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Viens chez moi, j'habite au bureau
La société Camelot France propose des bureaux vides en appartement à des prix défiant toute concurrence. À condition que le locataire joue un peu les gardiens.
Simon, 25 ans, s'est installé dans l'ancien bureau du comptable. Deux canapés, une table basse et un étonnant lit à baldaquin occupent la pièce d'environ 25 m2. Sans façon, il range ses vêtements
dans les placards conçus pour les dossiers. Dessus, il a posé six mini-palmiers qui cachent mal un immense parking. Simon n'est pas un squatter, mais le résident temporaire d'un immeuble de
bureaux de la banlieue parisienne. Depuis janvier, il partage un vaste plateau composé d'une cuisine et de douches aménagées avec trois autres colocataires.
"Je ne paie que 200 euros par mois, électricité et eau comprises. Un tarif imbattable alors que ce n'est pas une HLM. Le design n'est pas terrible, les fenêtres restent fermées, mais j'ai l'habitude des
logements étudiants", précise Simon, arrivé il y a quatre mois de Bordeaux pour saisir son premier job dans une société d'aéronautique. Son diplôme d'ingénieur en poche, il a signé un contrat avec la
société de gestion de biens Camelot France, qui installe des résidents temporaires dans des bureaux vacants.
Camelot a été créé en 1993 aux Pays-Bas, où 50.000 personnes vivent en résidence temporaire. La société s'est développée en Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, avant d'opérer en France
depuis 2010. Elle s'engage à conserver ses résidents pendant quatre mois minimum. Si un repreneur souhaite occuper les lieux, ils devront faire leurs valises dans un délai d'un mois. Il n'est pas
question de trêve hivernale. À cela s'ajoutent d'autres contraintes pour ces locataires d'un nouveau type : il est interdit de fumer dans les locaux, d'allumer des bougies, d'organiser des fêtes, d'élever
des animaux… Et mieux vaut être célibataire.
Cinq millions de mètres carrés de bureaux inoccupés
De leur côté, les propriétaires paient une redevance de 500 à 3.000 euros à Camelot pour organiser cette occupation légale, qui évite dégradations et vols. Le credo de Camelot est simple : la
protection par l'occupation. Simon et les autres colocataires s'engagent à prévenir si des intrus pénètrent dans leur environnement. Une solution antisquat rentable puisqu'un système de gardiennage
24h sur 24 coûte environ 15.000 euros par mois.
"Ce dispositif est légal. Il s'appuie sur la loi Molle de 2009, qui a apporté plus de flexibilité pour utiliser les locaux vacants. C'est une solution au problème de pénurie de logements. Mais chaque
bâtiment doit recevoir un agrément préfectoral concernant l'hygiène et la sécurité. Et avant d'accepter un résident temporaire, nous lui demandons s'il a une solution d'hébergement alternative chez des
proches", insiste Olivier Berbudeau, directeur de Camelot France, qui gère une douzaine d'immeubles, soit 20.000 m2 en France.
Alors que la société vise des taux de croissance de 30% en Europe, la formule a de l'avenir. Dans l'Hexagone, plus de 5 millions de mètres carrés de bureaux sont à louer ou à céder. Sans compter les
bâtiments publics inoccupés : casernes, établissements scolaires, hôpitaux désaffectés… Environ 200.000 personnes pourraient profiter de ces mètres carrés désertés. Camelot propose aussi d'autres
services pour rentabiliser les surfaces : organiser des tournages, implanter des panneaux solaires temporaires… Dans son 25 m2, Simon n'est pas inquiet pour l'avenir. S'il doit faire ses valises dans
un mois, il sait qu'il est entré dans le réseau Camelot pour longtemps. Olivier Berbudeau confirme : "Nous préférons conserver les résidents temporaires. Lorsqu'un immeuble retrouve sa première
vocation, nous tentons de les reloger." Prochaine étape pour Simon : le bureau du patron.
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Marie Nicot - Le Journal du Dimanche
samedi 13 avril 2013
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