me
retenir…Vous vous rendez compte ? Il y a encore des gens qui m’en reparlent. Des
fois, dans ces cas là, j’ai honte…j’ai honte de moi…Alors, je me renferme et je veux
plus voir personne ! »
La tendance dépressive, le sentiment d’infériorité, la perte de l’estime de soi
concernent également les jeunes (5 d’entre eux) qui consomment régulièrement de
l’alcool ou des produits illicites (tels que cannabis et amphétamines).
Ce jeune homme de 24 ans, renvoyé du domicile familial, il y a 2 ans : « Et pis, le
soir, je bois pour oublier mes soucis. Moi, j’aime bien le vin blanc. Tous les soirs, je
suis énervé soit par le boulot, soit par la formation, mais je sais pas pourquoi.
Alors, je bois, ça me fait du bien et surtout ça me soulage »
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CLAUDIA TURMEAU
Ce jeune, en rentrant chez lui, ressent quelque chose de menaçant, générateur
d’anxiété, il absorbe alors de l’alcool, ce qui lui apporte du bien être et donc il y a
renforcement positif de l’alcool.
Cette jeune femme de 21 ans : « Bon, ça m’est arrivé, j’ai consommé de l’ecstasy et
du cannabis. J’ai dit oui, sans réfléchir. C’était à l’époque où de toute façon je me
détruisais…Maintenant pour la drogue, je dis "plus trop" mais je ne dis pas "plus
jamais". De toute façon, y’a toujours quelque chose qui ne va pas. C’était aussi à
l’époque où je détruisais mon corps face aux hommes. Je me respectais pas »
En conclusion, on remarque chez ces jeunes, un sentiment de culpabilité ou d’être
sans valeur, d’avoir des pensées suicidaires ou des pertes d’intérêt dans les
activités habituelles.
Cependant, le diagnostic de dépression majeure implique la présence de 5 ou plus
des symptômes dépressifs (perte ou gain de poids, insomnie ou hypersomnie…)
pendant une période minimale de deux semaines. C’est pourquoi, avant de parler
de dépression majeure, je préfère évoquer "le problème à tendance dépressive".
Tout en restant prudente sur mes résultats (du fait que je n’ai que 30 sujets) le style
parental inadéquat ainsi que la violence familiale, la mort d’un des parents ou le
divorce semblent favoriser la dépression chez les jeunes adultes rencontrés.
Parallèlement à ces jeunes "en difficulté", 8 jeunes sur 30 (soit 26,5 %) affirment
n’avoir aucun problème de santé psychologique.
e. Les éléments concernant l’espace résidentiel
Les avis sont tranchés : certains se sentent bien dans leur commune de résidence et
souhaitent rester dans ce même environnement (soit 66,5% des jeunes) ; d’autres
veulent quitter un endroit qu’ils ne supportent plus (soit 33,5%).
ü Ceux qui se sentent bien dans leur commune de résidence (20 jeunes sont
concernés)
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CLAUDIA TURMEAU
La plupart, sans vouloir habiter à côté de chez leurs parents par la suite, désirent
rester en campagne. Ils sont totalement satisfaits des services proposés, même si
parfois ils vont "en ville" (Châteaubriant) pour « faire les courses du mois »
Généralement, lorsqu’ils décident d’aller à Nantes, ils sont paniqués. Ils se sentent
agressés, en insécurité. Ils s’y rendent seulement lorsqu’ils ont quelque chose de
précis à faire (papiers administratifs…)
Peu de ces jeunes attribuent des avantages à la ville. Ils évoquent la pollution, le
bruit, la délinquance, les quartiers dangereux et les « fauves en cage »
(principalement les immigrés et plus généralement toutes les personnes habitants
en ville qui sont stressées, impolies et désagréables.)
Parmi les jeunes interrogés, 10 d’entre eux ont habité dans une grande ville
(principalement Nantes ou Paris) et l’on particulièrement mal vécu. « Habiter en
ville, vous voulez ma mort ! » Cette notion est récurrente. Ils ont vécu en ville soit
seul pour leurs études ou leur travail, soit en famille lorsque les parents
travaillaient à Nantes.
10 d’entre eux, n’ont jamais quitté leur village d’origine et ne voient pas
pourquoi ils le feraient.
On ressent une habitude de vie, tous les repères qu’ils ont construit durant leur
enfance et qu’ils ne veulent pas perdre. Ils préfèrent les "fêtes de village" aux
"sorties en boite" parce qu’il n’y a pas d’agression lors de ces fêtes et tout le monde
s’amuse.
ü Ceux qui veulent quitter cet endroit, qu’ils ne supportent plus (10 d’entre
eux)
Ces jeunes n’ont jamais habité en ville, mais y vont régulièrement pour "changer
d’air".
6 jeunes sur 10 détestent la campagne parce qu’ils n’ont aucun moyen de
transport et donc il leur est difficile d’accéder aux différents services.
En campagne, la totalité de ces jeunes regrettent le manque d’activités, le manque
de moyens de transport, le manque de magasins.
5 d’entre eux « haï ssent» la commune où ils habitent pour les souvenirs
qu’ils en ont (père violent, décès d’un parent, relations conflictuelles).
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CLAUDIA TURMEAU
Ce qu’ils mettent en avant et ce qui les poussent réellement à partir, c’est la
mentalité des gens en campagne : « c’est hypocrite » ; « Une seule chose est vraie
ici, c’est le commérage et le mensonge » ; « Je vois toujours les mêmes têtes, et ils
me connaissent sans m’avoir jamais parlé » ; « ils reluquent, ils critiquent » ; « Ici,
ils jugent, enfin…c’est campagnard quoi ! »
Les jeunes expriment clairement les difficultés à se déplacer par manque de
véhicule ou de transports publics, par le manque de diversité dans les services et
les commerces de proximité ou encore par le manque d’opportunité de loisirs et
de rencontres.
Quoiqu’il en soit, dans les deux "groupes", on retrouve à peu prêt les mêmes
avantages et inconvénients attribués à la ville ou à la campagne. Au calme de la
campagne sont opposés la violence, les agressions et les bruits mais aussi le
rythme trépidant de la vie urbaine.
A l’inverse à l’ennui ressenti, et pour certains même à l’isolement subi à la
campagne, sont opposés les ressources relationnelles et les distractions que l’on
trouve en ville.
f. La mobilité liée aux attaches
Concernant ce thème, je vais essayer de dégager la capacité du jeune à vivre des
situations de ruptures, c’est-à-dire son niveau d’indépendance et d’autonomie à
l’égard de sa famille, tout en se projetant dans l’avenir.
