chapitre 6 : les politiques de gestion des frontières et de l`immigration

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chapitre 6 : les politiques de gestion des frontières et de l`immigration
CHAPITRE 6 : LES POLITIQUES DE GESTION DES FRONTIÈRES ET
DE L'IMMIGRATION
Virginie Guiraudon
in Olivier Borraz et Virginie Guiraudon , Politiques publiques 1
2008
pages 173 à 194
Article disponible en ligne à l'adresse:
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/politiques-publiques-1---page-173.htm
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Guiraudon Virginie, « Chapitre 6 : Les politiques de gestion des frontières et de l'immigration », in Olivier Borraz et
Virginie Guiraudon , Politiques publiques 1
Presses de Sciences Po « Académique », 2008 p. 173-194.
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Presses de Sciences Po | Académique
LES POLITIQUES
DE GESTION DES FRONTIÈRES
ET DE L’IMMIGRATION
Virginie GUIRAUDON
a chute du Mur en 1989 et la perspective de l’ouverture du marché
unique européen en 1992 annonçaient de profonds changements
dans la fonction et la localisation des frontières étatiques. Au
même moment, les hérauts de la mondialisation proclamaient que les
États avaient perdu le contrôle de leurs frontières. En Europe, les frontières n’étant plus contestées, et perdant leur caractère militaire, elles
pouvaient enfin disparaître. Pourtant, force est de constater aujourd’hui
l’importance de la politique des frontières.
Par « politique des frontières », nous entendons l’ensemble des dispositifs de gestion des flux qui entrent et sortent d’un territoire/juridiction
donné ainsi que le discours sur la menace transfrontalière. En effet, la
frontière est avant tout présente dans les discours de politique publique
y compris au niveau de l’Union européenne comme en témoignent
l’énorme production de documents de la Commission et les nombreux
textes adoptés par le Conseil européen sur ces questions depuis 1999.
C’est un discours sur la menace floue de l’étranger associé au terrorisme
ou au crime organisé (Bigo, 1996) plus que sur un risque rationnel même
si le mot est employé par les technocrates (voir le chapitre 12 de cet
ouvrage sur la notion de risque). Traduisant les mots en actes, de « vrais »
murs s’érigent aussi : à Ceuta et Melilla ou encore à la frontière entre
les États-Unis et le Mexique avec le Fence Act de 2006 (loi sur la clôture).
L
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Ces murs rendent visible la volonté de se défendre contre les menaces
extérieures (Andreas, 2001 ; Guiraudon et Joppke, 2001).
Pourtant, la frontière n’est plus une ligne. Nous sommes à l’ère des
zones – anomalous zones du point de vue du droit selon le juriste Gerald
Neuman (1996) – comme les zones d’attente dans les aéroports ou les
camps de Lampedusa en Italie, ou la zone des vingt kilomètres des frontières intérieures de l’espace Schengen. Et l’on trouve encore des limes
comme au temps de l’Empire romain dans les pays voisins de l’Union
européenne chargés de former un « cordon sanitaire » pour empêcher
l’arrivée des indésirables (Anderson, 1997).
Par ailleurs, la plupart des contrôles s’effectuent en amont de la frontière juridictionnelle (Aristide Zolberg parle de remote control ou contrôle
à distance [2003]). Ainsi, à la suite des attentats du 11 septembre, les
marchandises qui doivent arriver par bateau aux États-Unis sont contrôlées par des agents des douanes américaines postés dans les ports d’origine, comme Le Havre ; les données personnelles des touristes arrivant
par avion sont examinées par les autorités américaines avant le décollage
en puisant dans les données des compagnies aériennes. De même, en
Europe, le tri entre les étrangers que l’on veut sur son territoire et les
indésirables se fera non pas à la frontière mais dans les consulats délivrant les visas ou les aéroports où l’on contrôle ces derniers. C’est pour
cela que notre définition évoque la gestion des flux transfrontaliers sans
se restreindre aux contrôles effectués à la frontière physique voire aux
politiques dites de « coopération transfrontalière » qui ciblent aussi géographiquement les régions autour de la frontière internationale.
L’analyse des transformations récentes dans la gestion des frontières
étatiques semble propice à une réflexion plus large sur le changement
d’échelle des politiques publiques. En effet, c’est avec l’avènement de
l’État moderne en Europe que la frontière devient une ligne et une limite
de la souveraineté, avant que le projet colonial n’entraîne son exportation hors d’Europe et que, plus tard, les organisations internationales
et les différents États n’acceptent la notion westphalienne de frontière
comme marqueur absolu de la souveraineté de l’État (Foucher, 1991).
Ce lien historique entre frontière et souveraineté nationale et le caractère
encore primordial des frontières étatiques dans le droit international
public donnent à toute internationalisation dans ce domaine un poids
symbolique fort et alimentent de vifs débats académiques 1.
1. En effet, chaque discipline et, au sein de chacune d’entre elles, chaque école
théorique a une définition et une vision différente des frontières (Anderson,
1997). Discutées dans le cadre de débats sur la souveraineté, notion fort contes-
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Il convient de limiter notre objet et de cadrer notre analyse autour
d’une question pertinente par rapport au thème du changement d’échelle
des politiques publiques : « L’État contemporain contrôle-t-il ses frontières ? » Analytiquement, cette question en recouvre plusieurs : L’État en
a-t-il l’autorité ? La volonté ? La capacité ? Ses agents sont-ils ceux qui
assurent le contrôle ou cette fonction a-t-elle été déléguée à des acteurs
non étatiques ? Tous les cas de figure sont théoriquement possibles et
empiriquement vérifiables : on peut décider de contrôler les flux sans en
avoir ou s’en donner les moyens (la capacité), ou autolimiter son autorité
pour exonérer certains types de flux ou certaines portions du territoire
des règles en vigueur, ou encore déléguer son autorité à un tiers pour
in fine retrouver des capacités réelles d’aboutir aux objectifs de politique
publique recherchés.
