La Révolution américaine et son impact sur l

Transcription

La Révolution américaine et son impact sur l
DÉPARTEMENT D’HISTOIRE
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke
La Révolution américaine et son impact sur l’avancement de la cause
noire
Présenté à
Monsieur Andrée POULIN
Par
Jean-Simon LEGAULT ST-AMOUR
Dans le cadre du cours
HST 277
Révoltes et révolutions : Europe, Amériques, 1750-1850
21 décembre 2012
1
En Amérique du Nord, la Révolution américaine (1775-1783) est perçue comme
un symbole de liberté, de fraternité et d’égalité. Trois grands mots qui sont d’inspiration
française et qui ont directement mené à la Révolution française. Cependant, cette
révolution aux États-Unis, pouvons-nous la considérer comme étant une libération pour
tous les hommes vivants dans ce nouveau pays qui se forme en 1789 avec l’élection du
premier Président américain George Washington? Ce travail consiste justement à
démontrer l’avancement de la cause des Noirs en Amérique avec la Guerre
d’Indépendance de l’Amérique et son impact sur la société noire de l’époque. Pour ce
faire, ce travail sera divisé en trois sections : la condition noire avant la révolution,
pendant la Guerre d’Indépendance et après l’Indépendance.
L’impact de la Révolution américaine dans la société noire a-t’elle favorisé une
augmentation des libertés et un assouplissement dans la pratique de l’esclavage aux ÉtatsUnis nouvellement formés? Malgré la participation des Noires durant ce conflit, tant du
côté Anglais qu’américain, l’esclavage ne sera pas aboli. Par contre, durant ce conflit, il y
a une remise en question majeure de l’esclavage dans ses colonies. Cette remise en
question, comme vous le verrez dans mon argumentation, ne sera pas assez forte pour
renverser le modèle économique américain, mais fera tout de même son bout de chemin
dans la mentalité de la société. Après la Révolution, il y a une vague importante de Noirs
qui obtiennent leur liberté, et pour ceux qui ne l’obtiennent pas, il y a un assouplissement
de la pratique esclavagiste par les propriétaires terriens. Il y a une certaine prise de
conscience de cette classe bourgeoise que le Noir est plus un être humain qu’un outil de
travail sans âme.
2
L’esclavage avant la Guerre d’indépendance :
L’esclavage existait bien avant que les colonies américaines décident d’utiliser ce
mode économique. En Afrique, il est instauré depuis longtemps et fonctionne déjà à plein
régime. Cependant, les Américains vont pousser ce mode d’exploitation à son extrême et
c’est ce qui rend l’esclavage américain unique dans le monde. Dans cette division, il sera
question de mettre en évidence le mode esclavagiste utilisé par les 13 colonies
américaines avant la Guerre d’indépendance.
L’esclavage, avant la Déclaration d’Indépendance de 1776, est caractérisé par la
cruauté des propriétaires terriens qui l'utilisent pour s’enrichir. Les Noirs sont utilisés
comme une main d’œuvre à faible coût pouvant être utilisée jusqu’à épuisement et
remplaçable lorsqu’il y a diminution de productivité. Ainsi, les deux fondements de
l’esclavage en Amérique, comme Howard Zinn l’indique, sont basés sur le « désir
frénétique de profits illimités »1 et une haine raciale afin de justifier l’infériorité et la
déshumanisation du noir2. Le Noir ne devient dès lors qu’un outil de travail remplaçable
lorsqu’il est brisé. Il n’a plus de place pour lui à l’épanouissement social, ou bien à un
avenir heureux dans le futur. Il est une simple marchandise valant de l’argent pour les
négriers et une source de rentabilisation pour les esclavagistes. Il a été arraché de son
pays natal en Afrique, de sa famille et ses amis. Il est déporté en Amérique et vendu en
tant que simple objet, et devra travailler jusqu’à la mort pour une personne et
l’enrichissement de celle-ci sans jamais pouvoir en profiter. La traite des esclaves dans
les 13 colonies du Nouveau Monde commence dès son jeune âge, soit en 1619. Avec
1
2
Howard, Zinn. Une histoire populaire des États-Unis: De 1492 à nos jours, p. 37
Ibid. p. 37
3
l’implantation du Code noir et ceux qui lui succèdent de 1690 à 17403, l’esclavage
devient alors un phénomène « naturel » et ainsi, le Noir devient le nègre4.
