La proposition de règlement sur les informations

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La proposition de règlement sur les informations
La proposition de règlement sur les informations accompagnant les virements de fond
Hong Van PHAM
Le cadre actuel européen dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme est posé par la 3e directive anti-blanchiment du 26 octobre 2005 dont la mise en
œuvre est assurée par la directive 2006/70/CE
Concernant les virements électroniques, le règlement du 15 novembre 2006 relatif aux
informations concernant le donneur d’ordre accompagnant les virements de fonds assure aux
autorités de police et aux autorités judiciaires l’accès direct et rapide aux informations de base
sur le donneur d’ordre des virements pour les besoins de leurs enquêtes.
La proposition de règlement du parlement européen et du conseil sur les informations
accompagnant les virements de fonds révise ces dispositions.
Le but de ce changement est d’améliorer la traçabilité des paiements et la transmission des
informations sur le donneur d’ordre ET le bénéficiaire afin de prévenir et détecter le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, mais aussi de se conformer aux
normes internationales.
Cette proposition s’inscrit dans la politique actuelle de l’UE, notamment dans sa stratégie de
sécurité intérieure. En effet, la lutte anti blanchiment de capitaux et la prévention du
terrorisme font partie des 5 grands chantiers urgents pour la période de 2011-2014 engagés
pour assurer une Union européenne plus sûre.
Les axes qui sont à développer sont donc le développement de la transparence des
informations sur le bénéficiaire effectif des personnes morales, la clarification du traitement
des données à caractère personnel et le renforcement des sanctions et mesures administratives
Pour rédiger la proposition de règlement étudiée, les institutions européennes se sont basées
sur une étude externe concernant l’application du règlement de 2006, mais aussi sur les avis
d’acteurs privés, d’organisations de la société civile et de représentants des autorités de
réglementation et de surveillance des Etats membres de l’UE.
Cependant, l’inspiration principale de la proposition est la recommandation spéciale XVI
relative aux virements électroniques de février 2012 émise par le GAFI (Groupe d’Action
Financière Internationale).
Selon le principe de subsidiarité, l’Union assurera sur tout son territoire l’application
uniforme de la nouvelle recommandation du GAFI n°16, surtout en ce qui concerne l’absence
de discrimination entre les paiements nationaux et les paiements transfrontaliers.
En outre, dans un souci de respect du principe de proportionnalité, la proposition de règlement
n’ira pas au-delà de la simple transposition de la recommandation du GAFI N°16, en
imposant simplement les exigences minimales nécessaires à la traçabilité des virements.
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Quel est alors le contenu de cette recommandation 16 du GAFI ?
Trois points ressortent de ce texte :
Les institutions financières doivent inclure dans les virements électroniques les informations
exactes concernant le donneur d’ordre mais aussi concernant le bénéficiaire et cela tout au
long de la chaîne de paiement
Les institutions financières doivent surveiller les virements électroniques et prendre des
mesures appropriées quand ceux-ci ne comportent pas les informations requises.
Conformément aux textes relatifs à la prévention et la répression du terrorisme et du
financement du terrorisme, les institutions peuvent prendre des mesures de gel et peuvent
interdire la conduite d’opérations avec les personnes et entités désignées
Le but est d’empêcher les terroristes et autres criminels de bénéficier d’un libre accès aux
virements électroniques pour déplacer leurs fonds. Il s’agit alors de s’assurer de la
disponibilité immédiate des informations élémentaires sur le donneur d’ordre et le bénéficiaire
pour les autorités de poursuite pénale et/ou aux autorités judiciaires concernées, pour les
cellules de renseignements financiers et pour les institutions financières du donneur d’ordre,
des intermédiaires et du bénéficiaire.
En somme, la proposition de règlement et sa note interprétative visent à combler les lacunes
en matière de transparence. Elles imposent alors les règles suivantes :
 Accompagner les ordres de virements d’informations sur le bénéficiaire en plus de
celles concernant le donneur d’ordre
 Le règlement s’applique pour les cartes de crédit ou de débit, les téléphones portables
et tout autre appareil numérique ou informatique quand ils sont utilisés pour un
virement entre particuliers.
