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Génération # 28 > Dossier spécial Telecom - Media - Sports 2 Génération Kurt Salmon # 27 28 # > Éditorial Les télécoms, les médias et les filières sportives face à la remise en cause de leur modèle économique Voilà deux industries, au cœur du numérique, qui font face à la remise en cause rapide et douloureuse de leurs business models. Les opérateurs télécom européens, soumis à la pression des régulateurs, font face à l’arrivée des géants de l’internet qui captent une part croissante de la Bernard Desprez valeur générée par les réseaux haut débit qu’ils déploient. Opérant sur des Directeur général France, marchés matures, sur des géographies en crise, dans un environnement forteKurt Salmon ment concurrentiel, les opérateurs voient leurs marges s’éroder et doivent repenser leur approche du marché et leur modèle opérationnel. De leur côté, les acteurs des médias font face à des situations contrastées : la musique se restructure et espère un retour à la croissance après une décennie de chute de son chiffre d’affaires. Sur la télévision, les opérateurs locaux de télévision gratuite et payante sont confrontés à la fragmentation des audiences avec la multiplication des écrans et vont devoir se préparer à l’arrivée de la télévision connectée et de la concurrence nouvelle des acteurs « Over The Top » s’appuyant sur les technologies Internet. La presse poursuit sa mutation : organisation bimédia des rédactions, réforme du système de distribution, poursuite de la diversification et recherche de synergies opérationnelles. Dans l’édition, bien que le basculement se fasse plus lentement en Europe qu’aux Etats-Unis, le livre numérique va précipiter des restructurations et stimuler l’innovation. Les filières sportives, de leur côté, subissent le contrecoup de la pression financière sur les médias, qui sont leurs principaux bailleurs de fonds et doivent s’adapter. Autant d’enjeux sur lesquels nos équipes ont le privilège de conseiller et d’accompagner nos clients. Dans ce numéro de Génération, ces derniers témoignent de ces transformations ; nos équipes, au cœur de ces projets, font part de leurs expériences et de leur point de vue. Mutualisation des infrastructures, consolidation des acteurs, mise en place de nouveaux modèles opéra tionnels mais aussi recherche de nouveaux business models digitaux et réorientation vers les géographies en croissance (et en particulier l’Afrique) sont à l’agenda des leaders des industries numériques et au sommaire de ce numéro. A propos de Kurt Salmon Ineum Consulting et Kurt Salmon Associates se sont unis pour créer une organisation unique, intégrée et globale qui opère sur les 4 continents, sous une même marque : Kurt Salmon. Nos clients bénéficient de la spécialisation sectorielle et fonctionnelle de nos 1 400 consultants en stratégie, organisation et management. Dans un environnement de plus en plus complexe, nous sommes convaincus que nous ne devons pas nous contenter d’être un cabinet de conseil. Nous voyons notre rôle comme celui d’un partenaire de confiance, qui, aux côtés de ses clients, conçoit et met en œuvre les stratégies et les solutions les plus pertinentes, à la mesure de leurs ambitions. Forts de notre expérience, notre préoccupation permanente est de leur apporter des résultats mesurables et d’assurer le succès de leurs projets, de manière significative et durable. Notre signature : l’excellence dans l’exécution. Kurt Salmon est membre du Management Consulting Group (MCG Plc - Bourse de Londres). Pour plus d’informations, www.kurtsalmon.com Génération Kurt Salmon # 28 3 Génération Kurt Salmon est édité par Kurt Salmon. SAS au capital de 8 491 000 euros. 433 224 847 RCS Nanterre. 159, avenue Charles-de-Gaulle, 92521 Neuilly-sur-Seine Cedex. Tél. standard : 01 55 24 30 00. Président et directeur de la publication : Chiheb Mahjoub. Responsable de la rédaction : Vincent Chaudel (01 55 24 31 79). Rédactrice en chef : Amandine Solanet (01 55 24 32 64). Mise en page : Valérie Klein, Domino (01 45 23 09 79). Crédits photo : Fotolia. Impression : Planète Graphique, Le Mesnil-Grémichon, 76160 Saint-Martin-du-Vivier. Parution et dépôt légal : 2013. Diffusion gratuite. ISSN : 2260-8583. Imprimé sur papier recyclé. © 2013 Kurt Salmon - Tous droits réservés - Domino 4 Génération Kurt Salmon # 28 sommaire # 28 Telecom - Media - Sports Interviews Stéphane Martin, Directeur Transformation, Performance et Progrès, chez Bouygues Telecom La mise en œuvre d’une démarche de performance et d’amélioration continue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Marc Feuillée, Président du SPQN (Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale) et Directeur Général du Groupe Le Figaro Transformation digitale de la presse : bilan et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Jean-Noël Tronc, Directeur Général de la Sacem Retour sur la mutation numérique de l’industrie musicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Pierre Camou, Président de la Fédération Française de Rugby Les Assises Nationales du Rugby : une démarche de transformation novatrice et collective pour poursuivre le développement de l’ensemble du Rugby français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Retours d’expérience Quels leviers d’optimisation pour favoriser la nécessaire transformation des opérateurs télécoms européen ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 La fusion d’entreprise, un exercice particulièrement délicat et sans droit à l’erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Marchés émergents, une promesse de croissance pour les opérateurs : le continent africain . . . . . . . . . . . . . 25 Repenser son modèle industriel en temps de crise : l’exemple de la distribution de la presse . . . . . . . . . . . . . 27 La différenciation par l’Expérience Client chez Méditel au Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Points de vue Les opérateurs télécoms confrontés à la nécessité de transformer en profondeur leurs réseaux de distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Réseaux sociaux : au-delà du « community management », un nouveau canal pour le marketing direct . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Les contenus « Over The Top » investissent nos télévisions : chronique d’une rupture que les acteurs traditionnels peuvent devancer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Le NFC Mobile entrera dans nos quotidiens… sur la pointe des pieds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Après l’ebook, les groupes d’édition face à la nécessité de repenser le modèle industriel du livre . . . . . . . . . 43 La nouvelle fabrique de l’innovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 ACTUALITéS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 Génération Kurt Salmon # 28 5 interviews Bouygues Telecom La mise en œuvre d’une démarche de performance et d’amélioration continue Stéphane Martin, Directeur Transformation, Performance et Progrès, chez Bouygues Telecom Propos recueillis par Jérôme Besse et Philippe Pestanes Vous dirigez la Direction Transformation, Performance et Progrès, pouvez-vous nous expliquer dans quel contexte elle a été créée ? la mise en place d’indicateurs pertinents de performance économique et opérationnelle. Et ce, dès le premier niveau de management. La Direction Transformation, Performance et Progrès est le fruit d’un programme de transformation lancé en 2009 pour anticiper les mutations du marché et l’arrivée d’un nouvel acteur sur le marché de la téléphonie mobile. Lancé en septembre 2009, ce programme s’articulait autour de deux axes majeurs : le développement commercial et l’amélioration de la productivité. Enjeux : assurer un niveau d’EBITDA suffisant pour assurer notre développement et faire évoluer l’entreprise de manière pérenne vers une culture de la performance et du progrès. C’est ainsi qu’une réflexion approfondie sur le management de la performance économique a été menée. Il s’agissait de dépasser la simple logique de pilotage budgétaire pour s’orienter vers un pilotage économique de chaque activité, sur la base de volumes et de prix unitaires et En complément, nous avons conçu une méthode d’amélioration continue pour aider les managers à réaliser des analyses de causes suffisamment profondes pour traiter, « pour de vrai », les zones d‘inefficience et suivre de manière plus systématique la mise en place des actions correctives dans leurs domaines de responsabilité. Parcours • Diplômé de l’Institut Commercial de Nancy, Stéphane débute sa carrière en février 1990 en qualité de consultant en organisation chez Andersen Consulting à Londres puis Paris dans les secteurs des Utilities et des Télécommunications. • Il rejoint Bouygues Telecom en 1995 où il prend successivement la responsabilité du Service Organisation, puis de la Direction Facturation et Encaissements et enfin la responsabilité des Achats d’équipements et Maîtrise d’Ouvrage Déléguée du réseau en qualité de Directeur Développement et Projets. • En juin 2000, il intègre Dolphin Telecom en tant que Directeur des Services Clients puis le Groupe Saur, opérateur privé de services publics (eau, propreté, énergie), en novembre 2001. Il y occupe les postes de Directeur Relation Clients avant de prendre en charge la Direction Métiers, en charge de la performance opérationnelle du Groupe. • Il rejoint Bouygues Telecom fin septembre 2009 pour piloter le programme de transformation Oser. Il est nommé Directeur Transformation Performance et Progrès en avril 2012. 6 Enfin, nous avons développé, en collaboration avec la Direction des Ressources Humaines, un programme d’accompagnement, intitulé « Croissance et Performance », destiné à l’ensemble des managers de l’entreprise et visant à renforcer la culture de performance et de progrès, insistant notamment sur l’importance des comportements et des rôles managériaux dans la démarche. A l’issue d’une phase de conception qui a pris fin mi 2010, 60 initiatives concrètes ont été progressivement transmises à des porteurs opérationnels pour être mises en place. Etant déjà porteur des démarches « Lean » et responsable de la conduite missions d’organisation au sein de Bouygues Telecom, c’est tout naturellement que les sujets de management de la performance économique et d’amélioration continue m’ont été confiés avec l’objectif d’ancrer davantage encore la culture de performance et de progrès au sein de l’entreprise. Ceci s’est traduit par la création d’un réseau d’une cinquantaine d’acteurs de la performance répartis dans l’ensemble des métiers et animé par une équipe centrale légère. Bouygues Telecom a récemment transformé son organisation, comment votre direction a-t-elle évoluée ? Dans la foulée d’une réflexion stratégique menée sur le dernier semestre 2011, le système de management de l’entreprise a été repensé et l’organisation modifiée. En avril 2012, une organisation plus simple et agile a été mise en place conduisant notamment à la création de 3 Directions Génération Kurt Salmon # 28 4. Piloter les projets, transverses, com plexes et/ou critiques, nécessitant, compte tenu de leur enjeu, de positionner des directeurs ou chefs de projets aguerris ; 5. Développer la culture de la Perfor mance et du Progrès dans l’entre prise par l’accompagnement et la mise à disposition d’outils et de méthodes d’amélioration continue. Concrètement, comment travaillent ces responsables de portefeuilles d’amélioration ? Quels types de services peuvent-ils proposer aux équipes opérationnelles ? de Marchés dont l’autonomie a été renforcée ainsi qu’au rapprochement de certaines directions pour gagner en efficacité. C’est ainsi que m’ont rejoint les directeurs et chefs de projets chargés de faire l’interface entre les maîtrises d’ouvrage métiers et la Direction des Systèmes d’Information. L’objectif ? Garantir une transformation plus rapide et efficace de l’entreprise par le rapprochement d’équipes aux compétences très complémentaires. Quelles sont aujourd’hui les missions de votre direction ? Les missions qui m’ont été confiées sont aujourd’hui au nombre de cinq : 1. Assurer le pilotage d’un programme d’économies lancé début 2012 ; 2. Dans un rôle d’architecte d’entreprise, cadrer et assurer l’alignement des projets majeurs de l’entreprise avec les enjeux stratégiques et les contraintes budgétaires de l’entre prise, mission qui consiste à être le garant d’une architecture cohérente et optimisée (mutualisation, réutilisation de briques existantes…) du portefeuille des projets ; 3. Accompagner nos clients internes dans la construction et la mise en œuvre de plans d’amélioration des processus critiques dans une logique de bout en bout, mission pour laquelle j’ai créé des rôles de responsable de portefeuilles d’amélioration en charge de définir avec les responsables de Directions de Marchés les plans d’amélioration nécessaires, et ce, quelque soit la méthodologie requise (amélioration continue, Lean 6 Sigma…) ; Aujourd’hui, trois responsables de portefeuille d’amélioration ont été nommés : un premier sur la Direction Foyers & Mobiles, un deuxième sur la Direction Offres fixes, Services et Contenus et un troisième sur la Direction Entreprises. Ils peuvent s’appuyer sur l’ensemble des entités de la direction pour remplir leur mission : • l’entité « Excellence Opérationnelle » qui mène des missions d’amélioration de la performance avec une palette d’outils et de méthodes éprouvés : le Lean, les missions d’organisation et la définition de plans de progrès, • l’entité « Alignement stratégique », en charge du référentiel des processus métiers transverses dans un souci permanent de clarté et de simplicité, • l’entité « Pilotage des projets de transformation », qui assure la gestion des grands projets de l’entreprise sur l’ensemble de leurs composantes (Coûts, Qualité, Délais, Fonctionnalités et Valeur), • l’entité en charge du pilotage de notre programme de réduction des coûts, qui aide les porteurs d’initiatives à les mettre en œuvre et à traiter les risques et les éventuelles difficultés, • et enfin, l’entité « Management de la performance transverse », qui recueille et analyse l’ensemble des données disponibles, y compris au travers de benchmarks, pour identifier l’ensemble des zones de non performance de Bouygues Telecom dans ses grands processus transverses. Comment s’est faite l’appropriation des outils et méthodes que vous avez déployés et quelle est la perception des opérationnels aujourd’hui ? Il n’y a pas de règle. Certaines directions ont très vite été intéressées et séduites Génération Kurt Salmon # 28 7 interviews par ces outils et méthodes (la Direction Réseau et la DSI notamment) alors que d’autres directions ont eu plus de mal à en voir l’intérêt ou le potentiel. De manière générale, les directions qui ont engagé des projets étaient les plus sensibles à l’atteinte de résultats concrets, qu’ils se traduisent en gains économiques directs ou bien en agilité et en qualité. Avec le recul, voyez-vous des écueils à éviter ? Pour ce qui est de la diffusion de la culture, le principal écueil est de vouloir aller trop vite. Il faut prendre garde à ce que les collaborateurs embarqués adhèrent véritablement à la démarche. Une transformation ne se décrète pas. Il faut accepter de prendre du temps. << Le pré-requis indispensable est la prise de conscience de l’urgence et de la nécessité de se transformer. >> Concernant les méthodes, et notamment le Lean 6 Sigma, il faut respecter scrupuleusement la méthode, ne pas la dévoyer. Au début, nous avons pu avoir trop tendance à privilégier le nombre de projets lancés. Bilan : des projets qui ont eu du mal à aboutir voire même n’ont jamais correctement démarré. Il faut donc accepter d’en faire moins mais de faire bien. Enfin, il ne faut pas négliger l’importance de l’accompagnement et du coaching. La formation des managers ne suffit pas. Il faut coacher et « faire avec » pour que le geste change. En complément, certains projets Lean réclament, pour obtenir les gains un accompagnement spécifique renforcé. Il faut l’anticiper. Quels sont les grands enjeux de transformation que vous identifiez ? Quels sont les facteurs clés de succès de la transformation d’une entreprise comme Bouygues Telecom ? Au-delà des enjeux classiques auxquels est confrontée toute entreprise qui se transforme, Bouygues Telecom doit relever quatre principaux défis. 1. Relever le défi d’industrialisation de ses processus lié à la croissance signi ficative de notre base sur le Fixe. 8 2. Optimiser nos dépenses pour ce qui concerne le Mobile dont l’équilibre économique est en train de changer profondément. 3. Installer un nouveau modèle de commercialisation avec notre marque B&You. 4. Enfin, nous devons renforcer nos positions dans le monde du Digital. Quant aux facteurs clés de succès d’une transformation, le pré-requis indispensable est la prise de conscience de l’urgence et de la nécessité de se transformer. L’implication de la Direction Générale est bien évidement un facteur clé de succès déterminant. Implication qui doit se traduire par un affichage clair et régulier des priorités de l’entreprise à l’ensemble des collaborateurs. Au delà de la mise en place d’objectifs et d’indicateurs de performance clairs qui facilite le travail, il est crucial de donner du sens à l’action et de s’assurer que chacun a bien compris comment il pouvait contribuer, par son action, à la performance globale de l’entreprise. Enfin, il ne faut pas hésiter, dans un marché aussi changeant que le nôtre, à réajuster le tir. L’alignement stratégique, mené sur la base de cycles courts, nous permet de réviser le cap pour mieux le tenir. Quels sont les grands défis que vous souhaitez relever dans les années qui viennent ? Le grand défi est celui de la durée. Faire en sorte que la démarche devienne naturelle pour l’ensemble des collaborateurs, qui n’auraient plus besoin d’être stimulés dans la recherche d’amélioration de leur activité. Autrement dit, réussir ce que nous nous sommes dits en 2009 ; faire évoluer l’entreprise de manière pérenne vers une culture de la performance et du progrès. En savoir plus : Jérôme Besse, [email protected], Philippe Pestanes, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 Groupe Le Figaro Transformation digitale de la presse : bilan et perspectives Marc Feuillée, Président du SPQN (Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale) et Directeur Général du Groupe Le Figaro Propos recueillis par Philippe Pestanes et Guillaume Raoux Marc Feuillée, Président du SPQN et Directeur Général du Groupe Le Figaro, fait un point sur l’évolution du marché de la presse et analyse les initiatives de transformation entreprises et à entreprendre par les groupes de presse. Entre 2000 et 2010, la presse, en France, a perdu 950 M€ (– 9,8 % sur la période)1 – presse imprimée et presse en ligne. Les groupes de presse ont perdu environ 50 M€ de chiffre d’affaire de diffusion (vente d’exemplaires imprimés et numériques) et 900 M€ de chiffres d’affaires publicitaires presse imprimée et presse en ligne comprises1. Pour inverser la tendance et survivre à la révolution numérique, les groupes de presse se transforment. Comment expliquez-vous la difficulté des groupes de presse à maintenir leur chiffre d’affaire sur leurs deux principales sources de revenus (diffusion et publicité) ? En 10 ans, la perte de chiffre d’affaire de la presse est d’environ 1 mil liard d’euros. La perte de chiffre d’affaires de la presse est essentiel lement due à la perte de chiffre d’af faire publicitaire. Ce chiffre d’affaire est Parcours Né le 1er septembre 1962, diplômé de l’Institut politique de Paris et de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC), Monsieur Marc Feuillée fut contrôleur de gestion à la holding du Groupe Presse Hachette (1987-1990). Il rejoignit la SA Groupe Express où il fut contrôleur de gestion puis directeur de la gestion (1990-1994) et directeur financier de la SA Groupe Express (1994-1996). Directeur général adjoint du Groupe LSA et Cie (éditeur de l’hebdomadaire « LSA-Le Journal de la Distribution ») (1997), il devint en 1998 membre du directoire et directeur général adjoint de la SA Groupe Express. Nommé en 1999 directeur général de la SA Groupe Express, il fut parallèlement directeur général du pôle information générale regroupant les Groupes Express et Expansion – devenu en janvier 2002 Groupe Express-Expansion (2002-2006). Il est nommé en septembre 2006 président du directoire du Groupe devenu en 2008 Groupe Express-Roularta. C’est en janvier 2011 qu’il prend la direction générale du Groupe Figaro et est élu à la présidence du Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale (SPQN) en juillet 2011. réparti auprès de plusieurs acteurs. Il a été aspiré pour partie par la télévision qui a cru à travers les offres TNT, mais surtout par le secteur du numérique et en particulier les portails comme Google, qui dans le même temps représente un volume d’affaire d’à peu près 1 milliard d’euros en France. Je vois une concomitance entre le déclin à hauteur de 10 % des revenus de notre média et la montée en puissance d’un acteur qui est devenu très dominant sur le marché de la publicité numérique. En revanche la presse a stabilisé sa diffusion et surtout elle a gagné la bataille de l’audience. Jamais les jour naux et les marques de presse n’ont eu une audience aussi importante. L’audience de nos supports imprimés reste forte puisque 35 millions de français déclarent lire la presse chaque jour (tous types de presse confondus), 22 millions déclarent lire au moins un quotidien, 27 millions déclarent lire au moins un magazine. Sur l’audience numérique, la presse, et en particulier la presse quotidienne, a remporté ses plus gros succès. En 10 ans la presse s’est imposée sur la plupart des médias digitaux. Que ce soit sur le web, sur le mobile ou sur les tablettes, l’audience des sites de presse est particulièrement forte. Sur le web, parmi les 10 premiers sites d’actualités, on retrouve 7 sites de presse qui représentent 75 % de l’audience cumulée de ces 10 sites (source : Médiamétrie, juin 2012). On retrouve les sites du Figaro, du Monde, du Parisien, du Nouvel Observateur, de l’Express, du Point et de 20 minutes aux côtés des sites d’autres médias comme celui de TF1, Europe1, Yahoo News, Orange news et MSN actualités. Toujours sur le web, parmi 1. Tous types de presse hors presse gratuite d’annonces et d’information, presse hebdomadaire régionale, presse étrangère en euros courants - source : DGMIC, enquête éditeurs, analyse KS Génération Kurt Salmon # 28 9 interviews les 10 premiers sites d’information économiques on retrouve 6 sites de presse. L’equipe.fr est le site leader d’information sportive devant Eurosport, Orange sport, Dailymotion ou Yahoo Sport. Enfin, dans le top 50 des sites, toutes catégories