Adaptation française d`une version courte de l`Inventaire des rôles
Transcription
Adaptation française d`une version courte de l`Inventaire des rôles
Psychologie française 56 (2011) 59–72 et également disponible sur www.em-consulte.com Article original Adaptation française d’une version courte de l’Inventaire des rôles sexués de Bem pour enfants (Child Sex Role Inventory) A French adaptation of a short version of Bem’s sex role inventory for children (Child Sex Role Inventory) C. Clément-Guillotin a,1, P. Fontayne b,∗,1 a UFR STAPS, laboratoire CIAMS, équipe RIME, université Paris-Sud 11, 91405 Orsay cedex, France Laboratoire CeRMS, équipe ECA, UFR STAPS, université Paris-Ouest Nanterre, batiment S, 200, avenue de la République, 92000 Nanterre, France b i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Reçu le 17 mars 2010 Accepté le 7 novembre 2010 Mots clés : Validation Enfant Féminité Masculinité Échelle r é s u m é L’objectif de ce travail est de proposer une adaptation française, destinée à des enfants du primaire, du Child Sex Role Inventory (CSRI ; Boldizar, 1991) en format court. Celle-ci sera dénommée « Inventaire des rôles sexués de Bem-enfants » (IRSB-E). Au total, cinq études impliquant 654 sujets ont été réalisées afin de respecter les grandes lignes des étapes de la validation d’un questionnaire préconisées par Vallerand (1989). Dans sa version définitive, l’IRSBE comporte deux sous-échelles dénommées masculinité et féminité constituées respectivement de neuf et huit items, eux-mêmes se regroupant sur trois dimensions pour l’échelle masculinité (i.e., affirmation de soi, compétition, leadership) et deux dimensions pour l’échelle féminité (i.e., sensibilité à autrui, tendresse). © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de psychologie. a b s t r a c t Keywords: Validation Child The main objective of this work is to propose a French adaptation of the Child Sex Role Inventory (CSRI; Boldizar, 1991) in a short form. This one will be called “Inventaire des rôles sexués de ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Fontayne). 1 Domaine de recherche des auteurs : cognition sociale, identité sociale, motivation, genre, activités physiques et sportives. 0033-2984/$ – see front matter © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de psychologie. doi:10.1016/j.psfr.2010.11.004 60 Femininity Masculinity Scale C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 Bem-enfants” (IRSB-E). The validation of the new inventory followed the main recommendations of Vallerand (1989): (1) conception of a preliminary version; (2) evaluation of items’ clarity and concomitant validity of the questionnaire; (3) evaluation of its construct validity by the analysis of its factorial structure (Exploratory and Confirmatory Factor Analyses); (4) evaluation of internal consistency and fidelity test-retest of the instrument and (5) study of the correlates. On the whole, five studies implying 654 subjects were carried out. In its final version, the questionnaire comprises two sub scales called masculinity and femininity made up of nine and eight items respectively, gathering on three dimensions for the masculinity scale (i.e., self-affirmation, competition, leadership) and two dimensions for the femininity scale (i.e., sensitivity to others, tenderness). The construct validity of the questionnaire was attested by (a) exploratory and confirmatory factor analyses, and (b) correlates in conformity with the theory. This tool made it possible to reproduce data evoked in the literature, in particular positive correlations between masculinity and masculine-stereotyped activities (e.g., mathematics, sport practice) on the one hand, and self-esteem on the other hand; femininity being rather negatively correlated with self-esteem and sport practice but positively related to perceived competence in French. © 2011 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of Société française de psychologie. Le sexe et le genre sont considérés comme deux catégories majeures de la perception de l’individu qui sont acquises très tôt chez l’enfant (Abele, 2003 ; Bem, 1981 ; Cross et Madson, 1997 ; Maccoby, 1988). Le terme de sexe se réfère aux caractéristiques biologiques assignées à la naissance (i.e., le corps, les organes) qui différencient les femmes des hommes, alors que celui de genre renvoie aux caractéristiques attribuées et prescrites à chacun des sexes. Parmi les caractéristiques du genre, on trouve les traits de personnalité, les comportements, les attitudes, les activités pratiquées, les centres d’intérêt et les rôles sociaux qui définissent socialement ses deux dimensions, la masculinité et la féminité. L’hypothèse théorique fondamentale associée à la catégorie de genre est que chaque culture oriente et encourage ces conduites, traits et activités. La conceptualisation et la mesure du genre fait l’objet d’une littérature abondante depuis près d’une quarantaine d’années (Fontayne et al., 2000 ; Hoffmann, 2001). Parmi les outils mesurant le genre à l’aide d’attributs, deux ressortent très largement dans la littérature : le Bem Sex Role Inventory ([BSRI] ; Bem, 1974) et le Personal Attributes Questionnaire ([PAQ] ; Spence et al., 1974). Il existe à ce jour plusieurs versions en langue française du BSRI (Alain, 1987 ; Durand-Delvigne, 1992 ; Fontayne et al., 2000 ; Gana, 1995 ; Hurtig et Pichevin, 1986) ou bien même du PAQ (K’delant et Gana, 2009 ; Marro, 2002)1 . Le BSRI est le plus populaire des deux instruments dans les recherches (pour une revue, Hoffmann, 2001) et certains n’hésitent pas à dire qu’il mesure mieux la féminité et la masculinité (Meier-Pesti et Penz, 2008). De plus, les traits le composant apparaissent toujours d’actualité près de 30 ans après sa publication (Auster et Ohm, 2000). Qu’ils soient issus du BSRI ou du PAQ, les attributs identifiés comme des caractéristiques typiques à chacun des sexes ont été utilisés pour la description de soi (Bem, 1974 ; Spence et al., 1974). Avec ces représentations de soi liées au sexe, on élargit la notion de genre afin qu’elle inclut à la fois les attributions faites par autrui ainsi que les postulats et suppositions que nous faisons sur nos propres propriétés (Unger, 1979). Le genre organise alors nos perceptions et jugements de ce qui est approprié pour les hommes et les femmes en général et pour soi. 1 Ce ne sont pas les seuls instruments permettant de mesurer les construits F et M. Par exemple, une version du PAQ (Spence et al., 1974) vient d’être publiée par K’delant et Gana (2009), alors qu’un autre outil a été validé par Marro en 2002 (Marro, 