Nous aborderons tout d’abord la question de la capacité des États à
« contrôler » leurs frontières, question qui a fait couler beaucoup d’encre
en science politique et en sociologie. Dans une première partie, nous
ferons une revue des travaux existants sur la question. Dans la seconde
partie, nous reposerons la question : qui décide in fine de la politique
des frontières ? Nous nous appuierons sur nos propres recherches sur
les politiques d’immigration transgouvernementales et européennes. En
effet, on observe dans le cadre européen que les États membres ont transféré une partie de leurs compétences en matière de gestion des frontières
à l’Union européenne. Il s’agit pour certains de retrouver au niveau européen des capacités perdues au niveau national.
Si l’argument a été maintes fois avancé en ce qui concerne le marché
commun, est-il valide pour la politique des frontières ? Nous montrerons
dans un deuxième temps que, dans une large mesure, c’est le cas. Nous
soulignerons que la répartition des compétences dans ce domaine est
complexe et que les jeux de souveraineté privilégient essentiellement
certains acteurs bureaucratiques nationaux (ceux chargés de la sécurité)
et dans certains pays de l’Union (ceux qui ont négocié des règles
communes dans le « club Schengen » avant de les imposer aux autres).
À qui profite le changement d’échelle de l’action publique ? Certains
acteurs du secteur ont vu leur position renforcée et d’autres ont été déstabilisés. Le changement d’échelle est à la fois un changement de règles
du jeu, une reconfiguration institutionnelle mais aussi une redéfinition
des contours du champ d’action publique, ce que Baumgartner et Jones
tée, les frontières font couler beaucoup d’encre. Nous y reviendrons. Voir en
tout cas sur ce sujet Mathias, Jacobson et Lapid (2001).
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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appellent respectivement un changement de policy venue (cadre décisionnel) et de policy image (cadrage de la décision) (1994). Elle profite
à certains acteurs et en met d’autres « hors champ », ce que nous illustrerons avec le cas des politiques de gestion des flux migratoires en Europe.
Les débats sur la capacité
de contrôle des États
La gestion des frontières est rarement étudiée et considérée comme une
politique publique. Le terme d’ailleurs n’est pas employé en français 2.
Il y a des études sur la politique d’immigration ou la politique des douanes
par exemple, mais qui ne couvrent donc pas tous les flux contrôlés ou
non à la frontière. Parmi les rares ouvrages qui tentent d’approcher de
façon globale la frontière comme politique, on trouve Border Games de
Peter Andreas qui montre les similitudes entre la lutte contre le trafic
de drogue et la lutte contre l’immigration irrégulière à la frontière entre
le Mexique et les États-Unis. Il y a également les travaux de Didier Bigo
qui traitent ensemble des différents « professionnels de la sécurité » y
compris des gardes-frontières, en montrant comment ils se sont investis
dans la coopération transgouvernementale à partir des années 1970 de
façon à brouiller les distinctions entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, et créer un ruban de Möbius et un continuum sécuritaire (cf.
notamment Police en réseaux, 1996). En tout cas, on peut dire que l’étude
des frontières n’est pas un champ spécifique de la science politique. Notre
discussion des travaux scientifiques qui abordent la question des frontières mobilise ainsi plusieurs disciplines (géographie, histoire, anthropologie, sociologie, droit et relations internationales).
Le débat entre universitaires a beaucoup tourné autour de la capacité
des États à contrôler leurs frontières. Plusieurs ouvrages de sociologues
américains, notamment Saskia Sassen dans un livre au titre révélateur
Losing Control ? (1996) et David Jacobson (1996), soulignaient l’incapacité des États à contrôler les flux dans le contexte de la mondialisation
du capital et de l’avènement des droits de l’homme 3. Inspirée par les
2. On repère dans la presse américaine « border policy », mais peu dans les
sciences sociales anglophones.
3. Il faut noter que la même année que ces deux ouvrages sort The Retreat of
the State de Susan Strange, sur lequel nous reviendrons, qui démonte aussi le
pouvoir des États devant les acteurs non étatiques qui dominent le capitalisme global.
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courants structuralistes post-marxistes, Sassen décrit ainsi ces « villes
globales » où les riches employés des multinationales emploient, pour
s’occuper de leurs enfants, des immigrés en situation irrégulière venus
de pays déstabilisés par ces mêmes multinationales. Pour Sassen, l’État
régule ces flux de capitaux ou ces flux migratoires mais les règles
s’élaborent au niveau transnational via l’OMC, les accords de libreéchange (Union européenne, Alena) et les conventions internationale et
européenne de protection des droits de l’homme.
Cette vision des choses a été depuis vivement critiquée (Joppke, 1999).
Il semble en effet que les sociologues sus-cités ont surestimé l’impact
des normes de droit international et sous-estimé les résistances et les
stratégies de contournement des acteurs étatiques nationaux (Guiraudon
et Lahav, 2000). Mais surtout, ces auteurs faisaient le mauvais diagnostic : là où ils voyaient l’incapacité des États et la fin de la souveraineté
nationale à l’ère des droits de l’homme, il fallait y voir le pouvoir des
normes constitutionnelles et l’action des juges nationaux s’y référant qui,
dans le cadre très ancien de la séparation des pouvoirs, restreignaient le
pouvoir discrétionnaire de l’exécutif et du législateur. De même, les
accords de libre-échange pouvaient aussi être vus comme librement
consentis pour réguler la mondialisation et non comme une perte de
contrôle. Certains flux traversaient ainsi les frontières sans entraves,
mais rien que de très normal dans un monde libéral au sens politique
et économique du terme.
Les tenants de ce débat un peu manichéen s’accordent sans doute sur
un point : ils se focalisent sur les flux autorisés et les raisons de l’ouverture des frontières plus que sur la frontière elle-même. Sassen comme
les autres soulignent que malgré la militarisation de la frontière aux
États-Unis ou en Europe, les échanges commerciaux, financiers et les
flux migratoires continuent et augmentent. De ce fait, ces chercheurs ne
sont pas attirés comme les papillons vers la lumière des postes frontière,
là où se déploient toutes les technologies de surveillance censées empêcher des flux illicites dont on exagère souvent l’ampleur. En effet, on
justifie l’augmentation des budgets et du personnel des gardes-frontières
aux frontières extérieures de l’Union comme aux États-Unis par l’« afflux
des clandestins » venus avec des passeurs. Il y a bien des migrants et
des passeurs utilisant des routes de plus en plus dangereuses, les nombreux morts noyés dans le détroit de Gibraltar ou déshydratés dans le
désert de l’Arizona. Mais la plupart des étrangers en situation irrégulière
sont entrés de façon légale et les entrées avec l’aide d’un passeur restent
une toute petite minorité des flux migratoires y compris en Espagne
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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et en Italie d’où les images des bateaux remplis de candidats à l’exil
nous parviennent 4.