Malgré tout, il ne faut pas croire qu’il n’y a eu aucune compassion de la part des
Blancs envers des Noirs. Il y a eu effectivement fraternisation entre les deux classes
sociales5. Plusieurs exemples de Blancs ayant fraternisé, ou même couché avec des
personnes de race noire sont rapportés. Les punitions sont toujours de petite envergure
lorsque découvertes pour la personne de race blanche et extrêmement sévères pour le
nègre. Autre fait intéressant à mentionner, l’esclavage, selon les colons anglais en
Amérique, implique que la servitude est transmissible par la mère, et ce, quelle que soit la
classe sociale du paternel6. Ce qui implique que, quelque soit la classe sociale de laquelle
tu proviens, la couleur de la peau étant génétique, le reste vient avec. Il n’y a aucune
possibilité d’ascension sociale dans cette société à cause de cette haine raciale. Si tu es
esclave, tes enfants sont automatiquement esclaves et ainsi de suite. L’esclavage est donc
à vie ou transmissible génétiquement7. Finalement, plus les années passent, et plus il y a
de Blancs nés en Amérique qui remplacent leur père sur leur propriété, ce qui vient à
changer la mentalité du pays. On voit dès lors, lorsqu’on parle des esclaves sous son
autorité, l’utilisation du mot « gens » ou encore « mes gens »8 pour les désigner. Cette
façon de faire vient avec une nouvelle façon de voir le Noir, soit comme un enfant
permanent. Cette nouvelle façon de concevoir le nègre est ce que nous appelons le
paternalisme ou encore l’infantilisation raciale.
3
Claude, Folhen. Histoire de l’esclavage aux États-Unis, p. 48
Anne, Garrait-Bourrier. L’esclavage aux États-Unis: Du déracinement à l’identité, p. 44
5
Zinn. Op. cit. p. 41
6
Folhen. Op. cit. p. 47
7
Ibid. p. 48
8
Peter, Kolchin. Une institution très particulière : l’esclavage aux États-Unis 1619-1877, p. 65
4
4
Bref, avant la Révolution américaine, le but des propriétaires terriens est de faire
du profit illimité. Pour se faire, on justifie la pratique de l’esclavage par une
déshumanisation de l’homme noir et par une haine raciale profonde qui crée un clivage
important entre le Blanc et le nègre. Pendant plusieurs siècles, et encore aujourd’hui, bien
qu’à des degrés très faibles, on perçoit l’impact de cette pratique raciale sur certains
individus.
Déclaration d’Indépendance et la guerre qui s’ensuit :
La déclaration d’Indépendance vient mettre en lumière un paradoxe important
dans la société américaine de l’époque. Le peuple américain scande : liberté, fraternité,
égalité, face à sa métropole, l’Angleterre, dont il juge être l'esclave personnel du roi,
alors que lui-même perpétue cette inégalité dans son propre territoire en étant une société
esclavagiste. Dans cette section, l’objectif sera de mettre en lumière ce paradoxe, mais
aussi les gains obtenus par la société noire dans ce conflit.
Lors de l’écriture de la déclaration de l’Indépendance américaine par Thomas
Jefferson, ce dernier y avait intégré un passage que nous pouvons considérer comme
antiesclavagiste, ou à la limite pro Noirs : « empêcher toute tentative de faire cesser ou
tout au moins de limiter ce commerce exécrable [parlant du commerce négrier] »9.
