sed et grand appareillage

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sed et grand appareillage
Université Paris-Est-Créteil (UPEC)
Faculté de Médecine
Certificat universitaire Syndrome d'Ehlers-Danlos
Année universitaire 2014-2015
SYNDROME D’EHLERS-DANLOS ET GRAND
APPAREILLAGE : A PROPOS D’UN CAS
Dr Thomas Van den bossche
Date de soutenance : septembre 2015
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Le syndrome d’EHLERS-DANLOS est une maladie génétique du tissu conjonctif à l’origine de
nombreux désordres notamment de dysfonctionnements de l’appareil locomoteur. Certains
patients présentent des tableaux de paraplégie qui peuvent parfois être définitif. Toutefois,
certains de ces patients peuvent être en partie améliorés par le port de grands appareillages
des membres inférieurs.
Ce travail expose la prise en charge d’une patiente hospitalisée en Médecine Physique et
Réadaptation dans un contexte de paraplégie compliquant un syndrome d’EHLERS-DANLOS,
dont la prise en charge a nécessité un appareillage, en détaillant les différentes étapes
réalisées.
L’objectif principal est de partager l’expérience de ce cas clinique et de critiquer les limites
de cette prise en charge. Il nous a également paru intéressant de discuter de l’origine
possible de ce trouble moteur invalidant.
EHLERS-DANLOS SYNDROME is a heritable connective tissu disease at the origine of severals
disorders including musculoskeletal symptoms. Some patients experience paraplegia that
can be definitive. Some of them may be partially improved by the use of lower limbs
prosthetic appliance.
This work describes different stages of the management of a patient hospitalized in
rehabilitation unit in a situation of paraplegia in relation to a EHLERS-DANLOS syndrome,
wich care required a prosthetic appliance.
The main purpose is to share this clinical case experience and to its management limits. It
also seemed interesting to discuss of the origin of this disabling motor impairment.
1. Le syndrome d’Ehlers-Danlos
2. Le grand appareillage
3. Le cas clinique de Me C
4. Discussion
5. Conclusion
MOTS CLES : SYNDROME D’EHLERS DANLOS, PARAPLEGIE, APPAREILLAGE, PROPRIOCEPTION,
REEDUCATION .
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1. LE SYNDROME D’EHLERS-DANLOS
Le syndrome d’EHLERS-DANLOS (SED) est l’ensemble des symptômes présenté par des
patients ayant un état de fragilité secondaire à des anomalies structurale de leur tissu
conjonctif (1).
Le tissu conjonctif est fait de deux composantes : les cellules (fibroblastes) et la matrice
extracellulaire, celle-ci comprenant des fibres (collagènes, réticuline et élastiques) et la
substance fondamentale (eau, sels minéraux, protéines, glycosaminoglycanes).
Dans les SED, les patients ont une anomalie génétique, parfois identifiée, aboutissant à la
production par les fibroblastes à un collagène ou à des glycoprotéines de la matrice (comme
la tenascine) anormal. Il s’agit donc d’une, ou de plusieurs maladies génétiques pour
lesquelles la mutation à l’origine des signes n’est pas toujours identifiée à ce jour.
Cependant, malgré des origines génétiques variées, le tableau clinique est relativement
homogène, dominé par des douleurs diffuses chroniques, une asthénie invalidante et des
troubles de la proprioception. A ces signes majeurs sont généralement associé un grand
nombre de manifestations viscérales plus ou moins invalidantes (dysurie, constipation,
« blocages respiratoires », hyperosmie, …).
A noter que la forme dite vasculaire, pour laquelle l’origine génétique est bien connue
(mutation du gène COL 3A1) et peut être retrouvé par des examens appropriés, semble
présenter une gravité particulière du fait de complications pouvant être graves (ruptures
vasculaires, perforation viscérales,…). Toutefois, il n’est pas certain que les autres formes
soient exemptes de telles complications.
Le tableau clinique du SED est en rapport en grande partie avec les propriétés mécaniques
anormales du tissu conjonctif caractérisé par excès de compliance se traduisant par, pour ne
citer que les signes cliniques les plus connus, un excès d’étirabilité de la peau et une
hypermobilité articulaire.
Il existe de très nombreux autres signes, tous les organes pouvant être plus ou moins
symptomatiques, rendant compte du caractère ubiquitaire du tissu collagène dans
l’organisme.
Une des difficultés dans la prise en charge de ces patients est l’absence d’examen
permettant de faire le diagnostic positif de la pathologie, ce qui, ajouté à la méconnaissance
du corps médical et parfois, dans une moindre mesure, à la « minimisation » de certains
signes par les patients qui constatent un état similaire chez plusieurs membres de la famille
(et ne l’interprète pas comme anormal), abouti à une errance diagnostic souvent de l’ordre
de plusieurs années.
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Mais un clinicien expérimenté peut faire le diagnostic grâce à la connaissance des
symptômes les plus classiques, chez un patient dont la famille comporte souvent plusieurs
personnes atteintes.
2. LE GRAND APPAREILLAGE
L’appareillage orthopédique est l’ensemble des moyens techniques de compensation des
déficits de la motricité (2). Il comprend les orthèses (qui suppléent à la fonction) et les
prothèses (qui remplacent un élément). La prescription et la réalisation de ces éléments fait
l’objet d’une réglementation particulière.
Le grand appareillage est réalisé sur mesure par un orthopédiste agréé, conformément à un
cahier des charges, après prescription d’un médecin compétent (MPR, rhumatologue,
chirurgien orthopédiste) et est soumis à entente préalable auprès de la sécurité sociale. Si le
médecin prescripteur n’est pas compétent, le dossier sera confié au centre d’appareillage le
plus proche.
Ces documents sont adressés au médecin de l’organisme de prise en charge : l’absence de
réponse négative sous 10 jours vaut pour accord.
Cet appareillage est en effet pris en charge selon un référentiel (LPPR : liste des produits et
prestations remboursables), qui précise la nomenclature et les conditions de réalisation de
chaque appareil.
Le poids des appareils, qui dépend en partie des matériaux utilisés, est un facteur important
de la tolérance de l’appareillage. Ces matériaux peuvent être des thermoplastiques
(notamment pour les orthèses), des résines composites (notamment pour les prothèses), le
cuir (de moins en moins utilisé mais plus confortable que le plastique) mais aussi le carbone
même si celui-ci, contrairement au plastique, ne permet pas de faire de retouches a
postériori.
Les appareils de grand appareillage comportent à proprement parler :
- des corsets (appareillage du tronc) de maintien pour déficit neurologique (notamment pour
les patients poliomyélitiques), d’immobilisation (lésion post traumatique ou en post
opératoire), ou de correction (scoliose).