C’est sur ce terrain-là que sont intervenus les sociologues des relations
internationales (RI). Pour certains constructivistes des RI (Mathias,
Jacobson et Lapid, 2001), la frontière est une illusion produite pour faire
vivre une autre fiction, celle de la souveraineté qui n’est autre qu’un
speech act (discours à valeur performative). Pourtant la politique des
frontières a de gros moyens et des effets tangibles. Une illusion avec
des coûts réels. Didier Bigo qui a contribué à l’ouvrage sus-cité résume
ici la situation : l’Europe n’est ni une forteresse ni une passoire (cf. aussi
Bigo et Guild, 2005).
L’approche des RI n’est pas novatrice parce qu’elle est constructiviste.
Les historiens des frontières (comme les sociologues et les anthropologues)
ont depuis longtemps une approche constructiviste si l’on entend par là
qu’ils pensent que la frontière construit la réalité, en créant des différentiels de part et d’autre ; ou qu’elle a des conséquences sur les identités
des communautés vivant de part et d’autre et sur les rapports de pouvoir
(cf. l’ouvrage Borders de Peter Sahlins paru en 1989 sur la frontière francoespagnole). Les auteurs des RI sont cependant plus radicaux en considérant que ce n’est qu’un discours. En outre, ils balayent l’idée qu’on puisse
juger de l’efficacité des politiques des frontières. Poser cette question,
c’est se fourvoyer dans une logique « sécuritisante » (securitizing).
Reposons la question autrement plutôt que de l’ignorer : efficace pour
qui ? pour quoi faire ? par rapport à quel but de politique publique ?
comment en juger ?
Si l’objectif de la politique des frontières est de maintenir l’illusion
du contrôle aux frontières, c’est un jeu dangereux politiquement mais
payant pour les gardes-frontières... Dangereux pour les politiques
puisque les flux continueront à entrer et donc à montrer que la forteresse
n’est pas imprenable, donnant des arguments aux extrêmes comme le
parti de Jean-Marie Le Pen en France. Mais pour les fonctionnaires
chargés de garder les frontières, c’est un jeu payant. Il n’est pas aisé
d’évaluer le coût total du contrôle aux frontières mais il est étonnant
qu’à l’heure des accords de libre-échange (Alena ou UE), les budgets
alloués aux contrôles aux frontières augmentent ainsi que le personnel
4. Les études les plus récentes à base d’entretiens et se servant des statistiques
sur la campagne de régularisation en 2005 en Espagne montrent qu’environ
5 % des entrées sont irrégulières, et que la plupart des sans papiers d’Amérique
latine ou de Roumanie ne sont jamais passés par le détroit de Gibraltar (Laparra,
2006).
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(civil et militaire) de façon phénoménale 5. Par exemple, aux États-Unis,
au début des années 1980, on estimait le budget des Border Patrol des
États-Unis équivalent à celui de la police d’une ville moyenne comme
Baltimore. Une fois la question de l’immigration clandestine politisée,
entre autres par le Border Patrol et le gouverneur californien Pete Wilson
au début des années 1990, le nombre de gardes-frontière a augmenté
de 25 %, des dizaines de millions de dollars par an ont été dépensés en
équipement (rayons X, caméras de surveillance, murs...), et les chiffres
ont progressé après le passage d’une loi du Congrès en 1996. La guerre
contre la drogue a déployé les moyens militaires les plus coûteux
(Andreas, 2001). Commence alors une dynamique aussi vieille que les
frontières qui ont toujours généré des contrebandes : les contrôles plus
fréquents supposent des moyens plus importants pour les contourner, le
trafic se professionnalise, les sommes allouées à la corruption des fonctionnaires augmentent, le prix du passage aussi. Au lieu de démilitariser
la frontière pour la décriminaliser, les politiques et les fonctionnaires
demandent plus de moyens pour lutter contre une contrebande plus
sophistiquée, etc.
Ce que Peter Andreas décrit aux États-Unis s’est également passé en
Europe, où les études montrent l’augmentation de l’« industrie » des passeurs et de leur tarif dans les années 1990, une fois les mesures restrictives mises en place, telles que la politique des visas, les contrôles par
les compagnies de transport, le renforcement des patrouilles maritimes
(Koslowski et Kyle, 2001). Intrinsèquement, la politique de contrôle aux
frontières s’auto-entretient. Self-fulfilling prophecy, elle prédit la criminalité frontalière qu’elle a contribué à développer. Elle criminalise aussi
plus directement. Si l’on prend un exemple européen, les Kosovars et
les Kurdes, qui ont payé des passeurs entre 2 000 et 8 000 euros en 1998
pour arriver dans l’Union européenne et dont beaucoup échoueront à
Sangatte, sont décrits dans les documents du Conseil des ministres « Justice et affaires intérieures » de l’Union européenne comme des « réfugiés
5. En France, la progression est difficile à évaluer car de nombreux budgets
sont concernés et une certaine opacité règne soulignée d’ailleurs par la Cour
des comptes. Une étude récente (de Blic, 2007) tente de faire le point sur le
coût de la lutte contre l’immigration irrégulière. « Triplée » entre 2004 et 2005
d’après Dominique de Villepin, elle continue à augmenter de plus de la moitié
depuis ; on est passé ainsi de 33 millions à 100 millions en 2005, on a affecté
600 fonctionnaires de la police de l’air et des frontières, et l’on a augmenté de
107 millions en 2007, ce qui correspond avec la masse salariale à 687 millions
d’euros, une grande partie du budget étant englouti par les centres de rétention
administratifs où sont incarcérés les étrangers.