En effet, j’ai élaboré ce thème en leur demandant s’ils étaient prêts à déménager, à
l’avenir, pour une raison ou une autre. Le fait de se projeter permet aux jeunes de
se détacher du contexte familial actuel et d’envisager son départ dans de bonnes
conditions.
Trois tendances ressortent de ce thème :
- 50% (soit 15 sur 30) des jeunes ne veulent pas partir ou déménager loin de
leur famille.
- 40% (soit 12 sur 30) des jeunes attendent que la formation soit finit pour
partir.
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CLAUDIA TURMEAU
- 10% (soit 3 sur 30) affirment que, si ils partent, ce sera seulement pour un
pays éloigné.
ü Ces jeunes qui ne veulent pas partir ou déménager loin de leur famille
D’une manière générale, les jeunes affirment dans l’entretien leur volonté de
quitter le foyer familial dans un avenir plus ou moins proche. Par contre, ils
réfutent l’idée de s’éloigner de la famille ou des amis. De plus, tout quitter pour
aller dans une ville qu’ils ne connaissent pas et où ils ne reconnaissent personne,
les effraient quelque peu.
Parmi ces 15 jeunes, 6 d’entre elles (seules les filles sont concernées)
souhaitent quitter la famille sans s’éloigner.
Jeune femme de 19 ans : « Déménager ? Oui, mais pas vraiment heu…trop éloigné.
Loin de ma famille, au début ça irait, mais après je m’ennuierais un petit peu. »
Jeune femme de 24 ans : « Je peux pas partir. Chez nous, ce qui compte, c’est la
solidarité familiale. Je peux pas rester seule. Je préfère faire la route, enfin 10 à 15
kilomètres maximum. »
Concernant ces jeunes femmes, l’accès à l’autonomie s’est -il effectué ?
En tout état de cause, elles ne se sentent pas prêtes pour envisager une situation de
rupture. Mais, il ne s’agit pas d’une rupture affective ou idéologique avec les
parents mais plus d’une conquête de l’autonomie.
6 jeunes (parmi les 15) ne souhaitent pas trop s’éloigner, pour ne pas quitter
leurs amis. Le groupe d’amis (de pairs !) prend toute son importance.
Jeune femme de 20 ans : « Non, ça m’ennuie de quitter mes amis, non, je ne veux
surtout pas déménager. »
Jeune femme de 23 ans : « Je pense que le plus difficile, ce serait la solitude. Ne
plus avoir d’amis près de soi, quand on va pas bien. Non, ce serait vraiment trop
difficile »
On s’aperçoit que le groupe de pairs a une fonction affective auprès des jeunes. A
l’adolescence ou plus tard, les amis sont les confidents ou tout simplement, ils sont
présents pour ne pas ressentir trop la solitude.
Parmi ces 15 jeunes, 3 d’entre eux évoquent leur relation amoureuse.
Jeune femme de 20 ans : « M. ne partira jamais, il a toute sa famille ici, et puis, j’ai
besoin de lui, je ne veux surtout pas m’éloigner de lui »
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CLAUDIA TURMEAU
Jeune homme de 25 ans : « Déménager ? Non…ma copine voudra pas, et ça fait
pas longtemps qu’on habite ensemble, alors je vais pas partir, on est bien
ensemble ! »
La création d’une cellule familiale autonome prend toute son importance.
Seulement, les jeunes désirent également accéder à la stabilité.
ü Ceux qui attendent que leur formation soit finie pour partir (soit 12 jeunes
sur 30)
Parmi les 12 jeunes, 9 partent "sans se poser de questions".
Certains partent régulièrement, ils ont déjà vécu différentes ruptures. Ils
s’expriment en terme d’habitude comme pour justifier le fait de partir.
Jeune homme de 25 ans : « Y’a rien qui me retient ici. Et puis, j’ai plus l’habitude
de bouger. On rencontre plein de gens partout »
Jeune homme de 19 ans : « J’aime bien bouger, c’est une habitude, je peux quitter
ma famille et mes potes, sans problème. Même partir à l’étranger mais seulement
là où ils parlent français pour discuter avec eux »
Jeune femme de 22 ans : « Enfin, il faut quand même que je me prépare. Je peux
pas partir du jour au lendemain. Quand je suis allée sur Paris, j’ai déménagé en
trois jours, et ben…comme je vous l’ai dit, je suis pas restée longtemps. Mais j’aime
bien bouger. C’est sympa. En fait, au fur et à mesure, on s’habitue »
3 jeunes (parmi les 12) partent dans les villes où ils connaissent des amis. Le
lien social reste prédominant.
Jeune femme de 23 ans : « L’année dernière, je suis allée chez une amie à la
Réunion, en prenant un aller simple. Mais, je suis revenue, j’ai pas trouvé du
boulot. La semaine prochaine (à la fin de la formation), je refais pareil, et là,
j’espère pas revenir »
Jeune homme de 19 ans : « Justement, je suis content de partir. En plus, en Haute
Savoie, y’a mon oncle, il a des studios au-dessus de chez lui… »
On remarque que le groupe de pairs, la famille sont un véritable réseau d’entraide
pour le jeune. Les périodes de solitude, de détresse sont vécues difficilement, et ce
d’autant plus lorsqu’on ne les a pas choisies.
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CLAUDIA TURMEAU
Bien que l’émancipation de la tutelle parentale et l’accès à l’autonomie soient un
passage douloureux, mais inévitable pour l’adolescent ou le jeune, cela ne signifie
pas couper tous les liens et vivre seul.
ü Ceux qui affirment que, si ils partent, ce sera seulement pour un pays
éloigné (3 jeunes sont concernés) :
Ces jeunes n’ont jamais quitté leur village natal, et lorsqu’ils sont en recherche
d’emploi, ils recherchent dans un périmètre de 20 kilomètres maximum.
Malgré tout, la seule destination qui les intéresse, c’est l’Asie pour l’un, le Brésil
pour l’autre et l’Australie pour le troisième.
Jeune homme de 22 ans : « Moi, je veux pas rester en France ; les 35h00 et l’Euro, ça
me fait peur ! De toute façon, je vais partir en Asie. Quand ? J’en sais rien…mais, je
vais partir un jour… »
Peu de temps après, il poursuit en disant : « Après la formation, je sais pas où je
vais trouver du travail, oh je peux aller jusqu’à 20 kilomètres de chez mes parents !