confondues, on retrouve 9 sites de presse, les deux premiers sites étant Google et Facebook. Par ailleurs, un peu plus de 8 millions de « mobinautes » consultent la presse depuis leurs mobiles et 1,4 millions d’utilisateurs de tablettes consultent la presse sur leurs tablettes. L’audience numérique de la presse est donc une audience très grand public et c’est également une audience nouvelle pour la presse. A titre d’exemple, seul 25 % de l’audience numérique du Figaro est commune à l’audience de ses journaux imprimés. Ce succès d’audience témoigne de la capacité de la presse à créer des contenus qui séduisent de plus en plus de consommateurs même si leurs modes de consommation évoluent. << Ce succès d’audience témoigne de la capacité de la presse à créer des contenus qui séduisent de plus en plus de consommateurs même si leurs modes de communication évoluent. >> La véritable problématique des groupes de presse est une problé matique de modèle économique. Ces 10 dernières années, nous n’avons pas pu valoriser notre audience numérique dans les conditions dans lesquelles nous avions pu historiquement valoriser notre audience « print ». Pour relever le challenge de la monétisation des contenus, les groupes de presse disposent cependant de deux atouts : l’audience déjà constituée d’une part et la propriété des contenus qu’ils produisent d’autre part. Que doivent faire les groupes de presse pour recouvrer un modèle économique vertueux sur Internet ? Les groupes de presse disposent de deux champs d’actions : mener une action sur les coûts, continuer à développer l’audience et apprendre à la valoriser. Nous devons mener une action sur les coûts qui passe par un redéploiement des moyens d’une part – moins de frais généraux et de frais industriels traditionnels et plus de moyens accordés au 10 développement et au numérique – et d’autre part, par une augmentation de la productivité dont le niveau hérité des périodes fastes de la presse n’est plus aligné avec les impératifs de compétitivité actuels. Parallèlement, plusieurs leviers de valorisation de notre audience doivent être approfondis. Sur le plan de la publicité, nous devons mieux valoriser nos inventaires, introduire un media planning des sites de qualité comme les nôtres qui sortent de la simple volumétrie et du ROI et nourrissent les marques, valoriser les données clients, et enfin, apprendre à commercialiser de manière différente à travers notamment les « ad exchange » (sorte de bourses où se négocient les espaces publicitaires). Sur le plan de la diffusion, nous devons habituer nos lecteurs à mieux faire la différence entre les contenus gratuits, qui resteront dans l’offre comme les breaking news, et, des contenus plus approfondis que nous devons apprendre à commercialiser. Cependant, le changement de modèle économique et la valorisation de notre audience sont rendus très dif ficiles par le poids des acteurs tech nologiques auxquels nous sommes confrontés. Les groupes médias sont complètement dépendants de distributeurs en situation de monopole de fait. Sur le web, le trafic issu des portails et moteurs de recherche aboutissant sur les sites de presse vient à 93,5 % de Google (le reste venant de Yahoo ou Bing). Sur les tablettes, plus de 90 % des téléchargements de la version pdf de nos journaux sont faits depuis les iPAD d’Apple. Dans le domaine du smartphone, a émergée une concurrence à Apple avec Samsung et Android, qui, espérons le, ne sera pas remis en cause avec par les batailles juridiques qui se livrent actuellement. De plus, ces distributeurs captent l’intégralité de la valeur des contenus qu’ils distribuent, alors même que les groupes de presse supportent les coûts nécessaires à la production d’une information de qualité. Tout cela pose un problème à terme pour le pluralisme et l’originalité des créations de contenu. Ces acteurs sont gigantesques et leurs centres de décision sont hors de France : ils sont inaccessibles au lobby des groupes de presse Français, qui sont en fait de grosses PME domestiques. Nous travaillons donc avec les pouvoirs publics pour mettre en place des Génération Kurt Salmon # 28 redirigé sur le site de l’éditeur). C’est un faux semblant car cette audience n’est pas monétisable car elle est déjà monétisée par les portails. Il y a donc une piste pour la création d’un droit voisin, c’est d’ailleurs la piste du droit d’auteur qui est utilisée par les allemands dans leur projet de loi. Probablement faut-il permettre la redistribution via une taxation des objets connectés. L’extraordinaire essor des ventes d’objets connectés doit permettre d’enrichir la création qui développe l’usage de ces objets. Le cinéma, la musique, l’information développent l’usage des objets connectés et pour autant la valeur qui est créée par cette nouvelle économie est essentiellement captée par quelques acteurs. Il serait donc logique de mettre en place des mécanismes de redistribution. mécanismes régulateurs. Les acteurs de l’audiovisuel commencent à se joindre à nous dans ce combat pour plus de régulation, comme le feront demain les éditeurs de livre. Je note qu’en Allemagne, grand pays de médias, pour la première fois, les groupes de presse ont réussi à faire en sorte que leur gouvernement élabore une proposition de loi visant à réglementer l’utilisation des contenus de presse par les portails et notamment Google, et ce malgré le lobbying très agressif de la blogosphère et de Google lui-même. Le cas de la presse en ligne est un rare cas où la distribution capte l’intégralité de la valeur d’un secteur économique. La télévision, même en monopole sur la TV payante, participe au financement des contenus qu’elle distribue : Canal+ participe au financement des films qu’il diffuse. Dans le cinéma, les billets sont soumis à une taxe qui participe au financement des créations cinématographiques. La TVA, qui est plus élevée sur la presse en ligne (19,6 %) que sur la presse imprimée (2,6 %), nous handicape considé rablement à un moment où les ventes de presse en ligne se développent et peuvent représenter jusqu’à 10 % de nos ventes. Enfin les conditions générales de vente et plus spécifiquement les paliers tari faires imposés par Apple qui est le principal distributeur de nos offres de presse en ligne payante nous handicapent car ils ne sont pas adaptés à nos produits. Comment voyez-vous évoluer le marché de la presse imprimée dans les 5 à 10 années à venir ? Comment les groupes de presse vont s’adapter et stabiliser leur économie qui repose encore aujourd’hui largement sur la presse imprimée ? Quels sont les mécanismes régulateurs que vous voyez se mettre en place dans les années à venir ? La distinction ne se fera plus vraiment entre « print » et « numérique » mais entre contenus payants et contenus gratuits. Les versions imprimées étant évidemment des contenus payants, chers et super premiums. Sur les sites Internet figureront de plus en plus des offres complémentaires payantes et premium. Il y aura une offre breaking news gratuite, que ce soit sur des quotidiens imprimés gratuits ou sur Internet, mobile… La création d’un droit voisin. Les portails aspirent la totalité de nos contenus et les mettent à disposition de leur audience sans demander aucune autorisation et aucun droit. Ils estiment que ce droit est rempli par le fait que cela génère de l’audience sur nos sites (lorsque l’internaute clique sur un article présent sur Google Actualités, il est La part de la presse imprimée continuera de baisser dans les revenus des groupes de presse au fur et à mesure du développement de la presse en ligne. Dans les diffusions des journaux imprimés payants, la part de la vente kiosque déclinera et la part des abonnements progressera. La part des diffusions numériques commencera à peser véritablement. Génération Kurt Salmon # 28 11 interviews Tout cela se fera sur la base d’un outil industriel rénové et mutualisé. Les rédactions s’organiseront autour de pôles d’information, « newsrooms » ou agences internes qui diffuseront des contenus multisupports. Les régies seront multisupports. Des efforts d’organisation et de productivité permettront une bonne allocation des moyens et une plus forte rentabilité. Pour tirer la quintessence du multi support, les groupes de presse ne devrontils pas être de plus en plus multimédia, la grande partie de leur production étant aujourd’hui écrite ? De plus en plus, la production numé rique des groupes de presse est hybride. L’information produite par les groupes de presse évolue et évoluera : information écrite, base de données, contenu communautaire, image et vidéo. Quel a été le rôle de la diversification entreprise par les groupes de presse ces dernières années ? La diversification a toujours fait partie de la vie des groupes de presse. A titre d’exemple, la diversification dans les grands groupes de presse quotidienne représente en moyenne 45 % des revenus. On y trouve, par exemple, les suppléments magazines, les événements ou encore les annonces classées sur Internet : le groupe Figaro avec Cadremploi et Figaro Classifieds, le groupe Axel Springer avec Seloger en France ou Totaljobs au Royaume Uni, Schibsted avec Leboncoin. Ces diversifications sont très proches finalement de l’activité de base des groupes de presse : les quotidiens ont toujours étaient un maillon important de la mise en relation dans l’emploi, l’immobilier, l’automobile. Que dire des diversifications plus éloignées du métier de base des groupes de presse qui visaient à appréhender un nouveau territoire qu’est le numérique ? On est à un moment où les groupes de presse tirent les enseignements des diversifications menées ces dernières années. Tout le monde pensait que ces diversifications étaient transforma trices du métier de base. La réponse est non. Le métier de base doit se réformer en luimême. Ce n’est pas parce que le groupe NY Times a racheté about.com que cela va transformer son quotidien. Ce n’’est pas parce que le groupe Axel Springer a acheté aufeminin.com que cela va transformer le Bild (grand quotidien allemand) 12 et résoudre ses problématiques. Ce n’est pas parce que le Figaro a racheté Ticketac (billetterie spectacle et théâtre sur Internet) que cela va transformer la logique de travail au sein du Figaro culture et du Figaroscope. Cela peut participer à un projet global de diversification des recettes et des profits mais en revanche, le problème de modèle économique, de valorisation de l’audience et de productivité ne trouve pas sa solution dans les diversifications. Les groupes de presse doivent transformer leur modèle traditionnel. La mode de l’acquisition qui devrait transformer une culture ou une logique économique est passée. La diversification c’est du développement, c’est de la croissance nouvelle, des profits nouveaux, de la complémentarité, mais la transformation du métier de base vers l’information numérique disponible 24/24h sur tous supports – le web, les mobiles, les tablettes et demain la TV connectée – doit se faire à l’intérieur des grandes rédactions des journaux. Par ailleurs, on est à un moment où les groupes de presse tirent les ensei gnements des diversifications menées ces dernières années – qu’est ce qui marche/ne marche pas, qu’est ce qui est synergique/pas synergique, qu’est ce qui est rentable/pas rentable – pour faire le tri dans leurs politiques de développement. Ces dernières années, les acquisitions n’étaient pas véritablement ciblées, il fallait à tout prix réaliser des acquisitions « transformatrices ». Maintenant, les acquisitions sont beaucoup plus ciblées, on sait ce qui marche, les modèles rentabilité sont mieux connus, les équipes numériques sont plus étoffées et occupent une place importante dans la hiérarchie des groupes, ce qui permet de faire des choix plus judicieux. Quelles vont être les champs de diversification dans les années à venir ? D’abord le classified, le classified, le classified. Je pense que le e-Commerce sous certaines réserves est un bon relais de croissance. Ensuite l’événementiel est aussi un territoire important : séminaires/formations, salons, manifestations sportives. Par ailleurs, les groupes de presse, dans la recherche d’une taille critique, vont effectuer des mouvements de consolidation en France. En savoir plus : Philippe Pestanes, [email protected], Guillaume Raoux, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 Sacem © Marc Chesneau. Retour sur la mutation numérique de l’industrie musicale Jean-Noël Tronc, Directeur Général de la Sacem Propos recueillis par Sarah Perez et Philippe Pestanes L’industrie de la musique est l’une des premières industries culturelles à avoir été confrontée à la révolution numérique, cette dernière ayant engendré une mutation du secteur toujours à l’œuvre aujourd’hui. Ainsi, depuis début 2012, le marché de la musique affiche encore une chute des ventes physiques (– 13 % entre Q4 2011 et Q1 2012)1 pour s’établir au premier trimestre 2012 à 83,1 M€. En contrepartie, on constate une progression des ventes de musique dématérialisée, auxquelles s’ajoutent les abonnements ou produits musicaux financés par la publicité (+ 23,9 % à 32 M€ au premier trimestre 2012). Mais le chemin reste encore long pour compenser les pertes de revenus sur support physique : la croissance du numérique représente la moitié des pertes du support physique en valeur absolue. En plus de 10 années, l’industrie de la musique a contribué à de profondes évolutions liées au numérique, notamment en terme d’accessibilité, de mode de création, de production ou de diffusion, etc. Quelles ont été les principales ruptures que vous retenez dans cette transformation profonde du marché ? 1. Source : SNEP, chiffre publié Q1 2012. J’en retiens principalement deux choses. La première est la possibilité pour tout créateur, tout artiste, de diffuser via Internet ses musiques, ses créations, ce qu’on appelle communément le « directto-fan », ou la désintermédiation. Pour autant, le rôle essentiel des grands acteurs du métier de la musique pour produire les artistes, organiser des tournées, distribuer les œuvres, sous format numérique comme physique, demeure pleinement d’actualité. Des artistes comme Grégoire (soutenu par un site Parcours Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de l’Essec, Jean-Noël Tronc a travaillé pour le Parlement européen, puis chez Andersen Consulting et au Commissariat général du Plan, avant de devenir conseiller “nouvelles technologies et société de l’information” du Premier ministre de 1997 à 2002. Après cinq ans chez France Telecom/Orange (2002-2007) où il fut notamment directeur de la stratégie et de la marque, puis directeur général d’Orange France, il a été durant trois ans PDG de Canal+ Overseas qui regroupe les activités de télévision payante du groupe Canal Plus dans l’Outre-Mer et à l’international, avant de rejoindre la Sacem en tant que Directeur général, en juin 2012. Il est également Vice-Président du GESAC (groupement européen des sociétés d’auteurs). de financement participatif) font plutôt figure d’exception. Et le retour récent de Trent Reznor (Nine Inch Nails) dans une maison de disque – après avoir été autoproduit quelques années – en est un autre exemple. La seconde, c’est une fragmentation importante dans tout ce qui concerne la musique. A commencer par la croissance importante dans la diversité des répertoires que nous écoutons. Il y a quelques décennies, les goûts musicaux étaient relativement stables, limités à quelques genres. De nos jours, on écoute de très nombreux types de musique, du classique à l’électro, en passant par la pop, le rap, le R’n’B, les musiques du monde… Notre univers musical s’est fortement enrichi. Les droits à traiter sont également de plus en plus complexes, et les diffusions de musique explosent. Les œuvres sont de plus en plus morcelées pour leurs droits, par exemple certaines œuvres de musiques urbaines qui font une carrière internationale et où il peut y avoir des dizaines d’ayants-droits concernés. Les droits perçus sont fréquemment du micropaiement, quelques millièmes d’euros pour une écoute en streaming par exemple. Et la prolifération des terminaux numériques multiplie les possibilités d’écoute et de copie pour nous tous. La musique est partout, et sous des formes très diverses. De nombreux nouveaux business modèles ont émergé ces dernières années. Par quels types de business modèles l’industrie sera-t-elle désormais Génération Kurt Salmon # 28 13 interviews portée ? Quels impacts ont-ils sur la chaîne de valeur traditionnelle du secteur ? Comment les acteurs historiques se sont-ils ou doivent-ils s’adapter ? Il existe deux modèles principaux pour écouter sa musique en ligne. D’une part, le téléchargement de morceaux (via des sites comme Qobuz, Fnac.com ou ITunes etc.) : vous achetez le titre et le conservez sur vos appareils. Cet achat peut être direct (payé par vous) ou indirectement payé par la publicité (par exemple sur Beezik). D’autre part, l’écoute en continu (dite « streaming ») où vous accédez à des titres pour les écouter sans en disposer définitivement. Ce sont des modèles comme ceux de Spotify, Deezer, mais aussi Youtube, les webradios. Là aussi, tous les modèles existent, de l’abonnement mensuel, au « gratuit » payé par la publicité. << La question centrale est celle du partage de la valeur entre les maillons de la chaîne. Pour le moment, pour les créateurs et artistes, le compte n’y est pas. >> Et puis, il y a l’arrivée de services comme le cloud-computing, qui proposent encore d’autres modèles économiques. Donc, l’industrie sera portée, comme çela a toujours été le cas, par l’ensemble de ces modèles… et par la permanence des modes de consommation antérieurs, qui continuent d’exister. Par le passé, la radio n’a pas fait disparaître les disques, la télévision n’a pas tué le cinéma. L’histoire des pratiques culturelles est toujours celle d’une coexistence des nouveaux modes de consommation avec les plus anciens. Deux exemples : pour le moment, 70 % de la musique achetée en France (hors spectacle vivant) l’est encore sur supports physiques. Et une étude récente de Nielsen aux Etats-Unis cet été, sur les « teens » (les adolescents) montrait que ces derniers, contrairement aux idées reçues, achètent plus de musique que leurs parents. C’est bien normal, puisqu’ils ont beaucoup plus d’occasions et de moyens technologiques de le faire que les générations antérieures ! La question centrale est celle de la chaîne de valeur, ou plus exactement du partage de valeur entre tous les maillons de la chaîne. Pour le moment, pour les créateurs et artistes, le compte n’y est pas. En effet, pourquoi achèterions-nous, 14 vous et moi, des téléphones portables à plus de 500 €, qui du point de vue de la téléphonie ne sont pas aussi performants que ce qui se faisait il y a cinq ans (plus fragile, moins d’autonomie…) et dix fois plus chers ? Principalement, parce que nous pouvons y stocker et écouter notre musique, y regarder des vidéos et y jouer aux jeux vidéos. Et pourtant, les créateurs, artistes, producteurs reçoivent quelques euros seulement sur ces appareils, au titre de la redevance pour copie privée, et même ces quelques euros, les importateurs de ces matériels trouvent qu’ils sont excessifs, et ils font tout leur possible pour détruire le système de la copie privée, en France et en Europe. Le problème est mutatis mutandis le même avec les réseaux : pendant des années, l’usage du web s’est développé notamment grâce aux œuvres de l’esprit qui y circulaient. Il est difficile en effet de croire que les Français ont massivement souscrit à des abonnements haut-débit uniquement pour envoyer des emails et se connecter aux sites administratifs en ligne – même si ces derniers sont fort utiles. Et pourtant, aujourd’hui, les fournisseurs d’accès à Internet, par exemple, ne participent pas au financement de la création, notamment musicale. Il y a là une question d’équité et de justice qu’il faut traiter. Malgré les nombreux accords signés avec les principaux diffuseurs de contenus numériques (iTunes, Youtube…), les recettes numériques ne pèsent encore que 2 % des 820 M€ de droits perçus en France par la SACEM. Comment cette dernière peut-elle faire croître d’avantage ces revenus ? Comment ses homologues Européen et Américains s’y prennent-ils ? En réalité, les recettes numériques de la Sacem pèsent plus près de 15 % de ses perceptions totales, car la copie privée, c’est du numérique, les fournisseurs d’accès à Internet qui distribuent des chaînes de télévision, c’est du numérique… Et on pourrait même considérer, avec la diffusion par le câble et satellite, et l’extinction de l’analogique, que toute diffusion par la télévision est dorénavant numérique. Avec les sociétés de l’Internet, la Sacem a plus de 300 contrats. La croissance de ces revenus pour l’avenir tient à trois facteurs principaux : • Une politique active de signature de licences avec l’ensemble des diffuseurs de contenus numériques sur Génération Kurt Salmon # 28 les réseaux, que la Sacem poursuit depuis des années, et sur laquelle nous sommes très en pointe – nous avons signé dès 2004 avec Itunes, au lancement du service en Europe, nous avons été les premiers en France à signer avec YouTube, nous avons des licences paneuropéennes avec Spotify et Itunes depuis 2009, nous sommes aussi titulaires du contrat de centralisation d’Universal Music Publishing International Ltd pour les usages en ligne. • Un vrai développement de l’offre légale en ligne qu’elle soit payante ou gratuite. Le piratage sur Internet a fait des ravages en particulier parce qu’il perturbe la transition économique vers ces modèles légaux. Heureusement, nous avons – pour la musique en tous cas – passé le plus difficile, même si beaucoup reste à faire pour consolider les entreprises en ligne. • U ne réflexion approfondie sur le partage de la valeur dans l’ensemble de la chaîne. Une partie de la valeur générée par la circulation et l’utilisation des œuvres de l’esprit sur les réseaux, ne revient pas pour le moment aux créateurs et artistes, qui sont pourtant les premiers maillons de la chaîne économique, ceux par qui tout commence, et qui se trouvent aussi être les plus faibles économiquement. En ce qui concerne nos membres, auteurs et compositeurs de musique, nous avons mené une étude qui montre que depuis 2003, leurs revenus ont baissé en moyenne de 26 %… alors même que leurs œuvres sont de plus en plus diffusées, et écoutées. Il faut donc trouver des solutions pour faire participer plus les premiers bénéficiaires économiques numériques que sont les télécoms, les fabricants de terminaux et les plus grands acteurs du web, quels qu’ils soient, au financement de la création et aux revenus des créateurs. Quels sont les enjeux et batailles futures que l’industrie devra mener dans les années à venir ? Par quels moyens le secteur de la musique pourra-t-il sortir de la tenaille dans laquelle il est pris aujourd’hui, entre les opérateurs télécoms d’une part, et les équipementiers internationaux d’autre part, qui captent une part croissante de la valeur ? L’une des principales batailles que nous devrons mener en tant qu’industrie est d’abord pédagogique : faire comprendre que les industries culturelles sont l’avenir du numérique et une force pour l’emploi et la croissance dans notre pays, et en Europe. Depuis plus de 15 ans que la question du rapport entre industries numériques et industries culturelles se pose, on en revient toujours à cette idée fausse que les premières n’ont qu’à se développer et les secondes à s’adapter. En réalité, les industries créatives, qui combinent la création, la production et la distribution de biens et de services qui sont culturels par nature et protégés par les droits de propriété intellectuelle, et dont la musique fait partie, représentent dans notre pays 1,6 millions d’emplois et 7 % du PIB. La plupart de ces emplois ne sont d’ailleurs pas délocalisables. Le domaine des industries culturelles est le seul où la France (et l’Europe) ont encore les atouts suffisants pour espérer donner naissance à des champions internationaux du numérique. Génération Kurt Salmon # 28 15 interviews Après avoir fait jeu égal, voire dépassé les Etats-Unis dans les années 1980 et 1990, les industries européennes de l’informatique et des télécommunications ont pratiquement disparu : plus un PC, plus une tablette, plus un téléphone portable, n’est fabriqué en France, très peu dans l’Europe des 27. Les équipementiers auxquels vous faites référence sont en fait des importateurs de matériel, pas des industries qui créent des emplois localement. Leur bataille contre la copie privée est une bataille pour leurs marges bénéficiaires. Nous, nous nous battons pour la création et pour l’emploi. << Notre objectif, c’est de faire de la Sacem la première société de gestion collective d’Europe à l’ère numérique >> Dans le domaine du numérique, les entreprises qui sont des succès entrent en général dans le champ des industries créatives, ou vivent avec elles dans un rapport symbiotique. Pour ne citer que quelques exemples, Universal (numéro un mondial de la musique) est français, Hachette est le deuxième éditeur mondial, le cinéma français est le deuxième au monde, la France est le 1er pays après les Etats-Unis pour la production de jeux sur Facebook, un site comme Dailymotion possède déjà une audience à 85 % internationale, Deezer (site d’écoute en continu de musique ou streaming) a lancé fin 2011 un vaste plan de déploiement international, Believe est déjà le premier acteur européen de la distribution et des services numériques pour les labels de musiques indépendants… Dans ce contexte en forte mutation, quelles sont les principaux jalons de la feuille de route que vous vous voulez dessiner pour la Sacem ? Anticipez-vous des adaptations nécessaires de ses missions et modes de fonctionnement ? 