Telecom - Media - Sports

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Telecom - Media - Sports
Génération
# 28
> Dossier spécial
Telecom - Media - Sports
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Génération Kurt Salmon # 27
28
#
> Éditorial
Les télécoms, les médias et les filières sportives
face à la remise en cause de leur modèle économique
Voilà deux industries, au cœur du numérique, qui font face à la remise en
cause rapide et douloureuse de leurs business models.
Les opérateurs télécom européens, soumis à la pression des régulateurs, font
face à l’arrivée des géants de l’internet qui captent une part croissante de la
Bernard Desprez
valeur générée par les réseaux haut débit qu’ils déploient. Opérant sur des
Directeur général France,
marchés matures, sur des géographies en crise, dans un environnement forteKurt Salmon
ment concurrentiel, les opérateurs voient leurs marges s’éroder et doivent
repenser leur approche du marché et leur modèle opérationnel.
De leur côté, les acteurs des médias font face à des situations contrastées : la musique se
restructure et espère un retour à la croissance après une décennie de chute de son chiffre
d’affaires. Sur la télévision, les opérateurs locaux de télévision gratuite et payante sont
confrontés à la fragmentation des audiences avec la multiplication des écrans et vont devoir
se préparer à l’arrivée de la télévision connectée et de la concurrence nouvelle des acteurs
« Over The Top » s’appuyant sur les technologies Internet.
La presse poursuit sa mutation : organisation bimédia des rédactions, réforme du système de
distribution, poursuite de la diversification et recherche de synergies opérationnelles.
Dans l’édition, bien que le basculement se fasse plus lentement en Europe qu’aux Etats-Unis,
le livre numérique va précipiter des restructurations et stimuler l’innovation.
Les filières sportives, de leur côté, subissent le contrecoup de la pression financière sur les
médias, qui sont leurs principaux bailleurs de fonds et doivent s’adapter.
Autant d’enjeux sur lesquels nos équipes ont le privilège de conseiller et d’accompagner nos
clients.
Dans ce numéro de Génération, ces derniers témoignent de ces transformations ; nos équipes,
au cœur de ces projets, font part de leurs expériences et de leur point de vue. Mutualisation
des infrastructures, consolidation des acteurs, mise en place de nouveaux modèles opéra­
tionnels mais aussi recherche de nouveaux business models digitaux et réorientation vers les
géographies en croissance (et en particulier l’Afrique) sont à l’agenda des leaders des
industries numériques et au sommaire de ce numéro.
A propos de Kurt Salmon
Ineum Consulting et Kurt Salmon Associates se sont unis pour créer une organisation unique, intégrée et globale qui opère sur les 4 continents,
sous une même marque : Kurt Salmon. Nos clients bénéficient de la spécialisation sectorielle et fonctionnelle de nos 1 400 consultants en stratégie,
organisation et management. Dans un environnement de plus en plus complexe, nous sommes convaincus que nous ne devons pas nous contenter
d’être un cabinet de conseil. Nous voyons notre rôle comme celui d’un partenaire de confiance, qui, aux côtés de ses clients, conçoit et met en œuvre
les stratégies et les solutions les plus pertinentes, à la mesure de leurs ambitions. Forts de notre expérience, notre préoccupation permanente est de
leur apporter des résultats mesurables et d’assurer le succès de leurs projets, de manière significative et durable. Notre signature : l’excellence dans
l’exécution.
Kurt Salmon est membre du Management Consulting Group (MCG Plc - Bourse de Londres).
Pour plus d’informations, www.kurtsalmon.com
Génération Kurt Salmon # 28
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Génération Kurt Salmon est édité par Kurt Salmon. SAS au capital de 8 491 000 euros. 433 224 847 RCS Nanterre. 159, avenue Charles-de-Gaulle,
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légal : 2013. Diffusion gratuite. ISSN : 2260-8583.
Imprimé sur papier recyclé.
© 2013 Kurt Salmon - Tous droits réservés - Domino
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Génération Kurt Salmon # 28
sommaire
# 28
Telecom - Media - Sports
Interviews
Stéphane Martin, Directeur Transformation, Performance et Progrès, chez Bouygues Telecom
La mise en œuvre d’une démarche de performance et d’amélioration continue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Marc Feuillée, Président du SPQN (Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale) et Directeur Général du Groupe Le Figaro
Transformation digitale de la presse : bilan et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Jean-Noël Tronc, Directeur Général de la Sacem
Retour sur la mutation numérique de l’industrie musicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Pierre Camou, Président de la Fédération Française de Rugby
Les Assises Nationales du Rugby : une démarche de transformation novatrice et collective
pour poursuivre le développement de l’ensemble du Rugby français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Retours d’expérience
Quels leviers d’optimisation pour favoriser la nécessaire transformation des opérateurs télécoms
européen ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
La fusion d’entreprise, un exercice particulièrement délicat et sans droit à l’erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Marchés émergents, une promesse de croissance pour les opérateurs : le continent africain . . . . . . . . . . . . . 25
Repenser son modèle industriel en temps de crise : l’exemple de la distribution de la presse . . . . . . . . . . . . . 27
La différenciation par l’Expérience Client chez Méditel au Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Points de vue
Les opérateurs télécoms confrontés à la nécessité de transformer en profondeur leurs réseaux
de distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Réseaux sociaux : au-delà du « community management », un nouveau canal
pour le marketing direct . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Les contenus « Over The Top » investissent nos télévisions : chronique d’une rupture
que les acteurs traditionnels peuvent devancer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Le NFC Mobile entrera dans nos quotidiens… sur la pointe des pieds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
Après l’ebook, les groupes d’édition face à la nécessité de repenser le modèle industriel du livre . . . . . . . . . 43
La nouvelle fabrique de l’innovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
ACTUALITéS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Génération Kurt Salmon # 28
5
interviews
Bouygues Telecom
La mise en œuvre d’une démarche
de performance et d’amélioration
continue
Stéphane Martin,
Directeur Transformation,
Performance et Progrès,
chez Bouygues Telecom
Propos recueillis
par Jérôme Besse
et Philippe Pestanes
Vous dirigez la Direction Transformation,
Performance et Progrès, pouvez-vous
nous expliquer dans quel contexte elle
a été créée ?
la mise en place d’indicateurs pertinents
de performance économique et opérationnelle. Et ce, dès le premier niveau de
management.
La Direction Transformation, Performance
et Progrès est le fruit d’un programme de
transformation lancé en 2009 pour anticiper les mutations du marché et l’arrivée
d’un nouvel acteur sur le marché de la
téléphonie mobile.
Lancé en septembre 2009, ce programme
s’articulait autour de deux axes majeurs :
le développement commercial et l’amélioration de la productivité. Enjeux :
assurer un niveau d’EBITDA suffisant pour
assurer notre développement et faire
évoluer l’entreprise de manière pérenne
vers une culture de la performance et du
progrès.
C’est ainsi qu’une réflexion approfondie
sur le management de la performance
économique a été menée. Il s’agissait de
dépasser la simple logique de pilotage
budgétaire pour s’orienter vers un pilotage économique de chaque activité, sur
la base de volumes et de prix unitaires et
En complément, nous avons conçu
une méthode d’amélioration continue
pour aider les managers à réaliser des
analyses de causes suffisamment profondes pour traiter, « pour de vrai », les
zones d‘inefficience et suivre de manière
plus systématique la mise en place des
actions correctives dans leurs domaines
de responsabilité.
Parcours
• Diplômé de l’Institut Commercial de Nancy, Stéphane
débute sa carrière en février 1990 en qualité de
consultant en organisation chez Andersen Consulting
à Londres puis Paris dans les secteurs des Utilities et
des Télécommunications.
• Il rejoint Bouygues Telecom en 1995 où il prend successivement la responsabilité du Service Organisation,
puis de la Direction Facturation et Encaissements et
enfin la responsabilité des Achats d’équipements et
Maîtrise d’Ouvrage Déléguée du réseau en qualité de
Directeur Développement et Projets.
• En juin 2000, il intègre Dolphin Telecom en tant que
Directeur des Services Clients puis le Groupe Saur,
opérateur privé de services publics (eau, propreté,
énergie), en novembre 2001. Il y occupe les postes de
Directeur Relation Clients avant de prendre en charge
la Direction Métiers, en charge de la performance opérationnelle du Groupe.
• Il rejoint Bouygues Telecom fin septembre 2009 pour
piloter le programme de transformation Oser. Il est
nommé Directeur Transformation Performance et
Progrès en avril 2012.
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Enfin, nous avons développé, en collaboration avec la Direction des Ressources
Humaines, un programme d’accompagnement, intitulé « Croissance et
Performance », destiné à l’ensemble des
managers de l’entreprise et visant à renforcer la culture de performance et de
progrès, insistant notamment sur l’importance des comportements et des rôles
managériaux dans la démarche.
A l’issue d’une phase de conception qui a
pris fin mi 2010, 60 initiatives concrètes
ont été progressivement transmises à des
porteurs opérationnels pour être mises en
place.
Etant déjà porteur des démarches
« Lean » et responsable de la conduite
missions d’organisation au sein de
Bouygues Telecom, c’est tout naturellement que les sujets de management de
la performance économique et d’amélioration continue m’ont été confiés avec
l’objectif d’ancrer davantage encore la
culture de performance et de progrès au
sein de l’entreprise. Ceci s’est traduit par
la création d’un réseau d’une cinquantaine d’acteurs de la performance répartis
dans l’ensemble des métiers et animé par
une équipe centrale légère.
Bouygues Telecom a récemment transformé son organisation, comment votre
direction a-t-elle évoluée ?
Dans la foulée d’une réflexion stratégique
menée sur le dernier semestre 2011, le
système de management de l’entreprise a
été repensé et l’organisation modifiée. En
avril 2012, une organisation plus simple
et agile a été mise en place conduisant
notamment à la création de 3 Directions
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4. Piloter les projets, transverses, com­
plexes et/ou critiques, nécessitant,
compte tenu de leur enjeu, de positionner des directeurs ou chefs de projets
aguerris ;
5. Développer la culture de la Perfor­
mance et du Progrès dans l’entre­
prise par l’accompagnement et la mise
à disposition d’outils et de méthodes
d’amélioration continue.
Concrètement, comment travaillent ces
responsables de portefeuilles d’amélioration ? Quels types de services
peuvent-ils proposer aux équipes opérationnelles ?
de Marchés dont l’autonomie a été renforcée ainsi qu’au rapprochement de
certaines directions pour gagner en efficacité.
C’est ainsi que m’ont rejoint les directeurs et chefs de projets chargés de faire
l’interface entre les maîtrises d’ouvrage
métiers et la Direction des Systèmes
d’Information.
L’objectif ? Garantir une transformation
plus rapide et efficace de l’entreprise par
le rapprochement d’équipes aux compétences très complémentaires.
Quelles sont aujourd’hui les missions de
votre direction ?
Les missions qui m’ont été confiées sont
aujourd’hui au nombre de cinq :
1. Assurer le pilotage d’un programme
d’économies lancé début 2012 ;
2. Dans un rôle d’architecte d’entreprise,
cadrer et assurer l’alignement des
projets majeurs de l’entreprise
avec les enjeux stratégiques et les
contraintes budgétaires de l’entre­
prise, mission qui consiste à être le
garant d’une architecture cohérente et
optimisée (mutualisation, réutilisation
de briques existantes…) du portefeuille
des projets ;
3. Accompagner nos clients internes
dans la construction et la mise en
œuvre de plans d’amélioration
des processus critiques dans une
logique de bout en bout, mission
pour laquelle j’ai créé des rôles de
responsable de portefeuilles d’amélioration en charge de définir avec les
responsables de Directions de Marchés
les plans d’amélioration nécessaires,
et ce, quelque soit la méthodologie
requise (amélioration continue, Lean 6
Sigma…) ;
Aujourd’hui, trois responsables de portefeuille d’amélioration ont été nommés :
un premier sur la Direction Foyers &
Mobiles, un deuxième sur la Direction
Offres fixes, Services et Contenus et un
troisième sur la Direction Entreprises.
Ils peuvent s’appuyer sur l’ensemble des
entités de la direction pour remplir leur
mission :
• l’entité « Excellence Opérationnelle »
qui mène des missions d’amélioration
de la performance avec une palette
d’outils et de méthodes éprouvés : le
Lean, les missions d’organisation et la
définition de plans de progrès,
• l’entité « Alignement stratégique », en
charge du référentiel des processus
métiers transverses dans un souci permanent de clarté et de simplicité,
• l’entité « Pilotage des projets de transformation », qui assure la gestion des
grands projets de l’entreprise sur l’ensemble de leurs composantes (Coûts,
Qualité, Délais, Fonctionnalités et
Valeur),
• l’entité en charge du pilotage de notre
programme de réduction des coûts,
qui aide les porteurs d’initiatives à les
mettre en œuvre et à traiter les risques
et les éventuelles difficultés,
• et enfin, l’entité « Management de la
performance transverse », qui recueille
et analyse l’ensemble des données
disponibles, y compris au travers de
benchmarks, pour identifier l’ensemble
des zones de non performance de
Bouygues Telecom dans ses grands
processus transverses.
Comment s’est faite l’appropriation
des outils et méthodes que vous avez
déployés et quelle est la perception des
opérationnels aujourd’hui ?
Il n’y a pas de règle. Certaines directions
ont très vite été intéressées et séduites
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7
interviews
par ces outils et méthodes (la Direction
Réseau et la DSI notamment) alors que
d’autres directions ont eu plus de mal à
en voir l’intérêt ou le potentiel.
De manière générale, les directions qui
ont engagé des projets étaient les plus
sensibles à l’atteinte de résultats concrets,
qu’ils se traduisent en gains économiques
directs ou bien en agilité et en qualité.
Avec le recul, voyez-vous des écueils à
éviter ?
Pour ce qui est de la diffusion de la
culture, le principal écueil est de vouloir
aller trop vite. Il faut prendre garde à
ce que les collaborateurs embarqués
adhèrent véritablement à la démarche.
Une transformation ne se décrète pas. Il
faut accepter de prendre du temps.
<< Le pré-requis indispensable est la prise
de conscience de l’urgence et de la nécessité
de se transformer. >>
Concernant les méthodes, et notamment le Lean 6 Sigma, il faut respecter
scrupuleusement la méthode, ne pas la
dévoyer. Au début, nous avons pu avoir
trop tendance à privilégier le nombre de
projets lancés. Bilan : des projets qui ont
eu du mal à aboutir voire même n’ont
jamais correctement démarré. Il faut
donc accepter d’en faire moins mais de
faire bien.
Enfin, il ne faut pas négliger l’importance
de l’accompagnement et du coaching. La
formation des managers ne suffit pas. Il
faut coacher et « faire avec » pour que le
geste change. En complément, certains
projets Lean réclament, pour obtenir les
gains un accompagnement spécifique
renforcé. Il faut l’anticiper.
Quels sont les grands enjeux de transformation que vous identifiez ? Quels
sont les facteurs clés de succès de la
transformation d’une entreprise comme
Bouygues Telecom ?
Au-delà des enjeux classiques auxquels
est confrontée toute entreprise qui se
transforme, Bouygues Telecom doit
relever quatre principaux défis.
1. Relever le défi d’industrialisation de
ses processus lié à la croissance signi­
ficative de notre base sur le Fixe.
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2. Optimiser nos dépenses pour ce qui
concerne le Mobile dont l’équilibre
économique est en train de changer
profondément.
3. Installer un nouveau modèle de commercialisation avec notre marque
B&You.
4. Enfin, nous devons renforcer nos positions dans le monde du Digital.
Quant aux facteurs clés de succès d’une
transformation, le pré-requis indispensable est la prise de conscience de
l’urgence et de la nécessité de se transformer.
L’implication de la Direction Générale est
bien évidement un facteur clé de succès
déterminant. Implication qui doit se traduire par un affichage clair et régulier des
priorités de l’entreprise à l’ensemble des
collaborateurs.
Au delà de la mise en place d’objectifs
et d’indicateurs de performance clairs
qui facilite le travail, il est crucial de
donner du sens à l’action et de s’assurer
que chacun a bien compris comment il
pouvait contribuer, par son action, à la
performance globale de l’entreprise.
Enfin, il ne faut pas hésiter, dans un
marché aussi changeant que le nôtre, à
réajuster le tir. L’alignement stratégique,
mené sur la base de cycles courts, nous
permet de réviser le cap pour mieux le
tenir.
Quels sont les grands défis que vous
souhaitez relever dans les années qui
viennent ?
Le grand défi est celui de la durée. Faire
en sorte que la démarche devienne naturelle pour l’ensemble des collaborateurs,
qui n’auraient plus besoin d’être stimulés
dans la recherche d’amélioration de leur
activité.
Autrement dit, réussir ce que nous nous
sommes dits en 2009 ; faire évoluer
l’entreprise de manière pérenne vers une
culture de la performance et du progrès.
En savoir plus :
Jérôme Besse,
[email protected],
Philippe Pestanes,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
Groupe Le Figaro
Transformation digitale de la presse :
bilan et perspectives
Marc Feuillée,
Président du SPQN (Syndicat
de la Presse Quotidienne
Nationale) et Directeur
Général du Groupe Le Figaro
Propos recueillis
par Philippe Pestanes
et Guillaume Raoux
Marc Feuillée, Président du SPQN et Directeur Général du
Groupe Le Figaro, fait un point sur l’évolution du marché de la
presse et analyse les initiatives de transformation entreprises
et à entreprendre par les groupes de presse.
Entre 2000 et 2010, la presse, en
France, a perdu 950 M€ (– 9,8 % sur
la période)1 – presse imprimée et
presse en ligne. Les groupes de presse
ont perdu environ 50 M€ de chiffre
d’affaire de diffusion (vente d’exemplaires imprimés et numériques) et
900 M€ de chiffres d’affaires publicitaires presse imprimée et presse
en ligne comprises1. Pour inverser la
tendance et survivre à la révolution
numérique, les groupes de presse se
transforment.
Comment expliquez-vous la difficulté
des groupes de presse à maintenir leur
chiffre d’affaire sur leurs deux principales sources de revenus (diffusion et
publicité) ?
En 10 ans, la perte de chiffre d’affaire
de la presse est d’environ 1 mil­
liard d’euros. La perte de chiffre
d’affaires de la presse est essentiel­
lement due à la perte de chiffre d’af­
faire publicitaire. Ce chiffre d’affaire est
Parcours
Né le 1er septembre 1962, diplômé de l’Institut politique de Paris et
de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC), Monsieur Marc
Feuillée fut contrôleur de gestion à la holding du Groupe Presse
Hachette (1987-1990).
Il rejoignit la SA Groupe Express où il fut contrôleur de gestion puis
directeur de la gestion (1990-1994) et directeur financier de la SA
Groupe Express (1994-1996).
Directeur général adjoint du Groupe LSA et Cie (éditeur de l’hebdomadaire « LSA-Le Journal de la Distribution ») (1997), il devint
en 1998 membre du directoire et directeur général adjoint de la SA
Groupe Express.
Nommé en 1999 directeur général de la SA Groupe Express, il
fut parallèlement directeur général du pôle information générale
regroupant les Groupes Express et Expansion – devenu en janvier
2002 Groupe Express-Expansion (2002-2006).
Il est nommé en septembre 2006 président du directoire du Groupe
devenu en 2008 Groupe Express-Roularta.
C’est en janvier 2011 qu’il prend la direction générale du Groupe
Figaro et est élu à la présidence du Syndicat de la Presse Quotidienne
Nationale (SPQN) en juillet 2011.
réparti auprès de plusieurs acteurs. Il a
été aspiré pour partie par la télévision
qui a cru à travers les offres TNT, mais
surtout par le secteur du numérique
et en particulier les portails comme
Google, qui dans le même temps représente un volume d’affaire d’à peu près
1 milliard d’euros en France. Je vois une
concomitance entre le déclin à hauteur
de 10 % des revenus de notre média et
la montée en puissance d’un acteur qui
est devenu très dominant sur le marché
de la publicité numérique.
En revanche la presse a stabilisé sa
diffusion et surtout elle a gagné la
bataille de l’audience. Jamais les jour­
naux et les marques de presse n’ont
eu une audience aussi importante.
L’audience de nos supports imprimés
reste forte puisque 35 millions de français déclarent lire la presse chaque
jour (tous types de presse confondus),
22 millions déclarent lire au moins un
quotidien, 27 millions déclarent lire au
moins un magazine.
Sur l’audience numérique, la presse, et
en particulier la presse quotidienne,
a remporté ses plus gros succès. En
10 ans la presse s’est imposée sur la
plupart des médias digitaux. Que ce
soit sur le web, sur le mobile ou sur les
tablettes, l’audience des sites de presse
est particulièrement forte. Sur le web,
parmi les 10 premiers sites d’actualités,
on retrouve 7 sites de presse qui représentent 75 % de l’audience cumulée de
ces 10 sites (source : Médiamétrie, juin
2012). On retrouve les sites du Figaro,
du Monde, du Parisien, du Nouvel
Observateur, de l’Express, du Point et de
20 minutes aux côtés des sites d’autres
médias comme celui de TF1, Europe1,
Yahoo News, Orange news et MSN
actualités. Toujours sur le web, parmi
1. Tous types de presse hors presse
gratuite d’annonces et d’information, presse
hebdomadaire régionale, presse étrangère en euros courants - source : DGMIC, enquête
éditeurs, analyse KS
Génération Kurt Salmon # 28
9
interviews
les 10 premiers sites d’information économiques on retrouve 6 sites de presse.
L’equipe.fr est le site leader d’information sportive devant Eurosport, Orange
sport, Dailymotion ou Yahoo Sport. Enfin,
dans le top 50 des sites, toutes catégories confondues, on retrouve 9 sites de
presse, les deux premiers sites étant
Google et Facebook. Par ailleurs, un peu
plus de 8 millions de « mobinautes »
consultent la presse depuis leurs mobiles
et 1,4 millions d’utilisateurs de tablettes
consultent la presse sur leurs tablettes.
L’audience numérique de la presse est
donc une audience très grand public et
c’est également une audience nouvelle
pour la presse. A titre d’exemple, seul
25 % de l’audience numérique du Figaro
est commune à l’audience de ses journaux imprimés.