Mais par exemple, Rennes, c’est trop loin »
Je pense que le voyage en Asie restera un rêve. Au regard de son discours, il ne me
semble pas prêt pour s’éloigner du domicile familial.
g. Le lien social
Dans ce thème, le lien social est étudié. Différents liens sociaux "attachent" les
individus entre eux. Mais, ce qui me semble le plus important, c’est le lien social
qui agrège les hommes entre eux et que l’on nomme la solidarité. En effet, c’est
bien de solidarité qu’il s’agit.
Et parallèlement à ce thème, 4 groupes ressortent :
- Celles qui n’utilisent pas les liens sociaux parce qu’elles ne se déplacent pas (4
jeunes femmes, soit 13,5%)
- Ceux qui n’utilisent pas les liens sociaux pour leurs déplacements parce qu’ils
désirent être autonomes (10 jeunes, soit 33%)
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CLAUDIA TURMEAU
- Ceux qui utilisent régulièrement, voire fréquemment les liens sociaux, pour se
déplacer (12 jeunes, soit 40%)
- Ceux qui demandent seulement à leur famille (4 jeunes, soit 13,5%)
ü Celles qui n’utilisent pas les liens sociaux parce qu’elles ne se déplacent pas
(4 jeunes femmes, soit 13,5%)
Ces jeunes femmes se déplacent le plus souvent à pied et sur leur commune.
Lorsqu’elles sortent à l’extérieur de leurs communes, c’est pour accompagner leur
mère (« pour faire les courses », par exemple)
Ces jeunes n’ont presque pas de relation avec l’extérieur, elles connaissent très peu
de personne de leur âge (« J’ai un ami, c’est déjà bien… ») Mais, la famille leur
apporte le soutien dont elles ont besoin.
ü Ceux qui n’utilisent pas les liens sociaux pour leurs déplacements parce
qu’ils désirent être autonomes (10 jeunes, soit 33%)
Ces jeunes n’aiment pas dépendre des autres, ils ont peur de gêner et surtout ils
ont peur des reproches par la suite.
Ils ressentent la société fortement individualiste et dorénavant, chacun doit se
débrouiller par ses propres moyens.
Jeune homme de 22 ans : « Je me déplaçais par mes propres moyens, à la
débrouille, selon là où j’ai besoin d’aller…j’essaierais déjà, je pense…regarder
l’heure, l’heure à laquelle il faut que je parte et l’heure à laquelle il faut que
j’arrive…si je vois que j’ai largement le temps, j’irais en Stop…sinon, je prends le
car »
Jeune femme de 23 ans : « Une fois, je suis allée demander à un voisin, parce que
vraiment, j’avais pas le choix, il m’a envoyée balader…alors maintenant…c’est
chacun pour soi ! »
Lorsque face à ces jeunes, lors de l’entretien j’évoquais les relations amicales , ils
étaient catégoriques : « je préfère me débrouiller seul, les copains…je veux pas les
embêter, ils ont leurs problèmes aussi ! »
ü Pourtant, certains jeunes utilisent régulièrement, voire fréquemment les
liens sociaux, pour se déplacer (12 jeunes, soit 40%) :
64
CLAUDIA TURMEAU
Il s’agit là d’un véritable réseau de solidarité. Les amis principalement ou les
voisins sont mis à contribution par le jeune qui a besoin. Le réseau d’entraide est
en place et fonctionne.
Jeune homme de 19 ans : « Avant de galérer et de faire du Stop, j’appelle les
voisins, les copains pour savoir où ils vont, et si ils peuvent me déposer »
Jeune femme de 21 ans : « Pour me déplacer, j’essaie toujours de m’organiser avec
un copain. Mais sinon, mes voisins, c’est même pas la peine ! »
Jeune femme de 23 ans : « Mes voisines m’emmènent faire les courses des fois,
mais c’est vrai qu’à la longue…il faut toujours compter sur quelqu’un…Mais, faut
demander à quelqu’un, mais c’est pareil, on peut pas trouver du jour au
lendemain une personne des fois…c’est pas facile »
Même si ce réseau de solidarité fonctionne et rend service, certains souhaiteraient
malgré tout, être plus autonomes. Ils avancent le fait que face à un imprévu, y
aura-t-il toujours quelqu’un de disponible ?
ü C’est pourquoi certains demandent seulement à leur famille (4 jeunes, soit
13,5%)
Jeune femme de 23 ans : « Mon frère va à Nantes tous les jours, j’ai un autre frère
qui va tous les jours à Rennes aussi…Alors, ça ne me pose aucun problème ! »
Jeune homme de 19 ans : « Pour les déplacements, c’est ma tante qui m’emmène.
Elle connaît bien la ville et elle arrive à lire sur un plan ! »
En conclusion, on s’aperçoit que dans certains cas, le lien social attache l’individu
à un réseau de proximité. C’est une solidarité fondée sur la proximité, q u’elle soit
spatiale (communauté de voisinage) ou symbolique (appartenance à une
communauté).
h. Les loisirs et les vacances
Les loisirs et les vacances exigent, eux aussi, un minimum de mobilité, ne serait
ce que pour pouvoir y accéder.
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CLAUDIA TURMEAU
Le groupe de 30 jeunes se divise en trois dimensions :
- Les jeunes qui affirment ne pas avoir de loisirs,
- Les loisirs qui s’effectuent hors du domicile sans être particulièrement
éloignés,
- Le tourisme qui exige qu’une nuit au moins soit passée hors du domicile,
1/3 des jeunes rencontrés n’ont pas de loisirs actuellement. 4 parmi ces 10
jeunes, n’ont jamais pratiqué de loisirs, soit par manque de courage, d’envie, tout
simplement de motivation.
Jeune femme de 23 ans : « J’aimerais me faire plaisir, vivre, mais…je n’en ai pas le
courage »
Les 6 autres évoquent le manque de temps. Ils avaient des loisirs avant,
mais ont arrêté suite à un déménagement ou parce que c’était trop contraignant
(comme les sports collectifs, par exemple).