16 Notre objectif, c’est de faire de la Sacem la première société de gestion collective d’Europe à l’ère numérique, ce qui passe par la préservation et la diversification de nos perceptions, la poursuite de notre modernisation informatique, et surtout une amélioration constante des services rendus à ses 141 000 sociétaires, dont 10 % sont étrangers. Nos sociétaires représentent tous les genres musicaux, bien sûr, mais aussi d’autres secteurs importants de la création, en particulier celui de l’audiovisuel et du cinéma, avec les auteurs-réalisateurs (pour la captation de spectacles vivants, les émissions et documentaires musicaux, les clips, etc.) et les auteurs de doublage, qui sont plusieurs milliers à la Sacem, ou encore dans le domaine de l’humour. J’ai une certitude, c’est qu’étant donnée la fragmentation des usages, des droits et des paiements que je vous décrivais plus haut, la gestion collective est tout simplement le système le plus efficace dans l’univers numérique, où de grandes plateformes sont indispensables pour optimiser l’interface entre créateurs et utilisateurs de musique. C’est aussi le système le plus juste : le créateur est un entrepreneur individuel. La gestion collective permet aux auteurs, compositeurs et éditeurs de s’unir pour faire valoir leurs droits face aux utilisateurs des œuvres, nombreux et pour certains très puissants, et de conserver leur liberté face aux puissances de l’argent. L’alternative est soit un créateur seul face aux utilisateurs, soit un créateur dépendant de mécènes et du bon vouloir des « princes ». La gestion collective, c’est donc ce qui permet aujourd’hui comme hier aux créateurs de conserver leur indépendance. En savoir plus : Sarah Perez, [email protected], Philippe Pestanes, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 Fédération Française de Rugby Pierre Camou, Président de la Fédération Française de Rugby Propos recueillis par François Hilbrandt Les Assises Nationales du Rugby : une démarche de transformation novatrice et collective pour poursuivre le développement de l’ensemble du Rugby français La FFR s’est engagée dans une démarche globale de réflexion et de transformation. Les Assises du rugby français, qui se sont tenues en mars dernier à Marcoussis, ont permis de balayer l’ensemble des enjeux majeurs de la filière pour le futur, parmi lesquelles le développement des pratiques du rugby, l’organisation de la fédération, la formation des élites, mais aussi les enjeux économiques liés aux relations entre notre sport et l’industrie des médias. Pouvez-vous nous décrire la genèse des Assises Nationales du Rugby français et nous en décrire le principe ? C’est sur une idée relativement simple qu’est née la volonté d’organiser les premières Assises Nationales du Rugby français : trop souvent, les organisations humaines engagent des réflexions dans l’urgence lorsqu’elles sont confrontées à une difficulté immédiate. Ce n’est pas ainsi que nous souhaitions nous projeter dans l’avenir. A l’évidence, le Rugby français se porte bien. Il a connu un développement fort ces dernières années, tant au niveau du nombre de licenciés qui a franchi le nombre de 400 000, que de l’exposition médiatique de l’équipe de France, ou encore de l’économie des clubs professionnels et du championnat de France qui est l’un des plus attractifs au monde. Il eut été facile de tomber dans un excès d’optimisme et d’oublier les difficultés qui nous entourent et qui émanent parfois de cette croissance récente. Le succès que connaît notre sport, nous le considérons comme une opportunité mais surtout comme un défi à relever. Une opportunité car c’est l’objet même de la Fédération que de développer le Rugby partout en France et sous toutes ses formes… Un défi car l’afflux massif de publics et de pratiquants doit être encouragé sans pour autant dénaturer l’identité de notre sport et les valeurs positives qu’il véhicule. Le Rugby a sans aucun doute atteint un nouveau stade de son développement, il était donc essentiel de s’arrêter un instant, de se donner le temps de la réflexion, d’apprécier les mutations de notre environnement, et surtout de se projeter dans l’avenir en appréciant les moyens à mettre en œuvre pour poursuivre ce développement que nous voulons harmonieux. Pour mener à bien ce projet, le comité directeur de la Fédération, sur ma proposition, a décidé de regrouper dans un même lieu et faire travailler ensemble pendant 3 jours l’ensemble des acteurs du Rugby hexagonal autour d’une problématique simple : comment poursuivre le développement de l’ensemble du Rugby français et comment gagner enfin la Coupe du Monde ! 120 personnes ont donc été désignées, représentant l’ensemble des composantes de notre Rugby et toutes les catégories du jeu : du club régional à l’Equipe de France, du joueur au dirigeant, mais aussi les différentes amicales et les partenaires sociaux, les éducateurs, les entraîneurs, les représentants de l’ensemble des régions… bref, toute notre diversité. Quels étaient les sujets des ateliers des Assises ? Notre ambition était de traiter de l’ensemble des sujets qui composent les missions de la Fédération. Nous avons donc définis 40 ateliers distincts répartis en 5 grands thèmes. Bien évidemment, Il a été question des aspects sportifs et de notre élite autour de sujets comme la compétitivité de l’Equipe de France, la formation de notre élite et l’adaptation du calendrier global. Génération Kurt Salmon # 28 17 interviews Le développement des pratiques et du club ont aussi été au cœur de nos préoccupations : le rugby à 7, l’intégration à l’olympisme, le rugby féminin, le développement territorial, le développement des clubs, la fidélisation de nos licenciés sont des sujets clés pour l’avenir de notre pratique. Nous avons aussi accordé une place aux réflexions sur notre organisation et les relations institutionnelles du Rugby français. << Le Rugby a sans aucun doute atteint un nouveau stade de son développement, il était donc essentiel de s’arrêter un instant, de se donner le temps de la réflexion pour poursuivre ce développement que nous voulons harmonieux. >> Les préoccupations économiques ont été traitées autour d’un thème sur le développement de nos ressources. Le sujet du Grand Stade de la Fédération a bien évidemment été évoqué, mais pas uniquement ! La médiatisation de notre pratique et le développement de l’ensemble de nos ressources ont aussi fait l’objet de débats. Enfin, notre dernier grand thème était centré autour des réflexions sur nos valeurs et sur la préservation des acteurs de notre jeu. Là encore les sujets étaient nombreux avec la solidarité, l’éthique, l’emploi, le bénévolat, la sécurité, le médical, la discipline… Quelles étaient les sujets de préoccupation et les difficultés que se devaient d’appréhender ces assises ? Nos préoccupations étaient diverses. En premier lieu et nous l’avons déjà évoqué, l’idée était d’inventer le Rugby pour les 15 ans à venir avec un double fil conducteur : le développement équilibré de l’ensemble des composantes du Rugby et l’objectif sportif de gagner la Coupe du Monde. Ces deux aspects doivent se nourrir l’un l’autre et nous ne saurions concevoir l’idée de réussite si la réalisation de l’un se faisait au détriment de l’autre… Par ailleurs, notre sport s’inscrit forcément dans un contexte plus large, il est confronté aux mêmes mutations que l’ensemble de la société. Il est essentiel de refuser le repli sur soi par essence contre productif et de s’interroger sur ces mutations. Notre développement récent ne nous conduit pas à l’excès d’optimisme et nous n’ignorions pas les diverses problématiques auxquelles nous sommes confrontés telles que la crise du bénévolat, la désertification rurale, la complexité administrative croissante, la nécessité d’améliorer la relation élus-salariés au sein de notre organisation, la fidélisation des pratiquants, l’anticipation d’un contexte économique difficile pour les pratiquants et les clubs à tous les niveaux, les calendriers surchargés et manquant de lisibilité, les tensions ponctuelles entre les acteurs, les difficultés pour faire émerger notre jeune élite au plus haut niveau senior, les risques de dérapages et 18 de déséquilibre économique pour notre secteur professionnel… Pourquoi avoir fait le choix d’une telle démarche collective et participative pour imaginer l’avenir du Rugby français ? Plusieurs options s’offraient à nous pour engager ce projet. Nous pouvions restreindre les réflexions stratégiques à un groupe limité d’élus de notre Fédération ou choisir un prestataire pour nous faire des propositions. L’idée était différente, nous connaissons la richesse et la diversité des différentes familles du Rugby français, nous savons aussi que le développement de notre sport passe par l’échange et un dialogue constructif et collectif entre ces différentes familles. Réunir l’ensemble des composantes du Rugby autour d’un vaste séminaire de réflexions stratégiques était donc la solution la plus pertinente. Elle était à la fois conforme à notre culture mais aussi nouvelle dans sa forme et possédait enfin plusieurs vertus essentielles : faire appréhender à chacun la position de l’autre, fédérer les idées et faire comprendre les interdépendances et les équilibres qui gouvernent le développement de notre sport. Pourquoi avoir choisi Kurt Salmon pour vous aider à conduire cette démarche ? En premier lieu, Kurt Salmon possédait l’avantage de bien connaître le champ du sport et des fédérations et d’avoir conduit des démarches similaires pour d’autres institutions sportives dont la Ligue Nationale de Rugby. Il était essentiel d’être accompagné dans cette démarche, pour structurer ce travail collectif. Nous avons définis 40 sujets à traiter sur les trois jours, il fallait pouvoir cadrer ces sujets, apporter des éléments factuels de compréhension des enjeux à l’ensemble des participants, animer les groupes de travail mais aussi restituer la richesse des échanges… Plus globalement, il était important que Kurt Salmon soit capable de nous proposer plusieurs alternatives dans la méthodologie des travaux en mettant en avant les différents enjeux liés à chacune des formules de conduite du séminaire. Même si ce n’était pas aisé, nous voulions favoriser l’émergence d’idées et la méthodologie a été adaptée en ce sens ! Justement, comment passer de la production d’idée à celui de la réalisation ? Dès le départ, nous avions à l’esprit que les Assises du Rugby français étaient un premier pas, celui de la production des idées. L’ensemble des pistes de réflexion Génération Kurt Salmon # 28 ont été consignées dans un livre blanc, disponible sur notre site Internet (www.ffr. fr) et distribué au plus grand nombre afin que chacun puisse s’en emparer et poursuivre les réflexions. Néanmoins, il était clair que les principales pistes devaient être approfondies. Nous avons choisi, avec Kurt Salmon de mettre en œuvre 3 groupes de travail sur les trois sujets qui ressortaient dans un premier temps comme prioritaires à l’issue des assises : la compétitivité du XV de France, la filière de formation et l’Ecole de Rugby. Là encore, nous avons choisi une démarche novatrice en confiant à trois personnalités reconnues de notre sport (Serge Blanco, Fabien Pelous et Henri Broncan) de conduire des groupes de travail d’approfondissement. Les « pilotes » de ces trois groupes de travail ont eu la liberté de s’entourer des individus qu’ils jugeaient pertinents pour réaliser différents travaux. Nous leur avons juste indiqué une feuille de route en plusieurs étapes. La première consigne était de s’inspirer des réflexions émises lors des Assises tout en s’assurant de l’exhaustivité des questionnements. Surtout, nous souhaitons que les groupes de travail formulent des propositions concrètes. Ainsi, chaque action possible doit être pesée au regard notamment de ses conséquences en termes d’organisation et de financement mais aussi de l’ensemble des contraintes qu’elle engendre. Nous voulons que nos décisions soient prises en fonction de leurs contributions à nos différents objectifs. Ce n’est pas un exercice facile pour des gens dont ce n’est pas le métier et là aussi la présence de Kurt Salmon s’avère décisive pour que nos « experts », nos techniciens, trouvent le bon dosage entre la recherche de la bonne idée et les conséquences de sa matérialisation concrète. L’objectif final est clair, nous voulons nous assurer que les groupes de travail fournissent les bonnes clés de lecture au Comité Directeur, qui lui, sera appelé à prendre les décisions. En effet, si notre démarche est à la fois collective et innovante, elle s’inscrit pleinement dans le mode de fonctionnement d’une fédération sportive. Le temps de la décision revient aux élus et c’est bien le Comité Directeur qui arbitrera et décidera des actions à mettre en œuvre à partir des idées des Assises et de leurs traductions en actions concrètes résultant des groupes de travail. Voilà un processus de prise de décision qui nous donne entière satisfaction, il nous apparaît à la fois ouvert, il anticipe les enjeux à venir mais il est aussi pragmatique. Et la mise en œuvre ? Nous n’en sommes pas encore là, car les décisions politiques seront prises à partir de la fin de l’année 2012. Mais là aussi, une fois les décisions prises, ce sont bien les élus et les salariés de la Fédération qui auront la charge de mettre en œuvre de la manière la plus juste et efficace ces actions. Nous resterons attentifs au dialogue et saurons expliquer le pourquoi de nos décisions tout au long de cette mise en œuvre. Comment juger de la réussite d’un tel projet ? Il y a plusieurs niveaux de lecture pour définir la réussite d’un tel projet. La première tient à sa réalisation et pour l’instant les premières étapes que sont les assises et les groupes de travail peuvent être considérées comme des réussites. Les assises ont représenté un moment unique de convivialité et d’échange. Trois jours durant nous avons travaillé ensemble mais aussi vécu ensemble et cette notion de partage est importante dans notre démarche. Les différentes propositions étaient forcément de qualités disparates, mais cela n’est pas surprenant et ce sera à nous de trier le grain et la récolte sera bonne sans aucun doute. Le deuxième niveau se jugera sur le long terme voir le très long terme. Les conséquences de nos décisions ne pourront se voir que dans un certains temps… Nous ne pourrons récolter le fruit de nos travaux sur des sujets comme la filière de formation des jeunes rugbymen de haut niveau que dans de nombreuses années. Nous avons donc rendez vous avec l’avenir et pour conclure je citerais volontiers Jean Jaurès « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remord pour le présent et une confiance inébranlable pour l’avenir ». Kurt Salmon tient à remercier Monsieur Pierre Camou, Président de la FFR pour le temps accordé. Monsieur Alain Doucet, Secrétaire général et Monsieur Olivier Keraudren, Directeur de cabinet de la présidence et Directeur des activités sportives et juridiques, pour la confiance qu’ils nous ont accordée. En savoir plus : François Hilbrandt, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 19 Retours d’expérience < Quels leviers d’optimisation pour favoriser la nécessaire transformation des opérateurs télécoms européen ? Par Jérôme Besse Sur un marché en profonde transformation, les grands opérateurs européens doivent relever de multiples défis : répondre à la pression concurrentielle accrue et la généralisation des offres illimitées à coûts réduits ; contenir l’érosion de la valeur ; faire face aux évolutions réglementaires et à la baisse des terminaisons d’appels, poursuivre des investissements lourds, notamment dans les infrastructures réseau, et répondre aux évolutions des comportements et des usages des clients. Les opérateurs font preuve de beaucoup de créativité pour maintenir des offres attractives et limiter l’érosion de leurs revenus, mais face la baisse de valeur à laquelle ils sont confrontés, c’est fondamentalement toute l’équation économique de leur activité qu’il est nécessaire de revoir. Ils doivent notamment revoir leur structure de coûts pour dégager les marges de manœuvre nécessaires pour relever ces enjeux et trouver les moyens de leur développement dans les années qui viennent. Structure de coût d’un opérateur mobile 10 % 40 % 20 % 15 % 5% 10 % Coûts commerciaux Relation client Communication et marketing Réseau Gestion et administration Autres (dont SI) Source : analyses Kurt Salmon 20 Un effort particulier sur les coûts commerciaux Face à une pression concurrentielle de plus en plus forte, la tentation est grande de renforcer les coûts commerciaux pour défendre son parc de clients et maintenir sa part de marché. Les coûts commerciaux, qui constituent la plus grande part des coûts opérationnels doivent néanmoins être maîtrisés. Trois grandes options se dessinent : • adapter les coûts d’acquisition et les coûts de rétention, notamment les modèles de subventionnement, en privilégiant les terminaux présentant le meilleur rendement, • adapter le modèle de commissionnement des vendeurs pour tenir compte des comportements de plus en plus opportunistes des clients, • faire évoluer les canaux de distribution pour en renforcer la performance opérationnelle et pousser les clients vers les canaux les moins onéreux (site Internet notamment). Une baisse significative des coûts de relation client et du marketing La relation client, essentielle dans une industrie de services comme les télécoms et bien souvent axe de communication des opérateurs, constitue un levier de réduction de coût important. Mais comment faire pour maintenir le niveau de qualité attendu, voire exigé, par les clients ? Plusieurs axes de travail peuvent être explorés : • une amélioration des opérations en développant la productivité des centres d‘appels et le taux de « first and done », Génération Kurt Salmon # 28 c'est-à-dire de demandes client résolues dès le premier appel, • une réflexion de fond sur l’externalisation, voire l’offshorisation des centres d’appels, • une réduction des coûts d’impayés en renforçant les efforts entrepris de lutte contre la fraude et les impayés, • une réduction des coûts d’impayés en renforçant les efforts entrepris pour lutter contre la fraude et améliorer le recouvrement. Parallèlement, le marché évolue vers des offres de plus en plus simples (tout illimité, SIM only, engagement réduit…). Un effort important doit être mené pour améliorer la lisibilité des offres et privilégier une communication directe, simple et moins onéreuse. << Les opérateurs doivent revoir leurs structures de coûts pour dégager les marges de manœuvre nécessaires à leur futur développement. >> La tendance à la mutualisation des réseaux et à l’optimisation des opérations Les opérateurs européens ont longtemps favorisé le développement d’un réseau en propre comme une source de différenciation par rapport aux concurrents. L’effort financier demandé et les cycles d’évolution technologiques successifs incitent désormais les opérateurs à mettre en œuvre des logiques de partage d’équipements (passifs ou actifs) susceptibles de générer des réductions de coûts importantes. Qu’elles prennent la forme d’accords commerciaux ou de Un exemple de RAN Sharing : la joint venture détenue par 3 et Everything Everywhere Les opérateurs 3 et Everything Everywhere ont créé au UK une joint venture Mobile Broadband Network Limited visant à créer les conditions d’un développement rapide et à moindre coût d’un réseau 3G performant. La joint venture a été créée en 2007, jusqu’en 2031 et a permis de constituer le réseau considéré comme n° 1 pour le débit, la qualité de service et la couverture (YouGov). C’est un véritable accord de ran sharing qui a été conclu puisque MBNL déploie et opère le réseau pour les deux opérateurs partenaires, qui partagent totalement l’infrastructure consolidée (antennes, RNC…) sans partager néanmoins les fréquences. véritables joint ventures, ces opération peuvent s’avérer très intéressantes (voir encadré). D’autres sources d’économies sont envisageables dans les opérations, en optimisant les processus d’entretien et de maintenance du réseau et en améliorant (voire dans certains cas en externalisant) les activités de supervision du réseau. Enfin, la location voire la revente des pylônes, peut également constituer un moyen d’optimiser le coût total du réseau. La réduction des coûts informatiques Les opérateurs télécoms dépensent des sommes importantes dans des projets informatiques d’envergure leur permettant de faire évoluer constamment leurs offres et renforcer leurs dispositifs de CRM. Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour réduire ces coûts : • mettre en place une politique plus stricte d’évaluation des projets informatiques afin de prioriser la demande, • renforcer les politiques d’externalisation ou d’offshoring des activités informatiques, • revoir les équipements et le socle technique pour en réduire le « total cost of ownership ». L’optimisation des fonctions supports Achats, finances, RH, les fonctions centrales doivent également revoir leurs pratiques et se rapprocher des meilleurs pratiques constatées : • revue des politiques RH à la baisse (voyages, frais, avantages…), • o ptimisation des actifs immobiliers (regroupement, externalisation, location des biens détenus…), • optimisation des pratiques achats de manière systématique. L’ensemble de ces leviers peut générer des économies conséquentes chez les opérateurs, de l’ordre de 10 %, et parfois plus, de leurs coûts opérationnels. Sans changer totalement le modèle, ils sont susceptibles de leur faire retrouver les marges de manœuvre nécessaires pour relever les enjeux auxquels ils font face. Plus encore, ils peuvent leur permettre de retrouver agilité et l’efficacité dans un contexte où les opérateurs en ont de plus en plus besoin. En savoir plus : Jérôme Besse, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 21 Retours d’expérience < La fusion d’entreprise, un exercice particulièrement délicat et sans droit à l’erreur Par Farouk Goulam-Ally Nous le savons, toutes les transformations sont difficiles à réussir. Mais lorsqu’il s’agit de fusion, les choses se compliquent encore d’avantage. Alors comment appréhender cette figure de style, quelles approches privilégier pour mettre tous les atouts de son côté ? A partir des expériences de Kurt Salmon, nous faisons un tour d’horizon des problématiques que soulève une fusion, et donnons des pistes de réflexion pour les aborder avec méthode et sécurité. Trois temps ponctuent en général une fusion, une fois la décision de rapprochement prise : • D ans la phase de préparation, le travail sera focalisé sur l’organisation cible. Au-delà de la difficulté d’élaborer un schéma robuste et garant de pérennité, notre expérience montre que c’est l’aspect « vente de ce schéma » aux différents protagonistes qui sera le plus délicat. Par ailleurs il sera fondamental dans cette phase de veiller à l’adéquation de cette cible avec les possibilités économiques de l’entreprise. •D ans la phase de bascule, ce sont tous les nouveaux repères qui devront être méthodiquement recensés et définis (ligne managériale, gouvernance, procédures). Ils devront être révélés le Jour J ou très vite après, ce qui implique une préparation très anticipée par rapport à cette échéance • Après le jour J, le processus est loin d’être terminé. Une phase de montée en puissance va commencer autour d’un certain nombre de chantiers de fond (harmonisation des rémunérations, nouvelle identité, convergence des SI…). Ces chantiers devront s’enclencher dans le sillage immédiat de la bascule et devront aboutir au plus tôt afin de pouvoir extraire pleinement les bénéfices de la nouvelle organisation Pour mener à bien ce type d’opération, il paraît donc fondamental de la planifier très en amont et de la piloter de façon étroite et réactive. Une attention particulière doit être portée aux compétences à mobiliser dans les différentes phases et aux méthodes pour aborder les nombreux sujets. La taille des équipes à mobiliser devra être étudiée de près, au regard du lourd volume de travail à abattre durant tout le processus 22 et du caractère de ce type d’opération, qui ne tolère aucune erreur. La préparation : une phase tendue où une cible devra émerger et être scellée par un pacte entre management et collaborateurs Le premier enjeu est de faire accepter, en l’espace de quelques semaines, le projet de la Direction par le personnel. Il est donc crucial d’instaurer dès l’origine un dialogue transparent et argumenté avec les IRP. • Dans cette perspective, un travail approfondi doit être mené sur le pourquoi de la fusion : Quels impératifs conduisent à ce rapprochement, en quoi une structure commune permet au groupe de mieux se développer, quels sont les objectifs recherchés à travers l’opération ? Autant de questions dont les réponses devront être étayées par une mise en regard entre l’externe et l’interne. Il convient dans cette phase de rendre tangible les impératifs de changement, de pointer les aspects à faire évoluer pour mieux préparer l’acceptation de la cible qui sera présentée • Il faut ensuite préciser le quoi de la fusion, c.a.d la cible envisagée. Ce schéma doit comprendre plusieurs volets cohérents les uns avec les autres : – La cible juridique, – L’organisation opérationnelle au niveau de détails le plus fin (schéma général, fonctionnogramme détaillé, volumétrie des postes), – En complément du schéma d’organisation, les éléments clés du fonctionnement devront être spécifiés (gouvernance, principes de fonctionnement, autorités de décisions…), – Le dossier devra également préciser les éléments relatifs à la gestion de l’emploi, et le cas échéant prévoir des consultations ad-hoc (PDV…), – Si la fusion s’accompagne d’un projet immobilier, celui-ci devra également être présenté et expliqué, Génération Kurt Salmon # 28 – Enfin les éléments liés aux conditions de travail devront être également précisés aux CHSCT, • Le dialogue social devra être initié au plus tôt et être conduit suivant un rythme soutenu : – Lancement du processus d’info/ consultation, finalisation d’un accord de méthode et d’un calendrier dès que possible, – Qui dit fusion dit instances dans chaque société, avec potentiellement des règles différentes, des rapports de force et des priorités de négociation différents. Il conviendra d’analyser dans certaines situations si des instances communes peuvent être anticipées pour faciliter le dialogue (UES…), – Il faudra anticiper les éventuels points de ralentissement (expertises, recours judiciaires…). Un outil de simulation intégrant ces différents paramètres sera précieux pour disposer d’un calendrier réaliste et efficace. << Fusionner est un exercice sans filet. Donner du sens, embarquer les collaborateurs et piloter par les risques doivent être les priorités de la Direction Générale. >> • L’ensemble de cette phase doit être contrôlée d’un point de vue économique. Un outil capable de modéliser les différents volets inducteurs de coûts sera particulièrement utile pour les nombreuses prises de décisions tout au long du processus : – Les éventuelles réductions d’effectifs vont fortement conditionner les économies recherchées, – Les dispositifs de sauvegarde de l’emploi induisent des coûts ponctuels importants. Il faut en avoir une vision fine pour pouvoir dimensionner les assiettes de départ, définir les conditions et les calendriers associés, – Le chantier immobilier est particulièrement impactant en termes de coûts. Il faut pouvoir estimer les coûts généraux liés aux nouveaux locaux, modéliser les scénarios opérationnels d’installation ainsi que tous les risques de glissement, – L’alignement des conditions de travail, la refonte des conventions collectives et des grilles de salaire par exemple, sont aussi autant d’aspects qui nécessitent des simulations fines. Un deuxième enjeu de cette phase est de susciter l’adhésion des équipes au projet futur. • L’implication du management dans l’élaboration du futur schéma est fondamentale. A ce titre, les éléments suivant devront faire l’objet d’une attention particulière : constitution de la structure projet, casting projet, appropriation des objectifs par l’équipe… • Pour les zones sensibles de l’organisation, le recours à l’éclairage externe et un travail par scénario sont recommandés. Cela permet en général d’aboutir à des schémas plus robustes, plus crédibles et plus facilement « vendables » en interne. • La communication interne va jouer un rôle particulièrement important pendant cette période anxiogène. Pour être efficace, son tempo et sa forme devront être adaptés aux différentes populations (conventions managers, intranet managers, newsletters et sites dédiés pour les collaborateurs…). La bascule : une phase emblématique qui va concrètement marquer le changement pour tous et devra assurer la continuité de service entre l’ancien et le nouveau monde Une fois l’info/consultation achevée, la nouvelle organisation va pouvoir entrer en vigueur. En général dans une fusion, les services et les postes de la grande majorité des collaborateurs sont reconduits à l’identique au sein d’une structure nouvelle. En revanche, la nomination de la nouvelle ligne managériale va fortement incarner le « nouveau monde ». • Pour être proclamées le jour J, les affectations devront être préparées plusieurs semaines avant la date fatidique. C’est un processus délicat car il redistribue les talents de l’entreprise autour d’une nouvelle structure et de nouvelles façons de fonctionner. Cela va parfois amener à gérer des écarts importants entre les profils des hommes et femmes en place et les dimensions recherchées pour faire fonctionner le schéma cible. Ce travail devra donc être initié de façon très discrète dès lors que la structure cible va commencer à se dessiner. Il va avancer niveau par niveau au rythme des accords trouvés entre le manager d’un niveau N donné et ses futurs N – 1. Les aspects de revue du personnel et de traitement de « cas difficiles » devront être anticipés pour que les bonnes personnes se retrouvent au bon poste le Jour J. Génération Kurt Salmon # 28 23 Retours d’expérience < La bascule est une date emblématique, mais le nouveau fonctionnement devra en général être anticipé quelques semaines, voire quelques mois avant le « jour J ». que chaque jour, chaque semaine, la nouvelle organisation se déploie un peu plus, tels seront les enjeux de l’équipe communication pour orienter les collaborateurs au sein des nouveaux repères • De façon générale, des comités et réunions ad-hoc seront nécessaires bien avant le jour J pour valider les actions engageantes de la future entreprise. Ces réunions vont mobiliser les personnes pertinentes des anciennes organisations mais également les futurs décideurs afin d’assurer une cohérence de décisions par rapport au nouvel ensemble en construction. Ce fonctionnement devra se faire sans tomber dans le délit d’entrave et devra fluidifier le fonctionnement de l’entreprise dans cette période compliquée. • Mais en même temps, il conviendra aussi de communiquer sur les perspectives du nouvel ensemble (projets, stratégie) de sorte à rapidement refocaliser l’attention des collaborateurs sur le business et le futur de l’entreprise Enfin la continuité de service sera le maître mot de la bascule : les clients ne devront pas se rendre compte de ce rendez vous « interne ». Par contre à l’intérieur de l’entreprise… • I l faudra s’assurer que chacun s’y retrouve dans le « nouveau monde » dès les premières heures. Tout un chacun devra disposer des réponses aux questions quotidiennes (nouveau service, nouveau responsable…). Les managers de proximité auront un rôle important dans cette phase et une cellule dédiée peut être d’une grande utilité les premières semaines • Il est essentiel que les circuits vitaux de l’entreprise fonctionnent correctement dès le jour J (signatures, engagement des dépenses, congés…). Cela doit faire l’objet d’une check-list précise à laquelle il faudra apporter une réponse point par point pour le jour J • Un circuit de décision rapide devra opérer les premiers jours après la bascule de sorte à résoudre immédiatement tous les points qui pourraient éventuellement bloquer l’activité Immédiatement après la bascule, va s’enclencher une phase de montée en puissance avec comme objectif d’atteindre « le régime de croisière », qui permettra d’extraire véritablement les bénéfices attendus de l’organisation… La communication interne sera encore une fois une clé importante pour orienter les collaborateurs dans le nouvel environnement. • Faire connaître les personnes clés, communiquer sur les nouveaux rôles et missions, expliquer le fonctionnement et les nouvelles procédures, montrer 24 Pour la Direction, il est essentiel garder toutes les énergies mobilisées. Elle devra donner à voir sur les chantiers qui amèneront l’entreprise à son nouveau « régime de croisière ». • Suite à la bascule, il peut apparaître un certain nombre d’ajustements à opérer sur l’organisation. Des consultations additionnelles seront alors enclenchées avec les partenaires sociaux • D es chantiers structurants devront également s’enclencher dans le sillage de la bascule : refonte des conventions collectives, harmonisation des rémunérations, construction d’une nouvelle identité, nouveau système de management, convergence des SI… Ces chantiers peuvent être assez longs et il conviendra de les faire aboutir dans les meilleurs délais pour que le schéma cible puisse délivrer toutes ses potentialités, en particulier économiques. Il est très important de montrer que ces chantiers s’inscrivent dans une cohérence d’ensemble et que le passage à la nouvelle organisation n’est pas une fin mais un début pour construire un nouveau socle, qui aidera à mieux projeter l’entreprise dans son futur. En conclusion, une opération de fusion est particulièrement complexe et ne tolère aucun faux pas. Un chantier d’une telle envergure doit être planifié très en amont, doit se focaliser sur les bonnes priorités en fonction des phases, doit être staffé convenablement eu égards au volume de travail à abattre en peu de temps et doit en outre intégrer tous les retours d’expérience pour déjouer les nombreuses difficultés qui jalonnent le processus. De nombreuses énergies doivent être mobilisées autour d’une feuille de route serrée, en mettant en œuvre des méthodes et des compétences qui ne s’improvisent pas, le tout devant être encadré par un pilotage global, réactif et efficace… En savoir plus : Farouk Goulam-Ally, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 Marchés émergents, une promesse de croissance pour les opérateurs : le continent africain Par Sarah Perez Affrontant en France, et plus globalement en Europe, une croissance ralentie, la saturation de leurs marchés, une concurrence rendue plus agressive, la lassitude des clients face à des offres trop peu innovantes… les opérateurs télécoms semblent bien « abattus ». Toutefois, pour ceux d’entre eux ayant initié suffisamment tôt leur expansion géographique, les pays émergents, au 1er rang desquels se trouve le continent africain, portent en eux une promesse de croissance renouvelée. Avec plus de 650 millions d’abonnés mobiles à fin 2011, le secteur des télécommunications connait en Afrique une croissance formidable (+ 20 % par an en moyenne sur les 5 dernières années)1. La pénétration des services mobiles, qui atteint près de 70 %, cache encore des disparités importantes selon les pays de la région : là où la Côte d’Ivoire, le Congo ou le Gabon dépassent les 90 % de la population équipée, les pays d’Afrique centrale comme le Niger, le Chad ou la RDC peinent encore à franchir la barre des 30 %. Les perspectives de croissance pour les opérateurs sont ainsi encore alléchantes : à horizon 2020, le marché aura doublé de taille par rapport à sa valeur en 2008, pour atteindre plus de 80 milliards de dollars2. Afin de matérialiser cette promesse de croissance, c’est un « marketing mix » retravaillé qu’ont développé et développent encore les opérateurs télécoms, ainsi que leurs cousins issus de la télévision payante, sur le marché Africain 1. Source : GSM Association. 2. Source : Euromonitor, Analyse Kurt Salmon. L’offre et son pricing sont bien entendu des conditions sine qua none de croissance de la pénétration. Très largement prépayé (ce type d’offres représente en moyenne 95 % des marchés mobiles ou pay-TV locaux), le marché africain s’est pendant plusieurs années satisfait de plans tarifaires simples et de prix à la minute onéreux. Aujourd’hui plus aguerris et sensibles aux offres qui leurs sont proposées, les clients recherchent de meilleures « value for money », attendant des offres à la fois plus attractives (plan tarifaires différenciés en heures creuses ou parmi un groupe de proches, plages horaires offrant des usages débridés, bouquets de SMS en abondance, tarifs attrac- tifs vers l’étranger où résident bon nombre d’africains…) et plus innovantes. Dans des pays où la pénétration de l’Internet fixe est très limitée, faute de réseaux déployés, l’usage data mobile amorce son décollage. Encore faut-il que les clients puissent disposer de terminaux compatibles avec ces nouvelles habitudes de consommation : il revient ainsi aux opérateurs de trouver le moyen de proposer des smartphones à prix attractifs, en subventionnant le moins possible. La distribution ensuite : comme partout, elle est le nerf de la guerre pour une performance maximisée en acquisition de nouveaux clients. Le challenge ? Servir les centres urbains à forte densité de clients, aussi bien que les zones les plus reculées où le potentiel de croissance de pénétration est le plus élevé. Pour cela, et afin d’assurer un déploiement rentable de leurs réseaux de distribution, les opérateurs peuvent s’inspirer de certains modes de distribution ancestraux, tels que les vendeurs itinérants. C’est grâce à ces concepts de boutiques « volantes » ou de « camions mobiles » que le maillage des réseaux en propre peut-être densifié à moindre coût, tout en offrant une flexibilité précieuse (le point de vente peut ainsi suivre, au sein d’une région, le rythme et l’itinéraire des marchants ambulants). Au-delà de ces concepts nouveaux, les opérateurs déploient de façon plus « classique » leurs réseaux en ayant recours à des distributeurs ou grossistes implantés, l’enjeu étant de maîtriser au mieux l’intermédiation (perte de valeur, risque de fraude, usage « personnel » des codes de la marque…). Dans un contexte concurrentiel de plus en plus agressif, la communication demeure un levier important pour soutenir les stra- Génération Kurt Salmon # 28 25 Retours d’expérience < tégies de marques. Les forces en présence sont en effet puissantes : on peut trouver dans certains pays jusqu’à 5 opérateurs mobiles, la présence de 4 acteurs forts étant une situation désormais courante. Maintenir une présence en communication média est donc clé, mais souvent insuffisant pour soutenir les stratégies de croissance. Ainsi, une communication directe et personnalisée, complétée par des promotions dédiées, est incontournable pour tisser une relation durable avec ses abonnés. Ceux-ci, souvent détenteurs de plusieurs cartes SIM des différents opérateurs sur leur marché, adoptent en effet des comportements opportunistes de « chasseurs de promos » optimisateurs. Les actions de marketing de la base consistant à donner plus de générosité en échange de davantage de consommation doivent être utilisées avec prudence dans le cas de ces multi-équipés : certains clients, peu consommateurs sur une de leur carte SIM et à qui on propose une offre généreuse, peuvent cesser d’utiliser une autre carte SIM sur laquelle ils dépensaient davantage et bénéficier d’un effet d’aubaine destructeur de valeur. Les opérateurs peuvent néanmoins tirer grand avantage de ce marketing de la base, ne serait-ce que via des actions d’accompagnement et d’information des clients aux étapes clés de leur « parcours client ». << Des solutions dont les opérateurs pourraient s’inspirer pour revoir, dans une certaine mesure, leur modèle économique sur les marchés matures. >> 3. Source : The Economic Impact of Telecommunications in Senegal, Columbia Business School. 