- des orthèses cruro-jambières de genou s’utilisent dans l’instabilité ou le déficit moteur du
genou. Les matériaux traditionnels (cuir et métal) sont actuellement remplacés par les
thermoplastiques et le carbone.
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- les corsets-sièges ou sièges-coquilles permettent d’assoir des patients qui ne parviennent
pas à cette posture de façon autonome.
- les grands appareils de verticalisation : peuvent permettre d’accéder à la position debout.
Ils comportent les tables de verticalisations (« stand-up », tables inclinables), les chariots
verticalisateurs.
- les orthèses de marche : elles aident le patient dans cette fonction. Il s’agit d’orthèses
cruro-pédieuses, pelvi-cruro-pédieuses voire thoraco-pelvi -cruro-pédieuses selon la limite
supérieure du déficit moteur. Le modèle conceptuel est celui de la poliomyélite, pathologie
qui a vu se développer initialement ce type d’orthèses. Par la suite, leur utilisation a été
étendue à d’autres pathologies comme la paraplégie post traumatique, le spina bifida.
Elles peuvent être uni ou bi latérales, passives ou dynamiques si elles comprennent des
éléments techniques facilitant la marche.
On inclut également dans ce groupe les orthèses de décharge du membre inférieur, qui
grâce à un appui ischiatique permettent la marche sans mise en contrainte de la coxofémorale (la principale indication est l’ostéochondrite de hanche chez l’enfant).
Les orthèses passives comportent généralement des articulations prothétiques en regard
des articulations du patient. Ces articulations peuvent être libres mais bénéficient le plus
souvent de verrous afin de rigidifier le membre inférieur lors de la marche.
Les orthèses dynamiques sont généralement équipées de systèmes d’assistance à
l’extension de genou et de releveur du pied. Certaines orthèses bilatérales ont un système
d’entre aide réciproque des membres inférieurs, la mobilisation d’un membre inférieur
assistant en partie à la mobilisation du membre contro-latéral.
- Les prothèses de membres dont les caractéristiques (segments, type d’articulations) sont
conditionnées par l’amputation et l’utilisation supposée que va en faire le patient. A noter le
développement récent de genoux à microprocesseurs permettant l’adaptation permanente
de la mécanique du genou aux caractéristiques de la marche du patient, permettant une
marche de grande qualité et même la course !
- les chaussures orthopédiques prenant en compte des anomalies structurelles et/ou
fonctionnelles du pied.
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3. CAS CLINIQUE DE MADAME C
PRESENTATION DE LA PATIENTE
Patiente de 25 ans au moment du début de la prise en charge.
Le diagnostic de SED avait été posé en 2011 par le Pr Tayer, généticien, soit 2 ans avant le
début des troubles sévères de la marche.
Le Professeur Hamonet avait confirmé ce diagnostic en 2014 et débuté un traitement
symptomatique.
La recherche de mutation du gêne COLL3A1 était négative (donc type non vasculaire
probable).
Autres antécédents :
- chirurgie de la cloison nasale
- ablations des dents de sagesse
- éruption cutanée sous Cotrimoxazole, notion d’allergie au venin d’hyménoptères
- pyélonéphrites à répétitions
Me C vit en Irlande avec son époux, elle exerce la profession de linguiste en informatique,
elle n’a pas d’enfant.
ANAMNESE
Les premiers signes du SED sont apparus tôt dans l’enfance (instabilité articulaire,
ecchymoses multiples, saignements), s’aggravant à l’adolescence (lipothymies, douleurs
pelviennes, reflux gastro-oesophagien, aggravation de l’instabilité articulaire, douleurs
thoraciques).
Ses parents habitant dans le sud-Ouest de la France, elle est orientée vers notre structure
pour la prise en charge rééducative.
Lors de l’hospitalisation, Me C présente un tableau que l’on pourrait qualifier de SED
hypermobile, avec de très nombreux symptomes extra « articulo-cutanés » (se rajoutent aux
signes notés ci-dessus : douleurs abdominales, dysuries et douleurs mictionnelles,
majoration de l’instabilité articulaire en particulier scapulaire et rotulienne, blocages
respiratoires) avec des signes généraux marqués (douleurs diffuses chroniques, perturbation
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du sommeil et asthénie majeure), associés à un très probable déconditionnement cardio
vasculaire profond.
Au moment de l’admission, la fatigue est telle qu’elle interfère même avec la prise en
charge rééducative la plus élémentaire : Me C ne peut pas suivre normalement des séances
de rééducation pour les quelles sa participation est peu sollicitée, de plus elle doit consacrer
certaines demi journées de semaine à se reposer en chambre, ce repos consistant parfois à
plusieurs heures de sommeil.
L’hospitalisation dans le service de Médecine Physique et de Réadaptation de la Fontaine
Salée en Novembre 2014 est motivée par la perte de la marche depuis octobre 2013. Celleci c’est produite suite à des épisodes de douleurs des membres inférieurs accompagnés de
sensation de mauvais contrôle des membres inférieurs. Il y a eu plusieurs épisodes de ce
type pour lesquelles Me C a dû s’aliter en général pendant un jour avant de reprendre la
marche.
Suite à une séance de plongée sous marine, Me C a présenté un de ces épisodes mais
d’intensité plus marqué, sans possibilité spontanée de reprise de la marche.
Me C avait été hospitalisé au St James Hospital à Dublin suite à ces symptômes. Le bilan
réalisé comportait entre autres, une IRM médullaire et cérébrale, ne mettant pas en
évidence d’anomalie du système nerveux central, une électromyographie qui serait
normale. Les radiographies standard des hanches, de l’épaule droite étaient elles aussi
normales.
L’arthro-TDM thoraco-abdominal permettait d’exclure une anomalie des gros vaisseaux.
Me C avait bénéficié d’un très grand nombre de séances d’oxygénothérapie hyperbare, sans
amélioration.
EXAMEN A L’ENTREE
Lors de son admission à la Fontaine Salée, l’examen clinique retrouve une hypermobilité
articulaire généralisée. Les coxo-fémorales sont sub-luxables et réductibles à la demande.
Sur le plan neurologique, l’examen sensitif superficiel subjectif (tact) est normal pour la
partie supérieure du corps jusqu'à L1, de façon bilatérale. Pour les métamères L1 à L4, et ce
de façon à peu près symétrique, Me C décrit une hypoesthésie plus marquée. En aval (L5 et
métamères sacrées), on peut parler d’anesthésie du tact.
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L’examen de la sensibilité superficielle discriminative (« piqué-touché ») est ressenti comme
normal pour la partie supérieure du corps jusqu’aux plis inguinaux. Plus en distalité, cette
sensibilité, même s’il n’y a pas d’erreur jusqu’à mi-cuisse (L3 ?), est décrit comme émoussée.
En aval des genoux, ce mode sensitif est inexistant.