Jeune homme de 24 ans : « J’ai pas trop le temps, en ce moment. Sinon, j’aime bien
réparer les mobs, j’adore ça ! »
Jeune femme de 20 ans : « Il n’y a pas d’école de danse sur Blain, ça
m’ennuie…enfin un peu…De toute façon, j’ai pas le choix »
Jeune homme de 19 ans : « Avant, je faisais du foot, mais j’ai arrêté ; ça me prenait
trop de temps. Et puis, il fallait toujours être là ».
D’une manière générale, ces jeunes mettent aussi en avant le manque de moyens
financiers. Le coût d’une licence, pour un sport quelconque, est relativement élevé.
C’est pourquoi, l’arrêt de ces activités s’est produit lors de la période de chômage.
Cependant, le coût n’est pas la seule raison ; en effet, durant cette période
d’inactivité,
les
sentiments
d’inutilité,
de
honte
et
de
découragement
s’installent : « J’avais envie de rien faire » (jeune femme de 22 ans qui a pratiqué
du twirling pendant 6 ans.)
Certains jeunes mettent également en avant le manque de moyen de
locomotion : « J’aimerais faire du tennis, du volley…Mais, j’ai pas les moyens pour
me déplacer »
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CLAUDIA TURMEAU
ü Les loisirs qui s’effectuent hors du domicile sans être particulièrement
éloignés (soit 50% des jeunes).
Pour 10 d’entre eux, il s’agit de loisirs sportifs (foot-ball, tennis, piscine, vélo…)
Ils sont inscrits dans un club et affirment être particulièrement assidus.
Jeune homme de 21 ans : « Au niveau des loisirs, y’a le foot, le basket ; moi je fais
du basket…J’aime bien le sport, je fais aussi beaucoup de vélo. Y’en a aucun sur
Plessé qui a fait autant de kilomètres que moi. J’ai fait 750 kilomètres en vélo, mais
en plusieurs fois ! »
Jeune homme de 19 ans : « Je veux trouver une ville où il y aura au moins une
équipe de foot…sans le foot, je suis malade ! »
Ces loisirs demandent une certaine mobilité. Si on reprend l’exemple du foot,
(sport le plus pratiqué), il faut savoir organiser les divers déplacements dans
différentes communes lorsqu’il s’agit de disputer les matchs. La cohésion de
l’équipe offre des perspectives (co-voiturage…) De plus, l’équipe est généralement
le groupe d’amis.
5 jeunes (parmi les 15) ont des loisirs différents des précédents. Il s’agit de
sorties au cinéma occasionnelles et de sorties en "boite de nuit" fréquentes.
Là encore, la cohésion du groupe d’amis est mise en avant.
Jeune femme de 19 ans : « On fait des voitures pleines. Le co-voiturage, ça roule !
C’est moi qui emmène tout le monde ! »
On s’aperçoit que la motivation est la même pour tout le monde. Ces loisirs
s’organisent en groupe.
ü Ceux qui font du tourisme qui exige qu’une nuit au moins soit passée hors
du domicile (soit 16,5% des jeunes)
Ces jeunes pratiquent des loisirs qui nécessitent un déplacement (exemple :
activités nautiques) d’autres souhaitent s’évader le week-end et quitter le lieu de
vie habituel.
Jeune femme de 23 ans : « je bouge, c’est rare que je reste chez moi, le week-end.
J’adore la Bretagne, alors j’y vais souvent »
Jeune homme de 25 ans : « A part la pêche ici, y’a pas grand chose. Moi, le weekend, j’aime bien St Brévin ou Les Sables d’Olonnes. Pour le char à voile ou le body -
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board, c’est ce qui me convient le mieux. Bien sûr, Biscarosse c’est super, mais je
peux pas y aller seulement pour un week-end ! »
Jeune homme de 23 ans : « J’adore tout ce qui est festival, expos, théâtre…A
Nantes, c’est sympa. Mais si y’a un truc qui nous branche à Lyon, on fait les
comptes avec les potes et on y va ensemble »
D’une manière générale, et pour l’ensemble de ce thème, on s’aperçoit que la
mobilité de tourisme et loisir relève d’une grande gamme de motivation (ou pas
pour le premier groupe). Cette mobilité peut-être suscitée par des considérations
de découverte naturelle ou culturelle, d’activité corporelle, de consommation,
voire d’ostentation.
Il me semble également important de noter que la plupart des déplacements, liés
aux loisirs, s’effectuent avec leur groupe d’amis.
i. La mobilité dans la tête
Dans ce thème, il s’agit de voir si les jeunes ont la capacité à élaborer des conduites
de mobilité. Quatre groupes se différencient :
- Les jeunes qui se déplacent dans un périmètre restreint et qui n’organisent
pas leurs déplacements.
- Les jeunes qui se déplacent dans un périmètre restreint et qui organisent
longtemps à l’avance leurs déplacements.
- Les jeunes qui se déplacent sans limiter leur périmètre et n’organisent pas
leurs déplacements.
- Les jeunes qui se déplacent sans limiter leur périmètre et organisent leurs
déplacements.
ü Les jeunes qui se déplacent dans un périmètre restreint et qui n’organisent
pas leurs déplacements (13 jeunes, soit 43,5%).
Ces jeunes se déplacent peu et dans un périmètre limité (30 kilomètres maximum).
6 jeunes sur 13 n’ont pas le permis. On peut alors penser que lorsqu’ils
auront la possibilité de conduire, ces jeunes seront plus mobiles.
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CLAUDIA TURMEAU
Généralement, ces jeunes mettent en avant le fait qu’ils éprouvent des difficultés à
gérer les heures de rendez-vous avec les horaires de transport en commun.
Jeune femme de 20 ans : « J’ai des difficultés à m’organiser, j’arrive pas à jongler
entre mes horaires et ceux du car…entre l’heure de départ et l’heure d’arrivée »
C’est pourquoi, cette jeune femme demande toujours à son père de l’emmener et
refuse les déplacements supérieurs à 20 kilomètres.
7 jeunes ont le permis de conduire. Pourtant, les déplacements sont aussi
difficiles à effectuer et à organiser. Le manque de ressources financières est
ressentie par ces jeunes comme un frein pour l’organisation de leurs
déplacements. Il existe par ailleurs la peur de l’inconnu. Ces freins sont si
importants que pour eux, il leur est impossible d’imaginer un déplacement.
(Ces freins seront plus longuement explicités dans le thème k.)