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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illégaux » ou des « migrants illégaux » et non plus comme des réfugiés
fuyant une zone de conflit (Koslowski, 2001).
La dynamique décrite ci-dessous s’enclenche d’autant plus qu’il est
difficile d’évaluer les véritables effets des politiques de contrôle ; d’ailleurs
les évaluations sont rares et peu crédibles. En outre, les liens de causalité
sont difficiles à établir : une baisse des flux migratoires ou des appréhensions de tel trafic à la frontière ne peut pas être considérée comme la
conséquence des durcissements des politiques publiques.
Tout d’abord, les appréhensions. Leur baisse peut être synonyme du
succès du contrôle aux frontières qui dissuade les passages illicites, mais
leur augmentation montre aussi le succès des gardes-frontières qui parviennent à arrêter ces passages. On voit ainsi la manipulation possible
des « résultats ». On sait aussi pour le cas américain que le nombre d’appréhensions diminue mais le nombre de « sans papiers » augmente (environ
12 millions) parce que les Mexicains entrés illégalement restent sur place
et ne font plus des allées et venues (Massey, Durand et Malone, 2003).
Ensuite, les flux. Les flux migratoires ont des causes multiples et
complexes. Les études dont nous disposons indiquent que les politiques
d’immigration (accueillantes/restrictives) n’influencent que marginalement les décisions des migrants, en tout cas loin derrière la situation
économique, les possibilités sur le marché du travail, les réseaux de
proches, les liens culturels avec le pays de destination (sur les théories
migratoires, cf. Massey, 2005, et sur les flux vers l’Europe, Böcker et
Havinga, 1998).
Pourtant, on a parfois l’impression qu’une restriction de politique fait
baisser les flux et inversement. Eiko Thielemann discute de ce cas à propos de la restriction du droit d’asile en Europe (2006). On se souvient
que les demandeurs d’asile étaient très nombreux en Allemagne après
la chute du Mur et le démantèlement de la Yougoslavie. À la suite d’une
réforme de la loi fondamentale allemande pour restreindre le droit d’asile
en 1993, les demandes baissèrent. Puis vers la fin des années 1990, c’est
le Royaume-Uni qui devint le premier pays européen pour les demandes
d’asile. Immédiatement on accusa le laxisme des lois britanniques,
et le gouvernement Blair réforma pour les restreindre le droit et les
procédures d’asile. Eiko Thielemann montre bien que la chute des chiffres
en Allemagne et leur augmentation au Royaume-Uni sont dues au
changement de lieu des conflits : les demandeurs sont désormais issus
d’Afghanistan et du Kurdistan non plus de Yougoslavie et ont plus
d’affinités linguistiques et familiales avec le Royaume-Uni.
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POLITIQUES PUBLIQUES, 1
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Au final, on voit que les travaux sur la politique des frontières tentent
d’expliquer l’augmentation des flux aux frontières en même temps que
celle des contrôles. Pour certains analystes, c’est la globalisation et donc
l’ouverture des frontières qui domine (par exemple, pour Saskia Sassen),
et pour d’autres, c’est l’illusion de la fermeture, entretenue inter alia par
des professionnels de la sécurité en réseaux (par exemple pour Didier Bigo).
Nous allons, dans la partie qui suit, analyser l’émergence d’une politique
« européenne » de contrôle aux frontières. Ce sera l’occasion d’évaluer
les hypothèses des auteurs évoqués ci-dessus et d’en formuler d’autres.
Il y a bien une position en sciences sociales qui ressemble à un des
arguments formulés par les fonctionnaires qui ont souhaité que le politique des frontières s’européanise : c’est la thèse de Susan Strange (1996)
qui souligne que les nouvelles technologies et la déréglementation des
flux de capitaux bénéficient autant aux mafias et autres criminels qui
peuvent plus facilement opérer au niveau mondial et blanchir l’argent.
La transnationalisation du crime justifiant que la police aussi devienne
transnationale (sur ce sujet, cf. Shepticky, 2000). Or, comme nous le
verrons, ce ne sont pas les flux financiers illicites ou même les mafias
et les terroristes qui ont fait l’objet de tous les efforts des membres de
Schengen ou des politiques de l’Union. Il reste d’ailleurs au sein de l’Union
des micro-États et autres territoires « off shore » exempts des lois de lutte
contre le blanchiment d’argent. La coopération européenne s’est plutôt
concentrée au sein de l’espace de l’Union sur les hooligans et les altermondialistes et en dehors sur les migrants. Il est temps en effet d’aborder
à partir de nos travaux de recherche le cas des politiques d’immigration
européennes et d’analyser les jeux de niveaux qui se sont développés
dans ce domaine depuis l’accord de Schengen de 1985.
Politique des frontières
et jeux de souveraineté
Il est sans doute utile de rappeler brièvement quelles sont les compétences au niveau européen et national en matière d’immigration depuis
2005, année de l’échec des référendums français et néerlandais qui laisse
entendre que les réformes dans ce domaine inscrites dans le traité constitutionnel ne sont pas prêtes d’entrer en vigueur. Le titre IV du traité
instituant la Communauté européenne (TCE) définit la politique de
l’Union européenne en matière de « visas, asile, immigration et autres
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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politiques liées à la libre circulation des personnes ». Ces domaines
communautaires associés à la mise en œuvre progressive d’un espace
de liberté, de sécurité et de justice couvrent : la libre circulation des
personnes ; le contrôle des frontières extérieures ; l’asile, l’immigration
et la protection des droits de ressortissants de pays tiers ; la coopération
judiciaire en matière civile.
