dossier - Pratiques en Ophtalmologie
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spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie DOSSIER 3 La rétine médicale en direct de la SFO Les injections intravitréennes (IVT) dans notre pratique quotidienne Dr Catherine Favard1 Introduction Les traitements médicaux des pathologies rétiniennes évoluent désormais presqu’aussi vite que ceux du segment antérieur et nous permettent d’améliorer la prise en charge de ces pathologies, avec notamment l’utilisation des injections intravitréennes (IVT). DMLA Lucentis® = Avastin® ? Si de nouveaux traitements ne sont pas encore disponibles pour le traitement des néovaisseaux de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), le scoop était cette année les résultats d’une étude comparant l’efficacité et l’inocuité du bévacizumab (Avastin®) par rapport au ranibizumab (Lucentis®). En effet, l’étude CATT a montré à 1 an, sur plus de 1 200 patients traités par IVT mensuelles systématiques, un gain visuel de 8 lettres pour Avastin® contre 8,5 lettres pour Lucentis® et, pour les patients traités par IVT re- 1Centre ophtalmologique Odéon, centre Iéna Vision, Fondation Adolphe de Rothschild., Paris. nouvelées en cas d’exsudation après les 3 IVT initiales, un gain de 5,9 lettres avec Avastin® contre 6,8 avec Lucentis. La différence entre les deux traitements étant inférieure à une ligne d’acuité, elle n’est pas significative, avec donc des résultats visuels identiques entre les 2 traitements. Par ailleurs, le taux de mortalité, le taux d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux était identique (p > 0,2) entre ces deux anti-VEGF. Cependant, la proportion de patients hospitalisés était légèrement plus importante chez les patients traités par Avastin® que par Lucentis® (24,1 % vs. 19,0 % ; risk ratio : 1,29 ; 95 % confidence interval : 1,01 à 1,66), mais pour des complications non retrouvées comme faisant partie des effets secondaires des anti-VEGF par des études précédentes. les dépenses de leur sécurité sociale. En France, seul Lucentis® a une AMM et l’étude multicentrique française GEFALL est actuellement en cours selon le même protocole que l’étude CATT, payée par les pouvoirs publics pour comparer l’efficacité et l’inocuité de ces deux anti-VEGF. Malheureusement, la phase d’inclusion des patients n’est pas encore terminée et les résultats ne seront donc pas publiés avant 18 mois, avant d’envisager une éventuelle AMM pour Avastin® dans la DMLA. La polémique fait donc rage, d’autant plus que la consommation d’IVT d’anti-VEGF devrait exploser avec l’AMM obtenue par Lucentis® pour traiter les œdèmes maculaires (OM) diabétiques (OMD) avec remboursement prévu pour septembre prochain. Le VEGF trap à l’horizon? Mais quid du prix ? Les IVT d’Avastin coûtant moins de 50 euros contre 900 euros pour Lucentis® ; l’Angleterre et l’Italie avaient, depuis le début des anti-VEGF, décidé de légaliser l’utilisation d’Avastin® dans la DMLA néovasculaire (sans attendre des résultats de l’étude multicentrique, en considérant les publications internationales parues montrant son efficacité et sa tolérance) pour réduire Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45 ® Par ailleurs, le VEGF trap, protéine de fusion fixant le VEGF avec une plus forte affinité que les anticorps monoclonaux, tels que Lucentis®, permet une efficacité identique, mais avec une durée d’action qui pourrait être prolongée à 2 mois selon les résultats à un an des études VIEW américaines et mondiales publiées récemment. De nouveaux traitements sont donc en perspective. 