chapitre 6 : les politiques de gestion des frontières et de l`immigration
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chapitre 6 : les politiques de gestion des frontières et de l`immigration
CHAPITRE 6 : LES POLITIQUES DE GESTION DES FRONTIÈRES ET DE L'IMMIGRATION Virginie Guiraudon in Olivier Borraz et Virginie Guiraudon , Politiques publiques 1 2008 pages 173 à 194 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/politiques-publiques-1---page-173.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Guiraudon Virginie, « Chapitre 6 : Les politiques de gestion des frontières et de l'immigration », in Olivier Borraz et Virginie Guiraudon , Politiques publiques 1 Presses de Sciences Po « Académique », 2008 p. 173-194. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Presses de Sciences Po | Académique LES POLITIQUES DE GESTION DES FRONTIÈRES ET DE L’IMMIGRATION Virginie GUIRAUDON a chute du Mur en 1989 et la perspective de l’ouverture du marché unique européen en 1992 annonçaient de profonds changements dans la fonction et la localisation des frontières étatiques. Au même moment, les hérauts de la mondialisation proclamaient que les États avaient perdu le contrôle de leurs frontières. En Europe, les frontières n’étant plus contestées, et perdant leur caractère militaire, elles pouvaient enfin disparaître. Pourtant, force est de constater aujourd’hui l’importance de la politique des frontières. Par « politique des frontières », nous entendons l’ensemble des dispositifs de gestion des flux qui entrent et sortent d’un territoire/juridiction donné ainsi que le discours sur la menace transfrontalière. En effet, la frontière est avant tout présente dans les discours de politique publique y compris au niveau de l’Union européenne comme en témoignent l’énorme production de documents de la Commission et les nombreux textes adoptés par le Conseil européen sur ces questions depuis 1999. C’est un discours sur la menace floue de l’étranger associé au terrorisme ou au crime organisé (Bigo, 1996) plus que sur un risque rationnel même si le mot est employé par les technocrates (voir le chapitre 12 de cet ouvrage sur la notion de risque). Traduisant les mots en actes, de « vrais » murs s’érigent aussi : à Ceuta et Melilla ou encore à la frontière entre les États-Unis et le Mexique avec le Fence Act de 2006 (loi sur la clôture). L Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Chapitre 6 174 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Ces murs rendent visible la volonté de se défendre contre les menaces extérieures (Andreas, 2001 ; Guiraudon et Joppke, 2001). Pourtant, la frontière n’est plus une ligne. Nous sommes à l’ère des zones – anomalous zones du point de vue du droit selon le juriste Gerald Neuman (1996) – comme les zones d’attente dans les aéroports ou les camps de Lampedusa en Italie, ou la zone des vingt kilomètres des frontières intérieures de l’espace Schengen. Et l’on trouve encore des limes comme au temps de l’Empire romain dans les pays voisins de l’Union européenne chargés de former un « cordon sanitaire » pour empêcher l’arrivée des indésirables (Anderson, 1997). Par ailleurs, la plupart des contrôles s’effectuent en amont de la frontière juridictionnelle (Aristide Zolberg parle de remote control ou contrôle à distance [2003]). Ainsi, à la suite des attentats du 11 septembre, les marchandises qui doivent arriver par bateau aux États-Unis sont contrôlées par des agents des douanes américaines postés dans les ports d’origine, comme Le Havre ; les données personnelles des touristes arrivant par avion sont examinées par les autorités américaines avant le décollage en puisant dans les données des compagnies aériennes. De même, en Europe, le tri entre les étrangers que l’on veut sur son territoire et les indésirables se fera non pas à la frontière mais dans les consulats délivrant les visas ou les aéroports où l’on contrôle ces derniers. C’est pour cela que notre définition évoque la gestion des flux transfrontaliers sans se restreindre aux contrôles effectués à la frontière physique voire aux politiques dites de « coopération transfrontalière » qui ciblent aussi géographiquement les régions autour de la frontière internationale. L’analyse des transformations récentes dans la gestion des frontières étatiques semble propice à une réflexion plus large sur le changement d’échelle des politiques publiques. En effet, c’est avec l’avènement de l’État moderne en Europe que la frontière devient une ligne et une limite de la souveraineté, avant que le projet colonial n’entraîne son exportation hors d’Europe et que, plus tard, les organisations internationales et les différents États n’acceptent la notion westphalienne de frontière comme marqueur absolu de la souveraineté de l’État (Foucher, 1991). Ce lien historique entre frontière et souveraineté nationale et le caractère encore primordial des frontières étatiques dans le droit international public donnent à toute internationalisation dans ce domaine un poids symbolique fort et alimentent de vifs débats académiques 1. 1. En effet, chaque discipline et, au sein de chacune d’entre elles, chaque école théorique a une définition et une vision différente des frontières (Anderson, 1997). Discutées dans le cadre de débats sur la souveraineté, notion fort contes- Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 175 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Il convient de limiter notre objet et de cadrer notre analyse autour d’une question pertinente par rapport au thème du changement d’échelle des politiques publiques : « L’État contemporain contrôle-t-il ses frontières ? » Analytiquement, cette question en recouvre plusieurs : L’État en a-t-il l’autorité ? La volonté ? La capacité ? Ses agents sont-ils ceux qui assurent le contrôle ou cette fonction a-t-elle été déléguée à des acteurs non étatiques ? Tous les cas de figure sont théoriquement possibles et empiriquement vérifiables : on peut décider de contrôler les flux sans en avoir ou s’en donner les moyens (la capacité), ou autolimiter son autorité pour exonérer certains types de flux ou certaines portions du territoire des règles en vigueur, ou encore déléguer son autorité à un tiers pour in fine retrouver des capacités réelles d’aboutir aux objectifs de politique publique recherchés. Nous aborderons tout d’abord la question de la capacité des États à « contrôler » leurs frontières, question qui a fait couler beaucoup d’encre en science politique et en sociologie. Dans une première partie, nous