À l’issue d’une période transitoire de cinq ans suivant l’entrée en
vigueur du traité d’Amsterdam (mai 1999), la Commission dispose d’un
droit d’initiative exclusif et la procédure de codécision entre le Parlement
et le Conseil s’applique. Le Conseil statue encore à l’unanimité dans la
plupart des domaines. En outre, la Cour de justice des Communautés
européennes dispose de compétences plus limitées par rapport au régime
général. Avant d’être insérés dans le TCE par le traité d’Amsterdam, ces
domaines relevaient du titre VI du traité sur l’Union européenne (troisième pilier). Le traité d’Amsterdam les a intégrés dans le cadre juridique
du premier pilier de l’Union européenne. Néanmoins, comme on vient de
le noter, les caractéristiques du mode dit « intergouvernemental » restent
importantes : unanimité, rôle limité de la Cour. Enfin, il faut souligner
qu’il s’agit d’une compétence partagée de l’Union européenne. Divers
types de décisions ont été pris. D’abord il existe un certain nombre de
directives cadres qui laissent en général dans leur formulation une
grande latitude aux États membres quant à leur mise en œuvre. Le rôle
de l’Union européenne est plutôt de diffuser des notions issues des discussions transgouvernementales et de les institutionnaliser. C’est le cas
par exemple de « pays tiers sûr » qui permet de renvoyer les demandeurs
d’asile sans avoir examiné leur demande dans le pays par lequel ils ont
transité. On peut parler aussi de socialisation des fonctionnaires qui
coopèrent ensemble sur ces questions dans de nombreuses opérations
pilotes, réunions de comités, etc. En somme, si les États membres ont encore
beaucoup de marge de manœuvre, la coopération intergouvernementale
a des effets sur les façons de penser et de faire des acteurs nationaux.
La coopération intergouvernementale sur l’immigration et l’asile a
commencé dans les années 1980, à un moment où les pays qui avaient
recruté des travailleurs étrangers ou des ressortissants de leurs anciennes
colonies voulaient restreindre les flux migratoires. Les gouvernements
n’avaient cependant pas pu empêcher le regroupement familial ou la venue
de réfugiés. Les hautes juridictions administratives ou constitutionnelles
s’étaient prononcées en ce sens à la fin des années 1970. Le statut des
résidents étrangers était consolidé. Pour les fonctionnaires responsables
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de la gestion des flux migratoires, les forums de coopération intergouvernementale pouvaient constituer une échappatoire aux contraintes
nationales qui pesaient sur leur action, notamment les normes constitutionnelles qui limitaient leur pouvoir discrétionnaire et les conflits interministériels. Dans ces forums intergouvernementaux à caractère secret
imitant le modèle du groupe de Trevi sur les problèmes liés au terrorisme
ou au trafic de drogue, ils gagnaient en autonomie.
La première opportunité pour développer l’activité transgouvernementale en matière migratoire se présenta en 1985 avec la signature de
l’accord de Schengen entre le Benelux, la France et l’Allemagne. L’accord
de 1985 était une réponse politique à une mobilisation de chauffeurs de
poids lourds internationaux qui bloquèrent plusieurs postes frontières
en 1984 pour se plaindre des contrôles aux frontières qui ralentissaient
le commerce intra-européen. En 1985, Kohl et Mitterrand signent avec
leurs homologues du Benelux une charte d’intention visant à abolir les
frontières au sein de l’espace Schengen mais laissent le soin aux fonctionnaires organisés en groupe de travail de la concrétiser.
Les dirigeants politiques se désintéressant désormais du dispositif
Schengen, de nombreux conflits interministériels entre les ministères de
l’Intérieur et des Affaires étrangères se soldèrent par la mainmise des
fonctionnaires de l’Intérieur sur le processus des négociations. Ces derniers purent ainsi définir l’immigration comme exigeant des solutions
policières et évincer les autres points de vue. L’accord de mise en œuvre
de 1990 en témoigne : il met l’accent sur des mesures telles que la constitution d’une base de données (le SIS, Système information Schengen) où
sont inscrits les étrangers inadmissibles dans l’espace Schengen, solution
technique où les policiers pouvaient revendiquer une expertise plus légitimement que les fonctionnaires des Affaires étrangères (sur l’expertise,
voir le chapitre 10 de cet ouvrage). Comme ce sont les ministres des
Affaires étrangères qui négocient les traités, les diplomates prirent leur
revanche sur les policiers en 1997 à Amsterdam, avec l’incorporation de
l’acquis Schengen dans le cadre communautaire. Mais entre-temps les
groupes de fonctionnaires chargés de la négociation de 1990 puis de son
suivi (l’accord de Schengen n’entre en vigueur qu’en 1995 et les frontières internes ne sont levées qu’entre 1997 et 2000) ont stabilisé leurs
positions. Ils ont fait de Schengen non pas un laboratoire pour ouvrir
les frontières mais pour les renforcer, et surtout pour entamer des coopérations transgouvernementales dans des domaines très étendus et surtout
dans le domaine de l’asile et des migrations qui n’étaient pas au cœur
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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évidemment de la problématique de 1984 (marché commun et transport
routier européen).
Schengen n’est pas une simple conséquence de la politique du marché
commun. Les États partageaient-ils alors les mêmes intérêts en matière
d’immigration les incitant ainsi à coopérer ? Les flux d’étrangers non
communautaires, légaux ou illégaux, étaient stables et plutôt faibles en
1985-1986, quand les premiers groupes de travail européens furent mis en
place. Ce n’est que plus tard que les flux de réfugiés ont augmenté, mais
ils ont de toute façon concerné essentiellement l’Allemagne et non les
autres « poids lourds » de l’Union. C’est l’effondrement du bloc soviétique
en 1989 qui a servi de point d’orgue à l’activité transgouvernementale en
matière d’immigration et d’asile. L’arrivée de réfugiés de l’ex-Yougoslavie
en 1992-1993 et, enfin, la vision de l’ex-Union soviétique comme plaque
tournante des mafias et de l’immigration clandestine justifient au fil des
années 1990 a posteriori les mesures de renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne. Avec la fin de la guerre froide, les forces
de sécurité cherchent à identifier de nouvelles menaces à caractère transnational, et l’immigration en fait partie. Elle est ainsi associée dans les
textes officiels à des activités criminelles. Comme nous l’avons souligné
ailleurs (Guiraudon, 2003), on a trouvé la « solution » avant de définir le
« problème », et les différents éléments de politique publique se succèdent
comme dans les situations d’anarchie organisée que March et Olsen associent à leur « modèle de la poubelle » (1989).
L’ouverture des négociations de Schengen avait offert un cadre décisionnel dans les années 1980 aux fonctionnaires chargés des politiques
de contrôle migratoire. La fin de la guerre froide a pérennisé leurs activités.