 Régime simplifié pour les virements hors UE de moins de 1 000 euros. (transmission
sans vérification des informations relatives au donneur d’ordre et au bénéficiaire) et
cela par opposition aux exemptions prévues par le règlement actuel
 Alignement du régime de la protection des données sur celui édicté par les normes du
GAFI (et la proposition de 4e directive anti-blanchiment)
 Renforcement des pouvoirs de sanction des autorités compétentes et publication de ces
sanctions
 Coordination des mesures prises à l’égard des virements transfrontières
 Mise en place de mécanismes encourageant le signalement des infractions.
 Quels sont les changements pratiques prévus par la proposition de règlement sur les
informations accompagnant les virements de fonds et leurs influences sur le droit
français actuel ?
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Les changements intervenus entre les deux textes
Le champ d’application
A ce titre, la proposition est bien plus synthétique et plus clair que le règlement actuel.
Les virements concernés sont ceux envoyés ou reçus par un prestataire de service de paiement
(PSP) établi dans l’Union (article 3 de la proposition).
Les virements qui ne sont pas soumis à la proposition sont les suivants :
 les virements de fonds servant à payer des biens ou des services et accompagnés du
numéro de la carte ou de l’appareil ayant servi pour la transaction
 les virements de fonds pour lesquels le donneur d’ordre retire des espèces de son
propre compte
 les virements de fonds effectués au sein d’un même état membre, pour le paiement
d’impôts, d’amendes ou d’autres prélèvements au profit des autorités publiques
 quand le donneur d’ordre et le bénéficiaire sont tous deux de PSP agissant pour leur
compte.
Toutefois, dans tous les cas, il faut noter que la proposition s’applique à tout virement entre
particuliers issus d’une carte de crédit ou de débit, d’un téléphone portable ou de tout autre
appareil numérique ou informatique.
Les dérogations:
Le régime des dérogations a fortement évolué, puisque beaucoup de dérogations aux
obligations d’informations accompagnant les virements prévues dans le règlement de 2006
ont été supprimées.
Ainsi, rentrent alors dans le champ de cette proposition, alors même qu’ils bénéficiaient d’une
dérogation, les virements suivants :
 Les virements de fonds exécutés au moyen de monnaie électronique, même si le
montant est inférieur à 1 000 euros (article 3 paragraphe 3 du règlement)
 Les virements de fonds exécutés au moyen d’un téléphone portable ou d’autre
dispositif numérique ou liés à la technologie d’information (article 3 paragraphe 4)
 Les virements nationaux effectués pour le paiement de la fourniture d’un bien ou d’un
service, d’un montant inférieur à 1 000 euros (article 3 paragraphe 6)
 Il s’agit là de la suppression de la discrimination entre les paiements nationaux
(effectués au sein d’un même Etat membre) et les paiements transfrontaliers (entre
plusieurs Etats membres).
 Les virements de fonds exécutés sur la base d’une autorisation de prélèvement
automatique (article 3, paragraphe 7, b.)
 Les virements de fonds effectués au moyen de chèque sous forme d’images-chèques
 Les virements de fonds destinés à des organisations sans but lucratif n’excédant pas
150 euros (article 18)
Pour autant, les états membres peuvent toujours conclure avec les pays situés en dehors de
l’Union et mentionnés à l’article 355 du traité des accords afin de considérer les virements
effectués entre ces deux entités comme des virements exécutés à l’intérieur de l’Etat membre
(article 24).
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La nécessité d’inclure les informations concernant le bénéficiaire
Il s’agit là du changement majeur avancé par la proposition. Il est déjà perceptible à la lecture
du titre de la proposition de règlement concernant les informations accompagnant les
virements de fonds alors que le règlement de 2006 concerne les informations sur le donneur
d’ordre. Ce changement est également visible tout au long du règlement puisqu’il est
systématiquement fait référence aux informations relatives au donneur d’ordre et au
bénéficiaire.
Le PSP du donneur d’ordre doit vérifier les informations suivantes (énoncées à l’article 4)
sauf si le virement de fonds n’est pas effectué à partir d’un compte et est d’un montant
inférieur à 1 000 euros :
Pour le donneur d’ordre, il s’agit comme auparavant de son nom, son numéro de compte ou le
cas échéant d’un identifiant de transaction unique, de son adresse, le numéro de sa carte
d’identité, son numéro d’identification client ou de son adresse et son lieu de naissance.