ferons une revue des travaux existants sur la question. Dans la seconde partie, nous reposerons la question : qui décide in fine de la politique des frontières ? Nous nous appuierons sur nos propres recherches sur les politiques d’immigration transgouvernementales et européennes. En effet, on observe dans le cadre européen que les États membres ont transféré une partie de leurs compétences en matière de gestion des frontières à l’Union européenne. Il s’agit pour certains de retrouver au niveau européen des capacités perdues au niveau national. Si l’argument a été maintes fois avancé en ce qui concerne le marché commun, est-il valide pour la politique des frontières ? Nous montrerons dans un deuxième temps que, dans une large mesure, c’est le cas. Nous soulignerons que la répartition des compétences dans ce domaine est complexe et que les jeux de souveraineté privilégient essentiellement certains acteurs bureaucratiques nationaux (ceux chargés de la sécurité) et dans certains pays de l’Union (ceux qui ont négocié des règles communes dans le « club Schengen » avant de les imposer aux autres). À qui profite le changement d’échelle de l’action publique ? Certains acteurs du secteur ont vu leur position renforcée et d’autres ont été déstabilisés. Le changement d’échelle est à la fois un changement de règles du jeu, une reconfiguration institutionnelle mais aussi une redéfinition des contours du champ d’action publique, ce que Baumgartner et Jones tée, les frontières font couler beaucoup d’encre. Nous y reviendrons. Voir en tout cas sur ce sujet Mathias, Jacobson et Lapid (2001). Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 176 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po appellent respectivement un changement de policy venue (cadre décisionnel) et de policy image (cadrage de la décision) (1994). Elle profite à certains acteurs et en met d’autres « hors champ », ce que nous illustrerons avec le cas des politiques de gestion des flux migratoires en Europe. Les débats sur la capacité de contrôle des États La gestion des frontières est rarement étudiée et considérée comme une politique publique. Le terme d’ailleurs n’est pas employé en français 2. Il y a des études sur la politique d’immigration ou la politique des douanes par exemple, mais qui ne couvrent donc pas tous les flux contrôlés ou non à la frontière. Parmi les rares ouvrages qui tentent d’approcher de façon globale la frontière comme politique, on trouve Border Games de Peter Andreas qui montre les similitudes entre la lutte contre le trafic de drogue et la lutte contre l’immigration irrégulière à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Il y a également les travaux de Didier Bigo qui traitent ensemble des différents « professionnels de la sécurité » y compris des gardes-frontières, en montrant comment ils se sont investis dans la coopération transgouvernementale à partir des années 1970 de façon à brouiller les distinctions entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, et créer un ruban de Möbius et un continuum sécuritaire (cf. notamment Police en réseaux, 1996). En tout cas, on peut dire que l’étude des frontières n’est pas un champ spécifique de la science politique. Notre discussion des travaux scientifiques qui abordent la question des frontières mobilise ainsi plusieurs disciplines (géographie, histoire, anthropologie, sociologie, droit et relations internationales). Le débat entre universitaires a beaucoup tourné autour de la capacité des États à contrôler leurs frontières. Plusieurs ouvrages de sociologues américains, notamment Saskia Sassen dans un livre au titre révélateur Losing Control ? (1996) et David Jacobson (1996), soulignaient l’incapacité des États à contrôler les flux dans le contexte de la mondialisation du capital et de l’avènement des droits de l’homme 3. Inspirée par les 2. On repère dans la presse américaine « border policy », mais peu dans les sciences sociales anglophones. 3. Il faut noter que la même année que ces deux ouvrages sort The Retreat of the State de Susan Strange, sur lequel nous reviendrons, qui démonte aussi le pouvoir des États devant les acteurs non étatiques qui dominent le capitalisme global. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 177 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po courants structuralistes post-marxistes, Sassen décrit ainsi ces « villes globales » où les riches employés des multinationales emploient, pour s’occuper de leurs enfants, des immigrés en situation irrégulière venus de pays déstabilisés par ces mêmes multinationales. Pour Sassen, l’État régule ces flux de capitaux ou ces flux migratoires mais les règles s’élaborent au niveau transnational via l’OMC, les accords de libreéchange (Union européenne, Alena) et les conventions internationale et européenne de protection des droits de l’homme. Cette vision des choses a été depuis vivement critiquée (Joppke, 1999). Il semble en effet que les sociologues sus-cités ont surestimé l’impact des normes de droit international et sous-estimé les résistances et les stratégies de contournement des acteurs étatiques nationaux (Guiraudon et Lahav, 2000). Mais surtout, ces auteurs faisaient le mauvais diagnostic : là où ils voyaient l’incapacité des États et la fin de la souveraineté nationale à l’ère des droits de l’homme, il fallait y voir le pouvoir des normes constitutionnelles et l’action des juges nationaux s’y référant qui, dans le cadre très ancien de la séparation des pouvoirs, restreignaient le pouvoir discrétionnaire de l’exécutif et du législateur. De même, les accords de libre-échange pouvaient aussi être vus comme librement consentis pour réguler la mondialisation et non comme une perte de contrôle. Certains flux traversaient ainsi les frontières sans entraves, mais rien que de très normal dans un monde libéral au sens politique et économique du terme. Les tenants de ce débat un peu manichéen s’accordent sans doute sur un point : ils se focalisent sur les flux autorisés et les raisons de l’ouverture des frontières plus que sur la frontière elle-même. Sassen comme les autres soulignent que malgré la militarisation de la frontière aux États-Unis ou en Europe, les échanges commerciaux, financiers et les flux migratoires continuent et augmentent. De ce fait, ces chercheurs ne sont pas attirés comme les papillons vers la lumière des postes frontière, là où se déploient toutes les technologies de surveillance censées empêcher des flux illicites dont on exagère souvent l’ampleur. En effet, on