Espaces contemporains

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Espaces contemporains
CHF 8.50
espaces contemporains 4/2012sLe magazine suisse romand de la maison, de l’architecture et du design
Juillet - août 2012
SPECIAL
DESIGN
TENDANCES,
ANALYSES
ET NOUVEAUTÉS
CUISINES 25 IDÉES QUI CHANGENT TOUT
QUATRE MAISONS PLEINES DE LUMIÈRE
EXPOS LE BAROQUE,
LE KITSCH ET LE POSTMODERNISME
TROIS
JARDINS D’AUJOURD’HUI
Des jardinets mitoyens, un jardin de ville et une cour d’accueil: ces trois espaces
de dimensions modestes, différents par leur problématique, expriment à présent tout
leur potentiel. EVELYNE MALOD-DOGNIN
UNE VAGUE
BUISSONNANTE
Contrairement aux apparences, ce jardin de verdure n’occupe
qu’une surface de 200 m2. Etendu au pied d’un immeuble en PPE
sur le plateau de Champel à Genève, il s’articule dans l’angle
du bâtiment. Prolongement de l’appartement sis au rez-de-chaussée et doté d’un étage, il s’apprécie sous des angles de vue très
variés. François Pernet, concepteur du projet pour le bureau de
paysagisme Henchoz SA, a imaginé ce jardin à la fois comme un
havre de repos et de ressourcement pour l’esprit de son occupant,
souvent en voyage, et comme une réminiscence paysagère de ses
tribulations. Depuis la terrasse, le regard glisse sur la surface gazonnée et va s’immerger dans les douces turbulences d’une vague
de buis qui s’écoule jusqu’au pied de la forêt voisine. Cette ondulation uniformément verte, à peine trouée de-ci de-là de quelques
taches colorées de touffes de rhododendrons et d’azalées, offre
un spectacle fascinant qui évoque en effet celui d’une canopée.
Emporté par ce flux verdoyant, le regard va et vient au rythme de
ses contours, s’attarde dans ses replis ombragés, caresse les reliefs
de ses émergences et va se perdre dans les profondeurs du sousbois sur lequel il semble s’appuyer. C’est par le juste mouvement
du tapis de topiaires et l’ajustement précis de ses niveaux que
surgit l’illusion qu’il se fond dans les méandres de la forêt. Cette
dernière est en effet située au-delà des limites de la propriété,
mais sa présence renforce encore l’attrait de la vague de buis qui
va à sa rencontre. Les rayons du soleil qui filtrent dans ses frondaisons génèrent des jeux d’ombre et de lumière qui animent la surface taillée de reflets changeants et renouvellent inlassablement
la fausse uniformité du décor. A la manière des jardins zen, ce
jardin libère l’imaginaire en laissant à celui qui le contemple l’entière liberté de réinterpréter ce qui s’offre à son regard. Sa grande
sobriété exalte chacun des micro-événements qui y surviennent floraison, chute des feuilles, filaments de brume automnale, traces
de givre... Point d’orgue de cette réalisation, la présence d’une
œuvre en bronze du sculpteur De Souza qui semble émerger de
la pelouse. Tiges, troncs ou algues? Au hasard des pas, les voilà
qui surgissent soudain de l’ondulation végétale comme de fantomatiques résurgences d’un paysage archaïque.
Le degré d’achèvement de ce jardin suscite évidemment bien des
questions relatives à sa mise en œuvre. On imagine moult structures compliquées permettant sa mise en forme. Que nenni! Ici, le
décor est purement végétal, et c’est là tout le talent de l’architecte
paysagiste et des jardiniers. En premier lieu, les boules de buis
- préalablement formées en topiaire - ont été disposées en s’inspirant de l’équilibre des constellations du ciel - une source d’inspiration infaillible selon François Pernet. Une fois leur place définitive
trouvée, c’est une multitude de buis de hauteur variable - soit 1330
arbustes! - qui ont été plantés selon un calepinage très précis. Le
buis utilisé est le Buxus sempervivens suffruticosa, une variété à
feuilles fines qui se prête remarquablement à la taille sans garder
la marque de la coupe. Un atout plus que précieux, car pour
maintenir la perfection du mouvement ondulatoire de cette vague
il faut tailler trois fois pendant la saison de végétation.
Réalisation: Gilbert Henchoz & Franck-J. Bodenmann SA,
architectes paysagistes associés, www.hench.com
Photos: Thierry Parel.
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