26 Enfin, une fois n’est pas coutume, une cinquième « brique » s’ajoute au marketing mix des télécoms africains : les moyens de paiement. Le marché étant largement prépayé, c’est en effet pour les opérateurs un enjeu financier quotidien de permettre (voire d’inciter) leurs clients à recharger leur compte mobile aussi rapidement et simplement que possible. Qu’il s’agisse de mobile ou d’autres services prépayés comme la télévision par exemple, chaque jour d’inactivité du client représente du chiffre d’affaires « perdu ». Ainsi, les opérateurs multiplient les possibilités et supports de rechargement : cartes de recharge (top-up) « physiques » ou virtuelles (e-voucher), paiement par SMS, etc. Ces solutions, précocement lancées et avec un succès certain, ont d’ailleurs permis aux acteurs télécoms de se positionner comme opérateurs de paiement mobile : mettant à la disposition de leurs clients un « porte-monnaie » virtuel leur permettant de régler leurs factures d’électricité, de TV… et stimulant le rechargement mobile ! Si le continent Africain apparaît comme un relais de croissance pour les opérateurs télécoms, il convient de rappeler que leurs stratégies ont également été gagnantes pour la région : les télécommunications ont été l’un des grands « drivers » de développement et de croissance économique en Afrique au cours de la décennie passée. Au Sénégal par exemple, malgré un taux de pénétration d’à peine 65 % en 2010, le marché de la téléphonie mobile représentait à lui seul 10,8 % du PIB, contribuant à la croissance économique du pays à hauteur de 13,6 %3. Là comme ailleurs en Afrique, le développement des infrastructures de télécommunication crée de l’emploi, la croissance de la pénétration mobile facilite et stimule les échanges, diminue les contraintes de distances (paiement de facture à distance…), l’introduction du paiement mobile palie à la faible bancarisation de certaines populations, etc. Le mariage entre les télécoms et l’Afrique a été si idyllique au cours de la décennie passée, que la pénétration de la voix mobile atteint aujourd’hui plus de 80 % dans certains centres urbains, menant ces zones à quasisaturation dans les 2 à 3 années à venir. Le cercle vertueux ainsi installé pourra-t-il alors se maintenir ? Les opérateurs ont encore au moins deux sources de croissance à saisir. La première d’entre elle est de stimuler encore la croissance de pénétration des services mobiles dans les zones non-denses. Cela passera bien entendu par une extension rationalisée des réseaux de distribution en termes de coûts de déploiement, mais également par une stratégie d’offre et de pricing renouvelée, pour rendre les services accessibles au plus grand nombre. La seconde source de valeur s’appuie sur la faiblesse des réseaux fixes autant que sur l’extraordinaire besoin du continent africain de s’ouvrir au monde numérique, via l’adoption de la data mobile. En effet, le mobile reste aujourd’hui en Afrique l’un des plus surs moyens de voir décoller l’usage et l’accès à Internet des populations. Les opérateurs, qui anticipent bien cette évolution, investissent d’ores et déjà dans l’extension et la mise à jour de leurs réseaux. Le challenge de l’équipement reste encore à relever : Génération Kurt Salmon # 28 4. ARPU : Average Revenue Per User. dans ces marchés résolument prépayés, la subvention de smartphones qui fait la norme dans les pays postpayés est exclue. Mais attendre un décollage « naturel » de l’Internet mobile en comptant sur l’équipement spontané des clients, quand bien même le marché gris étant très développé, l’est également. Il revient aux opérateurs de rendre accessible une nouvelle génération de smartphones lowcost ou reconditionnés et de réinventer le modèle de la subvention. Relever ces défis est bien entendu à la portée des opérateurs, qui ne manqueront pas de mettre en œuvre des solutions nouvelles, adaptées aux spécificités des marchés émergeants (faibles ARPU4, larges territoires à couvrir en distribution et infrastructures, etc.) et capable de maintenir leur niveau de marge : partage des infrastructures entre opérateurs, déploiement de réseaux de distribution à moindre coûts via des partenariats et franchises, mise sur le marché de terminaux low-cost limitant la subvention, etc. Des solutions dont ils pourraient d’ailleurs s’inspirer pour revoir, dans une certaine mesure, leur modèle économique sur les marchés matures… En savoir plus : Sarah Perez, [email protected] Repenser son modèle industriel en temps de crise : l’exemple de la distribution de la presse Par Gwladys Lim et Guillaume Raoux La baisse importante des ventes d’exemplaires en points de vente de la presse imprimée constatée ces dernières années et anticipée pour les années à venir amène les groupes de presse à adapter en profondeur leur modèle industriel. La distribution, qui représente environ 40 % du coût d’un exemplaire, a un poids significatif dans le modèle industriel de la presse et concentre une grande partie des efforts d’adaptation des groupes de presse. Kurt Salmon, à plusieurs reprises, a aidé les groupes de presse à rénover leur système de distribution et extrait de cette expérience les points clés à retenir pour toute entreprise aux prises avec un marché en crise. Le modèle industriel de la presse imprimée repose sur 5 activités principales : la rédaction, la fabrication, la commercialisation, la distribution, et, la régie publicitaire. La baisse importante des ventes d’exemplaires et de vente de publicité amène les groupes de presse à adapter en profondeur le modèle industriel de la presse imprimée, certains allant jusqu’à renoncer à la presse imprimée pour se concentrer sur la presse en ligne (La Tribune). Plusieurs leviers d’adaptation sont mis en œuvre par les groupes de presse en fonction de leur stratégie et de l’activité concernée : • L a maximisation des synergies entre presse imprimée et presse en ligne surtout constatée pour la rédaction (également pour la régie), initialement organisée autour d’une rédaction « papier » et d’une rédaction « Internet », qui tend à devenir pluri média, alimentant à la fois l’édition papier, Internet, mobile et tablette. • L’externalisation surtout constatée pour l’impression, qui permet de variabiliser partiellement un poste de coût important et libère une capacité d’investissement importante pouvant être consacrée au développement de la presse en ligne et aux activités de diversification. • La mutualisation entre groupes de presse que l’on peut constater pour la régie publicitaire, qui permet de renforcer le positionnement des groupes de presse chez les grands annonceurs face à la multiplication des concurrents venus des nouveaux médias. Génération Kurt Salmon # 28 27 Retours d’expérience < • La valorisation de l’activité à travers des services pour compte de tiers qui se pratique sur la commercialisation, permettant au groupe de presse de faire chuter les charges attribuables à ses propres exemplaires tout en maintenant la force commerciale présente sur le terrain et de générer de nouveaux revenus. • L’optimisation et l’alignement de la structure de coûts avec les perspectives de marché qui concerne la distribution. La distribution en points de vente qui représente environ 40 % du coût d’un exemplaire est l’objet de beaucoup d’efforts de rénovation de la part des éditeurs de Presse Quotidienne Nationale et Presse Magazine compte tenu des projections de vente sur les années à venir (– 7 %1 en moyenne annuelle entre 2011 et 2015). A ce titre, Kurt Salmon a aidé les éditeurs de presse à anticiper l’impact de la baisse attendue des ventes sur leur réseau de distribution et à définir les initiatives d’adaptation. << Kurt Salmon a aidé les éditeurs de presse à anticiper l‘impact de la baisse attendue des ventes sur leur réseau de distribution. >> 3. Interview messageries de presse. 28 De cette expérience et d’autres expériences proches il est possible d’extraire quelques enseignements utiles à toute entreprise aux prises avec un marché en crise : • « Anticiper ». La rénovation du réseau de distribution doit être entreprise bien avant que la situation économique de l’entreprise soit critique pour deux raisons principales : – Les bénéfices économiques ne peuvent être attendus à court terme car la rénovation peut prendre plusieurs années tant les chantiers à mener peuvent être importants (modernisation de systèmes d’information, création de nouvelle plateforme de distribution, négociation contractuelle avec les intermédiaires…) – Les coûts de transition peuvent être conséquents (investissements de modernisation, coûts de restructuration…) • « Revoir sa stratégie de distribution». Sur un marché en croissance ou à maturité la distribution est souvent poussée à son comble comme levier de développement/maintient des ventes : tous les articles sont présents dans tous les points de vente en quantité importante pour optimiser la disponibilité des pro- duits à la vente. Le marché entrant dans une phase baissière, il est utile de se poser des questions quant à sa stratégie de distribution : – Repenser la DN (distribution numérique) du réseau ? – Repenser les règles définissant la largeur et la profondeur des assortiments par type de points de vente – Repenser les missions des intermédiaires et des points de vente et adapter leur rémunération – … • « Abaisser les coûts fixes du réseau ». Dans un marché baissier, pour éviter un effet de ciseau (entre revenus et coûts), l’attention du management doit se porter sur plusieurs dimensions : –D iminuer le nombre de plateformes locales de distribution permet de limiter les coûts du transport amont mais également les coûts de structure liés aux plateformes locales, –O ptimiser les zones de chalandise des plateformes locales permet de diminuer le coût des tournées de livraison des points de vente –S egmenter le niveau de services rendus par type de points de vente permet de limiter les coûts commerciaux tout en sécurisant la relation avec les meilleurs points de vente – Centraliser et mutualiser permet de réduire les coûts des fonctions pour lesquelles la proximité n’est pas déterminante comme l’administration des ventes • « Ne pas négliger la méthode » : un schéma directeur de réseau de distribution est complexe tant la quantité de données à prendre en compte est importante. De ce fait deux points méthodologiques sont importants : construire des modèles (modèles logistiques et modèles économiques) au plus proche de la réalité et flexibles permettant de multiplier les scénarios, et, une fois le cadre fixé recourir aux observations de terrain pour affiner les orientations. En savoir plus : Gwladys Lim, [email protected], Guillaume Raoux, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 La différenciation par l’Expérience Client chez Méditel au Maroc Par Antoine Champy et Grégory Hachin Dans un marché marocain des télécommunications mobiles qui connait un ralentissement de sa croissance et sur lequel les trois opérateurs ont des propositions de valeur peu différenciées, Méditel a choisi de se démarquer en capitalisant sur l’Expérience Client. Kurt Salmon a accompagné l’opérateur dans la conception et la mise en chantier d’un programme majeur de différenciation par l’Expérience Client. Un ralentissement de la croissance sur le marché des Telecom Après de nombreuses périodes de croissance à deux chiffres sans aucune perspective de saturation à court ou moyen terme, le secteur des télécommunications au Maroc connaît un ralentissement de son essor, renforçant mécaniquement la concurrence entre les trois opérateurs du pays et le besoin de différenciation. Fort de son statut d’opérateur historique, Maroc Telecom domine toujours le marché marocain mais sa part de marché (46,5 %)1 est désormais sous pression. Deuxième opérateur à lancer un service mobile, Méditel a longtemps profité de l’effet d’outsider qui lui a permis d’attirer rapidement un grand nombre de clients et d’arriver aujourd’hui à un parc qui représente 30,5 %1 du marché. A grand renfort d’offres disruptives, proposant une approche innovante et une communication moderne, le lancement du troisième opérateur Inwi en 2010 a profondément changé la dynamique concurrentielle du marché, l’opérateur ayant réussi à capter 23 %1 du marché en un peu moins de trois ans. << L’Expérience Client est un élément de différenciation essentiel. >> Dans ce contexte, il devient crucial pour les opérateurs de se démarquer pour être en mesure d’exploiter au mieux le potentiel de croissance du marché. Le défi est d’autant plus important que l’immense majorité des abonnés sont des clients peu captifs sur des offres prépayées (95 % du parc en 2012), les opérateurs s’efforçant de les faire migrer vers des forfaits dits « postpayés », sécurisant une source récurrente de revenu sur une durée d’un, voire deux ans. 1. Source : ANRT, observatoire des Télécommunications 2e trimestre 2012. 2. Source : Bertrand Bathelot, Définitions du Marketing. En parallèle des leviers de croissance spécifiques aux télécoms (couverture réseau, tarification des offres, qualité de connexion, gamme de terminaux…), l’Expérience Client apparaît comme un nouveau levier, résolument différentiant, et à ce jour non préempté par les acteurs du marché. L’Expérience Client, une combinaison de facteurs rationnels et émotionnels L’Expérience Client désigne l’ensemble des émotions et sentiments ressentis par un client tout au long des étapes de la relation qu’il entretient avec l’entreprise. Elle est donc une somme complexe d’éléments qui interviennent tout au long du cycle de vie du client2, comme par exemple : • Avant l’acte d’achat : communication institutionnelle, campagne de communication produit, actualités de l’entreprise et de ses produits, media, bouche-àoreille… • Pendant l’acte d’achat : expérience dans les canaux de ventes, packaging/ présentation du service, communication sur lieu de vente, ambiance magasin (musique, senteur, matériaux…), accueil et discours vendeur… • Après l’acte d’achat : expérience d’usage du service, relation avec le service client, service après-vente… Elle apparaît donc comme un des facteurs majeurs de perception d’une marque et son appréciation résulte d’une conjonction d’impressions : • Elle s’évalue au regard du positionnement de l’entreprise. Les attentes d’un client consommateur d’un service low-cost sont nécessairement en-deçà de ce qu’il espère d’un service premium. Le client intègre naturellement cette distinction dans sa « grille de notation » de l’Expérience Client • Elle s’apprécie toujours de manière comparative, au regard de l’Expérience proposée par une marque concurrente ou vis-à-vis d’une Expérience vécue au préalable sur cette même marque Génération Kurt Salmon # 28 29 Retours d’expérience < Au-delà de l’amélioration de la perception, l’Expérience Client impacte in fine les résultats financiers d’une entreprise. Dans le secteur des télécoms par exemple, elle intervient sur l’amélioration de quatre leviers structurants du business model : • La satisfaction : … un client satisfait consomme davantage et sollicite moins les services techniques… • La fidélisation : … a tendance à prolonger dans le temps sa relation avec le fournisseur… • La recommandation : … à devenir un ambassadeur de la marque auprès de son entourage… • L’acquisition : … entourage qui à son tour sera amené à souscrire à une offre chez l’opérateur. Sa tis fa on iti ion ct Ac qu is Le cercle vertueux de l’Expérience Client Valeur pour la marque at m da él is om io n Re c an tio n Fi d La différenciation par l’Expérience Client Fort de ce constat, Méditel a fait appel à Kurt Salmon pour l’accompagner dans une mission avec pour double objectif : •d e dresser un bilan des performances d’Expérience Client de l’opérateur sur l’ensemble des offres mobiles grand public et des canaux d’interaction (points de vente, web, centre d’appel et serveur vocal), 30 • puis d’identifier, qualifier et prioriser les axes d’optimisation à même de supporter l’ambition de Méditel de devenir le référent marocain sur l’Expérience Client Notre mission s’est articulée autour de deux axes approches complémentaires. 1. Approche Top-Down Un diagnostic interne a été mené afin d’apprécier l’alignement de l’organisation, du management et des process avec les enjeux et objectifs de cette nouvelle ambition. 2. A pproche bottom-up Une étude terrain a permis de compléter et factualiser ces premiers enseignements par des éléments tangibles d’analyse. Des clients mystères ont évalué chaque canal de vente, mettant au regard les performances de Méditel avec celles de ses concurrents sur un ensemble de thématiques comme l’accueil, la qualité de l’environnement, l’efficacité du service… Au total, ce sont 8 cas client qui ont été définis, testés à travers 22 Uses Cases et administrés via 190 enquêtes terrain, chacune portant sur différentes étapes du parcours client. Enfin, des focus groups clients ont permis de compléter et d’éclairer ces résultats en recueillant directement et fidèlement la voix du client. Analysés, qualifiés et priorisés, ces résultats nous ont permis de dégager une liste d’une centaine d’axes d’optimisation, regroupés autour de quatre thématiques répondants aux quatre forts enjeux de la relation client : • Exclusive Experience : offrir des process et des parcours clients générateurs de sensations uniques • Relation One to One : passer d’une relation impersonnelle à une approche segmentée et individualisée • Organisation Client Centric : orienter l’ensemble de l’organisation vers les clients • Communication Client First : positionner le client au cœur des communications opérateur Génération Kurt Salmon # 28 Les quatres enjeux de la relation client pour les opérateurs télécoms Exclusive Experience Relation One to One Offrir des parcours client différenciants, générateurs de sensations uniques •S implicité, rapidité, intuitivité, accessibilité •E nvironnement sensoriel et émotionnel fort •R ichesse et exclusivité de l’expérience Passer d’une logique d’abonné à une logique d’individu • Ecoute et compréhension des besoins et attentes client • Traitement segmenté et relation individualisée Positionner le client au cœur des communications opérateur Communication Client First • Déclinaison des valeurs de marque en promesses/avantages client •C larté et transparence sur les engagements opérateur Organisation Client Centric Ces chantiers ont permis d’alimenter la feuille de route d’un programme transverse à l’entreprise, avec des initiatives simples rapidement déployables et des projets plus structurants à implémenter sur le moyen terme. Orienter l’ensemble de l’oganisation vers les clients •E ngagement du management autour d’objectifs clients ambitieux •M obolisation des équipes opérationnelles •P ilotage de la performance client La direction de programme a été confiée à une entité Expérience Client créée dans cette démarche, directement rattachée au directeur Service Clientèle, membre du Comité de Direction. Questions à Jalil Tahfi, Directeur du Service Clientèle de Méditel A l’heure où les télécoms deviennent une commodité, quelle est chez Méditel votre conception de la différenciation par l’Expérience Client? L’Expérience Client est un élément de différenciation essentiel. On peut avoir la meilleure offre du marché avec un tarif attractif et des services innovants, son succès ne peut être garanti que si l’expérience vécue par le client est agréable, simple et fluide, tant au niveau de l’utilisation, qu’en terme d’interactions avec son fournisseur. Fort de cette conviction, nous avons intégré la dimension Expérience Client au cœur de notre stratégie d’Entreprise, et initié ce programme en charge de l’analyse, de la simplification et de l’amélioration de l’Expérience Client sur l’ensemble de nos parcours. Chez Méditel, les clients sont pris en considération à travers les retours qu’ils nous transmettent, mais également à travers leurs émotions et leurs sentiments. Nous analysons en détail leur perception, nous décortiquons leurs impressions, en nous basant sur des enquêtes terrain, mais également sur les informations relayées par nos collaborateurs et nos partenaires, et notamment ceux en contact direct avec les clients (agents commerciaux, agents du centre de relation clientèle…). Par la suite, des améliorations de parcours sont identifiées et traduites en plans d’action correctifs à déployer. Ce processus s’inscrit dans une logique d’amélioration continue. Quelques mois après la mise en route d’un programme transverse d’Expérience Client, quels sont les principaux résultats obtenus ? Tout d’abord et pour s’assurer de la mise en place et de la pérennité de ce programme au sein de Méditel, un Program Management Office (PMO) a été mis en place. Ce PMO s’appuie sur 6 piliers fondamentaux : 1. Un engagement du Top Management et son sponsoring 2. Une gouvernance pour le pilotage et le suivi du programme 3. Une stratégie basée sur la voix du client 4. Un développement de la culture axée sur l’approche «Client Centricity» Génération Kurt Salmon # 28 31 Retours d’expérience < 5. Une conception de produits et services en ligne avec les besoins et les attentes clients 6. Une évaluation des actions implémentées pour s’assurer de la pertinence et de l’impact des axes d’amélioration identifiés. En ce qui concerne les résultats obtenus, plusieurs actions ont déjà été implémentées avec succès depuis la mise en place de ce programme. Nous pouvons citer à titre indicatif : • de nombreuses fonctionnalités au niveau de notre site WEB, devenu un véritable canal d’interaction clients (Information, selfcare en terme d’opérations et de consultations...), • une présence significative sur les réseaux sociaux (communication sur nos offres, achat de recharge via certains de ces canaux...), • la simplification de certains processus Clients (processus de souscription et processus de fidélisation...), • la mise en place d’une entité «Voix du client» qui centralise les remontés clients, • et finalement, un centre de test client, pour tester chaque nouveau produit ou service par les clients eux mêmes, et ce avant même son lancement. Quelles difficultés, stratégiques ou opérationnelles, avez-vous rencontré dans la conception et l’animation de ce programme ? Un programme d’Expérience Client est un travail de longue haleine, impliquant toutes les entités et tous les niveaux de l’entreprise. Un tel programme doit s’accompagner d’importants chantiers de sensibilisation et de communication interne ainsi qu’en termes de formation et de transformation des méthodologies de travail Ce programme exige également de grandes qualités d’écoute et une grande faculté de coordination entre les différentes entités impliquées. En effet, l’Expérience Client ramène tous les intervenants de l’entreprise à fonder toute réflexion, initiative ou décision autour de la perception du client. C’est un processus de transformation en profondeur. Ce processus est initié et irréversible, et des résultats tangibles sont déjà visibles et mesurables, donnant toute sa légitimité à ce programme et toute la satisfaction de l’avoir mis en place. Dans les cinq prochaines années, quelles grandes tendances voyezvous se dessiner en termes d’Expérience Client sur le marché marocain ? Nous percevons déjà certains opérateurs financiers en plus des Telecoms, commercer à axer leur communication sur les attentes du client. Il est clair que dans un marché qui arrive à maturité, l’Expérience Client devient un facteur de différentiation fort. La façon dont le client perçoit la qualité du service et la qualité de la relation avec son fournisseur fera toute la différence et nous basculerons inévitablement d’une économie de service à une économie d’Expérience Client ! En savoir plus : Antoine Champy, [email protected], Grégory Hachin, [email protected] 32 Génération Kurt Salmon # 28 < Points de vue Les opérateurs télécoms confrontés à la nécessité de transformer en profondeur leurs réseaux de distribution Par Victor Marçais Au début des années 2000, les opérateurs ont découvert les vertus des magasins à leur marque et mené une politique d’expansion forte. Quelle est la valeur ajoutée du magasin par rapport au web ? En France, l’arrivée de Free qui vend à 99 % sur Internet, renforce cette question aujourd’hui. Mais certains clients n’iront pas sur Internet. Et les magasins restent un canal puissant de relation à la marque. Les opérateurs ont intérêt, à long terme, à garder leurs magasins de marque. Mais ils vont devoir fortement transformer leurs réseaux. La croissance des réseaux « contrôlés » (1998-2006) Les opérateurs ont historiquement été frileux pour créer leurs propres réseaux de distribution : Bouygues n’a ouvert ses premiers magasins à la marque que fin 1998 trois ans après son lancement ; SFR a mené une politique de rachats de réseaux prudente et progressive. Les opérateurs ont découvert au début des années 2000 que leurs magasins sont plus vertueux que la distribution traditionnelle. Ils y vendent davantage d’offres à valeur, leurs clients y sont plus fidèles que ceux qui passent par les grandes surfaces. Ils mènent alors une politique d’expansion importante : SFR passe de 400 à 800 magasins entre 2002 et 2008 ; Orange acquiert le réseau PhotoService (49 %) et cumule 1 200 magasins à la marque Orange. Bouygues Telecom passe en 10 