justifie l’augmentation des budgets et du personnel des gardes-frontières aux frontières extérieures de l’Union comme aux États-Unis par l’« afflux des clandestins » venus avec des passeurs. Il y a bien des migrants et des passeurs utilisant des routes de plus en plus dangereuses, les nombreux morts noyés dans le détroit de Gibraltar ou déshydratés dans le désert de l’Arizona. Mais la plupart des étrangers en situation irrégulière sont entrés de façon légale et les entrées avec l’aide d’un passeur restent une toute petite minorité des flux migratoires y compris en Espagne Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 178 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po et en Italie d’où les images des bateaux remplis de candidats à l’exil nous parviennent 4. C’est sur ce terrain-là que sont intervenus les sociologues des relations internationales (RI). Pour certains constructivistes des RI (Mathias, Jacobson et Lapid, 2001), la frontière est une illusion produite pour faire vivre une autre fiction, celle de la souveraineté qui n’est autre qu’un speech act (discours à valeur performative). Pourtant la politique des frontières a de gros moyens et des effets tangibles. Une illusion avec des coûts réels. Didier Bigo qui a contribué à l’ouvrage sus-cité résume ici la situation : l’Europe n’est ni une forteresse ni une passoire (cf. aussi Bigo et Guild, 2005). L’approche des RI n’est pas novatrice parce qu’elle est constructiviste. Les historiens des frontières (comme les sociologues et les anthropologues) ont depuis longtemps une approche constructiviste si l’on entend par là qu’ils pensent que la frontière construit la réalité, en créant des différentiels de part et d’autre ; ou qu’elle a des conséquences sur les identités des communautés vivant de part et d’autre et sur les rapports de pouvoir (cf. l’ouvrage Borders de Peter Sahlins paru en 1989 sur la frontière francoespagnole). Les auteurs des RI sont cependant plus radicaux en considérant que ce n’est qu’un discours. En outre, ils balayent l’idée qu’on puisse juger de l’efficacité des politiques des frontières. Poser cette question, c’est se fourvoyer dans une logique « sécuritisante » (securitizing). Reposons la question autrement plutôt que de l’ignorer : efficace pour qui ? pour quoi faire ? par rapport à quel but de politique publique ? comment en juger ? Si l’objectif de la politique des frontières est de maintenir l’illusion du contrôle aux frontières, c’est un jeu dangereux politiquement mais payant pour les gardes-frontières... Dangereux pour les politiques puisque les flux continueront à entrer et donc à montrer que la forteresse n’est pas imprenable, donnant des arguments aux extrêmes comme le parti de Jean-Marie Le Pen en France. Mais pour les fonctionnaires chargés de garder les frontières, c’est un jeu payant. Il n’est pas aisé d’évaluer le coût total du contrôle aux frontières mais il est étonnant qu’à l’heure des accords de libre-échange (Alena ou UE), les budgets alloués aux contrôles aux frontières augmentent ainsi que le personnel 4. Les études les plus récentes à base d’entretiens et se servant des statistiques sur la campagne de régularisation en 2005 en Espagne montrent qu’environ 5 % des entrées sont irrégulières, et que la plupart des sans papiers d’Amérique latine ou de Roumanie ne sont jamais passés par le détroit de Gibraltar (Laparra, 2006). Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 179 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po (civil et militaire) de façon phénoménale 5. Par exemple, aux États-Unis, au début des années 1980, on estimait le budget des Border Patrol des États-Unis équivalent à celui de la police d’une ville moyenne comme Baltimore. Une fois la question de l’immigration clandestine politisée, entre autres par le Border Patrol et le gouverneur californien Pete Wilson au début des années 1990, le nombre de gardes-frontière a augmenté de 25 %, des dizaines de millions de dollars par an ont été dépensés en équipement (rayons X, caméras de surveillance, murs...), et les chiffres ont progressé après le passage d’une loi du Congrès en 1996. La guerre contre la drogue a déployé les moyens militaires les plus coûteux (Andreas, 2001). Commence alors une dynamique aussi vieille que les frontières qui ont toujours généré des contrebandes : les contrôles plus fréquents supposent des moyens plus importants pour les contourner, le trafic se professionnalise, les sommes allouées à la corruption des fonctionnaires augmentent, le prix du passage aussi. Au lieu de démilitariser la frontière pour la décriminaliser, les politiques et les fonctionnaires demandent plus de moyens pour lutter contre une contrebande plus sophistiquée, etc. Ce que Peter Andreas décrit aux États-Unis s’est également passé en Europe, où les études montrent l’augmentation de l’« industrie » des passeurs et de leur tarif dans les années 1990, une fois les mesures restrictives mises en place, telles que la politique des visas, les contrôles par les compagnies de transport, le renforcement des patrouilles maritimes (Koslowski et Kyle, 2001). Intrinsèquement, la politique de contrôle aux frontières s’auto-entretient. Self-fulfilling prophecy, elle prédit la criminalité frontalière qu’elle a contribué à développer. Elle criminalise aussi plus directement. Si l’on prend un exemple européen, les Kosovars et les Kurdes, qui ont payé des passeurs entre 2 000 et 8 000 euros en 1998 pour arriver dans l’Union européenne et dont beaucoup échoueront à Sangatte, sont décrits dans les documents du Conseil des ministres « Justice et affaires intérieures » de l’Union européenne comme des « réfugiés 5. En France, la progression est difficile à évaluer car de nombreux budgets sont concernés et une certaine opacité règne soulignée d’ailleurs par la Cour des comptes. Une étude récente (de Blic, 2007) tente de faire le point sur le coût de la lutte contre l’immigration irrégulière. « Triplée » entre 2004 et 2005 d’après Dominique de Villepin, elle continue à augmenter de plus de la moitié depuis ; on est passé ainsi de 33 millions à 100 millions en 2005, on a affecté 600 fonctionnaires de la police de l’air et des frontières, et l’on a augmenté de 107 millions en 2007, ce qui correspond avec la masse salariale à 687 millions d’euros, une grande partie du budget étant englouti par les centres de rétention administratifs où sont incarcérés les étrangers. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 180 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po illégaux » ou des « migrants illégaux » et non plus comme des réfugiés fuyant une zone de conflit (Koslowski, 2001). La dynamique décrite ci-dessous s’enclenche d’autant plus qu’il est difficile d’évaluer les véritables effets des politiques de contrôle ; d’ailleurs les évaluations sont rares et peu crédibles. En outre, les liens de causalité sont difficiles à établir : une baisse des flux migratoires ou des appréhensions de tel trafic à la frontière ne peut pas être considérée comme la conséquence des durcissements des politiques publiques. Tout d’abord, les appréhensions. Leur baisse peut être synonyme du succès du contrôle aux frontières qui dissuade les passages illicites, mais leur augmentation montre aussi le succès des gardes-frontières qui parviennent à arrêter ces passages. On voit ainsi la manipulation possible des « résultats ». On sait aussi pour le cas américain que le nombre d’appréhensions diminue mais le nombre de « sans papiers » augmente (environ 12 millions) parce que les Mexicains entrés illégalement restent sur place et ne font plus des allées et venues (Massey, Durand et Malone, 2003). Ensuite, les flux. Les flux migratoires ont des causes multiples et complexes. Les études dont nous disposons indiquent que les politiques d’immigration (accueillantes/restrictives) n’influencent que marginalement les décisions des migrants, en tout cas loin derrière la situation économique, les possibilités sur le marché du travail, les réseaux de proches, les liens culturels avec le pays de destination (sur les théories migratoires, cf. Massey, 2005, et sur les flux vers l’Europe, Böcker et Havinga, 1998). Pourtant, on a parfois l’impression qu’une restriction de politique fait baisser les flux et inversement. Eiko Thielemann discute de ce cas à propos de la restriction du droit d’asile en Europe (2006). On se souvient que les demandeurs d’asile étaient très nombreux en Allemagne après la chute du Mur et le démantèlement de la Yougoslavie. À la suite d’une réforme de la loi fondamentale allemande pour restreindre le droit d’asile en 1993, les demandes baissèrent. Puis vers la fin des années 1990, c’est le Royaume-Uni qui devint le premier pays européen pour les demandes d’asile. Immédiatement on accusa le laxisme des lois britanniques, et le gouvernement Blair réforma pour les restreindre le droit et les procédures d’asile. Eiko Thielemann montre bien que la chute des chiffres en Allemagne et leur augmentation au Royaume-Uni sont dues au changement de lieu des conflits : les demandeurs sont désormais issus d’Afghanistan et du Kurdistan non plus de Yougoslavie et ont plus d’affinités linguistiques et familiales avec le Royaume-Uni. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 181 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Au final, on voit que les travaux sur la politique des frontières tentent d’expliquer l’augmentation des flux aux frontières en même temps que celle des contrôles. Pour certains analystes, c’est la globalisation et donc l’ouverture des frontières qui domine (par exemple, pour Saskia Sassen), et pour d’autres, c’est l’illusion de la fermeture, entretenue inter alia par des professionnels de la sécurité en réseaux (par exemple pour Didier Bigo). Nous allons, dans la partie qui suit, analyser l’émergence d’une politique « européenne » de contrôle aux frontières. Ce sera l’occasion d’évaluer les hypothèses des auteurs évoqués ci-dessus et d’en formuler d’autres. Il y a bien une position en sciences sociales qui ressemble à un des arguments formulés par les fonctionnaires qui ont souhaité que le politique des frontières s’européanise : c’est la thèse de Susan Strange (1996) qui souligne que les nouvelles technologies et la déréglementation des flux de capitaux bénéficient autant aux mafias et autres criminels qui peuvent plus facilement opérer au niveau mondial et blanchir l’argent. La transnationalisation du crime justifiant que la police aussi devienne transnationale (sur ce sujet, cf. Shepticky, 2000). Or, comme nous le verrons, ce ne sont pas les flux financiers illicites ou même les mafias et les terroristes qui ont fait l’objet de tous les efforts des membres de Schengen ou des politiques de l’Union. Il reste d’ailleurs au sein de l’Union des micro-États et autres territoires « off shore » exempts des lois de lutte contre le blanchiment d’argent. La coopération européenne s’est plutôt concentrée au sein de l’espace de l’Union sur les hooligans et les altermondialistes et en dehors sur les migrants. Il est temps en effet d’aborder à partir de nos travaux de recherche le cas des politiques d’immigration européennes et d’analyser les jeux de niveaux qui se sont développés dans ce domaine depuis l’accord de Schengen de 1985. Politique des frontières et jeux de souveraineté Il est sans doute utile de rappeler brièvement quelles sont les compétences au niveau européen et national en matière d’immigration depuis 2005, année de l’échec des référendums français et néerlandais qui laisse entendre que les réformes dans ce domaine inscrites dans le traité constitutionnel ne sont pas prêtes d’entrer en vigueur. Le titre IV du traité instituant la Communauté européenne (TCE) définit la politique de l’Union européenne en matière de « visas, asile, immigration et autres Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 182 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po politiques liées à la libre circulation des personnes ». Ces domaines communautaires associés à la mise en œuvre progressive d’un espace de liberté, de sécurité et de justice couvrent : la libre circulation des personnes ; le contrôle des frontières extérieures ; l’asile, l’immigration et la protection des droits de ressortissants de pays tiers ; la coopération judiciaire en matière civile. À l’issue d’une période transitoire de cinq ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam (mai 1999), la Commission dispose d’un droit d’initiative exclusif et la procédure de codécision entre le Parlement et le Conseil s’applique. Le Conseil statue encore à l’unanimité dans la plupart des domaines. En outre, la Cour de justice des Communautés européennes dispose de compétences plus limitées par rapport au régime général. Avant d’être insérés dans le TCE par le traité d’Amsterdam, ces domaines relevaient du titre VI du traité sur l’Union européenne (troisième pilier). Le traité d’Amsterdam les a intégrés dans le cadre juridique du premier pilier de l’Union européenne. Néanmoins, comme on vient de le noter, les