La sensibilité vibratoire examinée au diapason est normale pour la partie supérieure du
corps jusqu’aux avant pieds. Au niveau des orteils, elle est inexistante.
L’arthrokinésie des articulations des membres inférieurs (et supérieurs) est normale.
Aux membres inférieurs, il existe un déficit de la sensibilité thermique, en distalité des
genoux.
Les réflexes cutanés plantaires sont en flexion.
Les réflexes ostéotendineux des membres inférieurs sont présents, symétriques et de
réponse normale.
La commande motrice volontaire est possible au niveau de l’extrémité céphalique, des
membres supérieurs et du tronc, et peut être qualifiée de normale.
Au niveau des membres inférieurs, il existe une importante parésie des muscles de la
ceinture pelvienne et du genou.
Il ne s’agit pas d’une parésie flasque ni hypertonique comme on est amené à le voir dans les
syndromes neurogènes périphériques ou centraux classiques : Me C est capable de produire
une contraction musculaire pour certains groupes musculaires, mais extrêmement faible et
intermittente, ce qui abouti à un contraction saccadée entrainant un mouvement très faible
avec un déplacement minime du segment distal en chaine ouverte, non réalisable dans toute
l’amplitude, même en annulant l’effet de la pesanteur (cotation 2-/5).
De plus, même si cela est très difficile à observer car les contractions sont très faibles, il
semble que Me C réalise une co-contraction agonistes- antagonistes pour couple
quadriceps/ischiojambiers , alors que leur contraction analytique des ischio jambiers n’est
pas possible. La contraction des fessiers ne semble pas du tout possible non plus.
En distalité, la contraction volontaire est un peu meilleure bien que non fonctionnelle
(cotations 2+/5 pour les fléchisseurs dorsaux de la cheville).
Toutes ces contractions musculaires nécessitent un effort de concentration majeur et sont
rapidement (quelques secondes) épuisables. Il semble que la visualisation des groupes
musculaires à contracter soit un facteur facilitant.
Il n’existe pas de trouble du tonus.
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A noter enfin qu’il existe des douleurs rotuliennes notamment à gauche, en rapport avec
une malposition rotulienne, parfois responsables d’une inhibition de la contraction du
quadriceps. Ces douleurs rotuliennes peuvent être diminuées par une médialisation
manuelle de la rotule.
PRISE EN CHARGE REEDUCATIVE
Sur le plan rééducatif, Me C a bénéficié avant l’admission dans notre service, de quatre jours
de prise en charge au centre de rééducation Harold’s Cross, comportant une heure de
kinésithérapie, une heure de balnéothérapie quotidienne, et trente minutes d’ergothérapie
par semaine.
Des séances de rééducation en externe ont également été réalisées en Irlande mais en
nombre limité, en raison du mode de remboursement des soins en vigueur en Irelande .
La rééducation entreprise à la Fontaine Salée a comporté :
- Un travail de la commande motrice volontaire en ayant recours à des exercices s’inspirant
de la technique de Kabat, en actif aidé. Nous avons également eu recours à des exercices
type Perfetti degré 1, malgré le déficit sensitif partiel, ainsi qu’à la recherche de réponses
motrices posturales a également été réalisée, notamment par l’intermédiaire du travail de
l’équilibre du tronc, sans réponse exploitable.
- en balnéothérapie, un travail de verticalisation et de la marche en eau profonde a été
entrepris. Lorsque Me C est immergée environ jusqu’au niveau des épaules, la poussée
d’Archimède lui permet de se tenir debout avec l’aide des membres supérieurs. Il s’agit
d’une position verticale en antéflexion du tronc (insuffisance des fessiers ?). On note une
nette translation du bassin vers la gauche. Il est possible de marcher quelques mètres,
toujours avec un appui important au niveau des membres supérieurs (mains du
kinésithérapeute), avec un pas antérieur sans extension complète des genoux. Le pas
postérieur est très réduit voire nul, ce qui corrobore l’absence de commande motrice
volontaire des grands fessiers et des ischio jambiers.
Ces séances de rééducation à sec sont réalisées avec le port d’un legging compressif,
d’attelle de poignets, et parfois d’une orthèse rachidienne type Elcross.
Deux autres aides techniques ont été réalisé mais ne sont pas portées en pratique : un gilet
compressif (sensation de compression épigastrique) et un manchon scapulaire (mauvaise
tolérance cutané au niveau des coutures).
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EVOLUTION INITIALE
La rééducation a engendrée d’importantes périodes de fatigue qui ont dû être prise en
compte. Dans la mesure où cette relative mauvaise tolérance à l’effort avait tendance à se
poursuivre, interférant de façon redondante bien que relativement irrégulière avec le
programme de soins, nous avons pris le parti de laisser à la patiente une demi-journée de
repos par semaine de façon systématique (le mercredi matin), ce qui a permis de conduire
une rééducation plus régulière par la suite, ce d’autant que l’endurance a fini par s’améliorer
dans un deuxième temps.
Certaines douleurs orthopédiques chroniques, notamment au niveau des poignets, se sont
majorées du fait de la prise en charge, d’autant plus que Me C se déplace en permanence en
fauteuil roulant ce qui est déjà coûteux sur le plan articulaire des membres supérieurs. La
modification des attelles de poignets a permis de diminuer en partie ces douleurs.
Cette phase de la prise en charge a duré environ 3 mois.
Malgré cela, la commande motrice volontaire ne s’est pas significativement améliorée : si on
note un gain en force, en durée de la contraction musculaire des quadriceps
essentiellement, et aussi une réponse moins aléatoire lors de la contraction, la force
produite est loin de permettre une verticalisation, de plus les autres groupes musculaires
n’ont que très peu évolués. Il est difficile de donner une cotation musculaire des différents
groupe à ce stade également, du fait du caractère saccadé de la contraction et des douleurs.
La posture assise est de bonne qualité, mais la verticalisation et la station debout ne sont
toujours pas envisageable. Il est donc décidé d’avoir recours à un appareillage. Nous avions
différée cette acquisition dans l’espoir de restaurer la marche sans aide technique lourde.
Pendant cette première phase de rééducation, la nécessité d’avoir éventuellement recours à
un appareillage a été discuté avec Me C , ce qui a permis de préparer psychologiquement
cette jeune patiente au port d’un appareil.
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APPAREILLAGE DE Me C
L’appareillage de Me C est un grand appareillage type pelvi-cruro-pédieux sur mesure conçu
par la société Lagarrigue Orthopédie. Il est livré dans le service le 4 Mars 2015 (soit 4 mois
après l’admission). Sa confection a nécessité environ un mois.
Cet appareillage comprend une ceinture lombo-pelvienne basse, monovale, ajustable par
deux fermetures type velcro, deux piéces crurales (monovalves postérieures, ajustement par
deux velcros), deux pièces pédieuses (jambes et semelles d’un seul tenant) ajustables par le
même système.