2002). Les lecteurs intéressés par une présentation exhaustive des construits et des instruments en langue française pourront se reporter à l’article de K’delant et Gana publié dans la revue en 2009. C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 61 La très large utilisation du BSRI ne le prémunit toutefois pas de différentes critiques, tant sur le plan théorique que méthodologique (Choi et Fuqua, 2003 ; Choi et al., 2007, 2008). Le rationnel théorique, les procédures de sélection des items, l’interprétation des scores, la validité de construit, et la dimensionnalité ont en particulier donné lieu à de nombreuses remarques. Sur le plan théorique, une réponse aux attaques repose sur la théorie du schéma de genre que Bem (1981, 1985) a formulée. Sur le plan psychométrique, plusieurs auteurs mettent l’accent sur la nécessité d’opter pour une version courte du BSRI, une telle version démontrant une meilleure fiabilité (Boldizar, 1991 ; Choi et al., 2009 ; Fontayne et al., 2000 ; Gana, 1995). De plus, les études interrogeant les qualités psychométriques du BSRI ne devraient pas se tarir, étant donné que le BSRI porte « sur des construits (i.e., féminité, masculinité) dont les aspects définitoires dépendent de facteurs socioculturels en constante évolution » (K’delant et Gana, 2009, p. 325). Par ailleurs, la bidimensionnalité (M/F) sous-jacente au BSRI est aujourd’hui fortement contestée en faveur d’une multidimensionnalité (Choi et Fuqua, 2003 ; Choi et al., 2007, 2008). D’une conception en deux grands facteurs, masculinité et féminité, caractérisant l’organisation globale du concept de soi lié au genre, on passe à une conception multifactorielle. À l’instar de certains travaux contemporains relatifs au concept de soi, les données les plus récentes plaident même en faveur d’une organisation hiérarchique à deux niveaux du BSRI : au premier niveau, différents facteurs de premier ordre (e.g., sensibilité aux autres, assurance, indépendance, commandement, etc.) qui se regrouperaient au deuxième niveau en deux facteurs globaux de deuxième ordre : masculinité et féminité (BlanchardFields et al., 1994 ; Choi et al., 2007 ; Marsh, 1985). Seules les analyses factorielles confirmatoires (AFC) et/ou multitraits-multiméthodes (MTMM) permettent d’éprouver cette hypothèse d’une organisation hiérarchique des profils liés au genre. Or, s’il existe maintenant un certain nombre d’études utilisant ce type de méthodologies statistiques pour les outils en langue anglaise (pour une revue sur le BSRI, Choi et Fuqua, 2003), elles ne sont encore que peu utilisées pour la validation des outils en langue française. Également, et compte tenu de l’influence culturelle (Cross et Madson, 1997) dans la construction des rôles liés au genre, une simple traduction en français du BSRI ne présage en rien de sa validité et de sa fidélité dans la culture française. De plus, comme l’ont constaté Blanchard-Fields et al. (1994), l’âge des sujets constitue un des facteurs susceptibles de modifier la structure factorielle du BSRI. Il semble donc particulièrement approprié de s’assurer de la validité de l’outil pour la tranche d’âge à laquelle on s’adresse. Or, s’il existe une version courte en langue française pour adolescents (Fontayne et al., 2000) et pour adultes (Gana, 1995), il n’en existe aucune pour les enfants. Les études qui suivent auront pour objectif de présenter une version courte en langue française pour enfants. 1. Études 1 et 2. Mise au point, évaluation de la validité concomitante d’une version préliminaire Un triple objectif était poursuivi ici : • de proposer une version préliminaire en français d’un Inventaire des rôles sexués de Bem pour enfants (IRSB-E) ; • d’évaluer la clarté des items de cette version pour la population cible ; • d’évaluer la validité concomitante de la version mise au point. 1.1. Méthode Dans un premier temps (Étude 1), nous avons effectué une traduction inversée (back-translation ; Brislin, 1986) des deux échelles rendant compte des auto-perceptions relatives à dix items évaluant des traits « masculins » et dix items évaluant des traits « féminins » du Child Sex Role Inventory en format court (CSRI ; Boldizar, 1991) (l’objectif étant d’obtenir une version adaptée la plus courte possible du CSRI, il a été décidé de ne pas retenir les dix items de la sous-échelle de remplissage – ou désirabilité sociale [pour un raisonnement similaire, Fontayne et al. 2000]). Cette traduction a été réalisée par trois professeurs d’anglais (deux femmes et un homme) âgés de 36, 42 et 46 ans. Les quelques divergences 62 C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 Tableau 1 Items du CSRI (Boldizar, 1991) et leurs correspondants en langue française dans la version préliminaire de l’IRSB-E. No Items du CSRI Échelle masculine 1 I can control a lot of the kids in my class. 2 When a decision has to be made, it’s easy for me to take a stand. 3 I am a leader among my friends. 4 When I play games, I really like to win. 5 6 I am sure of my abilities. I stand up for what I believe in. 7 8 I am good at sports. It’s easy for me to tell people what I think, even when I know they will probably disagree with me. 9 1 make a strong impression on most people I meet. 10 I am good at taking charge of things. Échelle féminine 1 I care about what happens to others. 2 3 When someone’s feelings have been hurt, I try to make them feel better. I am a warm person, 4 I am a kind and caring person. 5 I like babies and small children a lot. 6 7 8 9 I am a gentle person. I am a cheerful person. When I like someone, I do nice things for them to show them how I feel. I like to do things that girls and women do. 10 It makes me feel bad when someone else is feeling had. Proposition d’items en langue française J’arrive à commander mes camarades. Quand une décision doit être prise, c’est facile pour moi de le faire. Quand je suis avec mes camarades, je suis souvent celui (celle) qui dirige et décide des activités que nous faisons. Quand je joue, j’aime vraiment beaucoup quand je gagne. Je suis sûr(e) de mes points forts. Quand je défends mes idées, je ne me laisse pas faire. Je suis bon(ne) en sport. Je dis ce que je pense, même si les personnes à qui je parle ne sont pas d’accord avec moi. Les gens se souviennent de moi parce que j’ai du caractère. Je suis doué(e) pour diriger des activités de groupe. Je fais attention à ce qui arrive aux autres. Quand quelqu’un a du chagrin, j’essaye de le (la) consoler. Je suis quelqu’un qui réconforte les autres quand ils en ont besoin. Je suis quelqu’un de gentil qui fait attention aux autres. J’aime vraiment beaucoup les bébés et les jeunes enfants. Je suis quelqu’un de doux. Je suis quelqu’un de souriant. Quand j’aime bien quelqu’un, je fais des choses pour lui montrer. Dans les activités que font les filles, il y en a que j’aime faire. Quand quelqu’un que j’aime bien est triste, je suis triste également. La présentation des items du questionnaire se fait de manière alternée entre items masculins et féminins. Dans la version définitive du questionnaire, l’ordre est le suivant : M1, F1, M3, F2, M4, F3, M5, F4, M6, F5, M7, F7, M8, F9, M9, F10, M10. ont porté sur la clarté des items pour des enfants de CE2, CM1 et CM2, mais elles furent rapidement dépassées. Au final, la version préliminaire de l’outil est constituée de 20 items (Tableau 1), chacun représentant une phrase permettant de se décrire. Les instructions suivantes sont au préalable apportées aux sujets : « avec les questions qui suivent, nous essayons de savoir ce qui, pour toi, est le plus marquant dans ton caractère. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, il faut donner ton avis à chaque affirmation, sans commentaires. Pour donner ta réponse, trace un cercle autour du chiffre que tu as choisi. Pour chaque affirmation tu peux entourer le 1, le 2, le 3, le 4, le 5, le 6, ou le 7 en fonction de ce que tu penses ». Les réponses sont ensuite portées sur une échelle de type Likert en sept points : (1) « Jamais vrai », (7) « Toujours vrai ». À la suite de cette traduction, dans le but d’éprouver la clarté des items de la version préliminaire du questionnaire pour la population cible, il a été demandé à dix filles et dix garçons d’une classe de CM2 d’une école primaire de la banlieue parisienne (Mâge = 10,23 ans, ET = 0,56) (les élèves ont été contactés par l’intermédiaire de leur instituteur et un consentement parental a au préalable été C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 63 obtenu) de remplir le questionnaire et d’exprimer au cours d’un entretien dirigé par le premier auteur de l’article, leur interprétation du sens des items. Ils devaient pour cela répondre aux questions : « comment comprenez-vous cet item ? », et « à quoi vous fait-il penser ? ». Enfin, une seconde étude (Étude 2) avait pour objectif d’évaluer la validité concomitante (concomitant validity) de la version préliminaire de l’IRSB-E par une comparaison des réponses obtenues à la version originale et à la version traduite, avec des sujets bilingues. À cette fin, quatre hommes et quatre femmes (Mâge = 43,12 ans, ET = 2,89), tous professeurs d’anglais, ont reçu pour consigne de compléter successivement le CSRI en format court dans sa version française, puis dans sa version américaine. L’ordre de présentation des items était différent dans les deux versions et 15 minutes séparaient les deux passations. Le premier questionnaire était immédiatement récupéré une fois rempli pour que les sujets ne puissent pas établir de comparaison des réponses entre les deux versions. 1.2. Résultats et discussion L’étude 1 a permis de proposer une version traduite satisfaisante du questionnaire original, mais également, au cours de la phase d’entretiens, de mettre en évidence la difficulté qu’éprouvaient certains enfants à réaliser que la caractéristique personnelle évoquée dans chacune des phrases ne devait pas être liée à une situation particulière, mais être pensée comme une qualité plus « globale ». Afin de résoudre ce problème, il fut décidé de précéder chaque phrase par l’expression « en général ». Ce type de formulation était déjà utilisée par Boldizar (1991) dans sa mise au point du CSRI. De plus, pour faciliter les réponses des sujets, une « ancre » fut fournie pour chacune des valeurs intermédiaires de l’échelle. Les ancres étaient alors les suivantes : (1) « jamais vrai », (2) « presque jamais vrai », (3) « pas souvent vrai », (4) « parfois vrai », (5) « vrai quelquefois », (6) « presque toujours vrai », et (7) « toujours vrai ». L’étude 2 démontre une validité concomitante convenable pour la version proposée. En effet, les coefficients de corrélation pour les deux sous-échelles sont r = 0,89 et 0,88, p < 0,01, respectivement pour l’échelle M et F. Deux tests t pour échantillons appariés ont été effectués pour chaque échelle ; aucun n’est significatif au seuil p = 0,05. Ces études 1 et 2 ont ainsi permis de mettre au point une version de l’IRSB-E dont la validité concomitante est satisfaisante. L’étude 3 examinera s’il en est de même pour sa validité de construit. 2. Étude 3. Analyse de la validité de construit de l’IRSB-E L’objectif de cette étude était double : • d’éprouver la validité de construit (construct validity) de la version préliminaire de l’IRSB-E auprès d’enfants issus de la population française ; • d’en proposer une version la plus courte et efficiente possible. Les résultats d’études antérieures ont en effet montré que des versions courtes des différentes versions du BSRI présentaient une meilleure structure factorielle que la version longue (Choi et al., 2009). 2.1. Méthode 2.1.1. Sujets Deux cent sept enfants (88 filles et 119 garçons ; Mâge = 10,45 ans, ET = 0,63) ont été volontaires (après obtention d’un consentement parental) pour remplir la version préliminaire en langue française de l’IRSB-E. Ces élèves provenaient de 11 écoles primaires (classes de CM1 et CM2) de la banlieue parisienne. Dans cette population, 26 % de ces enfants appartenaient à des familles au statut socioéconomique favorisé, 56 % appartenaient à des familles au statut socioéconomique « moyen », et 18 % appartenaient à des familles au statut socioéconomique défavorisé. 2.1.2. Procédure Après avoir obtenu l’accord des parents, l’expérimentateur s’est rendu dans les classes. La passation était collective et durait environ dix minutes. Elle se déroulait pendant l’horaire scolaire 64 C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 en présence de l’enseignant de la classe. Les enfants avaient le choix de ne pas répondre aux questionnaires. Il était également précisé que l’enseignant n’aurait pas accès aux réponses données et que les questionnaires étaient totalement anonymes. Les élèves étaient informés que la participation à l’étude était volontaire et que leurs réponses resteraient confidentielles. Il leur était ensuite distribué le questionnaire et les consignes (voir études 1 et 2). Les instructions étaient lues par l’expérimentateur qui s’assurait également de leur compréhension. Les informations démographiques relatives aux participants étaient enfin collectées (sexe, âge, métier des parents). 