Cependant, comme l’indique Howard Zinn, Jefferson n’écrit pas ce passage avec une
penser sincère contre l’esclavage, il était lui-même propriétaire d'esclaves, mais par
9
Zinn. Op. cit. p. 89
5
crainte qu’il y ait des révoltes populaires noires dans les États sudistes10. Cette section est
effacée de la déclaration par le Congrès continental lors d’un vote. Quelques jours plus
tard, le 15 juillet 1776 Benjamin Franklin corrige la Déclaration des droits de l’homme.
On perçoit dans cette déclaration des droits le paradoxe qui est déjà installé dans le pays.
Il y est écrit :
«Tous les hommes sont nés également libres et indépendants, et
possèdent certains droits naturels, inhérents et inaliénables, parmi
lesquels la jouissance et la défense de la vie et la liberté, la faculté de
posséder et de protéger la propriété et la poursuite et l’obtention du
bonheur et de la sécurité.»11
On voit bien ici le non-sens de cette déclaration, car les esclaves ne sont pas libres et
comme il a été mentionné plus haut, la servitude se transmet de façon purement génétique
par la couleur de la peau. Alors qu’en réalité, selon cet article faisant partie de la
déclaration, ils sont sensés être totalement libres. On peut interpréter cet article d’une
autre façon, étant donné que les nègres sont déshumanisés, ils ne sont donc aucunement
perçus comme étant des hommes, il est donc normal que cela ne s’applique pas à eux. Ils
sont, selon cette conception de la déclaration, mis de côté, oubliés, ou encore,
marginalisés et ce, afin que leur servitude se perpétue. Selon Jean-Michel Lacroix, cette
façon d'écrire des textes constitutionnels sans mentionner qui y a droit est une façon
10
11
Ibid. p. 89
Claude, Folhen. Benjamin Franklin, p. 261
6
détournée de pouvoir se rallier le peuple noir, voyant que le conflit armé est inévitable et
le besoin de soldats, imminent12.
Pour le peuple noir, l’enjeu de l’indépendance américaine ne fait que peu de
différence dans leur désir de liberté. N’ayant jamais ou presque touché de solde, ils ne
peuvent être atteints par les mesures fiscales anglaises, comme les colons américains le
sont. Ainsi, ceux qui se rangent du côté des indépendantistes sont poussés par l’espoir de
liberté13. Au début de la révolution, plusieurs Noirs, libres ou esclaves, combattent au
côté des Blancs sans qu’il y ait de discrimination. On peut même aller jusqu’à dire que,
pour une fois, l’homme noir est l’égal de l’homme blanc. Cependant, George Washington
va rapidement, en 1775, mettre un terme à l’enrôlement des Noirs dans l’armée
continentale14. On croit à tort que l’implication trop grande des Noirs dans l’armée
favorisera la désertion et le cahot social. Du côté anglais, Lord Dunmore, gouverneur de
la Virginie et loyaliste convaincu, voulant affaiblir les colonies sudistes, va proclamer
que tous les hommes noirs libres ou esclaves qui se joindront à l’armée anglaise
obtiendront à la suite du conflit leur liberté15. Washington n’a d’autre choix que de
reconsidérer son refus d’intégrer cette source de soldats potentiels dans son armée. En
plus, plusieurs États américains vont même jusqu’à donner des droits en plus pour que le
Noir soit plus tenté de rester du côté indépendantiste au lieu de rejoindre et grossir les
rangs de l’armée royale anglaise16. Certains États du nord, comme le Massachusetts, le
Rhodes Island et le New Hampshire vont offrir des primes équivalentes à celle des
12
Jean-Michel, Lacroix. Histoire des États-Unis, p. 81
Ibid. p. 82
14
Zinn. Op. cit. p. 99
15
Garrait-Bourrier. Op. cit. p. 105
16
Ibid. p. 105
13
7
soldats blancs pour les Noirs libres qui intégreraient leur armée17. New York, en 1778,
pour sa part va offrir la liberté pour trois ans aux esclaves noirs participant à l’effort de
guerre sur le terrain et vont même proposer un dédommagement en terre aux propriétaires
terriens qui perdent leurs mains d’œuvres18. En fait, tous les États vont devoir, pour garnir
leur armée déjà inférieure en nombre, faire des concessions face aux Noirs afin qu’ils ne
décident pas d’aider l’ennemi. Cela a pour conséquence qu’après la guerre, il y a une
libération de masse des Noirs en Amérique. Des Noirs, qui se battront pour
l’émancipation de leurs frères qui sont restés sous le joug des esclavagistes.
