France-Valeurs Changer de civilisation ?

Transcription

France-Valeurs Changer de civilisation ?
France-Valeurs
Lettre de septembre 2014
Changer de civilisation ?
Nous avons bien d’autres sujets de préoccupation, intérieurs et extérieurs mais je crois qu’il est de
notre vocation de revenir sur la prétention de ceux qui nous gouvernent à changer la civilisation.
France-Valeurs récuse formellement cette attitude et entend réagir à son égard conformément à
sa ligne de conduite trentenaire.
Dans cette véritable guerre civile des idées qui nous est imposée, cette Lettre voudrait donc aider
nos amis à se forger chacun une opinion sur ce sujet quasi vital.
Pour lancer le débat sans tomber dans l’intellectualisme, je m’appuie sur mes deux principes
familiers : respecter le bon sens et la nature profonde de l’homme, et essayer de tenir à la fois les
deux bouts de la chaine pour éviter l’extrémisme.
Par ailleurs, conscient d’exprimer ici un point de vue très personnel, j’invite instamment nos amis
lecteurs à m’adresser leurs critiques et propositions complémentaires.
***
Je tente de répondre aux questions suivantes :
1/ Qu’est-ce qu’une civilisation ? Quels sont les fondements de la nôtre ?
2/ Pourquoi et comment a-t-elle déjà beaucoup évolué ? Quelles sont les menaces actuelles?
3/Que faire pour éviter une mutation supplémentaire et mortifère de notre civilisation et exalter
l’essentiel de ce qu’elle représente ?
1/ Qu’est-ce qu’une civilisation ?
J’emprunte au Larousse une définition et un commentaire:
La civilisation, c’est l’ensemble des caractères propres à la vie intellectuelle, artistique,
morale, sociale et matérielle d'un pays ou d'une société. C’est à ce titre qu’on peut parler de
civilisations au pluriel et même de civilisations primitives.
Pour comparer des civilisations, on se fonde sur des faits linguistiques, éthiques, géographiques,
culturels, religieux ou politiques, mais, en procédant ainsi, il n'est pas plus aisé de savoir ce qu'est une
civilisation qu'une religion ou une culture, des idées aussi assez vagues.
« Après avoir prédit le triomphe de la civilisation, on peut bien annoncer le choc des civilisations
mais cela ne contribue pas à y voir plus clair. » (Bertrand Binoche)
***
Dans notre famille de pensée, l’on considère que les fondements de notre civilisation française sont
à la fois d’origine grecque, latine et judéo-chrétienne.
Grecque à travers les notions de primauté de la raison, de liberté, de citoyenneté et de
démocratie. Latine à travers le culte de l’ordre aboutissant au vote de lois pour régir les rapports
entre les hommes et (supposées) les tirer vers le haut pour leur plus grand bien.
Judéo-chrétienne enfin à travers les notions de transcendance de la Divinité, d’égalité en dignité des
hommes, tous fils de Dieu donc frères, de respect et finalement d’amour du prochain selon la loi :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même.»
Sur ces bases, la France du Moyen Age se couvrit d’églises : le pays était fondamentalement
chrétien comme son roi, ses universités, ses dispensaires et ses chevaliers. La mentalité générale
était à l’unisson. Les arts et les lettres se développèrent en parallèle, notamment au Grand Siècle,
encouragés par le Roi et les classes favorisées, mais la vie matérielle des paysans resta très dure,
d’autant plus qu’ils étaient les premières victimes d’innombrables conflits que l’Eglise ne réussit
jamais à empêcher.
2/Les évolutions de notre civilisation
La Réforme (1517) voulut introduire de la rigueur et de la simplicité dans le culte religieux comme
dans la vie des hommes sans attenter aux bases de la civilisation. Au contraire, la philosophie des
Lumières introduisit, au XVIII° siècle, une véritable brèche idéologique dans cet ensemble
1
apparemment harmonieux. Ainsi, l’Encyclopédie contribua-t-elle à remettre en cause non seulement
la monarchie absolue et les privilèges mais aussi l’existence d’un Dieu personnel, même si elle
admettait l’Etre Suprême. Elle sacralisa en même temps les Droits de l’Homme.
Depuis la tourmente révolutionnaire et napoléonienne, deux écoles de pensée coexistent en
France : conservatrice et progressiste. Dans le sillage de la révolution industrielle, née des grandes
découvertes scientifiques du XIX° siècle, le progressisme aboutit à une importante transformation de
la vieille civilisation à base chrétienne sous l’influence de divers courants : positivisme, scientisme,
relativisme, matérialisme, laïcisme, socialisme et marxisme internationaliste. Les arts et les lettres
avaient en outre été marqués profondément par le Romantisme.