Ce succès d’audience témoigne de la
capacité de la presse à créer des contenus qui séduisent de plus en plus de
consommateurs même si leurs modes
de consommation évoluent.
<< Ce succès d’audience témoigne de la
capacité de la presse à créer des contenus qui
séduisent de plus en plus de consommateurs
même si leurs modes de communication
évoluent. >>
La véritable problématique des
groupes de presse est une problé­
matique de modèle économique. Ces
10 dernières années, nous n’avons pas
pu valoriser notre audience numérique
dans les conditions dans lesquelles nous
avions pu historiquement valoriser notre
audience « print ». Pour relever le challenge de la monétisation des contenus,
les groupes de presse disposent cependant de deux atouts : l’audience déjà
constituée d’une part et la propriété des
contenus qu’ils produisent d’autre part.
Que doivent faire les groupes de presse
pour recouvrer un modèle économique
vertueux sur Internet ?
Les groupes de presse disposent
de deux champs d’actions : mener
une action sur les coûts, continuer à
développer l’audience et apprendre à
la valoriser.
Nous devons mener une action sur les
coûts qui passe par un redéploiement
des moyens d’une part – moins de frais
généraux et de frais industriels traditionnels et plus de moyens accordés au
10
développement et au numérique – et
d’autre part, par une augmentation de
la productivité dont le niveau hérité des
périodes fastes de la presse n’est plus
aligné avec les impératifs de compétitivité actuels.
Parallèlement, plusieurs leviers de valorisation de notre audience doivent être
approfondis. Sur le plan de la publicité,
nous devons mieux valoriser nos inventaires, introduire un media planning des
sites de qualité comme les nôtres qui
sortent de la simple volumétrie et du
ROI et nourrissent les marques, valoriser
les données clients, et enfin, apprendre à
commercialiser de manière différente à
travers notamment les « ad exchange »
(sorte de bourses où se négocient les
espaces publicitaires). Sur le plan de
la diffusion, nous devons habituer nos
lecteurs à mieux faire la différence entre
les contenus gratuits, qui resteront dans
l’offre comme les breaking news, et, des
contenus plus approfondis que nous
devons apprendre à commercialiser.
Cependant, le changement de modèle
économique et la valorisation de
notre audience sont rendus très dif­
ficiles par le poids des acteurs tech­
nologiques auxquels nous sommes
confrontés.
Les groupes médias sont complètement
dépendants de distributeurs en situation
de monopole de fait. Sur le web, le trafic
issu des portails et moteurs de recherche
aboutissant sur les sites de presse vient
à 93,5 % de Google (le reste venant de
Yahoo ou Bing). Sur les tablettes, plus de
90 % des téléchargements de la version
pdf de nos journaux sont faits depuis les
iPAD d’Apple. Dans le domaine du smartphone, a émergée une concurrence à
Apple avec Samsung et Android, qui,
espérons le, ne sera pas remis en cause
avec par les batailles juridiques qui se
livrent actuellement.
De plus, ces distributeurs captent l’intégralité de la valeur des contenus qu’ils
distribuent, alors même que les groupes
de presse supportent les coûts nécessaires à la production d’une information
de qualité. Tout cela pose un problème à
terme pour le pluralisme et l’originalité
des créations de contenu.
Ces acteurs sont gigantesques et
leurs centres de décision sont hors de
France : ils sont inaccessibles au lobby
des groupes de presse Français, qui sont
en fait de grosses PME domestiques.
Nous travaillons donc avec les pouvoirs publics pour mettre en place des
Génération Kurt Salmon # 28
redirigé sur le site de l’éditeur). C’est un
faux semblant car cette audience n’est
pas monétisable car elle est déjà monétisée par les portails. Il y a donc une piste
pour la création d’un droit voisin, c’est
d’ailleurs la piste du droit d’auteur qui
est utilisée par les allemands dans leur
projet de loi.
Probablement faut-il permettre la
redistribution via une taxation des
objets connectés. L’extraordinaire essor
des ventes d’objets connectés doit permettre d’enrichir la création qui développe l’usage de ces objets. Le cinéma,
la musique, l’information développent
l’usage des objets connectés et pour
autant la valeur qui est créée par cette
nouvelle économie est essentiellement
captée par quelques acteurs. Il serait
donc logique de mettre en place des
mécanismes de redistribution.
mécanismes régulateurs. Les acteurs de
l’audiovisuel commencent à se joindre à
nous dans ce combat pour plus de régulation, comme le feront demain les éditeurs de livre. Je note qu’en Allemagne,
grand pays de médias, pour la première
fois, les groupes de presse ont réussi à
faire en sorte que leur gouvernement
élabore une proposition de loi visant à
réglementer l’utilisation des contenus
de presse par les portails et notamment
Google, et ce malgré le lobbying très
agressif de la blogosphère et de Google
lui-même.
Le cas de la presse en ligne est un rare
cas où la distribution capte l’intégralité
de la valeur d’un secteur économique.
La télévision, même en monopole sur
la TV payante, participe au financement
des contenus qu’elle distribue : Canal+
participe au financement des films
qu’il diffuse. Dans le cinéma, les billets
sont soumis à une taxe qui participe au
financement des créations cinématographiques.
La TVA, qui est plus élevée sur la presse
en ligne (19,6 %) que sur la presse imprimée (2,6 %), nous handicape considé­
rablement à un moment où les ventes
de presse en ligne se développent et
peuvent représenter jusqu’à 10 % de nos
ventes.
Enfin les conditions générales de vente
et plus spécifiquement les paliers tari­
faires imposés par Apple qui est le principal distributeur de nos offres de presse
en ligne payante nous handicapent car ils
ne sont pas adaptés à nos produits.
Comment voyez-vous évoluer le marché de la presse imprimée dans les 5
à 10 années à venir ? Comment les
groupes de presse vont s’adapter et stabiliser leur économie qui repose encore
aujourd’hui largement sur la presse
imprimée ?
Quels sont les mécanismes régulateurs
que vous voyez se mettre en place dans
les années à venir ?
La distinction ne se fera plus vraiment
entre « print » et « numérique » mais
entre contenus payants et contenus
gratuits. Les versions imprimées étant
évidemment des contenus payants, chers
et super premiums. Sur les sites Internet
figureront de plus en plus des offres complémentaires payantes et premium. Il y
aura une offre breaking news gratuite,
que ce soit sur des quotidiens imprimés
gratuits ou sur Internet, mobile…
La création d’un droit voisin. Les portails aspirent la totalité de nos contenus et les mettent à disposition de
leur audience sans demander aucune
autorisation et aucun droit. Ils estiment
que ce droit est rempli par le fait que
cela génère de l’audience sur nos sites
(lorsque l’internaute clique sur un article
présent sur Google Actualités, il est
La part de la presse imprimée continuera
de baisser dans les revenus des groupes
de presse au fur et à mesure du développement de la presse en ligne. Dans les
diffusions des journaux imprimés payants,
la part de la vente kiosque déclinera et
la part des abonnements progressera. La
part des diffusions numériques commencera à peser véritablement.
Génération Kurt Salmon # 28
11
interviews
Tout cela se fera sur la base d’un
outil industriel rénové et mutualisé.
Les rédactions s’organiseront autour
de pôles d’information, « newsrooms »
ou agences internes qui diffuseront des
contenus multisupports. Les régies seront
multisupports. Des efforts d’organisation
et de productivité permettront une bonne
allocation des moyens et une plus forte
rentabilité.
Pour tirer la quintessence du multi support, les groupes de presse ne devrontils pas être de plus en plus multimédia,
la grande partie de leur production étant
aujourd’hui écrite ?
De plus en plus, la production numé­
rique des groupes de presse est
hybride. L’information produite par les
groupes de presse évolue et évoluera :
information écrite, base de données,
contenu communautaire, image et vidéo.
Quel a été le rôle de la diversification
entreprise par les groupes de presse ces
dernières années ?
La diversification a toujours fait partie
de la vie des groupes de presse. A titre
d’exemple, la diversification dans les
grands groupes de presse quotidienne
représente en moyenne 45 % des revenus.
On y trouve, par exemple, les suppléments
magazines, les événements ou encore
les annonces classées sur Internet : le
groupe Figaro avec Cadremploi et Figaro
Classifieds, le groupe Axel Springer
avec Seloger en France ou Totaljobs au
Royaume Uni, Schibsted avec Leboncoin.
Ces diversifications sont très proches
finalement de l’activité de base des
groupes de presse : les quotidiens ont
toujours étaient un maillon important de
la mise en relation dans l’emploi, l’immobilier, l’automobile.
Que dire des diversifications plus éloignées du métier de base des groupes
de presse qui visaient à appréhender un
nouveau territoire qu’est le numérique ?
On est à un moment où les groupes de
presse tirent les enseignements des
diversifications menées ces dernières
années. Tout le monde pensait que ces
diversifications étaient transforma­
trices du métier de base. La réponse
est non.
Le métier de base doit se réformer en luimême. Ce n’est pas parce que le groupe
NY Times a racheté about.com que cela
va transformer son quotidien. Ce n’’est
pas parce que le groupe Axel Springer a
acheté aufeminin.com que cela va transformer le Bild (grand quotidien allemand)
12
et résoudre ses problématiques. Ce
n’est pas parce que le Figaro a racheté
Ticketac (billetterie spectacle et théâtre
sur Internet) que cela va transformer
la logique de travail au sein du Figaro
culture et du Figaroscope. Cela peut
participer à un projet global de diversification des recettes et des profits mais
en revanche, le problème de modèle économique, de valorisation de l’audience et
de productivité ne trouve pas sa solution
dans les diversifications. Les groupes de
presse doivent transformer leur modèle
traditionnel. La mode de l’acquisition
qui devrait transformer une culture ou
une logique économique est passée. La
diversification c’est du développement,
c’est de la croissance nouvelle, des
profits nouveaux, de la complémentarité,
mais la transformation du métier de base
vers l’information numérique disponible
24/24h sur tous supports – le web, les
mobiles, les tablettes et demain la TV
connectée – doit se faire à l’intérieur des
grandes rédactions des journaux.
Par ailleurs, on est à un moment où
les groupes de presse tirent les ensei­
gnements des diversifications menées
ces dernières années – qu’est ce qui
marche/ne marche pas, qu’est ce qui est
synergique/pas synergique, qu’est ce qui
est rentable/pas rentable – pour faire le
tri dans leurs politiques de développement. Ces dernières années, les acquisitions n’étaient pas véritablement ciblées,
il fallait à tout prix réaliser des acquisitions « transformatrices ». Maintenant, les
acquisitions sont beaucoup plus ciblées,
on sait ce qui marche, les modèles rentabilité sont mieux connus, les équipes
numériques sont plus étoffées et
occupent une place importante dans la
hiérarchie des groupes, ce qui permet de
faire des choix plus judicieux.
Quelles vont être les champs de diversification dans les années à venir ?
D’abord le classified, le classified, le classified. Je pense que le e-Commerce sous
certaines réserves est un bon relais de
croissance. Ensuite l’événementiel est aussi
un territoire important : séminaires/formations, salons, manifestations sportives.
Par ailleurs, les groupes de presse, dans
la recherche d’une taille critique, vont
effectuer des mouvements de consolidation en France.
En savoir plus :
Philippe Pestanes,
[email protected],
Guillaume Raoux,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
Sacem
© Marc Chesneau.
Retour sur la mutation numérique
de l’industrie musicale
Jean-Noël Tronc,
Directeur Général
de la Sacem
Propos recueillis
par Sarah Perez
et Philippe Pestanes
L’industrie de la musique est l’une des premières industries
culturelles à avoir été confrontée à la révolution numérique,
cette dernière ayant engendré une mutation du secteur
toujours à l’œuvre aujourd’hui.
Ainsi, depuis début 2012, le marché de la musique affiche
encore une chute des ventes physiques (– 13 % entre Q4 2011
et Q1 2012)1 pour s’établir au premier trimestre 2012 à
83,1 M€. En contrepartie, on constate une progression des
ventes de musique dématérialisée, auxquelles s’ajoutent les
abonnements ou produits musicaux financés par la publicité
(+ 23,9 % à 32 M€ au premier trimestre 2012). Mais le chemin
reste encore long pour compenser les pertes de revenus sur
support physique : la croissance du numérique représente la
moitié des pertes du support physique en valeur absolue.
En plus de 10 années, l’industrie de la
musique a contribué à de profondes évolutions liées au numérique, notamment
en terme d’accessibilité, de mode de
création, de production ou de diffusion,
etc. Quelles ont été les principales ruptures que vous retenez dans cette transformation profonde du marché ?
1. Source : SNEP, chiffre publié
Q1 2012.
J’en retiens principalement deux choses.
La première est la possibilité pour tout
créateur, tout artiste, de diffuser via
Internet ses musiques, ses créations, ce
qu’on appelle communément le « directto-fan », ou la désintermédiation. Pour
autant, le rôle essentiel des grands
acteurs du métier de la musique pour
produire les artistes, organiser des tournées, distribuer les œuvres, sous format
numérique comme physique, demeure
pleinement d’actualité. Des artistes
comme Grégoire (soutenu par un site
Parcours
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de l’Essec,
Jean-Noël Tronc a travaillé pour le Parlement européen, puis chez
Andersen Consulting et au Commissariat général du Plan, avant de
devenir conseiller “nouvelles technologies et société de l’information” du Premier ministre de 1997 à 2002.
Après cinq ans chez France Telecom/Orange (2002-2007) où il fut
notamment directeur de la stratégie et de la marque, puis directeur
général d’Orange France, il a été durant trois ans PDG de Canal+
Overseas qui regroupe les activités de télévision payante du groupe
Canal Plus dans l’Outre-Mer et à l’international, avant de rejoindre
la Sacem en tant que Directeur général, en juin 2012.
Il est également Vice-Président du GESAC (groupement européen
des sociétés d’auteurs). de financement participatif) font plutôt
figure d’exception. Et le retour récent
de Trent Reznor (Nine Inch Nails) dans
une maison de disque – après avoir été
autoproduit quelques années – en est un
autre exemple.
La seconde, c’est une fragmentation
importante dans tout ce qui concerne la
musique. A commencer par la croissance
importante dans la diversité des répertoires que nous écoutons. Il y a quelques
décennies, les goûts musicaux étaient
relativement stables, limités à quelques
genres. De nos jours, on écoute de très
nombreux types de musique, du classique
à l’électro, en passant par la pop, le rap,
le R’n’B, les musiques du monde… Notre
univers musical s’est fortement enrichi.
Les droits à traiter sont également de
plus en plus complexes, et les diffusions
de musique explosent. Les œuvres sont
de plus en plus morcelées pour leurs
droits, par exemple certaines œuvres de
musiques urbaines qui font une carrière
internationale et où il peut y avoir des
dizaines d’ayants-droits concernés. Les
droits perçus sont fréquemment du micropaiement, quelques millièmes d’euros pour
une écoute en streaming par exemple. Et
la prolifération des terminaux numériques
multiplie les possibilités d’écoute et de
copie pour nous tous. La musique est
partout, et sous des formes très diverses.
De nombreux nouveaux business
modèles ont émergé ces dernières
années. Par quels types de business
modèles l’industrie sera-t-elle désormais
Génération Kurt Salmon # 28
13
interviews
portée ? Quels impacts ont-ils sur la
chaîne de valeur traditionnelle du secteur ? Comment les acteurs historiques
se sont-ils ou doivent-ils s’adapter ?
Il existe deux modèles principaux pour
écouter sa musique en ligne. D’une part,
le téléchargement de morceaux (via des
sites comme Qobuz, Fnac.com ou ITunes
etc.) : vous achetez le titre et le conservez sur vos appareils. Cet achat peut être
direct (payé par vous) ou indirectement
payé par la publicité (par exemple sur
Beezik).
D’autre part, l’écoute en continu (dite
« streaming ») où vous accédez à des
titres pour les écouter sans en disposer
définitivement. Ce sont des modèles
comme ceux de Spotify, Deezer, mais
aussi Youtube, les webradios. Là aussi,
tous les modèles existent, de l’abonnement mensuel, au « gratuit » payé par la
publicité.
<< La question centrale est celle du partage
de la valeur entre les maillons de la chaîne.
Pour le moment, pour les créateurs et artistes,
le compte n’y est pas. >>
Et puis, il y a l’arrivée de services comme
le cloud-computing, qui proposent encore
d’autres modèles économiques.
Donc, l’industrie sera portée, comme çela
a toujours été le cas, par l’ensemble de
ces modèles… et par la permanence des
modes de consommation antérieurs, qui
continuent d’exister. Par le passé, la radio
n’a pas fait disparaître les disques, la télévision n’a pas tué le cinéma. L’histoire des
pratiques culturelles est toujours celle
d’une coexistence des nouveaux modes
de consommation avec les plus anciens.
Deux exemples : pour le moment, 70 %
de la musique achetée en France (hors
spectacle vivant) l’est encore sur supports physiques. Et une étude récente
de Nielsen aux Etats-Unis cet été, sur les
« teens » (les adolescents) montrait que
ces derniers, contrairement aux idées
reçues, achètent plus de musique que
leurs parents. C’est bien normal, puisqu’ils
ont beaucoup plus d’occasions et de
moyens technologiques de le faire que
les générations antérieures !
La question centrale est celle de la
chaîne de valeur, ou plus exactement du
partage de valeur entre tous les maillons
de la chaîne. Pour le moment, pour les
créateurs et artistes, le compte n’y est
pas. En effet, pourquoi achèterions-nous,
14
vous et moi, des téléphones portables à
plus de 500 €, qui du point de vue de la
téléphonie ne sont pas aussi performants
que ce qui se faisait il y a cinq ans (plus
fragile, moins d’autonomie…) et dix fois
plus chers ? Principalement, parce que
nous pouvons y stocker et écouter notre
musique, y regarder des vidéos et y jouer
aux jeux vidéos.
Et pourtant, les créateurs, artistes, producteurs reçoivent quelques euros seulement sur ces appareils, au titre de la
redevance pour copie privée, et même
ces quelques euros, les importateurs de
ces matériels trouvent qu’ils sont excessifs, et ils font tout leur possible pour
détruire le système de la copie privée, en
France et en Europe.
Le problème est mutatis mutandis le
même avec les réseaux : pendant des
années, l’usage du web s’est développé
notamment grâce aux œuvres de l’esprit
qui y circulaient. Il est difficile en effet de
croire que les Français ont massivement
souscrit à des abonnements haut-débit
uniquement pour envoyer des emails et se
connecter aux sites administratifs en ligne
– même si ces derniers sont fort utiles.
Et pourtant, aujourd’hui, les fournisseurs
d’accès à Internet, par exemple, ne participent pas au financement de la création,
notamment musicale. Il y a là une question
d’équité et de justice qu’il faut traiter.
Malgré les nombreux accords signés
avec les principaux diffuseurs de contenus numériques (iTunes, Youtube…), les
recettes numériques ne pèsent encore
que 2 % des 820 M€ de droits perçus
en France par la SACEM. Comment
cette dernière peut-elle faire croître
d’avantage ces revenus ? Comment ses
homologues Européen et Américains s’y
prennent-ils ?
En réalité, les recettes numériques de la
Sacem pèsent plus près de 15 % de ses
perceptions totales, car la copie privée,
c’est du numérique, les fournisseurs
d’accès à Internet qui distribuent des
chaînes de télévision, c’est du numérique… Et on pourrait même considérer,
avec la diffusion par le câble et satellite,
et l’extinction de l’analogique, que toute
diffusion par la télévision est dorénavant
numérique.
Avec les sociétés de l’Internet, la Sacem
a plus de 300 contrats. La croissance de
ces revenus pour l’avenir tient à trois facteurs principaux :
• Une politique active de signature de
licences avec l’ensemble des diffuseurs de contenus numériques sur
Génération Kurt Salmon # 28
les réseaux, que la Sacem poursuit
depuis des années, et sur laquelle nous
sommes très en pointe – nous avons
signé dès 2004 avec Itunes, au lancement du service en Europe, nous avons
été les premiers en France à signer
avec YouTube, nous avons des licences
paneuropéennes avec Spotify et Itunes
depuis 2009, nous sommes aussi titulaires du contrat de centralisation d’Universal Music Publishing International
Ltd pour les usages en ligne.
• Un vrai développement de l’offre légale
en ligne qu’elle soit payante ou gratuite. Le piratage sur Internet a fait
des ravages en particulier parce qu’il
perturbe la transition économique vers
ces modèles légaux. Heureusement,
nous avons – pour la musique en tous
cas – passé le plus difficile, même si
beaucoup reste à faire pour consolider
les entreprises en ligne.
• U ne réflexion approfondie sur le
partage de la valeur dans l’ensemble
de la chaîne. Une partie de la valeur
générée par la circulation et l’utilisation
des œuvres de l’esprit sur les réseaux,
ne revient pas pour le moment
aux créateurs et artistes, qui sont
pourtant les premiers maillons de la
chaîne économique, ceux par qui tout
commence, et qui se trouvent aussi
être les plus faibles économiquement.
En ce qui concerne nos membres,
auteurs et compositeurs de musique,
nous avons mené une étude qui montre
que depuis 2003, leurs revenus ont
baissé en moyenne de 26 %… alors
même que leurs œuvres sont de plus
en plus diffusées, et écoutées. Il faut
donc trouver des solutions pour faire
participer plus les premiers bénéficiaires
économiques numériques que sont les
télécoms, les fabricants de terminaux et
les plus grands acteurs du web, quels
qu’ils soient, au financement de la
création et aux revenus des créateurs.
Quels sont les enjeux et batailles futures
que l’industrie devra mener dans les
années à venir ? Par quels moyens le
secteur de la musique pourra-t-il sortir
de la tenaille dans laquelle il est pris
aujourd’hui, entre les opérateurs télécoms d’une part, et les équipementiers
internationaux d’autre part, qui captent
une part croissante de la valeur ?
L’une des principales batailles que nous
devrons mener en tant qu’industrie est
d’abord pédagogique : faire comprendre
que les industries culturelles sont l’avenir
du numérique et une force pour l’emploi
et la croissance dans notre pays, et en
Europe.