Ces différentes pièces sont en carbone, avec une doublure en mousse pour améliorer le
confort. L’orthoprothésiste avait été sensibilisé au préalable aux problèmes de tolérance
cutanée rencontrés dans le syndrome d’EHLERS DANLOS.
Au niveau des hanches, il existe des verrous canadiens, au niveau des genoux, des verrous de
Hoffa. Ces deux systèmes permettent soit un verrouillage en extension, soit une mobilité
sans contrainte dans le secteur 0°-110°pour les hanches, 0-90° pour les genoux.
Le poids de l’appareillage est de 3 à 4 kg.
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A la livraison il existe tout de même des points d’appui : partie supérieure des pièces
fémorales et malléolaire interne droite, nécessitant un redécoupage secondaire. Toutefois, il
ne semble pas exister d’inconfort majeur. A l’issue des modifications, le confort est
acceptable.
Me C peut d’emblée être verticalisée avec l’aide d’une tierce personne. On ne note pas de
mauvaise tolérance à la verticalisation (qui n’avait pas été réalisée, en dehors de la piscine,
depuis plus d’un an). La position debout est possible avec appui avec un cadre de marche,
mais on retrouve la translation du bassin vers la gauche avec un probable hyper appui de ce
côté ainsi qu’une nette rétropulsion dès que l’appui des membres supérieurs est supprimé.
Cette translation est moins marquée qu’en balnéothérapie grâce à l’appareillage.
Dès le deuxième jour de port, Me C parvient à se déplacer en pendulaire entre les barres
parallèles.
Par contre, on note un défaut d’équilibre en l’absence d’appui des membres supérieurs,
nécessitant un travail préalable de l’équilibre notamment à la plate forme de force.
EVOLUTION AVEC APPAREILLAGE
La durée de la rééducation dans le service, avec l’appareillage, a été de 4 mois.
Initialement, Me C nécessite l’aide d’une tierce personne pour la mise en place de
l’appareillage, mais à la fin du séjour Me C peut le mettre en place seule.
Pendant cette période, un traitement par Lévodopa/bensérazide (Modopar) à dose
croissante a été entrepris (dose maximale, maintenue à la sortie : 100/25 mg trois fois par
jour).
Le travail de l’équilibre a permis une amélioration partielle des possibilités de la patiente
puisqu’à la sortie, l’équilibre bipodal (pieds non joints) peut être tenu jusqu’à 50 secondes,
au prix d’une concentration importante et de mouvements de compensation du tronc et
des membres supérieurs eux aussi important (ne permettant leur utilisation pour une autre
tâche). Toutefois, les bilans réalisés sur la plateforme de force ne mettent pas en évidence
d’amélioration de positionnement du centre de gravité dont la projection horizontale se
trouve toujours à gauche (et dans une moindre mesure en arrière) par rapport à la position
théorique. Ces bilan ayant été réalisés de façon rapprochée à la fin de la prise en charge ne
rendent peut être pas bien compte de l’évolution.
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La marche en fin de séjour s’effectue sous la surveillance du kinésithérapeute, avec un cadre
de marche, les vêtements compressifs, et le grand appareil. Cette marche qui est très
coûteuse sur le plan énergétique et attentionnel, engendre des contraintes importantes au
niveau des poignets. Elle ne peut être réalisée que sur quelques mètres. Elle n’est donc pas
utilisable comme mode de déambulation, de plus Me C est relativement à l’aise avec le
fauteuil roulant manuel.
La pratique de la marche et des exercices en position debout aggravent les douleurs de
poignet de Me C. Des poignets de force semi rigides ont été essayés, qui stabilisent en partie
les poignets mais créent des douleurs cutanées du fait de leur rigidité. Dans un deuxième
temps, Me C a essayée des mitaines plus souples qui semblaient être mieux tolérées. Si Me C
regagne notre service en novembre comme prévu, il pourrait être intéressant d’utiliser les
deux à la fois, les mitaines protégeant la peau des poignets de force qui eux apporteraient la
rigidité donc augmentant la stabilité.
Parallèlement, la rééducation sans appareillage a été poursuivie. On note une progression
pour d’autres activités motrices: à la fin du séjour Me c est capable de faire des pontés
(passage du décubitus dorsal complet à un appui sur les talons et la partie supérieure du
rachis en soulevant le bassin) ce qui témoigne d’une possibilité de contraction des grands
fessiers et/ou des ischio-jambiers. En analytique, les contractions de ces muscles ne sont
toujours pas possible.
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De même, il est possible en fin de prise en charge de déplacer une charge de 1.5 kg en
abduction ou en adduction de hanche en suspension, alors que cet exercice était impossible
au début même sans résistance.
De façon générale, la qualité de la contraction musculaire est améliorée en cas de contrôle
visuel.
L’équilibre assis dynamique est de meilleure qualité. Le contrôle visuel influence la aussi de
façon positive ces exercices, renforçant l’hypothèse d’une forte participation du trouble
proprioceptif dans le SED.
La marche s’effectue de la même façon en balnéothérapie mais pour un niveau d’immersion
moindre (immersion au niveau du manubrium sternal au départ, immersion au niveau de la
xiphoïde en fin de séjour), il est difficile de savoir si cette modification est en rapport avec
un gain de force des membres inférieurs ou supérieurs, voire des deux. Dans tous les cas
l’instabilité de hanche s’aggravait en cas d’immersion moins profonde.
Me C avait bénéficiée d’un positionnement personnalisé au fauteuil roulant en début de
séjour. L’analyse de ce positionnement en deuxième partie de séjour est en faveur de la
récupération d’un certain tonus postural puisque des éléments de soutien ont pu être
supprimés.
Les dernières semaines de rééducation ont permis une intensification du travail debout.
Celle-ci s’est accompagnée d’une nette recrudescence de la fatigue, avec un « absentéisme »
en rééducation rappelant parfois le début du séjour. Nous n’avons pas assez de recul pour
voir si à moyen terme un nouveau reconditionnement aurait permis à Me C de pouvoir
s’adapter à cette incrémentation de la charge de travail (ce qui semble probable).
A cette période, Me C exprimait une saturation par rapport à la prise en charge.
Au bout de huit mois de rééducation (avec pauses) dans le service, Me C a souhaitée
regagner son domicile pour une période prolongée. Avant ce départ, nous avons réalisé un
nouveau bilan pour ne pas méconnaître une autre cause neurologique qui pourrait participer
à ses troubles de la marche :
-
Une IRM musculaire n’a pas montrée d’involution graisseuse des muscles de la
cuisse ni de la ceinture pelvienne.