2.2. Résultats Différentes procédures permettant de déterminer le nombre de facteurs à retenir peuvent être envisagées (pour une revue, Fabrigar et al., 1999). Afin de pallier le risque de « sur-extraction » des méthodes du scree-test et du critère de Kaiser-Guttman – valeur propre supérieure à 1 – il a été décidé d’utiliser la méthode de l’analyse parallèle de Horn (1965). L’analyse a été réalisée à l’aide du logiciel Monte Carlo PCA for Parallel Analysis 2.0.3 en utilisant les algorithmes de calculs proposés par Watkins (2002) (voir le Tableau 2 pour les valeurs propres aléatoires générées) et le logiciel SPSS 17.0TM pour l’analyse factorielle (AFE) (méthode des axes principaux). Présumant des inter-corrélations entre les facteurs, une solution avec une rotation Oblimin directe et un delta fixé à 0 a été choisie. Afin d’obtenir une version multifactorielle, les items qui pondéraient simultanément sur plusieurs facteurs ou qui n’atteignaient pas un poids minimum de 0,40 sur un facteur ont été supprimés (les items six et huit de la sous-échelle F de la structure du questionnaire original et l’item deux de la sous-échelle M ont été supprimés). Les 17 items restants sont répartis équitablement sur cinq facteurs dont la valeur propre était supérieure à la valeur propre aléatoire générée par l’analyse parallèle. Ces cinq facteurs expliquaient respectivement 48,6 % de la variance et ont été dénommés : « sensibilité à autrui » (Facteur 1), « compétition » (Facteur 2), « affirmation de soi » (Facteur 3), « leadership » (Facteur 4) et « tendresse » (Facteur 5) (Tableau 2). 2.2.1. Fiabilité et analyse des échelles L’analyse de la fiabilité de chacune des sous-échelles révèle un niveau acceptable des cinq dimensions, compte tenu du nombre réduit d’items de chacune d’entre elles2 . Une analyse complémentaire montre un niveau de fiabilité acceptable des sous-échelles F (␣ = 0,759) et M (␣ = 0,703). Au regard du nombre d’items inférieur dans l’IRSB-E, ces indices sont relativement comparables à ceux de Boldizar (1991 ; ␣F = 0,84, ␣M = 0,75). 3. Étude 4. Analyse de la structure factorielle hiérarchique de l’IRSB-E Cette étude poursuivait différents objectifs : premièrement, tester la validité de la version courte de l’IRSB-E telle qu’elle a été exprimée dans l’étude 3 à partir de l’AFE. Présumant d’une structure hiérarchique (Blanchard-Fields et al., 1994 ; Campbell et al., 1997 ; Choi et al., 2007, 2009 ; Fontayne et al., 2000), plusieurs modèles seront soumis à l’analyse factorielle confirmatoire (AFC). En deuxième lieu, il s’agira de tester l’homogénéité des échelles et sous-échelles mises à jour, ainsi que d’en éprouver la stabilité temporelle au bout d’un mois par une procédure de test-retest. 2 Si les coefficients alphas peuvent apparaître problématiques au regard des seuils traditionnellement préconisés (i.e., 0,70), ils doivent être analysés au regard du faible nombre d’items constituant ces échelles. Ainsi, si on rajoute, selon les échelles, de trois à cinq items, cela conduirait à produire des valeurs alpha supérieur ou égal à 0,70. Ce même raisonnement à été rapporté par Sarrazin et al. (2002). C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 65 Tableau 2 Résultats de l’analyse factorielle de l’IRSB-E court (méthode des axes principaux, rotation Oblimin, n = 207). Items du BSRI-E Facteur 1 Sensibilité à autrui Facteur 2 Compétition Facteur 3 Affirmation de soi Facteur 4 Leadership Facteur 5 Tendresse F1 F2 F3 F4 F5 F7 F9 F10 M1 M3 M4 M5 M6 M7 M8 M9 M10 0,66 0,72 0,72 0,69 0,25 0,28 0,33 0,46 0,15 0,00 –0,09 0,13 0,14 0,06 0,23 0,16 0,21 0,02 –0,08 –0,08 0,09 0,10 0,11 –0,32 –0,20 0,16 0,13 0,52 0,66 0,25 0,42 0,11 0,24 0,34 –0,15 –0,11 –0,12 –0,26 –0,16 –0,29 0,11 –0,00 –0,05 –0,08 –0,14 –0,23 –0,50 –0,12 –0,80 –0,41 –0,07 0,15 –0,06 0,09 0,11 0,01 0,24 0,08 0,15 0,43 0,48 0,16 0,21 –0,03 0,30 0,11 0,28 0,59 0,23 0,36 0,21 0,23 0,40 0,42 0,51 0,35 0,08 0,05 –0,07 0,24 0,14 0,04 0,14 0,22 0,26 Valeur propre aléatoire Écart-type Valeur propre % de la variance Cronbach 1,54 0,01 3,75 18,74 0,77 1,42 0,05 1,96 9,79 0,54 1,34 0,04 1,45 7,26 0,64 1,26 0,03 1,37 6,85 0,62 1,20 0,03 1,20 6,00 0,51 – –0,09 –0,14 – 0,14* Corrélation interfacteurs Facteur 2 –0,03 Facteur 3 –0,20** Facteur 4 0,14* Facteur 5 0,43** – –0,31** 0,27** 0,03 – F = sous-échelle féminine ; M = sous-échelle masculine. Les numéros correspondent aux numéros des items reportés dans le Tableau 1. * significatif à p < 0,05 ; ** significatif à p < 0,01. Les items qui composent chaque sous-échelle ont leurs poids factoriels (> 0,40) reportés en gras. 3.1. Méthode 3.1.1. Sujets et procédure Deux cent quatre-vingt-douze participants (147 filles et 145 garçons ; Mâge = 10,13 ans, ET = 0,76) ont rempli la version courte en langue française de l’IRSB-E. Ils provenaient de 17 écoles primaires et de trois niveaux de classe : CE2 (n = 77), CM1 (n = 103), et CM2 (n = 112) de la banlieue parisienne au statut socioéconomique comparable à l’étude 3. La procédure de passation des questionnaires était également identique à celle-ci. Les participants remplissaient deux fois le même questionnaire avec un mois d’écart entre les deux passations. 3.1.2. Analyse factorielle confirmatoire Une série d’AFC a été réalisée à l’aide du logiciel LISREL 8.70. La distribution des variables étant anormale (les tests multivariés skweness = 42,817 ; z-score = 18,528, p < 0,001 et kurtosis = 377,590 ; z-score = 11,360, p < 0,001), une matrice des corrélations et une matrice de covariance asymptotique3 lui correspondant ont été générées afin d’évaluer les modèles à l’aide de la 3 Jöreskog et Sörbom (1993) définissent la taille minimum requise d’un échantillon pour générer une matrice de covariance asymptotique par la formule suivante : k (k–1)/2, dans laquelle k est le nombre de variables. Dans notre analyse, k = 17 aussi la taille minimale pour l’échantillon de n = 136 est atteinte. 