Depuis plus de 15 ans que la question
du rapport entre industries numériques
et industries culturelles se pose, on en
revient toujours à cette idée fausse que
les premières n’ont qu’à se développer et
les secondes à s’adapter.
En réalité, les industries créatives, qui
combinent la création, la production et
la distribution de biens et de services qui
sont culturels par nature et protégés par
les droits de propriété intellectuelle, et
dont la musique fait partie, représentent
dans notre pays 1,6 millions d’emplois et
7 % du PIB. La plupart de ces emplois ne
sont d’ailleurs pas délocalisables.
Le domaine des industries culturelles
est le seul où la France (et l’Europe) ont
encore les atouts suffisants pour espérer
donner naissance à des champions internationaux du numérique.
Génération Kurt Salmon # 28
15
interviews
Après avoir fait jeu égal, voire dépassé
les Etats-Unis dans les années 1980
et 1990, les industries européennes de
l’informatique et des télécommunications
ont pratiquement disparu : plus un PC,
plus une tablette, plus un téléphone
portable, n’est fabriqué en France, très peu
dans l’Europe des 27. Les équipementiers
auxquels vous faites référence sont en
fait des importateurs de matériel, pas
des industries qui créent des emplois
localement. Leur bataille contre la copie
privée est une bataille pour leurs marges
bénéficiaires. Nous, nous nous battons
pour la création et pour l’emploi.
<< Notre objectif, c’est de faire de la Sacem
la première société de gestion collective
d’Europe à l’ère numérique >>
Dans le domaine du numérique, les
entreprises qui sont des succès entrent
en général dans le champ des industries
créatives, ou vivent avec elles dans un
rapport symbiotique. Pour ne citer que
quelques exemples, Universal (numéro
un mondial de la musique) est français,
Hachette est le deuxième éditeur mondial,
le cinéma français est le deuxième au
monde, la France est le 1er pays après les
Etats-Unis pour la production de jeux sur
Facebook, un site comme Dailymotion
possède déjà une audience à 85 %
internationale, Deezer (site d’écoute en
continu de musique ou streaming) a lancé
fin 2011 un vaste plan de déploiement
international, Believe est déjà le premier
acteur européen de la distribution et des
services numériques pour les labels de
musiques indépendants…
Dans ce contexte en forte mutation,
quelles sont les principaux jalons de la
feuille de route que vous vous voulez
dessiner pour la Sacem ? Anticipez-vous
des adaptations nécessaires de ses missions et modes de fonctionnement ?
16
Notre objectif, c’est de faire de la Sacem
la première société de gestion collective
d’Europe à l’ère numérique, ce qui passe
par la préservation et la diversification
de nos perceptions, la poursuite de notre
modernisation informatique, et surtout
une amélioration constante des services
rendus à ses 141 000 sociétaires, dont
10 % sont étrangers. Nos sociétaires
représentent tous les genres musicaux,
bien sûr, mais aussi d’autres secteurs
importants de la création, en particulier
celui de l’audiovisuel et du cinéma, avec
les auteurs-réalisateurs (pour la captation
de spectacles vivants, les émissions et
documentaires musicaux, les clips, etc.)
et les auteurs de doublage, qui sont plusieurs milliers à la Sacem, ou encore dans
le domaine de l’humour.
J’ai une certitude, c’est qu’étant donnée
la fragmentation des usages, des droits
et des paiements que je vous décrivais
plus haut, la gestion collective est tout
simplement le système le plus efficace
dans l’univers numérique, où de grandes
plateformes sont indispensables pour
optimiser l’interface entre créateurs et
utilisateurs de musique.
C’est aussi le système le plus juste : le
créateur est un entrepreneur individuel.
La gestion collective permet aux auteurs,
compositeurs et éditeurs de s’unir pour
faire valoir leurs droits face aux utilisateurs des œuvres, nombreux et pour certains très puissants, et de conserver leur
liberté face aux puissances de l’argent.
L’alternative est soit un créateur seul face
aux utilisateurs, soit un créateur dépendant de mécènes et du bon vouloir des
« princes ». La gestion collective, c’est
donc ce qui permet aujourd’hui comme
hier aux créateurs de conserver leur indépendance.
En savoir plus :
Sarah Perez, [email protected],
Philippe Pestanes,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
Fédération Française de Rugby
Pierre Camou,
Président de la Fédération
Française de Rugby
Propos recueillis
par François Hilbrandt
Les Assises Nationales du Rugby :
une démarche de transformation
novatrice et collective pour
poursuivre le développement
de l’ensemble du Rugby français
La FFR s’est engagée dans une démarche globale de réflexion
et de transformation. Les Assises du rugby français, qui se
sont tenues en mars dernier à Marcoussis, ont permis de
balayer l’ensemble des enjeux majeurs de la filière pour le
futur, parmi lesquelles le développement des pratiques du
rugby, l’organisation de la fédération, la formation des élites,
mais aussi les enjeux économiques liés aux relations entre
notre sport et l’industrie des médias.
Pouvez-vous nous décrire
la genèse des Assises
Nationales du Rugby
français et nous en
décrire le principe ?
C’est sur une idée relativement simple qu’est née la volonté d’organiser les premières Assises Nationales
du Rugby français : trop souvent, les
organisations humaines engagent des
réflexions dans l’urgence lorsqu’elles sont
confrontées à une difficulté immédiate. Ce
n’est pas ainsi que nous souhaitions nous
projeter dans l’avenir.
A l’évidence, le Rugby français se porte
bien. Il a connu un développement fort
ces dernières années, tant au niveau
du nombre de licenciés qui a franchi le
nombre de 400 000, que de l’exposition
médiatique de l’équipe de France, ou
encore de l’économie des clubs professionnels et du championnat de France qui
est l’un des plus attractifs au monde. Il eut
été facile de tomber dans un excès d’optimisme et d’oublier les difficultés qui nous
entourent et qui émanent parfois de cette
croissance récente.
Le succès que connaît notre sport, nous
le considérons comme une opportunité
mais surtout comme un défi à relever.
Une opportunité car c’est l’objet même
de la Fédération que de développer le
Rugby partout en France et sous toutes
ses formes… Un défi car l’afflux massif de
publics et de pratiquants doit être encouragé sans pour autant dénaturer l’identité
de notre sport et les valeurs positives
qu’il véhicule. Le Rugby a sans aucun
doute atteint un nouveau stade de son
développement, il était donc essentiel de
s’arrêter un instant, de se donner le temps
de la réflexion, d’apprécier les mutations de
notre environnement, et surtout de se projeter dans l’avenir en appréciant les moyens
à mettre en œuvre pour poursuivre ce développement que nous voulons harmonieux.
Pour mener à bien ce projet, le comité
directeur de la Fédération, sur ma proposition, a décidé de regrouper dans un même
lieu et faire travailler ensemble pendant
3 jours l’ensemble des acteurs du Rugby
hexagonal autour d’une problématique
simple : comment poursuivre le développement de l’ensemble du Rugby français
et comment gagner enfin la Coupe du
Monde !
120 personnes ont donc été désignées,
représentant l’ensemble des composantes
de notre Rugby et toutes les catégories
du jeu : du club régional à l’Equipe de
France, du joueur au dirigeant, mais aussi
les différentes amicales et les partenaires
sociaux, les éducateurs, les entraîneurs, les
représentants de l’ensemble des régions…
bref, toute notre diversité.
Quels étaient les sujets des ateliers des
Assises ?
Notre ambition était de traiter de l’ensemble des sujets qui composent les missions de la Fédération. Nous avons donc
définis 40 ateliers distincts répartis en
5 grands thèmes.
Bien évidemment, Il a été question des
aspects sportifs et de notre élite autour de
sujets comme la compétitivité de l’Equipe
de France, la formation de notre élite et
l’adaptation du calendrier global.
Génération Kurt Salmon # 28
17
interviews
Le développement des pratiques et du club
ont aussi été au cœur de nos préoccupations : le rugby à 7, l’intégration à l’olympisme, le rugby féminin, le développement
territorial, le développement des clubs, la
fidélisation de nos licenciés sont des sujets
clés pour l’avenir de notre pratique.
Nous avons aussi accordé une place aux
réflexions sur notre organisation et les relations institutionnelles du Rugby français.
<< Le Rugby a
sans aucun doute
atteint un nouveau
stade de son
développement,
il était donc
essentiel de
s’arrêter un instant,
de se donner
le temps de la
réflexion pour
poursuivre ce
développement
que nous voulons
harmonieux. >>
Les préoccupations économiques ont été
traitées autour d’un thème sur le développement de nos ressources. Le sujet
du Grand Stade de la Fédération a bien
évidemment été évoqué, mais pas uniquement ! La médiatisation de notre pratique
et le développement de l’ensemble de nos
ressources ont aussi fait l’objet de débats.
Enfin, notre dernier grand thème était
centré autour des réflexions sur nos
valeurs et sur la préservation des acteurs
de notre jeu. Là encore les sujets étaient
nombreux avec la solidarité, l’éthique,
l’emploi, le bénévolat, la sécurité, le
médical, la discipline…
Quelles étaient les sujets de préoccupation et les difficultés que se devaient
d’appréhender ces assises ?
Nos préoccupations étaient diverses. En
premier lieu et nous l’avons déjà évoqué,
l’idée était d’inventer le Rugby pour les
15 ans à venir avec un double fil conducteur : le développement équilibré de
l’ensemble des composantes du Rugby
et l’objectif sportif de gagner la Coupe
du Monde. Ces deux aspects doivent se
nourrir l’un l’autre et nous ne saurions
concevoir l’idée de réussite si la réalisation
de l’un se faisait au détriment de l’autre…
Par ailleurs, notre sport s’inscrit forcément
dans un contexte plus large, il est confronté
aux mêmes mutations que l’ensemble de
la société. Il est essentiel de refuser le repli
sur soi par essence contre productif et de
s’interroger sur ces mutations.
Notre développement récent ne nous
conduit pas à l’excès d’optimisme et nous
n’ignorions pas les diverses problématiques
auxquelles nous sommes confrontés telles
que la crise du bénévolat, la désertification
rurale, la complexité administrative croissante, la nécessité d’améliorer la relation
élus-salariés au sein de notre organisation,
la fidélisation des pratiquants, l’anticipation d’un contexte économique difficile
pour les pratiquants et les clubs à tous
les niveaux, les calendriers surchargés et
manquant de lisibilité, les tensions ponctuelles entre les acteurs, les difficultés pour
faire émerger notre jeune élite au plus haut
niveau senior, les risques de dérapages et
18
de déséquilibre économique pour notre
secteur professionnel…
Pourquoi avoir fait le choix d’une telle
démarche collective et participative pour
imaginer l’avenir du Rugby français ?
Plusieurs options s’offraient à nous pour
engager ce projet. Nous pouvions restreindre les réflexions stratégiques à un
groupe limité d’élus de notre Fédération
ou choisir un prestataire pour nous faire
des propositions. L’idée était différente,
nous connaissons la richesse et la diversité
des différentes familles du Rugby français,
nous savons aussi que le développement
de notre sport passe par l’échange et un
dialogue constructif et collectif entre ces
différentes familles.
Réunir l’ensemble des composantes
du Rugby autour d’un vaste séminaire
de réflexions stratégiques était donc la
solution la plus pertinente. Elle était à la
fois conforme à notre culture mais aussi
nouvelle dans sa forme et possédait enfin
plusieurs vertus essentielles : faire appréhender à chacun la position de l’autre,
fédérer les idées et faire comprendre les
interdépendances et les équilibres qui gouvernent le développement de notre sport.
Pourquoi avoir choisi Kurt Salmon pour
vous aider à conduire cette démarche ?
En premier lieu, Kurt Salmon possédait
l’avantage de bien connaître le champ du
sport et des fédérations et d’avoir conduit
des démarches similaires pour d’autres institutions sportives dont la Ligue Nationale
de Rugby.
Il était essentiel d’être accompagné dans
cette démarche, pour structurer ce travail
collectif. Nous avons définis 40 sujets à
traiter sur les trois jours, il fallait pouvoir
cadrer ces sujets, apporter des éléments
factuels de compréhension des enjeux à
l’ensemble des participants, animer les
groupes de travail mais aussi restituer la
richesse des échanges… Plus globalement,
il était important que Kurt Salmon soit
capable de nous proposer plusieurs alternatives dans la méthodologie des travaux
en mettant en avant les différents enjeux
liés à chacune des formules de conduite
du séminaire. Même si ce n’était pas
aisé, nous voulions favoriser l’émergence
d’idées et la méthodologie a été adaptée
en ce sens !
Justement, comment passer de la production d’idée à celui de la réalisation ?
Dès le départ, nous avions à l’esprit que
les Assises du Rugby français étaient un
premier pas, celui de la production des
idées. L’ensemble des pistes de réflexion
Génération Kurt Salmon # 28
ont été consignées
dans un livre blanc,
disponible sur notre
site Internet (www.ffr.
fr) et distribué au plus
grand nombre afin
que chacun puisse
s’en emparer et poursuivre les réflexions.
Néanmoins, il était
clair que les principales pistes devaient
être approfondies.
Nous avons choisi,
avec Kurt Salmon de mettre en œuvre
3 groupes de travail sur les trois sujets
qui ressortaient dans un premier temps
comme prioritaires à l’issue des assises :
la compétitivité du XV de France, la filière
de formation et l’Ecole de Rugby.
Là encore, nous avons choisi une démarche
novatrice en confiant à trois personnalités
reconnues de notre sport (Serge Blanco,
Fabien Pelous et Henri Broncan) de
conduire des groupes de travail d’approfondissement. Les « pilotes » de ces trois
groupes de travail ont eu la liberté de
s’entourer des individus qu’ils jugeaient
pertinents pour réaliser différents travaux.
Nous leur avons juste indiqué une feuille
de route en plusieurs étapes.
La première consigne était de s’inspirer
des réflexions émises lors des Assises
tout en s’assurant de l’exhaustivité des
questionnements. Surtout, nous souhaitons que les groupes de travail formulent
des propositions concrètes. Ainsi, chaque
action possible doit être pesée au regard
notamment de ses conséquences en
termes d’organisation et de financement
mais aussi de l’ensemble des contraintes
qu’elle engendre. Nous voulons que nos
décisions soient prises en fonction de leurs
contributions à nos différents objectifs. Ce
n’est pas un exercice facile pour des gens
dont ce n’est pas le métier et là aussi la
présence de Kurt Salmon s’avère décisive
pour que nos « experts », nos techniciens,
trouvent le bon dosage entre la recherche
de la bonne idée et les conséquences de
sa matérialisation concrète.
L’objectif final est clair, nous voulons
nous assurer que les groupes de travail
fournissent les bonnes clés de lecture au
Comité Directeur, qui lui, sera appelé à
prendre les décisions.
En effet, si notre démarche est à la fois
collective et innovante, elle s’inscrit pleinement dans le mode de fonctionnement
d’une fédération sportive. Le temps de la
décision revient aux élus et c’est bien le
Comité Directeur qui arbitrera et décidera
des actions à mettre en œuvre à partir des
idées des Assises et de leurs traductions en
actions concrètes résultant des groupes de
travail. Voilà un processus de prise de décision qui nous donne entière satisfaction, il
nous apparaît à la fois ouvert, il anticipe les
enjeux à venir mais il est aussi pragmatique.
Et la mise en œuvre ?
Nous n’en sommes pas encore là, car les
décisions politiques seront prises à partir de
la fin de l’année 2012. Mais là aussi, une fois
les décisions prises, ce sont bien les élus et
les salariés de la Fédération qui auront la
charge de mettre en œuvre de la manière
la plus juste et efficace ces actions. Nous
resterons attentifs au dialogue et saurons
expliquer le pourquoi de nos décisions tout
au long de cette mise en œuvre.
Comment juger de la réussite d’un tel
projet ?
Il y a plusieurs niveaux de lecture pour
définir la réussite d’un tel projet. La première tient à sa réalisation et pour l’instant les premières étapes que sont les
assises et les groupes de travail peuvent
être considérées comme des réussites.
Les assises ont représenté un moment
unique de convivialité et d’échange. Trois
jours durant nous avons travaillé ensemble
mais aussi vécu ensemble et cette notion
de partage est importante dans notre
démarche.
Les différentes propositions étaient forcément de qualités disparates, mais cela
n’est pas surprenant et ce sera à nous de
trier le grain et la récolte sera bonne sans
aucun doute.
Le deuxième niveau se jugera sur le long
terme voir le très long terme. Les conséquences de nos décisions ne pourront se
voir que dans un certains temps…
Nous ne pourrons récolter le fruit de nos
travaux sur des sujets comme la filière de
formation des jeunes rugbymen de haut
niveau que dans de nombreuses années.
Nous avons donc rendez vous avec l’avenir
et pour conclure je citerais volontiers Jean
Jaurès « Il ne faut avoir aucun regret pour
le passé, aucun remord pour le présent et
une confiance inébranlable pour l’avenir ».
Kurt Salmon tient à remercier Monsieur
Pierre Camou, Président de la FFR
pour le temps accordé. Monsieur Alain
Doucet, Secrétaire général et Monsieur
Olivier Keraudren, Directeur de cabinet
de la présidence et Directeur des activités sportives et juridiques, pour la
confiance qu’ils nous ont accordée.
En savoir plus : François Hilbrandt,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
19
Retours d’expérience <
Quels leviers d’optimisation
pour favoriser la nécessaire transformation
des opérateurs télécoms européen ?
Par Jérôme Besse
Sur un marché en profonde transformation, les grands
opérateurs européens doivent relever de multiples défis :
répondre à la pression concurrentielle accrue et la généralisation
des offres illimitées à coûts réduits ; contenir l’érosion de la
valeur ; faire face aux évolutions réglementaires et à la baisse
des terminaisons d’appels, poursuivre des investissements lourds,
notamment dans les infrastructures réseau, et répondre aux
évolutions des comportements et des usages des clients.
Les opérateurs font preuve de beaucoup
de créativité pour maintenir des offres
attractives et limiter l’érosion de leurs
revenus, mais face la baisse de valeur
à laquelle ils sont confrontés, c’est fondamentalement toute l’équation économique de leur activité qu’il est nécessaire
de revoir.
Ils doivent notamment revoir leur structure de coûts pour dégager les marges
de manœuvre nécessaires pour relever
ces enjeux et trouver les moyens de leur
développement dans les années qui
viennent.
Structure de coût d’un opérateur
mobile
10 %
40 %
20 %
15 %
5%
10 %
Coûts commerciaux
Relation client
Communication et marketing
Réseau
Gestion et administration
Autres (dont SI)
Source : analyses Kurt Salmon
20
Un effort particulier sur les coûts
commerciaux
Face à une pression concurrentielle de
plus en plus forte, la tentation est grande
de renforcer les coûts commerciaux pour
défendre son parc de clients et maintenir
sa part de marché. Les coûts commerciaux,
qui constituent la plus grande part des
coûts opérationnels doivent néanmoins
être maîtrisés. Trois grandes options se
dessinent :
• adapter les coûts d’acquisition et les
coûts de rétention, notamment les
modèles de subventionnement, en
privilégiant les terminaux présentant le
meilleur rendement,
• adapter le modèle de commissionnement
des vendeurs pour tenir compte
des comportements de plus en plus
opportunistes des clients,
• faire évoluer les canaux de distribution
pour en renforcer la performance
opérationnelle et pousser les clients
vers les canaux les moins onéreux (site
Internet notamment).
Une baisse significative des coûts
de relation client et du marketing
La relation client, essentielle dans une
industrie de services comme les télécoms
et bien souvent axe de communication des
opérateurs, constitue un levier de réduction
de coût important. Mais comment faire
pour maintenir le niveau de qualité attendu,
voire exigé, par les clients ?
Plusieurs axes de travail peuvent être
explorés :
• une amélioration des opérations en
développant la productivité des centres
d‘appels et le taux de « first and done »,
Génération Kurt Salmon # 28
c'est-à-dire de demandes client résolues
dès le premier appel,
• une réflexion de fond sur l’externalisation, voire l’offshorisation des centres
d’appels,
• une réduction des coûts d’impayés en
renforçant les efforts entrepris de lutte
contre la fraude et les impayés,
• une réduction des coûts d’impayés en
renforçant les efforts entrepris pour
lutter contre la fraude et améliorer le
recouvrement.
Parallèlement, le marché évolue vers des
offres de plus en plus simples (tout illimité,
SIM only, engagement réduit…). Un effort
important doit être mené pour améliorer
la lisibilité des offres et privilégier une
communication directe, simple et moins
onéreuse.
<< Les opérateurs doivent revoir leurs structures
de coûts pour dégager les marges de manœuvre
nécessaires à leur futur développement. >>
La tendance à la mutualisation
des réseaux et à l’optimisation
des opérations
Les opérateurs européens ont longtemps
favorisé le développement d’un réseau
en propre comme une source de
différenciation par rapport aux concurrents.
L’effort financier demandé et les cycles
d’évolution technologiques successifs
incitent désormais les opérateurs
à mettre en œuvre des logiques de
partage d’équipements (passifs ou actifs)
susceptibles de générer des réductions
de coûts importantes. Qu’elles prennent
la forme d’accords commerciaux ou de
Un exemple de RAN Sharing : la joint venture détenue
par 3 et Everything Everywhere
Les opérateurs 3 et Everything Everywhere
ont créé au UK une joint venture Mobile
Broadband Network Limited visant à créer
les conditions d’un développement rapide
et à moindre coût d’un réseau 3G performant.
La joint venture a été créée en 2007,
jusqu’en 2031 et a permis de constituer
le réseau considéré comme n° 1 pour le
débit, la qualité de service et la couverture
(YouGov).
C’est un véritable accord de ran sharing qui a été conclu puisque
MBNL déploie et opère le réseau pour les deux opérateurs partenaires, qui partagent totalement l’infrastructure consolidée
(antennes, RNC…) sans partager néanmoins les fréquences.
véritables joint ventures, ces opération
peuvent s’avérer très intéressantes (voir
encadré).
D’autres sources d’économies sont
envisageables dans les opérations, en
optimisant les processus d’entretien et de
maintenance du réseau et en améliorant
(voire dans certains cas en externalisant)
les activités de supervision du réseau.
