TFac LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN

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TFac LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN
LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN
Vitrail de la Parabole du Bon Samaritain
(taille : 1,20 x 6 m)
réalisé par le « Maître du Bon Samaritain »
au début du XIIIème siècle
et situé dans la Cathédrale Saint-Etienne de Bourges,
elle-même réalisée par le « Maître de Bourges » entre 1195 et 1324.
Trois fonctions principales peuvent lui être attribuées et participer à sa défintion :
- Un élément de décoration qui laisse passer la lumière
- Une mur translucide déployant des images et un récit
- Une manifestation de la présence divine
Le vitraux dans l’art gothique remplacent les fresques de l’art roman : ce sont de
véritables murs de lumière qui laissent pénétrer une lumière relativement
abondante. Ils se lisent en général de bas en haut et de gauche à droite, sauf
exceptions comme celui-ci.
Ce vitrail polychrome illustre des scènes religieuses issues des Evangiles, de
l’Ancien et du Nouveau Testament et date du XIIIème siècle. Il est placé au Nord
Est du chœur de la cathédrale. De format allongé et rectangulaire (6m x 1.20m)
avec une pointe en ogive, il est constitué de parties figuratives (dans ses 22
médaillons) et ornementales (pourtour qui fait office de cadre, interstices entre les
médaillons). Placé dans une fenêtre basse, ses couleurs sont intenses, ses
formes menues, et sa composition est très dense (70 personnages y sont
représentés !), ce qui ne rend pas toujours aisé sa lecture.
Architecture religieuse
ANALYSE PLASTIQUE
Vitrail
Définition :
Technique qui permet de créer des morceaux de verres colorés ou non (par le
verrier), de les choisir, les découper, les peindre ou non, et de les assembler avec
des baguettes de plomb (maître-verrier) puis de créer des renforts métalliques
permettant son insertion de l’ensemble dans l’architecture (serrurier).
On peut ainsi définir le vitrail comme une clôture translucide portant un décor
ou comme un tableau de lumière, surface plane sur laquelle les formes et
couleurs s’organisent.
Le vitrail trouve son essor dans l’architecture religieuse romane puis surtout
gothique. Outre les arcs en ogive, l’architecture des cathédrales gothiques
(« construction à la française ») se caractérise par sa hauteur (importance des
renforts extérieurs, arcs-boutants) et sa lumière : on dira que ce sont des
« cathédrales de lumière ». La France conserve 60% du patrimoine mondial de
vitraux anciens.
La cathédrale Saint-Etienne de Bourges construite par l’architecte anonyme le
« Maître de Bourges » entre 1195 et 1324, se caractérise par son absence de
transept (croix qui traverse la nef et délimite le chœur) et l’organisation de la
lumière dans ses volumes. La nef se divise en 5 vaisseaux (espace de circulation
de l’entrée vers le chœur), et offre ainsi un double déambulatoire. Le vaisseau
central étant très largement ouvert sur les vaisseaux collatéraux par de très hautes
arcades, les baies (fenêtres) offrent trois niveaux d’éclairement.
Ceci donne une impression de continuité des espaces où la lumière circule de
façon homogène. Autrement dit les variations subtiles de la lumière dans une
même journée, ou d’une saison à l’autre se font sentir et animent différemment les
vitraux. La lumière dans un édifice religieux s’adresse au corps sensible du
fidèle, mais a aussi une valeur symbolique et spirituelle.
Les verrières hautes datent aussi du XIIIème siècle, sont aussi très colorées mais
se composent de grands personnages (Saints, Evêques, Vierge, Christ…) Ces
vitraux ont « une valeur iconique », ils invitent le fidèle à se recueillir et à adresser
leurs prières aux saints.
Symbolique religieuse de la parabole
Les vitraux - tout comme les tableaux qui se développeront par la suite dans les
églises - illustrent pour les illettrés, les Evangiles (« bonne nouvelle », récits de
la vie et des enseignements de Jésus, écrits peu après sa mort par les apôtres
Luc, Marc, Mathieu, et Jean).
La parabole (« comparaison ») est une histoire concrète, un cas pratique
comparant différentes conduites humaines en fonction d’une situation
donnée, par lequel est tiré un enseignement moral. La lecture de la Bible et
des Evangiles par les clercs au Moyen-âge vise à relier des épisodes des
Evangiles à l’Ancien testament par exemple, pour les interpréter, ce qui donnera
les sermons.
La Parabole du Bon Samaritain est extrait de l’Evangile de Saint Luc (chap.X
versets 25 à 37). Le sujet de la parabole est un enseignement sur la pitié d’un
homme blessé que l’on considèrera comme son prochain même si on ne le
connaît pas (le Samaritain étant emblématique de l’étranger pour les juifs).
Narration : description des deux récits entremêlés
Le vitrail se compose de 3 parties : le récit central de la Parabole, le récit
latéral de l’histoire chrétienne de la Création et du Salut et enfin les parties
ornementales.