66 C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 méthode d’estimation des moindres carrés pondérés (WLS ; Weighted Least Square) (McDonald et Ho, 2002). Plusieurs indices d’ajustement (chaque indice présente des avantages et des désavantages, aussi les auteurs recommandent d’en rapporter plusieurs ; McDonald et Ho, 2002) ont été utilisés : LR 2 , le Goodness-of-Fit Index (GFI), le Comparative Fit Index (CFI), le Tucker-Lewis Index (TLI), le Root Mean Squared Error of Approximation (RMSEA), le Standardized Root Mean Square Residual (SRMR), ainsi que le Single-Sample Cross-Validation Index (ECVI)4 . Trois modèles sont testés à partir des 17 items retenus à l’issue de l’AFE. Ces trois modèles nous permettent de tester l’organisation du concept de soi lié au genre des enfants : une organisation bidimensionnelle (modèle 1) versus une organisation multidimensionnelle non-hiérarchique (modèle 2) versus une organisation multidimensionnelle hiérarchique (modèle 3). Plus précisément, le premier modèle (M1) considère deux facteurs (M et F) indépendants mais pouvant être faiblement corrélés, avec huit items pour le facteur F et neuf items pour le facteur M. Celuici s’ajuste faiblement aux données : 2 (118) = 314,09 ; p < 0,001 ; GFI = 0,95 ; TLI = 0,90 ; CFI = 0,91 ; RMSEA = 0,076 [IC 90 %, 0,066 ; 0,087] ; SRMR = 0,10 ; ECVI = 1,07. Le modèle 2, basé sur l’existence de cinq facteurs indépendants pouvant être corrélés (ceux mis en évidence par l’AFE de l’étude 3) s’ajuste mieux que le modèle à deux facteurs : 2 (109) = 200,67 ; p < 0,001 ; GFI = 0,97 ; TLI = 0,95 ; CFI = 0,96 ; RMSEA = 0,054 [IC 90 %, 0,042 ; 0,066] ; SRMR = 0,07 ; ECVI = 1,01 et apparaît confirmer la multidimensionnalité attendue du BSRI. Conformément aux études antérieures (Blanchard-Fields et al., 1994 ; Campbell et al., 1997 ; Choi et al., 2009 ; Choi et Fuqua, 2003 ; Fontayne et al., 2000), le modèle 3 (M3) considère l’existence de deux facteurs de deuxième ordre : « Féminité » (F) et « Masculinité » (M) [modérément corrélés : = 0,45 (p < 0,001)] qui seraient respectivement composés de « sensibilité à autrui » (Facteur 1), « tendresse » (Facteur 5) pour la sous-échelle F, « compétition » (Facteur 2), « affirmation de soi » (Facteur 3), « leadership » (Facteur 4) pour la sous-échelle M (Fig. 1 pour le report des poids factoriels, variances, et erreurs de variance du modèle). Les indices s’avèrent également satisfaisants : 2 (136) = 203,63 ; p < 0,001 ; GFI = 0,97 ; TLI = 0,95 ; CFI = 0,96 ; RMSEA = 0,053 [IC 90 %, 0,041 ; 0,065] ; SRMR = 0,07 ; ECVI = 0,99. Les indices d’adéquation du modèle de premier ordre (M2) et du modèle hiérarchique (M3) sont très proches. Une analyse de la différence d’ajustement entre les deux modèles montre une différence de 2 non-significative [2 (4 ; n = 287) = 2,96 ; p = 0,564]. Suite aux propositions de Marsh (1987) qui avance qu’un modèle hiérarchique doit être retenu quand les indices d’adéquation du modèle hiérarchique sont identiques ou même très proches à ceux du modèle de premier ordre, nos résultats supportent l’organisation hiérarchique des dimensions composant l’IRSB-E. 3.1.3. Consistance interne et stabilité temporelle La consistance interne des sous-échelles a été évaluée à l’aide du coefficient de Bollen (1989)5 , la stabilité temporelle par un calcul des corrélations de Pearson pour les deux sous-échelles. Les résultats montrent une consistance interne satisfaisante compte tenu du nombre d’items pour chacune des sous-échelles constituant le questionnaire : sensibilité à autrui = 0,82 ; tendresse = 0,50 ; compétition = 0,55 ; affirmation de soi = 0,62 ; leadership = 0,77 ; F = 0,81 ; M = 0,79. Les coefficients de corrélations entre respectivement les cinq sous-dimensions entre elles et en outre, les deux souséchelles F et M (n = 79) sont tous significatifs (p < 0,05) et se distribuent entre les valeurs 0,73 ≤ r ≥ 0,89. Aucune différence significative n’est montrée (test t de Student sur séries appariées) pour la souséchelle M (t[77] = 0,99 ; p = 0,32) et la sous-échelle F (t[77] = 1,50 ; p = 0,14) entre les deux temps de mesure. 4 Ces indices et les seuils de validité qui leur sont associés ont de multiples fois été décrits dans la littérature (McDonald et Ho, 2002). 5 Le coefficient de Bollen (1989) est estimé à partir de la formule suivante : = (i)2 /([i]2 + ␦ii) pour laquelle i représente les poids factoriels et ␦ii les variances d’erreur. Sa lecture et son interprétation est similaire à l’indice ␣ de Cronbach. C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 67 Fig. 1. Modèle structurel (coefficients standardisés) de l’organisation hiérarchique de premier et deuxième niveau de l’IRSB-E. Note : Les numéros des items sont ceux reportés dans le Tableau 1. 4. Étude 5. Effets des corrélats du construit psychologique Selon Vallerand (1989), si un outil de mesure est relié à des variables d’une manière conforme à la théorie (on parle de validité prédictive, ou de corrélats du construit), alors des preuves supplémentaires sont apportées à la validité de construit de l’outil. Dans un premier temps, nous évaluerons la corrélation entre les scores aux sous-échelles F et M et le sexe déclaré (i.e., fille, garçon) des sujets. Conformément à bon nombre de travaux (Abele, 2003 ; Bem, 1974 ; Boldizar, 1991), nous nous attendons à ce que les scores à l’échelle M soient corrélés avec le fait d’être de sexe déclaré masculin, la même relation étant attendue entre les scores à l’échelle F et le fait d’être de sexe déclaré féminin. Ensuite, nous tenterons de mesurer les relations entre les scores à l’IRSB-E et la pratique sportive. Ces relations sont étudiées à partir des scores individuels de féminité et de masculinité, du fait que les sujets pratiquaient ou non une activité sportive dans le cadre d’un club ou d’une association, 68 C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 ainsi qu’avec la compétence physique perçue et la compétence sportive perçue. La pratique sportive étant désignée par de nombreux auteurs comme une activité stéréotypiquement masculine – même s’il existe un accroissement de la pratique sportive féminine (Riemer et Visio, 2003) les filles et les garçons pratiquent encore de manière différenciée (Fredricks et Eccles, 2005) – nous pouvons nous attendre à ce que, comparativement aux scores des sujets à l’échelle masculine, les scores de féminité soient moins corrélés avec la pratique sportive, la compétence physique perçue et la compétence sportive perçue. Par ailleurs, de nombreux travaux ont étudié les relations entre les rôles sexués et l’estime de soi et montrent que la masculinité est un prédicteur significatif de l’estime de soi globale chez les sujets des deux sexes (Greenwald et Farnham, 2000). Nous mesurerons alors, dans un troisième temps, les conséquences des relations entre les scores aux sous-échelles de l’IRSB-E et ceux obtenus sur un questionnaire de mesure de l’estime de soi (i.e., Inventaire du soi physique-6 [ISP-6] ; Ninot et al., 2001). Enfin, nous évaluerons les relations entre les scores aux échelles F et M avec la compétence perçue dans deux domaines académiques stéréotypiquement marqués comme étant féminin pour le français et masculin pour les mathématiques (Halpern, 1997). Plus concrètement, nous attendons une relation positive et significative entre les scores F et la compétence perçue en français, ainsi qu’une relation positive et significative entre les scores M et la compétence perçue en mathématiques. 