141 spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie Tableau 1 : Traitements IVT de l’OMD : résultats visuels des études comparant les anti-VEGF, les corticoïdes et le laser DOSSIER Etude DRCRnet Laser Anti-VEGF RESOLVE Lucentis®/mois systématique RESTORE Lucentis®/mois si nécessaire RESTORE Lucentis®+ laser Macugen® DRSG/6 sem syst BOLT Avastin®/6 sem DRCRnet Lucentis®/mois Corticostéroïdes DRCRnet Kénacort® Ozurdex® (700 µg dexaM) FAME Iluvien®(0,5 µg/j dexaM) HTO : Kénacort® 40 %/ Ozurdex® 13 %/ Iluvien® 33% Cataracte : Kénacort® 33 %/Ozurdex® 26 %/Iluvien® 66 % Gain AV 2 lignes (lettres) Nb IVT à 1 an 30 %(+3l) 61 % (+10,3 l) 37 % (+6,8 l) 43 % (+6,4 l) 37 % (+5,2 l) 31 % (+8 l) 54 % (+9 l) 10 7 7 9 à 1 an/ 6 à 2 ans 9 8-9 (3-4 à 2 ans) 33 % (+10-15 l) 35 % 20 % (+5,7 l) 3 3 (à 1 an) 1 (à 1 an) Schéma 1 - Traitement en pratique de l’OMD. IVT et OM diabétique (Tab. 1 et schéma 1) Le laser Selon l’étude du DRCR net publiée en 2010, le laser est toujours indiqué pour le traitement 142 des OMD focaux avec exsudats et microanévrismes. En cas d’OM diffus ou mixte important en OCT, sans limite de niveau d’acuité, il faut maintenant considérer en première intention un traitement par IVT d’an- ti-VEGF. Un traitement par laser réalisé dans les 6 mois après IVT anti-VEGF est facilité par l’assèchement préalable de l’OM par les IVT anti-VEGF et permet de diminuer le nombre d’IVT antiVEGF. Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45 DOSSIER spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie Figure 1 - OM diabétique. Disparition de l’OMD après 2 IVT d’Avastin®, acuité améliorée de 20/200 à 20/80. Figure 2 - Femme de 62 ans, OM ET OVCR, acuité remontée de 20/500 à 20/125 après 1re IVT anti VEGF et disparition de l’OM. Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45 143 spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie DOSSIER Figure 3 - Répartition de l’OM 2 mois plus tard et 2e IVT Avastin® avec remontée de l’acuité à 20/50. Les anti-VEGF Lucentis® a obtenu l’AMM pour traiter les OMD significatifs en OCT, avec 3 injections initiales mensuelles, puis répétées si l’acuité visuelle augmente (et arrêtées en cas d’absence d’amélioration visuelle) et répétées tant que l’acuité continue d’augmenter ou si l’acuité chute secondairement. En effet, les IVT de Lucentis®, d’après les études RESOLVE, RESTORE et le DCR net, permettent à un an d’améliorer l’acuité visuelle de 2 lignes ou plus dans environ 50 % des cas. Les stéroïdes Les IVT de triamcinolone (Kénacort®) permettent un assèchement rapide de l’OM, mais ont un bénéfice visuel grevé par les cataractes induites et ne sont donc utiles que chez les sujets aphakes. 144 Traitement en pratique des OM des OVR • OVR : • Bilan initial : rétinos + OCT + AF • si OM et AVI < 5/10 : traiter tôt - Implant Ozurdex - ou IVT antiVEGF X 1 renouvelable ou X3 systématique • Suivi : rétino + OCT + TO (implants)/ 1 à 3 mois - IVT anti-VEGF si OM persistant ou récidivé - Implant si récidive OM - Laser grid maculaire : si OM OBVR persistant si OM OBVR récidivant après 3 mois Arrêter de traiter si pas amélioration visuelle malgré disparition OM • Contrôle AF /3 mois : surveiller ischémie Traitement laser PPR si ischémie +++ Plus intéressants, les implants de dexaméthasone (Ozurdex®) permettent une bonne amélioration visuelle (35 % d’amélioration de 2 lignes ou plus) avec peu de cataracte et d’hypertonie induite, mais sont sans AMM dans cette indication pour le moment. IVT et OM des occlusions veineuses (Tab. 2) Les anti-VEGF Comme dans les OMD, les IVT d’anti-VEGF permettent d’améliorer significativement le pro- Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45 DOSSIER spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie Figure 4 - A un an, après 3 IVT Avastin® récidive de l’OM et ischémie périphérique. Traitement par 4e IVT Avastin® et laser PPR périphérique. Figure 5 - OM d’OBVR temporale inférieure traité par Implant Ozurdex ® et laser grid avec remontée de l’acuité de 20/63 à 20/40 à un Pratiques mois avec disparition en Ophtalmologie de l’OM. • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45 