Jeune femme de 23 ans : « Je peux partir à 30-40 kilomètres maximum, après, ça se
corse…avec les frais d’essence et tout… »
Jeune femme de 24 ans : « Me déplacer loin, j’ai peur. Et puis, j’ai pas le sens de
l’orientation, je ne me reconnais pas…j’ai peur et je me perds. »
ü Les jeunes qui se déplacent dans un périmètre restreint et qui organisent
longtemps à l’avance leurs déplacements (5 jeunes, soit 16,5%).
Jeune femme de 24 ans : « Max 30 kilomètres, j’irais dans les communes d’à côté.
Et pis, il faut toujours s’organiser pour partir. Il faut regarder l’itinéraire, voire si
on n’oublie rien. »
Jeune homme de 22 ans : « Il faut que je prépare mon déplacement, mon itinéraire.
Une fois, je suis allé faire un concours de pêche à 20 kilomètre s, il a fallut une
semaine pour m’organiser, rien oublier et voir quel bus j’allais prendre, voir
combien il me restait à faire à pied… »
A mon avis, ces jeunes adultes n’avaient pas l’habitude de se déplacer auparavant
ou du moins, n’avaient pas l’habitude d’organiser des déplacements. C’est
pourquoi, ils anticipent, c’est une sorte d’autonomie à acquérir.
ü Les jeunes qui se déplacent sans limiter leur périmètre et n’organisent pas
leurs déplacements (2 jeunes, soit 6,5%).
69
CLAUDIA TURMEAU
Jeune homme de 23 ans : « Non…C’étais comme ça, je voyais sur "place", c’était du
jour au lendemain. Quand je pars, c’est parce que je suis presque sûr de moi.
Après, j’ai le temps de voir,… "sur place". »
Jeune homme de 19 ans : « Moi ? Je pars comme ça…Je suis pas un vieux »
Dans ce cadre, soit les jeunes ne veulent pas ressembler à leurs parents, en
organisant le déplacement (comme les vacances, réserver un hôtel ou une
location). Ils préfèrent voir sur place, peut-être au cas où une opportunité se
présenterait, une rencontre fortuite. Jusqu’à maintenant, sans organisation tout
c’est très bien déroulé.
En fait, je pense malgré tout que l’organisation était minimale, dans le sens où
prendre le train par exemple, ne s’improvise pas totalement. Ils ont accédé à
l’autonomie et sans obligatoirement le reconnaître, à l’organisation.
ü Les jeunes qui se déplacent sans limiter leur périmètre et organisent leurs
déplacements (10 jeunes, soit 33,5%).
Jeune homme de 25 ans : « Mais, il faut pas faire n’importe quoi…il faut cibler…
Enfin, je peux pas partir comme ça »
Jeune femme de 23 ans : « J’aimerais bien trouver quelqu’un qui m’aide pour
partir dans les DOM-TOM, parce que là, je me dis, c’est le moment où jamais »
Ces jeunes ont vécu plusieurs expériences de déplacement sans les organiser
auparavant. Comme cette jeune femme de 22 ans qui était partie « sur un coup de
tête » à la Réunion, "les mains dans les poches" et qui a dû revenir parce qu’elle
n’avait pas organisé son arrivée à la Réunion (« et je me suis plantée ! »)
Ou encore ce jeune homme de 25 ans, qui est partit plusieurs fois en Vendée et « à
chaque fois, c’était un échec. »
La capacité à élaborer et l’élaboration même des conduites de mobilité sont -elles à
intégrer dans un processus de développement et de maturation ?
A la relecture des 10 entretiens (pour les jeunes qui se déplacent sans limiter
leur périmètre et organisent leurs déplacements), ils prennent tout d’abord
conscience de leurs échecs, puis intellectualisent des solutions qu’ils vont à
nouveau tester. Je pense alors que la capacité à élaborer ces conduites de mobilité
entre dans un processus de développement. Ce processus serait alors lié à la
70
CLAUDIA TURMEAU
pensée opératoire formelle. "L’intelligence" se transforme et se libère du concret ;
elle ne porte plus sur des opérations concrètes observables, mais sur des idées, des
théories, sur des opérations formelles.
j. La mobilité liée à la formation et à l’emploi
Dans ce thème, il s’agit d’étudier la capacité à mettre en place des conduites pour
gérer son itinéraire social et professionnel, mais également d’étudier la mobilité
sectorielle et voir si celle-ci a un impact sur la mobilité en général.
Deux grandes tendances différentient les jeunes interrogés :
- 46,5% des jeunes ne veulent pas s’éloigner de leur commune quoiqu’il en
soit, même si on leur propose un poste à responsabilité, bien rémunéré (14 jeunes
sont concernés).
- 53,5% des jeunes sont prêts à vivre une aventure, même risquée, mais où le
minimum de bon sens impose un minimum de garanties (16 jeunes sont
concernés).
ü Les jeunes ne veulent pas s’éloigner de leur commune quoiqu’il en soit,
même si on leur propose un poste à responsabilité, bien rémunéré.
Certains jeunes, même si on leur propose une promotion, la refusent. Ils
désirent vivre sereinement et se consacrer pleinement à le ur vie de famille sans
avoir de préoccupations ou de stress liés au travail.
Jeune homme de 22 ans : « Vous voulez dire monter en grade ? Ah, non, surtout
pas, je veux pas qu’on me prenne la tête ! J’ai mon travail, j’ai mon salaire, je
demande rien à pers onne, et je suis tranquille ! »
Jeune homme de 21 ans : « Non, pas vraiment…En fait, je suis un pur glandeur,
donc déjà, on ne me le proposera pas…Mon plus grand contrat, c’est six
semaines…j’ai eu du mal à…Déjà faudrait que je sache ce que j’ai envie de
faire…Mais ça m’intéresse pas »
Jeune femme de 24 ans : « Non, ça je m’en fiche, ça ne m’intéresse pas. »
71
CLAUDIA TURMEAU
Pour ces jeunes, la proximité de l’environnement social et familial est une
ressource fort opportune pendant les périodes de fragilisation des statuts
professionnels et sociaux.
Parmi ces 14 jeunes, certaines jeunes femmes ont changé d’orientation
professionnelle pour rester au sein de leur famille. La crainte de quitter leur
environnement à un impact considérable sur la mobilité.