L’importance des nègres pendant le conflit armé entre les États-Unis et
l’Angleterre est de taille. Dans les deux côtés, ils ont été envoyés en première ligne afin
d’affaiblir l’ennemi. En 1775, juste avant le décret de Washington interdisant l’utilisation
des Noirs libres ou esclaves dans l’armée continentale, la Commission de Sécurité
(comité Hancock et Warren) en vient à la conclusion que l’utilisation de Noirs libres est
acceptable pour défendre leur territoire19. Comme le besoin en hommes est important, on
remarque qu’il y aura plusieurs Noirs esclaves libérés afin que l’armée soit légale devant
ce décret. On remarque que, même si la Commission accepte les Noirs libres dans
l’armée, Washington, de son côté, a eu le pouvoir de renverser sa décision deux fois de
suite. Lorsque finalement, les Noirs sont acceptés pour défendre le pays de leur maître,
des régiments noirs sont créés, leurs officiers blancs sont, au début, extrêmement réticents
à prendre le commandement. Par contre, après plusieurs combats auprès d’eux, ils vont
17
Ibid. p. 105
Ibid. p. 105
19
Ibid. p. 104
18
8
être convaincus de leurs mérites sur le champ de bataille20. Pendant toute la guerre
d’Indépendance, ces régiments se montreront cruciaux lors des victoires par leur
dévouement et leur sens de l’honneur qui en font des soldats compétents et appréciés21.
L’armée continentale est composée de la milice de chaque État et chaque milice est
composée, en théorie de tous les hommes capables de tenir une arme. En réalité, les plus
fortunés pouvaient se faire remplacer en moyennant un paiement important22. Ce qui a
pour effet de retrouver dans les milices des Noirs et des Indiens qui sont peu motivés et
obligés de combattre23. Selon Howard Zinn, il y aura des milliers de soldats noirs qui
auront combattu du côté des Anglais et seulement 5 000 pour l’armée Américaine24. On
remarque dès lors, que l’homme noir a eu son rôle dans l’indépendance des Américains,
des Noirs auront combattu pour la liberté d’hommes blancs exploitant leur propre
« race ». Autre paradoxe américain important à soulever.
Il faut préciser, bien que les pères de l’Indépendance américaine aient été des
propriétaires terriens venant de la Virginie, Maryland et de la Géorgie, la plupart d’entre
eux étaient favorables à ce que les Noirs obtiennent un meilleur statut. Cependant, la
société américaine ne l’était pas et ils ont préféré obtenir leur liberté au détriment de cette
classe sans droit et inférieure. Comme l’indique Peter Kolchin, « [ils] faisaient partie
depuis longtemps d’une communauté d’intellectuels politiques qui avait commencé à
réfléchir sur la légitimité de l’esclavage »25. Autre exemple prouvant l’acceptation, bien
que pas au même niveau que l’homme blanc, mais disons une acceptation hautaine de
20
Ibid. p. 106
Ibid. p. 106
22
Claude, Fohlen. Les pères de la révolution américaine, p. 90-91
23
Ibid. p. 91
24
Zinn. Op. cit. p. 106
25
Kolchin. Op. cit. p. 77
21
9
Washington, lorsqu’il répond à une lettre d’une jeune Noire, nommée Phillis Wheatley
qui, la veille de la Guerre d’indépendance, lui a envoyé un poème à sa gloire 26. Il l’a
remercié d’avoir confiance en lui et reste humble en mentionnant qu’il ne mérite
aucunement une telle estime de la part du peuple. On peut aussi en déduire que les Noirs
appuyaient les indépendantistes américains et avait une certaine confiance en eux, et on
peut même aller jusqu’à dire une certaine attente face à la redéfinition de leur statut dans
la société.