4.1. Méthode 4.1.1. Sujets et procédure Quatre cent seize participants (les 292 participants de l’étude 4 auxquels se rajoutent 124 autres enfants [53 filles et 71 garçons] issus d’écoles similaires ; Mâge = 10,47 ans, ET = 0,78) ont répondu, en plus de l’IRSB-E, à un certain nombre de questions concernant leur pratique sportive, leur estime de soi globale et leur compétence perçue en sport, en mathématiques et en français. Leurs caractéristiques étaient similaires à celles des enfants des études 3 et 4. 4.1.2. Mesures La troisième partie du questionnaire était relative à des renseignements généraux (sexe ; M = « 1 », F = « 2 », âge, niveau de classe). Les sujets devaient également signaler s’ils pratiquaient une activité sportive, le type et le nombre de pratiques, le contexte de cette pratique (en club, spontanément, etc.), le nombre de fois par semaine, et la modalité (compétitive, loisir, etc.). A été considéré comme « sportif(ve) » (codé « 1 ») tout sujet qui pratiquait régulièrement dans le cadre d’un club, et selon une modalité compétitive. Dans les autres cas, le sujet était considéré comme « non-sportif(ve) » (codé « 2 »). Les participants étaient également invités à indiquer sur une échelle analogique de 10 cm allant de « pas du tout » à « tout à fait » leur niveau d’estime de soi globale (ESG) et s’ils se sentaient compétents dans le domaine physique (CPP ; compétence physique perçue), sportif (CSP ; compétence sportive perçue), en français (CFP ; compétence en français perçue) et en mathématiques (CMP ; compétence en mathématiques perçue). Les items et leur adaptation au domaine du français et des mathématiques sont issus de l’ISP-6 de Ninot et al. (2001). Les scores sont cotés entre 0 et 10. Le score du sujet correspond à la distance entre son trait et l’extrémité gauche de l’échelle. 4.2. Résultats L’analyse des corrélations (Tableau 3) montre, conformément à nos hypothèses, que les scores aux sous-échelles F et M de l’IRSB-E sont corrélés significativement et de manière positive avec l’estime de soi globale des sujets. Une analyse complémentaire nous permet de montrer que l’échelle masculine a une corrélation significativement supérieure à celle de l’échelle féminine (t[406] = 3,108 ; p = 0,001 test unicaudal). De plus, nous observons une absence de corrélation entre les scores à l’échelle F et la CPP, la CSP, ainsi que la pratique sportive. Une corrélation significative et positive est observée avec la CFP. C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 69 Tableau 3 Matrice des corrélations entre les scores aux sous-échelles féminine et masculine et les variables sexe, pratique sportive (sportif(ve) versus non-sportif(ve)), estime de soi globale et compétence – physique, sportive, en français, en mathématiques – perçue (n = 416). (1) (1) F (2) M (3) ESG (4) CPP (5) CSP (6) CMP (7) CFP (8) Sexe (9) Pratique sportive – 0,25** 0,16** 0,07 a 0,02 a –0,00 a 0,19** 0,36** –0,02 a (2) (3) (4) (5) (6) – 0,40** 0,13** –0,01 a –0,20** 0,11* – 0,13* –0,07 a –0,31** 0,25** – –0,06 a –0,20** 0,06 a (7) (8) – 0,38** 0,30** 0,45** 0,13** 0,03 a –0,19** 0,11* – 0,44** 0,31** 0,17** 0,13** –0,14** –0,01 a – 0,21** –0,03 a – –0,14** * significatif à p < 0,05 ; ** significatif à p < 0,01. F : féminité ; M : masculinité ; ESG : estime de soi globale ; CPP : compétence physique perçue ; CSP : compétence sportive perçue ; CMP : compétence en mathématiques perçue ; CFP : compétence en français perçue. a ns : non significatif à p < 0,05. Les scores à l’échelle M ne sont pas, quant à eux, corrélés avec la CFP alors que ceux-ci sont corrélés positivement et significativement avec la compétence perçue dans les domaines physique, sportif et des mathématiques. Également en accord avec nos hypothèses, les scores aux sous-échelles F et M de l’IRSB-E sont corrélés significativement et de manière congruente avec le sexe déclaré des sujets. Enfin, nous avons comparé nos corrélations avec celles obtenues par Boldizar (1991) lors de la validation de construit du CSRI. Pour l’établir, cet auteur avait examiné les corrélations entre les scores F et M obtenus par ses sujets avec les sous-échelles du Self-perception profile for children d’Harter (1985), et l’accomplissement en mathématiques. Nous avons retenu comme point de comparaison les échelles qui, sans recouvrir les mêmes concepts, étaient suffisamment proches. Pour l’échelle F, les tests de Fisher effectués nous montrent qu’il n’existe aucune différence significative (z > p = 0,05) pour les corrélations avec le Global Self-Worth ou l’ESG (0,07 vs 0,16), l’Athletic Competence ou la CSP (–0,07 vs 0,02), ainsi qu’avec le Mathematic Achievement ou la CMP (–0,09 vs –0,00). Pour l’échelle M, les mêmes tests ne montrent également aucune différence entre les corrélations entre échelles comparables, à savoir : Global Self-Worth et l’ESG (0,27 vs 0,38), l’Athletic Competence ou la CSP (0,46 vs 0,45), ainsi qu’avec le Mathematic Achievement ou la CMP (0,11 vs 0,13). 4.3. Discussion L’objectif de cette étude était précisément de répliquer des résultats trouvés dans la littérature afin d’éprouver la validité de construit de l’IRSB-E. Plusieurs recherches ont montré un lien entre les perceptions de soi liées au genre (i.e., féminité, masculinité) et l’adhésion à des pratiques socialement typées au niveau du genre. La pratique sportive compétitive étant plutôt une activité masculine (Fredricks et Eccles, 2005 ; Riemer et Visio, 2003), nos résultats confirment cette approche en montrant une relation positive et significative avec l’échelle M et la pratique sportive ainsi qu’une absence de relation avec les scores des sujets à l’échelle F. Des résultats similaires ont, par exemple, déjà été mis en évidence par Guillet et al. (2006) dans une étude sur l’abandon de la pratique du hand-ball chez les adolescentes. Également, la CPP ou la CSP sont reliées de manière positive et significative aux scores à la sous-échelle M, tandis qu’aucune relation significative n’est mise en évidence avec la sous-échelle F. Ces résultats sont conformes à ce qu’observent Bowker et al. (2003). Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que, quel que soit leur sexe biologique, l’estime de soi est plus élevée chez les individus qui possèdent un pointage élevé sur l’échelle de masculinité (Greenwald et Farnham, 2000). Les résultats de cette étude sont conformes aux résultats antérieurs. L’échelle F, quant à elle, montre également une relation positive et significative, mais moins élevée que l’échelle masculine avec l’estime de soi globale. Ces résultats semblent être conformes avec la théorie du schéma de genre et les travaux de Bem (1985) qui montrent que 70 C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 les individus montrant des perceptions de soi liées au genre élevées à la fois sur les sous-échelles masculine et féminine (i.e., individus « androgynes » au plan psychologique) sont ceux rapportant de la meilleure adaptation psychologique (e.g., estime de soi élevée, faible niveau d’anxiété, etc.). Au plan des activités scolaires stéréotypiquement associées au masculin et au féminin (i.e., respectivement les mathématiques et le français ; Halpern, 1997), la compétence perçue des enfants est également liée de manière positive et significative avec l’échelle congruente (i.e., M pour la CMP et F pour la CFP), alors qu’une absence de lien est observée avec l’échelle non-congruente (i.e., M pour le français et F pour les mathématiques). Également, les corrélations entre les échelles F et M avec d’autres mesures comparables sont équivalentes entre le CSRI (Boldizar, 1991) et l’IRSB-E. Dans l’ensemble, ces résultats sont conformes aux données de la littérature. Ils constituent donc un argument en faveur d’une validité de construit satisfaisante de l’IRSB-E. 5. Conclusion L’objectif principal des recherches réalisées ici consistait à adapter une version courte de l’IRSB-E. Pour cela, cinq études impliquant 654 sujets ont été effectuées. Ces recherches visaient également à examiner si une conception multidimensionnelle versus bidimensionnelle caractérise l’organisation du concept de soi lié au genre des enfants. Dans sa version définitive, le questionnaire comporte deux sous-échelles dénommées masculinité et féminité constituées respectivement de neuf et huit items qui sont regroupés en cinq facteurs. La validité de construit du questionnaire a été attestée par (a) des analyses factorielles exploratoires et confirmatoires, et (b) des corrélats aux construits conformes à la théorie. Cet outil a permis de reproduire des données extraites de la littérature, en particulier un lien positif entre la masculinité et la pratique sportive, d’une part, et l’estime de soi, d’autre part ; la féminité étant plutôt reliée négativement à l’estime de soi et à la pratique sportive. La fidélité du questionnaire a été attestée par une consistance interne et une stabilité temporelle à moyen terme satisfaisantes. Cette recherche confirme la multidimensionnalité et l’organisation hiérarchique du concept de soi lié au genre et rompt avec la conception bidimensionnelle de l’instrument initial proposé par Boldizar (1991). Les différents adjectifs utilisés par les enfants pour se décrire se sont regroupés en cinq facteurs exprimant plusieurs caractéristiques personnelles : sensibilité à autrui, tendresse, leadership, compétition et affirmation de soi. Ces caractéristiques personnelles se regroupent sur deux structures de deuxième ordre : féminité et masculinité (Fig. 1). Ces regroupements – qui mettent en avant les caractéristiques culturellement imputables aux hommes et aux femmes – sont conformes aux travaux antérieurs conduits dans les pays occidentaux en général (Cross et Madson, 1997) et en France en particulier (Felouzis, 1994). Ceux-ci ont montré que la compétitivité, le commandement, et l’activité physique constituaient plutôt des caractéristiques masculines (i.e., instrumentalité), alors que le maintien des relations sociales et l’attention accordée aux autres (i.e., expressivité) constituaient plutôt des caractéristiques féminines. Cette organisation est également conforme à celle avancée précédemment par Fontayne et al. (2000) dans la version française courte de l’IRSB pour adolescents. Cependant, il se pourrait que le concept de soi lié au genre soit encore imparfaitement différencié chez les enfants de neuf à 11 ans vivant en France. En effet, les corrélations significatives entre certaines sous-dimensions (e.g., sensibilité à autrui et leadership ; Tableau 3), ou bien des deux sous-échelles M et F dans le modèle confirmatoire, sont en faveur de cette interprétation. Cependant, il nous est difficile de savoir si ces résultats sont à interpréter comme une différenciation imparfaite des construits, celleci s’inscrivant dans une perspective développementale6 , ou bien comme une évolution plus profonde et plus large (i.e., sociétale) des relations entre les attributs définissant la masculinité et la féminité dans notre société (Auster et Ohm, 2000 pour une analyse de cette évolution lors des trente dernières années). Ce point nécessite des travaux et analyses complémentaires. 6 Assez paradoxalement, alors qu’il existe un nombre important d’études utilisant le BSRI comme mesure des traits féminins et masculins chez les personnes, il n’existe que très peu d’études avec des devis longitudinaux ou même transversaux. L’existence de trois inventaires (i.e., enfants, adolescents, adultes) aux échelles et scores comparables devrait permettre le développement de telles approches. C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 71 En somme, les résultats présentés dans cette recherche attestent de la qualité des caractéristiques psychométriques de la version réduite du l’IRSB-E. Même si l’évaluation de l‘outil doit se poursuivre dans le cadre d’autres recherches, les résultats actuels plaident en faveur de sa fidélité et de sa validité. De plus, le nombre restreint des énoncés le rend plus facile à administrer que la version originale. Cet outil pourra être utilisé par les chercheurs qui sont intéressés par le concept de soi lié au genre, que ce soit pour étudier les antécédents (i.e., l’impact d’une socialisation différentielle des filles et des garçons) ou les conséquences (i.e., affectives, cognitives ou comportementales) de ce construit. Les chercheurs ont également la possibilité d’étudier le construit d’une manière plus différenciée, en analysant par exemple, l’impact d’un mode de socialisation sur certaines sous-échelles particulières. Conflit d’intérêt Aucun. Références Abele, A.E., 2003. The dynamics of masculine-agentic and feminine-communal traits. Findings from a prospective study. Journal of Personality and Social Psychology 85, 768–776. Alain, M., 1987. A French version of the Bem Sex-Role Inventory. Psychological Reports 61, 673–674. Auster, C.J., Ohm, S.C., 2000. Masculinity and femininity in contemporary american society: a reevaluation using the Bem Sex-Role Inventory. Sex Roles 43, 499–528. Bem, S.L., 1974. The measurement of psychological androgyny. Journal of Counsulting Clinical Psychology 42, 155–162. Bem, S.L., 1981. Gender schema theory: a