caractéristiques du mode dit « intergouvernemental » restent importantes : unanimité, rôle limité de la Cour. Enfin, il faut souligner qu’il s’agit d’une compétence partagée de l’Union européenne. Divers types de décisions ont été pris. D’abord il existe un certain nombre de directives cadres qui laissent en général dans leur formulation une grande latitude aux États membres quant à leur mise en œuvre. Le rôle de l’Union européenne est plutôt de diffuser des notions issues des discussions transgouvernementales et de les institutionnaliser. C’est le cas par exemple de « pays tiers sûr » qui permet de renvoyer les demandeurs d’asile sans avoir examiné leur demande dans le pays par lequel ils ont transité. On peut parler aussi de socialisation des fonctionnaires qui coopèrent ensemble sur ces questions dans de nombreuses opérations pilotes, réunions de comités, etc. En somme, si les États membres ont encore beaucoup de marge de manœuvre, la coopération intergouvernementale a des effets sur les façons de penser et de faire des acteurs nationaux. La coopération intergouvernementale sur l’immigration et l’asile a commencé dans les années 1980, à un moment où les pays qui avaient recruté des travailleurs étrangers ou des ressortissants de leurs anciennes colonies voulaient restreindre les flux migratoires. Les gouvernements n’avaient cependant pas pu empêcher le regroupement familial ou la venue de réfugiés. Les hautes juridictions administratives ou constitutionnelles s’étaient prononcées en ce sens à la fin des années 1970. Le statut des résidents étrangers était consolidé. Pour les fonctionnaires responsables Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 183 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po de la gestion des flux migratoires, les forums de coopération intergouvernementale pouvaient constituer une échappatoire aux contraintes nationales qui pesaient sur leur action, notamment les normes constitutionnelles qui limitaient leur pouvoir discrétionnaire et les conflits interministériels. Dans ces forums intergouvernementaux à caractère secret imitant le modèle du groupe de Trevi sur les problèmes liés au terrorisme ou au trafic de drogue, ils gagnaient en autonomie. La première opportunité pour développer l’activité transgouvernementale en matière migratoire se présenta en 1985 avec la signature de l’accord de Schengen entre le Benelux, la France et l’Allemagne. L’accord de 1985 était une réponse politique à une mobilisation de chauffeurs de poids lourds internationaux qui bloquèrent plusieurs postes frontières en 1984 pour se plaindre des contrôles aux frontières qui ralentissaient le commerce intra-européen. En 1985, Kohl et Mitterrand signent avec leurs homologues du Benelux une charte d’intention visant à abolir les frontières au sein de l’espace Schengen mais laissent le soin aux fonctionnaires organisés en groupe de travail de la concrétiser. Les dirigeants politiques se désintéressant désormais du dispositif Schengen, de nombreux conflits interministériels entre les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères se soldèrent par la mainmise des fonctionnaires de l’Intérieur sur le processus des négociations. Ces derniers purent ainsi définir l’immigration comme exigeant des solutions policières et évincer les autres points de vue. L’accord de mise en œuvre de 1990 en témoigne : il met l’accent sur des mesures telles que la constitution d’une base de données (le SIS, Système information Schengen) où sont inscrits les étrangers inadmissibles dans l’espace Schengen, solution technique où les policiers pouvaient revendiquer une expertise plus légitimement que les fonctionnaires des Affaires étrangères (sur l’expertise, voir le chapitre 10 de cet ouvrage). Comme ce sont les ministres des Affaires étrangères qui négocient les traités, les diplomates prirent leur revanche sur les policiers en 1997 à Amsterdam, avec l’incorporation de l’acquis Schengen dans le cadre communautaire. Mais entre-temps les groupes de fonctionnaires chargés de la négociation de 1990 puis de son suivi (l’accord de Schengen n’entre en vigueur qu’en 1995 et les frontières internes ne sont levées qu’entre 1997 et 2000) ont stabilisé leurs positions. Ils ont fait de Schengen non pas un laboratoire pour ouvrir les frontières mais pour les renforcer, et surtout pour entamer des coopérations transgouvernementales dans des domaines très étendus et surtout dans le domaine de l’asile et des migrations qui n’étaient pas au cœur Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 184 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po évidemment de la problématique de 1984 (marché commun et transport routier européen). Schengen n’est pas une simple conséquence de la politique du marché commun. Les États partageaient-ils alors les mêmes intérêts en matière d’immigration les incitant ainsi à coopérer ? Les flux d’étrangers non communautaires, légaux ou illégaux, étaient stables et plutôt faibles en 1985-1986, quand les premiers groupes de travail européens furent mis en place. Ce n’est que plus tard que les flux de réfugiés ont augmenté, mais ils ont de toute façon concerné essentiellement l’Allemagne et non les autres « poids lourds » de l’Union. C’est l’effondrement du bloc soviétique en 1989 qui a servi de point d’orgue à l’activité transgouvernementale en matière d’immigration et d’asile. L’arrivée de réfugiés de l’ex-Yougoslavie en 1992-1993 et, enfin, la vision de l’ex-Union soviétique comme plaque tournante des mafias et de l’immigration clandestine justifient au fil des années 1990 a posteriori les mesures de renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne. Avec la fin de la guerre froide, les forces de sécurité cherchent à identifier de nouvelles menaces à caractère transnational, et l’immigration en fait partie. Elle est ainsi associée dans les textes officiels à des activités criminelles. Comme nous l’avons souligné ailleurs (Guiraudon, 2003), on a trouvé la « solution » avant de définir le « problème », et les différents éléments de politique publique se succèdent comme dans les situations d’anarchie organisée que March et Olsen associent à leur « modèle de la poubelle » (1989). L’ouverture des négociations de Schengen avait offert un cadre décisionnel dans les années 1980 aux fonctionnaires chargés des politiques de contrôle migratoire. La fin de la guerre froide a pérennisé leurs activités. C’est à la faveur de ces opportunités que l’on peut comprendre la forme et le contenu de la communautarisation