Grâce au bouleversement apporté par la Guerre d’Indépendance, il y a
affaiblissement du pouvoir esclavagiste et une augmentation des libertés, bien que
substantielle, des Noirs en Amérique. Ce bouleversement fera en sorte que l’après-guerre
sera plus heureuse pour les esclaves sans pour autant obtenir leur libération.
L’après-guerre d’Indépendance :
À la fin du conflit, les colonies anglaises obtiennent leur indépendance et forment
un nouveau pays, les États-Unis. Avec tout le bouleversement qu’occasionne
l’organisation de gestion du nouveau pays, les Noirs en profitent encore pour essayer de
solidifier le peu de gains qu’ils ont obtenus. Dans cette dernière partie, il sera question de
mettre en évidence l’assouplissement de cette nouvelle façon de concevoir l’esclavage et
bien sûr de remettre en perspective la nouvelle classe sociale noire libre qui émerge aux
États-Unis.
26
David, McCullough. 1776, p. 124
10
Pour les esclaves qui restèrent esclaves, ils gagnent en autonomie tout en devant
servitude à leur maître. Selon les régions concernées, les petites libertés qui sont
accordées vont différer. Kolchin en fait un petit répertoire dans son livre, une institution
très particulière : l’esclavage aux États-Unis 1619-1877, dans la région du Chesapeake,
les esclaves noirs sont en surnombre, ils échappent quelquefois au labeur des champs
pour faire un travail qui demande une qualification27. Toujours selon le même auteur, la
population esclave du haut Sud américain réussit à apprendre le mode de vie américain et
devient alors moins barbare aux yeux du peuple blanc, ce qui favorise l’obtention d’une
plus grande marge de manœuvre de leur part28. Certains esclaves, ayant la confiance de
leur maître vont même avoir le privilège de pouvoir, s’ils ont une certaine spécialisation,
travailler à l’extérieur de la maison maître et vont même être salariés29. Ils restent tout de
même des esclaves, donc des êtres inférieurs de par leur nature, lorsqu’ils sortent à
l’extérieur pour faire un travail, ils ne sont pas mieux traités qu’un autre esclave.
Cependant, ils ont l’avantage de pouvoir faire des rencontres, et même peut-être de faire
des achats personnels avec le peu d’argent de poche qu’ils gagnent.
Autre avancement qui n’était pas possible avant, grâce l’industrialisation des États
du nord, les Noirs libres peuvent alors obtenir un travail salarié plus décent qu’avant et en
économisant, peuvent même acheter la liberté des êtres qui leur sont chers30. Les Noirs
libres peuvent enfin percevoir un avenir heureux dans les États du Nord qui ne sont plus
esclavagistes. Cependant, puisqu’ils sont libres, il y a toujours une certaine crainte à leur
27
Kolchin. Op. cit. p. 81
Ibid. p. 81
29
Ibid. p. 81
30
Garrait-Bourrier. Op. cit. p. 107
28
11
égard qui fait en sorte d’avoir un durcissement de la loi envers eux31. Malgré leur liberté,
ils sont ostracisés par cette population blanche qui se croit toujours plus importante, à
défaut de supérieure.
Dans les États du haut Sud, les esclaves ont maintenant des temps libres32 pour
reprendre des forces et faire ce qu’il leur plait, bien que ces moments sont rares, ils en ont
maintenant le droit. Leurs rapports avec les Blancs s’améliorent de plus en plus, mais
restent tout de même dans un mode de vie de servitude, et il y a des représailles sévères
pour ceux qui essaient de s’enfuir.
La différence dans les États les plus au sud est majeure. En Géorgie et en Caroline
du Sud, la traite des esclaves persiste alors que dans tous les autres États elle a cessé.