-
Une IRM médullaire dédouane toute affection à ce niveau
-
Les potentiels évoqués sensitifs et moteurs sont normaux ainsi que l’exploration
électrique des muscles de la racine L5
Les examens paracliniques ne permettent pas d’identifier l’origine du dysfonctionnement
moteur de Me C qui est probablement de nature proprioceptive, en amont des éléments
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testées par les PES. Il se pourrait que les informations sensitives soient transmises dans les
voie afférentes de façon correcte (l’ensemble axone-myéline ne contenant pas de tissu
conjonctif), produites par capteurs sensitifs eux-mêmes situés dans du tissu conjonctif aux
propriétés mécaniques anormales, l’ensemble du système sensitif étant « calibré » pour un
tissu conjonctif normal, ne rendant pas fidèlement compte (insuffisamment compte ?) des
déformations du tissu conjonctif, ce qui ne permet pas à l’organisme d’avoir le
comportement moteur et postural totalement adapté.
A noter que ces examens ne sont pas exempt de faux négatifs : dans la sclérose en plaques,
les PEM qui sont d’habitude plus sensibles que les PES ne sont pathologiques que dans 70%
des cas environ (8) (toutefois les auteurs ne précisent pas le degré d’atteinte clinique des
patients).
4. DISCUSSION
COMPARAISON DE NOTRE EXPERIENCE AVEC DES CAS SIMILAIRES
Pubmed
Sur pubmed, la recherche avec les mots clés « Ehlers Danlos » et « paraplégia » ne permet
d’isoler que 6 articles. Un de ces articles relate le cas de onze enfants avec une paraparésie
de type centrale (syndrome pyramidal) dévellopée au moment de l’acquisition de la marche,
un seul avait un déficit sensitif, en rapport avec une myélomalacie. Les auteurs supposent
une neuroaggressivité du rachis instable envers la moelle.
Les autres articles s’éloignent nettement du sujet sauf l’article de Claude HAMONET (voir cidessous).
La recherche avec « ehlers danlos » retrouve environs 3200 références dont la plus part
concerne les complications très graves du SED type IV. Néanmoins certains auteurs ont
étudié les caractéristiques musculaires des SED, le handicap lié aux membres inférieurs dans
le SED, les anomalies de la proprioception et contribuent à enrichir la réflexion sur ce
dossier.
Le handicap lié aux membres inférieurs est par exemple évoqué, mais plutôt sous l’angle de
la douleur que du déficit moteur : il serait positivement corrélé à la douleur et à l’âge ainsi
qu’au degré d’hypermobilité résiduelle (10).
Etude réalisee par l’équipe de Monsieur Haidar
L’équipe de monsieur Rami Haidar, orthoprothésiste à Lille et participant aux consultations
du SED à l’Hôtel Dieu, a mené une enquête sur SED et grand appareillage sous l’égide du
Professeur Hamonet en janvier et février 2015. Ce travail a déjà fait l’objet d’une
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présentation lors du congrès international sur le SED portant sur les traitements du SED à la
faculté de médecine de Créteil en mars 2015. Il s’agissait d’un questionnaire par téléphone
et /ou lors de consultations et portait sur l’efficacité et la tolérance de grands appareils
prescrits à visé proprioceptive et antalgique. Les patients étaient porteurs d’un ou deux
appareils. Il pouvait s’agir soit d’appareil cruro-pédieux, soit pelvi-pédieux (même type que
celui utilisé par Me C), soit d’orthèses nocturnes rigides. Pour les deux premiers types, les
appareils n’étaient verrouillables, toutefois la possibilité d’utiliser un genou verrouillable
était envisagée en cas de déficit majeur du quadriceps. La présence de butées articulaires
permettait de limiter l’instabilité, notamment en récurvatum. Le port était progressif de
façon à pouvoir habituer progressivement le patient, étalé sur deux à trois mois, période à
l’issue de laquelle le port bilatéral était débuté le cas échéant. La durée de port quotidien
était très variable d’un patient à l’autre.
Les résultats montraient une bonne compliance. Le port n’était toutefois quotidien que dans
40% des cas. Le gain en autonomie de marche était important, surtout à l’intérieur,
permettant une amélioration de l’autonomie chez deux patients sur trois. Un patient sur
deux consommaient moins d’antalgiques et pratiquement tous allégaient moins de
phénomènes d’instabilité. Les limitations étaient représentées par le fait qu’un peu plus d’un
patient sur deux nécessitait de l’aide à la mise en place de l’appareil et que celui-ci était
généralement jugé comme trop lourd et fatigant à porter. Cette étude préliminaire est
encourageante et mériterait d’être relancée avec un travail méthodologique préalable afin
de pouvoir déboucher sur une publication.
Expérience des consultations de l’Hotel Dieu
Le Professeur Hamonet et al avaient déjà publié une observation concernant la reprise de la
marche chez une patiente de 14 ans porteuse d’un Sed et présentant des anomalies
sensitives apparemment proches de celles de Me C (3). Toutefois, le bilan moteur de cette
patiente n’est pas connu, mais il semble que la reprise de la marche sans autre aide
technique que des orthèses cruro-pédieuses bilatérales de Chignon à tracteurs élastiques
puisse s’expliquer par un bilan moteur de meilleur niveau. L’expérience de la consultation du
Pr Hamonet dans cette prise en charge s’élèverait à plus de 100 patients.
Cas clinique publié par H. Le Tallec et al
L’équipe de MPR du CHU de Rennes avait reporté le cas d’une jeune femme atteinte d’un
SED avec luxations itératives de la hanche (12) responsables d’une impotence fonctionnelle
marqué. La situation de la patiente avait pu être améliorée par le port d’un appareillage
associant un corset lombaire de maintien et une pièce de hanche articulée.
16
Deuxième expérience d’appareillage dans le service
Nous suivons également une patiente de 14 ans au moment de la première consultation, qui
présente une instabilité articulaire très marquée, sans anomalie de la commande motrice
volontaire. Les autres signes du SED sont nettement moins présents que chez Me C
(ménorragies, blocages respiratoires, troubles du sommeils et troubles attentionnels a
minima). Si la plupart des articulations peuvent être stabilisées facilement avec des orthèses
semi-rigides, la hanche droite est le siège d’accidents d’instabilité invalidants : douleurs
importantes, impotence fonctionnelle avec arrêt de la marche pendant plusieurs jours,
suspension de la scolarité.
Devant cette instabilité récidivante, nous avons pris le parti de faire rapidement un grand
appareil lombo-crural, non verrouillé, mobile de 0 à 90°. Celui-ci est bien supporté, y compris
sur le plan cutané. Le port pendant plusieurs semaines à permis une relative stabilisation de
la hanche, la disparition des douleurs. Après quelques mois de recul, la patiente est bien
améliorée et ne porte plus l’appareil qu’en cas d’activités à risque. Cette attitude, si elle
donne satisfaction jusqu’à présent, n’est pas exempte de risque, puisque des accidents
d’instabilités s’étaient produit pour des mouvements anodins (se relever du canapé …).