progressive des politiques migratoires. Il aurait pu en être autrement si la conjoncture économique avait été meilleure. Il est désormais plus difficile de réorienter la politique européenne d’immigration pour en faire une politique de marché du travail maintenant que des groupes de fonctionnaires Intérieur et Justice ont investi l’espace européen et y défendent leurs intérêts et leur point de vue. Les retombées du 11-Septembre sur la politique européenne ont en outre renforcé l’aspect sécuritaire des politiques migratoires. En tout cas, progressivement depuis l’accord de Schengen, les politiques d’immigration et d’asile sont devenues un domaine de compétence de l’Union européenne accolées aux politiques des « frontières extérieures » de l’Union et situées dans les directions et conseils « Justice et affaires intérieures » (désormais « Justice, liberté et sécurité »). Le traité d’Amsterdam, Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 185 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po entré en vigueur le 1er mai 1999, consacre la compétence de la Communauté européenne – devenue Union européenne – en matière d’immigration et d’asile et incorpore, par protocole, les dispositions de l’accord de Schengen et de sa convention d’application dans le cadre légal de l’Union européenne. Le Conseil européen, lors du sommet d’octobre 1999 à Tampere, a déclaré qu’il fallait « dans les domaines distincts, mais étroitement liés, de l’asile et des migrations, élaborer une politique européenne commune ». Mais peut-on parler de politique « européenne » des frontières ? Que cache ce vocable ? Le cadre de prise de décision établi à Amsterdam demeure ainsi plus « intergouvernemental » que véritablement « supranational ». Il semble contredire la volonté exprimée de réaliser une politique commune. Tout d’abord, jusqu’en avril 2004, la Commission européenne n’était pas la seule institution autorisée à proposer des directives, mais partageait cette compétence avec les États membres qui en ont fait usage, en particulier lorsqu’ils présidaient l’Union. Ensuite, à la demande de l’Allemagne, le Conseil des ministres statue à l’unanimité (dans la plupart des cas 6). Le Parlement n’a eu longtemps qu’un pouvoir de consultation, et encore celui-ci n’a pas toujours été respecté de façon satisfaisante. Le Conseil a statué en 2004 pour que la codécision s’applique dans une partie seulement du domaine (par exemple pas dans le cas de l’immigration légale, des visas et de la coopération judiciaire et policière). Enfin, si la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) peut depuis 1999 se prononcer sur les mesures prises dans le cadre du traité, titre IV sur l’immigration et l’asile (articles 61 à 63), les États membres, et surtout la délégation française à Amsterdam, ont jugé bon de limiter son rôle. Seules les juridictions nationales de dernière instance peuvent demander à la CJCE de se prononcer dans une affaire relevant à leurs yeux du droit communautaire, alors que cette procédure du renvoi préjudiciel est à l’origine de nombreux recours et d’une partie importance de la jurisprudence. La CJCE n’a pas compétence pour juger des mesures nationales sur le franchissement des frontières prises pour maintenir l’ordre public ou préserver la sécurité intérieure. Sachant que ces deux raisons justifient nombre de mesures dans ce domaine, le rôle de la Cour s’en trouve amoindri. En réalité, les représentants des États membres, en particulier la France et l’Allemagne, veulent une politique européenne sans donner un rôle important aux institutions supranationales européennes qui, par 6. La politique des visas admet le vote à majorité qualifiée. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 186 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po le passé, soit se sont prononcées pour une politique généreuse envers les ressortissants des pays tiers – c’est le cas du Parlement ou des unités de la direction générale (DG) Emploi et affaires sociales de la Commission – soit ont étendu des droits de libre circulation à des citoyens hors Union européenne leur permettant de résider, de travailler ou d’obtenir des prestations sociales dans un État de l’Union – c’est le cas de la CJCE. En effet, cette dernière, par une série de jugements, a accordé des droits dérivés de libre circulation non seulement aux familles des citoyens européens, mais également aux citoyens de pays ayant conclu un accord d’association avec la CEE, notamment la Turquie en 1964 et les pays du Maghreb, et enfin aux employés des entreprises de service communautaires se déplaçant dans un autre pays membre de l’Union. Ainsi, il semble que les autorités nationales responsables de la gestion des flux migratoires, les ministères de l’Intérieur et de la Justice, sans être parvenus à conserver le monopole d’élaboration des politiques d’immigration, se sont prémunis contre des points de vue institutionnels différents du leur. Ce faisant, et en particulier avec la règle de l’unanimité – a fortiori dans une Europe à vingt-sept – ils ne peuvent plus avancer sur le plan décisionnel. Des solutions de type Schengen sont alors trouvées. C’est le cas du traité de Prüm « relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale » de mai 2005 signé par sept États membres à l’initiative des ministres de l’Intérieur allemand et luxembourgeois hors cadre de l’Union européenne. Il prévoit à terme que l’Union « incorpore » ou avalise comme pour Schengen les décisions prises par les groupes de travail de Prüm. Cette politique est-elle une politique européenne ? Le cadre défini à Amsterdam ne concerne pas les Quinze. Le traité d’Amsterdam a consacré l’« Europe à la carte ». Le Royaume-Uni, l’Irlande du Nord et, par voie de conséquence, la République d’Irlande ne participent aux politiques d’immigration et d’asile que lorsqu’ils le souhaitent ; c’est un opt-in au cas par cas qui doit être avalisé par les autres pays. Le Danemark, partie prenante du dispositif Schengen, ne participe pas au titre IV sur l’immigration et l’asile, ce qui, de ce fait, requiert des traités entre l’Union européenne et le Danemark à chaque mesure adoptée. L’Islande et la Norvège n’appartiennent pas à l’UE mais, à cause de leur appartenance à l’Union douanière nordique, ont signé un accord qui les engage à incorporer l’intégralité de l’acquis Schengen et des mesures déjà prises dans le cadre de la coopération dans le domaine de compétences de la Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 187 