Enfin, la location voire la revente des
pylônes, peut également constituer un
moyen d’optimiser le coût total du réseau.
La réduction des coûts
informatiques
Les opérateurs télécoms dépensent des
sommes importantes dans des projets
informatiques d’envergure leur permettant
de faire évoluer constamment leurs offres
et renforcer leurs dispositifs de CRM.
Plusieurs pistes peuvent être envisagées
pour réduire ces coûts :
• mettre en place une politique plus stricte
d’évaluation des projets informatiques
afin de prioriser la demande,
• renforcer les politiques d’externalisation
ou d’offshoring des activités informatiques,
•
revoir les équipements et le socle
technique pour en réduire le « total cost
of ownership ».
L’optimisation des fonctions
supports
Achats, finances, RH, les fonctions
centrales doivent également revoir leurs
pratiques et se rapprocher des meilleurs
pratiques constatées :
• revue des politiques RH à la baisse
(voyages, frais, avantages…),
•
o ptimisation des actifs immobiliers
(regroupement, externalisation, location
des biens détenus…),
• optimisation des pratiques achats de
manière systématique.
L’ensemble de ces leviers peut générer
des économies conséquentes chez les
opérateurs, de l’ordre de 10 %, et parfois
plus, de leurs coûts opérationnels.
Sans changer totalement le modèle, ils
sont susceptibles de leur faire retrouver
les marges de manœuvre nécessaires pour
relever les enjeux auxquels ils font face.
Plus encore, ils peuvent leur permettre
de retrouver agilité et l’efficacité dans un
contexte où les opérateurs en ont de plus
en plus besoin.
En savoir plus :
Jérôme Besse,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
21
Retours d’expérience <
La fusion d’entreprise, un exercice
particulièrement délicat et sans droit à l’erreur
Par Farouk Goulam-Ally
Nous le savons, toutes les transformations sont difficiles à réussir.
Mais lorsqu’il s’agit de fusion, les choses se compliquent encore
d’avantage. Alors comment appréhender cette figure de style,
quelles approches privilégier pour mettre tous les atouts de
son côté ?
A partir des expériences de Kurt Salmon,
nous faisons un tour d’horizon des
problématiques que soulève une fusion,
et donnons des pistes de réflexion pour
les aborder avec méthode et sécurité.
Trois temps ponctuent en général une
fusion, une fois la décision de rapprochement prise :
• D ans la phase de préparation, le
travail sera focalisé sur l’organisation
cible. Au-delà de la difficulté d’élaborer
un schéma robuste et garant de pérennité, notre expérience montre que c’est
l’aspect « vente de ce schéma » aux
différents protagonistes qui sera le plus
délicat. Par ailleurs il sera fondamental
dans cette phase de veiller à l’adéquation de cette cible avec les possibilités
économiques de l’entreprise.
•D
ans la phase de bascule, ce sont tous
les nouveaux repères qui devront être
méthodiquement recensés et définis
(ligne managériale, gouvernance,
procédures). Ils devront être révélés le
Jour J ou très vite après, ce qui implique
une préparation très anticipée par
rapport à cette échéance
• Après le jour J, le processus est loin
d’être terminé. Une phase de montée
en puissance va commencer autour
d’un certain nombre de chantiers de
fond (harmonisation des rémunérations,
nouvelle identité, convergence des SI…).
Ces chantiers devront s’enclencher dans
le sillage immédiat de la bascule et
devront aboutir au plus tôt afin de pouvoir extraire pleinement les bénéfices de
la nouvelle organisation
Pour mener à bien ce type d’opération, il
paraît donc fondamental de la planifier très
en amont et de la piloter de façon étroite et
réactive. Une attention particulière doit être
portée aux compétences à mobiliser dans
les différentes phases et aux méthodes
pour aborder les nombreux sujets. La taille
des équipes à mobiliser devra être étudiée
de près, au regard du lourd volume de
travail à abattre durant tout le processus
22
et du caractère de ce type d’opération, qui
ne tolère aucune erreur.
La préparation : une phase tendue où
une cible devra émerger et être scellée
par un pacte entre management et
collaborateurs
Le premier enjeu est de faire accepter,
en l’espace de quelques semaines, le
projet de la Direction par le personnel.
Il est donc crucial d’instaurer dès
l’origine un dialogue transparent et
argumenté avec les IRP.
• Dans cette perspective, un travail approfondi doit être mené sur le pourquoi de
la fusion : Quels impératifs conduisent à
ce rapprochement, en quoi une structure
commune permet au groupe de mieux
se développer, quels sont les objectifs
recherchés à travers l’opération ? Autant
de questions dont les réponses devront
être étayées par une mise en regard
entre l’externe et l’interne. Il convient
dans cette phase de rendre tangible les
impératifs de changement, de pointer
les aspects à faire évoluer pour mieux
préparer l’acceptation de la cible qui
sera présentée
• Il faut ensuite préciser le quoi de la
fusion, c.a.d la cible envisagée. Ce
schéma doit comprendre plusieurs
volets cohérents les uns avec les autres :
– La cible juridique,
–
L’organisation opérationnelle au
niveau de détails le plus fin (schéma
général, fonctionnogramme détaillé,
volumétrie des postes),
– En complément du schéma d’organisation, les éléments clés du fonctionnement devront être spécifiés
(gouvernance, principes de fonctionnement, autorités de décisions…),
– Le dossier devra également préciser
les éléments relatifs à la gestion de
l’emploi, et le cas échéant prévoir des
consultations ad-hoc (PDV…),
– Si la fusion s’accompagne d’un projet
immobilier, celui-ci devra également
être présenté et expliqué,
Génération Kurt Salmon # 28
– Enfin les éléments liés aux conditions
de travail devront être également
précisés aux CHSCT,
•
Le dialogue social devra être initié
au plus tôt et être conduit suivant un
rythme soutenu :
–
Lancement du processus d’info/
consultation, finalisation d’un accord
de méthode et d’un calendrier dès
que possible,
–
Qui dit fusion dit instances dans
chaque société, avec potentiellement
des règles différentes, des rapports de
force et des priorités de négociation
différents. Il conviendra d’analyser
dans certaines situations si des
instances communes peuvent être
anticipées pour faciliter le dialogue
(UES…),
– Il faudra anticiper les éventuels points
de ralentissement (expertises, recours
judiciaires…). Un outil de simulation
intégrant ces différents paramètres
sera précieux pour disposer d’un
calendrier réaliste et efficace.
<< Fusionner est un exercice sans
filet. Donner du sens, embarquer les
collaborateurs et piloter par les risques
doivent être les priorités de la Direction
Générale. >>
• L’ensemble de cette phase doit être
contrôlée d’un point de vue économique. Un outil capable de modéliser
les différents volets inducteurs de coûts
sera particulièrement utile pour les
nombreuses prises de décisions tout au
long du processus :
– Les éventuelles réductions d’effectifs
vont fortement conditionner les
économies recherchées,
–
Les dispositifs de sauvegarde de
l’emploi induisent des coûts ponctuels
importants. Il faut en avoir une vision
fine pour pouvoir dimensionner
les assiettes de départ, définir les
conditions et les calendriers associés,
– Le chantier immobilier est particulièrement impactant en termes de
coûts. Il faut pouvoir estimer les coûts
généraux liés aux nouveaux locaux,
modéliser les scénarios opérationnels
d’installation ainsi que tous les risques
de glissement,
– L’alignement des conditions de travail,
la refonte des conventions collectives
et des grilles de salaire par exemple,
sont aussi autant d’aspects qui
nécessitent des simulations fines.
Un deuxième enjeu de cette phase est
de susciter l’adhésion des équipes au
projet futur.
• L’implication du management dans
l’élaboration du futur schéma est fondamentale. A ce titre, les éléments suivant
devront faire l’objet d’une attention
particulière : constitution de la structure
projet, casting projet, appropriation des
objectifs par l’équipe…
• Pour les zones sensibles de l’organisation,
le recours à l’éclairage externe et un
travail par scénario sont recommandés.
Cela permet en général d’aboutir à des
schémas plus robustes, plus crédibles et
plus facilement « vendables » en interne.
• La communication interne va jouer
un rôle particulièrement important
pendant cette période anxiogène. Pour
être efficace, son tempo et sa forme
devront être adaptés aux différentes
populations (conventions managers,
intranet managers, newsletters et sites
dédiés pour les collaborateurs…).
La bascule : une phase emblématique
qui va concrètement marquer le
changement pour tous et devra assurer
la continuité de service entre l’ancien
et le nouveau monde
Une fois l’info/consultation achevée, la
nouvelle organisation va pouvoir entrer
en vigueur. En général dans une fusion,
les services et les postes de la grande
majorité des collaborateurs sont reconduits à l’identique au sein d’une structure
nouvelle. En revanche, la nomination de
la nouvelle ligne managériale va fortement incarner le « nouveau monde ».
• Pour être proclamées le jour J, les
affectations devront être préparées
plusieurs semaines avant la date fatidique. C’est un processus délicat car il
redistribue les talents de l’entreprise
autour d’une nouvelle structure et de
nouvelles façons de fonctionner. Cela
va parfois amener à gérer des écarts
importants entre les profils des hommes
et femmes en place et les dimensions
recherchées pour faire fonctionner le
schéma cible. Ce travail devra donc être
initié de façon très discrète dès lors que
la structure cible va commencer à se
dessiner. Il va avancer niveau par niveau
au rythme des accords trouvés entre le
manager d’un niveau N donné et ses
futurs N – 1. Les aspects de revue du
personnel et de traitement de « cas difficiles » devront être anticipés pour que
les bonnes personnes se retrouvent au
bon poste le Jour J.
Génération Kurt Salmon # 28
23
Retours d’expérience <
La bascule est une date emblématique,
mais le nouveau fonctionnement devra
en général être anticipé quelques
semaines, voire quelques mois avant le
« jour J ».
que chaque jour, chaque semaine, la
nouvelle organisation se déploie un peu
plus, tels seront les enjeux de l’équipe
communication pour orienter les collaborateurs au sein des nouveaux repères
• De façon générale, des comités et réunions ad-hoc seront nécessaires bien
avant le jour J pour valider les actions
engageantes de la future entreprise. Ces
réunions vont mobiliser les personnes
pertinentes des anciennes organisations
mais également les futurs décideurs
afin d’assurer une cohérence de décisions par rapport au nouvel ensemble
en construction. Ce fonctionnement
devra se faire sans tomber dans le délit
d’entrave et devra fluidifier le fonctionnement de l’entreprise dans cette
période compliquée.
• Mais en même temps, il conviendra aussi
de communiquer sur les perspectives du
nouvel ensemble (projets, stratégie) de
sorte à rapidement refocaliser l’attention
des collaborateurs sur le business et le
futur de l’entreprise
Enfin la continuité de service sera le
maître mot de la bascule : les clients
ne devront pas se rendre compte de ce
rendez vous « interne ». Par contre à
l’intérieur de l’entreprise…
•
I l faudra s’assurer que chacun s’y
retrouve dans le « nouveau monde » dès
les premières heures. Tout un chacun
devra disposer des réponses aux questions quotidiennes (nouveau service,
nouveau responsable…). Les managers
de proximité auront un rôle important
dans cette phase et une cellule dédiée
peut être d’une grande utilité les premières semaines
• Il est essentiel que les circuits vitaux de
l’entreprise fonctionnent correctement
dès le jour J (signatures, engagement
des dépenses, congés…). Cela doit faire
l’objet d’une check-list précise à laquelle
il faudra apporter une réponse point par
point pour le jour J
• Un circuit de décision rapide devra opérer
les premiers jours après la bascule de
sorte à résoudre immédiatement tous
les points qui pourraient éventuellement
bloquer l’activité
Immédiatement après la bascule, va
s’enclencher une phase de montée
en puissance avec comme objectif
d’atteindre « le régime de croisière », qui
permettra d’extraire véritablement les
bénéfices attendus de l’organisation…
La communication interne sera encore
une fois une clé importante pour
orienter les collaborateurs dans le
nouvel environnement.
•
Faire connaître les personnes clés,
communiquer sur les nouveaux rôles et
missions, expliquer le fonctionnement
et les nouvelles procédures, montrer
24
Pour la Direction, il est essentiel garder
toutes les énergies mobilisées. Elle
devra donner à voir sur les chantiers
qui amèneront l’entreprise à son
nouveau « régime de croisière ».
• Suite à la bascule, il peut apparaître un
certain nombre d’ajustements à opérer
sur l’organisation. Des consultations
additionnelles seront alors enclenchées
avec les partenaires sociaux
•
D es chantiers structurants devront
également s’enclencher dans le sillage
de la bascule : refonte des conventions collectives, harmonisation des
rémunérations, construction d’une
nouvelle identité, nouveau système de
management, convergence des SI… Ces
chantiers peuvent être assez longs et
il conviendra de les faire aboutir dans
les meilleurs délais pour que le schéma
cible puisse délivrer toutes ses potentialités, en particulier économiques.
Il est très important de montrer que ces
chantiers s’inscrivent dans une cohérence
d’ensemble et que le passage à la nouvelle
organisation n’est pas une fin mais un
début pour construire un nouveau socle,
qui aidera à mieux projeter l’entreprise
dans son futur.
En conclusion, une opération de fusion est
particulièrement complexe et ne tolère
aucun faux pas. Un chantier d’une telle
envergure doit être planifié très en amont,
doit se focaliser sur les bonnes priorités
en fonction des phases, doit être staffé
convenablement eu égards au volume
de travail à abattre en peu de temps et
doit en outre intégrer tous les retours
d’expérience pour déjouer les nombreuses
difficultés qui jalonnent le processus.
De nombreuses énergies doivent être
mobilisées autour d’une feuille de route
serrée, en mettant en œuvre des méthodes
et des compétences qui ne s’improvisent
pas, le tout devant être encadré par un
pilotage global, réactif et efficace…
En savoir plus : Farouk Goulam-Ally,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
Marchés émergents, une promesse
de croissance pour les opérateurs :
le continent africain
Par Sarah Perez
Affrontant en France, et plus globalement en Europe, une
croissance ralentie, la saturation de leurs marchés, une
concurrence rendue plus agressive, la lassitude des clients face
à des offres trop peu innovantes… les opérateurs télécoms
semblent bien « abattus ». Toutefois, pour ceux d’entre eux ayant
initié suffisamment tôt leur expansion géographique, les pays
émergents, au 1er rang desquels se trouve le continent africain,
portent en eux une promesse de croissance renouvelée.
Avec plus de 650 millions d’abonnés
mobiles à fin 2011, le secteur des
télécommunications connait en Afrique
une croissance formidable (+ 20 % par an
en moyenne sur les 5 dernières années)1.
La pénétration des services mobiles, qui
atteint près de 70 %, cache encore des
disparités importantes selon les pays de
la région : là où la Côte d’Ivoire, le Congo
ou le Gabon dépassent les 90 % de la
population équipée, les pays d’Afrique
centrale comme le Niger, le Chad ou la
RDC peinent encore à franchir la barre
des 30 %. Les perspectives de croissance
pour les opérateurs sont ainsi encore
alléchantes : à horizon 2020, le marché
aura doublé de taille par rapport à sa
valeur en 2008, pour atteindre plus de
80 milliards de dollars2.
Afin de matérialiser cette promesse
de croissance, c’est un « marketing
mix » retravaillé qu’ont développé
et développent encore les opérateurs
télécoms, ainsi que leurs cousins issus
de la télévision payante, sur le marché
Africain
1. Source : GSM Association.
2. Source : Euromonitor,
Analyse Kurt Salmon.
L’offre et son pricing sont bien entendu
des conditions sine qua none de croissance de la pénétration. Très largement
prépayé (ce type d’offres représente en
moyenne 95 % des marchés mobiles ou
pay-TV locaux), le marché africain s’est
pendant plusieurs années satisfait de
plans tarifaires simples et de prix à la
minute onéreux. Aujourd’hui plus aguerris et sensibles aux offres qui leurs sont
proposées, les clients recherchent de
meilleures « value for money », attendant
des offres à la fois plus attractives (plan
tarifaires différenciés en heures creuses
ou parmi un groupe de proches, plages
horaires offrant des usages débridés, bouquets de SMS en abondance, tarifs attrac-
tifs vers l’étranger où résident bon nombre
d’africains…) et plus innovantes. Dans des
pays où la pénétration de l’Internet fixe
est très limitée, faute de réseaux déployés,
l’usage data mobile amorce son décollage.
Encore faut-il que les clients puissent disposer de terminaux compatibles avec ces
nouvelles habitudes de consommation :
il revient ainsi aux opérateurs de trouver
le moyen de proposer des smartphones à
prix attractifs, en subventionnant le moins
possible.
La distribution ensuite : comme partout,
elle est le nerf de la guerre pour une
performance maximisée en acquisition
de nouveaux clients. Le challenge ? Servir
les centres urbains à forte densité de
clients, aussi bien que les zones les plus
reculées où le potentiel de croissance de
pénétration est le plus élevé. Pour cela,
et afin d’assurer un déploiement rentable
de leurs réseaux de distribution, les
opérateurs peuvent s’inspirer de certains
modes de distribution ancestraux, tels que
les vendeurs itinérants. C’est grâce à ces
concepts de boutiques « volantes » ou
de « camions mobiles » que le maillage
des réseaux en propre peut-être densifié
à moindre coût, tout en offrant une
flexibilité précieuse (le point de vente peut
ainsi suivre, au sein d’une région, le rythme
et l’itinéraire des marchants ambulants).
Au-delà de ces concepts nouveaux,
les opérateurs déploient de façon plus
« classique » leurs réseaux en ayant
recours à des distributeurs ou grossistes
implantés, l’enjeu étant de maîtriser au
mieux l’intermédiation (perte de valeur,
risque de fraude, usage « personnel » des
codes de la marque…).
Dans un contexte concurrentiel de plus en
plus agressif, la communication demeure
un levier important pour soutenir les stra-
Génération Kurt Salmon # 28
25
Retours d’expérience <
tégies de marques. Les forces en présence
sont en effet puissantes : on peut trouver
dans certains pays jusqu’à 5 opérateurs
mobiles, la présence de 4 acteurs forts
étant une situation désormais courante.
Maintenir une présence en communication média est donc clé, mais souvent
insuffisant pour soutenir les stratégies
de croissance. Ainsi, une communication
directe et personnalisée, complétée par
des promotions dédiées, est incontournable pour tisser une relation durable
avec ses abonnés. Ceux-ci, souvent détenteurs de plusieurs cartes SIM des différents
opérateurs sur leur marché, adoptent en
effet des comportements opportunistes
de « chasseurs de promos » optimisateurs. Les actions de marketing de la base
consistant à donner plus de générosité en
échange de davantage de consommation
doivent être utilisées avec prudence dans
le cas de ces multi-équipés : certains
clients, peu consommateurs sur une de
leur carte SIM et à qui on propose une
offre généreuse, peuvent cesser d’utiliser une autre carte SIM sur laquelle ils
dépensaient davantage et bénéficier d’un
effet d’aubaine destructeur de valeur. Les
opérateurs peuvent néanmoins tirer grand
avantage de ce marketing de la base, ne
serait-ce que via des actions d’accompagnement et d’information des clients aux
étapes clés de leur « parcours client ».
<< Des solutions dont les opérateurs pourraient
s’inspirer pour revoir, dans une certaine mesure,
leur modèle économique sur les marchés
matures. >>
3. Source : The Economic
Impact of Telecommunications
in Senegal, Columbia Business
School.
26
Enfin, une fois n’est pas coutume, une
cinquième « brique » s’ajoute au marketing
mix des télécoms africains : les moyens
de paiement. Le marché étant largement
prépayé, c’est en effet pour les opérateurs
un enjeu financier quotidien de permettre
(voire d’inciter) leurs clients à recharger
leur compte mobile aussi rapidement et
simplement que possible. Qu’il s’agisse
de mobile ou d’autres services prépayés
comme la télévision par exemple, chaque
jour d’inactivité du client représente
du chiffre d’affaires « perdu ». Ainsi, les
opérateurs multiplient les possibilités
et supports de rechargement : cartes
de recharge (top-up) « physiques » ou
virtuelles (e-voucher), paiement par SMS,
etc.
Ces solutions, précocement lancées et
avec un succès certain, ont d’ailleurs permis aux acteurs télécoms de se positionner
comme opérateurs de paiement mobile :
mettant à la disposition de leurs clients un
« porte-monnaie » virtuel leur permettant
de régler leurs factures d’électricité, de
TV… et stimulant le rechargement mobile !
Si le continent Africain apparaît
comme un relais de croissance pour
les opérateurs télécoms, il convient
de rappeler que leurs stratégies
ont également été gagnantes pour
la région : les télécommunications
ont été l’un des grands « drivers »
de développement et de croissance
économique en Afrique au cours
de la décennie passée.
Au Sénégal par exemple, malgré un
taux de pénétration d’à peine 65 % en
2010, le marché de la téléphonie mobile
représentait à lui seul 10,8 % du PIB,
contribuant à la croissance économique
du pays à hauteur de 13,6 %3.
Là comme ailleurs en Afrique, le développement des infrastructures de télécommunication crée de l’emploi, la croissance
de la pénétration mobile facilite et stimule
les échanges, diminue les contraintes
de distances (paiement de facture à
distance…), l’introduction du paiement
mobile palie à la faible bancarisation de
certaines populations, etc.
Le mariage entre les télécoms et
l’Afrique a été si idyllique au cours de
la décennie passée, que la pénétration
de la voix mobile atteint aujourd’hui
plus de 80 % dans certains centres
urbains, menant ces zones à quasisaturation dans les 2 à 3 années à
venir. Le cercle vertueux ainsi installé
pourra-t-il alors se maintenir ?
Les opérateurs ont encore au moins deux
sources de croissance à saisir. La première
d’entre elle est de stimuler encore la
croissance de pénétration des services
mobiles dans les zones non-denses. Cela
passera bien entendu par une extension
rationalisée des réseaux de distribution
en termes de coûts de déploiement, mais
également par une stratégie d’offre et
de pricing renouvelée, pour rendre les
services accessibles au plus grand nombre.
