CAC1516-Ilo Ilo

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CAC1516-Ilo Ilo
Collège au cinéma 2015/2016
ILO ILO
Anthony Chen - 2013 - Singapour
Ce film se déroule à Singapour à la fin des années 90. Il porte le nom d’une ville des
Philippines d’où est originaire Teresa, la gouvernante venu à Singapour s’occuper de Jiale,
un enfant turbulent, dans une famille où les deux parents travaillent.
Le caractère dépressif (nervous break down, suicides…) de cette époque est matérialisé
par une photographie douce, à la lumière diffuse, aux couleurs désaturées. Comme pour
rendre compte d’une vie sans saveur, uniformisée (le discours nationaliste des enfants
avant la punition)…
Séquence d’ouverture / présentation de Jiale
Jiale est un enfant d’une dizaine d’année aussi intelligent qu’il est retord. La séquence de
départ le montre en train de s’automutiler pour donner l’impression que son professeur le
martyrise. Le début du film va nous montrer les trésors d’ingéniosité qui l’aideront à mettre
en difficulté les adultes pouvant avoir une autorité sur lui. Il est donc manipulateur et
surtout renfermé. Au début, il semble exclusivement intéressé par deux choses : son
tamagotchi (un animal de compagnie virtuel à la mode) et un cahier où il colle de
mystérieux extraits de journaux.
La mère de Jiale travaille comme secrétaire dans une entreprise en crise. L’essentiel de
son travail consiste en effet à rédiger des lettres de licenciement. Elle est enceinte, le
dernier plan la montre au moment de l’accouchement. Elle est fatiguée et a besoin d’aide
à la maison, qu’elle ne peut entretenir avec son travail, les difficultés posés par son fils…
Après avoir embauché Teresa, on verra un autre visage chez elle. Celui d’une femme
hautaine, essayant de tout contrôler (passeport, fouiller les affaires des autres…) et à
l’aise dans son nouveau rôle de maîtresse de maison, donneuse d’ordre. Au fur et à
mesure du film la mise en scène montrera subtilement (de manière non-verbale) une
montée de jalousie envers Teresa (elle sait conduire…) et notamment dans la relation
privilégiée que va tisser la gouvernante avec son fils. Cela remettra en cause son
sentiment de supériorité et la poussera dans les bras d’un charlatan de type méthode
Coué. D’une certaine manière, elle vivra donc aussi une crise.
Collège au cinéma 2015/2016
Document rédigé par Nicolas Cébile
Collège au cinéma 2015/2016
Le père de Jiale est un représentant en verre dont la carrière va se briser par son
incompétence et la crise. Il cache à sa femme ses travers. Il a repris la cigarette, il boit
sans trouver ses limites, sa maladresse, il casse tout (le verre, le tamagotchi de son fils,
les œufs…) mais il a une relation honnête avec Teresa.
Teresa a quitté son pays et son fils pour gagner un peu d’argent. Elle est débrouillarde,
compétente (femme de ménage, coiffeuse, elle a son permis de conduire…), malgré les
pièges que lui tend Jiale au début. Elle s’occupe du nid urbain et notamment de son œuf,
Jiale, qui est très renfermé.
Une initiation
La présence de Teresa va permettre de montrer à Jiale que quelqu’un s’occupe de lui. Il
n’a plus besoin d’attirer l’attention sur son compte comme il le faisait avant Teresa.
Plusieurs scènes sont emblématiques de cette complicité naissante. La séquence de la
course poursuite en vélo qui mène à l’accident et donc au plâtre et celle de toilettage dans
la salle de bain (Jiale n’y est plus autonome).
Un autre élément déterminant est le coup de sang du père qui casse le tamagotchi de son
fils en voiture. Il lui remettra pour son anniversaire quelques poussins comme substitut aux
animaux virtuels. Le principe est plutôt sain, troquer le virtuel pour le réel, donner des
responsabilités, sortir l’enfant de sa bulle, annoncer les sacrifices à venir. Mais il y a un
élément symbolique latent dans ce geste.
L’œuf
Les poussins, leur élevage, la gouvernante poule, le travail de nuit du père dans un
entrepôt rempli d’œuf qu’il va d’ailleurs endommager, le plâtre de Jiale, le plan sur la télé
de la chambre des parents avec la coquille d’œuf brisé par le poussin à l’intérieur, la
naissance finale.
Collège au cinéma 2015/2016
Document rédigé par Nicolas Cébile
Collège au cinéma 2015/2016
Il existe tout un réseau symbolique autour de ce thème lié à la (re)naissance, à la volonté
de (s’en) sortir et à la découverte du monde.
Par exemple lorsque l’on enlève le plâtre de Jiale (un merveilleux artifice pour représenter,
chez l’humain, le principe de sortir de sa coquille), Teresa est présente. Le plan suivant
présente Jiale devant un volant dans la voiture, dans une attitude de conduite. Il est en fait
dans un Car wash, mais le savon sur la vitre lui donne un aspect intérieur de l’œuf. Il
aiguille aussi le spectateur sur le concept de l’enfant qui se dirige vers le monde adulte
(conduire une voiture est réservé aux grands). Le plan où il tente de fumer finissent de
nous persuader de cette mutation. Il tente de se confronter à un nouveau monde, a de
nouvelles opportunités.
Dans le même principe sa séparation avec sa nourrice est une continuité de cette route
vers l’âge adulte. Ainsi son échec à empêcher ce départ en faisant entrer en jeux son goût
pour les statistiques (cf les mystérieux découpages dans son cahier) participe du passage
du principe virtuel (protégé) au monde réel. Devenir adulte c’est faire connaissance avec
la souffrance (accident, séparation, les coups en public…), mais c’est surtout apprendre à
la surmonter (le bobo sur le bras a disparu lorsqu’on enlève le plâtre).
En prenant plus de distance, la crise asiatique des années 90 sert de cadre à celle d’un
couple. C’est l’occasion de se remettre en question, de faire un travail introspectif, de tirer
des leçons des échecs. La scène finale (une nouvelle naissance) et l’évolution positive de
Lim Jiale permet de voir l’avenir avec plus d’optimisme.
Quelques films partageant des thèmes communs :
YIYI d’Edward Yang se déroule à Taiwan et montre dans un milieu familial, à bien des
égards similaires. Le thème général tourne autour des première fois.
Noi albinoi de Dagur Kari ce film islandais montre le passage d’un jeune homme d’un
monde protégé (et ludique) au monde réel.
Collège au cinéma 2015/2016
Document rédigé par Nicolas Cébile