A - La parabole est illustrée sur les 5 médaillons centraux. On en retiendra :
- sens de lecture original de la parabole sur les 5 médaillons centraux de
haut en bas ( sens de la chute du pêché originel)
- interversion dans le montage des vitraux B et C (détroussé puis roué de
coup et non l’inverse).
- mise en valeur ou ellipse de certaines scènes (attaque développée,
Samaritain soignant le blessé non figuré) et création d’un rythme par le
découpage de l’histoire en scènes
- transposition de l’histoire avec des personnages contemporains du début
du XIIIème siècle
- lisibilité de l’action et des sentiments par la gestuelle des personnages (et
non les expressions des visages).
- figuration de la ville (architecture ramassée que l’on retrouve dans les
manuscrits), de la nature (arbre stylisé), du sol, du fond bleu.
- les tisserands représentés dans la partie basse du dernier médaillon n’a
pas de lien avec les Evangiles, mais constitue la citation des mécènes, ici
la corporation des tisserands qui ont financés ce vitrail.
- dans le dernier médaillon toujours, l’intégration des personnages liés aux
autres parties du vitrail et non à la parabole.
B - Ces 5 médaillons centraux sont entourés sur les côtés de demi-cercles
racontant l’histoire chrétienne de la Création et du Salut. On en retiendra :
- le mélange de l’Ancien et du Nouveau testament, qui s’articulent
ensemble, se répondent et
- le sens de lecture complexe parce que non systématique alors que la
composition reste symétrique :
C - Ornementation :
A noter les entrelacs, les panneaux mosaïques, cadre de chaque médaillon
constitué d’un filet intérieur rouge, intermédiaire blanc, et extérieur noir (cerclage
métallique), et dans les angles inférieurs, des personnages nus chevauchant des
cigognes (llustration « en marge » caractéristique du monde médiéval qui offre un
contrepoint imaginaire, fantaisiste, arbitraire aux réflexions savantes).
On retiendra enfin que la cadre n’est pas une bordure infranchissable pour les
personnages (pieds ou accessoires prennent appui sur les encadrements).
La densité narrative du vitrail mettant en relation la parabole avec des éléments de
récits de l’Ancien et du Nouveau testament offre une exégèse très riche
(interprétation des textes religieux). Les tableaux et notamment les retables en
forme de polyptyques (tableau articulé placé sur l’autel dans le chœur de l’église)
en prendront le relais. Même question du découpage des scènes, des espaces, et
du rapport au cadre.
Polychromie dans la lumière
La polychromie des vitraux dans une architecture participe de l’atmosphère très
particulière de l’espace sacré : outre les parties peintes, le vitrail colore la pierre et
le sol de façon changeante en fonction de l’heure et de la saison (orientation du
soleil plus ou moins haut), elle vibre en fonction des variations d’intensité. Et c’est
donc toute la perception de l’espace qui s’en trouve modifiée.
Tandis qu’une peinture trouve ses subtilités dans les variations de teintes des
pigments et de leurs mélanges, son éclat dans le choix du liant, dans le vitrail c’est
la lumière même qui donnera son éclat à des teintes souvent saturées dans un
espace sombre.). Ainsi le vitrail est le filtre par lequel la lumière apparaît pour les
hommes du Moyen-âge comme la manifestation de l’incarnation et de la présence
divine dans les églises. D’où son importance et son développement par des
ouvertures de plus en plus grandes dans les églises gothiques.
MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE ET INTERPRETATION
Le « Maître du Bon Samaritain »
Les caractéristiques du vitrail (teintes dominantes de bleu, rouge et blanc,
stylisation conventionnelle des arbres, de l’architecture, des expressions des
personnages, des plis en « V emboîtés » des vêtements) permettent d’assurer
qu’il a été réalisé de la même main que celui de la Passion et de l’Apocalypse
dans la même cathédrale. Il semblerait que ce maître-verrier ait été formé en
Bourgogne. Anonyme, les historiens d’art s’accorde pour donner un nom de
convention partant de la plus remarquable de ses œuvres : ici donc, le « Maître du
Bon Samaritain ».
Cependant le programme iconographique du vitrail a certainement été élaboré par
un clerc, voire l’archevêque de Bourges lui-même. Ainsi cette œuvre n’est pas le
fruit de la création d’un seul artiste (concept qui viendra par la suite à la
Renaissance et qui associe technique et style, artisanat et expression d’un sens).
Interprétations
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La Parabole du Bon Samaritain peut être interprétée comme un résumé
de l’histoire du Salut (voyageur/Humanité, voleurs/démon et péché,
dignitaires juifs/ancienne Loi, Bon Samaritain/Christ Sauveur,
auberge/l’Eglise).