Jeune femme de 20 ans : « Je devais partir faire une formation couture, à Cholet,
mais j’ai eu tellement peur…en fait, je ne me voyais pas partir, alors j’ai été obligée
de changer. Maintenant, je cherche dans l’agroalimentaire (…) Mais c’est la
couture qui me plait… »
Et lorsque je lui demande si elle accepte une évolution au sein de son travail, un
poste à responsabilité ? Elle répond : « ça me semble intéressant, mais pas pour
moi… ça me convient pas d’avoir des responsabilités »
Lorsque je demande à une jeune femme de 23 ans si elle préfère effectuer un
travail qui lui plait dans une autre région ou bien rester dans sa région à un poste
qui ne lui corresponde pas vraiment : « Rester et faire un travail qui me plait pas.
Non, faut pas…Pour moi, ce serait quitter toutes mes habitudes et mes coutumes.
Quelque part, j’ai pas envie… ça me couperait du monde, je resterais isolée…
isolée »
En conclusion, il ne suffit pas de proposer un poste ou une formation à quelqu’un
si d’abord on ne se soucie pas en priorité des liens qui vont être rompus, renforcés
ou créés. Ceci est particulièrement vrai pour les femmes qui sont encore sensibles
ou fragiles et où la sécurité prime sur le travail.
ü Les jeunes sont prêts à vivre une aventure, même risquée, mais où le
minimum de bon sens impose un minimum de garanties.
Jeune femme de 23 ans : « J’ai un ami qui habite en côte d’Ivoire, et qui m’a trouvé
un boulot là-bas. J’ai un peu d’appréhension, mais après tout, pourquoi
pas…Alors, je pars en côte d’Ivoire cet été, et après, je vois. Pour le moment, j’ai le
poste, j’ai l’hébergement…pourquoi pas essayer ? »
Jeune homme de 23ans : « Moi, si je reste à Blain ou à Nozay ou même sur Nantes,
je suis tranquille, je trouverai pas de boulot dans ce que je recherche. Parce que
décorateur de salle de spectacle ou graphiste pour faire des dessins de pub… A
72
CLAUDIA TURMEAU
Nantes, ça commence tout juste à se développer. Mais, il vaut mieux aller à Paris.
En plus, j’y ai déjà habité deux ans. C’est cool, ça me plait. »
Concernant la promotion professionnelle, ces jeunes sont tout aussi enthousiastes.
Ce qu’ils recherchent surtout, c’est un emploi stable et ils sont prêts à faire
quelques sacrifices.
Jeune femme de 19 ans : « Si c’est un travail qui me plait, je vois pas pourquoi je
refuserais cette promotion ! Pis ben, si ça peut m’avancer dans mon
métier…autant dire oui (…) Et si je dois déménager… j’irais quand même, même
si c’est très loin…En réfléchissant, j’ai rien qui me retient à part ma famille. Donc,
je partirais, il faudra que ce soit dans une ville où je connaisse du monde »
Jeune homme de 25 ans : « oh oui, ça m’intéresse avec une formation, et avoir plus
de responsabilités…Déjà, j’ai pas beaucoup de qualif, alors… C’est très très
intéressant »
En conclusion, ces jeunes peu ou pas diplômés, sortis de l’école sans révolte mais
sans regret, ont malgré tout une ambition sociale accompagnée d’une forte
motivation au travail. Ils sont insatisfaits de leur situation actuelle et sont à la
recherche d’une voie de promotion sociale ou du moins, en "attente". Ils
appréhendent alors les schémas de mobilité qui conduisent à l’insertion puis à
l’intégration professionnelle.
k. Les freins à la mobilité
Qu’est-ce qui empêche les jeunes de se déplacer, d’organiser des conduites de
mobilité, de gérer et mettre en place des conduites concernant leur itinéraire social
et professionnel ?
Les causes sont diverses. Je vais d’abord les répertorier dans un tableau, puis je les
analyserai plus en détail.
73
CLAUDIA TURMEAU
Tableau 2 : Freins à la mobilité
FREINS
HOMMES (15) FEMMES (15)
Problèmes financiers
5
33,5%
11
73,5%
Peur de l'inconnu
7
46,5%
10
66,5%
Insécurité des grandes villes
4
26,5%
4
26,5%
Distance trop importante
4
26,5%
4
26,5%
Les parents
1
6,5%
4
26,5%
Soucis, dépression
2
13,5%
3
20,0%
Problèmes familiaux
2
13,5%
3
20,0%
Manque de motivation
2
13,5%
2
13,5%
Avoir une famille, vie en couple
2
13,5%
1
6,5%
Imprévus
1
6,5%
2
13,5%
1
6,5%
2
13,5%
Maladie
2
13,5%
1
6,5%
Pas de moyen de locomotion
0
4
26,5%
Rien
4
Peur de passer le permis de conduire
0
Formation actuelle
1
N'arrive pas à s'organiser pour
prendre le car
26,5%
0
1
6,5%
6,5%
0
Les freins financiers provoquent l’immobilité à 73,5% chez les femmes et à 33,5%
chez les hommes. Dans ce cadre, on peut rapprocher les thèmes de « ne pas avoir
de moyens de locomotion » cité par 26,5% des femmes et «la distance trop
importante » à effectuer, ce qui occasionne des frais (26,5% chez les femmes et
26,5% chez les hommes).
74
CLAUDIA TURMEAU
Pour ces jeunes, en situation précaire et de chômage, on s’aperçoit nettement que
cette situation les oppose à la mobilité.
Serait-il abusif d’énoncer le postulat que cette précarité est source de rigidité ?
Bien que certains jeunes décident de quitter leur lieu de résidence, ce qui leur
occasionnent des frais, ils sont prêts à prendre le risque pour accéder à un emploi
mieux rémunéré, et pouvant bénéficier d’une plus grande reconnaissance.
Les jeunes calculent malgré tout cette prise de risque. D’ailleurs, les freins
importants concernent également le fait de ne pas avoir de relation, d’attaches ou
de lien social dans la ville.
Ce sentiment de solitude, ce repli sur soi, les jeunes ne veulent pas le connaître ou
ne veulent plus le connaître. Le lien social est alors important. Il s’agit plus d’un
lien communautaire qui est de rétablir un lien social de soi à un sous système
d’appartenance. En fait, ce qui prime, c’est la solidarité fondée sur la proximité.
La peur de l’inconnu inciterait alors les jeunes à l’immobilisme pour 66,5% des
femmes et 46,5% des hommes interrogés.
Les jeunes, loin de leur famille, de leurs groupes de pairs et de leur lieu d’attache,
craignent la société individualisée et individualiste. Ils quittent un lieu où ils ont
construit leurs repères et même leur identité. En se confrontant à un milieu
nouveau, le travail sera à refaire.