L’économie étant basée exclusivement sur l’apport quotidien du travail des esclaves, il
est impossible d’en arrêter la traite. Le seul changement entre avant la révolution et
l’après révolution est que les Afro-américains (Noirs nés en Amérique) ont de meilleures
conditions de travail que les Africains qui sont vendus et traités de la même façon
qu’avant33. On peut en conclure qu’il y a maintenant une sorte de hiérarchie qui s’installe
dans cette classe sociale34. Il y a en bas de la chaîne l’Africain noir n’ayant aucunement
de faveur et devant travailler dans des conditions exécrables et, juste au-dessus de lui,
l’Afro-américain, qui par son travail, réussit à chercher une certaine grâce de la part de
son maître. D’ailleurs, juste avec la nouvelle façon de les nommer, Afro-américain, on le
marginalise tout en le rendant un peu plus humain aux yeux des Blancs, Afro (bête) et
américain (civilisé). On remarque qu’il y a dissension sociale dans la société américaine
31
Zinn. Op. cit. p. 106
Garrait-Bourrier. Op. cit. p. 107
33
Ibid. p. 107
34
Ibid. p. 107
32
12
tout au long de l’institution esclavagiste après la Guerre d’Indépendance entre le nord
libre et le sud esclavagiste. D’un côté, le Noir et le Blanc prennent conscience l’un de
l’autre et apprennent à se respecter malgré la marginalisation que les Noirs doivent subir
face à la loi, et de l’autre, un gouffre s’agrandit entre Noirs et Blancs. Un creux qui
devient tellement important qu’il mène à la guerre de Sécession de 1861 à 1865.
Fait intéressant à mentionner, on commence à reconnaitre publiquement le talent
de certains Noirs et ceux-ci, par leur nouveau statut social, vont faire plusieurs demandes
pour l’abolition de ce qu’ils considèrent comme une abomination pour leur peuple. Peu
de Noirs auront l’honneur d’être reconnus comme était des êtres exceptionnels, mais nous
pouvons en mentionner un qui obtient certainement le meilleur des appuis, un
mathématicien noir, Benjamin Banneker, qui à la fin du 18e siècle, sera reconnu comme
génie par Jefferson en personne, qui d’ailleurs était très critique à l’égard de l’intelligence
possible des Noirs35. Jefferson écrit au marquis de Condorcet en 1791 :
« J’ai le plaisir de vous apprendre que nous avons maintenant aux
États-Unis un Noir […] qui est un mathématicien fort respectable
[…]. Je serais ravi de voir ces cas de supériorité morale se multiplier,
de manière à prouver que le manque de talent dont les Noirs font
généralement preuve n’est qu’un effet de leur condition misérable, et
qu’il ne procède aucunement d’une particularité essentielle de leur
intellect »36.
35
36
Kolchin. Op. cit. p. 73
Ibid. p. 73
13
On remarque ici exactement la marginalisation accordée par le Blanc. On remarque le
talent de Banneker, on ne le nie pas et il est heureux d’en faire la remarque, mais on le
pervertit en mentionnant que cette intelligence a été possible grâce à l’éducation
supérieure de la société blanche. De son côté, Banneker en profite pour soutenir son
peuple et écrit à Jefferson pour plaider sa cause :
« J’imagine que vous connaissez trop bien cette vérité pour qu’il soit
besoin d’en apporter ici la preuve, que nous sommes une race d’êtres
humains qui avons longtemps travaillé dans des conditions
d’oppression abusives, que l’on nous a longtemps considérés avec
mépris, plus comme des bêtes brutes à peine capables de raisonner que
comme des êtres humains. […] J’espère que vous profiterez des
nombreuses opportunités de réduire à néant toutes ces opinions et
préjugés, […] qui l’emporte si généralement sur le respect qui nous est
dû; […] un seul et même Père éternel nous a donné la vie à tous et
qu’il ne nous a pas seulement tous faits de la même chair mais nous a,
également […], fait don de la même sensibilité et offert à tous les
mêmes capacités »37.