ans de 30 à 600 Club Bouygues Telecom. C’est également le cas en Europe. Vodafone, le premier opérateur européen, dispose de 10 000 points de vente à la marque sur l’ensemble de ses géographies, dont environ 800 en Allemagne uniquement. En parallèle, les réseaux se professionnalisent. Les magasins à la marque sont soit opérés directement par les opérateurs soit par des sociétés indépendantes ou partiellement détenues par les opérateurs, avec un contrat de distribution de type franchise. Au total, la distribution contrôlée des opérateurs représente 60 à 70 % de leurs ventes contre près de zéro il y a quinze ans. L’inflexion Internet (2006-2012) Le développement d’Internet comme canal de vente commence en 2005 et commence à se faire sentir dans les magasins à la marque en 2008/2009. L’outil commercial des magasins à la marque voit sa part de marché reculer ; les opérateurs ralentissent voire stoppent le développement de leurs réseaux. Faut-il fermer les magasins à la marque ? (2013) • Un enjeu financier important. Avec l’arrivée de Free qui lance un forfait à 20 euros alors que les opérateurs l’attendaient à 30 euros, les opérateurs français cherchent en urgence de nouveaux leviers d’économie. La question du modèle de distribution se pose. Le coût d’un magasin à la marque est de l’ordre de 400 K euros par an pour une surface de 80 m 2 et une équipe de 5 vendeurs. Pour un réseau de 1 000 magasins, cela représente 400 millions d’euros par an. • Une forte attente des clients (mais sont-ils prêts à payer pour ?). De leur côté, les clients plébiscitent pour la plupart les magasins à la marque. Tous ne sont pas prêts à aller sur Internet. Pour certains, notamment les plus âgés et les moins technophiles, le contact humain et la réassurance sont indispensables avant l’achat. La plupart des clients ont des attentes fortes visà-vis de leurs magasins, en matière de reconnaissance, de qualité de service, de traitement de leurs demandes et des pannes et réparation. Des attentes plutôt mal satisfaites : « je ne suis pas reconnu comme client quand je vais dans ce magasin » « ils me renvoient vers le service client ». • Vendre ne suffit plus. Depuis 15 ans, les magasins sont essentiellement de très efficaces machines à vendre. Même si le modèle de rémunération entre les opérateurs et leurs partenaires Génération Kurt Salmon # 28 33 < Points de vue distributeurs évolue pour prendre en compte d’autres éléments, sur le terrain les vendeurs sont d’abord objectivés sur les ventes. Les critères de ventes par magasin sont les premiers regardés. Les magasins sont rattachés aux Directions Commerciales des opérateurs. Or du point de vue de la vente, la situation ne va pas s’arranger et l’équation économique devient intenable : structurellement, les ventes baissent en magasin avec le développement d’Internet, cela accroît le coût d’acquisition des clients… alors que les revenus générés par ces clients sont en baisse. << La promesse ne suffit pas pour justifier un premium de prix, elle doit être mise en œuvre et perçue par les clients. >> Les opérateurs télécoms doivent mettre en œuvre une transformation en profondeur de leurs réseaux à la marque face aux nouveaux enjeux • M ieux servir le client. Cela peut sembler une évidence et c’est bien la promesse affichée : « avec nous vous ne serez plus jamais seuls ». Mais estelle réalisée ? Les clients se sentent-ils bien accueillis, reconnus et bien servis dans les magasins de leur opérateur ? Seuls 20 % d’entre eux disent que les magasins résolvent efficacement et rapidement leur problème. Ils mettent en cause l’attente, la capacité d’écoute et parfois la compétence du vendeur. Les informations et les « processus » sont jugés peu cohérents entre Internet, les magasins et les centres d’appels téléphoniques. La réalité est encore loin des promesses du « Multicanal ». Les magasins doivent être mieux armés et disposer de davantage de marge de manoeuvre pour mieux satisfaire les clients. Dans tous les cas, le vendeur doit pouvoir « prendre en charge » le problème du client, même s’il n’est pas en mesure de le résoudre immédiatement, avec la garantie que le problème sera résolu par l’opérateur. •M ieux valoriser le service en segmentant les propositions. Le magasin est-il un « du » pour tous les clients de la marque ou au contraire un service supplémentaire réservé aux clients qui en payent le prix ? Les 34 opérateurs doivent se positionner sur cette question. Ils le font en lançant des marques « low-cost » qui ne sont pas présentes en magasin mais accessibles seulement sur Internet. Une autre façon de donner de la valeur aux magasins consiste à créer des services encore plus riches et prioritaires (priorité dans les files d’attentes, échange immédiat de mobile, etc) réservés à certains clients à forte valeur. Ces clients premium pourraient aussi avoir « leur magasin » de référence qui leur serait attitré comme c’est le cas pour les clients des réseaux bancaires. Ce mode de fonctionnement, visant à renforcer la proximité avec la marque, devrait être de toutes façons limité à certains clients à forte valeur, les réseaux de téléphonie étant moins étendus que les réseaux bancaires (1 200 points de vente pour Orange par exemple, contre 8 000 agences pour le Crédit Agricole en France). • Des experts capables de vulgariser la technologie : Internet, mobile, télévision. Ces domaines vont continuer à évoluer à vitesse accélérée dans les années à venir, avec l’arrivée de nouvelles technologies comme la 3D, la 4G, TV connectée, le Cloud, la réalité augmentée, le paiement sans contact sur le mobile, la domotique, la robotique… nécessitant un apprentissage, une prise en main, une formation. Le magasin est légitime pour faire cela : c’est la promesse d’Apple dans les Apple Store. Cela nécessite une forte expertise face à des clients également de plus en plus experts ; à mettre en perspective avec la situation actuelle : des vendeurs dont le taux de départ peut aller jusqu’à 40 % par an dans les grandes agglomérations… sachant qu’il faut plusieurs mois à un vendeur pour monter en compétence. Cela milite pour des magasins plus grands, permettant de spécialiser davantage les vendeurs et de gérer une panoplie de compétences autour d’un noyau commun ; et des vendeurs plus fidèles. Les opérateurs devront faire évoluer la gestion des ressources humaines et des carrières dans les magasins. • B aisser les coûts : l’ajustement des coûts va s’imposer compte tenu de la pression sur les revenus. Côté réseau à la marque, la rationalisation de la couverture et la fermeture de magasins peu performants va s’imposer. Les opérateurs peuvent favoriser l’évolution de leur mix de vente au profit des magasins à la Génération Kurt Salmon # 28 marque et d’Internet en « arrêtant » d’autres réseaux (remise en cause des contrats, baisse de commissionnement). D’autres arbitrages peuvent également être réalisés : jusqu’à récemment, quand les opérateurs dépensaient 300 M€ sur leurs magasins, ils dépensaient près de 100 M€ en publicité média. Dans le textile, l’espagnol Inditex (propriétaire de Zara) obtient un taux de retour sur capitaux de 25 % par an depuis 10 ans sans aucune dépense média, mais avec, entre autres, un excellent réseau de distribution. • Etre excellent dans l’exécution : la promesse ne suffit pas pour justifier un premium de prix, elle doit être mise en œuvre et perçue par les clients. Or il est difficile d’être excellent sur un grand nombre de produits, de sites et avec un grand nombre de collaborateurs. Les opérateurs pour la plupart connaissent les bonnes pratiques mais peinent à les mettre en œuvre. Ils constatent une forte hétérogénéité des résultats entre magasins. Les méthodes de management mises en œuvre sont le plus souvent « top/down ». Elles ne suffisent pas et doivent être combinées avec des approches type « Lean » dans la durée et responsabilisant le terrain. Le « Lean », initié avec succès par certains opérateurs, doit maintenant faire partie intégrante de leur culture d’entreprise. De tels changements nécessitent une transformation en profondeur et un alignement de l’organisation sur l’ensemble des dimensions : structures, processus, systèmes d’information et de pilotage, management des hommes. En savoir plus : Victor Marçais, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 35 < Points de vue Réseaux sociaux : au-delà du « community management », un nouveau canal pour le marketing direct Par Florence Hirondel et Philippe Le Blay << Le canal social doit donc être intégré dans la stratégie de marketing relationnel cross-canal de l’entreprise. >> Les réseaux sociaux sont devenus un phénomène incontournable que les entreprises ne peuvent plus ignorer. Le site Facebook rassemble à lui seul 900 millions d’utilisateurs dans le monde, dont 500 millions s’y connectant chaque jour. Les internautes y passent entre cinq et sept heures par mois (en France, cela représente 20 % du temps passé sur le web). Quant à Twitter, la plateforme de micro-blogging vient d’atteindre en juillet 2012 les 500 millions d’utilisateurs (plus de 100 % de croissance par rapport à l’an dernier). Face à l’ampleur du phénomène, de nombreuses entreprises pénètrent à leur tour les réseaux sociaux pour y établir une présence : création de pages Facebook et Twitter, participation sur les forums et les blogs. Etant donnée la spécificité du canal, ces communautés sont généralement animées en silo par des équipes dédiées. Les activités consistent essentiellement en du « community management » (publication d’informations générales sur la marque et les lancements produits, organisation de jeux-concours, interaction avec les fans), rarement coordonnées avec les autres départements de l’entreprise. Or le client attend un parcours fluide quel que soit le canal de communication. Le Types de données collectées Exemples Quelle est leur valeur ? Comment les collecter ? Données de profil • Age • Ville/Pays • Intérêts • Profession Augmenter le nombre de critères de segmentation grâce à des données généralement peu renseignées sur d’autres canaux Demander le consentement de l’internaute, par exemple via une application Facebook Activité sur les réseaux sociaux • Nombre de messages postés/mois • Taille du réseau • Score d’influence Identifier les influenceurs et adapter la communication en fonction de son potentiel de viralité Certaines données publiques (nombre de followers/fans) D’autres nécessitent la mise en place d’outils de mesure avancés • Avis positifs et négatifs • Degré global de satisfaction Focaliser ses efforts marketing sur les clients les plus réceptifs Collecte de messages postés sur des pages publiques et sur celles de la marque Analyse sémantique grâce à des outils spécialisés • « Check-ins » Facebook : géolocalisa tion dans une ville spécifique, un monument, une boutique… Envoyer des messages ou des offres marketing géolocalisées en temps réel (ex. pousser un SMS avec une promotion au moment où l’individu passe en boutique) Demander le consentement de l’internaute, par exemple via une application Facebook Niveau d’engagement par rapport à la marque Données de géolocalisation 36 Face à la croissance des réseaux sociaux, les entreprises assurent désormais leur présence sur ces plateformes mais se contentent souvent d’une activité de « community management ». Pourtant il existe un réel potentiel de réaliser du marketing direct avec ces canaux en les intégrant à la stratégie globale CRM. canal social doit donc être intégré dans la stratégie de marketing relationnel cross-canal de l’entreprise. Dans le cadre de cette stratégie cross-canal, les réseaux sociaux permettent d’enrichir la base de données clients en fournissant des informations ayant une véritable valeur marketing (scores d’influence, géolocalisation, niveau de satisfaction des produits). Les réseaux sociaux constituent également un canal complémentaire pour améliorer la visibilité et l’efficacité des campagnes. Enrichir la connaissance client avec des données sociales Les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter sont une manne de données pour enrichir le profil client des consommateurs de la marque et ainsi pour mieux les cibler (voir tableau ci-contre). Quel que soit le moyen de collecter ces données sociales, les contraintes légales de protection des données personnelles s’appliquent et doivent être prises en compte. Une fois collectées, ces informations peuvent être intégrées dans la base de données clients de l’entreprise pour affiner la segmentation client et servir à l’exécution de campagnes marketing, autant sur le canal social que sur des canaux plus traditionnels. Intégrer le canal social dans le plan de marketing relationnel de l’entreprise Le canal social offre aujourd’hui à l’entreprise des relais de communication en complément des canaux traditionnels (e-mail, SMS/MMS, courrier, téléphone). De plus, le caractère viral des réseaux sociaux permet d’augmenter la visibilité de la campagne et ainsi de maximiser son impact. Les campagnes marketing sur les réseaux sociaux sont possibles en flux entrant (e.g : push d’offres personnalisées sur les pages sociales de l’entreprise) ou sortant (envois de messages personnalisés sur les « walls » ou messages privés). Génération Kurt Salmon # 28 données (sur le web ou via une application Facebook) la campagne peut également permettre de collecter des données sociales et de créer le lien entre le compte du client et son profil plus « traditionnel » dans la base de données de l’entreprise. Publication de la même offre personnalisée sur Facebook et sur l’espace client (flux entrant) Offre de fidélité personnalisée Page Facebook de l’entreprise Conclusion L’utilisation des réseaux sociaux comme outil CRM est une pratique encore peu exploitée en France, alors que les EtatsUnis développent déjà depuis un an des programmes CRM intégrant le canal social. Les premiers retours dans les secteurs de la musique et des médias sont prometteurs, notamment sur la collecte de données : ces programmes ont permis d’identifier jusqu’à 80 % de nouveaux prospects sur les réseaux sociaux, non-connus dans la base de données clients de l’entreprise. Ainsi, le média social permet d’améliorer la connaissance des clients et des prospects et apporte de nouvelles possibilités d’interactions pour augmenter l’efficacité des campagnes marketing des entreprises. Pour les accompagner, de nouveaux outils CRM existent pour industrialiser l’enrichissement de la base client, accompagner l’exécution des campagnes et le calcul des ROI. Les clés du succès reposent donc sur le choix de cette solution et l’intégration du média social dans la stratégie de marketing relationnel. Il doit être géré par les mêmes équipes et partager les processus et systèmes d’informations des autres canaux. Espace client sur le site web Les applications Facebook, par exemple, permettent de publier des messages personnalisés sur la page sociale de l’entreprise. De cette manière, l’entreprise peut publier une offre promotionnelle sur tous ses canaux de communication : ainsi, le client retrouvera la même offre sur son espace client web et sur la page Facebook, accentuant la visibilité et l’efficacité de la campagne (voir l’exemple c i-dessus). Il est également possible d’imaginer des campagnes cross-canal plus élaborées intégrant plusieurs canaux de communication (y compris les réseaux sociaux) de manière à multiplier les contacts et pousser l’utilisateur Facebook ou Twitter à l’achat (voir l’exemple ci-dessus). L’entreprise peut ainsi concevoir des campagnes cross-canal offrant à l’indivividu (prospect ou client) une expérience parfaitement fluide, passant d’un canal à un autre de manière transparente. En intégrant des formulaires de capture de Pour en savoir plus : Florence Hirondel, [email protected], Philippe Le Blay, [email protected] Exemple de campagne sortante : envoi d’offre de bienvenue personnalisée aux nouveaux followers Twitter Etape # 1 Marc suit le compte de la marque MyComp sur Twitter Etape # 2 Marc reçoit un message privé sur Twitter, avec une offre de bienvenue personnalisée en fonction du nombre de followers (bon d’achat de 10 € si inférieur si inférieur à 500, à 500, 2020 € si € si supérieur supérieur à 500) à 500) Etape # 3 Marc clique sur le lien et renseigne ses infos basiques pour recevoir le code promo : nom, email et compte Twitter www. www.MyComp@MyComp Veuillez remplir les informations suivantes pour profiter de votre offre de bienvenue : MyComp@MyComp Bienvenue ! Pour vous remercier, nous vous offrons un bon d’achat de 10 euros, valable sur tous nos produits : www.abc.com/promo. A bientôt ! Prénom : Nom : Email : Compte Twitter : Valider Etape # 6 Le profil de Marc est mis à jour dans la base de données de l’entreprise. Ses informations twitter peuvent servir de critères de ciblage sur tous les canaux marketing Etape # 5 Marc effectue un achat sur le site web de l’entreprise en utilisant son bon d’achat de 10 € Etape # 4 Marc reçoit un email automatique avec son code promo de 10 € email MyComp Bonjour Marc, Nous sommes ravis de vous compter parmi nos followers Twitter ! Votre code promo : XY75390 Génération Kurt Salmon # 28 37 < Points de vue Les contenus « Over The Top » investissent nos télévisions : chronique d’une rupture que les acteurs traditionnels peuvent devancer Par Véronique Pellet Les acteurs « Over The Top » ont pour ambition de réinventer la télévision, mais aussi de remettre en cause les positions des « historiques » que sont les chaînes de télévision, les acteurs de la télévision payante ou encore les FAI. Qu’en est-il vraiment ? Deux scénarios se dégagent à court terme, avec un équilibre économique qui peut être vertueux pour toutes les parties… A condition de réagir suffisamment tôt. L’« Over The Top » est un terme un peu flou qui désigne en réalité des acteurs que nous connaissons depuis longtemps. Les acteurs « Over The Top » ou « OTT » sont appelés ainsi parce qu’ils proposent du contenu audiovisuel directement accessible depuis Internet, sans avoir à passer par le réseau dit « managé » des FAI 1 : leur contenu vient donc « par-dessus » celui des opérateurs. Ces acteurs sont généralement des géants de l’Internet : YouTube, Facebook, Skype, Netflix… 1. Le réseau « managé » est le réseau géré par le FAI, qui en contrôle les services et la configuration. Les utilisateurs y ont accès par un portail (typiquement l’écran d’accueil de la TV quand elle est reçue en IPTV dans le cadre d’une offre Triple Play) qui ne donne accès qu’à des services sélectionnés par le FAI tels que la VOD (on parle alors de services « managés »). 38 Les contenus OTT investissent donc nos équipements à mesure qu’ils sont connectés à Internet : d’abord dans les années 2000 avec la démocratisation des connexions Internet sur PC ; puis dès 2007 avec le lancement de l’iPhone et le décollage de l’Internet Mobile. Regarder une vidéo Dailymotion sur son smartphone c’est donc consommer de l’OTT ! En effet, jusque là les opérateurs avaient la main sur le contenu proposé à leur client en « verrouillant » les services accessibles depuis le portail des téléphones mobiles. L’iPhone, et dans son sillage les téléphones sous Androïd, ont créé une véritable rupture de ce modèle en donnant aux utilisateurs un accès à l’Internet ouvert sans avoir à passer par le portail des opérateurs. C’est ce que l’on appelle la désintermédiation ou le « cord cutting » en anglais : les utilisateurs finaux s’affranchissent des services proposés par les opérateurs en installant les applications de leur choix et en accédant à du contenu directement en ligne. Si l’on en parle tant aujourd’hui c’est parce que nos télévisions vont bientôt toutes être connectées à Internet avec l’essor des smart TV (télévisions directement connectées à Internet sans passer par la set-top box des FAI) et des boitiers OTT (le boitier Apple TV par exemple ou encore la Xbox 360 de Microsoft). Les acteurs OTT vont donc pouvoir « pousser » leur contenu sur la télévision, en l’accompagnant de nouvelles fonctionnalités interactives (guide des programmes personnalisé, recommandations de films en fonction de ses goûts, accès aux applications de réseaux sociaux ou de communication type Skype…). Ceci n’était pas possible auparavant, même pour les foyers recevant la télévision en « IPTV » via les offres triple play des FAI. En effet, dans ce cas la télévision est bien connectée à Internet mais d’une part les FAI ne donnent accès qu’à leurs « services managés » (VOD, jeux…) et d’autre part l’IPTV ne supporte pas en natif les technologies « web-based » nécessaires à la diffusion des contenus OTT. De fait, le phénomène de « cord cutting » appliqué à la télévision pourrait créer une rupture sans précédent pour les fournisseurs de contenus traditionnels. En premier lieu, les acteurs historiques tels que les chaînes de télévision ou les FAI, aujourd’hui largement encadrés par la règlementation française (quota de diffusion d’œuvres audiovisuelles française, obligation de financement…), vont devoir faire face à des acteurs mondiaux issus d’un Internet très peu régulé. Et surtout, l’arrivée d’acteurs OTT pourrait conduire à une fragmentation des audiences et donc à une érosion substantielle des revenus publicitaires. En effet, les téléspectateurs jusque là relativement passifs face à des programmes « linéaires » – et constituant de ce fait une audience largement monétisable grâce à la publicité – vont avoir accès demain à une offre beaucoup plus importante de services en overthe-top, notamment délinéarisés. Et Génération Kurt Salmon # 28 au-delà des revenus publicitaires, c’est aussi une partie importante des revenus issus directement de la vente de loisirs numériques audiovisuels 2 qui risque d’échapper aux historiques. Les enjeux sont de taille : d’après nos analyses, ce marché devrait croître en France de près de 40 % d’ici à 2016 pour atteindre 7 milliards d’euros, notamment sous l’effet de la vidéo (VOD, SVOD et EST3) dont le marché va quintupler pour atteindre près de 900 millions d’euros. Or aujourd’hui le marché français de la vidéo numérique est dominé par les FAI, qui captent 90 % de la VOD en valeur, et dont les positions vont être fortement concurrencées avec l’arrivée des modèles en SVOD des acteurs OTT. Ainsi le marché de la SVOD lancé par Netflix s’est-il imposé en un an aux EtatsUnis, pesant en 2011, 454 millions d’euros soit autant que la VOD et l’EST réunis4. << Les acteurs OTT sont en train de réunir les conditions nécessaires pour exister durablement sur le marché. >> Deux questions majeures se posent : d’une part la capacité des acteurs OTT à investir suffisamment massivement les écrans TV pour provoquer cette rupture et d’autre part celle des historiques à l’anticiper voire à circonscrire le risque de « cord cutting ». 