Quand la peaude pêche
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Quand la peaude pêche
D D O S S I E R Quand la L E S D E R M A T O S E S peau depeau pêche devient de crapaud 14 • OBJECTIF PRÉVENTION • VOL. 25 – NO 3 – 2002 Dermatose est un terme générique qui désigne une maladie de la peau, quelle qu’en soit la cause. On la qualifie de professionnelle lorsqu’elle résulte, en tout ou en partie, des conditions d’exercice du travail. En pratique, on peut penser qu’une dermatose est d’origine professionnelle si la personne affectée n’a pas d’histoire antérieure de dermatose ou encore, si ses symptômes diminuent ou disparaissent durant les fins de semaine ou les vacances, puis réapparaissent lors du retour au travail (ASSA, 1992). La majorité des dermatoses professionnelles, de 80 à 85 %, sont localisées aux mains (Durocher, 1994). La majorité de Rose-Ange Proteau ces dermatoses sont diagnostiquées comme dermatites de asstsas contact irritatives. Selon les auteurs, cette proportion varie de 60 % au Québec (Durocher, 1994) à 90 à 95 % aux États-Unis (Mathias,1988). La dermatite de contact irritative est une inflammation de la peau qui apparaît, à plus ou moins brève échéance, après un contact direct avec un agent irritant. Selon l’agent causal, on distingue d’autres catégories de dermatoses. On parle de dermatite de contact allergique Les savons antiseptiques altèrent s’il y a sensibilisation à une progressivement la peau, rarement substance allergène et de derchez plus de 50 % des individus matose infectieuse en présence exposés. La manifestation de leur d’une substance infectieuse. Toutefois, la cause est rarement potentiel de risque peut demeurer unique. La dermatose résulte latente plusieurs années. souvent de l'action combinée de plusieurs facteurs qui ont altéré la résistance naturelle de la peau aux agresseurs. Par exemple, une dermatite de contact irritative peut s’infecter. Selon les données de la CSST rapportées au début du dossier (voir article page 10), 60 % des déclarations sont des dermatites de contact irritatives, 15 % des dermatites de contact allergiques et 24 % des dermatoses infectieuses. Les dermatoses infectieuses surviennent lorsque le travailleur est exposé à un agent infectieux (bactéries, virus, champignons). Dans le secteur de la santé, elles sont le plus souvent une complication d’une lésion à la peau (coupures, échardes, etc.). Cet article se concentrera sur les dermatites de contact irritatives et allergiques qui se présentent typiquement comme de l'eczéma. L’eczéma Il est possible de souffrir d’eczéma sans qu’il y ait un lien avec le milieu de travail. Pour relier la maladie au travail, il faut analyser les tâches de la personne afin de cerner les risques d’exposition à des produits irritants ou allergènes. Une étude minutieuse de son histoire s’impose ainsi qu’une revue de la chronologie de l’exposition. Les personnes qui font déjà des allergies (rhinite saisonnière, asthme, etc.) ou de l’eczéma atopique (forme qui affecte des personnes héréditairement prédisposées) qui atteint les plis du coude, des genoux et le visage sont plus vulnérables à l’irritation par des produits présents au travail ou à de l’allergie de type I (urticaire). Lorsque les symptômes débutent sur le dessus des mains où la surface est plus mince, il est plus probable qu’il s’agisse d’allergie que d’irritation. Des vésicules qui forment des plaques aux contours inhabituels sur toute surface autre que les mains suggèrent une allergie de contact. Quand l’eczéma atteint des régions de la peau qui n’ont pas été en contact avec un produit irritant, il est plus probable qu’il s’agisse d’une dermatite allergique. Pour comprendre les manifestations des dermatites de contact, il est donc important de bien comprendre l’eczéma et son évolution, d’un stade subaigu à aigu et, finalement, à chronique si les causes ne sont pas corrigées (tableau). La gravité de l’eczéma varie de légère (un peu de desquamation, sans démangeaisons) à sévère, où les changements eczémateux interfèrent avec le travail et les activités de la vie quotidienne. L’écrasement des pilules et la préparation d’injections par les infirmières sont les tâches qui entraînent le plus souvent des allergies. L E S D E R M A T O S E S Dermatite de contact irritative Cette forme de dermatite est causée par un contact avec une substance qui, physiquement ou chimiquement, irrite ou endommage directement la peau. Elle peut être causée par un seul contact, comme la soude caustique, ou par des contacts répétés avec