Benjamin Banneker cherche à obtenir la liberté des siens par la diplomatie en se basant
sur lui-même, comme démonstration que l’intelligence et la bienséance ne sont pas
uniquement des qualités ou des valeurs retrouvées chez les Blancs, mais aussi chez les
Noirs. Ils ne sont pas bestiaux comme le sous-entendent les esclavagistes, ils utilisent des
termes qui rappellent à Jefferson que le Noir est humain et respectable et qu’il est égal au
Blanc parce que Dieu leur a donné les mêmes capacités. Bien que Jefferson soit généreux
37
Zinn. Op. cit. p. 108
14
face aux Noirs, il ne fera jamais l’abolition de l’esclavage parce qu’il aura beaucoup de
pression de la part des propriétaires terriens et que, l’économie étant basé sur l’esclavage
et rien d’autre pour le Sud américain, elle est difficile à abolir sans affecter les rentes.
L’après-guerre est généralement favorable à la cause noire, malgré le fait que
l’esclavage persiste. Seul le Sud américain restera profondément marqué par une haine
raciale sans borne qui fait en sorte que l’esclave n’aura droit à aucune émancipation
personnelle. Plus on monte vers le nord et plus le Noir obtient des libertés tout en restant
esclave, pour finir au nord complètement, où, avec l’industrialisation, il est totalement
libre, mais marginalisé. On commence aussi à reconnaitre l’intelligence des Noirs et à
l’afficher sur la place publique, leur donnant ainsi une reconnaissance que plusieurs
d’entre eux utiliseront pour améliorer les conditions de leur peuple.
Conclusion :
Finalement, nous avons démontré que l’esclave noir en Amérique, avant la
révolution, est oppressé à l’excès, que pendant la guerre d’Indépendance, il gagne une
certaine liberté en participant au conflit et qu’après la guerre, malgré le fait qu’il y ait
toujours l’esclavage, celui-ci s’est humanisé tout en gardant une main mise sur le nègre.
Même si l’esclavage n’a pas été aboli avec l’Indépendance américaine, le Noir
d’Amérique se trouve en meilleur posture qu’avant, sauf dans les États les plus au sud.
On peu en conclure, bien qu’il ne faut pas généraliser pour tous les États, que la
Révolution Américaine a été favorable à la cause des Noirs, mais qu’elle est paradoxale
parce qu’elle revendique la liberté, l’égalité et la fraternité, alors qu’elle-même consiste à
15
l’inégalité sociale. L’intérêt pour l’histoire des exclus tels que les Noirs pendant cette
période est important, mais il y a aussi l’importance des femmes et des Amérindiens qu'il
serait légitime de travailler dans une autre recherche.
16
Bibliographie :
1- FOHLEN, Claude. Benjamin Franklin : L’Américain des Lumières, Édition
Biographie Payot, Paris, 2000, 405 p.
2- FOHLEN, Claude. Les Pères de la révolution américaine, Édition Albin Michel,
Paris, 1989, 260 p.
3- FOLHEN, Claude. Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Édition Perrin,
Collection tempus, Paris, 2007, 343 p.
4- GARRAIT-BOURRIER, Anne. L’esclavage aux États-Unis : Du déracinement à
l’identité, Édition Ellipse, Collection Les essentiels de civilisation anglo-saxonne,
Paris, 2001, 192 p.
5- KOLCHIN, Peter. Une institution très particulière : l’esclavage aux États-Unis
1619-1877, Édition Belin, Paris, 300 p.
6- LACROIX, Jean-Michel. Histoire des États-Unis, 4e édition, Édition
Quadrige/Puf, Paris, 2010, 642 p.
7- MCCULLOUGH, David. 1776, Édition AdA inc., Varenne, 2007, 493 p.
8- ZINN, Howard. Une histoire populaire des États-Unis : De 1492 à nos jours,
seconde édition, Édition Lux, Montréal, 2002, 811 p.