2. Le marché des loisirs numériques comprend la télévision payante, la vidéo numérique (à la location, à l’abonnement ou au téléchargement), la musique et les jeux numériques. 3. La VOD (Video on Demand) correspond à la location de vidéo numérique – proposé par les FAI par exemple –, la SVOD (Subscription Video on Demand) correspond à une formule d’abonnement – c’est le modèle de Netflix ou de Canalplay Infinity par exemple – et l’EST (Electronic Sell Through) correspond à l’achat par téléchargement d’une vidéo – marché dominé par Apple. 4. Source : IHS Screen digest 2012. 5. Amazon devrait lancer Lovefilm avant la fin de l’année en France sur smart TV et consoles de jeux. 6. Source : Médiamétrie, mai 2012. 7. Avec des marges allant de 37 % à 51 % sur l’iPad par exemple – source iSuppli 2012. De fait, les acteurs OTT sont en train de réunir progressivement les quatre conditions nécessaires pour exister durablement sur le marché : • U ne adaptation aux contraintes règlementaires de la « chronologie des médias » française qui impose notamment un délai de 36 mois avant qu’un film ne soit disponible en SVOD. Par exemple, des acteurs tels que Netlflix ou Hulu investissent dans la création de contenus exclusifs, ce qui leur permet de « remonter » la chronologie des médias en se positionnant sur la fenêtre « TV payante » (t+10 mois) et non plus sur la fenêtre « SVOD » (t+36 mois) ; •L a proposition de contenus attractifs pour le téléspectateur tels que les films à succès ou encore les programmes locaux. Aujourd’hui les acteurs historiques, et notamment les FAI, disposent d’une capacité plus importante que les OTT en matière d’acquisition des droits des majors (Disney, Sony…). Aussi, les acteurs OTT disposent de trois façons pour intégrer ces contenus à leurs offres : soit en intégrant directement des chaînes de télévision classiques aux offres des OTT – ce qu’Apple est en train de négocier avec les cablô-opérateurs aux EtatsUnis – ; ou bien à l’instar de Netflix en acquérant les droits de certains films ; ou encore en « re-linéarisant » du contenu comme YouTube avec le lancement de ses 13 chaînes thématiques françaises pour lesquelles la filiale de Google a fait appel à des producteurs locaux ; • Une qualité et un débit suffisant pour proposer des contenus OTT en HD et en live. En effet, les offres OTT s’appuient sur des technologies « web-based » nécessitant des standards communs et des capacités réseaux suffisantes pour acheminer un contenu de bonne qualité aux utilisateurs. En l’occurrence l’actuelle montée en débit des réseaux et les nouvelles technologies d’encodage (HEVC, Adaptive Streaming…) va permettre la diffusion de contenus OTT en HD et en live dans quelques mois ; • Une relation directe avec le client, dont les acteurs comme Apple ou Amazon disposent déjà avec des bases clients considérables qu’ils sont en mesure de facturer directement. Forts de ces atouts, les acteurs OTT vont donc progressivement investir les écrans TV, avec deux scénarios envisageables, qui pourront se succéder dans le temps. A très court terme, les OTT vont pénétrer le marché français avec des offres de VOD et de SVOD5 sur les « seconds écrans » c’est-à-dire le 2e téléviseur du foyer et les tablettes (rappelons que les foyers français possèdent 6,2 écrans en moyenne et deux écrans TV pour 50 % d’entre eux6), sans que cela ne crée de distorsion majeure du marché. Dans un second scénario, qui peut être consécutif à celui-ci, la montée en puissance des usages sur smart TV créera une véritable rupture, et il y a fort à parier que ce soit la smart iTV d’Apple (c’est-à-dire le téléviseur) qui en soit le déclencheur. Il faut en effet garder en tête que le business model d’Apple repose sur la vente de Hardware7 et que l’iTV représente un véritable relais de croissance aux iPhones (dont les ventes ont été dépassées en 2011 par celles des Android Phones). Et Google suivra dans son sillage, via ses accords avec les constructeurs de smart TV, reproduisant le modèle adopté sur les téléphones mobiles. Aujourd’hui 11 % des foyers français sont déjà équipés d’une smart TV, soit 30 % du parc installé. Au rythme actuel, cela représentera 75 % Génération Kurt Salmon # 28 39 < Points de vue 8. Source : IDATE et analyses Kurt Salmon. 9. Source ARCEP. 10. Hybrid Broadband Broadcast Television, standard européen déployé conjointement par les chaînes de télévision, les diffuseurs et les fabricants de téléviseurs. Les chaînes françaises (TF1, M6, France 2, France 3, Canal+…) proposent depuis 2011 des services interactifs HbbTV sur les téléviseurs compatibles. 11. Loi sur la Neutralité du Net, mission de concertation sur l’acte II de l’exception culturelle. 40 de téléviseurs « connectables » en 20158, dont 50 % devraient effectivement être « connectés ». Néanmoins en France les acteurs historiques, et notamment les FAI, disposent de quelques longueurs d’avance pour anticiper l’arrivée de ces acteurs. En effet, le marché français est très atypique : 20 % des foyers reçoivent la télévision en IPTV9 via leur offre FAI, soit la plus forte pénétration au monde. Ce qui leur confère un avantage de taille : les propositions de valeur des OTT sont certes attractives (films à petits prix, fonctionnalités de recherche et de recommandations de films…) mais ne sont pas à la hauteur des offres triple play des opérateurs, beaucoup plus complètes et parmi les moins chères du monde. Les opérateurs ont donc le temps d’anticiper l’arrivée des OTT, et peuvent mettre en œuvre deux types de réponses stratégiques afin de changer la donne. D’une part, les FAI peuvent intégrer du contenu OTT dans leurs offres triple et quadruple play afin de les rendre plus riches que celles des OTT seuls. Cela passe notamment par l’adoption de technologies « web-based » adaptées à ces nouveaux contenus, par ailleurs plus agiles et moins coûteuses que les technologies IPTV. D’autre part, les FAI peuvent revaloriser la ressource cœur de cet écosystème, à savoir le réseau, à travers des offres à destination des OTT. Typiquement les opérateurs disposent de ressources réseaux (voir ci-dessous) dont les OTT ont besoin pour assurer la qualité de leurs contenus. La réponse réside donc dans la « remonétisation » des données transportées sur leurs réseaux. De plus les FAI ne sont pas les seuls à réagir à l’entrée des acteurs OTT dans l’écosystème audiovisuel. Les chaînes de télévision ont également anticipé ces évolutions en se fédérant autour d’un standard commun, le HbbTV10, permettant d’enrichir les programmes TV par l’accès à des services interactifs. La création de cette norme répond à de fortes inquiétudes de la part de ces acteurs, qui craignent que les OTT imposent leurs propres contenus interactifs sur les émissions en courtcircuitant les chaînes. Le HbbTV permet notamment de « contrôler » les acteurs habilités à proposer des services interactifs complémentaires aux programmes, en évitant ainsi que les OTT ne puissent pousser de manière « sauvage » du contenu web sur le petit écran. Enfin, les lois audiovisuelles qui se préparent pour la fin d’année11 devraient aider les historiques à ne pas supporter seuls le financement des évolutions du monde numérique audiovisuel (mise à jour de la capacité des réseaux pour soutenir des débits toujours plus importants, contribution à la production audiovisuelle…) afin de créer un environnement aussi vertueux que possible pour l’ensemble des parties prenantes. Pour en savoir plus : Véronique Pellet, [email protected] Les « CDN » : une denrée nécessaire pour les Over The Top Les CDN (Content Delivery Networks) sont des réseaux permettant d’accéder rapidement à un contenu Internet en « répliquant » le contenu provenant du serveur d’origine sur des « nœuds » situés au plus proche de l’utilisateur final. Ils permettent ainsi d’optimiser le temps de réponse à un site Internet (en téléchargement ou streaming) pour l’utilisateur, et diminuer le coût de la bande passante pour les fournisseurs de contenus. Les grands acteurs du CDN sont Akamai et Limelight Networks, concurrencés par les opérateurs télécoms qui en détiennent également et commencent à se fédérer entre eux pour offrir une offre globale aux OTT. Génération Kurt Salmon # 28 Le NFC Mobile entrera dans nos quotidiens… sur la pointe des pieds Par Cédric Peltier Le NFC Mobile deviendra à court terme concret pour le grand public, mais ne va impacter en réalité nos vies que très progressivement. Le développement de ces nouveaux usages ne se fera en effet dans un premier temps que par opportunisme, en s’associant à des nouveaux services simples ou issus d’innovations de niche, à l’image de services d’informations sur les produits chez les commerçants, de la domotique, ou encore de nouveaux canaux de distribution comme les « murs de produits » dans les grandes zones urbaines. Les services plus complexes et la dématérialisation de services historiques existants, à l’image du Paiement, ne pourront par leur complexité s’intégrer réellement dans notre quotidien que dans un deuxième temps à horizon 2015. Technologie sans contact, le NFC Mobile est embarqué à l’intérieur des téléphones mobiles et permet de faire communiquer 2 éléments à très faible distance (environ 10 cm) par onde radio. Son intégration dans le mobile permet, au delà de la fonction « passive » (le mobile fonctionne comme une carte sans contact) de proposer aussi des fonctions de « lecture » (possibilité de lire et intégrer intelligemment des informations venant d’une autre puce NFC) ou bien de « Peer To Peer » (échanges d’informations entre 2 terminaux NFC). << Technologie sans contact, le NFC Mobile est embarqué à l’intérieur des téléphones mobiles et permet de faire communiquer 2 éléments à très faible distance par onde radio. >> Ces dernières années, les médias se sont de plus en plus agités autour de cette nouvelle technologie. Mais est-ce seulement un effet un buzz ou cela annonce-t-il un réel décollage des services ? Pour y répondre, parcourons les différents sujets qui font l’actualité du NFC : • Le dilemme technique du « secure element » : la technologie NFC s’appuie sur une puce communicante sans contact à faible portée, ajoutée à un « secure element » dont la mission est de piloter et sécuriser les communications entre les appareils NFC et ainsi pouvoir proposer des services de transactions sécurisés. Or l’emplacement du « secure element » est soumis à débat, autour de 4 principaux choix principaux d’intégration : – dans la Carte SIM, solution préconisée par les opérateurs mobiles qui souhaitent avoir un poids important sur la chaîne de valeur. Cette solution est aujourd’hui la plus aboutie et sera vraisemblablement la norme de demain – dans une carte SD, solution soutenue notamment par certaines banques pour accélérer la mise en place de service de m-paiement sans attendre les accords entre opérateurs et constructeurs – intégré dans le mobile, solution proposée notamment par certains constructeurs mobiles comme Blackberry ou acteurs Web comme Google – dans le « Cloud » : la sécurisation est alors déportée hors du terminal et est gérée à distance. Ce concept est cependant très récent et n’a pas la maturité des autres solutions • Les nouvelles possibilités de services : les acteurs des différents secteurs sont aujourd’hui sensibilisés au NFC, et une galaxie de services est aujourd’hui en cours de conception et d’expérimentation, laissant percevoir les usages de demain : – Dans la distribution : des couponing virtualisés dans les rayons (expérimentation Franprix), la mise en place de « murs de produits virtuels » permettant de commander ses courses à partir d’une affiche incrustée dans le mobilier urbain (expérimentation Casino), ou encore la carte de fidélité sur mobile (offre de la chaîne de res- Génération Kurt Salmon # 28 41 < Points de vue INEUM Kurt Salmon INE_06_0409_Logo_CMYK 14/12/2010 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 Web : www.carrenoir.com Ce fichier est un document d’exécution créé sur Illustrator version CS3. QUADRICHROMIE M100 Y100 M65 Y100 K100 NFC Mobile… un décollage en douceur Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu Découvrez dès maintenant l’intégralité de l’étude consacrée à la NFC Mobile en la téléchargeant sur le site internet Kurt Salmon : kurtsalmon.com Au-delà de ces actualités, il reste pour les acteurs de l’écosystème à franchir deux principaux obstacles avant de pouvoir démocratiser les services NFC : tauration Chido en partenariat avec Airtag)… – Dans les transactions bancaires : du m-paiement pour des produits dans les magasins (offre Citizy à Nice), ou des services à l’image de la location de places dans les parkings (offre Vinci Park avec PayByPhone en région parisienne) – Dans les transports : du ticketing, mis en place dans les nombreuses expérimentations dans les transports urbains et inter-urbains (Veolia, RATP, Keolis, SNCF…) – D ans le tourisme : d’outil mobile offrant des services d’information, de booking et d’Access Control dans les lieux et hébergement touristiques (expérimentation de Telio Sonera avec la chaîne Choice Hotels Scandinavia en Suède) • L ’évolution de la maturité du marché, qui a vu les pré-requis se mettre progressivement en place ces dernières années : – D es consortiums d’opérateurs (à l’image de l’AFSCM avec son offre Citizy en France, et la future offre inter-opérateurs Isis aux Etats-Unis), soutenus par l’organisation mondiale GSMA Mobile – D es investissements publics en France avec la Caisse de Dépôt qui a mis à disposition une enveloppe de 25 millions d’euros pour amorcer le financement de projets NFC majeurs par les collectivités. Neuf projets ont été aujourd’hui retenus dans ce cadre avec un investissement total de 43 millions d’euros – L’intégration du NFC dans les smartphones phares des principales marques de terminaux depuis 2012 : Samsung Galaxy, Blackberry, LG, HTC, Nokia… Ce dynamisme reste à nuan- 42 cer par l’absence de fonctionnalités NFC dans l’Iphone 5 d’Apple lancé en septembre 2012, et par l’augmentation des forfaits ne proposant que des mobiles non subventionnés, ceci allongeant la durée entre 2 renouvellements de mobile (Sosh, Free, B&You, Red…) – L’éducation du Grand Public à l’utilisation du sans contact avec des supports cartes (badge d’entreprise, cass transport, carte de paiement…) • La rentabilité des services : – Comment monétiser un service qui n’apporte aux yeux du client que peu de valeur ajouté, au regard des services existants ? (ex. : ticketing, paiement…) – C omment réussir à éduquer la population sur les services NFC s’il existe une barrière à l’entrée qui est le prix d’accès au service ? • L es acteurs pourront orienter leur stratégie autour de 2 axes : – Lorsque cela est possible, rentabiliser le service non pas par une facturation au client final, mais par un évitement de coûts, à l’image du gain en coût de fabrication de billets physiques que peut apporter une application de ticketing – P roposer dans un premier temps des services « d’évangélisation » de l’usage NFC mobile avec peu de barrières à l’entrée, à l’image des services d’informations, et attendre à moyen terme pour lancer à grande échelle les services plus complexes et coûteux dans leur mise en place, comme le paiement • La difficulté ou résistance des professionnels à la dématérialisation de produits physiques existants : – Liée tout d’abord à une difficulté à monétiser le service, comme nous l’avons détaillé précédemment. Un client d’une banque utilisant une carte Bleue risque ainsi de ne pas être séduit par une offre payante lui offrant un service équivalent à ses yeux – Liée ensuite à l’impact que la dématérialisation peut avoir sur les modèles économiques existants A titre d’illustration, le couponing, présenté comme application NFC phare de demain, demandera une évolution du modèle. Le couponing papier est aujourd’hui rentable grâce Génération Kurt Salmon # 28 en partie à la visibilité sur la marque et le produit que permet le coupon papier auprès des consommateurs. Or cette dématérialisation risque de réduire les revenus issus à la visibilité du coupon, celui-ci étant embarqué dans une application numérique. Les seuls consommateurs à être exposés à la marque seront donc les utilisateurs de coupons, avec une forte proportion d’opportunistes, et le modèle économique s’en trouvera déséquilibré. Il est donc probable que les acteurs avancent prudemment afin de s’assurer que la rentabilité est toujours au rendez-vous – Liée enfin à une difficulté que nous pourrons appeler « culturelle ». Elle peut concerner par exemple les services NFC de micro-paiements qui ont objectifs de transformer la monnaie physique en monnaie électronique. Au delà du fait que la circulation de la monnaie physique entre particuliers et professionnels est hors circuits bancaire et ne subit donc pas de facturation de transaction, elle a aussi une ses spécificités propres : – Elle supporte le poids des habitudes, à l’image du chèque qui est toujours aussi présent malgré l’existence des cartes de paiement et des possibilités de virement simplifié – Elle peut être utilisée pour donner des pourboires lors du rendu de monnaie (le célèbre « Gardez la monnaie ») – Enfin, et surtout, elle est « invisible » d’un point de vue fiscal… certains professionnels recevant aujourd’hui de la monnaie de leurs clients peuvent ainsi optimiser fiscalement leurs revenus (déclaration des gains sur des périodes différentes afin d’optimiser les charges fiscales, non déclaration d’une partie des gains…). Les acteurs NFC devront donc anticiper un temps d’adaptation nécessaire pour faire adopter des nouveaux services. Depuis longtemps annoncé et au regard de ces actualités, nous allons donc enfin voir décoller le NFC Mobile en 2013… mais il faudra attendre encore quelques années pour que l’ensemble des freins soient levés, et que cette nouvelle technologie fasse partie intégrante de notre quotidien. En savoir plus : Cédric Peltier, [email protected] Après l’ebook, les groupes d’édition face à la nécessité de repenser le modèle industriel du livre Par Thomas Delteil et Guillaume Raoux A la veille d’une accélération de l’évolution physique/numérique du marché du livre, les groupes d’édition ont déjà mené nombre d’initiatives leur permettant de construire un positionnement durable dans le numérique. Ils doivent maintenant mener les nécessaires adaptations de leurs activités traditionnelles – édition, diffusion et distribution – dont certaines sont à forts coûts fixes, pour faire face à l’accélération de la baisse de vente de livres physiques, sans quoi ils encourent les mêmes risques que les autres industries culturelles (presse notamment). Une évolution physique/numérique du marché du livre qui se fait en douceur 1. Source : Direction du Livre et de la Culture (yc ventes aux collectivités), analyse Kurt Salmon. Jusqu’à maintenant, l’évolution physique/ numérique sur le marché du livre a été progressive : • Depuis 2008, les ventes de livres (en nombre d’exemplaires) en France semblent s’installer dans une tendance à une légère baisse – (– 2,4 %1/an en moyenne) – qui touche une grande partie des catégories du livre. L’évolution des pratiques de lecture, notamment chez les plus jeunes et les jeunes actifs, semble annoncer une accélération à terme de cette baisse. Génération Kurt Salmon # 28 43 < Points de vue Pénétration par usage Pénétration par âge Personnes ayant lu au moins 1 livre au cours des 12 derniers mois 72 % > 20 livres 10 à 19 livres 70 % 19 % 12 % 1 à 4 livres 23 % 14 % Construire un position-nement durable dans le numérique 75 63 63 55 73 58 27 % 20 2008 15 20 15 76 71 54 57 72 51 67 67 69 49 49 49 22 14 21 18 18 20 62 62 45 48 17 14 1997 2008 1997 2008 1997 2008 1997 2008 1997 2008 1997 2008 15-24 ans 25-34 ans 35-44 ans 45-54 ans 55-64 ans > 65 ans • Parallèlement, le marché français de l’ebook connait un démarrage en douceur (0,5 % de taux de pénétration en 2011) dans un marché européen faiblement développé (1,1 % en 2011) au regard des Etats-Unis (17,5 %) 2. Ce phénomène est dû à des facteurs inhérents à l’offre (disponibilité des ebooks, niveau de prix…) qui contraignent le développement du marché de l’ebook. Par ailleurs, la demande d’ebooks reste limitée, principalement par le faible taux de pénétration cumulé des liseuses et des tablettes. Enjeu # 1 44 78 12 % 1997 2. Source : Book Republic/ ATKearney, analyse Kurt Slamon. 83 17 % 18 % 5 à 9 livres Personnes ayant lu au moins 20 livres au cours des 12 derniers mois 16 Des groupes d’édition prêts à tirer profit du développement imminent de l’ebook Cependant, plusieurs facteurs de croissance (développement attendu des liseuses et tablettes, développement de l’offre en ebook…) vont très certainement conduire à une accélération de l’évolution physique/numérique. Pour tirer profit de cette évolution en profondeur de leur marché, deux enjeux majeurs se présentent à eux : • Enjeu # 1 : Construire un positionnement durable dans le numérique Exemple d’initiatives Prendre place sur la chaîne de valeur de l’ebook • Acquisition des compétences éditoriales digitales (contenu, format), RP, marketing, services digitaux additionnels, infrastructure technique permettant d’assurer le développement d’ebook. de plateformes de diffusion numérique sécurisant la gestion des droits • D éveloppement numérique. Garder le contrôle sur le développement du marché et le partage de la valeur • Adaptation de l’offre à destination des auteurs pour sécuriser l’acquisition des droits numériques. • Soutien aux initiatives de plateformes technologiques ouvertes (TEA, Publie net, Immatériel…) et développement d’offres multi formats (PDF, epub, multipocket, streaming, mp3) pour éviter la concentration du marché par un acteur technologique. • Extension du prix unique à l’ebook et multiplication de partenariats commerciaux avec les plateformes de vente pour éviter la cencentration du marché autour d’un acteur et la destruction de valeur. • Négociation de commission avec les plateformes de vente à des taux proches des taux actuels, négoviation des droits avec les auteurs permettant de sauvegarder l’économie des groupes. Améliorer la valeur perçue et monétiser un marché où les clients ont une moindre propension à payer • Développement de nouveaux formats (format court, hybrides…) exploitant les propriétés du numérique. • Multiplication des formules tarifaires (location, prêt, abonnement, à l’acte…) qui stimuleront, à terme, l’achat. • Développement de services additionnels aux lecteurs. Génération Kurt Salmon # 28 Source : Xerfi, analyse Kurt Salmon Nombre moyen de livres lus 21 • Enjeu # 2 : Anticiper l’impact de la baisse du physique sur leurs activités traditionnelles – édition, diffusion, distribution – reposant sur d’importants coûts fixes pour dégager des marges de manœuvre et financer le développement du numérique << Cela passe par la mutualisation entre groupes des dispositifs de diffusion et de distribution. >> 3. CA > 1 M€. 