La seconde source de valeur s’appuie sur
la faiblesse des réseaux fixes autant que
sur l’extraordinaire besoin du continent
africain de s’ouvrir au monde numérique,
via l’adoption de la data mobile. En
effet, le mobile reste aujourd’hui en
Afrique l’un des plus surs moyens de voir
décoller l’usage et l’accès à Internet des
populations. Les opérateurs, qui anticipent
bien cette évolution, investissent d’ores
et déjà dans l’extension et la mise à
jour de leurs réseaux. Le challenge de
l’équipement reste encore à relever :
Génération Kurt Salmon # 28
4. ARPU : Average Revenue Per
User.
dans ces marchés résolument prépayés,
la subvention de smartphones qui fait la
norme dans les pays postpayés est exclue.
Mais attendre un décollage « naturel »
de l’Internet mobile en comptant sur
l’équipement spontané des clients, quand
bien même le marché gris étant très
développé, l’est également. Il revient
aux opérateurs de rendre accessible une
nouvelle génération de smartphones lowcost ou reconditionnés et de réinventer le
modèle de la subvention.
Relever ces défis est bien entendu à la
portée des opérateurs, qui ne manqueront
pas de mettre en œuvre des solutions
nouvelles, adaptées aux spécificités des
marchés émergeants (faibles ARPU4,
larges territoires à couvrir en distribution
et infrastructures, etc.) et capable de
maintenir leur niveau de marge : partage
des infrastructures entre opérateurs,
déploiement de réseaux de distribution
à moindre coûts via des partenariats
et franchises, mise sur le marché de
terminaux low-cost limitant la subvention,
etc. Des solutions dont ils pourraient
d’ailleurs s’inspirer pour revoir, dans une
certaine mesure, leur modèle économique
sur les marchés matures…
En savoir plus :
Sarah Perez,
[email protected]
Repenser son modèle industriel en temps de
crise : l’exemple de la distribution de la presse
Par Gwladys Lim
et Guillaume Raoux
La baisse importante des ventes d’exemplaires en points de
vente de la presse imprimée constatée ces dernières années
et anticipée pour les années à venir amène les groupes de
presse à adapter en profondeur leur modèle industriel.
La distribution, qui représente environ 40 % du coût d’un
exemplaire, a un poids significatif dans le modèle industriel de
la presse et concentre une grande partie des efforts d’adaptation
des groupes de presse. Kurt Salmon, à plusieurs reprises, a aidé
les groupes de presse à rénover leur système de distribution et
extrait de cette expérience les points clés à retenir pour toute
entreprise aux prises avec un marché en crise.
Le modèle industriel de la presse
imprimée repose sur 5 activités
principales : la rédaction, la fabrication,
la commercialisation, la distribution, et,
la régie publicitaire. La baisse importante
des ventes d’exemplaires et de vente de
publicité amène les groupes de presse à
adapter en profondeur le modèle industriel
de la presse imprimée, certains allant
jusqu’à renoncer à la presse imprimée
pour se concentrer sur la presse en ligne
(La Tribune). Plusieurs leviers d’adaptation
sont mis en œuvre par les groupes de
presse en fonction de leur stratégie et de
l’activité concernée :
• L a maximisation des synergies
entre presse imprimée et presse
en ligne surtout constatée pour la
rédaction (également pour la régie),
initialement organisée autour d’une
rédaction « papier » et d’une rédaction
« Internet », qui tend à devenir pluri
média, alimentant à la fois l’édition
papier, Internet, mobile et tablette.
• L’externalisation surtout constatée
pour l’impression, qui permet de
variabiliser partiellement un poste de
coût important et libère une capacité
d’investissement importante pouvant
être consacrée au développement de
la presse en ligne et aux activités de
diversification.
• La mutualisation entre groupes de
presse que l’on peut constater pour
la régie publicitaire, qui permet de
renforcer le positionnement des groupes
de presse chez les grands annonceurs
face à la multiplication des concurrents
venus des nouveaux médias.
Génération Kurt Salmon # 28
27
Retours d’expérience <
• La valorisation de l’activité à travers
des services pour compte de tiers qui
se pratique sur la commercialisation,
permettant au groupe de presse de faire
chuter les charges attribuables à ses
propres exemplaires tout en maintenant
la force commerciale présente sur le
terrain et de générer de nouveaux
revenus.
• L’optimisation et l’alignement de la
structure de coûts avec les perspectives de marché qui concerne la
distribution.
La distribution en points de vente qui
représente environ 40 % du coût d’un
exemplaire est l’objet de beaucoup
d’efforts de rénovation de la part des
éditeurs de Presse Quotidienne Nationale
et Presse Magazine compte tenu des
projections de vente sur les années à
venir (– 7 %1 en moyenne annuelle entre
2011 et 2015). A ce titre, Kurt Salmon a
aidé les éditeurs de presse à anticiper
l’impact de la baisse attendue des ventes
sur leur réseau de distribution et à définir
les initiatives d’adaptation.
<< Kurt Salmon a aidé les éditeurs de presse
à anticiper l‘impact de la baisse attendue
des ventes sur leur réseau de distribution. >>
3. Interview messageries
de presse.
28
De cette expérience et d’autres expériences
proches il est possible d’extraire quelques
enseignements utiles à toute entreprise
aux prises avec un marché en crise :
• « Anticiper ». La rénovation du réseau
de distribution doit être entreprise bien
avant que la situation économique
de l’entreprise soit critique pour deux
raisons principales :
– Les bénéfices économiques ne peuvent
être attendus à court terme car la rénovation peut prendre plusieurs années
tant les chantiers à mener peuvent
être importants (modernisation de
systèmes d’information, création de
nouvelle plateforme de distribution,
négociation contractuelle avec les
intermédiaires…)
– Les coûts de transition peuvent être
conséquents (investissements de
modernisation, coûts de restructuration…)
• « Revoir sa stratégie de distribution».
Sur un marché en croissance ou à maturité la distribution est souvent poussée
à son comble comme levier de développement/maintient des ventes : tous
les articles sont présents dans tous les
points de vente en quantité importante
pour optimiser la disponibilité des pro-
duits à la vente. Le marché entrant dans
une phase baissière, il est utile de se
poser des questions quant à sa stratégie
de distribution :
– Repenser la DN (distribution numérique) du réseau ?
– Repenser les règles définissant la largeur et la profondeur des assortiments
par type de points de vente
– Repenser les missions des intermédiaires et des points de vente et adapter leur rémunération
– …
• « Abaisser les coûts fixes du réseau ».
Dans un marché baissier, pour éviter un
effet de ciseau (entre revenus et coûts),
l’attention du management doit se
porter sur plusieurs dimensions :
–D
iminuer le nombre de plateformes
locales de distribution permet de
limiter les coûts du transport amont
mais également les coûts de structure
liés aux plateformes locales,
–O
ptimiser les zones de chalandise
des plateformes locales permet de
diminuer le coût des tournées de
livraison des points de vente
–S
egmenter le niveau de services
rendus par type de points de
vente permet de limiter les coûts
commerciaux tout en sécurisant la
relation avec les meilleurs points de
vente
– Centraliser et mutualiser permet
de réduire les coûts des fonctions
pour lesquelles la proximité n’est pas
déterminante comme l’administration
des ventes
• « Ne pas négliger la méthode » : un
schéma directeur de réseau de distribution est complexe tant la quantité de
données à prendre en compte est importante. De ce fait deux points méthodologiques sont importants : construire
des modèles (modèles logistiques et
modèles économiques) au plus proche
de la réalité et flexibles permettant de
multiplier les scénarios, et, une fois le
cadre fixé recourir aux observations de
terrain pour affiner les orientations.
En savoir plus :
Gwladys Lim,
[email protected],
Guillaume Raoux,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
La différenciation par l’Expérience Client
chez Méditel au Maroc
Par Antoine Champy
et Grégory Hachin
Dans un marché marocain des télécommunications mobiles qui
connait un ralentissement de sa croissance et sur lequel les trois
opérateurs ont des propositions de valeur peu différenciées,
Méditel a choisi de se démarquer en capitalisant sur l’Expérience
Client. Kurt Salmon a accompagné l’opérateur dans la conception
et la mise en chantier d’un programme majeur de différenciation
par l’Expérience Client.
Un ralentissement de la croissance
sur le marché des Telecom
Après de nombreuses périodes de croissance à deux chiffres sans aucune perspective de saturation à court ou moyen
terme, le secteur des télécommunications
au Maroc connaît un ralentissement de
son essor, renforçant mécaniquement la
concurrence entre les trois opérateurs du
pays et le besoin de différenciation.
Fort de son statut d’opérateur historique,
Maroc Telecom domine toujours le marché
marocain mais sa part de marché (46,5 %)1
est désormais sous
pression. Deuxième
opérateur à lancer un
service mobile, Méditel
a longtemps profité de
l’effet d’outsider qui lui
a permis d’attirer rapidement un grand
nombre de clients et d’arriver aujourd’hui
à un parc qui représente 30,5 %1 du marché. A grand renfort d’offres disruptives,
proposant une approche innovante et une
communication moderne, le lancement
du troisième opérateur Inwi en 2010
a profondément changé la dynamique
concurrentielle du marché, l’opérateur
ayant réussi à capter 23 %1 du marché en
un peu moins de trois ans.
<< L’Expérience Client est
un élément de différenciation
essentiel. >>
Dans ce contexte, il devient crucial pour
les opérateurs de se démarquer pour
être en mesure d’exploiter au mieux le
potentiel de croissance du marché. Le défi
est d’autant plus important que l’immense
majorité des abonnés sont des clients peu
captifs sur des offres prépayées (95 % du
parc en 2012), les opérateurs s’efforçant
de les faire migrer vers des forfaits dits
« postpayés », sécurisant une source
récurrente de revenu sur une durée d’un,
voire deux ans.
1. Source : ANRT, observatoire
des Télécommunications
2e trimestre 2012.
2. Source : Bertrand Bathelot,
Définitions du Marketing.
En parallèle des leviers de croissance spécifiques aux télécoms (couverture réseau,
tarification des offres, qualité de connexion,
gamme de terminaux…), l’Expérience
Client apparaît comme un nouveau levier,
résolument différentiant, et à ce jour non
préempté par les acteurs du marché.
L’Expérience Client,
une combinaison de facteurs
rationnels et émotionnels
L’Expérience Client désigne l’ensemble
des émotions et sentiments ressentis par
un client tout au long des étapes de la
relation qu’il entretient avec l’entreprise.
Elle est donc une somme complexe
d’éléments qui interviennent tout au long
du cycle de vie du client2, comme par
exemple :
• Avant l’acte d’achat : communication
institutionnelle, campagne de communication produit, actualités de l’entreprise
et de ses produits, media, bouche-àoreille…
• Pendant l’acte d’achat : expérience
dans les canaux de ventes, packaging/
présentation du service, communication
sur lieu de vente, ambiance magasin
(musique, senteur, matériaux…), accueil
et discours vendeur…
• Après l’acte d’achat : expérience
d’usage du service, relation avec le
service client, service après-vente…
Elle apparaît donc comme un des facteurs
majeurs de perception d’une marque et
son appréciation résulte d’une conjonction
d’impressions :
• Elle s’évalue au regard du positionnement de l’entreprise. Les attentes
d’un client consommateur d’un service
low-cost sont nécessairement en-deçà
de ce qu’il espère d’un service premium.
Le client intègre naturellement cette
distinction dans sa « grille de notation »
de l’Expérience Client
• Elle s’apprécie toujours de manière
comparative, au regard de l’Expérience
proposée par une marque concurrente
ou vis-à-vis d’une Expérience vécue au
préalable sur cette même marque
Génération Kurt Salmon # 28
29
Retours d’expérience <
Au-delà de l’amélioration de la perception,
l’Expérience Client impacte in fine les
résultats financiers d’une entreprise. Dans
le secteur des télécoms par exemple, elle
intervient sur l’amélioration de quatre
leviers structurants du business model :
• La satisfaction : … un client satisfait
consomme davantage et sollicite moins
les services techniques…
• La fidélisation : … a tendance à
prolonger dans le temps sa relation avec
le fournisseur…
• La recommandation : … à devenir un
ambassadeur de la marque auprès de
son entourage…
• L’acquisition : … entourage qui à son
tour sera amené à souscrire à une offre
chez l’opérateur.
Sa
tis
fa
on
iti
ion
ct
Ac
qu
is
Le cercle vertueux de l’Expérience
Client
Valeur
pour la
marque
at
m
da
él
is
om
io n
Re c
an
tio
n
Fi d
La différenciation par l’Expérience
Client
Fort de ce constat, Méditel a fait appel à
Kurt Salmon pour l’accompagner dans une
mission avec pour double objectif :
•d
e dresser un bilan des performances
d’Expérience Client de l’opérateur
sur l’ensemble des offres mobiles grand
public et des canaux d’interaction
(points de vente, web, centre d’appel et
serveur vocal),
30
• puis d’identifier, qualifier et prioriser
les axes d’optimisation à même de
supporter l’ambition de Méditel de
devenir le référent marocain sur
l’Expérience Client
Notre mission s’est articulée autour de
deux axes approches complémentaires.
1. Approche Top-Down
Un diagnostic interne a été mené afin
d’apprécier l’alignement de l’organisation,
du management et des process avec
les enjeux et objectifs de cette nouvelle
ambition.
2. A
pproche bottom-up
Une étude terrain a permis de com­pléter
et factualiser ces premiers enseignements
par des éléments tangibles d’analyse.
Des clients mystères ont évalué chaque
canal de vente, mettant au regard les
performances de Méditel avec celles
de ses concurrents sur un ensemble de
thématiques comme l’accueil, la qualité
de l’environnement, l’efficacité du service… Au total, ce sont 8 cas client qui
ont été définis, testés à travers 22 Uses
Cases et administrés via 190 enquêtes
terrain, chacune portant sur différentes
étapes du parcours client. Enfin, des focus
groups clients ont permis de compléter
et d’éclairer ces résultats en recueillant
directement et fidèlement la voix du client.
Analysés, qualifiés et priorisés, ces
résultats nous ont permis de dégager une
liste d’une centaine d’axes d’optimisation,
regroupés autour de quatre thématiques
répondants aux quatre forts enjeux de la
relation client :
• Exclusive Experience : offrir des process et des parcours clients générateurs de sensations uniques
• Relation One to One : passer d’une
relation impersonnelle à une approche
segmentée et individualisée
• Organisation Client Centric : orienter
l’ensemble de l’organisation vers les
clients
• Communication Client First : positionner le client au cœur des communications opérateur
Génération Kurt Salmon # 28
Les quatres enjeux de la relation client pour les opérateurs télécoms
Exclusive
Experience
Relation
One to One
Offrir des parcours client différenciants,
générateurs de sensations uniques
•S
implicité, rapidité, intuitivité, accessibilité
•E
nvironnement sensoriel et émotionnel fort
•R
ichesse et exclusivité de l’expérience
Passer d’une logique d’abonné
à une logique d’individu
• Ecoute et compréhension des besoins et
attentes client
• Traitement segmenté et relation
individualisée
Positionner le client au cœur
des communications opérateur
Communication
Client First
•
Déclinaison des valeurs de marque en
promesses/avantages client
•C
larté et transparence sur les engagements
opérateur
Organisation
Client Centric
Ces chantiers ont permis d’alimenter la
feuille de route d’un programme transverse à l’entreprise, avec des initiatives
simples rapidement déployables et des
projets plus structurants à implémenter
sur le moyen terme.
Orienter l’ensemble de l’oganisation
vers les clients
•E
ngagement du management autour
d’objectifs clients ambitieux
•M
obolisation des équipes opérationnelles
•P
ilotage de la performance client
La direction de programme a été confiée
à une entité Expérience Client créée dans
cette démarche, directement rattachée
au directeur Service Clientèle, membre
du Comité de Direction.
Questions à Jalil Tahfi, Directeur du Service Clientèle de Méditel
A l’heure où les
télécoms deviennent
une commodité,
quelle est chez
Méditel votre
conception de la
différenciation par
l’Expérience Client?
L’Expérience Client est
un élément de différenciation essentiel. On peut avoir la meilleure offre du
marché avec un tarif attractif et des services innovants, son succès ne peut être
garanti que si l’expérience vécue par le
client est agréable, simple et fluide, tant
au niveau de l’utilisation, qu’en terme
d’interactions avec son fournisseur.
Fort de cette conviction, nous avons
intégré la dimension Expérience Client
au cœur de notre stratégie d’Entreprise,
et initié ce programme en charge de
l’analyse, de la simplification et de
l’amélioration de l’Expérience Client sur
l’ensemble de nos parcours.
Chez Méditel, les clients sont pris en
considération à travers les retours qu’ils
nous transmettent, mais également à
travers leurs émotions et leurs sentiments. Nous analysons en détail leur
perception, nous décortiquons leurs
impressions, en nous basant sur des
enquêtes terrain, mais également sur les
informations relayées par nos collaborateurs et nos partenaires, et notamment
ceux en contact direct avec les clients
(agents commerciaux, agents du centre
de relation clientèle…).
Par la suite, des améliorations de parcours sont identifiées et traduites en
plans d’action correctifs à déployer. Ce
processus s’inscrit dans une logique
d’amélioration continue.
Quelques mois après la mise en
route d’un programme transverse
d’Expérience Client, quels sont les
principaux résultats obtenus ?
Tout d’abord et pour s’assurer de la
mise en place et de la pérennité de
ce programme au sein de Méditel, un
Program Management Office (PMO) a
été mis en place. Ce PMO s’appuie sur 6 piliers fondamentaux :
1. Un engagement du Top Management
et son sponsoring
2. Une gouvernance pour le pilotage et
le suivi du programme
3. Une stratégie basée sur la voix du
client
4. Un développement de la culture axée
sur l’approche «Client Centricity»
Génération Kurt Salmon # 28
31
Retours d’expérience <
5. Une conception de produits et services en ligne avec les besoins et les
attentes clients
6. Une évaluation des actions implémentées pour s’assurer de la pertinence et de l’impact des axes d’amélioration identifiés.
En ce qui concerne les résultats obtenus, plusieurs actions ont déjà été
implémentées avec succès depuis la
mise en place de ce programme.
Nous pouvons citer à titre indicatif :
•
de nombreuses fonctionnalités au
niveau de notre site WEB, devenu un
véritable canal d’interaction clients
(Information, selfcare en terme d’opérations et de consultations...),
•
une présence significative sur les
réseaux sociaux (communication sur
nos offres, achat de recharge via certains de ces canaux...),
• la simplification de certains processus
Clients (processus de souscription et
processus de fidélisation...),
• la mise en place d’une entité «Voix
du client» qui centralise les remontés
clients,
• et finalement, un centre de test client,
pour tester chaque nouveau produit
ou service par les clients eux mêmes,
et ce avant même son lancement.
Quelles difficultés, stratégiques ou
opérationnelles, avez-vous rencontré
dans la conception et l’animation
de ce programme ?
Un programme d’Expérience Client est
un travail de longue haleine, impliquant
toutes les entités et tous les niveaux de
l’entreprise.
Un tel programme doit s’accompagner
d’importants chantiers de sensibilisation
et de communication interne ainsi
qu’en termes de formation et de
transformation des méthodologies de
travail
Ce programme exige également de
grandes qualités d’écoute et une
grande faculté de coordination entre
les différentes entités impliquées. En
effet, l­’Expérience Client ramène tous
les intervenants de l’entreprise à fonder
toute réflexion, initiative ou décision
autour de la perception du client.
C’est un processus de transformation
en profondeur. Ce processus est initié
et irréversible, et des résultats tangibles
sont déjà visibles et mesurables, donnant toute sa légitimité à ce programme
et toute la satisfaction de l’avoir mis en
place.
Dans les cinq prochaines années,
quelles grandes tendances voyezvous se dessiner en termes
d’Expérience Client sur le marché
marocain ?
Nous percevons déjà certains opérateurs financiers en plus des Telecoms,
commercer à axer leur communication
sur les attentes du client. Il est clair que
dans un marché qui arrive à maturité,
l’Expérience Client devient un facteur de
différentiation fort.
La façon dont le client perçoit la qualité
du service et la qualité de la relation
avec son fournisseur fera toute la différence et nous basculerons inévitablement d’une économie de service à une
économie d’Expérience Client !
En savoir plus :
Antoine Champy, [email protected],
Grégory Hachin, [email protected]
32
Génération Kurt Salmon # 28
< Points de vue
Les opérateurs télécoms confrontés à la nécessité
de transformer en profondeur leurs réseaux
de distribution
Par Victor Marçais
Au début des années 2000, les opérateurs ont découvert les
vertus des magasins à leur marque et mené une politique
d’expansion forte. Quelle est la valeur ajoutée du magasin par
rapport au web ? En France, l’arrivée de Free qui vend à 99 %
sur Internet, renforce cette question aujourd’hui. Mais certains
clients n’iront pas sur Internet. Et les magasins restent un canal
puissant de relation à la marque. Les opérateurs ont intérêt, à
long terme, à garder leurs magasins de marque. Mais ils vont
devoir fortement transformer leurs réseaux.
La croissance des réseaux
« contrôlés » (1998-2006)
Les opérateurs ont historiquement été
frileux pour créer leurs propres réseaux
de distribution : Bouygues n’a ouvert ses
premiers magasins à la marque que fin
1998 trois ans après son lancement ; SFR a
mené une politique de rachats de réseaux
prudente et progressive. Les opérateurs
ont découvert au début des années 2000
que leurs magasins sont plus vertueux que
la distribution traditionnelle. Ils y vendent
davantage d’offres à valeur, leurs clients
y sont plus fidèles que ceux qui passent
par les grandes surfaces. Ils mènent alors
une politique d’expansion importante :
SFR passe de 400 à 800 magasins
entre 2002 et 2008 ; Orange acquiert le
réseau PhotoService (49 %) et cumule
1 200 magasins à la marque Orange.
Bouygues Telecom passe en 10 ans de
30 à 600 Club Bouygues Telecom. C’est
également le cas en Europe. Vodafone,
le premier opérateur européen, dispose
de 10 000 points de vente à la marque
sur l’ensemble de ses géographies, dont
environ 800 en Allemagne uniquement. En
parallèle, les réseaux se professionnalisent.