La délinquance et l’insécurité des grandes villes font fuir ¼ des jeunes (26,5% pour
les hommes et 26,5% pour les femmes).
Ils refusent de vivre au quotidien dans l’insécurité et dans une citée stigmatisée.
Les conditions de vie insupportables les obligeraient à déménager et revenir sur
leur lieu d’origine.
Les problèmes familiaux sont évoqués à 13,2% pour les hommes et 20%
pour les femmes. On retrouve ici ces jeunes qui se privent pour rester avec leur
mère, généralement. Ils se sentent responsables de la famille, parce que le parent
abandonne (comme par exemple, cette femme de 23 ans qui doit protéger sa mère
ainsi que la fratrie du père violent et menaçant).
Il existe aussi des parents qui infantilisent les enfants et les empêchent de prendre
leur autonomie. Une jeune femme de 21 ans me dit, à la fin d’un
entretien : « Comme je vous l’ai dit, j’aimerais bien partir, mais il faut que je
75
CLAUDIA TURMEAU
demande à mes parents, je ne sais pas si j’ai le droit » Cette jeune femme n’a pas
surmonté le stade de l’adolescence et encore moins son autonomisation.
Les problèmes de dépression ne concernent que 20% des femmes et 13,5%
des hommes. Pourtant, ce problème était récurent chez 13 femmes et 11 hommes.
Il est vrai que les différentes périodes de chômage sont sources de dépression.
Donc, ce n’est pas un frein à la mobilité puisque que c’est « à cause de l’immobilité
que les jeunes sont au chômage », (jeune homme de 23 ans).
Les jeunes adultes rencontrés ne mettent pas en relation les problèmes à tendance
dépressive avec la mobilité.
Il me semble important de préciser que 26,5% des hommes affirment
n’avoir aucun frein qui pourrait provoquer l’immobilité. Ce pourcentage est nul
chez les femmes. Peut-on conclure que les hommes seraient plus mobiles que les
femmes ? Je pense qu’un facteur reste prédominant : les jeunes femmes sont
sensibles et fragiles, la sécurité affective prime sur le travail.
76
CLAUDIA TURMEAU
PARTIE III : Discussion, préconisation
1. Discussion
Les jeunes, en milieu rural sont-ils mobiles ? Ont–ils acquis la capacité et
l’aptitude à se déplacer ?
Au regard de l’analyse précédente, je peux d’ores et déjà affirmer que pour
certains d’entre eux, les jeunes issus du milieu rural n’ont pas acquis la capacité et
l’aptitude à se déplacer.
Il est très difficile d’évaluer cette question, en donnant un pourcentage précis, en
fait les freins qui provoquent cette immobilité sont nombreux.
De plus, l’analyse de mes résultats n’est pas à généraliser, dans le sens ou mon
étude porte sur 30 personnes. Bien que l’échantillon soit représentatif, il reste
limité. Cependant, l’analyse des résultats reflète la réalité.
Je ne reviendrais pas ici sur l’analyse descriptive, elle fut développée
précédemment mais je vais me concentrer sur des conclusions plus générales.
Toutefois, il me semble inévitable de rappeler les résultats pour la confirmation et
l’infirmation des postulats.
Les deux postulats sont-ils confirmés ou infirmés ?
Il s’agit de savoir si :
ü La précarité financière s’oppose à la mobilité.
ü Les freins psychologiques provoquent l’immobilité chez les jeunes issus du
milieu rural.
Les problèmes financiers semblent être le frein le plus important. Les jeunes
seraient alors capables de quitter leur milieu familial s’ils bénéficient d’un salaire
à un temps plein. L’accès aux différents modes de transports nécessite un coût.
Ces jeunes ayant de faibles ressources sont dans l’impossibilité de dépenser, si ils
sont incertains de trouver du travail dans une autre région.
77
CLAUDIA TURMEAU
Cependant, ils sont 53,5 % à partir si on leur propose un poste à responsabilité
mieux payé dans une autre région. Mais, 46,5 % des jeunes restent et donc refusent
la mobilité quoi qu’il en soit.
73,5 % des femmes et 33,5 % des hommes affirment que les problèmes financiers
sont un frein à leur mobilité. La précarité financière est à prendre en considération,
certes, mais il existe d’autres facteurs.
Les freins psychologiques provoquent l’immobilité chez les jeunes issus du milieu
rural. Ils regroupent les difficultés d’ordre familial, la peur de l’inconnu et les
jeunes à tendance dépressive.
Ces freins ont également leur importance. La peur de l’inconnu ressort nettement
comme étant un frein à la mobilité géographique (46,5% chez les hommes et 66,5%
chez les femmes).
Un milieu inconnu provoque de l’angoisse, de l’anxiété surtout si l’on part seul.
Les jeunes redoutent cette société individualiste. On parle surtout de la peur de la
solitude plutôt que la peur de l’inconnu. Les réseaux sociaux des jeunes sont
centrés sur leur lieu de vie et concernent la famille proche (pour certains) et/ou les
pairs, mais ces réseaux ne sont pas diversifiés. Pour les personnes fragiles, c’est
bien la dissolution de ces liens de proximité qui aggravent les risques d’isolement
social.
Les jeunes à tendance dépressive et les problèmes familiaux semblent également
pousser à l’immobilité.
En effet, ces jeunes vivent plus longtemps en cohabitant avec leurs parents ou l’un
des deux, et cette tolérance à la famille peut avoir comme conséquence chez le
jeune une absence de mobilité, de créativité et de construction de l’âge adulte. Elle
peut freiner ou annuler le départ. Cette immobilité chez les parents peut être
vécue par le jeune soit comme une contrainte imposée ou un manque de liberté, et
dés lors, source de déséquilibre.
Comment accéder à l’autonomie tout en restant chez les parents ?
Au regard de la situation actuelle de beaucoup de jeunes, due à une prolongation
de la cohabitation, comment partir de chez eux sans le vivre comme une rupture ?
78
CLAUDIA TURMEAU
Par ailleurs, les difficultés actuelles pour trouver un emploi au sortir des études, la
prolongation de la phase de transition entre le parcours scolaire et l’entrée dans la
vie adulte, augmentent les situations de précarité et d’alternance de chômage et
d’activité. L’insécurité matérielle, l’insécurité affective sont autant de paramètres
qui constituent des zones d’incertitudes pour les jeunes.