La rééducation entreprise parallèlement, en milieu libéral mais aussi sous la forme de
séjours de 2 à 3 semaines en centre de rééducation, permet sans doute d’amoindrir le
risque de subluxation.
MAUVAISE COMPRESSION PHYSIOPATHOLOGIQUE DE LA PARAPLEGIE DE Me C
En médecine physique et de réadaptation, la prise en charge de la paraplégie est très
classique. Chez patients paraplégiques, il existe toujours une interruption de la voie de la
commande motrice volontaire authentifiable par l’imagerie et si nécessaire par l’exploration
électrophysiologique. Bien qu’il y ait de nombreuses variantes, la symptomatologie
comporte toujours des éléments cliniques faciles à identifier (syndrome pyramidal ou
syndrome neurogêne périphérique, troubles vésicosphinctériens, …). La rééducation à
mettre en œuvre est, dans ses grandes lignes, bien codifiée.
Dans le cas de notre patiente, la prise en charge se heurte à plusieurs problèmes :
-
D’une part, le mécanisme physiopathologique à l’origine des signes n’est pas
connu ou en tout cas n’est pas reconnu par les examens qui sont à notre
disposition.
17
-
D’autre part, les signes présentés par la patiente ne correspondent pas aux
tableaux habituels
D’emblée, il apparait que les repères sur lesquels reposent la rééducation habituelle des
paraplégiques ne vont pas pouvoir être utilisés.
Toutefois, le modèle conceptuel général de prise en charge en rééducation (identification
des déficiences/ incapacités /situations de handicap et recherche de récupération puis
réadaptation) peut tout de même s’appliquer. L’histoire de la spécialité comporte déjà des
exemples où une prise en charge symptomatique était nécessaire pour des symptômes qui
n’avaient pas lieu d’être en raisonnant à partir des connaissances anatomophysiologiques du
moment (troubles de la déglutition chez les patients cérébrolésés en dehors des lésions du
tronc cérébrales par exemple). Les explications physiopathologiques ont été découvertes a
postériori. Ce pourrait être également le cas dans la pathologie de Me C.
Quoiqu’il en soit, la prise en charge sera obligatoirement empirique.
INSUFFISANCE DE LA PRISE EN CHARGE ?
-
Par méconnaissance des exercices qui pourraient être adaptés
La recherche de récupération, faute de compréhension du problème, faute également
d’exemples antérieurs sur lesquels s’appuyer (à l’exception de l’appareillage tel qu’il avait
déjà été fait à l’Hôtel Dieu), est difficile à mettre en œuvre concrètement. Les exercices de
type Perfetti, méthode de rééducation sensori-motrice basée sur la reconnaissance du
mouvement, semble avoir sa place, malgré la présence d’un déficit sensitif superficiel.
Malheureusement, nous n’avons pas observé de progression dans les exercices de cette
méthode.
Le renforcement musculaire analytique s’est révélé en partie opérationnel puisqu’il y a un
gain de force, mais celui-ci est loin de permettre une activité fonctionnelle des membres
inférieurs.
La recherche d’activation musculaire par le biais d’exercice posturaux, ou de type Kabat a
été très peu productif.
L’électrostimulation des ischio-jambiers a été pratiquée à plusieurs reprises, parallèlement à
des exercices où la flexion active de genoux était recherchée, sans amélioration pour la
contraction analytique, mais a peut être participé au ré-apprentissage des pontés.
18
-
Du fait des limitations de la patiente
o L’asthénie majeure a entravé la rééducation. Il y a eu quelques progrès par
paliers. Cette amélioration de la condition physique générale est tout de
même une avancée pour la patiente, même si ce n’était pas l’objectif
principal. En dehors de l’asthénie majeure bien décrite du SED, il existait
probablement une part de déconditionnement musculaire profond qui a
pu être améliorée.
o Les douleurs multiples, soit « spontanées », soit lié aux exercices ont dues
être prises en compte. Certaines se sont améliorées, mais de nombreuses
demeurent. Le SED étant « un état de fragilité généralisé », il était
prévisible que les compensations, notamment les contraintes induites aux
membres supérieurs par la marche avec aides techniques ou
déambulation au fauteuil roulant, qui sont sources de douleurs dans la
population générale, seraient trés marquées chez les patients porteurs de
SED. En dehors d’une mise en oeuvre progressive et tenant compte de la
douleur, ainsi qu’une rectification des aides techniques chaque fois que
possible, il ne semble pas exister d’attitude permettant une meilleure
tolérance. Ces douleurs induites par les compensations semblent un
obstacle durable.
o Me C vit habituellement en Irlande, avec son époux. Il était difficile de ne
pas donner suite à ses demandes, peu fréquentes, de regagner son
domicile pendant dix à quinze jours environ tous les deux mois, ce qui
impliquait des interruptions relativement longues de la rééducation. On
peut se demander si la récupération n’aurait pas été un peu meilleure
sans ces interruptions. Toutefois, lors de celles-ci, Me C a pratiqué
quelques exercices, et au retour, nous n’avons jamais constaté de perte
des dernières acquisitions réalisées avant son départ.
AUTRES PISTES A EXPLORER ?
La connaissance d’une jeune patiente dont le tableau clinique de SED a pu être globalement
amélioré par l’utilisation d’un « moon walker » pose question et suscite l’envie de
l’expérimenter pour Me C. Le moon walker est un instrument créé à la cité de l’espace à
Toulouse, permettant de reproduire le degré de pesanteur ressenti par un astronaute
lorsqu’il se déplace sur la Lune. Sur cet astre la gravité est plus faible (g=1,624 sur la Lune
contre 9,81 sur Terre : le même objet est perçu comme environ 6 fois plus léger sur la Lune),
les contraintes articulaires sont donc moindre. Il est possible que le dysfonctionnement
proprioceptif soit moins marqué, créant des conditions favorables au fonctionnement
19
moteur des patients porteurs de SED. Dans l’expérience de la patiente décrite ci-dessus, les
effets d’une séance dureraient jusqu’à quinze jours. Ces hypothèses sont à vérifier par un
travail ultérieur.
Certains kinésithérapeutes sont équipés d’un appareil « alter G ». Il s’agit d’un tapis roulant
au niveau duquel les membres inférieurs du patient peuvent être mis en décharge jusqu’à
80%. Sur le plan conceptuel, l’utilisation de cet appareil semble intéressante, bien qu’il
n’existe pas d’expérience publiée à notre connaissance. Toutefois, le fait que le patient, de
par la nature de l’installation, ne puisse pas voir ses membres inférieurs constitue une
réserve théorique (amélioration des compensations par l’entrée visuelle chez notre
patiente). La patiente a pu essayer cet appareil en externe après la sortie du centre. Nous
avons pu visionner une vidéo de cet essai : Me C semble être debout avec un appui sur ses
membres supérieurs, un tapis roulant se déplace sous ses pieds. Il est certain que Me C
réalise de façon autonome le pas antérieur, mais il n’est pas possible de connaître à travers
la seule vidéo le caractère actif ou passif du pas postérieur, ni de savoir quelle proportion de
son poids Me C est capable de porter. Au bout d’un certain temps, on observe une mise en
varus des chevilles (Me C « marche » pieds nus).