l’alcool à friction (isopropylique) ou un savon, par exemple. L’irritation résulte souvent de l'action combinée de plusieurs facteurs aussi diversifiés que l'humidité prolongée, la friction, les poussières, les microtraumatismes multiples associés au pouvoir irritant de plusieurs substances chimiques. Les irritants puissants créent des inflammations aiguës de type « dermatite de contact » ou des lésions corrosives de type « ulcère », comme avec l’acide chlorhydrique, par exemple. Ils sont rapidement identifiés et les correctifs appropriés peuvent être apportés. Il n'en va pas de même des irritants moyens ou faibles, par exemple les savons antiseptiques, dont l'action est beaucoup plus insidieuse. Ils altèrent progressivement la peau, rarement chez plus de 50 % des individus exposés. La manifestation de leur potentiel de risque peut demeurer latente plusieurs années. Il est souvent difficile de préciser l'origine d'une telle dermatite irritative (Durocher, 1985). Pour causer une dermatose, la substance doit pénétrer la couche supérieure de la peau (couche cornée) et provoquer une réaction à la couche inférieure, plus vulnérable. La couche cornée, même si elle a l'épaisseur d'un mouchoir de papier, est remarquablement résistante à la pénétration. Elle doit contenir au moins 10 % d'eau pour remplir adéquatement son rôle de barrière (Guidance Note, 1991). La vulnérabilité de la peau aux dommages varie grandement, de façon imprévisible, dans la population en général. La nature de la substance, le degré, la durée et la fréquence d'utilisation sont les principaux déterminants. D'autres facteurs, comme la déshydratation ou l'hydratation excessive de la couche barrière de la peau due à un environnement de travail trop sec ou trop humide, peuvent augmenter la susceptibilité de la peau à la pénétration et aux dommages en résultant (Guidance Note, 1991). Dermatite de contact allergique La dermatite de contact allergique est caractérisée par des éruptions de la peau au contact d’une substance à laquelle la personne est allergique. Contrairement à la dermatose irritative, la substance en cause peut être ordinairement inoffensive pour la majorité des gens, sauf pour l’heureux élu d’une allergie. Qui ne connaît pas le phénomène des allergies. À la suite d’un premier ou de plusieurs contacts avec une substance allergène, « le système immunitaire de la personne se met à fabriquer des globules blancs sensibilisés pour combattre ce qu’il considérera dorénavant comme un agresseur à neutraliser à tout prix » (CPSST, 2000). Cette première étape est appelée « sensibilisation ». Le système immunitaire a la mémoire longue. Si la personne vient de nouveau en contact avec la même substance, le système la reconnaît et engage le combat. Malheureusement, il y a des victimes innocentes : l’inflammation causée par la réaction de défense atteint les tissus en contact avec l’allergène. Elle peut même déclencher des TABLEAU > Stades d’évolution de l’eczéma Les flèches (>>) indiquent le sens de l’évolution si les causes ne sont pas corrigées. Eczéma subaigu >> > Rougeurs ; > sécheresse ; > desquamation (pelage comme après un coup de soleil) ; > démangeaisons ; > petits boutons (papules) ; > placards érythémateux (plusieurs papules ensemble). > > > > Eczéma aigu >> Placards rouges vifs ; démangeaisons ; peau légèrement surélevée ; groupes de petites vésicules (bulles) transparentes qui crèvent vite, laissant suinter un liquide collant ; > l'écoulement aboutit à la formation de croûtes précédant la guérison des lésions. Eczéma chronique > Sécheresse importante ; > épaississement de la peau par placards ; > placards qui comportent des fissures. symptômes à distance sous forme d’eczéma sur des zones qui ne sont pas en contact avec l’allergène. Une même substance ne déclenche pas d’allergie chez tous ceux qui y sont exposés. La personne doit avoir une prédispoS U I T E À L A P A G E 29 Quelques produits causant des allergies > Gants de caoutchouc Entre 3 % et 17 % des professionnels de la santé sont allergiques au latex. Toute dermatite qui s'arrête abruptement aux poignets chez une personne qui porte des gants de caoutchouc devrait être considérée, jusqu'à preuve du contraire, comme une dermatite allergique aux produits qui entrent dans leur composition (latex, accélérateurs et antioxydants). Pour plus d’information sur l’allergie au latex et sur les gants, consultez les articles plus loin dans ce dossier. > Produits de stérilisation et de désinfection Le formaldéhyde est un irritant primaire important et fortement