Face aux situations de précarité ou d’instabilité affective, ils sont sans cesse
dés lors en quête identitaire, jamais stabilisée.
Si avant, la stabilité des attaches et de l’emploi étaient facteurs de mobilité
géographique, aujourd’hui, l’instabilité des attaches et de l’emploi induisent une
mobilité géographique obligée. Pourtant, nombreux sont ces jeunes qui refusent
cette mobilité.
Je vais maintenant essayer de dégager des profils de jeunes.
Mobilité réelle (8 jeunes soit 26,5 %)
Mobiles
Mobilité subie (8 jeunes soit 26,5 %)
Mobilité fantasmée (5 jeunes soit 17 %)
Immobiles
Mobilité impossible (9 jeunes soit 30 %)
ü La mobilité réelle (26,5 %) : ces jeunes, qu’ils possèdent les moyens
matériels et financiers ou non, sont mobiles. Ils sont prêts à se déplacer n’importe
où et quoiqu’il en soit.
Généralement, ces jeunes n’ont pas de problèmes familiaux prédominants et/ou
peuvent avoir été renvoyés du domicile familial.
ü La mobilité subie (26,5 %) : ces jeunes vivent depuis toujours dans la même
commune. Ils y sont connus et reconnus. Pour eux, tous changements est source
de stress, d’anxiété. La ville représente une agression (délinquance, pollution,
quartiers stigmatisés …)
79
CLAUDIA TURMEAU
Dans la plupart des cas, ces jeunes ont vécu des périodes de chômages mais ils ont
réussi à surmonter cette épreuve grâce au lien social. C’est pourquoi, quitter leur
environnement n’est pas envisageable actuellement.
ü La mobilité fantasmée (17 % ) : ces jeunes ne veulent pas quitter leur milieu
pourtant, ils affirment que dès qu’ils pourront, ils partiront dans un pays éloigné.
Pourtant, leur capacité à élaborer des conduites de mobilité jusqu ’à maintenant,
s’est avéré limitée.
Généralement, ces jeunes n’ont pas résolu le deuil familial et consomment
régulièrement de l’alcool ou des produits illicites.
ü La mobilité impossible (30 % ): ces jeunes ne peuvent pas quitter leur
milieu familial soit parce qu’ils se sentent redevables de leurs parents, soit parce
qu’ils se sentent obligés de les protéger ou encore parce que leurs parents ne les
laissent jamais partir.
Très souvent,
ces jeunes ont des personnalités à tendance dépressive.
L’immobilité est totale, la mobilité n’est même pas pensée.
Avant même de demander à un jeune d’être mobile, il convient de déceler le
problème auquel il est confronté.
En effet, selon le degré de ses difficultés et la façon dont il les surmonte, sa
mobilité sera réelle, subie, fantasmée ou immobile.
80
CLAUDIA TURMEAU
CONCLUSION
La mobilité géographique des jeunes en milieu rural ? Vaste program--me !
Actuellement, les acteurs de l’insertion s’interrogent beaucoup sur ce sujet. En
effet, je parle de mobilité, mais ne serait-ce pas le terme « immobilité » qui serait le
plus approprié ?
Au regard de cette étude, on s’aperçoit que les freins à la mobilité
géographique sont importants. Si je reprends les postulats de l’étude qui sont
confirmées : la précarité financière s’oppose à la mobilité géographique, et les
freins psychologiques provoquent l’immobilité chez les jeunes issus du milieu
rural.
Mais, ces difficultés sont-elles propres au milieu rural ou peut-on les transposer au
milieu urbain ? En effet, ces problèmes de précarité financière, de cohabitation
parfois difficile avec les parents, de troubles dépressifs…ne sont pas spécifiques à
la personnalité des jeunes en milieu rural.
Alors, comment peut-on aider ces jeunes à acquérir cette capacité et cette
aptitude à se déplacer ? Il me semble important que la PAIO intervienne sur
d’autres dimensions que l’emploi et la formation qui sont les voies classiques vers
l’insertion. Le repérage de l’importance de se relier à soi -même et aux autres à
travers l’acquisition d’une mobilité dans la tête et la maîtrise de sa mobilité dans
ses attaches, signifie d’autres types d’accompagnement des jeunes. Il s’agit d’aider
les jeunes à restaurer leur identité, à mettre de la cohérence dans leur itinéraire de
vie, à trouver un sens à leur attachem ent séparations-ruptures qui ont ponctué
leur histoire et les arrêtent momentanément dans leur élan de vie, voire parfois
dans leur espoir de vie ou raison de vivre.
Ce nouveau type d’accompagnement nécessite sans doute de la part des
professionnels un travail plus approfondi de diagnostic des problématiques des
jeunes résidants.
81
CLAUDIA TURMEAU
CONTACTS
M. BOIS
Mme DUDAY
M. DELEURME
Mme DURAND
M.. FISSON
M. GOURVIL
Mme GRENEU
Mme HURT
M. JIGOU
M. JONAS
Melle LEBAIN
M. LECLERC
M. MALLARD
M. MAILLARD
M. MILTON
Mme MOREL
Responsable de l’association AIRE (chantier
d’Insertion)
Technicienne au Service Transport du Conseil
Général
Formateur sur le dispositif TRACE
Responsable des Transports Scolaires sur les
Communautés de Communes de Châteaubriant
Directeur de l’ANPE de Châteaubriant
Responsable Pédagogique du Chantier Ecole
Responsable de Circonscription DISS du secteur
de Blain
Formatrice (organisme Retravailler)
Responsable technique du Chantier Ecole
Directeur du FJT de Châteaubriant
Comité du Bassin de l’Emploi de Châteaubriant
Directeur du GRETA
Chef de Service de l’Action Sociale en faveur des
jeunes à la DISS
Responsable des Transports Scolaires du district
de Blain
Formateur (organisme CFP St Joseph)
Formatrice au GRETA
82
CLAUDIA TURMEAU
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84
CLAUDIA TURMEAU
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Répartition par âge et par sexe..................................................45
Figure 2 : Possession du permis de conduire (Hommes)......................46
Figure 3 : Possession du permis de conduire (Femmes).......................46
Figure 4 : Niveau de formation des jeunes rencontrés.......................47
85
CLAUDIA TURMEAU
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Mode d'échantillonnage................................................................28
Tableau 2 : Freins à la mobilité.........................................................................74
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