Les magasins à la marque sont soit opérés
directement par les opérateurs soit par des
sociétés indépendantes ou partiellement
détenues par les opérateurs, avec un
contrat de distribution de type franchise.
Au total, la distribution contrôlée des
opérateurs représente 60 à 70 % de leurs
ventes contre près de zéro il y a quinze
ans.
L’inflexion Internet (2006-2012)
Le développement d’Internet comme
canal de vente commence en 2005 et
commence à se faire sentir dans les magasins à la marque en 2008/2009. L’outil
commercial des magasins à la marque voit
sa part de marché reculer ; les opérateurs
ralentissent voire stoppent le développement de leurs réseaux.
Faut-il fermer les magasins
à la marque ? (2013)
• Un enjeu financier important. Avec
l’arrivée de Free qui lance un forfait
à 20 euros alors que les opérateurs
l’attendaient à 30 euros, les opérateurs
français cherchent en urgence de
nouveaux leviers d’économie. La
question du modèle de distribution se
pose. Le coût d’un magasin à la marque
est de l’ordre de 400 K euros par an
pour une surface de 80 m 2 et une
équipe de 5 vendeurs. Pour un réseau
de 1 000 magasins, cela représente
400 millions d’euros par an.
• Une forte attente des clients (mais
sont-ils prêts à payer pour ?). De
leur côté, les clients plébiscitent pour
la plupart les magasins à la marque.
Tous ne sont pas prêts à aller sur
Internet. Pour certains, notamment les
plus âgés et les moins technophiles, le
contact humain et la réassurance sont
indispensables avant l’achat. La plupart
des clients ont des attentes fortes visà-vis de leurs magasins, en matière de
reconnaissance, de qualité de service,
de traitement de leurs demandes et
des pannes et réparation. Des attentes
plutôt mal satisfaites : « je ne suis pas
reconnu comme client quand je vais
dans ce magasin » « ils me renvoient
vers le service client ».
• Vendre ne suffit plus. Depuis 15 ans,
les magasins sont essentiellement de
très efficaces machines à vendre. Même
si le modèle de rémunération entre
les opérateurs et leurs partenaires
Génération Kurt Salmon # 28
33
< Points de vue
distributeurs évolue pour prendre en
compte d’autres éléments, sur le terrain
les vendeurs sont d’abord objectivés
sur les ventes. Les critères de ventes par
magasin sont les premiers regardés. Les
magasins sont rattachés aux Directions
Commerciales des opérateurs. Or du
point de vue de la vente, la situation ne va
pas s’arranger et l’équation économique
devient intenable : structurellement,
les ventes baissent en magasin avec le
développement d’Internet, cela accroît
le coût d’acquisition des clients… alors
que les revenus générés par ces clients
sont en baisse.
<< La promesse ne suffit pas pour
justifier un premium de prix, elle doit
être mise en œuvre et perçue par
les clients. >>
Les opérateurs télécoms
doivent mettre en œuvre une
transformation en profondeur
de leurs réseaux à la marque face
aux nouveaux enjeux
• M ieux servir le client. Cela peut
sembler une évidence et c’est bien la
promesse affichée : « avec nous vous
ne serez plus jamais seuls ». Mais estelle réalisée ? Les clients se sentent-ils
bien accueillis, reconnus et bien servis
dans les magasins de leur opérateur ?
Seuls 20 % d’entre eux disent que les
magasins résolvent efficacement et
rapidement leur problème. Ils mettent
en cause l’attente, la capacité d’écoute
et parfois la compétence du vendeur.
Les informations et les « processus »
sont jugés peu cohérents entre
Internet, les magasins et les centres
d’appels téléphoniques. La réalité est
encore loin des promesses du « Multicanal ». Les magasins doivent être
mieux armés et disposer de davantage
de marge de manoeuvre pour mieux
satisfaire les clients. Dans tous les cas,
le vendeur doit pouvoir « prendre en
charge » le problème du client, même
s’il n’est pas en mesure de le résoudre
immédiatement, avec la garantie que le
problème sera résolu par l’opérateur.
•M
ieux valoriser le service en
segmentant les propositions. Le
magasin est-il un « du » pour tous les
clients de la marque ou au contraire
un service supplémentaire réservé
aux clients qui en payent le prix ? Les
34
opérateurs doivent se positionner sur
cette question. Ils le font en lançant des
marques « low-cost » qui ne sont pas
présentes en magasin mais accessibles
seulement sur Internet. Une autre façon
de donner de la valeur aux magasins
consiste à créer des services encore
plus riches et prioritaires (priorité dans
les files d’attentes, échange immédiat de
mobile, etc) réservés à certains clients
à forte valeur. Ces clients premium
pourraient aussi avoir « leur magasin »
de référence qui leur serait attitré comme
c’est le cas pour les clients des réseaux
bancaires. Ce mode de fonctionnement,
visant à renforcer la proximité avec la
marque, devrait être de toutes façons
limité à certains clients à forte valeur,
les réseaux de téléphonie étant moins
étendus que les réseaux bancaires
(1 200 points de vente pour Orange par
exemple, contre 8 000 agences pour le
Crédit Agricole en France).
• Des experts capables de vulgariser
la technologie : Internet, mobile,
télévision. Ces domaines vont continuer
à évoluer à vitesse accélérée dans
les années à venir, avec l’arrivée de
nouvelles technologies comme la 3D,
la 4G, TV connectée, le Cloud, la réalité
augmentée, le paiement sans contact sur
le mobile, la domotique, la robotique…
nécessitant un apprentissage, une
prise en main, une formation. Le
magasin est légitime pour faire cela :
c’est la promesse d’Apple dans les
Apple Store. Cela nécessite une forte
expertise face à des clients également
de plus en plus experts ; à mettre en
perspective avec la situation actuelle :
des vendeurs dont le taux de départ
peut aller jusqu’à 40 % par an dans les
grandes agglomérations… sachant qu’il
faut plusieurs mois à un vendeur pour
monter en compétence. Cela milite pour
des magasins plus grands, permettant
de spécialiser davantage les vendeurs et
de gérer une panoplie de compétences
autour d’un noyau commun ; et des
vendeurs plus fidèles. Les opérateurs
devront faire évoluer la gestion des
ressources humaines et des carrières
dans les magasins.
• B aisser les coûts : l’ajustement
des coûts va s’imposer compte tenu
de la pression sur les revenus. Côté
réseau à la marque, la rationalisation
de la couverture et la fermeture
de magasins peu performants va
s’imposer. Les opérateurs peuvent
favoriser l’évolution de leur mix
de vente au profit des magasins à la
Génération Kurt Salmon # 28
marque et d’Internet en « arrêtant »
d’autres réseaux (remise en cause des
contrats, baisse de commissionnement).
D’autres arbitrages peuvent également
être réalisés : jusqu’à récemment, quand
les opérateurs dépensaient 300 M€ sur
leurs magasins, ils dépensaient près
de 100 M€ en publicité média. Dans le
textile, l’espagnol Inditex (propriétaire
de Zara) obtient un taux de retour sur
capitaux de 25 % par an depuis 10 ans
sans aucune dépense média, mais avec,
entre autres, un excellent réseau de
distribution.
• Etre excellent dans l’exécution : la
promesse ne suffit pas pour justifier un
premium de prix, elle doit être mise en
œuvre et perçue par les clients. Or il est
difficile d’être excellent sur un grand
nombre de produits, de sites et avec un
grand nombre de collaborateurs. Les
opérateurs pour la plupart connaissent
les bonnes pratiques mais peinent à
les mettre en œuvre. Ils constatent
une forte hétérogénéité des résultats
entre magasins. Les méthodes de
management mises en œuvre sont le
plus souvent « top/down ». Elles ne
suffisent pas et doivent être combinées
avec des approches type « Lean » dans
la durée et responsabilisant le terrain. Le
« Lean », initié avec succès par certains
opérateurs, doit maintenant faire partie
intégrante de leur culture d’entreprise.
De tels changements nécessitent une
transformation en profondeur et un alignement de l’organisation sur l’ensemble
des dimensions : structures, processus,
systèmes d’information et de pilotage,
management des hommes.
En savoir plus :
Victor Marçais,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
35
< Points de vue
Réseaux sociaux : au-delà du « community
management », un nouveau canal pour le marketing
direct
Par Florence Hirondel
et Philippe Le Blay
<< Le canal
social doit donc
être intégré
dans la stratégie
de marketing
relationnel
cross-canal de
l’entreprise. >>
Les réseaux sociaux sont devenus un phénomène incontournable que les entreprises
ne peuvent plus ignorer. Le site Facebook
rassemble à lui seul 900 millions d’utilisateurs dans le monde, dont 500 millions s’y
connectant chaque jour. Les internautes
y passent entre cinq et sept heures par
mois (en France, cela représente 20 % du
temps passé sur le web). Quant à Twitter,
la plateforme de micro-blogging vient
d’atteindre en juillet 2012 les 500 millions
d’utilisateurs (plus de 100 % de croissance
par rapport à l’an dernier).
Face à l’ampleur du phénomène, de nombreuses entreprises pénètrent à leur tour
les réseaux sociaux pour y établir une
présence : création de pages Facebook et
Twitter, participation sur les forums et les
blogs. Etant donnée la spécificité du canal,
ces communautés sont généralement animées en silo par des équipes dédiées. Les
activités consistent essentiellement en du
« community management » (publication
d’informations générales sur la marque et
les lancements produits, organisation de
jeux-concours, interaction avec les fans),
rarement coordonnées avec les autres
départements de l’entreprise.
Or le client attend un parcours fluide quel
que soit le canal de communication. Le
Types de
données
collectées
Exemples
Quelle est leur valeur ?
Comment les collecter ?
Données
de profil
• Age
• Ville/Pays
• Intérêts
• Profession
Augmenter le nombre de critères
de segmentation grâce à des
données généralement peu
renseignées sur d’autres canaux
Demander le consentement
de l’internaute, par exemple
via une application
Facebook
Activité
sur les
réseaux
sociaux
• Nombre de messages
postés/mois
• Taille du réseau
• Score d’influence
Identifier les influenceurs
et adapter la communication
en fonction de son potentiel
de viralité
Certaines données publiques
(nombre de followers/fans)
D’autres nécessitent la mise
en place d’outils de mesure
avancés
• Avis positifs et
négatifs
• Degré global
de satisfaction
Focaliser ses efforts marketing
sur les clients les plus réceptifs
Collecte de messages postés
sur des pages publiques et
sur celles de la marque
Analyse sémantique grâce
à des outils spécialisés
• « Check-ins »
Facebook : géolocali­sa­
tion dans une ville
spé­cifique, un monument,
une boutique…
Envoyer des messages ou des
offres marketing géolocalisées en
temps réel (ex. pousser un SMS
avec une promotion au moment
où l’individu passe en boutique)
Demander le consentement
de l’internaute, par exemple
via une application
Facebook
Niveau
d’engagement par
rapport à
la marque
Données
de géolocalisation
36
Face à la croissance des réseaux sociaux, les entreprises assurent
désormais leur présence sur ces plateformes mais se contentent
souvent d’une activité de « community management ». Pourtant
il existe un réel potentiel de réaliser du marketing direct avec
ces canaux en les intégrant à la stratégie globale CRM.
canal social doit donc être intégré dans
la stratégie de marketing relationnel
cross-canal de l’entreprise. Dans le cadre
de cette stratégie cross-canal, les réseaux
sociaux permettent d’enrichir la base de
données clients en fournissant des informations ayant une véritable valeur marketing (scores d’influence, géolocalisation,
niveau de satisfaction des produits). Les
réseaux sociaux constituent également
un canal complémentaire pour améliorer
la visibilité et l’efficacité des campagnes.
Enrichir la connaissance client
avec des données sociales
Les réseaux sociaux comme Facebook ou
Twitter sont une manne de données pour
enrichir le profil client des consommateurs
de la marque et ainsi pour mieux les cibler
(voir tableau ci-contre).
Quel que soit le moyen de collecter ces
données sociales, les contraintes légales
de protection des données personnelles
s’appliquent et doivent être prises en
compte. Une fois collectées, ces informations peuvent être intégrées dans la base
de données clients de l’entreprise pour
affiner la segmentation client et servir
à l’exécution de campagnes marketing,
autant sur le canal social que sur des
canaux plus traditionnels.
Intégrer le canal social dans
le plan de marketing relationnel de
l’entreprise
Le canal social offre aujourd’hui à l’entreprise des relais de communication en
complément des canaux traditionnels
(e-mail, SMS/MMS, courrier, téléphone). De
plus, le caractère viral des réseaux sociaux
permet d’augmenter la visibilité de la campagne et ainsi de maximiser son impact.
Les campagnes marketing sur les réseaux
sociaux sont possibles en flux entrant
(e.g : push d’offres personnalisées sur les
pages sociales de l’entreprise) ou sortant
(envois de messages personnalisés sur les
« walls » ou messages privés).
Génération Kurt Salmon # 28
données (sur le web ou via une application Facebook) la campagne peut également permettre de collecter des données
sociales et de créer le lien entre le compte
du client et son profil plus « traditionnel »
dans la base de données de l’entreprise.
Publication de la même offre personnalisée sur Facebook
et sur l’espace client (flux entrant)
Offre de fidélité
personnalisée
Page Facebook de l’entreprise
Conclusion
L’utilisation des réseaux sociaux comme
outil CRM est une pratique encore peu
exploitée en France, alors que les EtatsUnis développent déjà depuis un an des
programmes CRM intégrant le canal social.
Les premiers retours dans les secteurs de la
musique et des médias sont prometteurs,
notamment sur la collecte de données :
ces programmes ont permis d’identifier
jusqu’à 80 % de nouveaux prospects sur
les réseaux sociaux, non-connus dans la
base de données clients de l’entreprise.
Ainsi, le média social permet d’améliorer
la connaissance des clients et des prospects et apporte de nouvelles possibilités
d’interactions pour augmenter l’efficacité
des campagnes marketing des entreprises.
Pour les accompagner, de nouveaux outils
CRM existent pour industrialiser l’enrichissement de la base client, accompagner
l’exécution des campagnes et le calcul des
ROI. Les clés du succès reposent donc sur
le choix de cette solution et l’intégration du
média social dans la stratégie de marketing
relationnel. Il doit être géré par les mêmes
équipes et partager les processus et systèmes d’informations des autres canaux.
Espace client sur le site web
Les applications Facebook, par exemple,
permettent de publier des messages
personnalisés sur la page sociale de
l’entreprise. De cette manière, l’entreprise
peut publier une offre promotionnelle sur
tous ses canaux de communication : ainsi,
le client retrouvera la même offre sur son
espace client web et sur la page Facebook,
accentuant la visibilité et l’efficacité de la
campagne (voir l’exemple c­ i-dessus).
Il est également possible d’imaginer des
campagnes cross-canal plus élaborées
intégrant plusieurs canaux de communication (y compris les réseaux sociaux)
de manière à multiplier les contacts et
pousser l’utilisateur Facebook ou Twitter
à l’achat (voir l’exemple ci-dessus).
L’entreprise peut ainsi concevoir des
campagnes cross-canal offrant à l’indivividu (prospect ou client) une expérience
parfaitement fluide, passant d’un canal
à un autre de manière transparente. En
intégrant des formulaires de capture de
Pour en savoir plus :
Florence Hirondel, [email protected],
Philippe Le Blay, [email protected]
Exemple de campagne sortante : envoi d’offre de bienvenue personnalisée aux nouveaux followers Twitter
Etape # 1
Marc suit le compte de la marque
MyComp sur Twitter
Etape # 2
Marc reçoit un message privé sur Twitter, avec
une offre de bienvenue personnalisée en fonction
du nombre de followers (bon d’achat de 10 € si
inférieur
si
inférieur
à 500,
à 500,
2020
€ si
€ si
supérieur
supérieur
à 500)
à 500)
Etape # 3
Marc clique sur le lien et renseigne ses infos
basiques pour recevoir le code promo : nom, email
et compte Twitter
www.
www.MyComp@MyComp
Veuillez remplir les informations suivantes pour
profiter de votre offre de bienvenue :
MyComp@MyComp
Bienvenue ! Pour vous remercier, nous
vous offrons un bon d’achat de 10 euros,
valable sur tous nos produits :
www.abc.com/promo. A bientôt !
Prénom :
Nom :
Email :
Compte Twitter :
Valider
Etape # 6
Le profil de Marc est mis à jour
dans la base de données de
l’entreprise. Ses informations
twitter peuvent servir de critères
de ciblage sur tous les canaux
marketing
Etape # 5
Marc effectue un
achat sur le site web
de l’entreprise en
utilisant son bon
d’achat
de 10 €
Etape # 4
Marc reçoit
un email
automatique
avec son
code promo
de 10 €
email
MyComp
Bonjour Marc,
Nous sommes ravis de vous compter parmi nos followers Twitter !
Votre code promo : XY75390
Génération Kurt Salmon # 28
37
< Points de vue
Les contenus « Over The Top » investissent
nos télévisions : chronique d’une rupture
que les acteurs traditionnels peuvent devancer
Par Véronique Pellet
Les acteurs « Over The Top » ont pour ambition de réinventer
la télévision, mais aussi de remettre en cause les positions des
« historiques » que sont les chaînes de télévision, les acteurs de
la télévision payante ou encore les FAI. Qu’en est-il vraiment ?
Deux scénarios se dégagent à court terme, avec un équilibre
économique qui peut être vertueux pour toutes les parties…
A condition de réagir suffisamment tôt.
L’« Over The Top » est un terme un
peu flou qui désigne en réalité des
acteurs que nous connaissons depuis
longtemps.
Les acteurs « Over The Top » ou « OTT »
sont appelés ainsi parce qu’ils proposent
du contenu audiovisuel directement
accessible depuis Internet, sans avoir
à passer par le réseau dit « managé »
des FAI 1 : leur contenu vient donc
« par-dessus » celui des opérateurs. Ces
acteurs sont généralement des géants
de l’Internet : YouTube, Facebook, Skype,
Netflix…
1. Le réseau « managé » est
le réseau géré par le FAI, qui
en contrôle les services et la
configuration. Les utilisateurs
y ont accès par un portail
(typiquement l’écran d’accueil
de la TV quand elle est reçue
en IPTV dans le cadre d’une
offre Triple Play) qui ne
donne accès qu’à des services
sélectionnés par le FAI tels
que la VOD (on parle alors
de services « managés »).
38
Les contenus OTT investissent donc
nos équipements à mesure qu’ils sont
connectés à Internet : d’abord dans les
années 2000 avec la démocratisation
des connexions Internet sur PC ; puis
dès 2007 avec le lancement de l’iPhone
et le décollage de l’Internet Mobile.
Regarder une vidéo Dailymotion sur son
smartphone c’est donc consommer de
l’OTT ! En effet, jusque là les opérateurs
avaient la main sur le contenu proposé
à leur client en « verrouillant » les
services accessibles depuis le portail des
téléphones mobiles. L’iPhone, et dans son
sillage les téléphones sous Androïd, ont
créé une véritable rupture de ce modèle
en donnant aux utilisateurs un accès
à l’Internet ouvert sans avoir à passer
par le portail des opérateurs. C’est ce
que l’on appelle la désintermédiation
ou le « cord cutting » en anglais : les
utilisateurs finaux s’affranchissent des
services proposés par les opérateurs en
installant les applications de leur choix et
en accédant à du contenu directement en
ligne.
Si l’on en parle tant aujourd’hui c’est
parce que nos télévisions vont bientôt
toutes être connectées à Internet
avec l’essor des smart TV (télévisions
directement connectées à Internet sans
passer par la set-top box des FAI) et
des boitiers OTT (le boitier Apple TV
par exemple ou encore la Xbox 360 de
Microsoft). Les acteurs OTT vont donc
pouvoir « pousser » leur contenu sur
la télévision, en l’accompagnant de
nouvelles fonctionnalités interactives
(guide des programmes personnalisé,
recommandations de films en fonction
de ses goûts, accès aux applications de
réseaux sociaux ou de communication
type Skype…). Ceci n’était pas possible
auparavant, même pour les foyers
recevant la télévision en « IPTV » via les
offres triple play des FAI. En effet, dans
ce cas la télévision est bien connectée à
Internet mais d’une part les FAI ne donnent
accès qu’à leurs « services managés »
(VOD, jeux…) et d’autre part l’IPTV ne
supporte pas en natif les technologies
« web-based » nécessaires à la diffusion
des contenus OTT.
De fait, le phénomène de « cord
cutting » appliqué à la télévision
pourrait créer une rupture sans
précédent pour les fournisseurs de
contenus traditionnels. En premier lieu,
les acteurs historiques tels que les chaînes
de télévision ou les FAI, aujourd’hui
largement encadrés par la règlementation
française (quota de diffusion d’œuvres
audiovisuelles française, obligation de
financement…), vont devoir faire face à
des acteurs mondiaux issus d’un Internet
très peu régulé. Et surtout, l’arrivée
d’acteurs OTT pourrait conduire à une
fragmentation des audiences et donc à
une érosion substantielle des revenus
publicitaires. En effet, les téléspectateurs
jusque là relativement passifs face à des
programmes « linéaires » – et constituant
de ce fait une audience largement
monétisable grâce à la publicité – vont
avoir accès demain à une offre beaucoup
plus importante de services en overthe-top, notamment délinéarisés. Et
Génération Kurt Salmon # 28
au-delà des revenus publicitaires, c’est
aussi une partie importante des revenus
issus directement de la vente de loisirs
numériques audiovisuels 2 qui risque
d’échapper aux historiques. Les enjeux
sont de taille : d’après nos analyses,
ce marché devrait croître en France de
près de 40 % d’ici à 2016 pour atteindre
7 milliards d’euros, notamment sous l’effet
de la vidéo (VOD, SVOD et EST3) dont le
marché va quintupler pour atteindre près
de 900 millions d’euros. Or aujourd’hui le
marché français de la vidéo numérique
est dominé par les FAI, qui captent 90 %
de la VOD en valeur, et dont les positions
vont être fortement concurrencées avec
l’arrivée des modèles en SVOD des acteurs
OTT. Ainsi le marché de la SVOD lancé par
Netflix s’est-il imposé en un an aux EtatsUnis, pesant en 2011, 454 millions d’euros
soit autant que la VOD et l’EST réunis4.