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po DG Justice et affaires intérieures. En 2004, les négociations sur la participation de la Suisse à l’espace Schengen ont abouti, et cette adhésion a été approuvée par votation puis par référendum en 2005. En outre, de nombreux processus multilatéraux existent en parallèle de l’Union européenne, en particulier les CIG (consultations intergouvernementales sur l’asile, les réfugiés et les politiques migratoires. Il existe aussi des groupes de travail au sein du Conseil de l’Europe, de l’Organisation de coopération et de développement économiques), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et des Nations unies, ainsi qu’une activité accrue d’organisations internationales aussi diverses qu’Interpol et l’Organisation internationale des migrations. Par ailleurs, tous les membres de l’Union européenne ne décident pas à pied d’égalité. Schengen, c’est un petit groupe de pays qui décide des règles du jeu et ensuite d’autres pays les rejoignent en acceptant les décisions déjà prises en bloc. Enfin, c’est cet « acquis Schengen » qui est incorporé par protocole dans le cadre de l’Union européenne et auquel tout État candidat devra se conformer. Le traité d’Amsterdam est sans équivoque : les pays candidats doivent se conformer à l’acquis Schengen et à toutes les mesures afférentes à sa mise en œuvre 7. Les pays candidats ont dénoncé la rigidité de l’Union sur ces questions alors que certains pays de l’Union ne participent pas à Schengen, que d’autres comme l’Italie et la Grèce ont mis sept ans pour satisfaire aux exigences de l’accord, et enfin, que dans la pratique, les directives européennes ne sont pas appliquées à la lettre. « Cordon sanitaire » de l’Europe de l’Ouest, les pays candidats ont adopté de nombreuses lois sur l’immigration et l’asile sur le modèle ouest-européen et ont développé les moyens informatiques pour, à terme, participer aux bases de données de l’Union. C’est une « Europe à deux vitesses » puisque les nouveaux pays de l’Union européenne ne bénéficieront pas pour autant de la libre circulation 8. En ce qui concerne les contrôles aux nouvelles frontières intérieures de l’Union, ils ne seront levés que lorsque l’évaluation de la mise en œuvre 7. Les questions relatives aux frontières extérieures ont eu une importance considérable dans les négociations pour l’accession des anciens pays de l’Est et environ 10 % des fonds du programme Phare, destiné à aider les pays candidats à préparer leur adhésion à l’UE, ont été consacrés aux contrôles frontaliers, en particulier à l’est de la Pologne. 8. Pendant cinq à sept ans après 2004, le droit de travailler dans un État membre ne s’appliquera pas aux salariés des huit pays d’Europe centrale et orientale, même si les ressortissants de l’UE seront prioritaires sur le marché de l’emploi par rapport aux non-communautaires sauf si les gouvernements le veulent. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 188 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po des dispositions de l’accord de Schengen et de sa convention d’application sera finie pour les États membres et pour les pays candidats après l’accession. En outre, l’Allemagne et l’Autriche ont exigé qu’une période de transition soit établie avant que les citoyens des anciens pays de l’Est et des États baltes jouissent des certains droits concernant la libre circulation des personnes (Commission européenne, 2002) 9. Europe à la carte, Europe à deux vitesses, l’Europe de la justice et des affaires intérieures est aussi peu solidaire et peu harmonisée. Peu solidaire car certains instruments sont explicitement conçus pour se débarrasser des demandeurs d’asile dont on ne veut pas en les renvoyant dans d’autres pays de l’Union par lesquels ils ont transité. C’est le cas de la convention de Dublin de 1990 qui est maintenant un règlement du Conseil 10 assorti d’une base de données d’empreintes digitales de demandeurs d’asile Eurodac 11. Les politiques sont par ailleurs peu harmonisées car les décisions sont prises à l’unanimité dans la plupart des cas. La méthode du plus petit dénominateur commun se traduit par des textes de directive qui pose des « standards minimaux » avec toutes sortes d’échappatoires juridiques pour les États membres souhaitant le statu quo. Ce qui a été développé devant cette impasse législative, c’est plutôt les opérations communes et les bases de données en attendant la politique des frontières « de l’espace » quand Galileo, le système GPS, européen permettra la surveillance par satellite des mouvements humains aux frontières. Si l’on analyse les mesures déjà adoptées, on constate également que l’accent a été mis sur le contrôle des immigrants « indésirables » avant qu’ils ne franchissent les frontières. Des agents publics (les consulats) et privés (les compagnies aériennes) opèrent à des points situés en amont de l’entrée sur le territoire. Du point de vue des pays d’accueil, cela empêche l’accès au système judiciaire et aux procédures d’asile. Les règlements sur les visas et la directive sur les sanctions contre les transporteurs entrent dans ce cadre 12. Un autre aspect de cette politique est 9. Chypre et Malte ne sont pas concernés par ces restrictions. 10. Règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, JO L 50 du 25 février 2003, p. 1-10. 11. Règlement no 2725/2000 du Conseil, du 11 décembre 2000, concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin, JO L 316 du 15 décembre 2000. 12. Sur les visas, voir le règlement (CE) no 574/99 du Conseil, du 12 mars 1999, déterminant les pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d’un Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 189 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po de forcer les pays de transit ou d’origine à empêcher l’émigration. Au niveau européen, un groupe de haut niveau « asile et migration », « transpilier », a été chargé dès 1998 d’étudier les possibilités de coopérer avec les États de départ et de travailler avec la Turquie pour empêcher l’arrivée de migrants indésirables venus du Moyen-Orient ou des Balkans. L’immigration figure désormais en bonne place dans la politique extérieure de l’Union européenne. De nombreux pays sont tenus de coopérer en matière de « lutte contre l’immigration clandestine » en échange d’une attitude favorable de l’Union en matière de politique étrangère, de politique commerciale ou d’aide au développement. Les accords de réadmission des étrangers en situation irrégulière sont désormais une priorité de l’Union