C’est à la faveur de ces opportunités que l’on peut comprendre la forme
et le contenu de la communautarisation progressive des politiques
migratoires. Il aurait pu en être autrement si la conjoncture économique
avait été meilleure. Il est désormais plus difficile de réorienter la politique
européenne d’immigration pour en faire une politique de marché du
travail maintenant que des groupes de fonctionnaires Intérieur et Justice
ont investi l’espace européen et y défendent leurs intérêts et leur point
de vue. Les retombées du 11-Septembre sur la politique européenne ont
en outre renforcé l’aspect sécuritaire des politiques migratoires.
En tout cas, progressivement depuis l’accord de Schengen, les politiques
d’immigration et d’asile sont devenues un domaine de compétence de
l’Union européenne accolées aux politiques des « frontières extérieures »
de l’Union et situées dans les directions et conseils « Justice et affaires
intérieures » (désormais « Justice, liberté et sécurité »). Le traité d’Amsterdam,
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entré en vigueur le 1er mai 1999, consacre la compétence de la Communauté européenne – devenue Union européenne – en matière d’immigration et d’asile et incorpore, par protocole, les dispositions de l’accord de
Schengen et de sa convention d’application dans le cadre légal de
l’Union européenne. Le Conseil européen, lors du sommet d’octobre
1999 à Tampere, a déclaré qu’il fallait « dans les domaines distincts,
mais étroitement liés, de l’asile et des migrations, élaborer une politique
européenne commune ».
Mais peut-on parler de politique « européenne » des frontières ? Que
cache ce vocable ? Le cadre de prise de décision établi à Amsterdam
demeure ainsi plus « intergouvernemental » que véritablement « supranational ». Il semble contredire la volonté exprimée de réaliser une
politique commune. Tout d’abord, jusqu’en avril 2004, la Commission
européenne n’était pas la seule institution autorisée à proposer des directives, mais partageait cette compétence avec les États membres qui en
ont fait usage, en particulier lorsqu’ils présidaient l’Union. Ensuite, à la
demande de l’Allemagne, le Conseil des ministres statue à l’unanimité
(dans la plupart des cas 6). Le Parlement n’a eu longtemps qu’un pouvoir de consultation, et encore celui-ci n’a pas toujours été respecté de
façon satisfaisante. Le Conseil a statué en 2004 pour que la codécision
s’applique dans une partie seulement du domaine (par exemple pas dans
le cas de l’immigration légale, des visas et de la coopération judiciaire
et policière). Enfin, si la Cour de justice des Communautés européennes
(CJCE) peut depuis 1999 se prononcer sur les mesures prises dans le cadre
du traité, titre IV sur l’immigration et l’asile (articles 61 à 63), les États
membres, et surtout la délégation française à Amsterdam, ont jugé bon
de limiter son rôle. Seules les juridictions nationales de dernière instance
peuvent demander à la CJCE de se prononcer dans une affaire relevant à
leurs yeux du droit communautaire, alors que cette procédure du renvoi
préjudiciel est à l’origine de nombreux recours et d’une partie importance
de la jurisprudence. La CJCE n’a pas compétence pour juger des mesures
nationales sur le franchissement des frontières prises pour maintenir
l’ordre public ou préserver la sécurité intérieure. Sachant que ces deux
raisons justifient nombre de mesures dans ce domaine, le rôle de la Cour
s’en trouve amoindri.
En réalité, les représentants des États membres, en particulier la
France et l’Allemagne, veulent une politique européenne sans donner
un rôle important aux institutions supranationales européennes qui, par
6. La politique des visas admet le vote à majorité qualifiée.
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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le passé, soit se sont prononcées pour une politique généreuse envers
les ressortissants des pays tiers – c’est le cas du Parlement ou des unités
de la direction générale (DG) Emploi et affaires sociales de la Commission – soit ont étendu des droits de libre circulation à des citoyens hors
Union européenne leur permettant de résider, de travailler ou d’obtenir
des prestations sociales dans un État de l’Union – c’est le cas de la CJCE.
En effet, cette dernière, par une série de jugements, a accordé des droits
dérivés de libre circulation non seulement aux familles des citoyens
européens, mais également aux citoyens de pays ayant conclu un accord
d’association avec la CEE, notamment la Turquie en 1964 et les pays du
Maghreb, et enfin aux employés des entreprises de service communautaires se déplaçant dans un autre pays membre de l’Union. Ainsi, il
semble que les autorités nationales responsables de la gestion des flux
migratoires, les ministères de l’Intérieur et de la Justice, sans être parvenus à conserver le monopole d’élaboration des politiques d’immigration,
se sont prémunis contre des points de vue institutionnels différents du
leur. Ce faisant, et en particulier avec la règle de l’unanimité – a fortiori
dans une Europe à vingt-sept – ils ne peuvent plus avancer sur le plan
décisionnel. Des solutions de type Schengen sont alors trouvées. C’est
le cas du traité de Prüm « relatif à l’approfondissement de la coopération
transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale » de mai 2005 signé par
sept États membres à l’initiative des ministres de l’Intérieur allemand et
luxembourgeois hors cadre de l’Union européenne. Il prévoit à terme
que l’Union « incorpore » ou avalise comme pour Schengen les décisions
prises par les groupes de travail de Prüm.
Cette politique est-elle une politique européenne ? Le cadre défini à
Amsterdam ne concerne pas les Quinze. Le traité d’Amsterdam a consacré
l’« Europe à la carte ». Le Royaume-Uni, l’Irlande du Nord et, par voie
de conséquence, la République d’Irlande ne participent aux politiques
d’immigration et d’asile que lorsqu’ils le souhaitent ; c’est un opt-in au
cas par cas qui doit être avalisé par les autres pays. Le Danemark, partie
prenante du dispositif Schengen, ne participe pas au titre IV sur l’immigration et l’asile, ce qui, de ce fait, requiert des traités entre l’Union
européenne et le Danemark à chaque mesure adoptée. L’Islande et la
Norvège n’appartiennent pas à l’UE mais, à cause de leur appartenance
à l’Union douanière nordique, ont signé un accord qui les engage à
incorporer l’intégralité de l’acquis Schengen et des mesures déjà prises
dans le cadre de la coopération dans le domaine de compétences de la
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DG Justice et affaires intérieures. En 2004, les négociations sur la participation de la Suisse à l’espace Schengen ont abouti, et cette adhésion a
été approuvée par votation puis par référendum en 2005. En outre, de
nombreux processus multilatéraux existent en parallèle de l’Union européenne, en particulier les CIG (consultations intergouvernementales sur
l’asile, les réfugiés et les politiques migratoires. Il existe aussi des groupes
de travail au sein du Conseil de l’Europe, de l’Organisation de coopération et de développement économiques), de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe et des Nations unies, ainsi qu’une
activité accrue d’organisations internationales aussi diverses qu’Interpol
et l’Organisation internationale des migrations.
