Identification individuelle et triage automatique des poissons
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Identification individuelle et triage automatique des poissons
FOCUS | RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT Identification individuelle et triage automatique des poissons En raison de la diminution d’esturgeons sauvages, la production de caviar, qui est un marché en pleine croissance, se fait dans le monde entier et de plus en plus souvent en pisciculture. On aspire, entre autres, à un élevage d’esturgeons respectueux des intérêts de l’espèce, selon les principes de la production bio. Ce projet vise à développer les bases d’un triage efficace et exempt de stress et d’une identification des poissons par enregistrement d’images. Christian Wasserfallen Ing.-méc. Dipl. HES, collaborateur scientifique à l’Institut des systèmes mécatroniques Député au Conseil national Berne Photo: www.sandrofiechter.ch La maison tropicale de l’Oberland bernois Quelles raisons peuvent bien pousser l’Institut des systèmes mécatroniques (ifms) de la Haute école spécialisée bernoise à travailler sur un projet concernant des poissons sur le territoire suisse? La réponse est simple: nous vivons dans le château d’eau de l’Europe. La construction du tunnel de base du Lötschberg a mis à jour, au nord de Frutigen, une source d’eau chaude, dont le débit est d’environ 100 litres par seconde et la température d’environ 20°. Les couches calcaires du revêtement du Doldenhorn, traversées par le tunnel en aval de la vallée de la Kander et de la Gastern, sont à l’origine de cette source. Une telle quantité d’eau chaude modifie, bien évidemment, la température de l’eau de frai des truites qui se reproduisent dans la Kander. Par conséquent, l’eau de la montagne a besoin d’être considérablement refroidie. Peter Hufschmied, directeur des travaux du tunnel de base du Lötschberg et président du conseil d’administration du Tropenhaus Frutigen SA, a eu l’idée innovante d’utiliser l’eau de la montagne pour élever des esturgeons et produire des fruits tropicaux. L’élevage de poissons et la production de fruits servent à refroidir l’eau; et les visites guidées à enrichir la région. La maison tropicale représente une attraction et aussi une alternative à l’agriculture traditionnelle. De plus, elle génère un chiffre d’affaires supplémentaire et crée de nouvelles places de travail. Si l’idée commerciale de la maison tropicale est innovante 14 hitech 3 / 2009 et exceptionnelle, les différents projets partiels, réalisés en collaboration avec l’université de Berne et l’ifms ne le sont pas moins. Le projet de reconnaissance individuelle et sans stress des poissons en est la preuve. Recensement sans stress et respectueux de la biomasse des esturgeons La maison tropicale abrite un élevage d’esturgeons de Sibérie, dont la chair et les œufs sont destinés à la vente. Ces poissons, qui peuvent atteindre 1.5m de long, doivent être triés et mesurés régulièrement afin qu’ils puissent être nourris de manière optimale pour leur garantir une croissance en bonne et due forme. Un appareil de triage, développé à l’ifms, mesure la taille des poissons et les trie automatiquement, pour que les individus de même grandeur soient regroupés dans le même bassin. Pour cela, les contours des différents poissons sont enregistrés au moyen d’un éclairage en arrièrefond, composé de LED et d’une caméra. Grâce aux LED très lumineux, l’exposition est brève et le flou dû au mouvement est minimisé. Par traitement d’images, la géométrie de l’esturgeon peut être extraite de l’image brute. La fiabilité de l’évaluation de la biomasse au moyen des don- nées obtenues avoisine les 95%. Cette indication est de grand intérêt pour le gérant et lui permet d’évaluer le nombre de kilos de viande qui sont en train de nager dans son bassin. Lors de cette procédure, les poissons ne subissent ni traumatisme physique, ni trouble psychique, facteur déterminant pour la production bio. La société Tropenhaus vise à l’obtention d’une certification biologique, qui tient compte du traitement respectueux de l’espèce. Max passe devant la lentille Autre point fort du projet : l’identification individuelle des poissons permet de suivre leur croissance. La recherche d’un signe distinctif, comparable à une empreinte digitale, représente le défi le plus important de ce projet. Le dessin sur le front du poisson ainsi que le filet de cartilage sur le nez (voir image) sont des caractéristiques particulières à chaque individu. Au moyen d’une caméra de très haute résolution et d’un éclairage clair provenant d’en haut, il est possible d’enregistrer ces dessins sous l’eau et de les utiliser pour l’identification individuelle. À l’aide d’un algorithme complexe, le système est capable d’identifier le poisson, Max ou Rosie, qui a passé devant la lentille. Pour Dessin des contours après traitement des données par image pour évaluer la masse du poisson. Photo: ifms Thomas Fankhauser qu’un seul poisson apparaisse à la fois, on utilise un système de nasse, favorisant l’isolement des poissons. À l’opposé des truites, les esturgeons sont des poissons très confiants, mais qui ne s’éloignent toutefois pas volontiers de leurs congénères. C’est pourquoi, la phase d’isolement n’est pas une mince affaire, ce dont l’ifms n’avait pas conscience du tout au début du projet. Il faut noter, à sa décharge, qu’il s’agissait d’une première tentative sur matière vivante et que de précieuses expériences ont été faites depuis. Aucune des suppositions que l’on avait émises en génie mécanique classique ne s’applique au comportement animal. À ce propos, les filets d’esturgeons disponibles aujourd’hui déjà à la Coop sont excellents. La dégustation fait partie des études. Le dessin et le filet de cartilage blanc sur le front du poisson en sont les signes distinctifs. Photo: ifms Contact: > [email protected] > Infos: labs.ti.bfh.ch/ifms l’ifms à la Tropenhaus de Frutigen Une équipe de la Télévision alémanique s’est rendue à la Maison tropicale de Frutigen, bien avant son ouverture, le 21.11.2009, pour tourner un reportage à propos du triage des esturgeons. Il sera diffusé cette année encore dans l’émission « Einstein ». Infos: labs.ti.bfh.ch/ifms 3 / 2009 hitech 15