Union sacrée et patriotisme obligeant, la guerre 1914/18 constitua une trêve dans l’évolution des
idées mais la paix retrouvée entraina une profonde révolution sociale et culturelle: apparition du
féminisme, naissance de l’art moderne, industrialisation intense et urbanisation consécutive, le tout
aboutissant au déclin des traditions liées à la vie rurale et de l’influence de l’Eglise.
S’ensuivirent entre les deux guerres la montée du socialisme, puis du communisme avec de
nombreuses manifestations de lutte des classes et l’adoption de mesures sociales (justifiées et dont
la plupart étaient d’inspiration chrétienne.) Pour l’adolescent témoin que j’étais alors, la faiblesse des
gouvernements de l’époque et la mentalité « Amusez-vous ! Foutez-vous d’tout ! », ( titre d’un tube
de l’époque) contrastaient étrangement avec le fanatisme guerrier d’Outre Rhin. (Hitler ayant été élu
en 1933). L’inaction attentiste de notre armée durant la drôle de guerre stupéfiait le candidat à St Cyr
que j’étais devenu. La victoire fulgurante des Nazis et l’exode où je pédalais au milieu de millions
d’exilés représenta pour moi l’écroulement de ma vision, sans doute irénique, de la France éternelle
et de sa civilisation d’essence chrétienne devant une nouvelle invasion barbare.
Pendant que le général de Gaulle cherchait à rendre à la France sa place dans le monde, la
Révolution Nationale de Pétain, fondée sur l’analyse des causes profondes de la défaite, représenta,
à mes yeux, un bref intermède dans l’évolution précédente en magnifiant la devise « Travail. Famille.
Patrie ». Des réalisations comme les Chantiers de Jeunesse et l’Ecole des cadres d’Uriage
constituaient ainsi des tentatives, à mon avis, trop limitées mais opportunes à l’époque, de réagir
contre l’effondrement moral de la France et des français. Malheureusement, compromise en 1944
par la collaboration honnie, cette attitude aboutit à un résultat négatif. En effet, à part de Gaulle et
quelques autres, beaucoup des hommes qui revinrent au pouvoir après la Libération, écrasés, il est
vrai, par l’ampleur de leur tâche matérielle, n’avaient ni la volonté ni les moyens de redresser la
France dans le sens moral comme nous l’entendons aujourd’hui à France-Valeurs.
Sur le plan matériel, la France se releva cependant de façon inespérée pendant les 30 glorieuses
mais ce qui restait de la civilisation française fut mis à mal sous deux influences qui durent encore.
D’abord, celle du marxisme. Grâce à Sartre et d’autres, il avait dorénavant droit de cité à la
Sorbonne, ce qui aboutit à faire virer au rouge l’intelligentsia des lettres et des arts et une grande
partie du personnel politique et des médias. Cela explique, dans une large mesure, le succès
temporaire de l’explosion libertaire de 1968 et ses conséquences, hélas, durables.
En même temps, la fascination de l’Amérique, de ses modes de vie, de penser, de vendre (le
marketing), de s’habiller (le jean), de se distraire (les films), de manger (le fast-food), de chanter et
de danser (les stars afro-américains du jazz, puis du rock, sont des idoles de la jeunesse française
beaucoup plus populaires que Jeanne d’Arc.) En revanche, les vertus morales qui ont fait et font la
force des USA : patriotisme et civisme, rigueur, réalisme, application au travail, faculté d’adaptation…
n’ont pas autant traversé l’Atlantique que les modes américaines.
2
Pourtant, ces modes- là ont envahi le monde, aboutissant TV et Internet aidant, à devenir les
éléments d’une nouvelle civilisation matérielle mondiale au point que les russes et les chinois euxmêmes ont adopté le fast-food et le style du cinéma américain et copié beaucoup d’autres
innovations y compris dans les domaines de l’espace et de l’énergie nucléaire.
Ces quarante dernières années, la phénoménale explosion scientifique et technique, de la pilule à
l’informatique, a contribué à transformer encore les mentalités. Trop de français sont ainsi devenus
des consommateurs égoïstes de surgelés et de TV. La culture classique de nos élites a été remplacée
par une formation à base de mathématiques et la langue française, première victime de l’échec
scolaire, est altérée par les SMS et le franglais. Les compositeurs de musique semblent s’intéressent
moins à l’harmonie qu’aux décibels. Un édifice hideux, le centre Pompidou, enlaidit Paris. La peinture
abstraite est seule à la mode et chaque roman se doit pour être vendu de parler crûment de sexe…
Tout cela constitue un terreau humain favorable à l’actuelle tentative gouvernementale d’accélérer
le processus mortifère en affirmant qu’il faut changer la civilisation. Je comprends cela comme la
volonté d’effacer chez nous les dernières traces d’influence chrétienne et de mentalité conservatrice
(dans le bon sens du terme). Cette entreprise relève à la fois de l’idéologie post-soixante-huitarde qui
imprègne nos gouvernants et par leur tactique de diversion face à leurs échecs politiques.