Par ailleurs, tous les membres de l’Union européenne ne décident pas
à pied d’égalité. Schengen, c’est un petit groupe de pays qui décide des
règles du jeu et ensuite d’autres pays les rejoignent en acceptant les
décisions déjà prises en bloc. Enfin, c’est cet « acquis Schengen » qui est
incorporé par protocole dans le cadre de l’Union européenne et auquel
tout État candidat devra se conformer. Le traité d’Amsterdam est sans
équivoque : les pays candidats doivent se conformer à l’acquis Schengen
et à toutes les mesures afférentes à sa mise en œuvre 7. Les pays candidats
ont dénoncé la rigidité de l’Union sur ces questions alors que certains
pays de l’Union ne participent pas à Schengen, que d’autres comme l’Italie
et la Grèce ont mis sept ans pour satisfaire aux exigences de l’accord,
et enfin, que dans la pratique, les directives européennes ne sont pas
appliquées à la lettre. « Cordon sanitaire » de l’Europe de l’Ouest, les pays
candidats ont adopté de nombreuses lois sur l’immigration et l’asile sur
le modèle ouest-européen et ont développé les moyens informatiques
pour, à terme, participer aux bases de données de l’Union. C’est une
« Europe à deux vitesses » puisque les nouveaux pays de l’Union européenne ne bénéficieront pas pour autant de la libre circulation 8. En ce
qui concerne les contrôles aux nouvelles frontières intérieures de
l’Union, ils ne seront levés que lorsque l’évaluation de la mise en œuvre
7. Les questions relatives aux frontières extérieures ont eu une importance
considérable dans les négociations pour l’accession des anciens pays de l’Est
et environ 10 % des fonds du programme Phare, destiné à aider les pays candidats à préparer leur adhésion à l’UE, ont été consacrés aux contrôles frontaliers,
en particulier à l’est de la Pologne.
8. Pendant cinq à sept ans après 2004, le droit de travailler dans un État membre
ne s’appliquera pas aux salariés des huit pays d’Europe centrale et orientale,
même si les ressortissants de l’UE seront prioritaires sur le marché de l’emploi
par rapport aux non-communautaires sauf si les gouvernements le veulent.
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des dispositions de l’accord de Schengen et de sa convention d’application sera finie pour les États membres et pour les pays candidats après
l’accession. En outre, l’Allemagne et l’Autriche ont exigé qu’une période
de transition soit établie avant que les citoyens des anciens pays de l’Est
et des États baltes jouissent des certains droits concernant la libre circulation des personnes (Commission européenne, 2002) 9.
Europe à la carte, Europe à deux vitesses, l’Europe de la justice et
des affaires intérieures est aussi peu solidaire et peu harmonisée. Peu
solidaire car certains instruments sont explicitement conçus pour se
débarrasser des demandeurs d’asile dont on ne veut pas en les renvoyant
dans d’autres pays de l’Union par lesquels ils ont transité. C’est le cas
de la convention de Dublin de 1990 qui est maintenant un règlement
du Conseil 10 assorti d’une base de données d’empreintes digitales de
demandeurs d’asile Eurodac 11. Les politiques sont par ailleurs peu
harmonisées car les décisions sont prises à l’unanimité dans la plupart
des cas. La méthode du plus petit dénominateur commun se traduit par
des textes de directive qui pose des « standards minimaux » avec toutes
sortes d’échappatoires juridiques pour les États membres souhaitant le
statu quo. Ce qui a été développé devant cette impasse législative, c’est
plutôt les opérations communes et les bases de données en attendant la
politique des frontières « de l’espace » quand Galileo, le système GPS,
européen permettra la surveillance par satellite des mouvements humains
aux frontières.
Si l’on analyse les mesures déjà adoptées, on constate également que
l’accent a été mis sur le contrôle des immigrants « indésirables » avant
qu’ils ne franchissent les frontières. Des agents publics (les consulats) et
privés (les compagnies aériennes) opèrent à des points situés en amont
de l’entrée sur le territoire. Du point de vue des pays d’accueil, cela
empêche l’accès au système judiciaire et aux procédures d’asile. Les
règlements sur les visas et la directive sur les sanctions contre les transporteurs entrent dans ce cadre 12. Un autre aspect de cette politique est
9. Chypre et Malte ne sont pas concernés par ces restrictions.
10. Règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant
les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de
l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un
ressortissant d’un pays tiers, JO L 50 du 25 février 2003, p. 1-10.
11. Règlement no 2725/2000 du Conseil, du 11 décembre 2000, concernant la
création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales
aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin, JO L 316 du
15 décembre 2000.