INTERROGATIONS SUR L’AVENIR DE L’ETAT FONCTIONNEL DE LA PATIENTE
Possibilité de progrès ultérieurs ?
L’évolution de Me C rend la formulation d’un pronostic fonctionnel très difficile. Le fait
qu’elle n’ait pas repris la marche de façon autonome après environ vingt mois dont huit
passés en rééducation est a priori très péjoratif. Mais la réalisation de progrès, avec de
nouvelles possibilités de contractions musculaires apparaissant très à distance ne permet
pas d’être totalement pessimiste. Comme pour la prise en charge, l’absence de référence
rend la formulation d’un pronostic difficile.
Epuisement de la motivation de la patiente et /ou de l’équipe de soins ?
Ce n’est pas le cas au moment de la rédaction de ce mémoire, même si Me C ainsi que
l’équipe qui la prend en charge sont conscient de la possibilité d’un échec.
Rentabilité de la « marche »
En supposant que Me C ne progresse pas plus, l’utilisation de la marche telle qu’elle est ou
même légèrement améliorée ne serait par rentable. La déambulation en fauteuil roulant est
à la fois plus rapide, plus sûre, moins douloureuse et plus permet de transporter des objets
posés sur ses genoux ou fixés au fauteuil.
20
CONNAISSANCE INSUFFISANTE DES ANOMALIES MOTRICES DES SED
Finalement, notre prise en charge et essentiellement limité par le caractère limité de nos
connaissances à la fois pratiques et théoriques sur le tableau que présente Me C.
Certains médecins que j’ai contactés lors du séjour de Me C ont évoqué une origine
fonctionnelle pour les symptômes de Me C.
Cette hypothèse ne peut être formellement repoussée, en l’absence de preuve objective
comme c’est presque toujours le cas dans le SED.
Mais il est troublant de constater que plusieurs patients présentent des tableaux très
proches dont certains avec perte définitive de la marche.
S’il est sans doute très inapproprié de consacrer des moyens de rééducation aussi
importants à la recherche de la reprise de la marche chez une patiente paraplégique
« fonctionnelle », mais il me paraitrait plus grave encore de ne pas prendre en compte un
tableau aussi sévère qui serait organique par insuffisance de connaissance.
L’attitude énoncée ci-dessus justifie les soins mais n’est pas suffisante pour améliorer la
prise en charge de des patients atteints de ce tableau, qui en dehors de la forme vasculaire,
semblent présenter (en tout cas aux yeux de rééducateur), une des formes les plus
invalidante du SED.
Les actions suivantes pourraient être réalisées pour essayer de s’améliorer :
-
Colliger le maximum de dossiers du même tableau clinique afin d’essayer de
décrire les grandes lignes cliniques de cette forme de paraplégie. L’existence de
symptômes similaires chez différents patients serait autant d’arguments en
faveur d’une origine organique acceptables pour les « SED-septiques ». L’analyse
de l’anamnèse permettrait peut être d’identifier des profils de patients ou des
situations à risque, ce qui pourrait se répercuter sur le suivi des patients.
-
Lors de l’étude de ces dossiers, les facteurs favorables ou défavorables à
l’apparition d’une paraplégie ainsi qu’à l’éventuelle reprise de la marche
pourraient être recherchés.
-
Dans la situation idéale, une exploration électrophysiologique des patients
permettrait d’identifier ou non le niveau d’interruption de la voie motrice (et
éventuellement sensorielle).
-
Il faut s’attendre à ce que l’évaluation électrophysiologique standard soit
normale : dans ce cas, si le tableau clinique des patients était homogène (donc
semblant infirmer une cause fonctionnelle), il faudrait imaginer l’exploration
capable de rendre compte de l’anomalie à l’origine des troubles.
21
TENTATIVE D’EXPLICATION DU DEFICIT MUSCULAIRE :
Explication proprioceptive ?
Clayton et al ont décrit des anomalies proprioceptives significatives des membres inférieurs
chez les patients SED par rapport à une population témoin (5).
Rombaut, Calders et al ont également montré que les patients porteurs de SED présentaient
des incapacités en rapport avec une proprioception de mauvaise qualité (9).
Les hypothèses physiopathologiques pour tenter d’expliquer ces anomalies reposent sur la
connaissance de la constitution des organes récepteurs à l’origine de la création des
sensations aboutissant à la création de la proprioception, ainsi que leurs liens histologiques
avec le tissu conjonctif.
-
le fuseau neuromusculaire (FNM), organe essentiel de la proprioception, est
entouré d’une capsule de tissu conjonctif (b). Toutefois la production d’afférences
ne se situe pas dans cette capsule. La partie fonctionnelle (génératrice
d’afférences) est un ensemble de myocytes spécialisés, capable de contractions.
Ces contractions ne produisent pas de force mais permettent de renseigner
l’organisme sur l’état de longueur du muscle.
On note toutefois que ces myocytes fonctionnels semblent s’insérer à leur
extrémités à la capsule conjonctive, dont les probables caractéristiques
mécaniques anormales pourraient être à l’origine de messages sensitifs erronés.
Par ailleurs, ces fuseaux neuromusculaires se situent au cœur du muscle, dans la
composition duquel se trouvent de nombreux éléments riches en collagène
(endo-, péri- et épimysium) et dont la déformation sous contrainte est déjà
probablement anormale, source d’erreur en amont du FNM.
-
Les organes tendineux de Golgi, également important pour la proprioception,
situés à la jonction musculo-tendineuse sont donc immergés dans du collagène.
De plus, ils sont eux-mêmes constitués de faisceaux collagènes et entouré d’une
capsule fibro-conjonctive. En supposant que la compliance des fibres qui les
constituent ait une importance dans la nature du message afférent qu’ils
22
produisent, on aurait là une autre possibilité d’explication (n’excluant pas la
précédente) sur la constitution d’afférences inappropriées.
-
Les corpuscules de Pacini sont des mécanorecepteurs hypodermiques à l’origine
de la sensation du toucher. Ils sont constitués d’une formation conjonctive (donc
très probablement contenant du collagène) lamellaire circulaire entourant une
fibre nerveuse de type II. Comme plus haut, leur fonctionnement repose sans
doute sur leur déformabilité. Celle-ci étant vraisemblablement trop importante, il
se peut qu’elle soit à l’origine d’un message inadapté. A noter qu’ils sont
également impliqués dans la régulation locale de la douleur. On peut imaginer
que leur dysfonctionnement participerait au syndrome douloureux diffus des
SED.