allergène. Pour une personne déjà allergique au formaldéhyde, même la présence d’une petite quantité de formaldéhyde dans l'air, sur un instrument, par exemple sur un thermomètre, ou sur des contenants de biopsie est suffisante pour causer la récidive de la dermatite de contact. La présence de résidus d'oxyde d'éthylène due aux procédures de stérilisation a été associée à de l'irritation faciale provenant de masques d'anesthésie, des réactions sur les plaies provenant de pansements préenveloppés et des dermatites sévères provenant de jaquettes chirurgicales et de draps (Cohen, 1987). > Produits pharmaceutiques et médicaments Les principaux risques d’exposition se retrouvent à la pharmacie et lors des soins aux clients. L’écrasement des pilules et la préparation d’injections par les infirmières sont les tâches qui entraînent le plus souvent des allergies (Gielen et Goosens, 2001) (photo). Les produits médicaux fréquemment associés à des manifestations cutanées d'hypersensibilité incluent : > certains antimicrobiens (antibiotiques, plusieurs sulfamidés) ; > des anesthésiques topiques (externes) ; > les antinéoplasiques ; > les phénothiazines ; > les lotions et savons ; > produits pharmaceutiques en vente libre (acétaminophène, Zantac, cascara, etc.) ; > des adhésifs en orthopédie (ciment acrylique pour les os) ; > des pansements, du sparadrap. 15 • OBJECTIF PRÉVENTION • VOL. 25 – NO 3 – 2002 D D O S S I E R > la réaction retardée (allergie de type IV) se développe lentement et est caractérisée par des rougeurs, des démanSUITE DE LA PAGE 15 geaisons, de la sécheresse et un épaississition que l’on croie génétique. sement de la peau. L’intensité de la réacPour causer une réaction, l’allergène tion varie avec la condition de la peau, la doit pénétrer dans le corps à travers la durée du contact avec l’allergène, la suspeau, une muqueuse ou par inhalation. ceptibilité de l’hôte et les prédispositions La plupart du temps, il passerait par la génétiques de l’individu. L’allergie au peau par diffusion passive. Les gants im- formaldéhyde est un exemple de ce type perméables favorisent ce passage en aug- de réaction. mentant la température de la peau et en L’allergie peut atteindre des proportions la gardant humide. « systémiques ». La source d'exposition L’apparition de l’allergie est souvent peut être aéroportée et avoir des impacts progressive. Au début, la réaction est sur la peau ou, inversement, provenir d’un légère, puis s’aggrave avec les expositions contact avec la peau et causer des sympsubséquentes. tômes respiratoires ou d’autres effets sysAu niveau de la peau, on distingue témiques. À l’extrême, le choc anaphylacdeux types de réaction allergique : tique peut entraîner la mort (allergie de > la réaction immédiate (allergie de type I). type I) est une réponse (flambée soudaine) Les maladies de la peau causent souvent en 10 à 15 minutes. Cette phase dure des limitations temporaires, des inconforts quelques heures et s’accompagne de rou- et des malaises importants. Elles peuvent geurs, de démangeaisons et de gonflement. parfois entraîner des limitations perSix à 10 % du personnel de la santé serait manentes qui obligent à des changements susceptible d’être atteint d’allergie de de poste de travail. Pourtant, il existe des type 1 (Durocher, 1994). Le latex promoyens de les prévenir. À suivre dans le voque ce type de réaction ; reste du dossier. ◆ Pêche et crapaud RÉFÉRENCES ASSA (Association sectorielle des services automobiles). Les risques communs à l’ensemble des ateliers, module G-4, dans Les maladies de la peau, 1992, G-4-3 à G-4-15. COHEN, S. R. “Skin disease in health care workers”, Occupational medicine, vol. 2, no 3, juillet-septembre 1987, p. 565-579. CPSST (Centre patronal de santé et sécurité du travail), « Peau de pêche, peau de crapaud », Convergence, vol. 16, no 3, août 2000, p. 4-5. DUROCHER, L. P. Prévention des dermatoses professionnelles au Québec, Rapport à la Direction générale de la prévention, CSST, janvier 1985, 11 p. DUROCHER, L. P. Prévention des dermatoses en clinique dentaire, conférence présentée aux Journées dentaires, Montréal, 1994. GIELEN, K., A. GOOSENS. “Occupational allergic contact dermatitis from drugs in healthcare workers”, Contact Dermatitis, 2001, 45, p. 273-279. GUIDANCE NOTE MEDICAL SERIES 24. Health surveillance of occupational skin disease, from the Health and Safety executive, Angleterre, janvier 1991, 11 p. MATHIAS, T. “Occupational dermatosis”, J. American Acad. Dermatology, vol. 19, no 6, décembre 1988, p. 1107 à 1114.