cognitive account of sex typing source. Psychological Review 88, 354–364. Bem, S.L., 1985. Androgyny and gender schema theory: a conceptual and empirical integration. In: Sonderregger, T.B. (Ed.), Nebraska Symposium on Motivation: Psychology and Gender, 32. Lincoln University, pp. 179–226. Blanchard-Fields, F., Suhrer-Roussel, L., Hertzog, C., 1994. A confirmatory factor analysis of the Bem Sex-Role Inventory: old questions, new answers. Sex Roles 30, 423–457. Boldizar, J.P., 1991. Assessing sex typing and androgyny in children: the children’s Sex-Role Inventory. Developmental Psychology 27, 505–515. Bollen, D.A., 1989. Structural equations with latent variables. Wiley, New York. Bowker, A., Gabdois, S., Cornock, B., 2003. Sports participation and self-esteem: variations as a function of gender and gender role orientation. Sex Roles 49, 47–58. Brislin, R.W., 1986. The wording and translation of research instrument. In: Lonner, W., Berry, J. (Eds.), Fields methods in cross-cultural research. Sage, Beverly Hill, CA, pp. 137–64. Campbell, T., Gillapsy, J.A., Thompson, B., 1997. The factor structure of the Bem Sex-Role Inventory (BSRI): confirmatory analysis of long and short forms. Educational and Psychological Measurement 57, 118–124. Choi, N., Fuqua, D.R., 2003. The structure of the Bem Sex-Role Inventory: a summary report of 23 validation studies. Educational Psychological Measurement 63, 872–887. Choi, N., Fuqua, D.R., Newman, J.L., 2007. Hierarchical confirmatory factor analysis of the Bem Sex-Role Inventory. Educational Psychological Measurement 67, 818–832. Choi, N., Fuqua, D.R., Newman, J.L., 2008. The Bem Sex-Role Inventory: continuing theoretical problems. Educational Psychological Measurement 68, 881–900. Choi, N., Fuqua, D.R., Newman, J.L., 2009. Exploratory and confirmatory studies of the stucture of the Bem sex Role inventory short form with two divergent samples. Educational Psychological Measurement 68, 881–900. Cross, S.E., Madson, L., 1997. Models of the self: self-construals and gender. Psychological Bulletin 122, 5–37. Durand-Delvigne, A., 1992. Identité et modèles sexués des personnes. Contributions aux recherches sur la dynamique relationnelle de l’identité et du genre. Thèse en Psychologie, non-publiée, Université de Paris 5. Fabrigar, L.R., Wegener, D.T., MacCallum, R.C., Strahan, E.J., 1999. Evaluating the use of exploratory factor analysis in psychological research. Psychological Methods 4, 272–299. Felouzis, G., 1994. Le collège au quotidien. PUF, Paris. Fontayne, P., Sarrazin, P., Famose, J.-P., 2000. The Bem sex-role inventory: validation of a short version for French teenagers. European Review of Applied Psychology 50, 405–416. Fredricks, J.A., Eccles, J.S., 2005. Family socialization, gender, and sport motivation and involvement. Journal of Sport and Exercise Psychology 27, 3–31. Gana, K, 1995. Androgynie psychologique et valeurs sociocognitives des dimensions du concept de soi. Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale 25, 27–43. Greenwald, A.G., Farnham, S.D., 2000. Using the implicit association test to measure self-esteem and self-concept. Journal of Personality and Social Psychology 79, 1022–1038. Guillet, E., Sarrazin, P., Fontayne, P., Brustad, R.J., 2006. Understanding female sport attrition in a stereotypical male sport within the framework of Eccles’ expectancy-value model. Psychology and Women Quarterly 30, 358–368. Halpern, D.F., 1997. Sex differences in intelligence: implications for education. American Psychologist 52, 1091–1102. Harter, S.L., 1985. Manual for the self-perception profile for children. Denver, CO, University of Denver. Hoffmann, R.M., 2001. The measurement of masculinity and femininity: historical perspective and implications for counseling. Journal of Counseling and Development 79, 472–485. Horn, J.L., 1965. A rationale and test for the number of factors in factor analysis. Psychometrika 30, 179–185. 72 C. Clément-Guillotin, P. Fontayne / Psychologie française 56 (2011) 59–72 Hurtig, M.-C., Pichevin, M.-F., 1986. La différence des sexes. Éditions Tierce, Paris. Jöreskog, K.G., Sörbom, D., 1993. Lisrel 8: strucural equation modeling with the simplis command language. NJ: Erlbaum, Hillsdale. K’delant, P., Gana, K., 2009. Analyse multitraits-multiméthodes des scores au questionnaire d’attributs personnels (Personal attributes questionnaire [PAQ]) auprès d’un échantillon féminin. Psychologie Française 54, 323–329. Maccoby, E.E., 1988. Gender as a social category. Developmental Psychology 24, 755–765. Marro, C., 2002. Évaluation de la féminité, de la masculinité et auto attribution des qualificatifs « féminin » et « masculin ». Quelle relation ? L’Orientation scolaire et professionnelle 31 (4), 545–563. Marsh, H.W., 1985. The structure of masculinity/femininity: an application of confirmatory factor analysis to higher order factor structures and factorial invariance. Multivariate Behavioral Research 20, 427–449. Marsh, H.W., 1987. The hierarchical structure of self-concept and the application of hierarchical confirmatory factor analysis. Journal of Educational Measurement 24, 17–39. McDonald, R.P., Ho, M.-H.R., 2002. Principles and practice in reporting structural equation analyses. Psychological Methods 7, 64–82. Meier-Pesti, K., Penz, E., 2008. Sex or gender? Expanding the sex-based view by introducing masculinity and femininity as predictors of financial risk taking. Journal of Economic Psychology 29, 180–196. Ninot, G., Fortès, M., Delignières, D., 2001. A psychometric tool for the assessment of the dynamics of the physical self. European Review of Applied Psychology 51, 205–216. Riemer, B.A., Visio, M.E., 2003. Gender typing of sports: an investigation of Metheny’s classification. Research Quarterly for Exercise and Sport 74, 193–205. Sarrazin, P., Vallerand, R., Guillet, E., Pelletier, L., Cury, F., 2002. Motivation and dropout in female handballers: a 21-month prospective study. European Journal of Social Psychology 32, 395–418. Spence, J.T., Helmreich, R., Stapp, J., 1974. The personal attributes questionnaire: a measure of sex-role stereotypes and masculinity–femininity. JSAS Catalog of Selected Documents in Psychology 4, 43–44. Unger, R.K., 1979. Toward a redefinition of sex and gender. American Psychologist 34, 1085–1094. Vallerand, R., 1989. Vers une méthodologie de la validation trans-culturelle de questionnaires psychologiques : implications pour la recherche en langue française. Canadian Psychology 30, 662–680. Watkins, M.W., 2002. Monte Carlo PCA for parallel analysis (Computer software). Pennsylvania State University : Author.