-
Les corpuscules de Ruffini (mécano-thermo-nocivorécepteurs) sont enracinés
dans le derme par l’intermédiaire de fibres collagènes: les possibles mécanismes
décrits ci-dessus pourraient s’y appliquer.
La mesure comparative de la compliance soit d’une fibre collagène, soit d’un organe
principalement constitué de collagène comme le tendon, dans la population générale et
chez les patients SED permettrait d’apporter du crédit aux supposés dysfonctionnements
décrits ci-dessus.
Une autre approche moins fondamentaliste mais plus fonctionnelle, consisterait à comparer
l’activité en imagerie fonctionnelle des aires sensitives pour un même stimulus sensitif
calibré, dans une population des patients atteints du SED et dans la population générale.
Explication motrice ?
Sur le plan du déficit moteur, une équipe Hollandaise dirigée par VOERMANS a organisé des
recherches sur la force musculaire dans le SED. Un premier article montrait qu’il existait un
déficit musculaire dans la population SED par rapport au groupe témoins (6). Ce déficit relatif
pourrait être mis sur le compte d’un déconditionnement du fait des douleurs et de la fatigue
chronique. Un deuxième travail comparait la force des muscles du genou entre des patients
SED suite à un déficit en tenascine et un groupe de sujets sains (7). Les individus des 2
groupes pratiquaient une activité physique plurihebdomadaire. Les patients SED avaient à la
fois un couple maximal des extenseurs de genoux plus faible, un délai d’activation allongé et
une activation volontaire déficitaire par rapport au groupe contrôle (p<0.05, sans que
l’inactivité puisse en être la cause).
Une autre équipe a évalué les caractéristiques musculaires d’une jeune patiente porteuse
d’un SED hypermobile. Il existait une faiblesse musculaire, une déficience proprioceptive
(amélorable par l’entrainement et les entrées visuelles) aboutissant à des contractions
23
motrices saccadées (11). L’EMG et les enzymes musculaires sériques étaient normaux. Le cas
de cette patiente présente des similitudes même si sont tableau clinique est moins sévère
avec celui de notre patiente.
Dans ces deux articles, l’hypothèse avancée pour expliquer la parésie reposait sur un excès
de compliance des éléments élastiques en série de la structure du muscle, ne permettant
pas une transmission mécanique optimale aux pièces osseuses, une partie du
raccourcissement généré étant absorbé par les éléments conjonctifs.
Même si ces anomalies sont loin d’expliquer l’ensemble du tableau présenté par notre
patiente, ils peuvent constituer une base de réflexion.
L’élément rendant cette explication la moins vraisemblable est le caractère localisé (les
membres inférieurs) et brutal de ce déficit.
24
CONCLUSION
L’hospitalisation prolongée de la patiente n’a pas permis de résoudre le problème pour
lequel elle avait été admise.
Dans ce cas, et contrairement à l’expérience de l’équipe du Professeur Hamonet,
l’appareillage semble plus approprié pour réaliser des exercices de rééducation auxquels la
patiente n’aurait pas accès en son absence que pour se déplacer. La différence s’explicant
probablement par une atteinte plus sévère chez notre patiente.yt
L’absence de modèle de prise en charge ne permet pas formellement d’interrompre les
soins, d’autant que Me C reste motivé et qu’elle présente des progrès même s’ils sont
minimes.
L’analyse de son dossier montre qu’au-delà de cet échec, le mécanisme intime de son
handicap n’est pas connu : c’est sans doute sur ce point qu’il y a lieu de progresser en
priorité en organisant des explorations chez d’autre patients qui ont le même profil, qui, en
dévoilant la physiopathologie du trouble, permettront peut être d’avoir une prise en charge
plus adaptée.
25
REFERENCES :
-
(1) site internet du Professeur Claude Hamonet : [email protected]
-
(2) Encyclopédie médico-chirurgicale, kinésithérapie, Ph BERTOLUS, JF BRAULT, C
LEGRAND, P.M BURLOT, M.VERHAEGHE, 26160 A10, 12-1990, 24p
-
(3) Appareillage d’une adolescente avec une forme pseudo-paraplégique d’EhlersDanlos par l’orthèse de Chignon , C. Hamonet a, ⁎ , J.-J. Chignon b, E. Vlamynck c
-
(4)http://www.fmpsmba.ac.ma/umvf/UMVFmiroir/paces2011/boutonnat_jean/b
outonnat_jean_p01/boutonnat_jean_p01.pdf
-
(5) Do people with benign joint hypermobility syndrome (BJHS) have reduced
joint proprioception? A systematic review and meta-analysis. Rheumatol Int. 2013
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TO1, Jerman E, Easton V, Bacon H, Armon K, Poland F, Macgregor AJ.
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(6) Neuromuscular involvement in various types of Ehlers-Danlos syndrome. Ann
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M, Schalkwijk J, Zwarts MJ, van Rooij IA, Hamel BC, van Engelen BG.
-
(7) Neuromuscular properties of the thigh muscles in patients with Ehlers-Danlos
syndrome. Muscle Nerve. 2013 Jan; 47(1):96-104. Epub 2012 Nov 21. Gerrits KH1,
Voermans NC, de Haan A, van Engelen BG.
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(8) http://physio.ticemed.upmc.fr/wpcontent/uploads/sites/7/2014/01/DUneurophysiocliniqueGaymard-PEM2011.pdf
-
(9) Balance, gait, falls, and fear of falling in women with the hypermobility type
of Ehlers-Danlos syndrome. Arthritis Care Res (Hoboken). 2011 Oct;63(10):14329. doi: 10.1002/acr.20557. Rombaut L1, Malfait F, De Wandele I, Thijs Y, Palmans T, De
Paepe A, Calders P.
26
-
(10) Evaluation of lower limb disability in joint hypermobility syndrome.
Rheumatol Int. 2012 Aug;32(8):2577-81. doi: 10.1007/s00296-011-2044-2. Epub
2011 Jul 27. Celletti C1, Castori M, Grammatico P, Camerota F.
- (11) Muscle formation in Ehlers-Danlos syndrome. Arch Phys Med Rehabil. 1981
Sep;62(9):444-8. Bilkey WJ, Baxter TL, Kottke FJ, Mundale MO.
- (12) Prise en en charge rééducative de la maladie d’Elhers-Danlos : à propos de
deux cas ; Annales de médecine physique et de réadaptation 49 (2006) 82-84 ; H. Le
Tallec, A. Lassalle, H. Khenioui, A. Durufle, R. Plassat, P. Gallien *
27

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