<< Les acteurs OTT sont en train de réunir les
conditions nécessaires pour exister durablement
sur le marché. >>
Deux questions majeures se posent :
d’une part la capacité des acteurs OTT à
investir suffisamment massivement les
écrans TV pour provoquer cette rupture
et d’autre part celle des historiques à
l’anticiper voire à circonscrire le risque
de « cord cutting ».
2. Le marché des loisirs
numériques comprend la
télévision payante, la vidéo
numérique (à la location,
à l’abonnement ou au
téléchargement), la musique et
les jeux numériques.
3. La VOD (Video on Demand)
correspond à la location de
vidéo numérique – proposé
par les FAI par exemple –,
la SVOD (Subscription Video
on Demand) correspond à
une formule d’abonnement
– c’est le modèle de Netflix
ou de Canalplay Infinity par
exemple – et l’EST (Electronic
Sell Through) correspond à
l’achat par téléchargement
d’une vidéo – marché dominé
par Apple.
4. Source : IHS Screen digest
2012.
5. Amazon devrait lancer
Lovefilm avant la fin de l’année
en France sur smart TV et
consoles de jeux.
6. Source : Médiamétrie, mai
2012.
7. Avec des marges allant de
37 % à 51 % sur l’iPad par
exemple – source iSuppli 2012.
De fait, les acteurs OTT sont en train
de réunir progressivement les quatre
conditions nécessaires pour exister
durablement sur le marché :
• U ne adaptation aux contraintes
règlementaires de la « chronologie
des médias » française qui impose
notamment un délai de 36 mois avant
qu’un film ne soit disponible en SVOD.
Par exemple, des acteurs tels que Netlflix
ou Hulu investissent dans la création de
contenus exclusifs, ce qui leur permet de
« remonter » la chronologie des médias
en se positionnant sur la fenêtre « TV
payante » (t+10 mois) et non plus sur la
fenêtre « SVOD » (t+36 mois) ;
•L
a proposition de contenus attractifs
pour le téléspectateur tels que les films à
succès ou encore les programmes locaux.
Aujourd’hui les acteurs historiques, et
notamment les FAI, disposent d’une
capacité plus importante que les OTT
en matière d’acquisition des droits des
majors (Disney, Sony…). Aussi, les acteurs
OTT disposent de trois façons pour
intégrer ces contenus à leurs offres : soit
en intégrant directement des chaînes de
télévision classiques aux offres des OTT
– ce qu’Apple est en train de négocier
avec les cablô-opérateurs aux EtatsUnis – ; ou bien à l’instar de Netflix en
acquérant les droits de certains films ; ou
encore en « re-linéarisant » du contenu
comme YouTube avec le lancement de
ses 13 chaînes thématiques françaises
pour lesquelles la filiale de Google a fait
appel à des producteurs locaux ;
• Une qualité et un débit suffisant pour
proposer des contenus OTT en HD et
en live. En effet, les offres OTT s’appuient
sur des technologies « web-based »
nécessitant des standards communs
et des capacités réseaux suffisantes
pour acheminer un contenu de bonne
qualité aux utilisateurs. En l’occurrence
l’actuelle montée en débit des réseaux et
les nouvelles technologies d’encodage
(HEVC, Adaptive Streaming…) va
permettre la diffusion de contenus OTT
en HD et en live dans quelques mois ;
• Une relation directe avec le client,
dont les acteurs comme Apple ou
Amazon disposent déjà avec des bases
clients considérables qu’ils sont en
mesure de facturer directement.
Forts de ces atouts, les acteurs OTT
vont donc progressivement investir
les écrans TV, avec deux scénarios
envisageables, qui pourront se succéder dans le temps. A très court terme,
les OTT vont pénétrer le marché français
avec des offres de VOD et de SVOD5
sur les « seconds écrans » c’est-à-dire
le 2e téléviseur du foyer et les tablettes
(rappelons que les foyers français possèdent 6,2 écrans en moyenne et deux
écrans TV pour 50 % d’entre eux6), sans
que cela ne crée de distorsion majeure
du marché. Dans un second scénario, qui
peut être consécutif à celui-ci, la montée
en puissance des usages sur smart TV
créera une véritable rupture, et il y a fort
à parier que ce soit la smart iTV d’Apple
(c’est-à-dire le téléviseur) qui en soit le
déclencheur. Il faut en effet garder en tête
que le business model d’Apple repose sur
la vente de Hardware7 et que l’iTV représente un véritable relais de croissance
aux iPhones (dont les ventes ont été
dépassées en 2011 par celles des Android
Phones). Et Google suivra dans son sillage,
via ses accords avec les constructeurs de
smart TV, reproduisant le modèle adopté
sur les téléphones mobiles. Aujourd’hui
11 % des foyers français sont déjà équipés
d’une smart TV, soit 30 % du parc installé.
Au rythme actuel, cela représentera 75 %
Génération Kurt Salmon # 28
39
< Points de vue
8. Source : IDATE et analyses
Kurt Salmon.
9. Source ARCEP.
10. Hybrid Broadband
Broadcast Television,
standard européen déployé
conjointement par les chaînes
de télévision, les diffuseurs et
les fabricants de téléviseurs.
Les chaînes françaises (TF1, M6,
France 2, France 3, Canal+…)
proposent depuis 2011 des
services interactifs HbbTV sur
les téléviseurs compatibles.
11. Loi sur la Neutralité du
Net, mission de concertation
sur l’acte II de l’exception
culturelle.
40
de téléviseurs « connectables » en 20158,
dont 50 % devraient effectivement être
« connectés ».
Néanmoins en France les acteurs
historiques, et notamment les FAI,
disposent de quelques longueurs
d’avance pour anticiper l’arrivée de
ces acteurs. En effet, le marché français
est très atypique : 20 % des foyers
reçoivent la télévision en IPTV9 via leur
offre FAI, soit la plus forte pénétration au
monde. Ce qui leur confère un avantage
de taille : les propositions de valeur des
OTT sont certes attractives (films à petits
prix, fonctionnalités de recherche et de
recommandations de films…) mais ne sont
pas à la hauteur des offres triple play des
opérateurs, beaucoup plus complètes et
parmi les moins chères du monde.
Les opérateurs ont donc le temps
d’anticiper l’arrivée des OTT, et peuvent
mettre en œuvre deux types de
réponses stratégiques afin de changer
la donne.
D’une part, les FAI peuvent intégrer du
contenu OTT dans leurs offres triple et
quadruple play afin de les rendre plus
riches que celles des OTT seuls. Cela passe
notamment par l’adoption de technologies
« web-based » adaptées à ces nouveaux
contenus, par ailleurs plus agiles et moins
coûteuses que les technologies IPTV.
D’autre part, les FAI peuvent revaloriser
la ressource cœur de cet écosystème,
à savoir le réseau, à travers des offres
à destination des OTT. Typiquement les
opérateurs disposent de ressources
réseaux (voir ci-dessous) dont les OTT
ont besoin pour assurer la qualité de
leurs contenus. La réponse réside donc
dans la « remonétisation » des données
transportées sur leurs réseaux.
De plus les FAI ne sont pas les seuls à
réagir à l’entrée des acteurs OTT dans
l’écosystème audiovisuel. Les chaînes
de télévision ont également anticipé ces
évolutions en se fédérant autour d’un
standard commun, le HbbTV10, permettant
d’enrichir les programmes TV par l’accès à
des services interactifs. La création de cette
norme répond à de fortes inquiétudes de
la part de ces acteurs, qui craignent que
les OTT imposent leurs propres contenus
interactifs sur les émissions en courtcircuitant les chaînes. Le HbbTV permet
notamment de « contrôler » les acteurs
habilités à proposer des services interactifs
complémentaires aux programmes, en
évitant ainsi que les OTT ne puissent
pousser de manière « sauvage » du
contenu web sur le petit écran.
Enfin, les lois audiovisuelles qui
se préparent pour la fin d’année11
devraient aider les historiques à ne
pas supporter seuls le financement
des évolutions du monde numérique
audiovisuel (mise à jour de la capacité
des réseaux pour soutenir des débits
toujours plus importants, contribution
à la production audiovisuelle…) afin de
créer un environnement aussi vertueux
que possible pour l’ensemble des parties
prenantes.
Pour en savoir plus :
Véronique Pellet,
[email protected]
Les « CDN » : une denrée nécessaire pour les Over The Top
Les CDN (Content Delivery Networks) sont des réseaux permettant d’accéder
rapidement à un contenu Internet en « répliquant » le contenu provenant du
serveur d’origine sur des « nœuds » situés au plus proche de l’utilisateur final.
Ils permettent ainsi d’optimiser le temps de réponse à un site Internet (en téléchargement ou streaming) pour l’utilisateur, et diminuer le coût de la bande
passante pour les fournisseurs de contenus.
Les grands acteurs du CDN sont Akamai et Limelight Networks, concurrencés
par les opérateurs télécoms qui en détiennent également et commencent à se
fédérer entre eux pour offrir une offre globale aux OTT.
Génération Kurt Salmon # 28
Le NFC Mobile entrera dans nos quotidiens…
sur la pointe des pieds
Par Cédric Peltier
Le NFC Mobile deviendra à court terme concret pour le
grand public, mais ne va impacter en réalité nos vies que très
progressivement. Le développement de ces nouveaux usages ne
se fera en effet dans un premier temps que par opportunisme,
en s’associant à des nouveaux services simples ou issus
d’innovations de niche, à l’image de services d’informations
sur les produits chez les commerçants, de la domotique, ou
encore de nouveaux canaux de distribution comme les « murs
de produits » dans les grandes zones urbaines. Les services
plus complexes et la dématérialisation de services historiques
existants, à l’image du Paiement, ne pourront par leur
complexité s’intégrer réellement dans notre quotidien que
dans un deuxième temps à horizon 2015.
Technologie sans contact, le NFC
Mobile est embarqué à l’intérieur des
téléphones mobiles et permet de faire
communiquer 2 éléments à très faible
distance (environ 10 cm) par onde radio.
Son intégration dans le mobile permet,
au delà de la fonction « passive » (le
mobile fonctionne comme une carte sans
contact) de proposer aussi des fonctions
de « lecture » (possibilité de lire et intégrer
intelligemment des informations venant
d’une autre puce NFC) ou bien de « Peer
To Peer » (échanges d’informations entre
2 terminaux NFC).
<< Technologie sans contact, le NFC Mobile
est embarqué à l’intérieur des téléphones
mobiles et permet de faire communiquer
2 éléments à très faible distance par onde
radio. >>
Ces dernières années, les médias se
sont de plus en plus agités autour de
cette nouvelle technologie. Mais est-ce
seulement un effet un buzz ou cela
annonce-t-il un réel décollage des
services ? Pour y répondre, parcourons
les différents sujets qui font l’actualité du
NFC :
• Le dilemme technique du « secure
element » : la technologie NFC s’appuie
sur une puce communicante sans
contact à faible portée, ajoutée à un
« secure element » dont la mission est de
piloter et sécuriser les communications
entre les appareils NFC et ainsi pouvoir
proposer des services de transactions
sécurisés. Or l’emplacement du
« secure element » est soumis à débat,
autour de 4 principaux choix principaux
d’intégration :
– dans la Carte SIM, solution préconisée
par les opérateurs mobiles qui
souhaitent avoir un poids important
sur la chaîne de valeur. Cette solution
est aujourd’hui la plus aboutie et
sera vraisemblablement la norme de
demain
– dans une carte SD, solution soutenue
notamment par certaines banques
pour accélérer la mise en place de
service de m-paiement sans attendre
les accords entre opérateurs et
constructeurs
– intégré dans le mobile, solution proposée notamment par certains constructeurs mobiles comme Blackberry ou
acteurs Web comme Google
– dans le « Cloud » : la sécurisation
est alors déportée hors du terminal
et est gérée à distance. Ce concept
est cependant très récent et n’a pas la
maturité des autres solutions
• Les nouvelles possibilités de services :
les acteurs des différents secteurs
sont aujourd’hui sensibilisés au
NFC, et une galaxie de services est
aujourd’hui en cours de conception et
d’expérimentation, laissant percevoir les
usages de demain :
– Dans la distribution : des couponing
virtualisés dans les rayons (expérimentation Franprix), la mise en place
de « murs de produits virtuels » permettant de commander ses courses
à partir d’une affiche incrustée dans
le mobilier urbain (expérimentation
Casino), ou encore la carte de fidélité
sur mobile (offre de la chaîne de res-
Génération Kurt Salmon # 28
41
< Points de vue
INEUM Kurt Salmon
INE_06_0409_Logo_CMYK
14/12/2010
24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE
Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87
Web : www.carrenoir.com
Ce fichier est un document d’exécution créé sur
Illustrator version CS3.
QUADRICHROMIE
M100 Y100
M65 Y100
K100
NFC Mobile… un décollage en douceur
Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu
Découvrez dès maintenant
l’intégralité de
l’étude consacrée
à la NFC Mobile en
la téléchargeant
sur le site internet
Kurt Salmon :
kurtsalmon.com
Au-delà de ces actualités, il reste pour les
acteurs de l’écosystème à franchir deux
principaux obstacles avant de pouvoir
démocratiser les services NFC :
tauration Chido en partenariat avec
Airtag)…
– Dans les transactions bancaires : du
m-paiement pour des produits dans
les magasins (offre Citizy à Nice), ou
des services à l’image de la location
de places dans les parkings (offre
Vinci Park avec PayByPhone en région
parisienne)
– Dans les transports : du ticketing,
mis en place dans les nombreuses
expérimentations dans les transports
urbains et inter-urbains (Veolia, RATP,
Keolis, SNCF…)
–
D ans le tourisme : d’outil mobile
offrant des services d’information,
de booking et d’Access Control dans
les lieux et hébergement touristiques
(expérimentation de Telio Sonera avec
la chaîne Choice Hotels Scandinavia
en Suède)
• L ’évolution de la maturité du marché, qui
a vu les pré-requis se mettre progressivement en place ces dernières années :
–
D es consortiums d’opérateurs (à
l’image de l’AFSCM avec son offre
Citizy en France, et la future offre
inter-opérateurs Isis aux Etats-Unis),
soutenus par l’organisation mondiale
GSMA Mobile
–
D es investissements publics en
France avec la Caisse de Dépôt qui a
mis à disposition une enveloppe de
25 millions d’euros pour amorcer le
financement de projets NFC majeurs
par les collectivités. Neuf projets
ont été aujourd’hui retenus dans ce
cadre avec un investissement total de
43 millions d’euros
– L’intégration du NFC dans les smartphones phares des principales
marques de terminaux depuis 2012 :
Samsung Galaxy, Blackberry, LG, HTC,
Nokia… Ce dynamisme reste à nuan-
42
cer par l’absence de fonctionnalités
NFC dans l’Iphone 5 d’Apple lancé
en septembre 2012, et par l’augmentation des forfaits ne proposant que
des mobiles non subventionnés, ceci
allongeant la durée entre 2 renouvellements de mobile (Sosh, Free, B&You,
Red…)
–
L’éducation du Grand Public à
l’utilisation du sans contact avec des
supports cartes (badge d’entreprise,
cass transport, carte de paiement…)
• La rentabilité des services :
– Comment monétiser un service qui
n’apporte aux yeux du client que
peu de valeur ajouté, au regard des
services existants ? (ex. : ticketing,
paiement…)
–
C omment réussir à éduquer la
population sur les services NFC s’il
existe une barrière à l’entrée qui est
le prix d’accès au service ?
• L es acteurs pourront orienter leur
stratégie autour de 2 axes :
– Lorsque cela est possible, rentabiliser
le service non pas par une facturation
au client final, mais par un évitement
de coûts, à l’image du gain en coût
de fabrication de billets physiques
que peut apporter une application de
ticketing
–
P roposer dans un premier temps
des services « d’évangélisation »
de l’usage NFC mobile avec peu de
barrières à l’entrée, à l’image des
services d’informations, et attendre
à moyen terme pour lancer à grande
échelle les services plus complexes
et coûteux dans leur mise en place,
comme le paiement
• La difficulté ou résistance des professionnels à la dématérialisation de produits physiques existants :
– Liée tout d’abord à une difficulté à
monétiser le service, comme nous
l’avons détaillé précédemment. Un
client d’une banque utilisant une
carte Bleue risque ainsi de ne pas être
séduit par une offre payante lui offrant
un service équivalent à ses yeux
– Liée ensuite à l’impact que la dématérialisation peut avoir sur les modèles
économiques existants
A titre d’illustration, le couponing,
présenté comme application NFC
phare de demain, demandera une
évolution du modèle. Le couponing
papier est aujourd’hui rentable grâce
Génération Kurt Salmon # 28
en partie à la visibilité sur la marque
et le produit que permet le coupon
papier auprès des consommateurs.
Or cette dématérialisation risque de
réduire les revenus issus à la visibilité
du coupon, celui-ci étant embarqué
dans une application numérique.
Les seuls consommateurs à être
exposés à la marque seront donc les
utilisateurs de coupons, avec une
forte proportion d’opportunistes, et
le modèle économique s’en trouvera
déséquilibré. Il est donc probable que
les acteurs avancent prudemment
afin de s’assurer que la rentabilité est
toujours au rendez-vous
– Liée enfin à une difficulté que nous
pourrons appeler « culturelle ». Elle
peut concerner par exemple les services NFC de micro-paiements qui ont
objectifs de transformer la monnaie
physique en monnaie électronique. Au
delà du fait que la circulation de la
monnaie physique entre particuliers
et professionnels est hors circuits
bancaire et ne subit donc pas de facturation de transaction, elle a aussi
une ses spécificités propres :
– Elle supporte le poids des habitudes,
à l’image du chèque qui est toujours
aussi présent malgré l’existence des
cartes de paiement et des possibilités de virement simplifié
– Elle peut être utilisée pour donner
des pourboires lors du rendu de
monnaie (le célèbre « Gardez la
monnaie »)
– Enfin, et surtout, elle est « invisible »
d’un point de vue fiscal… certains
professionnels recevant aujourd’hui
de la monnaie de leurs clients
peuvent ainsi optimiser fiscalement
leurs revenus (déclaration des gains
sur des périodes différentes afin
d’optimiser les charges fiscales,
non déclaration d’une partie des
gains…).
Les acteurs NFC devront donc anticiper un
temps d’adaptation nécessaire pour faire
adopter des nouveaux services.
Depuis longtemps annoncé et au regard
de ces actualités, nous allons donc enfin
voir décoller le NFC Mobile en 2013… mais
il faudra attendre encore quelques années
pour que l’ensemble des freins soient
levés, et que cette nouvelle technologie
fasse partie intégrante de notre quotidien.
En savoir plus :
Cédric Peltier, [email protected]
Après l’ebook, les groupes d’édition
face à la nécessité de repenser le modèle
industriel du livre
Par Thomas Delteil
et Guillaume Raoux
A la veille d’une accélération de l’évolution physique/numérique
du marché du livre, les groupes d’édition ont déjà mené nombre
d’initiatives leur permettant de construire un positionnement
durable dans le numérique.
Ils doivent maintenant mener les nécessaires adaptations de
leurs activités traditionnelles – édition, diffusion et distribution –
dont certaines sont à forts coûts fixes, pour faire face à
l’accélération de la baisse de vente de livres physiques, sans
quoi ils encourent les mêmes risques que les autres industries
culturelles (presse notamment).
Une évolution physique/numérique
du marché du livre qui se fait en
douceur
1. Source : Direction du Livre
et de la Culture (yc ventes
aux collectivités), analyse Kurt
Salmon.
Jusqu’à maintenant, l’évolution physique/
numérique sur le marché du livre a été
progressive :
• Depuis 2008, les ventes de livres (en
nombre d’exemplaires) en France
semblent s’installer dans une tendance
à une légère baisse – (– 2,4 %1/an en
moyenne) – qui touche une grande
partie des catégories du livre. L’évolution
des pratiques de lecture, notamment
chez les plus jeunes et les jeunes actifs,
semble annoncer une accélération à
terme de cette baisse.
Génération Kurt Salmon # 28
43
< Points de vue
Pénétration par usage
Pénétration par âge
Personnes ayant lu au moins 1 livre au cours des 12 derniers mois
72 %
> 20 livres
10 à 19 livres
70 %
19 %
12 %
1 à 4 livres
23 %
14 %
Construire un position-nement durable dans le numérique
75
63
63
55
73
58
27 %
20
2008
15
20
15
76
71
54
57
72
51
67
67
69
49
49
49
22
14
21
18
18
20
62
62
45
48
17
14
1997 2008
1997 2008
1997 2008
1997 2008
1997 2008
1997 2008
15-24 ans
25-34 ans
35-44 ans
45-54 ans
55-64 ans
> 65 ans
• Parallèlement, le marché français
de l’ebook connait un démarrage en
douceur (0,5 % de taux de pénétration
en 2011) dans un marché européen
faiblement développé (1,1 % en 2011)
au regard des Etats-Unis (17,5 %) 2.
Ce phénomène est dû à des facteurs
inhérents à l’offre (disponibilité des
ebooks, niveau de prix…) qui contraignent
le développement du marché de l’ebook.
Par ailleurs, la demande d’ebooks reste
limitée, principalement par le faible taux
de pénétration cumulé des liseuses et
des tablettes.
Enjeu # 1
44
78
12 %
1997
2. Source : Book Republic/
ATKearney, analyse Kurt Slamon.
83
17 %
18 %
5 à 9 livres
Personnes ayant lu au moins 20 livres au cours des 12 derniers mois
16
Des groupes d’édition prêts à tirer
profit du développement imminent
de l’ebook
Cependant, plusieurs facteurs de croissance (développement attendu des
liseuses et tablettes, développement de
l’offre en ebook…) vont très certainement
conduire à une accélération de l’évolution physique/numérique.
Pour tirer profit de cette évolution en
profondeur de leur marché, deux enjeux
majeurs se présentent à eux :
• Enjeu # 1 : Construire un positionnement durable dans le numérique
Exemple d’initiatives
Prendre place sur
la chaîne de valeur
de l’ebook
•
Acquisition des compétences éditoriales digitales (contenu, format), RP, marketing,
services digitaux additionnels, infrastructure technique permettant d’assurer le développement
d’ebook. de plateformes de diffusion numérique sécurisant la gestion des droits
• D
éveloppement
numérique.