Les informations concernant le bénéficiaire consistent en son nom, son numéro de compte ou
à défaut, un numéro d’identifiant unique.
Le régime spécifique aux virements de fonds au sein de l’Union reste le même :
En effet, selon l’article 5 et par dérogation à l’article 4, seul le numéro de compte du donneur
d’ordre ou l’identifiant de transaction est nécessaire. Le PSP du donneur d’ordre doit être
capable de communiquer dans les trois jours à la demande du PSP du bénéficiaire ou du PSP
intermédiaire les informations requises à l’article 4.
Enfin, l’article 6 reprend le régime des virements de fonds vers l’extérieur de l’Union adressés
par lots. Il précise cependant le cas des virements de fonds d’un montant inférieur ou égal à
1 000 euros pour lesquels le PSP du bénéficiaire est établi en dehors de l’Union.
Pour ces derniers, le nom du donneur d’ordre et du bénéficiaire et leur numéro de compte ou
l’identifiant de transaction unique suffisent.
L’assimilation du régime du prestataire de paiement intermédiaire avec celui du
prestataire de paiement du bénéficiaire
Le PSP intermédiaire est défini dans la proposition comme un « PSP qui n'est ni celui du
donneur d'ordre, ni celui du bénéficiaire, et qui reçoit et transmet un virement de fonds pour le
compte du prestataire de services de paiement du donneur d'ordre ou du bénéficiaire ou pour
le compte d'un autre prestataire de services de paiement intermédiaire ».
Alors que ses obligations étaient très succinctes, son nouveau régime s’apparente désormais à
celui du PSP du bénéficiaire.
L’obligation de veiller à ce que les informations restent attachées au virement (article 10) et
les cas de limites techniques (article 14) sont toujours présents dans la proposition.
Désormais, le PSP intermédiaire doit également mettre en place des procédures efficaces pour
détecter les informations manquantes sur le donneur d’ordre et le bénéficiaire (article 11), des
procédures fondées sur les risques pour savoir quoi faire en cas d(informations manquantes
(article 12) ainsi qu’évaluer si ce manque d’information est suspect et le cas échéant, le
déclarer à la cellule de renseignement financier (article 13).
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La conservation des informations :
L’introduction de cet article 16 était nécessaire pour pouvoir respecter les recommandations
du GAFI en la matière.
Cet article est simple et réunit les obligations des 3 types de PSP : il leur faut conserver les
informations qui doivent respectivement leur être communiquées pendant 5 ans.
A la fin de cette période, elles doivent être effacées sauf législation nationale contraire
permettant la prolongation de cette conservation en cas de prévention ou de détection de
blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
En tout cas, cette conservation ne peut excéder 10 années.
Le régime des sanctions repensé :
Dans la proposition, un chapitre entier (le chapitre 4) a été créé à cet effet rendant le régime
des sanctions plus complet et précis.
Il y a toujours à l’article 17 de la proposition, l’obligation pour les Etats membres d’arrêter un
régime de mesures et de sanctions administratives efficace, proportionné et dissuasif en cas de
d’infractions aux dispositions du texte.
La nouveauté réside dans les articles suivants.
En effet, des dispositions spécifiques ont été mises en place en cas d’omissions répétées des
informations requises, en cas de manquement grave des PSP à l’obligation de conservation
des informations ou encore en cas d’absence de politiques et procédures efficaces fondées
sur les risques. Dès lors, des sanctions administratives décrites au paragraphe 2 de l’article 18
doivent être appliquées.
Cela comprend notamment de la perte d’agrément pour le PSP et des sanctions
administratives pécuniaires.
Ces sanctions sont alors publiées dans les conditions prévues à l’article 19.
De même, la proposition renforce le pouvoir de sanction des autorités compétentes qui
peuvent moduler les sanctions applicables selon les circonstances de l’espèce.
Les critères à prendre en compte sont énumérés à l’article 20 et consistent notamment à
prendre en compte la durée et la gravité de l’infraction, le degré de responsabilité de la
personne physique ou morale mise en cause mais aussi les infractions antérieure qu’elle
aurait pu avoir commis.