Les scènes consacrées à Moïse brisant les Tables de la Loi rappelle que
la loi de l’Ancien Testament n’a pas suffi au rachat de l’humanité. Mises
en parallèle avec le Salut (la flagellation du Christ et la Crucifixion), il met
en évidence le sacrifice du Christ qui a racheté les hommes pécheurs en
mourant sur la croix.
La scène très fréquente dans l’iconographie du moyen-âge du péché
originel rappelle au chrétien qu’il est pécheur mais résonne aussi avec
l’attaque du voyageur, assailli par le démon.
La Parabole peut aussi être interprétée comme une incitation à pratiquer
la charité, sens de l’Evangile selon Saint Luc.
La parabole s’inscrit dans une suite : à sa droite, la parabole de l’Enfant
prodigue et plus à gauche, la parabole de Lazare et du mauvais riche.
VITRAUX MODERNES ET CONTEMPORAINS
Henri Matisse, Chapelle du Rosaire à Vence (PACA), 1948-1951
A la fin de sa vie et pendant 3 ans, Matisse réalise pour cette petite chapelle
dominicaine, l’ensemble du décor : vitraux, céramiques, autel, objets liturgiques
(encensoir, chandelier, chasubles). Pour lui « il s’agit de prendre un espace clos,
de proportions réduites, et de lui donner, par le seul jeu des couleurs et des lignes,
des dimensions infinies.» Après deux essais, il restreindra ses couleurs à un jaune
citron dépoli, et deux teintes plus transparentes, un bleu outremer et un vert
bouteille. Les motifs de feuilles issus de la thématique de l’arbre de vie, sont
proches de ceux des algues réalisées en gouache découpées après son voyage
en Polynésie. Ainsi il met à profit son travail de découpe des papiers gouachés
dans celui de la découpe des verres. Les dessins en noir sur la céramique blanche
sont réalisés dans la plus grande sobriété (ligne claire sans effet de relief tout
comme il en faisait à la plume) et se coloreront par les vitraux leur faisant face.
Travaillant dans la Chapelle, il souhaite que « même sans être croyant, les
visiteurs se trouvent dans un milieu où l’esprit s’élève, où la pensée s’éclaire, où le
sentiment lui-même est allégé. Le bénéfice de la visite naîtra aisément, sans qu’il
soit besoin de se cogner la tête par terre. »
Pierre Soulages, Abbaye Sainte-Foy à Conques (Aveyron), 1987-1994.
Le travail pictural de Pierre Soulages, se caractérise par l’emploi du noir seul, à la
texture grasse et pâteuse, qu’il travaille en grand format dans l’épaisseur, avec
des racloirs qui vont le strier et créer par sa brillance des effets de lumière. La
lumière dans ses peintures est une des composantes qu’il « sculpte », fait vibrer
avec sa peinture noire et ses obliques. Le spectateur découvre ses compositions
au sein du monochrome en se déplaçant devant l’œuvre immense, souvent
polyptyque. Pour ses premiers vitraux, Soulages observe tout d’abord les
caractéristiques de l’architecture et du site d’implantation, qui sont des hauts lieux
de pèlerinages : nombreuses ouvertures (104 en tout !) de pur style roman, massif
et élancé, pierres de couleur nuancée, site exceptionnel qui fait que l’abbaye et
ses vitraux sont à voir de l’extérieur et de l’intérieur. Soulages opte alors pour du
verre blanc, translucide mais pas transparent, et l’absence totale de couleurs pour
que seule celles des pierres soient perçues. De l’extérieur, le blanc est légèrement
bleuté, contrastant avec les pierres plus chaudes. De l’intérieur, les nuances se
font alors dans l’épaisseur même du verre qui filtrera plus ou moins la lumière. Les
plombs et barbotières (serrurerie qui fixe les verres à l’architecture et les soulage
de leur propre poids) deviennent des lignes de composition en eux-mêmes :
obliques pour les plombs, rappelant l’orientation de la lumière, horizontales pour
les barbotières rompant avec les verticales très présentes dans l’architecturemême. Ses vitraux sont très proches formellement de ses peintures, mais cette
fois-ci la lumière ne se réfléchit plus dessus mais les traverse.
François Morellet, L’esprit d’escalier, dans les
escaliers Lefuel du palais du Louvre, 2010.
Œuvre réalisée dans les baies et oculi (fenêtres rondes),
les vitraux sont en verre blanc opale (irisation en fonction
du point de vue) et incolore. Des effets d’échos formels et
de décalages sont créés par la différence d’épaisseur des
lignes de la mise en plomb et des barbotières, accentués
par les deux types de verre. On a l’impression de
projection d’ombre des lignes de la fenêtre sur un écran
plus en profondeur alors que tout est sur le même plan.
Effet d’optique manifeste dans le visiteur changeant de
point de vue dans l’escalier et trait d’esprit, propre à
l’artiste dans ses œuvres.

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