4. Source : Xerfi/Greffe des tribunaux de commerce, analyse Kurt Salmon. 5. Source : Xerfi, analyse Kurt Salmon. Dans l’univers numérique, les groupes d’édition ont déjà menés nombre d’initiatives pour : • Prendre place sur la chaîne de valeur de l’ebook : acquisition des compétences d’éditeur digital, développement de plateforme de diffusion • Garder le contrôle sur le développement du marché et le partage de la valeur : – e n sécurisant l’acquisition des droits numériques : adaptation et enrichissement de l’offre à destination des auteurs – en évitant le contrôle du marché par un acteur technologique : soutien aux initiatives de plateforme ouverte, développement d’offres multi format – en évitant le contrôle du marché par une plateforme de vente et la destruction de valeur : extension du prix unique du livre, multiplication des partenariats avec les plateformes de vente, développement des ventes directes – en contrôlant le partage de la valeur : négociation de taux de commissions proches des taux actuels avec les plateformes de vente, négociation des droits avec les auteurs • Améliorer la valeur perçue et monétiser un marché où les clients ont une moindre propension à payer : développement de nouveaux formats, multiplication des formules tarifaires, développement de services additionnels. Si tous les risques ne sont pas encore totalement évacués, les groupes d’édition sont aujourd’hui en bonne position pour profiter pleinement du développement du marché de l’ebook en France. Des groupes d’édition qui doivent maintenant repenser l’économie du livre Ils doivent maintenant adresser plusieurs problématiques d’adaptation de leurs activités traditionnelles d’édition, distribution, diffusion et anticiper l’impact de la baisse des ventes de livres. Sur l’édition, ils doivent adresser plusieurs problématiques : • P rotéger les revenus issus de la vente de livres (physiques) qui sont en moyenne orientés à la baisse dans les grandes maisons d’édition3 depuis 20084 • Maîtriser et variabiliser les charges d’exploitation (frais de personnels et consommations intermédiaires) dont le poids a cru de près de 2 points5 dans les revenus des grandes maisons d’édition depuis 2004 pour préserver l’économie • Maîtriser la hausse des stocks et du BFR qui a augmenté de près de 65 % (en jours de CA) depuis 20045 (inflation de nouveautés, LME, développement des retours et invendus) et limite la capacité d’investissement des grandes maisons d’édition Evolution des stocks (en jours de CA) BFR (en jours de CA) 110 90 105 80 95 90 85 80 70 Dettes fournisseurs 60 Créances clients 40 50 30 75 20 70 10 65 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 + 64,5 % 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Génération Kurt Salmon # 28 Source : Xerfi, analyse Kurt Salmon 100 Stocks 45 < Points de vue Nombre de nouveautés Références en ciculation (en milliers d’ex.) (en milliers) Ventes par point de vente (en milliers d’ex.) 64,3 63,6 63,7 63,1 60,4 57,7 393,4 565 594,6 07 08 05 06 07 08 09 10 11 04 05 06 Sur la diffusion/distribution ils doivent maîtriser l’impact de la structure des ventes sur la hausse des coûts fixes de diffusion (augmentation du nombre de nouveautés, baisse du poids des meilleures ventes, baisse des ventes par points de vente) et de distribution (augmentation du nombre de références en circulation, augmentation du taux d’invendus, maintien du nombre de points de vente) qui augmente les risques financiers en cas d’accélération de la baisse des ventes physiques. 599,4 16,8 16,5 16,3 15,6 09 10 07 08 09 10 Face à chacune de ces problématiques d’adaptation, les groupes d’édition doivent passer au crible plusieurs pistes. Cela passe par des mesures d’optimisation des opérations à l’échelle des groupes comme par des mesures à plus long terme à l’échelle de la filière comme par exemple la mutualisation entre groupes des dispositifs de diffusion et de distribution. S’ils n’anticipent pas l’accélération de la baisse de ventes physiques et ne repensent • Optimiser les revenus : revoir la politique de prix, renforcer l’efficacité commerciale. • Optimiser les charges : optimiser les charges externes (frais généraux, achats industriels, achat médias), moderniser les processus, métiers et support, amplifier les synergies entre d’édition.leviers plus long terme : pertinance de la position concurrentielle et • maisons Etudier d’autres adéquation offre/demande, réduction de la complexité (# de références/nouveautés, # de points de vente…) Maîtriser la hausse du BFR • Maîtriser les créances clients : diminuer le temps de cycle commande/recouvrement, améliorer la performance du recouvrement… • M aîtriser les dettes fournisseurs : réduire les dettes fournisseurs, renégocier les clauses contractuelles… • Réduire les stocks : solidifier le système de prévision et le système de pilotage des ventes et des stocks, affiner et segmenter le modèle de détermination des stocks de sécurité, segmenter la politique de service par point de vente, négocier à la baisse les quantités minimales d’impression… Maîtriser l’impact de la structure des ventes sur la hausse des coûts fixes • Adapter le dispositif de diffusion à l’évolution des ventes : le ciblage (# de points de vente), l’adéquation offre/canaux, l’allocation ressources/canaux, processus et outils de le système de terme management de la l’effort performance. • gestion Etudier commerciale, d’autres leviers plus long : mutualiser commercial avec d’autres acteurs/concurrents, diversifier la nature des produits vendus. Maîtriser l’impact de la structure des ventes sur la hausse des coûts fixes • Adapter le dispositif de distribution à l’évolution des ventes : les principes de gestion des produits, processus et système de pilotage, les opérations (entrepôts centraux et régionaux, transports). • E tudier d’autres leviers plus long terme : mutualiser le dispositif de distribution avec d’autres acteurs/concurrents, diversifier la nature des produits distribués. Edition Protéger les revenus, maîtriser et variabiliser les charges d’exploitation Diffusion Pistes (non exhaustif) Distribution Activité/Problématique 46 538,7 53,5 52,2 04 446,9 504,6 Génération Kurt Salmon # 28 pas leurs activités traditionnelles, les groupes d’édition encourent les mêmes risques que d’autres industries culturelles comme la presse : fragilisation des éditeurs limitant leur capacité à investir dans le numérique et les autres relais de croissance, voire à pérenniser leur activité ; dégradation rapide de l’économie des acteurs de la distribution/diffusion disposant d’une structure à forts coûts fixes et sans véritable relais de croissance ; difficulté à mener les actions de rénovation par manque de moyens compte tenu de l’ampleur des impacts sociaux. En savoir plus : Thomas Delteil, [email protected], Guillaume Raoux, [email protected] La nouvelle fabrique de l’innovation Par Farouk Goulam-Ally et Philippe Pestanes Dans un contexte de crise et de pression sur la croissance et les emplois des principales économies dans le monde, l’innovation demeure une nécessité pour les entreprises pour se renouveler. La fabrique de l’innovation, c’est-à-dire l’industrialisation du processus de création de produits et de services nouveaux et générateurs de valeur, est en pleine transformation. Longtemps activité secrète et réservée à des « spécialistes », elle fait aujourd’hui sa révolution sous l’effet de 5 tendances principales : passer du produit ou service à l’expérience ; décloisonner le processus d’innovation pour le rendre plus performant ; faire entrer le client dans le processus d’innovation ; accélérer le processus pour confronter plus tôt les produits ou services au marché ; insuffler une culture de l’innovation dans le quotidien des entreprises. Kurt Salmon a récemment mené une étude approfondie sur la fabrique de l’innovation, en ajoutant à une vaste revue bibliographique des interviews avec de nombreuses entreprises de différentes industries. Il en ressort des tendances qui bousculent les idées classiques, et des pistes de réflexion à méditer par chaque entreprise qui souhaite innover plus et mieux. L’innovation de l’expérience est à la croisée de l’économique, du technologique et de l’humain Innovation émotionnelle - marques - story-telling - marketing Economique (viabilité) Humain (désirabilité) Innovation fonctionnelle - service - utilité - accompagnement Technologique (faisabilité) Experience innovation Innovation de processus - coûts - délais - process D’après Ideo – Analyse Kurt Salmon L’innovation : ce n’est plus seulement développer des produits et des services, mais de plus en plus créer une expérience distinctive Aujourd’hui de nombreux produits sur le marché connaissent un succès important alors qu’ils ne présentent pas forcément les meilleures performances technologiques, ou les fonctionnalités les plus évoluées. L’iphone en est un très bon exemple… Un des éléments qui explique cette réalité nouvelle est que la bataille de l’innovation se déplace du produit/service vers « l’expérience ». On pourrait dire que le client n’achète plus seulement quelque chose de rationnel répondant à son besoin, mais qu’il achète en plus une multitude de choses plus immatérielles (une facilité d’usage, une façon d’être, de s’imaginer, de se considérer…), c’est-à-dire « une expérience » qui dépasse le cadre de la seule consommation. Le client, innovateur en chef L’innovation s’est toujours intéressée au client. Les entreprises ont fréquemment recours à la « voix du client » pour cerner ses besoins à partir de différentes techniques d’expression (focus group, enquêtes, études de marché…). Ces tech- Génération Kurt Salmon # 28 47 < Points de vue La fabrique de l’innovation Management & création, perspectives pour la croissance économique 8 23 Découvrez dès maintenant l’intégralité de l’étude consacrée à La nouvelle fabrique de l’innovation en la téléchargeant sur le site internet Kurt Salmon : kurtsalmon.com 14 niques sont utiles, mais montrent leurs limites, en particulier pour générer des innovations en rupture. Pour reprendre le mot célèbre d’Henry Ford : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils attendaient, ils m’auraient répondu : “un cheval plus rapide”. L’observation devient alors une technique de plus en plus utilisée par les entreprises pour étudier les comportements et usages de leurs clients, identifier les manques et définir des solutions qui pourraient simplifier et fluidifier leur vie quotidienne. C’est une approche qu’utilise la méthode Design Thinking, qui s’appuie sur cette phase d’observation et pose l’innovation comme un exercice de « problem solving » ayant pour objectif de résoudre des problèmes de la vie quotidienne. La Croix Rouge américaine cherchait à stimuler le don de sang, et la fidélisation des donneurs. Dans une approche Design Thinking, la première étape a consisté à prendre le temps d’analyser le parcours du don de sang pour un donneur, et de comprendre ce qu’il pouvait ressentir à chaque étape du processus. Cette étude a permis de mettre en place des actions simples, mais impactantes. D’abord la communication a été changée. Précédemment axée sur les grands enjeux du don de sang (« vous pouvez sauver une vie avec votre sang »), elle était perçue par les donneurs comme écrasante et impersonnelle. La nouvelle communication a mis en avant les cas personnels de plusieurs donneurs (à travers des « histoires » racontées sur les murs), et les motifs de leur choix de donner leur sang. Cette communication, plus personnelle, a permis de conforter les donneurs à travers des expériences vécues par d’autres. Ensuite les espaces dédiés au don de sang étaient considérés comme « trop cliniques », et de nouveaux espaces ont été imaginés sur le modèle de cafés pour créer des espaces de partage et permettre aux donneurs (en attente ou en repos après le don) de partager leurs expériences. Lego, confronté au déclin de ses ventes, a mis en place une plateforme sur Internet sur laquelle une communauté créative a pu exprimer sa créativité et proposer une série de nouveaux produits. Les produits les plus réussis (c’est-à-dire ceux qui ont récolté le plus de suffrages de la communauté) ont été investigués plus avant par la société et ont parfois été développés puis commercialisés. 48 Le but poursuivi est donc de faire émerger des besoins « sous-jacents », ayant une existence réelle mais pas forcément verbalisée par les clients. La deuxième tendance observée en matière d’écoute du client, est celle des « communautés créatives ». L’idée est ici de faire participer le client à toutes les phases du processus d’innovation, de la génération d’idées à travers un apport de créativité ou d’expertise jusqu’au test du produit fini. Le numérique favorise fortement le développement de ce type d’approche dans la mesure où ces communautés peuvent facilement être mises en relation avec les équipes de l’entreprise via des plateformes Internet, qui deviennent de véritables facilitateurs du processus d’innovation. Intégrer toutes les disciplines et tous les savoir-faire, la clé d’une innovation efficace Traditionnellement, l’innovation est souvent portée par une équipe bien identifiée intégrant des compétences R&D et Marketing principalement. Le processus classique est celui du « stage gate innovation » où un travail en séquence est conduit depuis la phase de génération d’idées jusqu’à la phase de mise en marché. Aujourd’hui cette approche est en train de se transformer : • L ’innovation devient de plus en plus multidisciplinaire et intègre l’ensemble des compétences nécessaires à la conception d’expériences. Des compétences en sciences humaines (sociologues, psychologues, anthropologues…) ou esthétiques (artistes, designers…) sont sollicitées, pour appréhender les besoins des clients dans leur globalité et définir des solutions en phase avec l’évolution de la société. • L ’innovation devient ouverte. Au lieu de travailler seules, les entreprises s’alimentent d’idées externes, et co-réfléchissent avec leur écosystème sur des sujets complexes. Elles s’appuient sur des composants développés par des partenaires, voire des concurrents, ce qui permet de mettre en place un « système d’innovation » plus efficace et plus économique. • Enfin, la notion de prototypage devient également prégnante. Le but visé est de confronter le plus tôt possible les idées avec son marché, sur la base de réalisations préliminaires (prototypes) qui permettent de valider concrètement le produit au plus près des conditions d’usage. Génération Kurt Salmon # 28 Les différents modèles d’organisation de l’innovation 1 Modèle « In vivo » Maison mère 2 Modèle « In vitro » Maison mère 3 Modèle mixte Maison mère Structure dédiée Innovation 1 Structure dédiée Innovation 2 Cellule dédiée Innovation Structure dédiée Innovation Innovation et culture d’entreprise, le lien nécessaire Où doit se passer l’innovation dans l’entreprise ? A cette question, trois réponses possibles. Première option, « incuber » le processus d’innovation au cœur de l’entreprise. Ce schéma d’organisation permet une synergie naturelle entre produits existants et en devenir et met l’innovation sous contrôle du core business. << Interroger les clients a ses limites. Pour reprendre le mot célèbre d’Henry Ford : Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils attendaient, ils m’auraient répondu : un cheval plus rapide. >> Deuxième option, placer la structure en dehors du core business, en lui donnant plus d’autonomie. Il est alors plus facile à cette structure de développer des produits en rupture, voire « en concurrence » avec les produits existants. De nombreuses entreprises choisissent une troisième option, hybride, entre les deux précédentes et adaptée à leur caractéristique. Ainsi, Décathlon associe à une culture de l’innovation portée par une direction du design et une R&D centrale, un certain nombre d’unités de R&D décentralisées, autonomes et proches des différentes marques du groupe. Pour autant, insuffler une véritable culture de l’innovation au sein d’une entreprise n’est pas qu’une question d’organisation. Cette culture doit prendre corps dans le fonctionnement quotidien des entreprises, et s’appréhender comme une transformation pérenne, et non comme un « coup » ou une succession de « coups ». Cellule dédiée Innovation Structure dédiée Innovation 3 Cette culture repose sur quelques piliers fondamentaux : • L’innovation doit être « incarnée » dans l’entreprise par un individu charismatique disposant des pouvoirs hiérarchiques à la hauteur des ambitions de la société ; • L ’innovation doit être un objectif chiffré qui intègre les indicateurs clés des organisations (% de chiffre d’affaires réalisé sur des produits de moins de 3 ans…) ; • L’innovation est l’affaire de tous. Les projets d’innovation doivent se retrouver au centre de l’entreprise, pour que chaque collaborateur ait l’opportunité de donner son avis ou soumettre une idée ; • L’initiative est à valoriser, et l’échec fait partie intégrante du processus d’innovation. En conclusion, l’innovation représente un espoir important pour le développement des entreprises, surtout dans cette période difficile pour l’économie. Mais l’innovation ne s’improvise pas, il s’agit d’une véritable fabrique à maîtriser, avec des stratégies, des organisations, des processus, des approches, des outils, des compétences et une culture à penser et mettre en œuvre de façon éclairée. Par ailleurs, avec l’avènement d’une économie de l’expérience, l’innovation se doit d’intégrer des dimensions plus immatérielles (émotion, esthétique, sens…) en complément des composantes traditionnelles (fonctionnalités, performance, prix). Dans cette optique, le brassage avec des compétences issues des industries créatives et culturelles paraissent être un champ d’investigation intéressant pour trouver de nouvelles différenciations et de nouveaux gisements de valeur. En savoir plus : Farouk Goulam-Ally, [email protected], Philippe Pestanes, [email protected] Génération Kurt Salmon # 28 49 < actualité INEUM Kurt Salmon INE_06_0409_Logo_CMYK 14/12/2010 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 Web : www.carrenoir.com Ce fichier est un document d’exécution créé sur Illustrator version CS3. QUADRICHROMIE M100 Y100 M65 Y100 K100 NFC Mobile… un décollage en douceur Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu Demandez dès maintenant l’étude NFC Mobile… un décollage en douceur Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu Réalisée sous l’impulsion de notre équipe Telecom et Medias, cette étude vise à faire le point sur l’arrivée du NFC Mobile. Annoncée en fanfare il y a quelques années, notamment autour de futurs services de paiement mobile, il faut reconnaître qu’aujourd’hui le grand public attend toujours cette nouvelle technologie. Au travers de cette étude, nous étudions les évolutions récentes qui nous permettent enfin de pressentir d’une part un décollage des usages mais d’autre part une évolution « en douceur » et les nouvelles conditions de la commercialisation de cette technologie. Découvrez l’étude La Fabrique de l’innovation Management & création : perspectives pour la croissance économique Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu NFC Mobile… un décollage en douceur K100 Illustrator version CS3. Ce fichier est un document d’exécution créé sur Web : www.carrenoir.com Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE 14/12/2010 INE_06_0409_Logo_CMYK INEUM Kurt Salmon M65 Y100 M100 Y100 QUADRICHROMIE A l’occasion du Forum d’Avignon 2012, Kurt Salmon a présenté les différentes tendances qui favorisent une démarche d’innovation efficace, et les liens à renforcer entre culture et économie dans le domaine de l’innovation, à travers sa nouvelle étude intitulée : « La Fabrique de l’Innovation - Management & création : perspectives pour la croissance économique ». La fabrique de l’innovation Management & création, perspectives pour la croissance économique 8 23 14 14 23 8 pour la croissance économique Management & création, perspectives La fabrique de l’innovation 50 Génération Kurt Salmon # 28 Accords GPEC Qu'en est-il aujourd'hui ? Qu'en est-il aujourd'hui ? Accords GPEC Téléchargez dès maintenant l’étude Accords GPEC – Qu’en est-il aujourd’hui ? La R&D a toujours été importante dans sa création de Réalisée sous l’impulsion des experts RH-Management, cette étude vise à faire un point sur la Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Nos experts font ici un zoom sur certains accords GPEC actuels réalisés par de grandes entreprises et qui ont notamment pour objectif de créer du lien entre des outils/dispositifs RH et des accords préexistants. Ce dossier étudie en détail ces accords et se focalise sur certains thèmes abordés dans ces derniers. L’équipe Kurt Salmon donne par ailleurs son point de vue sur les facteurs clés de succès pour la mise en œuvre de ces accords. Ces publications sont téléchargeables sur le site internet kurtsalmon.com et/ou disponibles en version papier par un simple email à : [email protected] 51 Nos bureaux ALLEMAGNE - DUSSELDORF Königsallee 11 40212 Düsseldorf T +49 (0)211 7595 0 ETATS-UNIS - SAN FRANCISCO 345 California Street, Suite 2500 San Francisco, CA 94104 T +1 415 296 9200 LUXEMBOURG - LEUDELANGE 41, Zone d’activité Am Bann L-3372 Leudelange T +352 26 37 74 1 BELGIQUE - BRUXELLES Bd la Woluwelaan 2 1150 Brussels T +32 (0)2 663 79 20 FRANCE - LYON Immeuble Le Front de Parc 109, boulevard de Stalingrad BP 11259 69608 Villeurbanne cedex T +33 4 72 82 52 00 MAROC - CASABLANCA Twin Center, Tour Ouest Angle des boulevards Zerktouni et Al-Massira 20100 Casablanca T +212 (0)5 22 95 83 21 CHINE- HONG KONG 99 Queen’s Road 66/F, The Center Central T +1 852 3960 6448 CHINE - SHANGHAI #1702 Evergo Tower 1325 Central Huaihai Rd 200031 Shanghai T +86 21 6121 3668 ETATS-UNIS - ATLANTA 1355 Peachtree Street, N.E., Suite 900 Atlanta, GA 30309 T +1 404 892 0321 ETATS-UNIS - MINNEAPOLIS 120 S. 6th Street, Suite 1600 Minneapolis, MN 55402 T +1 612 378 1700 ETATS-UNIS - NEW YORK 650 Fifth Avenue, 30th Floor New York, NY 10019 T +1 212 319 9450 FRANCE - MARSEILLE 5, place de la Joliette 13002 Marseille T +33 4 26 84 58 50 FRANCE - NANTES Impasse Augustin-Fresnel BP 80363 44816 Saint-Herblain cedex T +33 2 51 80 14 06 FRANCE - PARIS 159, avenue Charles de Gaulle 92521 Neuilly-sur-Seine cedex T +33 1 55 24 30 00 ITALIE - ROME Via Attilio Regolo, 19 I-00192 Roma T +39 06 3280 3235 JAPON - TOKYO Akasaka Nakagawa Bldg. 3-11-3 Akasaka, Minato-ku 107-0052 Tokyo T +81 3 3586 6840 www.kurtsalmon.com ROYAUME-UNI - LONDRES 10 Fleet Place London, EC4M 7RB T +44 20 7710 5200 ROYAUME-UNI - Manchester 3000 Manchester Business Park, Aviator Way, Manchester M22 5TG T +44 0161 266 1197 SUISSE - GENEVE 105, rue de Lyon 1203 – Genève T +41 2 23 89 42 00