145 spécial Congrès de la Société française d’Ophtalmologie DOSSIER nostic visuel des OM des occlusions de la veine centrale (OVCR) (CRUISE study) et de branche (OBVR)(BRAVO study) avec gain visuel de 2 lignes ou plus dans respectivement plus de 40 % et 60 % des cas. Pour les OBVR, le traitement laser est efficace et associé aux IVT permet également de diminuer le nombre d’IVT nécessaires. Il n’est pas établi si 3 IVT initiales mensuelles d’anti-VEGF sont plus efficaces que des IVT répétées seulement si persistance ou réapparition d’un OM en OCT. Cependant, les anti-VEGF n’ont pas encore d’AMM dans cette indication. Les stéroïdes Les implants Ozurdex permettent aussi une bonne récupération visuelle, avec une durée d’action de 4-6 mois et peu d’hypertonie et de cataracte induits (étude GENEVA) et ils sont actuellement remboursés dans cette indication. Le bénéfice visuel est d’autant meilleur que le traitement est instauré tôt et, en cas de baisse visuelle à 5/10 ou moins, il faut envisager d’emblée un traitement de l’OM par IVT. De plus, ces implants sont aussi efficaces en ce qui concerne la durée d’action et la récupération visuelle chez les sujets vitrectomisés. Il faut cependant rechercher l’apparition d’une ischémie dans ces OVR avec OM traité par IVT anti-VEGF ou corticoïdes et pratiquer des contrôles angiographiques à la fluorescéine tous les 3/6 mois. ® Le LASER PPR Le traitement laser PPR périphérique reste toujours indiqué pour 146 Tableau 2 - Traitements IVT des OM des OVR : résultats visuels des études comparant les anti-VEGF, les corticoïdes et le laser. Etude Gain AV 3 lignes (lettres) OBVR Lucentis 0,5 mg (BRAVO) 61 % (+18l) Laser (BRAVO) 29 % (+12l) Ozurdex® 700 µg (GENEVA) 40 % (+10l) Kénacort (1-4mg) (SCORE) 27 % Laser (SCORE) 29 %(+7l) OVCR Lucentis 0,5 mg (CRUISE) 51 %( +14l) Controles non traités 17 %( +1l) Controles traités IVT > 6 mois 33 % (+7l) Ozurdex 700 µg(GENEVA) 28 % Iluvien (FAME) 20 % Meilleur gain visuel si IVT précoce avant 6 mois +++ traiter les territoires ischémiques des OVR ou de la rétinopathie diabétique. A noter que les dernières recommandations de l’AFSSAPS en janvier 2011 concernant les IVT précisent qu’elle peuvent être réalisées en salle blanche non stérile et qu’il n’est pas nécessaire d’arrêter les anticoagulants, de dilater la pupille, de faire porter un masque au patient, qu’un blepharostat suffit sans recouvrir les cils, que vérifier la perfusion du nerf optique au FO n’est pas indispensable, de même que la vérification du FO et de la tension à J7. Par ailleurs, le consensus actuel est de ne plus prescrire d’antibioprophylaxie préopératoire per os (quinolones) car sans utilité d’après les dernières études publiées. Conclusion Les IVT d’anti-VEGF et de stéroïdes ont transformé le pronostic visuel des néovaisseaux de la Nb trait/12 mois 9 IVT 2 impl 2,2 IVT 12IVT 0 6 IVT 2 impl 1 impl DMLA, des OMD et des OM des OVR, avec gain visuel d’autant plus important que le traitement est instauré tôt, mais au prix de traitements par IVT multiples et coûteuses. L’efficacité et la tolérance à long terme sont encore à déterminer dans le cadre du traitement des OMD et des OM des OVR, et de nouvelles thérapeutiques sont en attente dans le traitement des DMLA exsudatives et atrophiques. n Mots-clés : DMLA, Rétinopathie diabétique, Occlusion veineuse, Œdème maculaire, Injection intravitréenne, anti-VEGF. Bibliographie • CATT Research Group, Martin DF, Maguire MG et al, Ranibizumab and bevacizumab for neovascular age-related macular degeneration, N Engl J Med. 2011 May 19 ; 364 : 1897-908. • Diabetic Retinopathy Clinical Research Network writing committee, on behalf of the DRCRnet. Vitrectomy outcomes in eyes with diabetic macular edema and vitreomacular traction, Ophthalmology 2010 ; 117: 1087-93. Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45