Elle se traduit à la fois par les lois sociétales du type mariage pour tous avec ses probables dérives
en direction de la GPA et de l’euthanasie, et par des mesures aberrantes comme la suppression des
notes à l’école… pour lutter contre la baisse du niveau scolaire et la dispense de prison pour certains
malfrats… pour lutter contre la délinquance et la récidive. Le vote des étrangers revient sur le tapis et
les pouvoirs publics affichent leurs considération pour l’Islam et semblent montrer à l’inverse de
l’indifférence voire de l’hostilité vis-à-vis de l’Eglise catholique.
Tout cela est très préoccupant. Chantal Delsol écrit : (Valeurs actuelles du 7 août)
: « L’orgueil de la démesure engendre le crime. Nos lois sociétales sont en train de glisser sur cette
pente fatale. Nos contemporains s’imaginent qu’en tournant le dos aux religions, ils se sont rendus
maitres du destin et capables de dépasser la finitude humaine. Soyons laïcs et tout deviendra
possible. Nous pourrons louer des ventres de femmes, (…), faire croire à l’opinion émerveillée qu’un
couple d’hommes attend un enfant. Ce ne sont ni les pouvoirs ni les religions qui décrètent nos limites,
c’est la conscience inquiète de chaque époque. Si, par orgueil, nous cessons de nous poser la question
des limites, nous quittons notre humanité. »
3/Que faire pour éviter une mutation supplémentaire de notre civilisation et retrouver ce qui en
constitue l’essentiel ?
Au plan individuel
Que chacun de nous s’attache à réfléchir sur ces réalités contemporaines et à se former pour
• Distinguer l’important de l’accessoire et se focaliser sur l’essentiel.
• Rechercher en tout le Vrai, le Beau et le Bien (même si ces notions sont subjectives.)
• Identifier ses principaux repères : la famille, les valeurs humaines fondamentales : courage,
sens des responsabilités et de l’honneur, respect, générosité…
• Donner un sens à sa vie individuelle et à nos réalisations collectives …
Ce faisant :
Fuir « la mentalité Hamish ». Cette petite communauté américaine refuse d’utiliser les éléments de
la vie moderne sous prétexte qu’ils favorisent la dépravation morale. Moyennant quoi, ils se
déplacent en carriole, s’éclairent à a bougie, vivent en autarcie et se marient entre eux…
Notre attitude à nous doit être ouverte et nous conduire à accepter et exploiter ce qu’il y a de
bien dans la civilisation contemporaine : le TGV, l’ordinateur et les soins médicaux…
3
Lutter en revanche contre les excès et les abus de la modernité dans la mesure où ils nous
déshumanisent, les modes et les addictions notamment, (y compris l’addiction à l’I Pad.)
Pour cela encourager chez les jeunes l’esprit critique et l’indépendance d’esprit.
Essayer de nous simplifier la vie pour ne pas nous créer en permanence des besoins
supplémentaires : accepter de marcher à pied et de manger moins riche…
Gérer notre temps de façon à nous réserver des plages pour nous détendre par l’activité physique
et d’autres plages pour lire, réfléchir, méditer et, si nous sommes croyants, prier.
Au plan collectif
Nous savions depuis longtemps que ce sont les minorités actives qui mènent le monde.
Nous avons découvert l’an dernier que nous étions entrés
dans une vraie guerre des idées
Or, à la guerre, malheur à l’homme seul.
Il nous faut donc
nous rassembler :
Pour cela, faire partie de groupes, d’équipes de réflexion, d’associations, de mouvements …
Nous mobiliser et nous former collectivement pour
défendre ou promouvoir
intelligemment et adroitement
les causes importantes.
Savoir faire entendre notre voix sans verser dans l’extrémisme.
Oser dire parfois « non »,
Oser surtout dire souvent « oui »,
et donner l’exemple par toute notre vie.
***
Je rappelle que je sollicite instamment vos réactions à l’expression de mon point de vue.
Bonne rentrée
Jean Delaunay
***
Mon livre « En écho à St EX » est disponible au prix de 15 € + 5 € de port, commandes à passer par
mail à [email protected] ( paiement à réception ) ou par courrier à adresser à FranceValeurs 32 rue de l’Orangerie 78000 Versailles ( avec chèque de 20 € à l’ordre de France-Valeurs).
***
Lettre de France-Valeurs de septembre 2014 trimestrielle
ISSN 1260 643 X Directeur de la publication: Jean Delaunay
France-Valeurs 27° année 32 rue de l’Orangerie 78000 Versailles CCP 704724 K Paris
Site Internet : www.francevaleurs.org
courriel : [email protected]
***
4