Le signalement des infractions et le suivi
La proposition, à son article 21, demande aux Etats membres de mettre en place des
procédures permettant la réception des signalements, une protection appropriée pour les
personnes signalant les infractions ainsi que la protection des données à caractère personnel.
Le but est d’encourager le signalement des infractions aux obligations prévues par ce texte.
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Ainsi, les PSP doivent mettre en place un canal spécifique pour le signalement de ces
infractions par son personnel.
Les conséquences sur le droit français :
Quelles modifications envisager dans le code monétaire et financier ?
En droit français, le régime des virements est décrit dans le code monétaire et financier aux
articles L133-1 à L133-28, consacrés aux autres instruments de paiement.
Cependant, ces articles restent davantage centrés sur une optique fonctionnelle et générale
puisqu’ils couvrent des sujets tels que l’exécution de l’ordre, les délais, la contestation ou
encore les frais mais ne reprennent aucunement le sujet des informations accompagnant les
virements.
En effet, le règlement CE n°1781/2006 est d’application directe dans les Etats membres de
l’Union européenne depuis le 1er janvier 2007.
Les PSP de France métropolitaine, des départements d’Outre Mer, de Saint Martin ou Saint
Barthélémy sont alors directement soumis aux obligations du règlement sans que le
législateur français n’ait à les transposer.
L’ordonnance n°2009-102 du 30 janvier 2009 relative aux informations relatives au donneur
d’ordre devant accompagner le virement étend ces obligations aux pays et territoire d’Outre
mer qui n’appartiennent pas à l’Espace économique européen.
Elle introduit alors les articles L713-1 et suivants du code monétaire et financier (chapitre 2 :
Dispositions communes à Saint Barthélémy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, à la
Nouvelle Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna en matière
d’information sur le donneur d’ordre)
Le contenu de ces dispositions est identique à celui du règlement.
L’autorité de contrôle prudentiel (ACP) a d’ailleurs publié en octobre 2010 « Les Principes
sectoriels de l’ACP relatifs aux virements de fonds » qui explique l’articulation entre les
dispositions des règlements européens et du code monétaire et financier.
Ce texte est important puisque c'est l’ACP qui assure le contrôle effectif et la prise de mesures
nécessaires à la mise en œuvre en France du Règlement.
A cet effet, l’ACP peut prononcer des sanctions disciplinaires (L612-38 et 39 du CMF).
Ainsi, une fois la proposition entrée en vigueur, elle sera également d’application directe en
France. Aucun article ne doit être ajouté dans le Code monétaire et financier, il faudra
simplement compléter certains articles visant les Pays et Territoire d’Outre Mer.
Le manque de cohérence et d’unité des sources rend l’application de la règlementation sur les
virements difficile et inégale en France : Le règlement était entré en vigueur en 2007,
l’ordonnance pour les pays et territoires d’Outre Mer en 2009 et les principes sectoriels de
l’ACP ont été publiés en octobre 2010.
Pourtant nul ne peut contredire l’importance des virements dans la lutte contre le blanchiment
et le financement du terrorisme. En effet, ceux-ci représentent désormais le 3e mode de
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paiement le plus utilisé dans le monde. En 2011, ils représentent à eux seuls 86,3% des
transactions en valeurs, selon la cartographie des moyens de paiement scripturaux de la
Banque de France.
Une reprise législative dans le code monétaire et financier du futur règlement sur les
informations accompagnant les virements permettrait une application et une visibilité plus
importante.
Sources :
-
Règlement (CE) N° 1781/2006 relatif aux informations concernant le donneur d’ordre
accompagnant les virements de fonds
Proposition de règlement sur les informations accompagnant les virements de fonds
Les recommandations du GAFI, février 2012
Principes d’application sectoriels de l’Autorité de contrôle prudentiel relatifs aux
virements de fonds (octobre 2010)
Rapport d’évaluation mutuelle, Lutte contre le blanchiment de capitaux et financement
du terrorisme (France, 25 février 2011)
Cartographie des moyens de paiement scripturaux de la Banque de France 2011
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