Garder le contrôle
sur le développement
du marché et le
partage de la valeur
• Adaptation de l’offre à destination des auteurs pour sécuriser l’acquisition des droits
numériques.
• Soutien aux initiatives de plateformes technologiques ouvertes (TEA, Publie net,
Immatériel…) et développement d’offres multi formats (PDF, epub, multipocket, streaming,
mp3) pour éviter la concentration du marché par un acteur technologique.
• Extension du prix unique à l’ebook et multiplication de partenariats commerciaux avec
les plateformes de vente pour éviter la cencentration du marché autour d’un acteur et
la destruction de valeur.
• Négociation de commission avec les plateformes de vente à des taux proches des taux
actuels, négoviation des droits avec les auteurs permettant de sauvegarder l’économie
des groupes.
Améliorer la valeur
perçue et monétiser
un marché où les clients
ont une moindre
propension à payer
• Développement de nouveaux formats (format court, hybrides…) exploitant les propriétés
du numérique.
• Multiplication des formules tarifaires (location, prêt, abonnement, à l’acte…) qui stimuleront, à terme, l’achat.
• Développement de services additionnels aux lecteurs.
Génération Kurt Salmon # 28
Source : Xerfi, analyse Kurt Salmon
Nombre moyen de livres lus
21
• Enjeu # 2 : Anticiper l’impact de la
baisse du physique sur leurs activités traditionnelles – édition, diffusion,
distribution – reposant sur d’importants
coûts fixes pour dégager des marges de
manœuvre et financer le développement du numérique
<< Cela passe par la mutualisation entre groupes
des dispositifs de diffusion et de distribution. >>
3. CA > 1 M€.
4. Source : Xerfi/Greffe des
tribunaux de commerce,
analyse Kurt Salmon.
5. Source : Xerfi, analyse Kurt
Salmon.
Dans l’univers numérique, les groupes
d’édition ont déjà menés nombre d’initiatives pour :
• Prendre place sur la chaîne de valeur
de l’ebook : acquisition des compétences d’éditeur digital, développement
de plateforme de diffusion
• Garder le contrôle sur le développement du marché et le partage de la
valeur :
–
e n sécurisant l’acquisition des
droits numériques : adaptation et
enrichissement de l’offre à destination
des auteurs
– en évitant le contrôle du marché par
un acteur technologique : soutien
aux initiatives de plateforme ouverte,
développement d’offres multi format
– en évitant le contrôle du marché
par une plateforme de vente et la
destruction de valeur : extension du
prix unique du livre, multiplication
des partenariats avec les plateformes
de vente, développement des ventes
directes
– en contrôlant le partage de la valeur :
négociation de taux de commissions
proches des taux actuels avec les
plateformes de vente, négociation des
droits avec les auteurs
• Améliorer la valeur perçue et monétiser un marché où les clients ont une
moindre propension à payer : développement de nouveaux formats, multiplication
des formules tarifaires, développement de
services additionnels. Si tous les risques
ne sont pas encore totalement évacués,
les groupes d’édition sont aujourd’hui en
bonne position pour profiter pleinement
du développement du marché de l’ebook
en France.
Des groupes d’édition qui doivent
maintenant repenser l’économie
du livre
Ils doivent maintenant adresser plusieurs
problématiques d’adaptation de leurs activités traditionnelles d’édition, distribution,
diffusion et anticiper l’impact de la baisse
des ventes de livres.
Sur l’édition, ils doivent adresser plusieurs
problématiques :
• P rotéger les revenus issus de la
vente de livres (physiques) qui sont en
moyenne orientés à la baisse dans les
grandes maisons d’édition3 depuis 20084
• Maîtriser et variabiliser les charges
d’exploitation (frais de personnels
et consommations intermédiaires)
dont le poids a cru de près de 2 points5
dans les revenus des grandes maisons
d’édition depuis 2004 pour préserver
l’économie
• Maîtriser la hausse des stocks et du
BFR qui a augmenté de près de 65 %
(en jours de CA) depuis 20045 (inflation
de nouveautés, LME, développement des
retours et invendus) et limite la capacité
d’investissement des grandes maisons
d’édition
Evolution des stocks (en jours de CA)
BFR (en jours de CA)
110
90
105
80
95
90
85
80
70
Dettes
fournisseurs
60
Créances
clients
40
50
30
75
20
70
10
65
0
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
+ 64,5 %
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Génération Kurt Salmon # 28
Source : Xerfi, analyse Kurt Salmon
100
Stocks
45
< Points de vue
Nombre de nouveautés
Références en ciculation (en milliers d’ex.)
(en milliers)
Ventes par point de
vente (en milliers d’ex.)
64,3
63,6 63,7
63,1
60,4
57,7
393,4
565
594,6
07
08
05
06
07
08
09
10
11
04
05
06
Sur la diffusion/distribution ils doivent
maîtriser l’impact de la structure des
ventes sur la hausse des coûts fixes
de diffusion (augmentation du nombre de
nouveautés, baisse du poids des meilleures
ventes, baisse des ventes par points de
vente) et de distribution (augmentation du
nombre de références en circulation, augmentation du taux d’invendus, maintien du
nombre de points de vente) qui augmente
les risques financiers en cas d’accélération
de la baisse des ventes physiques.
599,4
16,8 16,5 16,3
15,6
09
10
07
08
09
10
Face à chacune de ces problématiques
d’adaptation, les groupes d’édition
doivent passer au crible plusieurs
pistes. Cela passe par des mesures
d’optimisation des opérations à l’échelle
des groupes comme par des mesures à
plus long terme à l’échelle de la filière
comme par exemple la mutualisation
entre groupes des dispositifs de diffusion
et de distribution.
S’ils n’anticipent pas l’accélération de la
baisse de ventes physiques et ne repensent
• Optimiser les revenus : revoir la politique de prix, renforcer l’efficacité commerciale.
• Optimiser les charges : optimiser les charges externes (frais généraux, achats industriels,
achat médias), moderniser les processus, métiers et support, amplifier les synergies entre
d’édition.leviers plus long terme : pertinance de la position concurrentielle et
• maisons
Etudier d’autres
adéquation offre/demande, réduction de la complexité (# de références/nouveautés, # de
points de vente…)
Maîtriser la hausse
du BFR
•
Maîtriser les créances clients : diminuer le temps de cycle commande/recouvrement,
améliorer
la performance
du recouvrement…
• M
aîtriser les
dettes fournisseurs
: réduire les dettes fournisseurs, renégocier les clauses
contractuelles…
• Réduire les stocks : solidifier le système de prévision et le système de pilotage des ventes
et des stocks, affiner et segmenter le modèle de détermination des stocks de sécurité,
segmenter la politique de service par point de vente, négocier à la baisse les quantités
minimales d’impression…
Maîtriser l’impact de
la structure des ventes
sur la hausse des
coûts fixes
•
Adapter le dispositif de diffusion à l’évolution des ventes : le ciblage (# de points de
vente), l’adéquation offre/canaux, l’allocation ressources/canaux, processus et outils de
le système
de terme
management
de la l’effort
performance.
• gestion
Etudier commerciale,
d’autres leviers
plus long
: mutualiser
commercial avec d’autres
acteurs/concurrents, diversifier la nature des produits vendus.
Maîtriser l’impact de
la structure des ventes
sur la hausse des
coûts fixes
•
Adapter le dispositif de distribution à l’évolution des ventes : les principes de gestion
des produits, processus et système de pilotage, les opérations (entrepôts centraux et
régionaux,
transports).
• E
tudier d’autres
leviers plus long terme : mutualiser le dispositif de distribution avec
d’autres acteurs/concurrents, diversifier la nature des produits distribués.
Edition
Protéger les revenus,
maîtriser et variabiliser
les charges
d’exploitation
Diffusion
Pistes (non exhaustif)
Distribution
Activité/Problématique
46
538,7
53,5
52,2
04
446,9
504,6
Génération Kurt Salmon # 28
pas leurs activités traditionnelles, les
groupes d’édition encourent les mêmes
risques que d’autres industries culturelles
comme la presse : fragilisation des
éditeurs limitant leur capacité à investir
dans le numérique et les autres relais
de croissance, voire à pérenniser leur
activité ; dégradation rapide de l’économie
des acteurs de la distribution/diffusion
disposant d’une structure à forts coûts
fixes et sans véritable relais de croissance ;
difficulté à mener les actions de rénovation
par manque de moyens compte tenu de
l’ampleur des impacts sociaux.
En savoir plus :
Thomas Delteil, [email protected],
Guillaume Raoux,
[email protected]
La nouvelle fabrique de l’innovation
Par Farouk Goulam-Ally
et Philippe Pestanes
Dans un contexte de crise et de pression sur la croissance et les
emplois des principales économies dans le monde, l’innovation
demeure une nécessité pour les entreprises pour se renouveler. La
fabrique de l’innovation, c’est-à-dire l’industrialisation du processus
de création de produits et de services nouveaux et générateurs de
valeur, est en pleine transformation. Longtemps activité secrète et
réservée à des « spécialistes », elle fait aujourd’hui sa révolution
sous l’effet de 5 tendances principales : passer du produit ou
service à l’expérience ; décloisonner le processus d’innovation pour
le rendre plus performant ; faire entrer le client dans le processus
d’innovation ; accélérer le processus pour confronter plus tôt les
produits ou services au marché ; insuffler une culture de l’innovation
dans le quotidien des entreprises.
Kurt Salmon a récemment mené une
étude approfondie sur la fabrique de
l’innovation, en ajoutant à une vaste revue
bibliographique des interviews avec de
nombreuses entreprises de différentes
industries. Il en ressort des tendances qui
bousculent les idées classiques, et des
pistes de réflexion à méditer par chaque
entreprise qui souhaite innover plus et
mieux.
L’innovation de l’expérience est à la croisée de l’économique,
du technologique et de l’humain
Innovation émotionnelle
- marques
- story-telling
- marketing
Economique
(viabilité)
Humain
(désirabilité)
Innovation fonctionnelle
- service
- utilité
- accompagnement
Technologique
(faisabilité)
Experience
innovation
Innovation
de processus
- coûts
- délais
- process
D’après Ideo – Analyse Kurt Salmon
L’innovation : ce n’est plus
seulement développer des produits
et des services, mais de plus en plus
créer une expérience distinctive
Aujourd’hui de nombreux produits
sur le marché connaissent un succès
important alors qu’ils ne présentent pas
forcément les meilleures performances
technologiques, ou les fonctionnalités les
plus évoluées. L’iphone en est un très bon
exemple…
Un des éléments qui explique cette réalité
nouvelle est que la bataille de l’innovation
se déplace du produit/service vers « l’expérience ». On pourrait dire que le client
n’achète plus seulement quelque chose
de rationnel répondant à son besoin,
mais qu’il achète en plus une multitude
de choses plus immatérielles (une facilité
d’usage, une façon d’être, de s’imaginer, de
se considérer…), c’est-à-dire « une expérience » qui dépasse le cadre de la seule
consommation.
Le client, innovateur en chef
L’innovation s’est toujours intéressée au
client. Les entreprises ont fréquemment
recours à la « voix du client » pour cerner ses besoins à partir de différentes
techniques d’expression (focus group,
enquêtes, études de marché…). Ces tech-
Génération Kurt Salmon # 28
47
< Points de vue
La fabrique de l’innovation
Management & création, perspectives
pour la croissance économique
8
23
Découvrez dès maintenant
l’intégralité de l’étude
consacrée à
La nouvelle fabrique
de l’innovation en la
téléchargeant sur le site
internet Kurt Salmon :
kurtsalmon.com
14
niques sont utiles, mais montrent leurs
limites, en particulier pour générer des
innovations en rupture.
Pour reprendre le mot célèbre d’Henry
Ford : « Si j’avais demandé à mes clients
ce qu’ils attendaient, ils m’auraient
répondu : “un cheval plus rapide”.
L’observation devient alors une technique
de plus en plus utilisée par les entreprises pour étudier les comportements
et usages de leurs clients, identifier les
manques et définir des solutions qui
pourraient simplifier et fluidifier leur vie
quotidienne. C’est une approche qu’utilise la méthode Design Thinking, qui
s’appuie sur cette phase d’observation et
pose l’innovation comme un exercice de
« problem solving » ayant pour objectif
de résoudre des problèmes de la vie
quotidienne.
La Croix Rouge américaine cherchait à stimuler le don de sang, et
la fidélisation des donneurs. Dans une approche Design Thinking, la
première étape a consisté à prendre le temps d’analyser le parcours
du don de sang pour un donneur, et de comprendre ce qu’il pouvait
ressentir à chaque étape du processus.
Cette étude a permis de mettre en place des actions simples, mais
impactantes. D’abord la communication a été changée. Précédemment
axée sur les grands enjeux du don de sang (« vous pouvez sauver une vie
avec votre sang »), elle était perçue par les donneurs comme écrasante
et impersonnelle. La nouvelle communication a mis en avant les cas
personnels de plusieurs donneurs (à travers des « histoires » racontées
sur les murs), et les motifs de leur choix de donner leur sang. Cette
communication, plus personnelle, a permis de conforter les donneurs à
travers des expériences vécues par d’autres. Ensuite les espaces dédiés
au don de sang étaient considérés comme « trop cliniques », et de nouveaux espaces ont été imaginés sur le modèle de cafés pour créer des
espaces de partage et permettre aux donneurs (en attente ou en repos
après le don) de partager leurs expériences.
Lego, confronté au déclin de ses ventes, a mis en place une plateforme
sur Internet sur laquelle une communauté créative a pu exprimer sa
créativité et proposer une série de nouveaux produits. Les produits les
plus réussis (c’est-à-dire ceux qui ont récolté le plus de suffrages de
la communauté) ont été investigués plus avant par la société et ont
parfois été développés puis commercialisés.
48
Le but poursuivi est donc de faire émerger des besoins « sous-jacents », ayant
une existence réelle mais pas forcément
verbalisée par les clients.
La deuxième tendance observée en
matière d’écoute du client, est celle des
« communautés créatives ».
L’idée est ici de faire participer le client
à toutes les phases du processus d’innovation, de la génération d’idées à travers
un apport de créativité ou d’expertise
jusqu’au test du produit fini.
Le numérique favorise fortement le développement de ce type d’approche dans
la mesure où ces communautés peuvent
facilement être mises en relation avec les
équipes de l’entreprise via des plateformes
Internet, qui deviennent de véritables facilitateurs du processus d’innovation.
Intégrer toutes les disciplines
et tous les savoir-faire, la clé
d’une innovation efficace
Traditionnellement, l’innovation est souvent
portée par une équipe bien identifiée intégrant des compétences R&D et Marketing
principalement. Le processus classique
est celui du « stage gate innovation » où
un travail en séquence est conduit depuis
la phase de génération d’idées jusqu’à la
phase de mise en marché.
Aujourd’hui cette approche est en train de
se transformer :
• L ’innovation devient de plus en plus multidisciplinaire et intègre l’ensemble des
compétences nécessaires à la conception d’expériences. Des compétences
en sciences humaines (sociologues,
psychologues, anthropologues…) ou
esthétiques (artistes, designers…) sont
sollicitées, pour appréhender les besoins
des clients dans leur globalité et définir
des solutions en phase avec l’évolution
de la société.
• L ’innovation devient ouverte. Au lieu de
travailler seules, les entreprises s’alimentent d’idées externes, et co-réfléchissent
avec leur écosystème sur des sujets
complexes. Elles s’appuient sur des composants développés par des partenaires,
voire des concurrents, ce qui permet de
mettre en place un « système d’innovation » plus efficace et plus économique.
• Enfin, la notion de prototypage devient
également prégnante. Le but visé est
de confronter le plus tôt possible les
idées avec son marché, sur la base de
réalisations préliminaires (prototypes)
qui permettent de valider concrètement
le produit au plus près des conditions
d’usage.
Génération Kurt Salmon # 28
Les différents modèles d’organisation de l’innovation
1
Modèle « In vivo »
Maison mère
2
Modèle « In vitro »
Maison mère
3
Modèle mixte
Maison mère
Structure
dédiée
Innovation 1
Structure
dédiée
Innovation 2
Cellule
dédiée
Innovation
Structure
dédiée
Innovation
Innovation et culture d’entreprise,
le lien nécessaire
Où doit se passer l’innovation dans
l’entreprise ? A cette question, trois
réponses possibles.
Première option, « incuber » le processus
d’innovation au cœur de l’entreprise.
Ce schéma d’organisation permet une
synergie naturelle entre produits existants
et en devenir et met l’innovation sous
contrôle du core business.
<< Interroger les clients a ses limites.
Pour reprendre le mot célèbre d’Henry Ford :
Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils
attendaient, ils m’auraient répondu : un cheval
plus rapide. >>
Deuxième option, placer la structure en
dehors du core business, en lui donnant
plus d’autonomie. Il est alors plus facile à
cette structure de développer des produits
en rupture, voire « en concurrence » avec
les produits existants.
De nombreuses entreprises choisissent
une troisième option, hybride, entre
les deux précédentes et adaptée à leur
caractéristique.
Ainsi, Décathlon associe à une culture de
l’innovation portée par une direction du
design et une R&D centrale, un certain
nombre d’unités de R&D décentralisées,
autonomes et proches des différentes
marques du groupe.
Pour autant, insuffler une véritable culture
de l’innovation au sein d’une entreprise
n’est pas qu’une question d’organisation.
Cette culture doit prendre corps dans le
fonctionnement quotidien des entreprises,
et s’appréhender comme une transformation pérenne, et non comme un « coup »
ou une succession de « coups ».
Cellule
dédiée
Innovation
Structure
dédiée
Innovation 3
Cette culture repose sur quelques piliers
fondamentaux :
• L’innovation doit être « incarnée » dans
l’entreprise par un individu charismatique disposant des pouvoirs hiérarchiques à la hauteur des ambitions de
la société ;
• L ’innovation doit être un objectif chiffré
qui intègre les indicateurs clés des organisations (% de chiffre d’affaires réalisé
sur des produits de moins de 3 ans…) ;
• L’innovation est l’affaire de tous. Les projets d’innovation doivent se retrouver au
centre de l’entreprise, pour que chaque
collaborateur ait l’opportunité de donner
son avis ou soumettre une idée ;
• L’initiative est à valoriser, et l’échec fait partie intégrante du processus d’innovation.
En conclusion, l’innovation représente un
espoir important pour le développement
des entreprises, surtout dans cette période
difficile pour l’économie.
Mais l’innovation ne s’improvise pas, il
s’agit d’une véritable fabrique à maîtriser,
avec des stratégies, des organisations, des
processus, des approches, des outils, des
compétences et une culture à penser et
mettre en œuvre de façon éclairée.
Par ailleurs, avec l’avènement d’une économie de l’expérience, l’innovation se doit
d’intégrer des dimensions plus immatérielles
(émotion, esthétique, sens…) en complément des composantes traditionnelles
(fonctionnalités, performance, prix). Dans
cette optique, le brassage avec des compétences issues des industries créatives
et culturelles paraissent être un champ
d’investigation intéressant pour trouver de
nouvelles différenciations et de nouveaux
gisements de valeur.
En savoir plus : Farouk Goulam-Ally,
[email protected],
Philippe Pestanes,
[email protected]
Génération Kurt Salmon # 28
49
< actualité
INEUM Kurt Salmon
INE_06_0409_Logo_CMYK
14/12/2010
24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE
Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87
Web : www.carrenoir.com
Ce fichier est un document d’exécution créé sur
Illustrator version CS3.
QUADRICHROMIE
M100 Y100
M65 Y100
K100
NFC Mobile… un décollage en douceur
Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu
Demandez dès maintenant l’étude
NFC Mobile… un décollage en douceur
Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu
Réalisée sous l’impulsion de notre équipe Telecom et Medias, cette étude
vise à faire le point sur l’arrivée du NFC Mobile.
Annoncée en fanfare il y a quelques années, notamment autour de futurs
services de paiement mobile, il faut reconnaître qu’aujourd’hui le grand
public attend toujours cette nouvelle technologie.
Au travers de cette étude, nous étudions les évolutions récentes qui nous
permettent enfin de pressentir d’une part un décollage des usages mais
d’autre part une évolution « en douceur » et les nouvelles conditions de la
commercialisation de cette technologie.
Découvrez l’étude
La Fabrique de
l’innovation Management & création :
perspectives pour la
croissance économique
Quelques pistes pour décrypter et accélérer la mise à feu
NFC Mobile… un décollage en douceur
K100
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INEUM Kurt Salmon
M65 Y100
M100 Y100
QUADRICHROMIE
A l’occasion du Forum
d’Avignon 2012, Kurt
Salmon a présenté les
différentes tendances qui
favorisent une démarche
d’innovation efficace, et
les liens à renforcer entre
culture et économie dans
le domaine de l’innovation,
à travers sa nouvelle étude
intitulée : « La Fabrique de
l’Innovation - Management
& création : perspectives
pour la croissance
économique ».
La fabrique de l’innovation
Management & création, perspectives
pour la croissance économique
8
23
14
14
23
8
pour la croissance économique
Management & création, perspectives
La fabrique de l’innovation
50
Génération Kurt Salmon # 28
Accords GPEC
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Accords GPEC
Téléchargez dès maintenant l’étude
Accords GPEC – Qu’en est-il aujourd’hui ?
La R&D a toujours été importante dans sa création de
Réalisée sous l’impulsion des experts RH-Management,
cette étude vise à faire un point sur la Gestion
prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC).
Nos experts font ici un zoom sur certains accords GPEC
actuels réalisés par de grandes entreprises et qui ont
notamment pour objectif de créer du lien entre des
outils/dispositifs RH et des accords préexistants. Ce
dossier étudie en détail ces accords et se focalise sur
certains thèmes abordés dans ces derniers.
L’équipe Kurt Salmon donne par ailleurs son point de vue
sur les facteurs clés de succès pour la mise en œuvre de
ces accords.
Ces publications sont téléchargeables
sur le site internet kurtsalmon.com et/ou
disponibles en version papier par un simple
email à : [email protected]
51
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