européenne dans ses rapports avec les pays tiers. Ainsi, au risque de faire échouer au dernier moment les négociations en 2000 lors de la révision de l’accord entre les Quinze et les soixante et onze pays ACP dits de Cotonou, les ministères de l’Intérieur insistèrent pour qu’une clause standard portant sur la réadmission soit insérée dans le texte final. Au sommet de Séville en 2002, il a été question de sanctionner financièrement les pays de départ non coopératifs 13. Les politiques européennes dans ce cadre ne remplacent pas les initiatives bilatérales. Ce que l’Italie peut promettre à la Libye par exemple, c’est la construction d’une autoroute. L’Union de son côté donne de la légitimité sur la scène internationale à la Libye en négociant sur ces questions. Politique nationale et européenne sont ici complémentaires. Pour finir, il semble que l’Union européenne comme les gouvernements nationaux ont entamé une politique de cooptation des États tiers pour qu’ils adoptent une politique de contrôle à la frontière et empêche le départ des migrants y compris en acceptant la présence d’opérations militaires coordonnées par l’Agence européenne Frontex dans leurs eaux territoriales si ce sont des pays côtiers comme la Mauritanie. visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres et les actes modificatifs ainsi que les « Instructions consulaires communes » (JO C 313, 16 décembre 2002, p. 1). Sur les sanctions contre les transporteurs, voir l’article 26 de la convention de Schengen et la directive no 2001/51/CE du Conseil, du 28 juin 2001 (JO L 213 du 15 juin 2004). 13. Les conclusions de la Présidence qui l’ont clôturé envisagèrent au final que des « mesures » soient prises contre les pays tiers s’ils ne coopèrent pas pour reprendre leurs ressortissants. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration 190 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po Un outil de légitimation pour l’Union européenne et pour les États Le budget de l’Union européenne finance désormais à hauteur de 37 millions d’euros par an Frontex (tiré de la locution française « frontières extérieures »), agence située à Varsovie et dirigé par un Finlandais (sur le rôle des agences, voir le chapitre 11 de cet ouvrage). Cette « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne » a été créée par un règlement du Conseil en 2004 14. Nous sommes encore loin d’un véritable corps européen de gardes-frontières, même si l’idée a fait son chemin, car Frontex ne fait que « coordonner » des opérations jointes spectaculaires comme HERA I, II, Poseidon ou encore Nautilus et autres patrouilles maritimes sur les mers méditerranéenne et adriatique. Alors que l’immense majorité des étrangers en situation irrégulière sont arrivés légalement, Frontex comme les médias qui diffusent des images de pateras arrivant aux Canaries... participent de cette symbolique des frontières. On retrouve dans les communiqués de Frontex le jargon eurocratique et managérial d’autres instances du même type, même si l’agence est plus opaque et dans le registre du service secret que les autres agences. Il ne s’agit plus ici de rendre visible le contrôle de l’État mais celui de l’Union européenne. On voit ainsi comment l’Union s’entoure des attributs traditionnels de la souveraineté et permet au mythe de l’Europe forteresse de perdurer. Nous avons tenté dans ce chapitre de montrer que ce mythe – tout comme celui de l’immigration incontrôlée et de l’Europe passoire – masque les vrais enjeux de la politique des frontières. En se concentrant sur le contrôle aux frontières, on oublie l’immensité des flux légaux que l’Union européenne et ses États membres accueillent. Si l’Union européenne a désormais comme priorité une politique de renforcement des frontières extérieures qu’elle impose aux pays candidats et à ses autres « voisins », il ne faut pas oublier que les principaux bénéficiaires de cette politique sont des acteurs bureaucratiques nationaux, essentiellement issus des ministères de l’Intérieur et de la Justice qui ont renforcé leur position. S’ils ont pu le faire c’est sans doute qu’ils n’ont pas pour autant empiété sur les intérêts des acteurs économiques qui continuent d’obtenir de leurs gouvernements nationaux les travailleurs étrangers dont ils ont 14. Règlement (CE) no 2007/2004, JO L 349 du 25 novembre 2004. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1 191 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po besoin. Par ailleurs, ils ont bénéficié du soutien des élus politiques qui voulaient récupérer les voix des partis xénophobes ou du moins des électeurs susceptibles d’être mobilisés contre l’immigration. On l’a vu en France aux dernières élections avec le transfert des voix des électeurs du Front national au candidat de l’UMP qui avait promis la création d’« un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale » et qui a tenu sa promesse une fois élu. Références bibliographiques ANDERSON (M.), « Les frontières : un débat contemporain », Cultures et conflits, 26-27, 1997, p. 15-34. ANDERSON (M.) et BORT (E.) (eds), The Frontiers of Europe, Londres, Pinter, 1997. ANDREAS (P.), Border Games. Policing the US-Mexico Divide, Ithaca (N. Y.), Cornell University, 2001. ANDREAS (P.) et SNYDER (T.) (eds), The Wall around the West : State Borders and Immigration Control in North America and Europe, Lanham (Md.), Rowman & Littlefield, 2000. BAUMGARTNER (F.) et JONES (B.), Agendas and Instability in American Politics, Chicago (Ill.), University of Chicago Press, 1993. BIGO (D.), Polices en réseaux. L’expérience européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 1996. 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Parmi les ouvrages collectifs analysant les frontières de l’Union, on peut citer Andreas et Snyder (2000) Groenendijk, Guild et Minderhoud (2002), et Bigo et Guild (2005). Peter Andreas (2001) est l’auteur d’un ouvrage très stimulant sur la fonction de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, qui montre l’escalade dans le contrôle des flux et analyse leurs causes et effets (pervers). La Chambre des lords du RoyaumeUni et le Sénat français publient régulièrement des rapports très fournis sur les frontières extérieures de l’Union, qui sont consultables en ligne. Le site de l’ONG Statewatch (www.statewatch.org) met à disposition tous les textes pertinents sur les politiques en Europe dans ce domaine. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 12/03/2014 09h54. © Presses de Sciences Po POLITIQUES PUBLIQUES, 1