12. Sur les visas, voir le règlement (CE) no 574/99 du Conseil, du 12 mars
1999, déterminant les pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d’un
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de forcer les pays de transit ou d’origine à empêcher l’émigration. Au
niveau européen, un groupe de haut niveau « asile et migration », « transpilier », a été chargé dès 1998 d’étudier les possibilités de coopérer avec
les États de départ et de travailler avec la Turquie pour empêcher l’arrivée
de migrants indésirables venus du Moyen-Orient ou des Balkans. L’immigration figure désormais en bonne place dans la politique extérieure
de l’Union européenne. De nombreux pays sont tenus de coopérer en
matière de « lutte contre l’immigration clandestine » en échange d’une
attitude favorable de l’Union en matière de politique étrangère, de politique
commerciale ou d’aide au développement. Les accords de réadmission
des étrangers en situation irrégulière sont désormais une priorité de
l’Union européenne dans ses rapports avec les pays tiers. Ainsi, au risque
de faire échouer au dernier moment les négociations en 2000 lors de la
révision de l’accord entre les Quinze et les soixante et onze pays ACP dits
de Cotonou, les ministères de l’Intérieur insistèrent pour qu’une clause
standard portant sur la réadmission soit insérée dans le texte final. Au
sommet de Séville en 2002, il a été question de sanctionner financièrement les pays de départ non coopératifs 13. Les politiques européennes dans
ce cadre ne remplacent pas les initiatives bilatérales. Ce que l’Italie peut
promettre à la Libye par exemple, c’est la construction d’une autoroute.
L’Union de son côté donne de la légitimité sur la scène internationale
à la Libye en négociant sur ces questions. Politique nationale et européenne
sont ici complémentaires.
Pour finir, il semble que l’Union européenne comme les gouvernements nationaux ont entamé une politique de cooptation des États tiers
pour qu’ils adoptent une politique de contrôle à la frontière et empêche
le départ des migrants y compris en acceptant la présence d’opérations
militaires coordonnées par l’Agence européenne Frontex dans leurs eaux
territoriales si ce sont des pays côtiers comme la Mauritanie.
visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres et les
actes modificatifs ainsi que les « Instructions consulaires communes » (JO C 313,
16 décembre 2002, p. 1). Sur les sanctions contre les transporteurs, voir l’article 26 de la convention de Schengen et la directive no 2001/51/CE du Conseil,
du 28 juin 2001 (JO L 213 du 15 juin 2004).
13. Les conclusions de la Présidence qui l’ont clôturé envisagèrent au final que
des « mesures » soient prises contre les pays tiers s’ils ne coopèrent pas pour
reprendre leurs ressortissants.
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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Un outil de légitimation
pour l’Union européenne et pour les États
Le budget de l’Union européenne finance désormais à hauteur de
37 millions d’euros par an Frontex (tiré de la locution française « frontières extérieures »), agence située à Varsovie et dirigé par un Finlandais
(sur le rôle des agences, voir le chapitre 11 de cet ouvrage). Cette
« Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle
aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne » a
été créée par un règlement du Conseil en 2004 14. Nous sommes encore
loin d’un véritable corps européen de gardes-frontières, même si l’idée
a fait son chemin, car Frontex ne fait que « coordonner » des opérations
jointes spectaculaires comme HERA I, II, Poseidon ou encore Nautilus
et autres patrouilles maritimes sur les mers méditerranéenne et adriatique. Alors que l’immense majorité des étrangers en situation irrégulière
sont arrivés légalement, Frontex comme les médias qui diffusent des
images de pateras arrivant aux Canaries... participent de cette symbolique des frontières. On retrouve dans les communiqués de Frontex le
jargon eurocratique et managérial d’autres instances du même type,
même si l’agence est plus opaque et dans le registre du service secret
que les autres agences. Il ne s’agit plus ici de rendre visible le contrôle de
l’État mais celui de l’Union européenne. On voit ainsi comment l’Union
s’entoure des attributs traditionnels de la souveraineté et permet au
mythe de l’Europe forteresse de perdurer.
Nous avons tenté dans ce chapitre de montrer que ce mythe – tout
comme celui de l’immigration incontrôlée et de l’Europe passoire –
masque les vrais enjeux de la politique des frontières. En se concentrant
sur le contrôle aux frontières, on oublie l’immensité des flux légaux que
l’Union européenne et ses États membres accueillent. Si l’Union européenne a désormais comme priorité une politique de renforcement des
frontières extérieures qu’elle impose aux pays candidats et à ses autres
« voisins », il ne faut pas oublier que les principaux bénéficiaires de cette
politique sont des acteurs bureaucratiques nationaux, essentiellement
issus des ministères de l’Intérieur et de la Justice qui ont renforcé leur
position. S’ils ont pu le faire c’est sans doute qu’ils n’ont pas pour autant
empiété sur les intérêts des acteurs économiques qui continuent d’obtenir
de leurs gouvernements nationaux les travailleurs étrangers dont ils ont
14. Règlement (CE) no 2007/2004, JO L 349 du 25 novembre 2004.
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besoin. Par ailleurs, ils ont bénéficié du soutien des élus politiques qui
voulaient récupérer les voix des partis xénophobes ou du moins des
électeurs susceptibles d’être mobilisés contre l’immigration. On l’a vu en
France aux dernières élections avec le transfert des voix des électeurs
du Front national au candidat de l’UMP qui avait promis la création
d’« un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale » et qui a tenu
sa promesse une fois élu.
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POLITIQUES PUBLIQUES, 1
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Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration
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Pour approfondir
Malcolm Anderson a beaucoup travaillé sur la frontière comme institution
politique et a dirigé plusieurs ouvrages sur la question, en particulier un
ouvrage, en anglais, très accessible sur les frontières de l’Europe (Anderson
et Bort, 1997). Un article d’introduction à la question, en français, a paru
en 1997 dans Cultures et conflits. Cette revue interdisciplinaire a publié de
nombreux articles sur le sujet (www.conflits.org). Son rédacteur en chef Didier
Bigo est un des premiers à s’être intéressé à la coopération transfrontalière
en matière de sécurité (Bigo, 1996). Parmi les ouvrages collectifs analysant
les frontières de l’Union, on peut citer Andreas et Snyder (2000) Groenendijk,
Guild et Minderhoud (2002), et Bigo et Guild (2005). Peter Andreas (2001)
est l’auteur d’un ouvrage très stimulant sur la fonction de la frontière entre
le Mexique et les États-Unis, qui montre l’escalade dans le contrôle des flux
et analyse leurs causes et effets (pervers). La Chambre des lords du RoyaumeUni et le Sénat français publient régulièrement des rapports très fournis sur
les frontières extérieures de l’Union, qui sont consultables en ligne. Le site
de l’ONG Statewatch (www.statewatch.org) met à disposition tous les textes
pertinents sur les politiques en Europe dans ce domaine.
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